Pie XII et l'infaillibilité
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Pie XII et l'infaillibilité
A partir de 1956.
DISCOURS AUX JEUNES SÉMINARISTES DE FRANCE
(5 septembre 1957)
Cette formule qui renferme une des affirmations les plus précieuses pour l'histoire de la primauté pontificale, vous l'aurez lue en lettres gigantesques au-dessus de la tombe de saint Pierre : Hinc sacerdotii unitas exoritur.
D'ici, de cette humble sépulture d'un témoin du Christ, se répandent à travers le monde des fleuves de grâces. D'ici de cette chaire de Pierre, ses successeurs exercent, avec l'assistance infaillible de l'Esprit-Saint, leur rôle de docteur et de guide ; ils conservent le dépôt de la tradition, commentent l'Ecriture, gouvernent et sanctifient toute l'Eglise catholique par l'exercice de leurs pouvoirs d'ordre et de juridiction.
DISCOURS AUX ORGANISATIONS FÉMININES CATHOLIQUES
(29 septembre 1957)
Par la volonté de son divin Fondateur, l'Eglise est dépositaire de la Révélation surnaturelle, elle en est la gardienne et l'unique interprète autorisée ; le magistère qu'elle exerce à l'égard du dépôt sacré suppose le pouvoir de juger de toute vérité, puisque la destinée éternelle de l'homme est unique et que rien dans sa vie n'échappe à cette finalité. Les réalités culturelles, politiques, sociales et morales influencent toutes l'orientation de sa conduite ; chargée de le conduire à Dieu et possédant les moyens infaillibles de discerner le vrai du faux, l'Eglise est capable d'apprécier la valeur exacte des principes intellectuels et moraux, ainsi que les comportements qui répondent aux exigences de la vérité dans les situations concrètes de la vie individuelle et sociale.
Dès lors dans sa conduite personnelle, comme dans son apostolat, la femme catholique doit se préoccuper de rester en contact étroit avec la source vive de lumière que le Seigneur a mise en son Eglise : aussi longtemps qu'elle reste sous sa direction, qu'elle accepte son enseignement, et observe ses directives, elle jouit d'une sécurité infiniment précieuse, qui confère à toutes ses entreprises une autorité et une stabilité empruntées à celles de l'Eglise même.
D'aucuns ont voulu limiter l'objet de la compétence du magistère ecclésiastique au domaine des principes, et en exclure celui des faits, de la vie concrète. On prétend que celui-ci relève du laïc, que le laïc se trouve là sur son terrain propre, où il déploie une compétence qui manque à l'autorité ecclésiastique. Qu'il Nous suffise de répéter ici que cette affirmation est insoutenable : dans la mesure où il s'agit non de constater simplement l'existence d'un fait matériel, mais d'apprécier les implications religieuses et morales qu'il comporte, la destinée surnaturelle de l'homme est en jeu, et par conséquent la responsabilité de l'Eglise est engagée ; elle peut et elle doit, en vertu de sa mission divine et des garanties reçues à cet effet, préciser la mesure de vérité et d'erreur, que contient telle ou telle ligne de conduite, telle ou telle manière d'agir.
Bien que l'Eglise refuse de voir limiter indûment le champ de son autorité, elle ne supprime ni ne diminue de ce fait la liberté et l'initiative de ses enfants. La hiérarchie ecclésiastique n'est pas toute l'Eglise, et elle n'exerce pas son pouvoir de l'extérieur à la manière d'un pouvoir civil, par exemple, qui traite avec ses subordonnés sur le seul plan juridique. Vous êtes des membres du Corps mystique du Christ, insérés en lui comme dans un organisme animé par un seul Esprit, vivant d'une seule et même vie. L'union des membres avec la tête n'implique nullement qu'ils abdiquent leur autonomie ou qu'ils renoncent à exercer leurs fonctions ; bien au contraire, c'est de la tête qu'ils reçoivent sans cesse l'impulsion, qui leur permet d'agir avec force et précision, en parfaite coordination avec tous les autres membres, pour le profit du corps entier.
