DON DE SAGESSE (extraits du Traité de la Charité, Par SAINT THOMAS D’AQUIN.)
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DON DE SAGESSE (extraits du Traité de la Charité, Par SAINT THOMAS D’AQUIN.)
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LA CHARITÉ
QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
Nous allons maintenant considérer le don de sagesse, lequel correspond à la charité. Parlons d'abord de la sagesse elle-même; ensuite, du vice qui lui est opposé.
A propos de la sagesse, nous nous poserons six questions : 1. La sagesse doit-elle être comptée parmi les dons du Saint-Esprit ? — 2. Quel est son sujet ? — 3. La sagesse est-elle seulement spéculative ou bien est-elle aussi pratique ? — 4. La sagesse, qui est un don, peut-elle exister en compagnie du péché mortel ? — 5. Existe-t-elle en tous ceux qui ont la grâce sanctifiante ? — 6. Quelle est la béatitude qui lui correspond ? [94]
note explicative:
[94] Qu. 45. Prol. — A chacune des vertus théologales et morales saint Thomas a rattaché un don, — il y en a en réalité deux pour la foi; la crainte pour sa part, desservant conjointement l'espérance et la tempérance —, dont l'activité se rapporte de façon plus particulière, quoique non exclusive, à la fin de cette vertu. Ainsi, pour ne parler que des vertus théologales, à la foi se voient rattachés les dons d'intelligence et de science, à l'espérance celui de crainte de Dieu, à la charité enfin le don de sagesse. Les raisons de ce dernier rapprochement se manifesteront dans la suite.
Six articles sont ici consacrés au don de sagesse, les cinq premiers concernant le don lui-même et le dernier étant réservé à la béatitude correspondante de la paix. Le don de sagesse avait été étudié par saint Thomas dans les Sentences où un article de trois "quæstiunculæ" lui avait été consacré (III, dist. 35, qu. 1, art. 1). — On sait que sur cette question des dons saint Thomas, qui arrive au terme d'une longue période d'élaboration théologique, commencée dès l'âge patristique, est particulièrement tributaire de saint Augustin et de saint Grégoire, dont les noms reviennent continuellement ici avec celui d'Aristote. A côté de ces noms de fondateurs de la doctrine, nous ne pouvons évidemment éviter de faire une place à Jean de Saint-Thomas, dont le traité des dons {Cursus theologicus, in Prima Secundæ[/i], disp. 18, qu. 70) comprend un long article où sont étudiés conjointement les dons de sagesse et de science (art. 4, Quid de dono sapientiæ et scientiæ, éd. Vives, t. VI, pp. 634-655).
— Pour l'histoire des dons ainsi que pour leur étude systématique ( Dons du Saint-Esprit, dans le Dictionnaire de théologie catholique t. IV, coll. 1728-1781.)
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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LA CHARITÉ
QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 1. La sagesse doit-elle être comptée parmi les dons du Saint-Esprit ?
DIFFICULTES: 1. Non, semble-t-il. En effet, les dons sont plus parfaits que les vertus, nous l'avons vu plus haut. Or, la vertu ne se réfère qu'au bien, ce qui a fait dire à saint Augustin que "personne ne fait un mauvais usage des vertus". A plus forte raison en est-il ainsi des dons du Saint-Esprit, qui se réfèrent donc au bien seul. Mais la sagesse se réfère aussi au mal. Saint Jacques ne parle-t-il pas d'une sagesse "terrestre, animale, diabolique" ? La sagesse ne doit donc pas être placée parmi les dons du Saint-Esprit.
2. D'après Saint Augustin, "la sagesse est la connaissance des choses divines". Or la connaissance des choses divines dont l'homme est naturellement capable, relève d'une sagesse qui est une vertu intellectuelle. Quant à la connaissance surnaturelle des choses divines, elle appartient à la foi qui est une vertu théologale, cela nous est apparu plus haut. Il faut donc dire que la sagesse est une vertu plutôt qu'un don.
3. Nous lisons au livre de Job: "La crainte du Seigneur, voilà la sagesse; s'écarter du mal, voilà l'intelligence". Quant à l'édition des Septante, dont se sert saint Augustin, elle porte: "La piété, voilà la sagesse". Or, la crainte aussi bien que la piété sont déjà placées parmi les dons du Saint-Esprit. Il n'y a donc pas lieu de compter la sagesse comme un don différent des autres. . .
CEPENDANT: En Isaïe, nous lisons: "Sur lui reposera l'esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d'intelligence, etc.. " [95].
note explicative:
[95] Qu. 45, art. 1, Cependant. —Saint Thomas invoque ici le texte messianique d'Isaïe (XI, 2-3) qui est à la base de toute l'élaboration théologique de la doctrine des dons. On sait que la Vulgate, suivant la traduction des Septante, dédoublait un des traits de l'Esprit énumérés par le texte hébreu, et aboutissait ainsi à la formule devenue classique du septénaire: "Spiritus sapientiæ et intellectus, spiritus consilii et fortitudinis, spiritus scientiæ et pietatis et replebit eum spiritus timoris Domini." L' "Esprit de sagesse", en cette énumération, est nommé le premier, ce qui invitera à lui donner un rôle éminent et privilégié dans l'organisme du septénaire.
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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LA CHARITÉ
QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 1. La sagesse doit-elle être comptée parmi les dons du Saint-Esprit ? (suite)
CONCLUSION: Selon le Philosophe, c'est le rôle du sage de considérer la cause la plus élevée; par elle en effet on peut juger de tout avec une grande certitude et c'est d'après elle qu'il faut tout ordonner. Or, la cause la plus élevée peut s'entendre d'une double façon: ou bien d'une manière absolue, ou bien dans un certain domaine. Celui qui connaît la cause la plus élevée en un certain domaine, peut, grâce à elle, juger et ordonner tout ce qui appartient à cet ordre de choses. Il est sage en ce domaine. Par exemple en médecine ou en architecture: "Comme un sage architecte, j'ai posé les fondations", écrit saint Paul. Mais celui qui connaît la cause la plus élevée d'une manière absolue, c'est-à-dire Dieu, on dit qu'il est tout simplement sage, dans la mesure où il peut, selon les règles divines, juger et ordonner toutes choses. Or, c'est le Saint-Esprit qui donne à l'homme d'avoir un tel jugement. "Le spirituel juge toutes choses", écrit saint Paul, car "l'Esprit scrute tout, jusqu'aux profondeurs divines". Il est donc clair que la sagesse est un don du Saint-Esprit [96].
note explicative:
[96] Qu. 45, art 1, Conclusion. — La conclusion de cet article ne fait que mettre en œuvre la notion générale de sagesse, telle que saint Thomas l'a reçue d'Aristote.
