La Sainte Vierge et Fra Angelico
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La Sainte Vierge et Fra Angelico
La Sainte Vierge et Fra Angelico
S'il est un siècle où l'Art chrétien ait environné le front de la Vierge-Mère d'une auréole de grâce et de piété, c'est bien le quinzième.
Aux origines du Christianisme, le peintre, le mosaïste donne à l'image de Marie la dignité de la Mère de Dieu, la majesté de la Prêtresse. Au Moyen Age, il salue en elle la Reine, la Dame et la Souveraine. Il la place sur un trône ; il pose un diadème sur sa tête. Au XIVe siècle, Giotto rapproche Marie de la terre ; il donne à son visage et aux mystères de sa vie un naturel charmant.
Au XV siècle, des Flandres à la Toscane, le pinceau de Van Eyck et de Memling, le pinceau de Van der Goes (1) et d'Angelico donnent à la Vierge un caractère de céleste piété, que nul jusque-là n'avait su lui donner : Filippo Lippi, Benozzo Gozzoli, Botticelli, Ghirlandaio entourent la Madone d'une grâce exquise, bien que plus humaine.
Jean Van Eyck, le créateur de l'art Flamand, appartient au XVe siècle aussi bien qu'au XIVe. Nous avons déjà vu sa grande piété dans la reproduction de la Vierge Marie.
Hugo Van der Goes est bien pieux aussi dans ses peintures. Délicieuse est la scène conservée à Florence, au Musée des Offices. Jésus repose sur le giron de sa Mère ; sainte Catherine, à genoux tout à côté, offre un fruit à l'Enfant qui tend ses deux mains pour le saisir. Dans les airs deux anges, ailes déployées, soutiennent une couronne au-dessus de la Madone.
Toute pleine de dévotion est la Vierge d'Hugo que l'on admire au Bargello de Florence ; elle serre contre elle Jésus avec amour ; mais tout en jouissant de son trésor, on dirait qu'elle a peur de le perdre. C'est dans le recueillement et les méditations du cloître que le Frère convers Van der Goes (1) puisa le charme infini de cette Madone. Plus tard dans la Vierge au grand Duc, nous retrouverons quelques traits de la Vierge du Frère Augustin, avec plus de beauté humaine, avec moins de grâce et de piété.
Jean de Fiesole voulut unir dans un harmonieux ensemble l'idée religieuse de l'école de Sienne et le naturel charmant de l'école Florentine. « Il voulut toutefois maintenir la prééminence du fond sur la forme et garder à l'art sa fonction... morale, en lui assignant comme but, de parler aux sens pour parler à l'esprit, c'est-à-dire de faire rayonner à travers une forme splendide le vrai et le bien (2). »
Pour atteindre ce but, Fra Angelico comprit qu'il fallait étudier la nature. Même dans ses premiers tableaux, — nous le verrons bientôt, — « l'observation de la vie s'exprime avec un sentiment, jusqu'alors inconnu, de distinction et de beauté, par un choix exquis de types, nettement empreints d'un caractère individuel, mais délicieusement purifiés par une chaste imagination (1). »
1. Frère convers Augustin du couvent de Rouge-Cloître. Voir Alph. Wauters, Hugues Van der Goes, sa vie et son œuvre. Bruxelles, 1864.
2. Études, 5 novembre 1900 : Fra Angelico et l'École Florentine, — article de Gaston Sortais.
1. G. Lafenestre, La peinture italienne, page 148.
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Monique- Nombre de messages : 13758
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Re: La Sainte Vierge et Fra Angelico
C'est pour son couvent de Fiesole que Jean peignit le fameux Couronnement de la Sainte Vierge qui fait aujourd'hui l'ornement du Louvre. Nous le décrirons en son temps. Ce fut alors aussi qu'il décora, pour ses frères de Florence, les Dominicains de Santa Maria Novella, quatre petites châsses (3) renfermant de nombreuses reliques.
Le second reliquaire, divisé en deux zones, présente en haut, l'Annonciation, et, dans la région inférieure, l'Adoration des Mages. »
C'est toujours et partout un sentiment exquis, une piété délicieuse, un amour débordant de la Vierge Mère.
En 1433, Fra Giovanni peint pour la corporation des Marchands de chanvre (l'arte dei Linajuoli) le fameux triptyque, la Madone avec les Anges musiciens.
Ces Anges (4), qui forment une cour céleste à la Sainte Vierge, doivent être comptés parmi les créations les plus délicieuses du peintre...
