L'Église, une société humaine ? (COMPLET, avec Table)

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Message  Louis Sam 22 Oct 2011, 10:18 am

L'Encyclique

«IMMORTALE DEI»

de

S. S. Léon XIII

(Constitution chrétienne des Etats)

(Note)


PRÉAMBULE


La raison de l'Encyclique

L'Église, cette œuvre immortelle du Dieu de miséricorde, a pour mission première et essentielle de sauver les âmes et de les mettre en possession du bonheur du ciel. Cependant, même dans l'ordre temporel, elle procure à l'homme de si nombreux et si précieux avantages qu'elle ne pourrait lui être d'une plus grande utilité, si elle avait été établie principalement et directement en vue de lui assurer le bonheur de la vie présente. En effet, partout où elle a eu accès, l'Église a immédiatement changé la face des choses et fait pénétrer dans les mœurs publiques, non seulement des vertus inconnues jusqu'alors, mais encore une civilisation nouvelle. Tous les peuples qui se sont soumis à son influence se sont distingués par leur douceur et leur équité, ainsi que par l'éclat de leurs œuvres.

Il est cependant une accusation que, depuis bien longtemps déjà, on élève contre l'Église. On la dit contraire aux intérêts de l'État, et tout à fait incapable de contribuer au bien-être et à la gloire auxquels a droit et aspire naturellement^toute société bien constituée. Dès les premiers temps de l'Église, nous le savons par l'histoire, les chrétiens ont été en butte à d'injustes préjugés. Sous prétexte qu'ils étaient les ennemis de l'empire, ils ont été ordinairement voués à la haine et à la malveillance. On se plaisait alors à imputer au christianisme les maux qui assaillaient, la société. En réalité c'était Dieu, le vengeur du crime, qui infligeait aux coupables leur juste châtiment.

Cette atroce calomnie émut à bon droit le génie d'Augustin et aiguisa sa plume. Dans son livre De la cité de Dieu surtout, il exposa l'influence sociale de la doctrine chrétienne, d'une manière si lumineuse qu'il semble moins avoir plaidé la cause des chrétiens de son temps que réduit pour toujours à néant ces fausses accusations.

Cependant ce funeste penchant aux reproches et aux récriminations n'a pas disparu, et beaucoup se sont plu à chercher la règle de la vie sociale en dehors des doctrines de l'Église catholique.

Bien plus, ces derniers temps ont vu généralement prévaloir et dominer ce que l'on appelle le droit nouveau, et qu'on présente comme l'épanouissement d'un monde parvenu à la virilité, comme le fruit du progrès de la liberté. Mais en dépit de nombreux essais, il est de fait qu'on n'a jamais trouvé, pour constituer et régir l'État, de système préférable à celui qui découle des principes de l'Évangile.

Le sujet de l'Encyclique

Nous croyons donc qu'il est d'une importance souveraine et du devoir de Notre charge apostolique de mettre les nouvelles théories sociales en parallèle avec la doctrine chrétienne. De la sorte, nous en avons la confiance, toute cause d'erreur et de doute se dissipera sous l'action de la vérité et chacun pourra facilement saisir les grands principes qui doivent régler sa vie et présider à sa conduite.

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(Note) : Ce texte est tiré de la publication mensuelle École sociale populaire, No. 263, Montréal, 1943. Les références viennent du site internet du Vatican. Nous avons vérifié celles qui se rapportent aux Saintes Écritures.

A suivre : Première Partie
Le droit chrétien
I. La doctrine catholique: a) la société civile.


Dernière édition par Louis le Ven 28 Oct 2011, 12:43 pm, édité 1 fois (Raison : Compléter le titre du fil.)

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Message  Louis Sam 22 Oct 2011, 10:54 am

PREMIÈRE PARTIE

Le droit chrétien

I. — LA DOCTRINE CATHOLIQUE

a) La société civile

La souveraineté de Dieu

Il n'est pas bien difficile de déterminer le caractère et la forme que revêtirait la société civile, si elle était régie par les principes de la philosophie chrétienne.

L'homme est fait pour vivre en société. En effet, isolé de ses semblables, il ne peut se procurer ce qui est nécessaire et utile à la conservation de la vie, ni acquérir le parfait développement de l'esprit et du cœur. Aussi la divine Providence l'a-t-elle fait pour vivre avec ses semblables, en famille et en société. Hors de là, il ne saurait trouver tout ce que réclame la perfection de la vie présente.

Or, aucune société ne saurait subsister sans un chef suprême qui imprime efficacement à chacun de ses membres une même impulsion vers le but commun. Il en résulte qu'il faut aux hommes constitués en société civile une autorité pour les régir: autorité qui, comme la société elle-même, procède de la nature et, par conséquent, de Dieu lui-même. — Il s'ensuit que le pouvoir public considéré en lui-même ne peut venir que de Dieu. Dieu seul, en effet, est le véritable souverain Maître des choses. Toutes les créatures sans exception doivent nécessairement lui être soumises et le servir. Par conséquent, tout ceux qui ont le droit de commander le tiennent uniquement de Dieu, chef suprême de l'univers: Toute puissance vient de Dieu 1. Du reste, le droit de commander n'est, par lui-même, nécessairement lié à aucune forme politique. Il peut légitimement revêtir telle forme ou telle autre, pourvu qu'elle soit vraiment propre à procurer le bien commun.

Mais, quelle que soit la forme du gouvernement, les chefs d'État doivent absolument avoir les yeux fixés sur Dieu, souverain Maître du monde, et dans l'accomplissement de leur mandat le prendre pour modèle et pour règle. De même, en effet, que dans le monde visible Dieu a établi des causes secondes, en qui se reflètent d'une certaine manière la nature et l'action divine et qui concourent à réaliser la fin en vue de laquelle le monde existe, ainsi a-t-il voulu que dans la société civile il y eût une autorité dont les dépositaires fussent les représentants de son pouvoir et de sa Providence à l'égard du genre humain. Il faut donc que le commandement soit équitable et qu'il fasse moins sentir le Maître que le Père, parce que la puissance de Dieu sur les hommes est souverainement juste et unie à une paternelle bonté; et il faut qu'il s'exerce pour l'avantage des citoyens, parce que ceux qui ont l'autorité n'en sont investis que pour assurer le bien public. Jamais, sous aucun prétexte, le pouvoir civil ne doit favoriser les intérêts d'un seul ou de quelques-uns, puisqu'il a été établi pour le bien de tous. Si les chefs d'État se laissent entraîner à une domination injuste, s'ils pèchent par abus de pouvoir ou par orgueil, s'ils servent mal les intérêts du peuple, un jour, qu'ils le sachent, ils en rendront compte à Dieu, et ce compte sera d'autant plus sévère qu'ils auront exercé une fonction plus sainte et occupé un rang plus élevé. Les puissants seront puissamment tourmentés 2 .

Dans ces conditions, la majesté du pouvoir obtiendra certainement de la part des citoyens un respect digne et spontané. Car, si ceux-ci sont une fois bien convaincus que l'autorité des souverains vient de Dieu, ils sentiront qu'il est juste et nécessaire d'obéir aux princes, de les honorer et de leur garder fidélité avec une sorte de piété filiale. Que tout homme soit soumis aux puissances supérieures 3. Il n'est pas plus permis, en effet, de mépriser le pouvoir légitime en quelque personne qu'il réside, que de résister à la volonté de Dieu. Or, ceux qui sont rebelles à la volonté de Dieu courent d'eux-mêmes à la perdition. Celui qui résiste au pouvoir résiste à l'ordre établi par Dieu, et ceux qui résistent ainsi causent leur damnation 4 . Refuser l'obéissance et, par la force du nombre, soulever une sédition contre l'autorité légitime, c'est donc un crime de lèse-majesté, non seulement humaine, mais divine.