DISCOURS AUX PARTICIPANTS AU Ile CONGRÈS MONDIAL POUR L'APOSTOLAT DES LAÏCS
(5 octobre 1957)
il faut se rappeler que le Christ a confié à ses apôtres eux-mêmes un double pouvoir : d'abord le pouvoir sacerdotal de consacrer qui fut accordé en plénitude à tous les apôtres ; en second lieu, celui d'enseigner et de gouverner, c'est-à-dire, de communiquer aux hommes, au nom de Dieu, la vérité infaillible qui les engage et de fixer les normes qui règlent la vie chrétienne.
Ces pouvoirs des apôtres passèrent au Pape et aux Evêques. Ceux-ci par l'ordination sacerdotale, transmettent à d'autres, dans une mesure déterminée, le pouvoir de consacrer, tandis que celui d'enseigner et de gouverner est le propre du Pape et des Evêques.
Quand on parle d'« apostolat hiérarchique » et « d'apostolat des laïcs », il faut donc tenir compte d'une double distinction : d'abord, entre le Pape, les Evêques et les prêtres d'une part, et l'ensemble du laïcat d'autre part ; puis, dans le clergé lui-même, entre ceux qui détiennent dans sa plénitude le pouvoir de consacrer et de gouverner, et les autres clercs. Les premiers (Pape, Evêques et prêtres) appartiennent nécessairement au clergé ; si un laïc était élu Pape, il ne pourrait accepter l'élection qu'à condition d'être apte à recevoir l'ordination et disposé à se faire ordonner ; le pouvoir d'enseigner et de gouverner, ainsi que le charisme de l'infaillibilité, lui seraient accordés dès l'instant de son acceptation, même avant son ordination.
DISCOURS À DES DAMES CATÉCHISTES
(17 octobre 1957)
Ce n'est pas le moment, très chers fils et filles, de vous dire encore une fois ce que l'Eglise ressent devant vos problèmes et ce qu'elle a fait, ce qu'elle fait et ce qu'elle veut faire pour les résoudre, comme Nous avons déjà eu l'occasion de le dire il n'y a pas longtemps 2 ; ce n'est pas non plus l'occasion de revendiquer la mission éducatrice de l'Eglise, « parce que tout enseignement, comme toute action humaine, a un rapport nécessaire de dépendance avec la fin ultime de l'homme et, par conséquent, ne peut se soustraire aux normes de la loi divine, dont elle est la gardienne, l'interprète et la maîtresse infaillible3 ». La rencontre d'aujourd'hui est une rencontre de famille, où Nous préférons vous ouvrir avec simplicité Notre coeur de Père pour vous faire voir que si l'Eglise vous cherche, vous instruit et vous éduque, c'est seulement parce qu'elle est inéluctablement poussée à cela par son sentiment maternel ; c'est parce qu'elle vous aime et parce que vous êtes ceux qu'elle a été appelée à évangéliser (Lc 4,18), en suivant les traces de son divin Fondateur ; parce que vous formez sa joie et sa couronne (Ph 4, i), quand vous vous réfugiez dans son sein maternel et quand vous proclamez, comme en ce moment, que vous êtes ses fils dévoués.
2 Radiomessage aux travailleurs d'Espagne, il mars' 1951 ; Documents Pontificaux 1951, p. 87.
3 Pie XI, encyclique Divini illius Magistri, 31 décembre 3929 ; A. A. S., 22, p. 54-
DISCOURS À UN PÈLERINAGE DE CORDOUE
(18 octobre 1957)
Ces phrases, pèlerins de Cordoue, Nous les avons prononcées à l'occasion de l'élévation aux honneurs des autels d'une authentique fille de votre terre, la Bienheureuse Raphaèle-Marie du Sacré-Coeur, héroïne de la sainteté 2, comme si Nous voulions noter que toutes vos meilleures qualités resplendissent surtout lorsqu'elles se manifestent dans la fermeté de votre foi et de votre adhésion à la Chaire de la vérité ; quand votre Cordoue se présente au monde comme la cité des confesseurs et des martyrs ; quand vous pouvez vous glorifier d'évêques comme le grand Ossius, dont Nous n'avons pas l'intention de tracer maintenant un portrait, mais dont on ne peut cependant ignorer le prestige extraordinaire qui l'amena à diriger de grandes assemblées oecuméniques ; l'élévation et la solidité théologiques dont il laissa des traces évidentes dans les formules définitives de Nicée ; et la stabilité dans la foi aux terribles moments de la puissance arienne.