« Vis-à-vis de cette peinture exquise on voit, au Musée des Uffizi, un Couronnement de la Vierge, peint en 1413, par Lorenzo Monaco (1423)... Les Anges sont également charmants, et les peintures de prédelle, très remarquables. A les voir, on dirait que Lorenzo aurait appris de Giovanni à donner à ses Anges leur air joyeux, céleste, éthéré, tandis que Giovanni, par l'étude des œuvres de Lorenzo, aurait acquis l'ampleur, la vigueur et la gravité de ses têtes » (gravure, p. 101).
Lorenzo, comme Angelico, en ce siècle si dévot à la Vierge, se plaît à entourer la Reine du ciel des courtisans ailés qui la révèrent, des musiciens célestes qui, par leurs voix, leurs symphonies, célèbrent ses grandeurs !
En 1436, Fra Giovanni quittait son couvent de Fiesole pour se rendre à celui de Saint-Marc à Florence. C'est avec une émotion profonde que nous avons visité ces cloîtres et ces cellules, où, d'un pinceau tout céleste, le peintre angélique a fait revivre partout sous les yeux de ses frères, la vie de Jésus et de sa Mère.
C'est l'histoire de Notre-Dame qui nous apparaît là dans ses principaux mystères : Annonciation, Nativité, Présentation, Adoration des Mages, Marie au pied de la croix, mise de Jésus au tombeau, mort et couronnement de la Sainte Vierge.
3. Après la spoliation des couvents d'Italie, elles ont été transportées de Santa Maria Novella au Musée de Saint-Marc.
4. Beissel, S. J., Fra Angelico de Fiesole : sa vie et ses travaux, traduction de Jules Helbig, pages 90, 100.
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Monique- Nombre de messages : 13758
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Re: La Sainte Vierge et Fra Angelico
Sur les murs de Saint-Marc, Fra Giovanni a représenté jusqu'à dix-sept fois le Sauveur en croix ; et presque toujours au pied de la croix il a placé sa Mère. Voyez-la dans la cellule n° 4. Quatre personnages contemplent le Christ mort : Marie et Jean, Dominique et Jérôme. Marie est là, vraiment telle que se la représente le chrétien qui sait son Évangile. Pas de spasmes, pas d'évanouissement. Elle est debout, ferme et droite. Elle adore et elle prie.
Dans le crucifiement de la salle capitulaire, le moine peintre nous montre de nouveau Marie au pied de la croix. Marie est encore debout, mais en ce moment, sous le poids écrasant de la douleur, il semble qu'elle va défaillir. Elle laisse choir ses bras, que saisissent Jean et Marie Salomé : Madeleine, agenouillée, soutient, par devant, la Mère de douleurs.
Sur une toile de la galerie des Uffizi, Fra Angelico nous a admirablement dépeint la Dormition de la Mère de Dieu.
Regardez Marie sur sa couche funèbre. Quel calme ! quelle paix ! quelle beauté sereine ! Autour de ce lit, rien de ces déchirements, de ces larmes, de ces lamentations, usités dans le monde en pareille circonstance. Ce n'est pas une mort, c'est une dormition ; Marie vient de s'endormir ; ou si c'est une mort, c'est la mort dont il est dit dans l'Apocalypse : « Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur (1) »
La Vierge a été notre modèle dans la vie, elle est notre modèle dans la mort. Voilà ce que nous dit cette toile des Uffizi. Voilà comment, se conformant aux préceptes de l'École de Sienne, le pinceau, entre les mains d'Angelico, devient à la fois panégyriste et moraliste ; il exalte Marie, il apprend aux fidèles à bien vivre et à bien mourir !
L'âme si pieuse de Fra Giovanni devait se plaire à représenter l'Assomption et le Couronnement de la Sainte Vierge. Le couvent de Saint-Marc, l'Académie de Florence, le Musée des Uffizi, le Louvre... attestent que Beato n'a pas résisté à l'impulsion de son cœur.
Le Couronnement de Saint-Marc est fort simple. C'est une image de dévotion dont le peintre décore la cellule de ses frères. Elle répond à la muette prière qui, à l'heure du recueillement, montera de l'âme du Religieux vers la Reine des cieux.
1. Apocalypse, XIV, 13.
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Monique- Nombre de messages : 13758
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Re: La Sainte Vierge et Fra Angelico
Tout autre est le Couronnement des Uffizi et celui du Louvre. Ils ont été faits, le premier, pour l'église de Santa Maria Nuova, à la chartreuse de Val d'Ema, près Florence ; le second, pour l’église de Saint-Dominique à Fiesole.