_____________________________________________

(1) Rom. 13, 1.
(2) Sap. 6, 7.
(3) Rom. 13, 1.
(4) Rom. 13, 2.


A suivre : Il est clair que la société, ainsi constituée...

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Message  Louis Dim 23 Oct 2011, 7:02 am

D'où dépendance de la société à l'égard de Dieu

Il est clair que la société, ainsi constituée, doit absolument satisfaire, par des actes publics de religion, à ses nombreux et impérieux devoirs vis-à-vis de Dieu. La nature et la raison, qui commandent à chacun de nous d'honorer Dieu et de lui rendre un culte, parce que nous dépendons de sa puissance et que, venant de Lui, nous devons retourner à Lui, imposent la même obligation à la société civile. Car les hommes unis en société ne sont pas moins dépendants de la puissance divine, que pris individuellement. Non moins que l'individu, la société a une dette de reconnaissance envers Dieu, qui lui a donné et lui conserve l'existence, et dont la bonté l'a comblée de biens sans nombre. C'est pourquoi il n'est permis à aucun individu de négliger ses devoirs envers Dieu, ni de méconnaître que le plus grand de ces devoirs est de croire et de pratiquer la religion, non pas celle qu'on préfère, mais celle que Dieu lui-même a imposée et que des preuves certaines et indubitables nous garantissent être la seule vraie. De même, les sociétés ne peuvent, sans crime, se conduire comme si Dieu n'existait pas ou traiter dédaigneusement la religion comme étrangère et inutile à l'intérêt public, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir; mais elles doivent, dans l'exercice du culte divin, suivre strictement les règles et Je mode tracés et prescrits par Dieu lui-même. — Les chefs d'État doivent donc tenir pour saint le nom de Dieu, et mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de favoriser la religion, de la protéger de leur bienveillance, de la couvrir de l'autorité tutélaire des lois, de ne rien établir ou ordonner qui lui soit préjudiciable.

Et cela, ils le doivent aussi aux citoyens soumis à leur autorité. En effet, tous tant que nous sommes, nous avons été mis au monde en vue d'un bien souverain et suprême, qui nous attend dans les cieux, par delà cette courte et fragile existence, et auquel il faut tout rapporter. Or, puisque de là dépend la complète et parfaite félicité de l'homme, il est d'une importance suprême pour chacun d'atteindre cette fin. Établie en vue de l'utilité commune, la société doit donc, en favorisant la prospérité de l'État, pourvoir à l'avantage des citoyens, de façon, non seulement à ne leur créer aucun obstacle, mais à leur faciliter de toute manière l'acquisition du bien suprême et immuable auquel ils aspirent. Pour cela, elle doit surtout faire respecter et honorer la religion, dont les devoirs forment le lien qui unit l'homme à Dieu.

Quant à décider quelle religion est la vraie, ce n'est pas chose difficile à qui veut juger avec prudence et sincérité. Des preuves nombreuses et éclatantes, à savoir la vérité des prophéties, une multitude de miracles, la rapidité avec laquelle la foi s'est propagée, même parmi ses ennemis et en dépit des plus grands obstacles, le témoignage des martyrs, et d'autres arguments semblables prouvent à l'évidence que la seule religion véritable est celle dont Jésus-Christ lui-même est l'auteur, et qu'il a donné mission à l'Église de garder et de propager.

A suivre : b) La société religieuse

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Message  Louis Dim 23 Oct 2011, 4:10 pm

b) La société religieuse


En effet, le Fils unique de Dieu a établi sur la terre une société qu'on appelle l'Église, et il l'a chargée de continuer à travers tous les âges le sublime et divin office que son Père lui avait confié. « Comme mon père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. 1Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles. 2 » Donc, de même que Jésus-Christ est venu sur la terre, « afin que les hommes aient la vie, et l'aient plus abondamment 3 », ainsi l'Église poursuit, comme sa fin propre, le salut éternel des âmes.

Aussi sa nature est telle qu'elle embrasse l'humanité tout entière et n'est circonscrite par aucune limite, ni dans le temps, ni dans l'espace. « Prêchez l'Évangile à toute créature. 4 »

A cette grande multitude d'hommes, Dieu lui-même a donné des chefs, qu'il a investis du pouvoir de commander. Parmi ces chefs, il en est un que Dieu a préposé à tous les autres, qu'il a établi le maître suprême et infaillible de la vérité, et à qui II a confié les clefs du royaume des cieux. « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux. 5Pais mes agneaux, pais mes brebis. 6 — J'ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. 7 »

Bien que composée d'hommes, comme la société civile, l'Église, à raison de la fin qui lui est assignée et des moyens par lesquels elle y tend, est une société surnaturelle et spirituelle. C'est pourquoi elle est distincte et différente de la société civile.

Et, ce qui importe surtout, elle est, par sa nature et de droit, une société complète parce que, en vertu de la volonté expresse et par la grâce de son Fondateur, elle a en elle-même et par sa constitution propre tout ce qui est nécessaire à sa conservation et à son action.

Et comme la fin à laquelle tend l'Église est de beaucoup la plus noble de toutes, ainsi son pouvoir l'emporte sur tous les autres. Il ne peut, par conséquent, ni être réputé inférieur à l'autorité civile, ni lui être assujetti en rien.

En effet, Jésus-Christ a donné à ses Apôtres un pouvoir indépendant sur les choses sacrées; il y a joint le droit de porter de véritables lois, et le double pouvoir qui en découle naturellement, celui de juger et celui de punir. « Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre; allez donc, enseignez toutes les nations... leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. 8 » Et ailleurs: « S'il ne les écoute point, dis-le à l'Église. 9 » Et encore: « Ayant à notre disposition le pouvoir de châtier toute désobéissance... 10 » Ailleurs l'Apôtre se reconnaît la faculté « d'agir plus sévèrement selon le pouvoir , dit-il, que Dieu m'a donné pour l'édification et non pour la destruction 11 ». C'est donc à l'Église, non à l'État, qu'il appartient de guider les hommes vers le ciel; c'est à elle que Dieu a donné le mandat de juger et de décider toutes les questions qui se rattachent à la religion; d'enseigner toutes les nations, de propager, partout où elle le peut, le nom chrétien; en un mot de gérer, comme elle le juge expédient, librement et sans entraves, les intérêts du christianisme.

Cette autorité, pleine, entière et tout à fait indépendante, a depuis longtemps été battue en brèche par une philosophie adulatrice des princes. Mais l'Église n'a jamais cessé ni de la revendiquer ni de l'exercer publiquement. Les premiers de tous ses champions furent les Apôtres, répondant avec fermeté aux chefs de la Synagogue qui voulaient les empêcher de propager l'Évangile: « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. 12 » Les Pères de l'Église aussi ont eu à cœur de défendre, en toute occasion, cette autorité par de solides raisons; et les Pontifes romains n'ont jamais cessé, avec une constance invincible, de la revendiquer contre les attaques de ses adversaires.

Bien plus, les princes et les chefs d'État l'ont reconnue en principe et en fait. En négociant et en traitant avec elle, en lui envoyant des ambassadeurs et en recevant les siens, en échangeant avec elle toutes sortes d'autres bons offices, ils ont constamment, agi avec l'Église comme avec une puissance véritablement souveraine.

