Pie XII 1939
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Pie XII 1939
DOCUMENTS PONTIFICAUX
IMPRIMATUR
S.D.
INTRODUCTION
S. DELACROIX.
S. D.
NOTE DE L'ÉDITEUR
DOCUMENTS PONTIFICAUX
1 RADIOMESSAGE A L'UNIVERS CATHOLIQUE
RÉPONSES A L'HOMMAGE DE L'ITALIE LORS DE SON ÉLECTION AU SOUVERAIN PONTIFICAT
ALLOCUTION AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE APRÈS LE COURONNEMENT
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE HONGROIS
ALLOCUTION A UN GROUPE DE CATHOLIQUES ARGENTINS
MOTU PROPRIO «AD PONTIFICALE SOLIUM» AU SUJET DES FAVEURS ACCORDÉES AUX CONCLAVISTES ECCLÉSIASTIQUES
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE ET PLÉNIPOTENTIAIRE DU BRÉSIL
TÉLÉGRAMME AU GÉNÉRAL FRANCO
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AUX CARDINAUX ET ARCHEVÊQUES DE FRANCE
ALLOCUTION AUX CARDINAUX ET AUX MEMBRES DE LA CURIE ROMAINE
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A S. EM. LE CARDINAL VERDIER, A L'OCCASION DU PREMIER CONGRÈS NATIONAL DE LA J.A.C.
HOMÉLIE DE PAQUES PRONONCÉE A LA MESSE PONTIFICALE SOLENNELLE
DISCOURS AUX MEMBRES DE L'UNION DES LIGUES FÉMININES CATHOLIQUES
II
RADIOMESSAGE A LA NATION ESPAGNOLE
ALLOCUTION A DES PÈLERINS BRÉSILIENS
LETTRE AU SECRÉTAIRE D'ÉTAT POUR UNE GRANDE CROISADE DE PRIÈRES DANS LE MONDE ENTIER POUR DEMANDER LA PAIX
ALLOCUTION AU MINISTRE DE LA RÉPUBLIQUE DE L'EQUATEUR
ALLOCUTION A UN GROUPE DE PÈLERINS ALLEMANDS
PREMIER DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
DISCOURS AU III\2e\0 CONGRÈS NATIONAL DE L'ASSOCIATION DES PRÊTRES-ADORATEURS D'ITALIE
II
III
ALLOCUTION AU CONSEIL SUPÉRIEUR DES OEUVRES MISSIONNAIRES PONTIFICALES
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
JEUNES ÉPOUX
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE L'ARGENTINE
ALLOCUTION A LA COLONIE ESPAGNOLE DE ROME
ALLOCUTION A L'ÉPISCOPAT ET AU PEUPLE MARONITES
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS ANGLAIS ET SUISSES
LETTRE A S. EM. LE CARDINAL TISSERANT A L'OCCASION DE LA COMMÉMORAISON DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR
ALLOCUTION A L'ÉPISCOPAT ET AUX FIDÈLES DE RITE GREC-MELCHITE
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
DISCOURS LORS DE L'ENTRÉE SOLENNELLE DANS L'ARCHIBASILIQUE DU LATRAN
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS SLOVÈNES
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
DISCOURS AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE
ALLOCUTION AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES FRÈRES MINEURS
ALLOCUTION POUR LE 950\2e \0ANNIVERSAIRE DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
DISCOURS A DES SOLDATS ESPAGNOLS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
EXHORTATION A DES PRÊTRES ASSISTANTS DE GROUPEMENTS D'ACTION CATHOLIQUE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BOLIVIE
LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA BÉATIFICATION D'EMILIE DE VIALAR FONDATRICE DES SOEURS DE SAINT-JOSEPH DE L'APPARITION
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT DÉCLARANT SAINT FRANÇOIS D'ASSISE ET SAINTE CATHERINE DE SIENNE PATRONS PRIMAIRES DE L'ITALIE
DISCOURS LORS DE LA BÉATIFICATION D'EMILIE DE VIALAR
ALLOCUTION A L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE DE L'URUGUAY
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
DISCOURS AUX ÉLÈVES DES SÉMINAIRES DE ROME
LETTRE AU R\2me\0 PÈRE PIERRE DAMIEN BUFFALDINI SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DES MOINES ERMITES CAMALDULES DE L'ORDRE DE SAINT BENOIT
LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA BÉATIFICATION DE JUSTIN DE JACOBIS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET AUX PÈLERINS VENUS POUR LA BÉATIFICATION DE JUSTIN DE JACOBIS
ALLOCUTION AU PÈLERINAGE NATIONAL HONGROIS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
ALLOCUTION AU MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE SLOVAQUIE
LETTRE POUR LE VI\2e\0 CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA ROYAUTÉ DU CHRIST
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LA XXXI\2e\0 SEMAINE SOCIALE DE FRANCE A BORDEAUX
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS ITALIENS
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CHILIEN
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE « PAX ROMANA »
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DE NOMBREUX AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
DISCOURS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES CHANOINESSES RÉGULIÈRES DE SAINT-AUGUSTIN
ALLOCUTION AU NOUVEL AMBASSADEUR DE POLOGNE
