Le Problème de la vraie Vie
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Le Problème de la vraie Vie
Le Problème de la vraie Vie
« Chercher Dieu »... Telle est l'énigme de la vie présente. Il n'y a que celle-là, l'unique nécessaire, proposée à l'esprit de l'homme par l'Esprit de Dieu.
En termes explicites, l'apôtre saint Paul, devant les philosophes païens d'Athènes, établit les données du problème : Ce « Dieu inconnu que vous honorez en l'ignorant », dit-il, « a fait sortir d'un seul le genre humain pour peupler la surface de la terre ; il a fixé à chacun des limites précises dans le temps et dans l'espace, avec le but de chercher Dieu comme en palpant à l'aventure jusqu'à ce qu'on le trouve, quoiqu'il ne soit pas loin de chacun de nous, car en lui nous avons la vie, le mouvement et l'être, et, comme l'a dit certain de vos poètes : nous sommes aussi de sa race ». Et encore : « Il a déterminé un jour où il jugera le monde selon la justice par l'homme qu'il a désigné et qu'il a accrédité auprès de tous en le ressuscitant des morts. » (1)
Question primordiale de vie, qui s'impose à l'attention de tout homme comme homme, qu'il soit impie ou juste. « Cherchez Dieu et votre âme vivra. » (2)
Problème angoissant et plein de charme. Car ce Dieu, dit Job, « tantôt répand autour de lui sa lumière, tantôt se cache comme au fond de l'Océan. » (3)
Problème d'angoisse, que l'Écriture appelle « une occupation pénible » (4), « un combat » (5).. « Toute créature gémit » (6) ; gémit à cause de l'obscurité de la foi, grossie des ténèbres du péché, depuis que l'homme, par la corruption de la chair, est devenu « inférieur à lui-même » (7).
Problème de suavité pourtant, par la fascination qu'exerce le premier zèle consacré à le résoudre. N'est-ce pas déjà connaître que de commencer à chercher ? « Tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais trouvé. » Suavité pénétrante qui vient de cette clarté d'aurore mêlée à la nuit. Le Créateur « ne nous a pas laissés sans témoignage de lui-même » (8) : au dedans cette soif de bonheur absolu, et qui est son signe à lui; au dehors » l'invisibilité de son essence rendue intelligible par les choses visibles » (9). Clarté matinale dont le propre est de croître jusqu'au plein midi.
(1) Act., XVIII, 26-31.
(2) Ps., LXVIII, 33.
(3) Job, XXXVI, 30.
(4) Eccle., I, 13.
(5) Job, VII, 1.
(6) Rom., VIII, 22.
(7) quo seipso minor esset. S. Grég., Moral. IX, 50.
(8) Act., XIV, 16.
(9) Rom., I, 20.
Mgr L. PAULOT
Prélat de la Maison de Sa Sainteté, Vicaire général de Reims.
Extrait: ''L'esprit de sagesse''
Essai de synthèse des principes généraux de la vie intérieure
Editions de « La Vie Spirituelle »
LIBRAIRIE DESCLÉE et Cie.
30, Rue Saint-Sulpice — Paris VIe, 1926.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: Le Problème de la vraie Vie
Le Problème de la vraie Vie
« La voie des justes est comme une lumière resplendissante qui s'avance et progresse jusqu'au jour parfait » (1).
Problème de l'esprit, et problème du cœur. L'un et l'autre, l'autre surtout.
Problème de l'esprit, parce que, en l'homme raisonnable, créé à l'image de l'éternelle Vérité, c'est l'esprit qui conduit le cœur, et non le cœur l'esprit. Et, cependant, problème du cœur surtout, parce que l'esprit humain, dans la condition présente, est comme en tutelle à cause de la servitude des préjugés et du choc en retour des passions ; il a besoin d'être commandé par le cœur qui a ses raisons que la raison ignore.
Problème du cœur, pourquoi encore ? Parce que c'est l'amour qui l'a posé, et c'est à l'amour qu'il appartient de le résoudre.
L'amour l'a posé.