Et ce n'est certainement pas sans un dessein particulier de la Providence de Dieu que cette puissance spirituelle a été dotée d'une souveraineté temporelle, comme de la meilleure sauvegarde de son indépendance.
_______________________________________________________

( 1 ) Jean, 20, 21.
( 2 ) Matt. 28, 20.
( 3 ) Matt. 18, 17.
( 4 ) Jean 10, 10.
( 5 ) Marc 16, 15.
( 6 ) Matt. 16, 19.
( 7 ) Jean 21, 16-17.
( 8 ) Luc 22, 32.
( 9 ) Matt. 28, 18-20.
(10 ) 2 Cor. 10, 6.
(11 ) 2 Cor. 13, 10
(12) Actes 5, 29.

A suivre : c) Les rapports des deux sociétés

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Message  Louis Lun 24 Oct 2011, 6:19 pm

c) Les rapports des deux sociétés


Distinction des deux sociétés

Dieu a donc partagé le gouvernement du genre humain entre deux puissances: la puissance ecclésiastique et la puissance civile, celle-là préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. Chacune d'elles est dans son genre supérieure à toute autre; chacune a ses limites parfaitement déterminées par sa nature et sa destination spéciale; chacune a donc comme sa sphère propre dans laquelle elle se meut et exerce de plein droit son action.

Union nécessaire des deux sociétés

Toutefois, leur autorité s'exerçant sur les mêmes sujets, il peut arriver qu'une seule et même chose soit, à des titres différents, soumise à la juridiction de l'une et de l'autre puissance. La Providence très sage de Dieu, qui a établi ces deux puissances, a donc dû tracer leurs voies nettement et avec ordre. « Les puissances ont été établies et réglées par Dieu. (1) » S'il en était autrement, on verrait souvent surgir des dissentiments et des conflits pernicieux. Ne sachant quelle voie il doit suivre, l'homme hésiterait souvent, anxieux et inquiet, tiraillé qu'il serait par les ordres opposés de deux puissances auxquelles il ne peut, sans manquer à son devoir, refuser obéissance. Or, il répugne souverainement de penser que la sagesse et la bonté de Dieu puissent permettre un tel désordre, alors que, dans l'ordre bien inférieur des choses physiques, il a si parfaitement coordonné les forces et les causes naturelles, établi entre elles une harmonie si admirable, qu'aucune d'elles ne gêne les autres, et que toutes au contraire concourent, avec un ensemble parfait, à réaliser la fin à laquelle tend l'univers. — Il est donc nécessaire qu'il y ait entre les deux puissances une union pleine d'harmonie, qu'on peut justement comparer à l'union qui existe dans l'homme entre l'âme et le corps.

Pour se faire une idée exacte de la nature et du caractère intime de leurs relations mutuelles, il faut considérer, comme Nous l'avons dit, la nature de chacune de ces puissances, et tenir compte de l'excellence et de la noblesse de leur destination, l'une ayant pour fin prochaine et principale de s'occuper des intérêts terrestres, l'autre de procurer les biens célestes et éternels.

Ainsi, tout ce qui dans les affaires humaines est sacré, à quelque titre que ce soit, tout ce qui, de sa nature ou par sa destination sainte, se rapporte au salut des âmes ou au culte de Dieu, tout cela relève uniquement de l'autorité de l'Église. Quant aux choses qui constituent le domaine civil et politique, il est dans l'ordre qu'elles soient soumises à l'autorité civile, puisque Jésus-Christ a ordonné de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.

Il y a toutefois des circonstances où un autre mode d'entente aide aussi à assurer à chacun des deux pouvoirs la liberté denses mouvements sans péril de conflits; c'est quand les chefs d'État et le Pontife romain se mettent d'accord, par un traité, sur quelque point particulier. Dans ces circonstances l'Église donne des preuves éclatantes de son dévouement maternel, en poussant aussi loin que possible la condescendance et l'indulgence.

d) Conclusion

Telle est, en résumé, l'organisation chrétienne de la société civile. Cette théorie n'est ni vaine et inconsidérée, ni arbitraire; elle découle des principes les plus élevés et les plus certains auxquels la raison naturelle elle-même donne sa sanction.

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(1) Rom, 13, 1.

A suivre : II. — LES BIENFAITS DE LA DOCTRINE CATHOLIQUE



Dernière édition par Louis le Ven 28 Oct 2011, 11:56 am, édité 1 fois (Raison : correction de c) à la place de b))

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Message  Louis Mar 25 Oct 2011, 7:14 am

II. — LES BIENFAITS DE LA DOCTRINE CATHOLIQUE

Cette constitution de la société politique n'amoindrit certainement en rien la dignité ou le prestige des chefs d'État. Loin de porter atteinte aux droits du pouvoir civil, elle les rend, au contraire, plus stables et plus vénérables. Bien plus, si l'on y réfléchit, on verra que cette constitution est beaucoup plus parfaite que tous les autres systèmes politiques. Elle produirait sans doute bien des fruits excellents, si chacun des deux pouvoirs gardait son rang et mettait tous ses soins à remplir les devoirs de sa charge.

En effet, la constitution de la société, telle que Nous l'avons décrite, attribue aux choses divines et aux choses humaines la part qui leur convient. Les droits des citoyens sont assurés et placés sous la protection des lois divines, naturelles et humaines. Les devoirs de chacun sont aussi sagement tracés que leur observance est prudemment sanctionnée. Tous savent que, dans la voie pleine d'incertitude et de difficultés qui mène à l'éternelle cité, ils ont à leur disposition des guides sûrs pour leur montrer la route, et des auxiliaires dévoués pour les conduire au terme. Ils savent de même que d'autres chefs leur sont donnés pour leur procurer et leur garantir la sécurité, les biens de la fortune et les autres avantages de cette vie.

La société familiale trouve la stabilité qui lui est nécessaire dans l'unité et l'indissolubilité d'un saint mariage; les droits
et les devoirs mutuels des époux sont réglés avec sagesse et équité; l'honneur dû à la femme est sauvegardé; l'autorité du mari est un reflet de l'autorité de Dieu; la puissance paternelle a les tempéraments que réclame la dignité de la femme et de l'enfant; enfin, la protection, le bien-être, la bonne éducation des enfants sont parfaitement assurés.

Dans la sphère des intérêts civils et politiques, les lois sont faites en vue du bien générai, dictées non par la volonté et le jugement trompeurs de la multitude, mais par la vérité et la justice, l'autorité des chefs d'État revêt une sorte de sainteté qui lui donne un caractère plus qu'humain. Elle est en même temps retenue dans les bornes de la justice et de la modération. L'obéissance des sujets est pleine d'honneur et de dignité parce qu'elle n'est pas l'assujettissement d'un homme à un homme, mais la soumission de l'homme à la volonté de Dieu, qui gouverne par les hommes. Ces principes reconnus et acceptés montrent clairement que c'est un devoir de justice de respecter la majesté des chefs d'État, de se soumettre avec une constante fidélité à la puissance publique, de ne s'associer à aucun mouvement séditieux, d'observer religieusement les lois de l'État.

On met également au nombre des devoirs la charité mutuelle, la bienveillance, la libéralité. On peut accomplir ses devoirs de citoyen et de chrétien sans être tiraillé en sens contraire par des prescriptions incompatibles. Enfin, les biens considérables dont la religion chrétienne comble même la vie terrestre de l'homme, tournent au profit de la société civile. Ce qui prouve la grande vérité de cette parole: « L'état de la société dépend de l'état de la religion; il y a entre l'une et l'autre de multiples relations et une étroite affinité. » (1)

Saint Augustin a fait ressortir...

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(1) Sacr. Imp. ad Cyrillum Alexand. et Episcopus Metrop. — Cfr. Labbeum, Collect. Conc. T. III.