Écoutez comme Vasari (1) apprécie ce chef-d'œuvre :
« Fra Giovanni s'est surpassé lui-même, il a témoigné d'une science supérieure dans le retable de l'église Saint-Dominique, à Fiesole, qui se trouve à gauche de la porte d'entrée. On y voit le Christ couronnant la Sainte Vierge au milieu d'un chœur d'Anges. En bas se trouve une multitude de Saints et de Saintes. Ils sont si nombreux, si remarquablement peints, si variés dans les attitudes et les expressions des têtes, qu'à les regarder on éprouve une satisfaction, une joie inexprimables. On demeure convaincu que les bienheureux ne sauraient être autrement au ciel, et que, s'ils sont revêtus de corps, ceux-ci ne peuvent être plus beaux. Tous les Saints et les Saintes qui s'y trouvent n'apparaissent pas seulement pleins de vie, animés d'expressions délicates et aimables, mais la coloration même de l'œuvre paraît encore le travail de la main des Saints ou des Anges que l'on voit dans cette peinture. C'est donc à juste titre que l'on donna, de tout temps, à ce moine le nom de Frate Giovanni Angelico... J'assure en toute vérité que je ne puis jamais me rassasier de la vue de cette peinture et que toujours elle me paraît nouvelle. »
Allez au musée du Louvre, cher Lecteur, contemplez vous-même ce chef-d'œuvre à loisir et vous constaterez qu'il n'y a rien d'exagéré dans l'appréciation si élogieuse de Vasari.
« Dans la région supérieure (2), au centre du panneau, le Seigneur est assis. Devant lui sa virginale Mère est agenouillée, les mains croisées sur la poitrine, sa tête inclinée pour recevoir la couronne que le Christ tient des deux mains. Sans doute elle se lèvera après l'avoir reçue, pour prendre à côté de son Fils la place qui lui a été préparée. Rien, d'après Schlegel, ne saurait surpasser la délicatesse et le charme de cette figure qui paraît née d'un souffle ; rien ne saurait égaler l'innocence de ce ravissant visage.
1. Cité par Beissel, pages 114 et 115.
2. Cité par Beissel, Fra Angelico de Fiesole : sa vie. et ses travaux, traduction de Jules Helbig, page 114 et 115.
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Monique- Nombre de messages : 13758
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Re: La Sainte Vierge et Fra Angelico
Si Fra Angelico a si bien peint le ciel, c'est que dans cette vallée d'exil, il vivait déjà de la vie du ciel. S'il a si bien peint la Madone, c'est qu'il se considérait comme son enfant, et l'aimait comme une mère. S'il a si bien peint des Saints, c'est qu'il était saint lui-même. C'est l'aveu que doit faire Vasari lui-même, cet enthousiaste de la Renaissance ; Vasari, le panégyriste de Raphaël et de Michel-Ange. Il ne peut se défendre d'une admiration sincère pour Angelico.
Écoutez ces paroles : elles vont vous dire la sainteté du moine artiste ; la sainteté, source cachée de ses inspirations si pures et si élevées : « Fra Giovanni avait pris en dédain toutes les choses mondaines ; il vivait dans la piété et la pureté, en ami fidèle des pauvres... Il était toujours au travail, occupé à peindre ; et jamais il ne voulut peindre autre chose que des sujets de sainteté. Il put être riche et ne s'en soucia pas, disant que la vraie richesse est de se contenter de peu ; il put commander et ne le désira pas, disant qu'il y a moins de peines et de risques à obéir. Il disait souvent que celui qui veut pratiquer notre art, devait vivre sobrement, éviter les pensées qui peuvent le troubler, et que celui qui veut peindre les actes de la vie du Christ devait toujours se tenir avec le Christ.
On ne le vit jamais en colère parmi les frères, ce qui est une grande chose et, pour nous, presque incroyable. C'est par un simple sourire qu'il réprimandait ses amis. Bref, jamais on ne louera assez ce Père, soit dans ses actes et paroles, pour leur humilité ou modestie ; soit dans toutes ses peintures, pour leur sincérité et dévotion ; car les Saints peints par lui ont plus l'air de Saints que ceux d'aucun autre maître. Il avait l'habitude de laisser ses peintures sans les retoucher ni les rajuster, préférant respecter ce qu'il avait peint du premier coup, disant que Dieu l'avait voulu ainsi. Il en est qui disent que Fra Giovanni ne prenait jamais le pinceau en main, sans s'être mis en prière...(1) »
Nos lecteurs, après avoir admiré la ravissante galerie des Madones, dues au pinceau d'Angelico, diront, nous n'en doutons pas : « Oui, c'est là la Vierge, telle qu'à l'heure de la prière, les âmes pures l'ont rêvée ! »
1. J.-B. Fougeray, S. J., Fra Angelico, poème lyrique, cité par G. Sortais. Fra Angelico. (Études, 5 novembre 1900).
FIN
Monique- Nombre de messages : 13758
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