Nous ne savons pas le don que Dieu nous a fait en nous donnant une âme ; une âme, cet esprit qui est « de sa race », apparenté à lui, portant dans sa physionomie les traits de la ressemblance divine. Il est bien vrai que Dieu l'a tirée du néant. Mais la création de cette âme est plus touchante que la création de l'univers. Tandis que par sa parole Dieu fait apparaître les inondes, il crée l'âme par un soupir, pour nous signifier, dira Bossuet, « qu'il l'a produite avec une affection si particulière et si tendre que c'est comme s'il l'avait tirée de la région de son cœur » (2).
Ce trésor aimé, il l'a enfoui dans un champ, dans le limon du corps humain ; il a même permis qu'il fût enfoui dans la corruption d'un corps assujetti au péché. Il veut que ce trésor d'intelligence et de volonté libre lui revienne de son propre mouvement.
La chose crierait vers son maître si elle avait un sentiment et une voix. Propriété du Père céleste, l'âme va être douée d'énergies secrètes qui lui feront reconnaître, même dans ses égarements, la maison paternelle et la domination d'en haut. Ce sera sans violence pour sa liberté. Emprisonnée dans la geôle étroite de l'espace et du temps — ce « point entre deux éternités » — , la créature humaine, cherchant à tâtons l'issue qui la ramène au grand jour, pourra, si elle le veut, trouver sa délivrance. Il suffira que son amour soit plus fort que ses chaînes. Il suffira qu'elle se souvienne que les chaînes du dehors ne prévalent pas contre la puissance de l'aimant divin qui l'attire en dedans. N'est-il pas écrit : « Je les attirerai par les chaînes d'Adam, les chaînes de l'amour » ? (1) Tant il est vrai que Celui qui parle «nous a aimés le premier» (2).
C'est donc l'amour qui a posé le problème. De l'amour encore dépend la solution.
(1) Prov., IV, 18.
(2) Excellence de l'âme.
(1) Ose., XI, 4.
(2) I Joann., IV, 10.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: Le Problème de la vraie Vie
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Si l'amour appelle une réplique, il ne la nécessite pas. La dernière des exigences du cœur est de n'exiger rien. Il faut donc que la liberté humaine soit mise à l'épreuve ; il faut que les « grandes eaux » de la tentation soient « démontrées impuissantes à éteindre la charité ». Comme Dieu a tenté Abraham, comme il a tenté Job, comme il a tenté Tobie, il tentera, selon la mesure jugée convenable par sa Sagesse, tout homme venant en ce monde.
Mystère pesant d'obscurité. Voici la détente.
Si, en droit, l'homme est placé ici-bas pour chercher Dieu, Dieu, en fait, de son côté, cherche l'homme.
Dieu cherche l'homme. Il cherche l'homme, « comme si l'homme était le dieu de Dieu et comme si Dieu ne pouvait être heureux sans lui »
(1).
Lorsqu'elle jetait les fondements de la terre, futur berceau de l'humanité, la Sagesse incréée « se délectait chaque jour » dans sa pensée créatrice. Parce que l'amour produit l'extase, c'est-à-dire la sortie de soi, la Sagesse éternelle quittait le sein du Père. « Partie des dernières profondeurs du ciel », elle ne va pas se contenter d'un amour oisif; sa recherche ne sera pas exempte de labeurs. Quaerens me sedisti lassus ! « Vous vous êtes assis, fatigué de me chercher ». « Fatigué de la route, il était assis au bord de la fontaine » (2). Epuisé, un jour, «avec un grand cri et des larmes»(3), il rendra l'âme...
Recherche douloureuse, parce que c'est une recherche d'amour, et que dans l'amour, fût-ce l'amour d'un Dieu, on ne vit pas sans douleur. « Il m'a aimé et il s'est livré pour moi ». Le nœud des choses est là, nœud véritable, dans le mystère de l'Incarnation, « cette sorte de mariage spirituel, pour parler comme saint Thomas, entre le Fils de Dieu et la nature humaine » (4).
Désormais, nous sommes les fils, non de l'esclave, comme si nous étions « nés selon la chair », mais de la femme libre, « nés selon l'Esprit », « nés de Dieu » et de « cette Jérusalem d'en haut qui est notre mère ». (5) A tous les hommes il est donné de pouvoir être les enfants de Dieu. « Vous êtes tous fils de Dieu par la foi dans le Christ Jésus » (1). « Et parce que vous êtes fils, Dieu a mis dans vos cœurs l'Esprit de son Fils, lequel crie : Abba ! Père. Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils, et si tu es fils, tu es pareillement héritier » (2).