Et c'est précisément cette ferveur d'esprit, cette fermeté dans la foi et cette filiale dévotion envers la Chaire de Pierre que vous êtes venus — Vénérable Frère et très chers fils — Nous répéter en ce moment difficile que traverse le monde, où, sans que Nous prétendions le comparer avec les temps d'Ossius, il semble éprouver une inquiétude, une insécurité, une impatience, qui, aujourd'hui encore voudraient l'envahir tout entier, des limites extérieures de l'organisation sociale jusqu'au plus profond des consciences, dans lesquelles ne peut manquer de se faire sentir la répercussion de tant d'agitation et incertitudes, surtout si l'on tient compte que ne fera jamais défaut la malveillante insinuation qui prétend rendre la religion et l'Eglise responsables ou, pour le moins, complices de tant de maux.
Surmontant tout cela, très chers fils, au-dessus des obscurités de l'avenir et des anxiétés du présent, sans vous soucier des petitesses et des mesquineries, demeurez toujours « forts dans la foi » (), solidement unis entre vous par le
* Cf. Documents Pontificaux 1952, p. 192.
lien de la charité sincère, dociles et obéissants à la voix de vos Pasteurs et Prélats, les yeux tournés vers l'unique vérité qui vous montrera infailliblement le bon chemin. Et si vous avez quelque peu à souffrir, ne vous effrayez pas, parce que, comme l'a dit votre grand philosophe 3 : Non quid, sed quemadmodum feras, interest : « Ce qui importe n'est pas ce que tu souffres, mais comment » ; car, sans être arrivé à jouir de la lumière de l'Evangile, on dirait qu'il sut déjà deviner la valeur parfaite de cette vertu, qui tout en étant une en soi, appelée fermeté, fait également partie de toutes les autres, auxquelles elle communique force et sécurité4.
ALLOCUTION AUX PROFESSEURS ET ÉLÈVES DE LATHÉNÉE PONTIFICAL «ANGELICUM»
(14 janvier 1958)
Vous fêterez bientôt le cinquantenaire de votre Institution, et déjà Nous aimons à Nous représenter la joie que vous procurera ce mémorable événement. A juste titre du reste, car ce qui en ce temps-là était espoir mêlé d'inquiétude et simple début d'une entreprise, connaît à présent des résultats extrêmement favorables, et ce grâce à la très puissante protection de votre céleste Patron et au labeur du si nombreux et eminent corps académique de votre Institution. Sans nul doute, si celle-ci s'est acquis une renommée illustre « dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, colonne et fondement de la vérité » (1Tm 3,15), c'est avant tout parce que 1'« Angelicum » pénètre avec soin et diffuse largement les enseignements de saint Thomas d'Aquin. Il est bon le chemin que vous poursuivez dans le sillage lumineux de ce Guide supérieur, tout orné d'éminentes vertus.
Dans les prières liturgiques adressées à Dieu le jour de la fête de saint Thomas d'Aquin, l'on implore ces deux importants et augustes bienfaits : ... de bien comprendre ce qu'il a enseigné et de l'imiter, en accomplissant ce qu'il a fait (Oraison de la fête).
Docilité et respect dus à l'autorité de l'Eglise catholique.
Eh bien ! Nous posons la question : qu'est-ce donc que l'Aquinate a surtout enseigné ? Où donc se trouve résumé son enseignement spécifique, comme en une première ébauche apte à nous instruire ? C'est l'évidence même, par la parole et par les exemples de sa vie il a enseigné à ceux surtout qui cultivent les sciences sacrées, mais aussi à ceux qui s'adonnent aux recherches rationnelles de la philosophie, qu'ils doivent à l'autorité de l'Eglise catholique soumission entière et respect souverain 2.
La fidélité de cette soumission à l'autorité de l'Eglise se fondait sur la persuasion absolue du saint Docteur que le magistère vivant et infaillible de l'Eglise est la règle immédiate et universelle de la vérité catholique.