L'intelligence, au sens d'habitus, désigne la faculté de saisie immédiate et intuitive des vérités; comme une pareille saisie n'est possible que dans le domaine des principes, ce pouvoir se confond pratiquement avec ce que l'on appelle en thomisme "l'habitus des premiers principes". — Science et sagesse correspondent pour leur part aux connaissances obtenues par les causes; mais tandis que l'habitus de science n'est relatif qu'à un domaine particulier du savoir et ne se réfère qu'aux causes propres à ce domaine, l'habitus de sagesse est d'extension absolument universelle et en appelle aux causes les plus élevées.
— On prendra acte de la précision avec laquelle saint Thomas caractérise dès à présent l'activité propre à la sagesse: "Il revient au sage de considérer la cause la plus élevée par laquelle il juge en pleine certitude des autres choses, et selon laquelle il convient que toutes choses soient ordonnées". La connaissance de sagesse est une connaissance douée du degré maxima de certitude, à partir des causes les plus élevées; mais, de plus, et on y prend moins garde, c'est pour saint Thomas une connaissance qui s'exprime dans un jugement, judicium; or, chez saint Thomas, un tel terme a une signification technique très précise, ne correspondant pas exactement avec celle du mot français "jugement", lequel enveloppe tous les actes de la seconde opération de l'esprit: judicium, pour notre Docteur, est strictement réservé à la sentence dernière que l'on porte, au terme d'une résolution analytique où l'on est remonté jusqu'aux principes, selon que l'on perçoit qu'une telle sentence dépend de ces principes.
— Enfin à côté de cet acte de "juger", il en est un autre qui lui aussi est caractéristique de l'activité de la sagesse, celui "d'ordonner" , à partir même des principes qui sont intervenus dans le jugement. Ainsi donc, la formule apparemment banale et anodine, si souvent utilisée par saint Thomas, "il revient au sage de juger et d'ordonner", est-elle extrêmement étudiée et précise.(…)
Si nous revenons à la détermination de notre article, nous voyons qu'après avoir rappelé la définition générale de la sagesse et avoir remarqué que sont purement et simplement sages ceux qui connaissent par la cause première, Dieu, et "jugent" et "ordonnent", en conséquence, selon les règles divines, saint Thomas se contente de dire qu'un tel jugement est l’effet du Saint-Esprit, et donc que la sagesse qui l'inspire ne peut être qu'un don du Saint-Esprit. Aucune précision n'est encore donnée ici sur le mode propre de son activité: ce sera l'objet de l'article suivant.
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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Re: DON DE SAGESSE (extraits du Traité de la Charité, Par SAINT THOMAS D’AQUIN.)
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LA CHARITÉ
QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 1. La sagesse doit-elle être comptée parmi les dons du Saint-Esprit ? (suite)
SOLUTIONS: 1. Une chose est dite bonne de deux façons. D'une première façon, lors¬qu'elle est vraiment bonne et absolument parfaite. D'une autre façon, par similitude on dira qu'une chose est bonne lorsqu'elle est parfaite en malice. Ainsi l'on parlera d'un "bon voleur" ou d'un "voleur parfait", comme le montre le Philosophe. De même qu'il existe une cause suprême dans le domaine des choses vraiment bonnes et c'est le souverain bien, la fin ultime dont la connaissance rend l'homme vraiment sage, de même il existe dans le domaine des choses mauvaises une chose à laquelle les autres se réfèrent comme à la fin ultime.
L'homme qui la connaît est un sage dans l'accomplissement du mal. "Ils sont sages pour faire le mal, mais ils ne savent pas faire le bien" (Jérémie). Quiconque en effet se détourne de la juste fin se donne nécessairement une fin mauvaise. On n'agit jamais que pour une fin. Quand on met sa fin dans les biens terrestres, la sagesse est "une sagesse terrestre"; si c'est dans les biens corporels, la sagesse est "une sagesse animale"; si c'est dans quelque supériorité, la sagesse est "une sagesse diabolique", car on imite l'orgueil du diable qui est, selon Job, "le roi de tous les fils de l'orgueil".
2. La sagesse qui est un don est différente de celle qui est une vertu intellectuelle acquise, car celle-ci s'obtient par l'effort humain, et celle-là, au contraire, "descend d'en haut", comme le dit saint Jacques. Elle diffère aussi de la foi, car la foi donne son assentiment à la vérité divine considérée en elle-même, tandis que c'est le jugement selon la vérité divine qui appartient au don de sagesse. Le don de sagesse présuppose donc la foi, car "il faut d'abord connaître pour pouvoir bien juger", comme le dit le Philosophe [97].
3. La piété, qui appartient au culte divin, rend la foi manifeste dans la mesure où, par le culte que nous rendons à Dieu, nous protestons de notre foi. De même la piété rend la sagesse manifeste. Aussi dit-on que "la piété est sagesse". Il en est de même pour la crainte. C'est en effet l'homme qui craint Dieu et qui l'honore qui a aussi un jugement juste en ce qui concerne les choses divines.
note explicative:
[97] Qu. 45, sol. 2. — La sagesse, a dit saint Augustin (De Trinit, 14, 1), est la connaissance des choses divines. Mais n'atteignons-nous pas déjà ces choses par notre vertu intellectuelle de sagesse, et, s'il s'agit du monde surnaturel, par notre vertu théologale de foi, et, pourrait-on ajouter, par la théologie, laquelle, mettant au service du donné de foi la raison naturelle, aboutit à un savoir qui, lui aussi, mérite le nom de sagesse ? Dès lors pourquoi requérir, pour s'élever à une telle connaissance, un don spécial du Saint-Esprit, vu que nous disposons déjà de moyens aussi multiples ? La très brève réponse de saint Thomas va nous donner l'occasion, en distinguant le don des autres formes de sagesse, de commencer à en préciser la nature.
a) Il importe tout d'abord d'avoir ici bien présent à l'esprit la distinction établie précédemment (Ia-IIæ, qu. 68) des dons et des vertus infuses. Après avoir écarté comme insuffisantes plusieurs tentatives d'explication de cette distinction, saint Thomas propose sa solution qui, s'inspirant du fait que dans l'Ecriture les dons sont appelés des "souffles... spiritus", en vient à caractériser ces réalités spirituelles par l'inspiration divine, plus précisément par la motion venant de l'extérieur, qu'ils impliquent. Il faut en effet considérer qu'il y a en l'homme deux principes moteurs, l'un intérieur, qui est la raison, l'autre extérieur, qui est Dieu. Ainsi les vertus perfectionnent-elles l'homme en tant qu'il est mû par sa raison, les dons le disposant, pour leur part, à être mû divinement: "et ces perfections sont appelées des dons, non seulement parce qu'elles sont infusées par Dieu, mais parce que, grâce à elles, l'homme est ainsi disposé qu'il est rendu promptement mobile à l'inspiration divine" (q. 68, art. 1). (…) C'est à la lumière de ces précisions qu'il convient de comprendre la formule un peu laconique de la solution 2, où d'ailleurs n'est mise en cause que la vertu naturelle de sagesse: "Le don de sagesse diffère de la sagesse naturelle acquise, parce que celle-ci résulte d'un labeur humain, tandis que celle-là vient d'en haut": non seulement, faut-il gloser, le don de sagesse vient d'en haut, comme étant un don surnaturel de Dieu, mais encore comme impliquant, dans son exercice même, une motion immédiate de l'Esprit-Saint.
b) La seconde partie de notre solution, qui concerne la distinction du don de sagesse et de la vertu de foi, a donné lieu chez les commentateurs à d'intéressantes précisions. Le texte qui en est l'occasion est le suivant: la sagesse, comme don, diffère de la foi en ceci que "la foi assentit à la vérité divine considérée en elle-même, tandis que le jugement qui est selon la vérité divine est le fait du don de sagesse."