Telle sera la loi d'amour annoncée à tous.
Il y aura aussi la loi du plus grand amour, annoncée à quelques-uns. Combien recherchés ceux-là !
(1) Quasi homo Dei Deus esset..., et quasi sine ipso beatus esse non posset. (Opuscul. 62 de Beatitudine, c. 7, attribué à S. Thomas.)
(2) Joann... IV, 6.
(3) Heb., V, 7.
(4) 3, q. 30, a. I.
(5) Galat, IV, 26.
(1) Galat.,III, 26.
(2) lb., 6, 7.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: Le Problème de la vraie Vie
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Le Christ a épousé l'Église. Si le sacrement de mariage est « grand », ce n'est que « dans le Christ et dans l'Église », comme la grande ombre d'une réalité plus grande. Et comme le Christ a épousé l'Église, il épousera de même ces âmes de choix qui constituent « la plus illustre portion de son troupeau » (3).
L'épouse suit son époux partout où il va. Partout où il ira, les vierges suivront. L'Écriture est remplie de la louange de ce plus grand amour. L'hymne mystique éclate en transports dans maints endroits des pages sacrées. Annoncées dans l'Apocalypse, les noces de l'Agneau ont commencé de se célébrer sur terre. « L'Esprit et l'époux disent : Venez ». Ce ne sont qu'avances et désirs mutuels. De part et d'autre on se recherche. Recherche ineffable que le Cantique des cantiques, c'est-à-dire le Cantique par excellence, célèbre avec des mots humains, mais qui rendent un tout autre son, pour les âmes capables seules d'en entendre la musique, d'en interpréter le sens. Parce que la grâce leur donne d'outrepasser la sensibilité de la chair — « celui qui adhère à Dieu est un seul esprit avec lui » — les âmes privilégiées, semblables à ces gazelles, à ces faons dont il est question dans le même Cantique, forcées sans doute de prendre leur point d'appui sur terre, mais en y touchant à peine, dépassent d'un bond les impressions de l'homme pour s'élancer vers la région des c*mes. Tout bien créé, superficiel et fragile, une fois jugé indigne de retenir leur amour enflammé du désir des biens éternels, elles n'ont plus faim et soif que de voir la suprême beauté, que de s'y reposer dans la jouissance de la contemplation, ou que de souffrir d'amour, ce qui est jouir encore.
(3) S. Cypr., De hab. virg., c. II.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: Le Problème de la vraie Vie
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L'on se cherche. Mais c'est l'amour de l'Époux qui prévient l'autre. Une voix s'est fait entendre : « Je t'ai aimée d'une charité éternelle, et c'est pourquoi je t'ai attirée » (1). Et encore : « Je l'attirerai et la conduirai dans le désert, et là je lui parlerai au cœur » (2). Il est écrit d'autre part : « Quelle est celle-ci qui monte du désert, appuyée sur son bien-aimé ? » (3). « Écoute, ma fille, et vois » (4)... « Je te fiancerai à moi pour jamais». (5)
Mais comment se fera la rencontre ; rencontre de l'enfant prodigue avec son. Père, rencontre de la fiancée avec l'Époux ?
Assez clairement le problème s'annonce : les pôles de deux amours s'attirent ; l'un qui « a placé dans les ténèbres le lieu de sa retraite »,(6) et qui, comme la foudre, chargé du fluide mystérieux, n'attend, pour se décharger que la présence de son objet ; l'autre, anxieux, travaillé de saints désirs, jusqu'à ce que vienne l'irruption de l'Esprit.
Mais, encore une fois, le comment reste comme un point d'interrogation troublant.
(1) Jérem., XXXI, 3.
(2) Ose., II, 19.
(3) Cant., VIII, 5.
(4) Ps. LXIV, 12.
(5) Ose., II. 19.
(6) Ps. XVII, 12.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: Le Problème de la vraie Vie
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Assurément il est tout proche, ce Bien-Aimé. « Le voici qui est derrière notre mur, qui regarde par la fenêtre, qui regarde par le treillis » (1). Un rien le sépare de la main tâtonnante qui voudrait le saisir. Mais ce rien qui est tout, qu'est-ce donc ?