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA COMMISSION PONTIFICALE CENTRALE POUR L'ART SACRÉ
ALLOCUTION A DES MEMBRES DE LA FAMILLE RÉGNANTE
DU MYSORE
ALLOCUTION POUR LE SOUVENIR DE SON BAPTÊME
LETTRE A S. EM. LE CARDINAL PIAZZA PATRIARCHE DE VENISE POUR LE XIII\2e\0 CENTENAIRE DE LA FONDATION DE L'ÉGLISE DE TORCELLO
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU R. P. ARCHAMBAULT, S. J. POUR LA XVII\2e\0 SEMAINE SOCIALE DU CANADA
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DES LAURÉATS CATHOLIQUES
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU RECTEUR DU COLLÈGE SAINT-JÉRÔME DES ILLYRIENS
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU CONGRÈS DES UNIVERSITAIRES D'ACTION CATHOLIQUE
DISCOURS AUX PÈLERINS DES TROIS VÉNÉTIES A L'OCCASION DU XXV\2e\0 ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE PIE X
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE L'OEUVRE DES COMMUNAUTÉS PAROISSIALES DE FRANCE
RADIOMESSAGE AU MONDE ENTIER
NOTE AUX GOUVERNEMENTS ANGLAIS, FRANÇAIS, ALLEMAND, ITALIEN ET POLONAIS
LETTRE AUX ÉVÊQUES DE HOLLANDE A L'OCCASION DU XII\2e\0 CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT WILLIBROD
RÉPONSE AU FILIAL HOMMAGE DU SACRÉ COLLÈGE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BELGIQUE
ALLOCUTION A DES PÈLERINS MEXICAINS
ALLOCUTION A DES PÈLERINS ALLEMANDS
ALLOCUTION A S. EM. LE CARDINAL HLOND, ARCHEVÊQUE DE GNIEZNO ET POZNAN ET AUX POLONAIS RÉSIDANT A ROME
DISCOURS POUR L'INAUGURATION DE LA NOUVELLE ANNÉE JUDICIAIRE DE LA SACRÉE ROTE ROMAINE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LITHUANIE
ALLOCUTION A LA POPULATION DE CASTELGANDOLFO
ALLOCUTION A DES CARABINIERS ROYAUX ET A DES GARDES MÉTROPOLITAINS EN SERVICE A CASTELGANDOLFO
HOMÉLIE LORS DE LA CONSÉCRATION DE DOUZE ÉVÊQUES MISSIONNAIRES
ALLOCUTION AUX DOUZE NOUVEAUX ÉVÊQUES MISSIONNAIRES
ENCYCLIQUE « SERTUM LAETITIAE » AUX ÉVÊQUES DES ÉTATS-UNIS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES JEUNES DE L'ACTION CATHOLIQUE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LA RÉPUBLIQUE D'HAÏTI
LETTRE APOSTOLIQUE ABOLISSANT LES PRIVILÈGES DE L'ORDRE « PIANUS »
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CROATE
LETTRE AUTOGRAPHE A S. EM. LE CARDINAL SUHARD, ARCHEVÊQUE DE REIMS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
DISCOURS A L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR D'ITALIE
AMBASSADEUR D'ITALIE
EXHORTATION APOSTOLIQUE AUX PRÊTRES ET AUX CLERCS APPELÉS AUX ARMÉES
ALLOCUTION AU CHAPITRE DE LA BASILIQUE SAINTE-MARIE-MAJEURE
BASILIQUE SAINTE-MARIE-MAJEURE
ALLOCUTION A S. M. LE ROI-EMPEREUR
VICTOR-EMMANUEL III ET A S. M. LA REINE HÉLÈNE D'ITALIE
MESSAGE DE NOËL
ALLOCUTION A LA GARDE NOBLE PONTIFICALE
ALLOCUTION A S. M. LE ROI-EMPEREUR
VICTOR-EMMANUEL III ET A S. M. LA REINE HÉLÈNE D'ITALIE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DU CHILI
CONGRÉGATIONS ROMAINES
SUPRÊME SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE
S. CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE
SACRÉE CONGRÉGATION CONSISTORIALE
POUVOIRS ACCORDÉS AUX ORDINAIRES MILITAIRES
S. CONGRÉGATION CONSISTORIALE
SACRÉE CONGRÉGATION DE LA PROPAGANDE
INSTRUCTION SUR LA FAÇON DE TRAITER AVEC PLUS DE PRUDENCE DES QUESTIONS MISSIONNAIRES
INSTRUCTION VISANT CERTAINES CÉRÉMONIES PRATIQUÉES EN CHINE
SACRÉE CONGRÉGATION DES RITES
DÉCRETS CONCERNANT LES BÉATIFICATIONS ET CANONISATIONS
SACRÉE PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE
LISTE DES INDULGENCES APOSTOLIQUES ACCORDÉES PAR PIE XII 2 :
S. PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE
COMMISSION PONTIFICALE POUR L'INTERPRÉTATION AUTHENTIQUE DU CODE DE DROIT CANONIQUE
Pie XII 1939
1.
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DOCUMENTS PONTIFICAUX
de Sa Sainteté PIE XII
1939
publiés sous la direction de
MSr SIMON DELACROIX
EDITIONS SAINT-AUGUSTIN SAINT-MAURICE (Suisse)
IMPRIMATUR
Seduni, die 26. Septembris 1961 Jos. BAYARD Vic. gen.
Tous droits réservés
TÉMOIGNAGE DE SON EMINENCE LE CARDINAL TARDINI Secrétaire d'Etat de S. S. Jean XXIII
Son Eminence le cardinal Tardini nous avait fait le grand honneur d'accepter de préfacer le volume des Documents Pontificaux de l'année 1939. Nul mieux que ce collaborateur de S. S. Pie XII durant tant d'années n'était à même de présenter cette imposante publication. Sans doute aurait-il livré aux lecteurs des Documents quelques réflexions de grand intérêt sur le travail que représentait pour Pie XII son activité oratoire. La Providence en a décidé autrement.