La différence alléguée repose donc ici sur la distinction du jugement et de l’assentiment. Au premier abord, on ne manque pas d'être un peu surpris de cette affirmation: l'assentiment n'est-il pas la même chose que le jugement ? (…)
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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LA CHARITÉ
QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 2. La sagesse a-t-elle son siège dans l'intelligence ?
DIFFICULTES: 1. Saint Augustin dit que "la sagesse est la charité de Dieu". Mais la charité a son siège dans la volonté et non pas dans l'intelligence, comme on l'a vu plus haut. Par conséquent, la sagesse n'a pas son siège dans l'intelligence [98].
2. "La sagesse qui instruit justifie son nom". Or, la sagesse est une Science savoureuse. Elle semble donc relever de l'affection à laquelle il appartient de goûter les joies et les douceurs spirituelles. La sagesse n'a donc pas son siège dans l'intelligence, mais plutôt dans l'affection.
3. La puissance intellectuelle se parfait par le don d'intelligence. Et quand une chose suffit pour en parfaire une autre, il est inutile d'en réclamer plusieurs. La sagesse n'a donc pas son siège dans l'intelligence.
CEPENDANT, selon saint Grégoire, la sagesse est contraire à la sottise. Comme la sottise est dans l'intelligence, il en est de même pour la sagesse.
note explicative:
[98] Qu. 45, art. 2, diff. 1 et 2. — Saint Thomas plaide, en ces difficultés, la cause du caractère affectif du don de sagesse, cause qui paraît avoir pour elle l'autorité de saint Augustin; l'étymologie du terme lui-même, — sapientia: sapida scientia, c'est-à-dire science savoureuse —, va aussi dans ce sens, et aux Sentences (qua. 3a) (…)
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 2. La sagesse a-t-elle son siège dans l'intelligence ? (suite)
CONCLUSION : La sagesse suppose une certaine rectitude de jugement concernant les choses divines, mais cette rectitude de jugement peut exister de deux façons: ou bien en raison d'un usage parfait de la raison; ou bien en raison d'une certaine connaturalité avec les choses sur lesquelles porte le jugement. Ainsi, par exemple, en ce qui regarde la chasteté, celui qui apprend la science morale juge-t-il de manière correcte par suite d'une inquisition rationnelle; tandis que celui qui a l'habitué de chasteté le fait par une certaine connaturalité à ces choses. De même, en ce qui regarde les choses divines, avoir un jugement correct, en vertu d'une démarche de la raison, relève de la sagesse qui est une vertu intellectuelle. Mais avoir un jugement correct sur les choses divines par mode de connaturalité relève de la sagesse en tant qu'elle est un don du Saint-Esprit.
Denys, parlant d'Hiérothée, dit de lui qu'il est parfait en ce qui concerne les choses divines "non seulement parce qu'il les connaît, mais parce qu'il les éprouve". Ce sens des choses divines, cette connaturalité avec elles nous est donnée par la charité qui nous unit à Dieu. Celui qui s'unit à Dieu n'est avec Lui qu'un seul esprit". Ainsi donc, la sagesse qui est un don a pour cause la volonté, c'est-à-dire la charité; mais elle a son siège dans l'intelligence, dont l'acte est de juger correctement, comme on l'a vu plus haut [99].
note explicative:
[99] Qu. 45, art.2, Concl. — Le caractère essentiellement intellectuel du don de sagesse ou, pour reprendre le titre de cet article, le fait qu'il est subjecté dans l'intelligence tient à ce que la sagesse est affaire de jugement. Saint Thomas en prend acte; et il n'a pas à justifier autrement la conséquence qu'il en tire quant à la localisation de ce don, car celle-ci lui paraît aller de soi: juger est évidemment un acte de notre faculté cognitive supérieure.
Mais ce qui le préoccupe, et là est l'intérêt de l'article, c'est de préciser le motif du jugement, plus exactement du jugement droit, qui se réalise en ce don. La rectitude d'un jugement peut en effet avoir une double cause: un usage parfait de la raison, ou une certaine connaturalité avec l'objet dont on a à juger; et saint Thomas d'évoquer ici l'exemple, qu'il tient d'Aristote, du chaste, qui, sans avoir à raisonner, a d'instinct un discernement moral sûr en ce qui touche à ce domaine. Or c'est à une telle connaturalité avec l'objet divin, connaturalité qui se réalise dans la charité, que notre don fait appel dans son jugement. Comment comprendre un tel type de connaissance ?
La connaissance par connaturalité nous apparaît tout d'abord comme un mode de connaissance affective. Que je vienne à m'intéresser affectivement à un objet, soit à des fins pratiques, soit simplement parce qu'il me plaît, et il est clair que la connaissance que je puis en avoir se trouve modifiée, et non seulement parce que cette application affective est naturellement un stimulant pour mon activité cognitive, mais encore parce qu'il semble que l'objet lui-même, du fait par exemple qu'il est aimé, en reçoit pour mon intelligence comme une tonalité ou une coloration nouvelle. Peut-on dire alors qu'en cette condition, l'objet devient pour nous source de renseignements positifs nouveaux, en dehors de ce que nous atteignons par notre pur connaître ? Nous ne pouvons discuter ici cette question. Qu'il soit simplement reconnu que, pour le fond, la réponse est négative: l'amour, pour reprendre notre cas, n'est pas une connaissance, et l'adaptation, la "coaptatio", comme dit saint Thomas, qui le proportionne à son objet n'ajoute pas d'éléments objectifs à ceux qu'avaient pu contenir les actes cognitifs qui sont à son principe. Toute la ressemblance avec l'objet qui se trouve dans la connaissance affective est déjà dans l'idée qui l'informe; cependant l'on doit dire que l'on saisit alors l'objet sous un mode nouveau, comme un objet aimé, et qui, à ce titre, se présente comme spécialement référé au sujet.