2 S. Th., 3 p. Suppl. q. 29, a. j, Sed contra 2 ; et 2a 2ae p., q. io, a. 12 in c.
Suivant l'exemple de saint Thomas d'Aquin et des membres éminents de l'Ordre dominicain, qui brillèrent par leur piété et la sainteté de leur vie, dès que se fait entendre la voix du magistère de l'Eglise, tant ordinaire qu'extraordinaire, recueillez-la, cette voie, d'une oreille attentive et d'un esprit docile. Vous surtout, chers fils, qui par un singulier bienfait de Dieu vous adonnez aux études sacrées en cette Ville auguste, auprès de la « Chaire de Pierre et l'église principale, d'où l'unité sacerdotale a tiré son origine » 3. Et il ne vous faut pas seulement donner votre adhésion exacte et prompte aux règles et décrets du Magistère sacré qui se rapportent aux vérités divinement révélées — car l'Eglise catholique et elle seule, Epouse du Christ, est la gardienne fidèle de ce dépôt sacré et son interprète infaillible ; mais l'on doit recevoir aussi dans une humble soumission d'esprit les enseignements ayant trait aux questions de l'ordre naturel et humain ; car il y a là aussi, pour ceux qui font profession de foi catholique et — c'est évident —, surtout pour les théologiens et les philosophes, des vérités qu'ils doivent estimer grandement, lorsque, du moins, ces éléments d'un ordre inférieur sont proposés comme connexes et unis aux vérités de la foi chrétienne et à la fin surnaturelle de l'homme.
ALLOCUTION AUX CURÉS ET PRÉDICATEURS DE CARÊME DE ROME
(18 février 1958)
Rome est une cité unique au monde, non pas tant par l'admirable ensemble de grandeurs humaines que signifie son nom, mais et surtout par la mission spirituelle qui lui a été assignée par Dieu, lorsqu'il inspira à Pierre de la choisir comme siège définitif de la Chaire pontificale et trône de tout pouvoir spirituel. Depuis lors, l'enseignement de Rome fut synonyme d'enseignement de cette Chaire, de l'Autorité suprême de magistère dans le domaine de la foi et de la morale, enseignement infaillible parce qu'il est celui du Christ. Dans la succession ininterrompue des Souverains Pontifes, qui occupèrent tour à tour cette Chaire romaine « au primat prééminent » 2, chacun d'eux fut, comme il le sera toujours, le Vicaire du Christ sur la terre, qui parle au monde en Son nom, en diffusant la lumière de la foi et en proposant des normes sûres de vie et d'action. La grandeur de Rome s'accrut à l'égal des responsabilités que sa Chaire acquit avec une évidence croissante aux yeux de tous.
A présent, la mission de Rome, comme centre spirituel et moral du monde, non seulement continue sans altération, mais il y a lieu de croire qu'elle apparaîtra avec une évidence toujours plus grande. En effet, le monde est en train de prendre chaque jour davantage conscience de son unité. Les hommes ne sont plus, comme autrefois, étrangers les uns aux autres, ni ne se contentent de la relation qui naît du fait d'être semblables ou identiques, de même qu'ils ne se satisfont pas des rapports qui dérivent de la finalité commune ; c'est-à-dire qu'il ne leur suffit pas d'être et de se considérer simplement comme proches et associés ; mais ils se plaisent à se dire une « famille humaine » et ils sont attentifs et émerveillés chaque fois qu'on leur révèle et qu'on leur explique la sublime beauté du Corps mystique du Christ. Quand on dit aux hommes qu'ils sont des membres d'un seul corps — des membres libres parce que conscients, et, toutefois, unis par l'Esprit-Saint — on suscite tout d'abord la stupeur, puis le jaillissement de la joie dans une approbation émue. Cela signifie que parler de l'humanité comme d'une multitude de créatures destinées à devenir l'Eglise n'est pas aussi difficile qu'il pourrait le sembler à certains ; cela indique d'autre part que, l'Eglise ayant son centre à Rome, la prévision d'un insigne poète païen, inspiré par un enthousiasme patriotique, deviendra de plus en plus réalisable aux yeux de l'esprit : l'étendue de la cité de Rome coïncidera avec le territoire du monde : Gentibus est aliis tellus data limite certo ; Romanae spatium est Urbis et orbis idem 3.
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