Le silence et l'admiration de Marie (Bossuet)
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Le silence et l'admiration de Marie (Bossuet)
Le silence et l'admiration de Marie
Je ne sais s'il ne vaudrait pas peut-être mieux s'unir au silence de Marie, que d'en expliquer le mérite par nos paroles. Car qu'y a-t-il de plus admirable, après ce qui lui a été annoncé par l'ange, après ce qui s'est passé en elle-même, que d'écouter parler tout le monde et demeurer cependant la bouche fermée ? Elle a porté dans son sein le Fils du Très-Haut : elle l'en a vu sortir comme un rayon de soleil, d'une nuée, pour ainsi parler, pure et lumineuse. Que n'a-t-elle pas senti par sa présence ? Et si pour en avoir approché, Jean dans le sein de sa mère a ressenti un tressaillement si miraculeux, quelle paix, quelle joie divine n'aura pas senties la Sainte Vierge à la conception du Verbe que le Saint-Esprit formait en elle ! Que ne pourrait-elle donc pas dire elle-même de son cher fils ? Cependant elle le laisse louer par tout le monde : elle entend les bergers ; elle ne dit mot aux mages qui viennent adorer son Fils : elle écoute Siméon et Anne la prophétesse, elle ne s'épanche qu'avec sainte Elisabeth, dont sa visite avait fait une prophétesse ; et sans ouvrir seulement la bouche avec tous les autres, elle fait l'étonnée et l'ignorante : " Errant mirantes. " Joseph entre en part de son silence comme de son secret, lui à qui l'ange avait dit de si grandes choses, et qui avait vu le miracle de l'enfantement virginal. Ni l'un ni l'autre ne parlent de ce qu'ils voient tous les jours dans leur maison, et ne tirent aucun avantage de tant de merveilles. Aussi humble que sage, Marie se laisse considérer comme une mère vulgaire, et son Fils comme le fruit d'un mariage ordinaire.
Les grandes choses que Dieu fait au dedans de ses créatures opèrent naturellement le silence, le saisissement, je ne sais quoi de divin qui supprime toute expression. Car que dirait-on, et que pourrait dire Marie, qui pût égaler ce qu'elle sentait ? Ainsi on tient sous le sceau le secret de Dieu, si ce n'est que lui-même anime la langue et la pousse à parler. Les avantages humains ne sont pour rien, s'ils ne sont connus et que le monde ne les prise. Ce que Dieu fait a par soi-même son prix inestimable, que l'on ne veut goûter qu'entre Dieu et soi.
Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704)
Ed. Urbain et Levesque, t. III.
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