Dans le cas du jugement proprement dit de connaturalité l'apport venant de l'affectivité a quelque chose de plus déterminant. L'exemple proposé était celui d'une appréciation morale: ceci, en matière de chasteté, est-il bon ou mauvais ? le chaste, pour en décider, n'a pas besoin de recourir à la science du moraliste, il n'a qu'à se fier à son instinct ou à sa tendance profonde qui étant vertueuse se trouve accordée à son vrai bien ou en connaturalité avec lui. Ainsi, la réaction spontanée de notre affectivité vertueuse, en face d'un objet, suffit-elle pratiquement pour le qualifier moralement; c'est que la tendance bonne apporte, en son domaine, comme un sens de discernement du bon et du mauvais: "Que quelqu'un détermine avec justesse en matière d'actes vertueux, cela provient proprement de l'habitus vertueux: ainsi le chaste détermine-t-il avec justesse ce qui regarde la chasteté » (2a-2æ, qu. 60, art. 1).
Ce qu'il faut bien comprendre ici, c'est que la valeur du jugement moral ainsi porté sur la réaction de notre affectivité tient essentiellement à la rectification vertueuse de celle-ci: "Celui qui a un habitus, s'il est droit, jugera de façon juste de ce qui se rapporte à cet habitus, mais s'il est corrompu il jugera faussement; ainsi, celui qui est tempérant a-t-il vis à vis des choses de la chasteté, un bon jugement, mais pas l'intempérant qui a un jugement faux (Commentaire sur les Philippiens., c. 1, 1. 2, début). Passant au cas de la charité, saint Thomas poursuit: "Or tous nos actes sont informés par la charité; celui donc qui a la charité a un jugement droit, et quant à ce qu'il faut savoir... et quant à ce qu'il convient de faire..." (Ibid.) Texte intéressant qui fait déjà bien voir la double orientation, spéculative et pratique, de notre don.
— A l'article cité plus haut de la qu. 60 de la 2a-2æ (art. 1, sol. 2) on relèvera cette belle formule où l'aptitude de celui qui a la charité à juger de façon droite est rapportée au don de sagesse: "L'homme spirituel, de par son habitus de charité, a une inclination à juger de tout d'après les règles divines, à partir desquelles il prononce son jugement selon le don de sagesse; comme le juste prononce, par la vertu de prudence, son jugement à partir des règles du droit."
Ainsi le don de sagesse nous apparaît-il comme une aptitude de jugement ou d'appréciation droite des choses divines, fondée sur la connaturalité de la vertu de charité avec ces mêmes choses. Nous aurons plus tard à préciser la portée de l'expérience qui en découle; qu'il soit simplement reconnu dès maintenant qu'elle ne peut, en cette vie, dépasser les limites de notre foi.
Objection. Si le jugement de connaturalité avec les choses divines est ainsi fondé sur la charité, pourquoi cette vertu ne suffirait-elle pas, éclairée simplement par la lumière de la foi, pour régler notre appréciation touchant ces objets ? Pourquoi, au système de puissances ainsi reconnu superposer un nouvel habitus ? Telle est la difficulté que se pose ici Cajetan.
La réponse est à chercher au traité général des dons, à l'endroit où se voit légitimée leur existence, à côté des vertus infuses. Dans l'ordre surnaturel, l'homme, même doué de vertus infuses, ne peut, parce qu'il agit encore selon un mode humain, s'adapter de façon suffisante à sa tâche; il a besoin, au-dessus de son gouvernement propre, d'être guidé de haut par l'Esprit-Saint: "Comme la raison ne meut vers la fin dernière surnaturelle que selon qu'elle est partiellement et imparfaitement informée par les vertus théologales, ce n'est pas assez de sa motion à elle, si par-dessus n'intervient l'inspiration et la motion du Saint-Esprit. C'est le mot de l'Epître aux Romains: "Ceux qui sont menés par l'Esprit de Dieu, voilà ceux qui sont les fils de Dieu, et s'ils sont fils, ils sont aussi héritiers." C'est aussi le mot du Psaume: "Ton bon Esprit m'attirera clans la terre où je dois aller". C'est-à-dire qu'effectivement nul ne peut parvenir à l'héritage qui est cette terre des bienheureux que s'il n'est mû et attiré par l'Esprit-Saint. Et voilà pourquoi il est nécessaire à l'homme, pour atteindre cette fin-là, d'avoir le don du Saint-Esprit » (Ia-IIæ qu. 68, art. 2). Il est clair que ce raisonnement, qui vaut pour tous les dons, s'applique au cas du don de sagesse, dont la nécessité s'impose ainsi, à côté des vertus de charité et de foi.
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 2. La sagesse a-t-elle son siège dans l'intelligence ? (suite)
SOLUTION: 1. C'est la cause de la sagesse que saint Augustin envisage ici. D'où elle tire son nom de sagesse, selon qu'elle comporte une certaine saveur.
2. La réponse à faire à la seconde difficulté est claire. Est-ce bien là cependant le sens qu'il faut donner à cette citation ? Il ne semble pas. On s'en est tenu à l'acception qu'a la sagesse en langue latine. Mais en grec elle n'a pas ce sens, et sans doute non plus dans les autres langues. Il semble plutôt que le nom de sagesse soit pris ici en raison de la réputation qu'elle possède aux yeux de tous.
3. L'intelligence a deux activités: elle perçoit, et elle juge. A la première de ces activités est ordonné le don d'intelligence; à la seconde, en ce qui concerne les choses divines, le don de sagesse, et, en ce qui concerne les choses humaines, le don de science [100].
note explicative:
[100] Qu. 45, art.2, sol. 3. — Qu'un don de l'Esprit-Saint soit nécessaire pour perfectionner notre intelligence vis-à-vis des choses divines, cela ressort de ce qui vient d'être dit. Mais en faudra-t-il plusieurs ? Or la foi ne nous était-elle pas apparue déjà perfectionnée par le don d'intelligence, et, en sus, par celui de science: quel besoin y a-t-il encore de requérir un don de sagesse?
On pourrait tirer argument, pour répondre à cette difficulté, du mode original d'agir de ce dernier don, en référence immédiate avec la charité, et par connaturalité. De fait, saint Thomas fait ici état de la diversité des activités de notre faculté intellectuelle, qu'il figure par le couple "percipere" et "judicare", diversité qu'il faut bien se garder de ramener, comme on serait tenté de le faire, à la distinction de la première et de la deuxième opération de l'esprit; la saisie immédiate du "percipere" pouvant très bien comporter, comme c'est le cas pour les premiers principes, des jugements (au sens moderne du mot), tandis que le "judicare" désigne ici toujours cette sentence terminale qui est obtenue par réduction d'une conclusion à ses principes.