Mais nous avons pensé que le nom de l'éminent pro-secrétaire d'Etat de Pie XII et du secrétaire d'Etat de S. S. Jean XXIII devait néanmoins figurer à la place qu'il avait lui-même accepté de prendre.
Aussi, avis pris à bonne source, avons-nous décidé de remplacer la préface qui aurait tant honoré notre collection par un témoignage que nous avons emprunté à la magistrale conférence donnée par lui à Rome, le 20 octobre 1959.
Pour ne posséder point le mérite de l'inédit, ce témoignage fera écho à la voix du grand homme d'Eglise et d'Etat disparu, ouvrira l'esprit du lecteur à l'intelligence plus pénétrante de la pensée de Pie XII et portera son coeur à une admiration plus vive de la personnalité, du labeur, de la force d'âme et de la bonté du grand pape disparu, mais toujours vivant dans son enseignement.
S.D.
Un grand Pape
Elu au souverain pontificat, Pie XII y accédait avec d'immenses richesses intérieures accumulées au cours de ces longues années d'un travail continuel et patient, où il avait été élevé à des postes de confiance, exercé aux responsabilités du gouvernement. Précieux capital constitué par les connaissances acquises, les observations faites, les études entreprises, les difficultés vaincues, les batailles livrées, les accords laborieusement négociés et heureusement conclus, en un mot, fait d'innombrables expériences toutes plus enrichissantes les unes que les autres et qui rarement se trouvent réunies dans la vie d'un même homme.
Le Seigneur accorda à Pie XII un long pontificat : presque vingt années. Or ces années-là virent s'accumuler les événements marquants. Elles représentent dans l'histoire du monde et dans la vie de l'Eglise une période tragique. Un énorme fardeau de responsabilité s'abattit alors sur le pape qui désormais et jusqu'à la fin de sa vie s'assujettit à un labeur écrasant.
Dans le cadre de cette universelle détresse, Pie XII est apparu et il fut réellement grand.
Grand comme maître de vérité ; grand comme pacificateur des peuples ; grand comme juge d'une humanité qui semblait se glorifier de ses propres fautes ; grand comme père plein de bonté pour tous ses fils ; grand comme consolateur et bienfaiteur de ceux qui souffraient ; grand surtout en tant qu'âme constamment unie à Dieu et tendant avec une ardeur croissante vers la perfection divine.
Le mystère de Pie XII
On a dit que Pie XII avait « dominé » une situation mondiale réellement tragique — et c'est vrai — mais il en fut aussi la première victime.
Lui qui fut affligé entre tous, il se fit le consolateur de tous.
Il fut un animateur, un entraîneur de foules ; mais ses aspirations les plus vives et les plus profondes allaient à l'étude, à la méditation, à la solitude.
Remarquable orateur, on peut croire que cette éloquence brillante et solide lui était source de jouissance. Or chacun de ses discours et de ses messages exigeait de lui une longue et pénible préparation.
Guide plein de sagesse, maintes fois il indiqua aux autres la route à suivre, alors que lui-même assez souvent ne discernait la sienne qu'avec beaucoup de peine.
La douceur de son caractère l'aurait naturellement éloigné de la lutte. Mais il se révéla un combattant intrépide chaque fois qu'il le fallut pour défendre la vérité, la justice, les intérêts des âmes. Aussi Pie XII passera-t-il dans l'histoire comme un pontife sagement réformateur et audacieusement novateur.
Cet ensemble de contrastes et de contradictions doit être mis en lumière pour permettre de comprendre ce que je me permettrai d'appeler le mystère de Pie XII.
Faute de quoi on ne pourrait apprécier ses mérites à leur juste valeur, ni se faire une idée exacte du degré de perfection qu'atteignit sa vertu. Cette perfection, notons-le bien, fut le prix d'une patiente et laborieuse conquête.
Et cette grâce aussi fut donnée à celui qui vécut de longues années auprès de Pie XII : celle d'avoir été le témoin de son ascension spirituelle, de l'avoir vu continuellement monter, se purifier, s'affiner, s'ennoblir, grandir...
A la fin de sa vie, ayant consumé jusqu'aux plus petites scories de fragilité humaine, la flamme de sa charité répandait et diffusait sur terre l'éblouissante clarté du ciel.
Pape de guerre
Or, à cet homme pacifique par tempérament, par éducation et par conviction, échut un pontificat de guerre... guerre effective ou froide, mondiale ou locale, il n'a rencontré que la guerre toujours.
Ilne connut jamais une minute de paix, cet homme essentiellement pacifique.
Acceptant du Seigneur cette lourde croix, il souffrit, il secourut, il parla, il agit.
Toutes les souffrances d'autrui se sont répercutées en ce Coeur paternel et délicat.