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Message  Louis Mar 25 Oct 2011, 7:27 am

.
II. — LES BIENFAITS DE LA DOCTRINE CATHOLIQUE (suite)

Saint Augustin a fait ressortir admirablement, selon sa coutume, l'importance de ces biens en plusieurs endroits de ses écrits, spécialement dans un passage célèbre où il s'adresse à l'Église catholique en ces termes: « Tu formes et tu instruis l'enfant avec tendresse, le jeune homme avec force, le vieillard avec douceur, selon que le réclament l'âge du corps et les dispositions de l'âme. Tu assujettis, par une chaste et fidèle obéissance, les femmes à leurs maris, non pour assouvir la passion, mais pour propager la vie et constituer la famille. Tu donnes aux maris autorité sur leurs femmes, pour qu'ils l'exercent, non pas en se jouant de la faiblesse de leur sexe, mais en suivant la loi d'un amour sincère. Tu soumets les enfants aux parents par une sorte de servitude qui les laisse libres; tu donnes aux parents sur leurs enfants une autorité toute pénétrée d'affection et de dévouement... Par le souvenir de leur commune origine, tu unis les citoyens, les nations aux nations, tous les hommes entre eux, par les liens de la fraternité plus encore que par ceux de la société. Tu apprends aux rois à veiller sur les peuples, et tu prescris aux peuples de se soumettre aux rois. Tu enseignes avec soin à qui est dû l'honneur, à qui l'affection, à qui le respect, à qui la crainte, à qui la consolation, à qui l'avertissement, à qui l'encouragement, à qui la correction, à qui la réprimande, à qui le châtiment. Tu nous apprends que, si nous ne devons pas tout cela à chacun, nous devons témoigner à tous la charité et ne faire injure à personne. » (1)

Dans un autre endroit, le saint Docteur reprend en ces termes la fausse sagesse des philosophes politiques: « Il en est qui prétendent que la doctrine du Christ est contraire au bien de l'État. Qu'ils nous donnent une armée de soldats tels que la doctrine du Christ sait les faire. Qu'ils nous donnent des gouverneurs de province, des maris, des épouses, des parents, des enfants, des maîtres, des serviteurs, des rois, des juges, enfin des citoyens fidèles à payer le tribut et des percepteurs d'impôts tels que le christianisme les veut. Qu'ils se permettent après cela de dire que cette doctrine est contraire au bien de l'État! Mais non, qu'ils avouent plutôt que cette doctrine fidèlement observée est pour l'État la source d'une grande prospérité. » (2)

Il fut un temps où la philosophie de l'Évangile présidait au gouvernement des États. Tout, alors, était imprégné des divines influences de la sagesse chrétienne: les lois, les institutions, les mœurs, toutes les classes, toutes les relations sociales. Alors la religion fondée par Jésus-Christ occupait sans conteste le rang élevé auquel elle a droit; forte de la faveur des princes et de la légitime protection des magistrats, elle était partout florissante. Alors le sacerdoce et l'empire vivaient dans une heureuse concorde, entretenue par l'échange amical de bons offices. Cette organisation de la société produisit des fruits plus grands qu'on ne saurait imaginer. Le souvenir en subsiste encore, consigné qu'il est dans d'innombrables monuments, qu'aucune habileté des adversaires ne parviendra jamais à supprimer ou à faire oublier. Si l'Europe chrétienne a dompté les nations barbares, si elle a adouci leurs mœurs sauvages, si elle les a fait passer de la superstition à la vérité, si elle a repoussé victorieusement les invasions musulmanes, si elle est restée à la tête de la civilisation, si, en tout ce qui fait honneur à l'humanité, elle a toujours tenu le premier rang et donné l'exemple au reste du monde, si elle a procuré aux peuples le bienfait de la vraie liberté sous ses diverses formes, si elle a montré tant de sagesse en fondant un si grand nombre d'institutions pour le soulagement des misères humaines, elle en doit certainement une grande reconnaissance à la religion, sous l'inspiration et avec l'aide de laquelle elle a entrepris et accompli ces grandes choses. — Sans aucun doute on jouirait encore des mêmes biens, si l'accord des deux puissances s'était maintenu. On aurait même pu en attendre de plus grands encore, si on s'était soumis avec plus de foi et de constance à l'autorité, à la doctrine et à la direction de l'Église. Car c'est une loi qui s'applique à tous les temps, qu'exprimait Yves de Chartres écrivant en ces termes au Pape Pascal II: « Quand l'empire et le sacerdoce vivent en bonne harmonie, le monde est bien gouverné, l'Église est florissante et son action est féconde. Mais lorsque la discorde se met entre eux, non seulement les œuvres qui commencent ne s'achèvent pas, mais celles-là mêmes qui étaient prospères dépérissent misérablement. » (3)

________________________________________________

(1) De moribus Eccl. cap. XXX, n. 6 3.
(2) Epist. CXXXVIII (al. 5) ad Marcellinum, cap. II, n. 15.
(3) Epist. CCXXXVIII.

A suivre: DEUXIÈME PARTIE

Le droit moderne.


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Message  Louis Mer 26 Oct 2011, 8:13 am

DEUXIÈME PARTIE


Le droit moderne

Le pernicieux et déplorable désir de nouveautés que vit naître le xvie siècle, après avoir bouleversé l'économie de la religion chrétienne, s'en alla, par une pente naturelle, exercer ses ravages dans la philosophie, puis dans tous les ordres de la société. C'est là la source de ces principes modernes de liberté effrénée, imaginés et promulgués lors de la grande révolution du siècle dernier comme les fondements d'un droit nouveau, inconnu jusqu'alors, et, sur plus d'un point, en désaccord non seulement avec le droit chrétien mais avec le droit naturel.

I. — EXPOSÉ

a) Ses principes

La souveraineté de l'homme

Le premier de ces principes est que, tous les hommes ayant même origine et étant de même nature, ils sont véritablement égaux entre eux dans l'exercice de leur activité; qu'ils relèvent complètement d'eux-mêmes, au point de n'être aucunement soumis à l'autorité d'autrui; que chacun peut en toute liberté penser sur toute chose ce qu'il veut et faire ce qui lui plaît; que personne n'a le droit de commander aux autres.

Dans une société fondée sur ces principes, l'autorité n'est plus que la volonté du peuple qui ne dépend de personne et ainsi n'a d'autre maître que lui-même. Il se choisit, il est vrai, des gouvernants, mais il ne leur transfère pas tant le droit que la charge du pouvoir, qu'ils doivent exercer en son nom. Pas un mot de la souveraineté de Dieu. On dirait que Dieu n'existe pas, ou ne s'occupe en rien de la société humaine; ou bien que les particuliers et la société ne lui doivent rien; ou encore qu'on peut imaginer un pouvoir qui n'ait pas en Dieu son principe, sa force et son autorité. Ainsi, on le voit, l'État n'est autre chose que le peuple souverain se gouvernant lui-même.

D'où indépendance de l'homme à l'égard de Dieu

Comme le peuple est censé être la source de tout droit et de tout pouvoir, l'État, en conséquence, ne se croit lié par aucune obligation envers Dieu. Il ne professe officiellement aucune religion. Il se croit dispensé de rechercher, parmi les différentes religions, quelle est la seule vraie, d'en préférer une aux autres, et d'en favoriser une principalement. Il se croit tenu de les mettre toutes sur le pied d'une parfaite égalité, uniquement soucieux de les empêcher de troubler l'ordre public.

Par conséquent, chacun aura pleine faculté de juger de toute question religieuse. Il sera libre de suivre la religion qu'il préfère, ou de n'en professer aucune, si aucune ne lui agrée. De là, découlent naturellement la liberté absolue de conscience pour chacun, la liberté absolue de rendre ou de ne pas rendre un culte à Dieu, la liberté absolue de penser et de publier ses opinions.