Ainsi, en vertu de cette distinction, obtenons-nous trois types d'activité pour l'esprit, et, en conséquence, trois vertus pour la connaissance spéculative: intelligence, ou saisie immédiate des principes, science, ou connaissance par les causes inférieures; sagesse, ou connaissance par les causes supérieures. Et notre connaissance des choses divines se trouve fort normalement perfectionnée par trois dons: le don d'intelligence qui sera un don de pénétration en elles-mêmes, et dans leur contenu mystérieux, des vérités de foi; le don de science qui permettra de juger surnaturellement des choses de ce monde, en tant que telles, et le don de sagesse qui nous permettra de juger de tout à la lumière et selon la règle supérieure de Dieu Lui-même.
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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Re: DON DE SAGESSE (extraits du Traité de la Charité, Par SAINT THOMAS D’AQUIN.)
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 3.
La sagesse est-elle seulement spéculative ou bien est-elle aussi pratique ?
DIFFICULTES: 1. Il semble que la sagesse ne soit pas pratique, mais seulement spéculative. En effet, le don de sagesse dépasse en excellence la sagesse considérée comme vertu intellectuelle. Or, comme vertu intellectuelle, la sagesse est uniquement spéculative. A plus forte raison le don de sagesse est-il d'ordre spéculatif et non d'ordre pratique.
2. L'intelligence pratique concerne l'activité, donc le contingent. La sagesse, elle, regarde les choses divines qui sont éternelles et nécessaires. Par conséquent, la sagesse ne peut pas être pratique.
3. Selon saint Grégoire, "dans la contemplation on cherche le principe, c'est-à-dire Dieu; dans l'action au contraire, on cède au poids de la nécessité". Or, à la sagesse appartient la vue des choses divines, qui n'est pas un travail pénible; comme le dit le Livre de la Sagesse, "sa société ne cause point d'amertume ni son commerce de fatigue". La sagesse est donc uniquement contemplative, elle n'est ni pratique ni active.
CEPENDANT: Il y a ce qui est écrit dans l'épître aux Colossiens: "Conduisez-vous en toute sagesse à l'égard de ceux du dehors". Cela relève bien de l'action; par conséquent, la sagesse n'est pas seulement spéculative, mais aussi pratique.
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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LA CHARITÉ
QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 3.
La sagesse est-elle seulement spéculative ou bien est-elle aussi pratique ? (suite)
CONCLUSION : Selon saint Augustin, la partie supérieure de la raison est députée à la sagesse, et sa partie inférieure à la science. Or, la raison supérieure, toujours selon saint Augustin, porte son attention sur les raisons suprêmes, c'est-à-dire divines, et cherche à les examiner et à les consulter; à les examiner en ce qu'elle contemple les choses divines en elles-mêmes; à les consulter en ce qu'à partir des choses divines elle juge les choses humaines, et qu'à partir des règles divines elle dirige les actes humains. Ainsi donc, la sagesse, comme don, n'est pas seulement spéculative, mais aussi pratique [101].
note explicative:
[101] Qu. 45, art. 3, Concl. et sol. 1. — Le don de sagesse n'est pas seulement un don spéculatif, il est aussi un don pratique. Saint Thomas ne fait, dans sa conclusion, que prendre acte de la doctrine de saint Augustin plaçant le don de sagesse dans la "raison supérieure", laquelle s'applique à "considérer et à consulter" selon les raisons suprêmes, ce qui implique qu'elle est spéculative et pratique à la fois. — Dans la solution 1, il fait valoir aussi ce principe que plus une puissance est élevée, plus son champ d'application est étendu; étant plus excellent que la vertu de sagesse, qui n'est que spéculative, le don de sagesse pourra aussi envelopper à la fois le spéculatif et le pratique.
Il y aurait lieu de rapprocher cette conclusion de celle de l'art. 4 de la qu. 1 de la Prima pars où il est reconnu que la théologie est, elle aussi, un savoir à la fois spéculatif et pratique. La raison qui est invoquée en ce cas, est qu'un tel savoir unifie sous la même raison formelle du révélable ce qui était dispersé dans les diverses sciences philosophiques; "de même, était-il ajouté, que Dieu, par une même science, se connaît et connaît ce qu'il fait."
— En dernière analyse c'est, pour le don, comme pour la science théologique, dans l'unité du savoir divin qu'il faut rechercher le fondement de l'unité de notre propre savoir.
Difficulté. On pourrait se demander si le don de sagesse. dans sa fonction pratique ne fait pas double emploi avec un autre don intellectuel, celui de conseil, qui lui aussi est député à la direction de notre activité.
La réponse que Jean de Saint-Thomas propose à cette difficulté (qu. 70, art. 4, n° 28) va nous permettre de mieux comprendre la manière dont le don de sagesse vient éclairer notre action. "Bien que la sagesse soit un principe directeur de nos actions en tant qu'elles doivent être réglées par les règles éternelles qu'elle contemple... il faut encore, correspondant à la prudence qui dirige les vertus morales, un don de conseil. En voici la raison. De même que la prudence-vertu se distingue de la sagesse-vertu en ceci: que la prudence dirige selon les règles humaines ce qu'il y a lieu de faire en chaque circonstance, tandis que la sagesse, elle, n'est pas immédiatement régulatrice des actions mais considère et connaît les causes supérieures dont dépend la connaissance de ces règles et actions; — ainsi le don de conseil et celui de sagesse se rapportent-ils l'un à l'autre; en sorte que par le don de conseil nous sommes dirigés immédiatement dans nos actions pour faire un choix bon et juste...; tandis que par le don de sagesse, nous ne le sommes pas, mais contemplons les choses divines, non seulement en elles-mêmes, mais aussi pour autant qu'elles sont une règle plus élevée et non immédiate de ce qu'il convient de faire."
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 3.
La sagesse est-elle seulement spéculative ou bien est-elle aussi pratique ? (suite)
SOLUTIONS: 1. Plus une vertu est élevée, plus son domaine est étendu. C'est pourquoi, du fait que la sagesse comme don est plus excellente que la sagesse comme vertu intellectuelle, puisqu'elle atteint Dieu de beaucoup plus près en raison de l'union qui s'établit entre l'âme et lui, elle a le pouvoir de ne pas diriger seulement la contemplation, mais aussi l'action.
2. Les choses divines considérées en elles-mêmes sont nécessaires et éternelles. Elles règlent cependant les choses contingentes qui sont du domaine des actes humains.
3. Il faut d'abord considérer une chose en elle-même avant de la comparer à une autre. C'est pourquoi à la sagesse appartient tout d'abord la contemplation des choses divines, c'est-à-dire la vue du principe; ultérieurement il lui appartient de diriger les actes humains selon les raisons divines. Mais la sagesse n'apporte aucune amertume ni fatigue aux actes humains qu'elle dirige. A cause d'elle au contraire, l'amertume se tourne plutôt en douceur, et la fatigue en repos.
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 4.
La sagesse peut-elle exister sans la grâce, en compagnie du péché mortel ?