Il a donné tout ce qu'il avait, il s'est lui-même entièrement donné pour adoucir les innombrables, les inénarrables misères de la guerre. Il a mobilisé la radio et la diplomatie, créé la Commission pontificale d'assistance. Il a accueilli dans son palais les réfugiés et ceux qui étaient en danger, tous il les a sauvés, quoique tous ne lui en aient pas su gré. Il a nourri dans la disette la population de Rome, il l'a sauvée. D'une voix unanime, elle le proclame « Defensor civitatis ». Il accourt à Saint-Laurent-hors-les-murs et à Saint-] ean-de-Latran après les bombardements. Anxieusement, il fait rechercher la trace des disparus. Il ordonne à ses représentants de visiter les prisonniers et de leur porter ses dons. Il offre aux nazis l'or qu'ils exigent en échange de la sécurité des Israélites. Il intercède pour les déportés et pour les condamnés à mort, il retranche à sa table, il multiplie les pénitences, il fait supprimer le chauffage de son appartement même au coeur de l'hiver.
Sait-on qu'à la fin de la guerre Pie XII avait maigri au point de ne plus peser que 57 kilos, alors qu'il mesurait 1 m. 82 ?
Le maître
Placé par Dieu si haut, et si proche de lui par son élévation spirituelle, animé d'une foi robuste, soutenu par une espérance invincible, pressé par une charité débordante, le pape jugea qu'il était de son devoir de faire entendre souvent sa voix, la voix de la vérité, de la justice et de l'amour.
C'est alors que s'ouvrit la série de ces admirables discours, lettres et messages, qui se succéderont à un rythme rapide pendant près de vingt ans.
Il serait difficile de citer ici tous les avertissements, tous les enseignements, toutes les exhortations que Pie XII adressa au monde.
La guerre, la paix, l'ordre social, les rapports internationaux, la famille, les sciences économiques, la science, le travail, tels sont, parmi beaucoup d'autres, les sujets qui ont été abordés par sa véhémente éloquence.
Il déplore les violations du droit (c'est lui-même qui composa les trois fameux télégrammes du 10 mai 1940). Il invite les combattants à la modération ; il se dresse en défenseur des populations opprimées ; il dénonce l'emploi d'armes particulièrement meurtrières ; il réprouve les bombardements inconsidérés ; il proclame les droits et soutient les aspirations légitimes des peuples ; il rappelle l'exaltante dignité du travailleur ; il énonce avec courage et clarté les principes nécessaires à l'établissement d'une paix juste ; il invite gouvernants et peuples à une fraternelle collaboration ; il expose les normes fondamentales d'une saine démocratie, il suggère le désarmement ; il rappelle aux nations fortes et riches le devoir qui leur incombe de venir en aide aux pays faibles et pauvres.
Cet ensemble si vaste de documents admirables constitue un véritable « Corpus doctrinae » et un « Corpus juris » que l'on pourrait intituler : « Des fondements de la paix individuelle, et de la paix dans la famille, dans la société, dans les nations et entre les nations ».
Au milieu des foules
Cet homme que la nature, l'étude, la dévotion et l'ascèse inclinaient à la solitude, fut peut-être le pape qui se fit le plus proche des foules et celui qu'elles approchèrent de plus près. Au cours de ses audiences grandes et petites, privées et spéciales, dans les vastes salles du Vatican, dans l'église Saint-Pierre et sur la place, dans les salons et les cours de Castelgandoljo : pendant vingt ans il fut sans répit comme assailli par une irrésistible, une insurmontable marée humaine.
Auprès de lui sont accourus des hommes de toutes les nations, de toutes les classes sociales, de toutes les confessions religieuses. Des hommes politiques et des enfants de l'Action catholique, des princes et des hommes du peuple, des industriels et des ouvriers, des hommes de science et des illettrés.
A tous Pie XII a prodigué ses conseils. Pour tous il a eu des paroles d'encouragement et de bonté.
Mais que de temps lui prenaient ces audiences, et quel travail elles lui imposaient !
Le pape s'y préparait toujours avec soin.
Tous se rappellent ces grandes audiences générales où le pape lui-même, après avoir lu la liste des groupes admis en sa présence, s'adressait ensuite à chacun d'eux, dans sa langue respective.
Les applaudissements enthousiastes disaient assez la satisfaction de tous. Eh bien, la seule lecture de cette liste exigeait du pape (il m'en fit la confidence) une heure de préparation.
Il est humainement impossible d'apprécier le bien immense que Pie XII accomplit par l'apostolat des audiences. Car on peut bien dire que dans ces longues, nombreuses, harassantes audiences, il a exercé le plus généreux et le plus sanctifiant des apostolats.1
1 Cardinal Domenico Tardini, Pio 12, Tip. Poliglotta Vaticana. Traduction française aux Editions Fleurus, 1961, pp. 24-25, 29-30, 32-35, 34-35 et 47-48. Texte reproduit ici avec la bienveillante autorisation des éditeurs.
INTRODUCTION
Le 2 mars 1939, le cardinal Pacelli devenait à 63 ans le pape Pie XII.
L'heure était grave. Diplomate de carrière, mieux que quiconque, il le savait. Son élection avait accablé sa sensibilité si délicate. Sa résolution fit de lui le pape de la paix dont la sauvegarde sera le suprême souci des débuts de son pontificat.
Le lendemain de son élection, il inaugurait la longue et féconde série des discours, allocutions et radiomessages qui allaient constituer l'un des aspects les plus séduisants de son activité et l'un des moyens les plus importants de son influence mondiale.
Evoquant le souvenir de Pie XI qui avait fait « à Dieu l'offrande spontanée de sa vie pour obtenir la concorde entre les hommes », il invitait « tous les hommes à établir la paix et la concorde entre les nations, de telle manière que toutes et chacune d'elles tendent, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, dans une mutuelle conformité de sentiments, par des accords amicaux et des efforts conjugués, à procurer le progrès et le bonheur de toute la famille humaine ».