A suivre : b) Attitude de l'État en face de l'Église



Dernière édition par Louis le Jeu 27 Oct 2011, 8:27 am, édité 1 fois (Raison : correction du mot dépendance sous le 2º)

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Message  Louis Mer 26 Oct 2011, 10:05 am

b) Attitude de l'État en face de l'Église
L'État une fois constitué d'après ces principes, aujourd'hui en si grande faveur, il est aisé de voir à quelle place l'Eglise est reléguée, avec quelle injustice elle est traitée. En effet, là où la pratique se règle sur ces doctrines, la religion catholique n'obtient plus dans l'État qu'un rang égal, ou même inférieur, à celui des cultes dissidents. On ne tient aucun compte des lois ecclésiastiques. L'Église, qui a reçu de Jésus-Christ ordre et mission d'enseigner toutes les nations, se voit complètement écartée de l'enseignement public. — Dans les choses mêmes qui relèvent des deux puissances, les chefs d'État s'arrogent le droit de décider par eux-mêmes et à leur gré, affectant de ne point tenir compte des lois les plus sacrées de l'Église sur ces matières. Ainsi ils soumettent à leur juridiction les mariages des chrétiens, en statuant sur l'existence du lien conjugal, sur l'unité et l'indissolubilité du mariage. Ils mettent la main sur les biens de l'Église, lui déniant le droit de posséder. Bref, ils refusent à l'Église le caractère et les droits de société complète. Ils la traitent absolument comme n'importe laquelle des associations qui existent dans l'État. On se plaît même à représenter ce qu'on lui laisse de droits et de liberté d'action, comme une concession et une faveur du gouvernement.

Dans les pays où la législation civile laisse à l'Église son autonomie, et où un concordat est intervenu entre les deux puissances, on commence par proclamer bien haut qu'il faut séparer les intérêts de l'Église des intérêts de l'État. Le but poursuivi est de pouvoir impunément agir au mépris de la foi jurée, et de se faire, sans plus rencontrer d'obstacles, l'arbitre de toute chose. L'Église ne pouvant, sans manquer au plus saint et au plus impérieux des devoirs, souffrir une telle usurpation, exige naturellement l'accomplissement intégral des engagements sacrés contractés envers elle. Il en résulte, entre les deux puissances, des conflits fréquents, dont l'issue presque inévitable est l'oppression de l'Église, humainement la plus faible, par le pouvoir qui dispose de la force.

Ainsi, dans ce régime politique qui obtient aujourd'hui la faveur presque générale, il y a une tendance et un parti pris manifeste de faire disparaître complètement l'Église, ou de la tenir assujettie et asservie à l'État. La plupart des actes de l'autorité publique poursuivent ce but. Les lois, l'administration, l'éducation sans religion, la spoliation et la destruction des ordres religieux, la suppression du pouvoir temporel des Pontifes romains, tout vise à ruiner les institutions chrétiennes, à entraver la liberté de l'Église catholique, à annihiler ses autres droits.


A suivre: II. — RÉFUTATION


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Message  Louis Mer 26 Oct 2011, 2:23 pm

II. — RÉFUTATION


La simple raison naturelle démontre combien ces théories politiques s'éloignent de la vérité. En effet, la nature elle-même atteste que tout ce qu'il y a d'autorité parmi les hommes découle de la source la plus sainte, la plus respectable, qui est Dieu. La théorie qui, faisant complètement abstraction de Dieu, prétend que le peuple a la souveraineté par droit de nature, est propre à flatter et à exciter de nombreuses passions. Mais elle ne repose sur aucun fondement solide et elle est impuissante à garantir la sécurité publique et le maintien paisible de l'ordre. Sous l'action de ces doctrines, les choses en sont venues au point que plusieurs osent proclamer, au nom du droit politique, la légitimité de l'émeute. C'est déjà en effet une opinion accréditée que les gouvernants ne sont que des mandataires chargés d'exécuter la volonté du peuple. Il en résulte nécessairement que tout peut changer au gré de cette volonté si mobile, et qu'il y a toujours lieu de redouter des troubles.

Prétendre qu'en matière de religion il n'y a pas de différence à établir entre les cultes divers et même opposés équivaut à n'admettre en théorie et en pratique aucune religion. A part le nom, c'est l'athéisme. Ceux-là en effet qui croient en Dieu ne peuvent, sans se donner un démenti ou sans tomber dans l'absurde, admettre que des cultes si différents, et même opposés en des points de la plus haute importance, soient tous également vrais, également bons, également agréables à Dieu.

De même, la liberté illimitée des opinions et de la presse n'est pas de soi un bien dont la société ait à se féliciter. Elle est, au contraire, la source et le principe de beaucoup de maux. La liberté, par cela même qu'elle est un élément de perfection pour l'homme, doit se mouvoir dans la sphère de la vérité et du bien. Or, la nature du bien et du vrai ne peut changer selon le caprice de l'homme; elle reste toujours la même et n'est pas moins immuable que l'essence même des choses. Si l'intelligence adhère à des opinions fausses, si la volonté se permet le mal et s'y attache, loin de s'élever à la perfection de leur nature, elles déchoient toutes deux de leur dignité native et s'en vont à la dépravation. Il n'est donc pas permis de publier et de mettre sous les yeux des hommes des choses contraires à la vertu et à la vérité. Il est bien moins permis encore de leur accorder la faveur ou la protection des lois. Il n'y a qu'une voie qui conduise au ciel où nous tendons tous, c'est la bonne vie. C'est pourquoi l'État se met en opposition avec les règles et les prescriptions de la nature quand il laisse à l'erreur et au vice une liberté qui permet de détourner impunément les intelligences de la vérité et les âmes de la vertu.

C'est aussi une grande et pernicieuse erreur que d'écarter l'Église, fondée par Dieu lui-même, de la vie sociale, des lois, de l'éducation de la jeunesse, de la famille. Une société sans religion ne peut avoir de bonnes mœurs. Déjà l'expérience n'a que trop démontré peut-être la nature et les tendances de ce système de morale qu'on appelle civile. L'Église du Christ est la vraie maîtresse de la vertu et la gardienne des mœurs. C'est elle qui conserve dans leur intégrité les principes d'où découlent les devoirs, qui nous suggère les motifs les plus propres à nous faire pratiquer la vertu, qui nous commande non seulement d'éviter les actions mauvaises, mais encore de réprimer jusqu’'aux simples mouvements de l'âme contraires à la raison.

Enfin, c'est à la fois une grande injustice et une grande témérité que de prétendre assujettir au pouvoir civil l'Église dans l'exercice de son ministère. C'est renverser l'ordre en faisant prévaloir l'élément naturel sur l'élément surnaturel. C'est supprimer, ou du moins notablement diminuer la somme de biens dont l'Église laissée libre comblerait la société. C'est encore ouvrir la voie à des inimitiés et des luttes qui, comme l'événement ne l'a que trop souvent montré, ne sont pas moins fatales à la société civile qu'à la société religieuse.

A suivre : III. — CONDAMNATION



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Message  Louis Mer 26 Oct 2011, 8:09 pm

III. — CONDAMNATION

a) Les textes

Les Pontifes romains, Nos prédécesseurs, comprenant bien les exigences de leur charge apostolique, n'ont pas voulu laisser passer sans flétrissures ces doctrines, que la raison elle-même désapprouve et qui ont d'ailleurs une influence si considérable sur les mœurs publiques.

Ainsi, dans sa lettre encyclique Mirari vos, du 15 août 1832, Grégoire XVI frappa de censures très graves ces propositions qui avaient déjà cours: en matière de religion, l'homme n'est pas tenu de faire un choix; chacun est libre de juger de la religion d'après ses goûts; chacun relève uniquement de sa conscience; chacun a pleine liberté de divulguer ses opinions; il est permis de renverser l'ordre de choses existant dans la société.