DIFFICULTES: 1. Il semble que oui. Les saints se glorifient surtout pour des choses qui ne peuvent exister en même temps que le péché mortel. "Notre gloire, dit saint Paul, c'est le témoignage de notre conscience". Mais de la sagesse on ne doit pas se glorifier, selon cette parole de Jérémie: "Le sage ne se glorifie pas de sa sagesse". Par conséquent, la sagesse peut exister sans la grâce, en compagnie du péché mortel.
2. La sagesse comporte une connaissance des choses divines, comme on l'a vu. Mais on peut avoir une connaissance de la vérité divine, même avec le péché mortel, si l'on en croit saint Paul qui a dit: "Ils retiennent la vérité divine captive de l'injustice". La sagesse peut donc exister avec le péché mortel.
3. Parlant de la charité, saint Augustin dit qu' "il n'y a rien de plus excellent que ce don de Dieu; il est le seul à séparer les fils du Royaume Eternel et les fils de perdition". Or, la sagesse diffère de la charité; elle ne sépare donc pas les fils du Royaume et les fils de perdition, et par conséquent elle peut exister avec le péché mortel.
CEPENDANT: Il y a cette parole du Livre de la Sagesse: "La sagesse n'entrera pas dans une âme malveillante, et elle n'habitera pas dans un corps soumis au péché".
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 4.
La sagesse peut-elle exister sans la grâce, en compagnie du péché mortel ? (suite)
CONCLUSION: La sagesse, don du Saint-Esprit, permet de juger correctement les choses divines, et les autres choses à partir des règles divines. Et cela en vertu d'une certaine connaturalité ou union qu'elle possède avec les choses divines. Ce qui n'a lieu que par la charité, on l'a vu. C'est pourquoi la sagesse dont nous parlons présuppose la charité; et comme la charité ne peut pas exister en même temps que le péché mortel, il en est de même pour la sagesse dont nous parlons [102].
note explicative:
[102] Qu. 45, art. 4, Concl. — A la différence de la connaissance naturelle dé Dieu, et même, en un état inférieur, de la connaissance de foi, la connaissance de sagesse ne peut se rencontrer en une âme sans la charité, pour la raison simple et décisive que cette vertu est, comme nous le savons, son fondement. Il peut toutefois subsister, chez celui qui a été illuminé précédemment par ce don supérieur, s'il vient à perdre la charité, un souvenir de ses expériences spirituelles antérieures, mais ce n'est pas en raison de l'exercice d'un don qu'il ne possède plus.
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DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 4.
La sagesse peut-elle exister sans la grâce, en compagnie du péché mortel ? (suite)
SOLUTIONS: 1. Cette parole doit s'entendre de la sagesse qui concerne les choses du monde, ou les choses divines, mais jugées à partir de raisons humaines. De cette sagesse les saints ne se glorifient pas, mais ils avouent ne pas la posséder, selon cette parole du Livre des Proverbes: "La sagesse des hommes n'est pas en moi". Par contre, ils se glorifient de la sagesse divine, selon cette parole de la Ière épître aux Corinthiens: « "nous sommes devenus sages selon Dieu".
2. Il s'agit ici de la connaissance des choses divines que l'on obtient par une étude et une recherche qui met en œuvre la raison. Elle peut exister avec le péché mortel. Tel n'est pas le cas de la sagesse dont nous parlons.
3. Même si la sagesse diffère de la charité, elle la suppose cependant. C'est pourquoi elle sépare les fils de perdition et les fils du royaume.
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 5.
La sagesse est-elle chez tous ceux qui sont en état de grâce ?
DIFFICULTES: 1. C'est une meilleure chose de posséder la sagesse que d'entendre la voix de la sagesse. Or, il n'appartient qu'aux parfaits d'écouter la sagesse, selon cette parole de saint Paul: "Nous parlons sagesse parmi les parfaits". Ainsi donc, comme ceux qui sont en état de grâce ne sont pas tous parfaits, il semble beaucoup moins vrai encore de dire que tous ceux qui sont en état de grâce possèdent la sagesse.
2. "Il appartient au sage d'ordonner", comme le dit le Philosophe au début des Métaphysiques. Et saint Jacques nous dit que le sage est "celui qui juge sans dissimulation". Mais il n'appartient pas à tous ceux qui sont en état de grâce de juger les autres ou de leur donner des ordres, mais seulement aux prélats. Ceux qui sont en état de grâce ne possèdent donc pas tous la sagesse.
3. La sagesse s'oppose à la sottise, comme le dit saint Grégoire. Or il y en a beaucoup qui sont en état de grâce et qui sont sots par nature. Le cas est net par exemple pour ceux qui, lors de leur Baptême, sont déjà dans un état dément ou pour ceux qui, ensuite, sans commettre de péché, deviennent fous. Ainsi donc, la sagesse n'existe pas forcément chez tous ceux qui sont en état de grâce.
CEPENDANT: Celui qui est sans péché mortel est aimé de Dieu, car ayant la charité il aime Dieu, et "Dieu aime ceux qui l'aiment". Or, d'après le Livre de la Sagesse: "Dieu n'aime que celui qui vit avec la sagesse". Donc, en tous ceux qui sont en état de grâce et qui sont sans péché mortel réside la sagesse.
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 5.
La sagesse est-elle chez tous ceux qui sont en état de grâce ? (suite)
CONCLUSION: La sagesse dont nous parlons comporte une certaine rectitude de jugement en ce qui concerne les choses divines à examiner et à consulter. A ce double point de vue, il y a des degrés différents de sagesse selon l'union aux choses divines. Ainsi en est-il qui n'ont en lot en fait de rectitude de jugement, tant dans la contemplation des choses divines que dans l'ordination des choses humaines selon les règles divines, que ce qui est nécessaire au salut. Cette sagesse ne manque à personne qui soit, par la grâce, sans péché mortel; car s'il est vrai que la nature ne présente aucune déficience en ce qui est nécessaire, c'est encore beaucoup plus vrai pour la grâce. C'est pourquoi, comme le dit saint Jean, "l'onction du Saint-Esprit vous enseignera toutes choses".
Mais il en est aussi qui reçoivent le don de sagesse à un degré plus éminent. D'abord pour la contemplation des choses divines, dans la mesure où ils pénètrent les mystères les plus profonds et où ils peuvent les manifester aux autres. Et aussi pour la direction des choses humaines selon les règles divines, dans la mesure où ils sont capables non seulement de se gouverner eux-mêmes en les suivant, mais encore de gouverner les autres. Ce degré de sagesse n'est pas commun à tous ceux qui sont en état de grâce, il est du domaine des grâces gratuites que le Saint-Esprit "distribue comme il veut", selon cette parole de saint Paul: "A l'un c'est une parole de sagesse qui est donnée par l'Esprit" [103].
note explicative:
[103] Qu. 45, art. 5, Concl. — Plusieurs problèmes sont touchés en cet article de texture un peu compliquée.
a) Tous ceux qui ont la grâce ont le don de sagesse. — Saint Thomas fait ici valoir cet argument: à ceux qui ont la grâce rien ne peut manquer de ce qui est nécessaire à leur salut; or, est-il évidemment sous entendu, une certaine participation au don de sagesse et à ses effets est nécessaire au salut.