Dès sa première allocution au Sacré Collège (12 mars), il rappelait que la mission des papes ne fut jamais autre « que le service de la vérité » et définissait le sens de son pontificat comme le service de « la vérité dans la charité » (p. 23).
Non content d'appeler le monde entier à la prière (20 avril) en faveur d'une paix vraie et solide, basée sur la justice, l'honneur et la liberté des nations, il intervint au début de mai auprès des chefs des grandes nations d'Europe pour leur faire connaître les préoccupations graves que lui causait la situation internationale et il se réjouira publiquement d'avoir reçu « les assurances de bonne volonté et du désir de maintenir la paix tant souhaitée des peuples » (PP 114, 115, 296).
Le 2 juin, la tension internationale s'aggravant, il proclame que, soucieux d'accomplir « les devoirs sacrés » de sa charge, il ne se laissera pas * influencer par des considérations terrestres, ni arrêter par des défiances et des oppositions, par des refus et des incompréhensions, ou par la crainte de méconnaissances et de fausses interprétations» (p. 272).
La sauvegarde de la paix, * soit par des prières et des exhortations publiques, soit par des démarches confidentielles, réitérées et précises », fut et demeura sa première préoccupation comme celle de ses prédécesseurs, Benoît XV et Pie XI, au point de le contraindre à laisser en souffrance " d'autres tâches et d'autres préoccupations qui (lui tenaient) à coeur... conscient de tout ce que dans ce domaine (il devait) aux enfants de l'Eglise catholique et à l'humanité tout entière » (p. 235).
Le 21 août, après l'échec de la tentative de conciliation du président Roosevelt, il propose, hélas ! sans succès, une conférence des cinq pays intéressés auxquels se joindraient les Etats-Unis et le Vatican.
Le 24 août, pressentant « comme imminent le déchaînement du terrible ouragan », il adresse en termes pathétiques un suprême message radiodiffusé * aux gouvernements et aux peuples... Rien n'est perdu avec la paix. Tout peut l'être avec la guerre. Que les hommes recommencent à se comprendre. Qu'ils recommencent à négocier» (p. 240).
Le 31 août, à la veille de l'agression allemande contre la Pologne, il fait remettre une note aux gouvernements allemand, anglais, français, italien et polonais dans laquelle il suppliait « au nom de Dieu les gou-gernements d'Allemagne et de Pologne de faire ce qu'il leur est possible afin d'éviter tout incident et de s'abstenir de prendre toute mesure susceptible d'aggraver la tension actuelle » (p. 242).
Cependant, le 1" septembre, l'Allemagne envahissait la Pologne. Le fléau déchaîné, tous ses efforts tendirent à « épier attentivement, pour les seconder de tout (son) pouvoir, les occasions qui s'offriraient... d'acheminer... les peuples... vers la conclusion d'une paix honorable pour tous, en conformité avec la conscience humaine et chrétienne. »
Dès lors, tout en encourageant à l'espérance la Pologne (p. 256) et la Lithuanie (p. 264) et en s'employant à soulager de son mieux les victimes de la guerre et préoccupé déjà des lendemains de la grande mêlée et des difficultés de la reconstruction, il dénonçait les causes du conflit, préconisait les remèdes nécessaires et définissait les principes sur lesquels devrait être édifié le nouvel ordre international.
Le diagnostic sera porté par sa première encyclique « Summi Pontificatus » (20 octobre) (p. 266-298) et l'encyclique «Sertum laetitiae» aux évêques des Etats-Unis (1" novembre) (PP 311-324); les principes qui devront présider au règlement de la paix seront définis par le message de Noël (24 décembre) (PP 377-388).
Les causes du conflit ? C'est d'abord c la négation et le rejet d'une règle de moralité universelle, soit dans la vie individuelle, soit dans la vie sociale et dans les relations internationales, c'est-à-dire la méconnaissance et l'oubli... de la loi naturelle elle-même ». C'est ensuite <• la laïcisation si vantée de la société qui a fait des progrès toujours plus rapides, soustrayant l'homme, la famille et l'Etat à l'influence bienfaisante et régénératrice de l'idée de Dieu et de l'enseignement de l'Eglise » au triste bénéfice « d'un paganisme corrompu et corrupteur ». C'est encore l'agnosticisme religieux et moral, générateur des maux les plus graves ; « l'oubli de la loi de solidarité humaine et de charité, dictée et imposée aussi bien par la communauté d'origine et par l'égalité de la nature raisonnable chez tous les hommes, à quelque peuple qu'ils appartiennent, que par le sacrifice de rédemption offert par Jésus-Christ sur l'autel de la Croix à son Père céleste en faveur de l'humanité pécheresse ». C'est enfin « l'erreur contenue dans les conceptions qui n'hésitent pas à délier l'autorité civile de toute espèce de dépendance à l'égard de l'Etre suprême, cause première et maître absolu, soit de l'homme, soit de la société, et de tout lien avec la loi transcendante qui dérive de Dieu comme de sa première source ». De telles conceptions engendrent l'absolutisme sans frein de l'Etat totalitaire, la méconnaissance du droit, le mépris de la famille, le remplacement de l'éducation par l'embrigadement de la jeunesse au service de l'Etat, la négation de l'ordre international, l'instabilité des relations entre Etats, le mépris des traités.