Au sujet de la séparation de l'Église et de l'État, le même Pontife s'exprime ainsi:

« Nous ne saurions présager aucun avantage, ni pour la religion, ni pour les gouvernements, de la réalisation des vœux de ceux qui désirent si vivement séparer l'Église de l'État et rompre la concorde entre le Sacerdoce et l'Empire. Car il est certain que les partisans d'une liberté sans frein redoutent souverainement cette concorde, qui fut toujours si favorable et si salutaire aux intérêts de la religion et à ceux de l'autorité civile. »
Pie IX aussi censura, chaque fois que l'occasion s'en présenta, celles de ces fausses opinions qui tendaient à s'accréditer davantage. Plus tard il en fit dresser un catalogue, afin que les catholiques eussent une direction sûre au milieu de ce déluge d'erreurs. (1)


______________________________________________

Note de Louis : Le libellé de ces propositions provient d’un Recueil des imprimeurs du Pape (Librairie Adrien Le Clere et Cie, 1865)

(1) Il suffit d’en citer quelques-unes :


XIX. L’Église n’est pas une vraie et parfaite société pleinement libre ; elle ne jouit pas de ses droits propres et constants que lui a conférés son divin Fondateur, mais il appartient au pouvoir civil de définir quels sont les droits de l’Église et les limites dans lesquelles elle peut les exercer.

XXXIX. L’État, comme étant l’origine et la source de tous les droits, jouit d’un droit qui n’est circonscrit par aucune limite.

LV. L’Église doit être séparée de l’État, et l’État séparé de l’Église.

LXXIX. Il est faux que la liberté civile de tous les cultes, et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l’esprit, et propagent la peste de l’Indifférentisme.

A suivre : b) Leur véritable portée

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Message  JCMD67 Jeu 27 Oct 2011, 6:14 am

JP B a écrit:Bonjour, cher ami.

Louis, dans l'excellente reproduction de l'Encyclique immortale Dei, a, dans ce message, commis, je pense (sous toute réserve) un impair dans le second sous-titre : au lieu de « 2° D'où dépendance de l'homme à l'égard de Dieu » ne faudrait-il pas écrire « 2° D'où indépendance de l'homme à l'égard de Dieu » ou, mieux, dans le contexte de l'exposé, « 2° D'où dépendance blasphématoire de Dieu à l'égard de l'homme ! » ?

Il faudrait peut-être lui poser la question et, exclu par ma faute de son forum, je ne puis le faire mais vous en confie, pour la meilleure présentation de son exposé, la chose.

U. de P.
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Message  Louis Jeu 27 Oct 2011, 8:25 am

JCMD67 a écrit:
JP B a écrit:Bonjour, cher ami.

Louis, dans l'excellente reproduction de l'Encyclique immortale Dei, a, dans ce message, commis, je pense (sous toute réserve) un impair dans le second sous-titre : au lieu de « 2° D'où dépendance de l'homme à l'égard de Dieu » ne faudrait-il pas écrire « 2° D'où indépendance de l'homme à l'égard de Dieu » ou, mieux, dans le contexte de l'exposé, « 2° D'où dépendance blasphématoire de Dieu à l'égard de l'homme ! » ?

Il faudrait peut-être lui poser la question et, exclu par ma faute de son forum, je ne puis le faire mais vous en confie, pour la meilleure présentation de son exposé, la chose.

U. de P.

Vous avez raison JP B, c'est un impair; d'ailleurs dans mon fascicule l'impair y était aussi et avait été ajouté à la mine de plomb in en avant de dépendance.

Je fais la correction après la publication de ce post.

Merci.

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Message  Louis Jeu 27 Oct 2011, 8:32 am

III. — CONDAMNATION

b) Leur véritable portée

Les doctrines affirmées

De ces décisions des Souverains Pontifes, il reste absolument établi que le pouvoir public tire son origine de Dieu même et non de la multitude; que le droit à la révolte répugne à la raison; qu'il n'est permis, ni aux individus, ni aux sociétés, de mépriser les devoirs de la religion, ou d'être indifférent à l'égard des diverses formes du culte; que la liberté illimitée de penser et de manifester publiquement ses opinions ne peut aucunement être rangée parmi les droits des citoyens et n'a aucun titre à la faveur et à la protection.

Il reste encore établi que l'Église, non moins que l'État, a le caractère et les droits d'une société parfaite; que les dépositaires du pouvoir civil doivent bien se garder de vouloir l'asservir ou la dominer, ou entraver sa liberté d'action, ou de violer, de quelque manière que ce soit, les autres droits que Jésus-Christ lui a conférés.

Quant aux choses mixtes, il est établi que la nature, comme la volonté divine, demandent, non pas la séparation, encore moins la lutte, mais l'harmonie de deux puissances, une harmonie, bien entendu, qui soit en rapport avec la fin de chacune d'elles.

A suivre : 2º Précisions nécessaires

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Message  Louis Jeu 27 Oct 2011, 10:28 am

III. — CONDAMNATION


b) Leur véritable portée

Précisions nécessaires

Telles sont les prescriptions de l'Église catholique touchant la constitution et le gouvernement des États. Toutefois ces enseignements et ces décisions, si on veut les interpréter sainement, ne réprouvent aucune des différentes formes de gouvernement. Par elles-mêmes, celles-ci n'ont rien qui répugne à la doctrine catholique. Si elles fonctionnent selon les règles de la Sagesse et de la justice, elles peuvent toutes garantir la prospérité publique. — Ils ne réprouvent pas non plus, en principe, la participation plus ou moins grande du peuple au gouvernement, participation qui, à certaines époques et sous certaines législations, peut n'être pas seulement un avantage, mais un devoir pour les citoyens.

En outre, ces doctrines ne fournissent à personne un motif fondé d'accuser l'Église de manquer d'indulgence et de condescendance, ou d'être hostile à la vraie et légitime liberté. En effet, l'Église enseigne qu'il n'est pas permis d'accorder aux différentes formes de culte le même droit qu'à la vraie religion. Mais elle ne condamne pas pour cela les chefs d'État qui, en vue d'un grand bien à atteindre, ou d'un grand mal à empêcher, tolèrent dans la pratique que chacun de ces cultes ait sa place dans l'État.

C'est d'ailleurs la volonté absolue et constante de l'Église que personne ne soit forcé d'embrasser malgré lui la foi catholique, parce que, comme saint Augustin l'observe très justement, l'homme ne peut croire que de plein gré. (1).

L'Église ne peut pas plus approuver la liberté qui porte l'homme à s'affranchir des lois de Dieu et à refuser l'obéissance due à l'autorité légitime. Ce n'est plus là de la liberté, c'est de la licence. Saint Augustin l'appelle à bon droit la liberté de perdition (2), et l'Apôtre saint Pierre, le voile qui couvre la malice (3) . C'est même une véritable servitude, puisqu'elle est opposée à la raison, car : « Quiconque se livre au péché est esclave du péché (4) . » Bien différente est la liberté vraie et digne de nos aspirations. Envisagée dans l'ordre de la vie privée, elle soustrait l'homme à la pire des tyrannies, celle de l'erreur et des passions; envisagée dans l'ordre de la vie publique, elle gouverne avec sagesse, elle favorise puissamment l'accroissement du bien-être, et préserve l'État de toute intervention étrangère arbitraire. — Plus que personne, l'Église approuve cette liberté louable et vraiment digne de l'homme; elle n'a jamais cessé de travailler et de lutter, pour en assurer aux peuples la jouissance entière et constante. Les institutions les plus favorables à la prospérité publique, les moyens les plus propres à protéger le peuple contre les abus de pouvoir des princes infidèles à leur mission, tout ce qui empêche les empiétements de l'État sur les droits de la commune ou de la famille, tout ce qui intéresse l'honneur de la dignité de l'homme, tout ce qui sauvegarde l'égalité des droits parmi les citoyens: toutes ces choses, les monuments des âges précédents l'attestent, ou bien sont dues à l'initiative de l'Église catholique ou du moins ont toujours trouvé en elle une protectrice et une gardienne fidèle. Ainsi, toujours conséquente avec elle-même, l'Église rejette, il est vrai, cette liberté excessive qui aboutit, pour les individus comme pour les peuples, à la licence ou à la servitude, mais elle fait le meilleur accueil aux progrès que le temps apporte, dès qu'ils peuvent contribuer à la prospérité de cette vie, qui est comme un acheminement vers la vie future et immortelle.