Non, le Bien-aimé de nos cœurs n'a point livré sa découverte au hasard. Non, il n'est pas possible qu'un problème proposé à la créature raisonnable se résolve à l'aventure. Comme à tout problème, il y faut une logique. Ce rien, ce tout, c'est l'observation des règles, c'est la méthode, c'est la voie, c'est la discipline, c'est l'ordre à observer.
» Il y a un ordre, dit saint Augustin ; si nous l'observons dans la vie, nous parviendrons à Dieu ; si nous ne l'observons pas dans la vie, nous ne parviendrons pas à Dieu » (2).
La formule est absolue. Si l'ordre ne prévaut pas, tout désir est vain ; dans le cas contraire, c'est normal, c'est pour ainsi dire fatal que le voile se déchire. Car s'il y faut, du côté de Dieu, la grâce, « Dieu, selon l'axiome connu, ne refuse pas sa grâce à celui qui fait tout ce qui est en son pouvoir ».
Donc, du côté de la créature, une seule chose s'impose, l'ordre à serrer de près. « Bienheureux, dit la Sagesse, ceux qui gardent mes voies. Apprenez la discipline, et soyez sages ; ...celui qui me trouve trouvera la vie et le salut dans le Seigneur ». (3)
(1) Cant., II, 9.
(2) Ordo est, quem si tenuerimus in vita, perducet ad Deum, et quem nisi tenuerimus in vita, non perveniemus ad Deum. S. Aug., De Ordine, L. 1, c. 9.
(3) Prov., VIII, 32-35.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13764
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Re: Le Problème de la vraie Vie
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Avant de trouver Dieu, il faut donc trouver la voie méthodique. Avis d'une importance si singulière que les saintes Écritures s'attachent à le répéter par milliers et milliers de fois. « Il a réglé en moi l'amour » (1). C'est la première chose qu'opère l'Esprit Saint dans le cœur de l'Épouse. C'est la première chose que les saintes Lettres réclament de celui qui « cherche Dieu ».
Dès le premier verset de son premier chapitre, le Livre de la Sagesse veut que nos pensées soient « selon la droiture » et que nous cherchions Dieu d'un cœur sincère. « Car il se laisse trouver par ceux qui ne le tentent point ». C'est tenter Dieu que de le chercher sans ordre.
Aussi, par la grande voix d'Isaïe, la Sagesse nous crie-t-elle : « Frayez dans le désert un chemin au Seigneur, aplanissez dans la lande une route pour notre Dieu ! Que toute vallée se relève, que toute montagne et colline s'abaisse ! Que les hauteurs deviennent plaines, et les rochers escarpés vallons ! Et la gloire du Seigneur apparaîtra. Et toute chair verra le salut de Dieu. Car la bouche du Seigneur a parlé. » (2)
Déclaration solennelle, qui sera réitérée sous le Testament Nouveau par Jean-Baptiste, écho fidèle d'Isaïe : « Préparez la voie au Seigneur, rendez droits ses sentiers. » (3) « Une lumière s'est levée dans les ténèbres pour ceux qui sont droits ». (4)
Il y a donc une voie, une rectitude, une méthode, une discipline nécessaires. « Cherchez et vous trouverez ». La Vérité le proclame. Mais elle sous-entend : avec rectitude. Tant d'autres passages du texte révélé sont si explicites ! « Ce sont les âmes droites qui vous aiment » (1). Que le Dieu d'Israël « est bon pour ceux qui ont le cœur droit » ! (2) Combien toujours opportun le cri de David pénitent : « Créez en moi un cœur pur, ô Dieu, et renouvelez jusqu'au fond de mon être l'esprit de droiture ! » (3)
Il est écrit : « Je te fiancerai à moi pour jamais.» Mais que l'on prenne garde au contexte immédiat : « Je te fiancerai à moi dans la justice ». Celui qui trouve, c'est l'homme juste, observe la règle et la loi.
(1) Cant., II, 4.
(2) ls., XL, 3, 4.
(3) Matth., III, 3.
(4) Ps. CXI, 4.
(1) Cant., I, 3.
(2) Ps. LXXII, 1.
(3) Ps. L, 12.
FIN
Monique- Nombre de messages : 13764
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