Dès sa première encyclique, Pie XII portait sur la situation du monde en guerre un diagnostic qui révélait les causes vraies du drame. Les antagonismes politiques n'étaient que la conséquence du désordre et de la perversion des idées. Le mal était profond et d'ordre moral. C'étaient les fondements mêmes de la vie individuelle, familiale et sociale et de l'ordre international qui étaient en cause (PP 274-287 et 315-319).
Dès lors, les remèdes à cet état de choses ne peuvent venir des promesses des puissants de ce monde, ni du « choc des armées », car « l'heure de la victoire » est facilement « l'heure de la tentation où l'ange de la justice lutte avec le démon de la violence » et « l'épée... ne crée pas la paix. Les énergies qui doivent renouveler la face de la terre doivent venir du dedans, de l'esprit» (p. 288). Ce n'est que d'un redressement total des conceptions de l'homme, de la famille, de la société et de l'Etat et d'un retour à Dieu que peut venir le salut. C'est à une conversion qu'il faut appeler l'humanité. « Toute paix extérieure prend sa source dans la paix intérieure de la conscience, et toute paix collective a sa source première dans la paix individuelle » (p. 222).
La rééducation de l'humanité devra être avant tout spirituelle et religieuse et, par conséquent, partir du Christ comme de son fondement indispensable, être réalisée par la justice et couronnée par la charité.
L'homélie de Pâques avait déjà énuméré les conditions préalables de la paix ; la paix intérieure, l'obéissance à Dieu, la recherche de la justice et la charité (PP 44-49).
L'encyclique « Summi Pontificatus » en rappelait les principes fondamentaux : la communauté d'origine, de nature et de destinée de tous les hommes, leur égalité foncière, leur nécessaire diversité pour « enrichir » et « embellir... l'unité du genre humain », communauté, égalité et diversité voulues par Dieu, enseignées et respectées par l'Eglise qui, depuis Léon XIII, n'a cessé de proclamer au monde et aux Etats « la dépendance du droit humain à l'égard du droit divin », les droits sacrés de la personne humaine et de la famille (PP 277-287).
Le message de Noël définira les fondements d'une paix durable * juste et honorable » en cinq points d'une admirable netteté : 1° « le droit à la vie et à l'indépendance de toutes les nations, grandes et petites, puissantes et faibles » ; 2" le renoncement à la « course aux armements » et la recherche d'« un désarmement mutuellement consenti, organisé, progressif, dans l'ordre pratique comme dans l'ordre spirituel » ; 3° « l'établissement d'institutions juridiques qui servent à établir la loyale et fidèle application des conventions et, en cas de besoin reconnu, à les revoir et corriger » ; 4° l'attention aux * vrais besoins et (aux) justes requêtes des nations et des peuples, comme aussi des minorités ethniques » ; 5° et enfin, la prise de conscience par « ceux qui dirigent les destinées des peuples et les peuples eux-mêmes » du « sentiment d'intime et vive responsabilité, qui pèse et mesure les constitutions humaines selon les saintes et inébranlables normes du droit divin » (PP 383-384).
Dès la première année de son pontificat, Pie XII s'affirmait comme le pape de la paix, le clinicien des maux de l'humanité et le docteur de l'ordre international.
S. DELACROIX.
Un certain nombre des volumes déjà parus des « Documents pontificaux » doivent beaucoup au dévouement attentif des chanoines de l'Abbaye de Saint-Maurice. M. le chanoine Viatte a vérifié et considérablement amélioré la traduction des documents écrits en latin et revu toutes les épreuves des volumes de 1951 à 1955. M. le chanoine Alexis Rouiller a collaboré à la recherche des documents de l'année 1956, rédigé les introductions et les sous-titres et vérifié les épreuves des volumes de 1956, 1957 et 1958. Nous sommes heureux de leur adresser ici à tous deux l'expression de notre très vive gratitude pour leur aide aussi discrète que précieuse. Et nous regrettons d'autant plus vivement que l'un et l'autre, surchargés d'occupations, ne puissent plus continuer leur collaboration si appréciée à notre entreprise.
Notre gratitude s'adresse aussi à M. l'abbé Collin, curé d'Epraves (Belgique), qui fut le collaborateur de l'abbé Kothen pour la préparation des textes et pour l'établissement des tables des « Documents Pontificaux » des années 1950 à 1953, à M. l'abbé Charrot, aumônier à Saint-Rémy (Haute-Saône), qui a pris sa succession pour ce travail minutieux et d'autant plus méritoire, et à M. le chanoine Pelloucboud, chanoine du Grand-Saint-Bernard, qui a bien voulu accepter d'assurer la traduction d'un certain nombre de textes et la lecture des épreuves.
S. D.
NOTE DE L'ÉDITEUR
La publication des Documents Pontificaux de Sa Sainteté Pie XII était réalisée pour les onze dernières années du pontificat lorsque Dieu rappela à lui ce grand pape. L'éditeur hésitait alors à assumer la lourde charge que comporterait la mise en chantier des volumes concernant le début du pontificat.
Mais la continuation de la collection nous fut demandée avec instance de divers côtés et tout particulièrement par de hautes autorités romaines. C'est Sa Sainteté Jean XXIII qui décida de la poursuite de la publication en nous faisant la faveur insigne d'un don important, qui fut tout à la fois une indication de la Providence et une aide précieuse, dont nous lui sommes infiniment et religieusement reconnaissants.
Les Editions St-Augustin.