— On pourrait aussi remarquer que tous les dons du Saint-Esprit sont connexes dans la charité: "Comme les vertus morales sont liées les unes aux autres dans la prudence, ainsi les dons du Saint-Esprit sont liés les uns aux autres dans la charité: ce qui revient à dire que celui qui a la charité a tous les dons du Saint-Esprit et qu'il n'en peut avoir un sans la charité » (Ia- 2æ, qu. 68, art. 5).
b) Mais tous ceux qui ont la grâce n'ont pas au même degré le don de sagesse.
— En principe, et comme aptitude radicale, les dons s'accroissent en même temps que la charité, en raison de leur connexion dans cette vertu; ceux donc qui auraient un degré plus élevé de charité posséderaient donc un don plus excellent de sagesse. Mais ici il peut y avoir une certaine inégalité, comme le remarque saint Thomas, dans le champ d'extension de ce don. Si l'on peut dire qu'il paraît être égal, à charité égale, dans la ligne de la sanctification personnelle de chacun, ou de la "gratia gratum datæ », il n'en va pas de même en ce qui concerne la direction des autres selon les règles divines. Nous passons ici en réalité dans le domaine des "gratia gratis faciens" ou des charismes qui sont distribués par l’Esprit-Saint selon son bon plaisir et pour l'utilité commune.
— D'où il faut tirer cette conséquence qu'une âme peut être très élevée en charité et avoir reçu, par exemple, des grâces de sagesse contemplative très abondante, et possède à un beaucoup moindre degré le don de diriger les autres dans les voies de Dieu, ce qui relève précisément du « sermo sapientiæ ». Un directeur moins saint pourra par contre, si Dieu lui en fait la grâce, être plus sage dans ses conseils. On pourrait peut-être dire aussi que, pour ce qui est de l'activité du don, même dans la ligne de la sanctification personnelle de chacun, l'Esprit-Saint se manifeste davantage chez les uns, sous forme contemplative, et chez les autres, sous forme active.
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 5.
La sagesse est-elle chez tous ceux qui sont en état de grâce ? (suite)
SOLUTIONS: 1. L'apôtre parle ici de la sagesse qui s'étend au mystère caché des choses divines, comme il l'explique au même endroit: "Ce dont nous parlons, c'est d'une sagesse divine, mystérieuse et demeurée cachée".
2. Quoiqu'il n'appartienne qu'aux seuls prélats de donner des ordres aux autres hommes et de les juger, il appartient cependant à tout homme d'ordonner ses propres actes et de porter un jugement sur eux.
3. Ceux qui sont baptisés et qui n'ont pas la raison, comme c'est le cas pour les enfants, ont cependant "l'habitus" de sagesse, selon qu'elle est un don du Saint-Esprit. Mais ils n'en possèdent pas encore l'exercice, à cause de l'obstacle corporel qui empêche en eux l'usage de la raison.
"IIa-IIæ, qu.45, par V. VERGRIETE O.P ; notes, par H.D. GARDEIL O.P. Éditions de la Revue des Jeunes, Paris, 1957."
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 6.
La septième béatitude correspond-elle au don de sagesse? [104]
DIFFICULTES : 1. "Heureux les pacifiques, car Us seront appelés fils de Dieu". C'est la septième béatitude. Elle se rapporte immédiatement à la charité. N'est-il pas dit dans les Psaumes: "Il y a une grande paix pour ceux qui aiment ta Loi". De son côté, saint Paul a écrit: "L'amour de Dieu a été diffusé dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné", Lui qui est, en vérité, "l'Esprit d'adoption des fils, Lui qui nous fait crier: Abba, Père". La septième béatitude doit donc être plutôt attribuée à la charité qu'à la sagesse.
2. Une chose se manifeste davantage par son effet prochain que par son effet éloigné. Or, l'effet prochain de la sagesse semble bien être la charité, selon cette parole du Livre de la Sagesse: "Elle se répand par les nations dans les âmes saintes et en fait des amis de Dieu et des prophètes". Quant à la paix et à l'adoption des fils, qui procèdent de la charité, ce sont, semble-t-il, des effets éloignés de la sagesse. La béatitude qui répond à la sagesse devrait donc plutôt être déterminée selon l'amour de charité que selon la paix.
3. "La sagesse d'en-haut est premièrement pure, ensuite pacifique, discrète, attentive, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bonnes œuvres, sans partialité, sans hypocrisie". Ainsi parle saint Jacques. La béatitude qui correspond à la sagesse ne doit donc pas être choisie plutôt selon la paix que selon les antres effets de la sagesse divine.
CEPENDANT: D'après saint Augustin, "la sagesse convient aux pacifiques, qui agissent sans, mouvement de rébellion, et obéissent à la raison".
note explicative:
[104] Qu. 45, art. 6, Titre. — Saint Augustin avait eu la pensée de rattacher aux dons du Saint-Esprit les béatitudes proclamées par Notre Seigneur sur la montagne et rapportées par saint Matthieu. Saint Thomas a, on le sait, précieusement recueilli cet héritage spirituel.
— Rappelons simplement ici que les béatitudes désignent très précisément, pour notre Docteur, des actes méritoires rattachés à chacun des dons, et dont ils représentent les œuvres les plus excellentes; ainsi l'esprit de dépouillement qui se trouve exprimé dans la première des béatitudes de saint Matthieu: "Beati pauperes..." serait-il un effet du don de crainte; l'esprit de paix, comme nous allons le voir, est, lui, un effet du don de sagesse. Ces actes excellents peuvent évidemment se réaliser chez tous ceux qui ont la grâce, puisque tous ceux qui sont dans cette condition ont les dons; mais comme ceux-ci s'exercent surtout dans les âmes plus élevées ou qui s'approchent de la perfection, ce sera surtout chez les meilleurs que les béatitudes seront exercées.