C'est donc une vaine et frivole calomnie que d'accuser l'Église d'être hostile au régime politique des temps modernes et de repousser sans distinction toutes les découvertes du génie contemporain. Sans doute, elle rejette toute doctrine malsaine, elle réprouve comme criminel l'esprit révolutionnaire, et tout particulièrement cette disposition d'esprit où perce déjà la volonté de s'éloigner de Dieu.

Mais, puisque tout ce qui est vrai procède nécessairement de Dieu, l'Église trouve comme un reflet de l'intelligence divine dans toute découverte de la vérité par l'esprit humain. D'ailleurs, comme, parmi les vérités de l'ordre naturel, il n'en est aucune qui infirme la foi à la révélation, que beaucoup au contraire la confirment, et que toute découverte de la vérité peut aider l'homme à connaître et à louer Dieu, l'Église accueillera toujours volontiers et avec joie tout ce qui étend le domaine des connaissances humaines. Comme elle n'a cessé de le faire pour les autres sciences, elle favorisera et encouragera les études qui ont pour objet la nature.

L'Église ne voit de mauvais œil aucune découverte dans cet ordre de choses; elle ne réprouve pas les recherches qui tendent à accroître l'agrément et le bien-être de cette vie. Essentiellement ennemie de l'inertie et de la paresse, elle ne désire rien tant que de voir le génie de l'homme produire, par le travail et l'étude, des fruits abondants. Elle a des encouragements pour tous les arts et pour toutes les industries. Imprimant par sa vertu puissante une bonne et salutaire direction à tous ces efforts, elle tâche d'empêcher que les hardiesses de l'esprit et une trop grande activité ne détournent l'homme de Dieu et des biens célestes.

____________________________________________________

(1) Tract. , XXVI in Joan. N. 2.
(2) Epist. CV. , ad Donatistas, cap. II, n. 9.
(3) I Pierre 2, 16.
(4) Jean 8, 34.

A suivre : IV. — CONCLUSION

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Message  Louis Jeu 27 Oct 2011, 11:07 am

IV. — CONCLUSION


Mais tout ceci, quelque raisonnable et quelque juste que ce soit, n'est plus guère compris. Aujourd'hui les sociétés non seulement refusent de se conformer aux principes chrétiens; elles semblent même vouloir s'en éloigner chaque jour davantage. Néanmoins, la vérité, produite au grand jour, rayonne naturellement au loin et s'insinue peu à peu dans les esprits. Pénétré de la gravité et de la sainteté de Notre charge, c'est-à-dire de la mission apostolique dont Nous sommes investi envers tous les peuples, Nous proclamons donc librement la vérité, selon Notre devoir. Ce n'est pas que Nous perdions de vue le caractère de notre époque, ou que Nous dédaignions les bons et utiles progrès qu'elle a réalisés. Mais Nous voudrions voir les sociétés suivre des voies moins périlleuses et s'appuyer sur de plus solides fondements. En cela, Nous ne portons aucune atteinte à la liberté légitime des peuples, car la vérité est parmi les hommes la mère et la meilleure gardienne de la liberté. La vérité vous rendra libres (1).
____________________________________________________

(1) Jean 8, 32.

A suivre : Conclusion pratique.

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Message  Louis Jeu 27 Oct 2011, 3:40 pm

Conclusion pratique


Si donc, dans ces conjonctures si difficiles, les catholiques Nous écoutent, comme c'est leur devoir, ils comprendront facilement comment ils doivent penser, comment ils doivent agir.

a) Que penser

Et d'abord, quant à la manière de penser, ils doivent adhérer fermement à tout ce que les Pontifes romains ont enseigné ou enseigneront, et en faire profession publique chaque fois que les circonstances le demandent. Particulièrement, en ce qui concerne les libertés modernes, comme on les appelle, chacun doit s'en tenir au jugement du Siège Apostolique et se conformer entièrement à son sentiment. Que tous se tiennent en garde contre l'apparente honnêteté de ces libertés; qu'ils se rappellent la source d'où elles proviennent, et l'esprit dans lequel elles sont originairement soutenues et propagées. Déjà l'expérience a suffisamment montré ce qu'il faut en attendre pour la société. Elles ont généralement produit des fruits qui inspirent de justes regrets aux hommes honnêtes et sages. S'il existe quelque part, ou si l'on se représente par la pensée, un État qui persécute et tyrannise l'Église et qu'on le compare au régime moderne de gouvernement dont Nous parlons, on pourra déclarer ce dernier plus tolérable. Et cependant les principes qui lui servent de fondement sont tels qu'ils ne peuvent, comme Nous l'avons dit, être approuvés de personne.

b) Comment agir

Quant à la manière d'agir, on peut la considérer soit dans l'ordre de la vie privée, soit dans l'ordre de la vie publique.

La vie privée

Dans la vie privée, le premier devoir est de conformer parfaitement sa conduite et ses mœurs aux préceptes de l'Évangile, et de ne pas reculer devant les sacrifices qu'impose parfois la vertu chrétienne. Tous doivent aussi aimer l'Église comme leur Mère, obéir à ses lois, l'honorer, sauvegarder ses droits, la faire enfin respecter et aimer filialement par tous ceux sur qui ils ont quelque autorité.

A suivre : 2º La vie publique

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Message  Louis Jeu 27 Oct 2011, 3:41 pm

Conclusion pratique


La vie publique

D'autre part, le bien public est intéressé à ce que les catholiques prêtent sagement leur concours à l'administration des affaires de la commune, et qu'ils aient le plus grand souci de pourvoir à l'éducation religieuse et morale de la jeunesse, comme il convient à ces chrétiens. De là dépend en grande partie le bonheur des cités.

De même, il est en général utile et permis aux catholiques d'étendre leur action au delà de ce théâtre restreint et de prendre part au gouvernement de l'État. Nous disons en général, parce que Nos enseignements s'adressent ici à l'universalité des peuples. Il peut arriver en effet que, dans un pays en particulier, pour de très graves et très justes motifs, il ne soit pas expédient de participer aux affaires publiques et d'exercer les charges politiques.

Mais en général, comme Nous l'avons dit, ne vouloir prendre aucune part aux affaires de l'État serait aussi répréhensible que de ne pas se soucier du bien commun et de ne lui apporter aucun concours; d'autant plus que la doctrine même qu'ils professent convie les catholiques à l'accomplissement parfait et consciencieux des devoirs du citoyen.

D'autre part, s'ils s'abstiennent, les rênes du gouvernement passeront aisément aux mains de ceux dont les opinions n'offrent guère de garantie pour le bien de la société. Cette abstention serait en même temps désastreuse pour les intérêts du christianisme, puisque les ennemis de l'Église seraient en quelque sorte tout-puissants, ses amis au contraire presque sans influence. Il est donc évident que les catholiques ont de justes raisons d'entrer dans la vie politique. Car ils le font, et ils doivent le faire, non pour approuver ce qu'il y a de blâmable dans les institutions modernes, mais pour les faire servir, autant qu'il est possible, au bien réel et véritable de la société, et pour faire passer dans toutes les parties de l'organisme social, comme une sève féconde et un sang réparateur, l'esprit et l'influence bienfaisante de la religion catholique.