DOCUMENTS PONTIFICAUX
1 RADIOMESSAGE A L'UNIVERS CATHOLIQUE
(3 mars 1939)*
Parlant pour la première fois comme Pasteur suprême des âmes, voici le radiomessage que Sa Sainteté Pie XII adressa au monde catholique, au lendemain de son élévation au souverain pontificat.
Au moment où le très lourd fardeau du souverain pontificat posé par Dieu sur Nos épaules, par un dessein impénétrable de sa Providence, Nous émeut fortement et brise presque Notre courage, Nous Nous sentons comme nécessairement poussé à faire parvenir au monde catholique, avec Notre pensée, Notre parole paternelle.
Tout d'abord, avec une particulière affection, Nous embrassons Nos très chers Fils du Sacré Collège, les cardinaux ; depuis longtemps Nous connaissons leur piété, leur vertu, leurs qualités remarquables. Nous saluons ensuite avec une particulière bienveillance tous et chacun de Nos Vénérables Frères dans l'épiscopat. Nous bénissons également les prêtres, ministres de Jésus-Christ et dispensateurs des mystères de Dieu, les religieux et les religieuses, ceux aussi qui, travaillant dans les missions, font avancer partout le règne de Jésus-Christ, ou ceux qui, dans les rangs de l'Action catholique, travaillent sous la direction des évêques et aident leur apostolat hiérarchique. Pour tous les fils enfin que Nous avons dans le monde entier, et spécialement pour ceux qui sont éprouvés dans la misère ou qui sont affligés par la douleur, Nous implorons les dons célestes et les consolations surnaturelles.
Mais Notre pensée va aussi à tous ceux qui sont en dehors du bercail de l'Eglise catholique. Eux aussi, Nous en avons la confiance, apprendront volontiers que, en cette heure solennelle, Nous implorons pour eux, du Dieu très bon et tout-puissant, par Nos prières, les secours divins.
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 86 ; cf. la traduction française de Documentation Catholique, t. XL, col. 355.
A Notre message paternel, Nous désirons ajouter un voeu et une invitation pour la paix. Nous disons la paix, celle que Notre prédécesseur de pieuse mémoire recommanda avec tant d'insistance aux hommes et qu'il implora avec de si ardentes prières jusqu'à faire à Dieu l'offrande spontanée de sa vie pour obtenir la concorde entre les hommes. La paix, le don le plus beau de Dieu, qui dépasse tout sentiment ; la paix que tous les hommes sensés et sages ne peuvent pas ne pas désirer ; la paix enfin qui est le fruit de la justice et de la charité. Nous invitons tous les hommes enfin à établir la paix et la concorde entre les nations de telle manière que toutes et chacune d'elles tendent, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, dans une mutuelle conformité de sentiments, par des accords amicaux et des efforts conjugués à procurer le progrès et le bonheur de toute la famille humaine.
De plus, en ces temps pleins d'alarmes, tandis que tant et de si graves difficultés semblent interdire et écarter cette paix véritable que tous désirent très ardemment, Nous adressons à Dieu une prière suppliante pour tous ceux qui sont à la tête des Etats et auxquels incombent, avec le très grand honneur, la charge très lourde de conduire les peuples à la prospérité et au progrès civique.
Voilà, Eminentissimes cardinaux, Vénérables Frères et très chers Fils, le premier souhait que Dieu a fait éclore de Notre âme de Père.
Certes, Nous avons devant les yeux les maux très graves qui tourmentent les hommes. Désarmé, mais appuyé sur le secours du Dieu tout-puissant, Nous devons y remédier. Empruntant les paroles : « Comprenez-Nous bien », de saint Paul (2Co 7,2), Nous exhortons tous les hommes. A la vérité, Nous avons le ferme espoir que vous, Nos fils et vous, Nos Frères, vous ne rendrez pas vain Notre voeu très brûlant d'assurer la paix. Après le secours divin, c'est sur votre volonté docile et active que s'appuie le plus Notre confiance.
Daigne Notre-Seigneur Jésus-Christ, « de la plénitude duquel nous avons tous reçu » (Jn 1,16), être propice du haut du ciel à Notre souhait, le répandre sur toute la terre comme un messager de consolation et de bonheur ; que l'heureux présage en soit la Bénédiction apostolique que Nous vous donnons de tout coeur !
RÉPONSES A L'HOMMAGE DE L'ITALIE LORS DE SON ÉLECTION AU SOUVERAIN PONTIFICAT
(3 mars 1939) 1
Aux télégrammes de félicitations et de voeux qui lui ont été adressés au moment de son élection au souverain pontificat par S. M. le roi-empereur Victor-Emmanuel III d'Italie et par S. Exc. M. Benito Mussolini, chef du gouvernement italien 2 Sa Sainteté Pie XII a répondu ainsi :
A S. M. le roi-empereur Victor-Emmanuel III.
Vivement reconnaissant d'un aussi cordial message, Nous sommes heureux d'exprimer à Votre Majesté et à Sa Majesté la reine-impératrice les voeux qu'au seuil de Notre pontificat Nous élevons vers Dieu pour leur conservation et pour la prospérité chrétienne de la nation italienne qui Nous est si chère.
A S, Exc. M. Benito Mussolini la réponse suivante a été adressée par S. Exc. Mgr Tardini, secrétaire de la Sacrée Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires, au nom du Saint-Père :
Les expressions de Votre Excellence confirment à Sa Sainteté au nom de la chère Italie ce que le peuple de Rome a déjà signifié élo-quemment. Reconnaissant à Votre Excellence et à tous les membres du gouvernement, le Saint-Père invoque sur eux l'assistance divine et envoie à la nation entière les prémices de la Bénédiction apostolique.