Aussi nous élevons-nous pratiquement, avec ce jeu de touches délicates de l'Esprit, vers les sommets de la vie spirituelle, où l'on s'approche de ce bonheur qui est promis à ceux qui accomplissent de telles œuvres. La béatitude qui est au terme de ces divines réalisations est, en dernière stance, celle même de l'éternité; mais elle est déjà anticipée en ce monde par ceux qui se conduisent ainsi; déjà ils reçoivent une récompense, comme d'ailleurs l'énoncé de chacune des béatitudes le proclame: bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu..., bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés enfants de Dieu. Ainsi voyons-nous, selon la lettre même de l'Evangile, que chacune des béatitudes comprend une œuvre méritoire,qui sera rapportée à un don spécial, et la récompense de cette œuvre. Saint Thomas, avec une ingéniosité où il entre en réalité une très grande expérience et finesse spirituelle, montre que chacune des récompenses annoncées par le Maître se trouve parfaitement correspondre à l'œuvre qui l'appelle; et comme cette œuvre elle-même est précisément adaptée à l'un des sept dons; en sorte que les sept premières béatitudes rapportées par saint Matthieu, avec leurs mérites et leurs récompenses, et les sept dons qui sont à leur principe, constituent un système merveilleusement agencé, enveloppant en ses sommets notre vie spirituelle en tendance vers la béatitude. C'est dans ces perspectives, dont ceci n'est qu'une très rapide évocation, qu'il convient de comprendre cet article 6 où notre Docteur explique et justifie, en la rapportant au don de sagesse, la parole de saint Matthieu: Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés enfants de Dieu.
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QUESTION 45.
DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 6.
La septième béatitude correspond-elle au don de sagesse ? (suite)
CONCLUSION: La septième béatitude s'adapte tout à fait au don de sagesse, que l'on considère le mérite ou la récompense. Le mérite est exprimé d'abord: "Heureux les pacifiques". On appelle ainsi ceux qui font la paix, en eux, ou chez les autres. Or, faire la paix, c'est ramener les choses à l'ordre qui convient; la paix est en effet la "tranquillité de l'ordre", selon saint Augustin. Et comme mettre de l'ordre est du ressort de la sagesse, comme le dit Aristote, il en résulte que la qualité de pacifique convient à la sagesse.
La récompense s'exprime ensuite: "Ils seront appelés fils de Dieu". Sont appelés fils de Dieu ceux qui participent d'une similitude au Fils unique selon la nature, selon les mots de saint Paul: "Il les a prédestinés à reproduire l'image de son Fils », qui est la Sagesse engendrée. En recevant le don de sagesse, l'homme devient donc fils de Dieu [105].
note explicative:
[105] Qu. 45, art.6, Concl. — Chacune des béatitudes annoncées dans le Discours sur la montagne implique une œuvre méritoire, fruit d'un don, et une récompense. Saint Thomas s'applique à montrer ici que la béatitude des pacifiques, quant à l'un et à l'autre de ces éléments, s'adapte heureusement au don de sagesse. Son raisonnement très simple apparaît aussi concluant qu'une telle matière peut le comporter.
1º Quant à l'œuvre méritoire. Les pacifiques sont ceux qui font la paix, en eux et chez les autres; or, la paix résulte de la mise en ordre, et mettre en ordre est l'œuvre propre de la sagesse; c'est donc avec raison que le fait d'être pacifique est rattaché à la sagesse.
2º Quant à la récompense. Seront dits fils de Dieu ceux qui ressemblent au Fils unique, Notre Seigneur; or celui-ci est la sagesse engendrée elle-même; en participant au don de sagesse, l'on se trouve donc ressembler ou s'assimiler au Fils, et devenir ainsi soi-même fils de Dieu.(…)
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DON DE LA SAGESSE.
ARTICLE 6.
La septième béatitude correspond-elle au don de sagesse ? (suite)
SOLUTIONS: 1. Il appartient à la charité de posséder la paix; mais il appartient à la sagesse ordonnatrice de faire la paix. De même l'Esprit-Saint reçoit la dénomination d'Esprit d'adoption en tant qu'il nous donne une similitude avec le Fils selon la nature, qui est la Sagesse engendrée [106].
2. Il s'agit ici de la Sagesse incréée qui s'unit d'abord à nous par le don de l'amour, et puis nous révèle les mystères, dont la connaissance constitue la sagesse infuse. C'est pourquoi cette sagesse infuse, qui est don, n'est pas la cause de la charité, mais plutôt son effet.
3. Il appartient à la sagesse, qui est don, non seulement de contempler les choses divines, mais aussi de régler les actes humains. Dans cette régulation se présente d'abord l'éloignement des maux qui sont contraires à la sagesse. C'est pourquoi l'on dit que la crainte est le commencement de la sagesse, parce qu'elle nous fait fuir les maux. Au terme, par manière de fin, tout est ramené à l'ordre qui convient, ce qui relève de la paix. C'est pourquoi saint Jacques a très bien dit que la sagesse d'en-haut, qui est don de l'Esprit-Saint est premièrement pure, parce qu'elle évite la corruption du mal; et qu'elle est ensuite pacifique, ce qui correspond à l'effet dernier de la sagesse, et rend raison de la béatitude. Ce qui suit dans la citation de saint Jacques montre bien que la sagesse ramène à la paix et à l'ordre qui convient.
A celui qui, par la pureté, s'écarte de la corruption, la sagesse fait d'abord tenir la mesure, pour ce qui relève de ses propres possibilités; en cela elle est dite discrète. Elle le rend par ailleurs attentif aux conseils des autres, pour ce qui dépasse ses propres possibilités; en cela elle est dite attentive. Deux qualités qui permettent à l'homme d'établir la paix en lui-même. Mais ensuite, pour que l'homme soit en paix avec les autres, il faut d'abord qu'il ne répugne pas au bien des autres; en cela la sagesse est dite conciliante. Et puis, qu'il compatisse par son affection et subvienne par son action aux déficiences d'autrui; en cela la sagesse est dite pleine de miséricorde et féconde en bonnes œuvres. Enfin, il est nécessaire qu'il s'efforce de corriger les péchés avec charité, et en cela la sagesse est dite sans partialité et sans hypocrisie, car en cherchant la correction, il ne doit pas chercher à apaiser sa haine.
note explicative:
[106] Ibid., sol. I et 2. On peut se demander s'il n'eût pas mieux valu rattacher la béatitude des pacifiques directement à la vertu de charité: la paix n'apparaissait-elle pas, en effet, comme un des actes ou effets intérieurs essentiels de cette vertu ?
— Que l'on prenne note de la réponse, tout à fait pertinente en son laconisme, de la solution 1: "C'est le fait de la charité d'avoir la paix, habere pacem... Mais faire la paix, facere pacem , est le propre de la sagesse en son œuvre de mise en ordre." Celui qui exerce la charité se trouve être en possession de la paix, tout au moins de la paix intérieure, car par la charité les tendances diverses de l'âme se trouvent harmonisées, d'où résulte la paix comme son effet propre ( Cf. 2a-2æ, qu. 29, art. 3: La paix est-elle l'effet propre de la charité ?) Mais c'est plus formellement que la paix se rattache au don de sagesse, la fin de ce don étant précisément d'établir l'ordre: la sagesse, dans son activité même, fait la paix.
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Prochain fil: La sottise.
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