C'est ainsi qu'ont agi les chrétiens des premiers siècles…

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Message  Louis Jeu 27 Oct 2011, 3:43 pm

Conclusion pratique


La vie publique (suite)

C'est ainsi qu'ont agi les chrétiens des premiers siècles. Rien n'était assurément plus éloigné de l'esprit et des mœurs de l'Évangile que l'esprit et les mœurs du paganisme. On pouvait cependant voir les chrétiens vivre au milieu de la superstition païenne sans en subir la contagion, et, toujours semblables à eux-mêmes, entrer hardiment partout où ils trouvaient accès. D'une fidélité exemplaire envers les princes, obéissant aux lois, autant qu'il leur était permis, ils jetaient partout un admirable éclat de sainteté. Ils usaient de leur influence pour faire du bien à leurs frères et en même temps pour attirer les infidèles à la foi chrétienne, disposés cependant à se retirer et même à mourir courageusement le jour où ils n'auraient pu, sans compromettre leur conscience, conserver les honneurs, les magistratures, les fonctions publiques. Ils firent ainsi bientôt pénétrer la foi chrétienne non seulement dans la demeure des particuliers, mais dans les camps et le palais impérial lui-même. « Nous ne sommes que d'hier, et nous remplissons tout ce qui vous appartient, vos villes, vos îles, vos forteresses, vos municipes, vos assemblées, vos camps eux-mêmes, les tribus, les décuries, le palais, le sénat, le forum. (1) » Aussi, lorsque la loi permit de professer publiquement l'Évangile, la foi chrétienne apparut, non à l'état d'enfance, mais déjà florissante et assez fortement établie dans un grand nombre de villes.

C'est bien l'occasion de renouveler ces exemples de nos pères. Les catholiques vraiment dignes de ce nom doivent, avant tout, être et se montrer les fils très aimants de l'Église; rejeter, sans hésiter, tout ce qui serait incompatible avec ce titre glorieux; user, autant que la conscience le permet, des institutions publiques au profit de la vérité et de la justice; s'efforcer de contenir la liberté dans les bornes que lui assignent la loi naturelle et la loi divine; enfin, travailler à ramener les institutions publiques au type et à la forme chrétienne, que Nous avons décrite.

Il n'est pas aisé d'assigner une manière unique et absolue d'arriver à ces résultats, puisqu'elle devrait convenir à tous les lieux et à tous les temps, entre lesquels il y a de si profondes différences.

Il faut certainement avant tout maintenir l'union des volontés et tendre à une pratique uniforme. Ce double avantage sera pleinement obtenu si chacun prend pour règle de conduite les prescriptions du Siège Apostolique et se soumet à la direction des évêques que l'Esprit-Saint a établis pour gouverner l'Église de Dieu (2). La défense des intérêts catholiques exige impérieusement que, pour la profession des doctrines enseignées par l'Église, tous soient d'un même sentiment et d'une fermeté à toute épreuve. A cet égard, chacun doit se garder de donner quoi que ce soit à l'erreur, ou de lui résister avec moins d'énergie que n'en requiert le service de la vérité. — Dans les questions de libre discussion, il est loisible à chacun de soutenir son avis avec modération et avec le désir sincère de découvrir la vérité. — Mais on doit s'abstenir de tous soupçons injurieux et d'accusations réciproques.

Afin donc que de téméraires accusations ne viennent pas désunir les esprits …

___________________________________________________

(1) Tertull. Apol. n. 37.
(2) Actes, 20, 28,



Dernière édition par Louis le Jeu 27 Oct 2011, 4:14 pm, édité 1 fois (Raison : Insérer la note (2))

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Message  Louis Jeu 27 Oct 2011, 3:46 pm

Conclusion pratique


La vie publique (suite)

Afin donc que de téméraires accusations ne viennent pas désunir les esprits, tous doivent avoir devant les yeux ces principes: l'intégrité de la foi catholique est incompatible avec toutes les opinions qui se rapprochent du naturalisme ou du rationalisme, et qui, en définitive, ne tendent à rien moins qu'à détruire de fond en comble les institutions chrétiennes et à substituer dans la société la souveraineté de l'homme à celle de Dieu. Il n'est pas permis non plus de suivre une règle de conduite différente dans la vie privée et, dans la vie publique, de façon à représenter l'autorité de l'Église comme individu, tout en la rejetant comme citoyen. Ce serait en effet allier le bien et le mal et mettre l'homme en lutte ouverte avec lui-même, tandis qu'au contraire il doit toujours être d'accord avec lui-même, et ne s'écarter jamais de la vertu chrétienne, en quelque affaire ou en quelque condition que ce soit.

Mais s'il s'agit de questions purement politiques, comme de la meilleure forme de gouvernement, de tel ou tel système d'administration civile, les divergences sont certainement permises. Quand donc des hommes, dont la piété est connue et l'esprit tout disposé à accepter docilement les décisions du Saint-Siège, professent, sur les points que nous venons de dire, des opinions différentes des nôtres, la justice ne permet pas de leur en faire un crime. Ce serait une injustice beaucoup plus grande encore de les accuser d'être suspects ou traîtres à l'égard de la foi catholique, comme cela s'est fait parfois, à Notre grand regret. Que les écrivains, et surtout les journalistes, se pénètrent intimement de cette règle. Dans une lutte où les plus grands intérêts sont en jeu, il faut bannir toute question qui divise et tout esprit de parti.

Toutes les volontés et tous les efforts doivent au contraire tendre de concert au but auquel tous aspirent également, à la conservation de la religion et de la société. Si donc il y a dans le passé quelques dissentiments, il faut les ensevelir dans un oubli volontaire. S'il y a eu quelque témérité, quelque injustice dans les procédés, cette faute, quels qu'en soient les auteurs, doit trouver sa compensation dans une charité réciproque, et sa réparation dans un ardent et général élan de soumission envers le Siège Apostolique.

De tout cela, les catholiques retireront deux avantages très précieux. D'abord, ils seront pour l'Église de vrais auxiliaires dans la conservation et la propagation de l'esprit chrétien. Ensuite, ils rendront un service éminent à la société civile, dont l'existence est gravement compromise par les doctrines et les passions mauvaises.

A suivre : c) Prière et bénédiction apostolique

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Message  Louis Jeu 27 Oct 2011, 3:47 pm

Conclusion pratique


c) Prière et bénédiction apostolique


Tels sont, vénérables Frères, les enseignements que Nous avions à donner à tous les peuples du monde catholique touchant la constitution chrétienne des États et les devoirs des citoyens.

Il nous reste à implorer par d'ardentes prières le secours du ciel, et à supplier Dieu, qui peut seul éclairer les intelligences et incliner les volontés, de réaliser Nos vœux et de couronner de succès Nos efforts pour sa gloire et le salut des hommes. — Comme présage des faveurs divines et comme gage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous accordons avec toute l'affec¬tion que Nous vous portons dans le Seigneur, à Vous, vénérables Frères, au clergé, et à tous les fidèles confiés à votre garde et à votre vigilance, la Bénédiction apostolique.

Donné à Rome près Saint-Pierre, le 1er novembre 1885, la huitième année de Notre Pontificat.

LÉON XIII, PAPE.

A SUIVRE : TABLE DES MATIERES.

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Message  Louis Ven 28 Oct 2011, 12:38 pm


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Message  ROBERT. Dim 06 Nov 2011, 2:01 pm

Louis a écrit:



La Table des Matières est extrêmement utile...

Merci Louis. Wink


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