1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano, du 4 mars 1939.
2 Voici les textes de ces télégrammes :
a) « Dans la solennité de ce jour, la reine et moi nous sommes spécialement heureux de faire parvenir à votre Sainteté nos félicitations les plus vives et nos souhaits les meilleurs de prospérité perpétuelle pour Votre Sainteté.
Vittorio Emanuele. »
b) « Je prie Votre Sainteté d'accueillir les respectueux hommages du gouvernement fasciste et les miens personnels.
Mussolini. »
ALLOCUTION AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE APRÈS LE COURONNEMENT
(12 mars 1939) 1
Après la cérémonie du couronnement qui se déroula le 12 mars, dans la salle « dei Paramenti », le doyen du Sacré Collège, Son Em. le cardinal Granito di Belmonte exprima au Saint-Père les félicitations et les voeux de tous les cardinaux présents. Le Souverain Pontife répondit par ces paroles :
Les paroles prononcées par le vénéré et très cher cardinal doyen du Sacré Collège Nous ont si profondément et si agréablement touché, que Nous lui en exprimons Notre perpétuelle gratitude, ainsi qu'à tous ceux qui se tiennent plus près de Nous, en appréciant avec un coeur paternel leur piété filiale et leur fidélité2.
Par vous, Vénérables Frères et chers fils, Dieu, dans les desseins impénétrables de sa Providence, Nous a élevé, malgré Nos désirs et Nos prévisions, après la mort de Notre très cher prédécesseur d'immortelle mémoire, à cette autorité souveraine et à cette suprême dignité dont l'élévation pleine de difficultés, la nature particulière, la très lourde charge, Nous font trembler, comme elles feraient trembler n'importe quel homme.
C'est pourquoi, ne Nous appuyant ni sur Nos mérites ni sur Nos forces, mais Nous confiant en la grâce de Dieu, Nous inclinons
1 D'après le texte latin de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 9 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 419.
2 Voici le texte de l'adresse du cardinal doyen : ^
« Très Saint-Père, en ce jour de très grande joie, le Sacré Collège, nrosterné à vos pieds, vous dit de tout coeur : * Prospere procede et régna ; Avancez avec succès et régnez ». Tous nous prions Dieu afin qu'il daigne vous faire voir à vous, le Pasteur angélique, les années du bienheureux Pierre, pour le bien de l'Eglise ; afin que vous puissiez aussi, par votre appel paternel, amener au bercail du Christ béni, en très grand nombre, d'autres brebis encore aujourd'hui égarées ! Daignez, Très Saint-Père, nous accorder avec bonté votre Bénédiction apostolique désirée par tous. »
(Selon la Documentation Catholique, t. XL, COL 419)
Notre front devant sa volonté toute-puissante et pleine de sagesse. Tournant Nos regards vers Celui qui est le Père des lumières et le Dieu de toute consolation, fort également de la protection de la Vierge du Bon Conseil qui fut la patronne du Conclave, Nous prenons en main le gouvernail de la nacelle de Pierre pour la diriger, au milieu de tant de vagues et de tempêtes, vers le port de la paix.
Au cours des siècles, la charge du souverain pontificat n'a eu d'autre but que le service de la vérité ; Nous disons de la vérité, qui doit être entière et pure, qu'aucune nuée ne voile, qui n'est sujette à aucune défaillance, qui n'est jamais séparée de la charité de Jésus-Christ. En effet, sous tout pontificat, et spécialement sous le Nôtre qui est appelé à accomplir sa mission en faveur de la communauté humaine affligée par tant de discordes et de conflits, doivent prédominer, comme un mandat sacré, ces paroles de l'apôtre saint Paul : Veritatem facientes in caritate, « pratiquant la vérité dans la charité » (Ep 4,15).
Nous sollicitons donc, Vénérables Frères et chers Fils, votre aide et votre zèle, afin qu'avec ce secours Nous puissions conformer entièrement à ce précepte particulier de l'Apôtre des gentils l'exercice de cette immense charge inaugurée solennellement aujourd'hui et répandre sur tout le genre humain ces dons célestes qui, d'une certaine façon, sont contenus dans cette charge du pontificat.
Connaissant parfaitement la grandeur et la gravité de Notre fonction et n'ignorant point la confiance et l'espoir que mettent dans le Saint-Siège non seulement ceux qui Nous sont intimement unis par la foi et la charité, mais encore de nombreux frères séparés de Nous et aussi presque toute la famille humaine qui soupire après la paix réconciliatrice, en ce moment où la majesté et le poids de la tiare sont placés sur Notre front, Nous vous conjurons tous, vous Notre Sénat, et Nous vous exhortons, vous Nos conseillers intimes, en empruntant les paroles de saint Jean Chrysostome : « Vous qui connaissez Notre travail, aidez-Nous par la prière, par la sollicitude, par le zèle, par l'amitié, afin que Nous puissions être votre gloire et que vous soyez la Nôtre » 3.
Soutenu par cette ferme confiance, en témoignage de Notre large bienveillance et de Notre très grande gratitude, Nous accordons tant au vénéré cardinal doyen, interprète très éloquent de votre pensée et de vos sentiments, qu'à chacun d'entre vous la Bénédiction apostolique.
3 Hom. XXIX in Ep. ad Romanos, n. 5.
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE HONGROIS
(23 mars 1939)1
Le Saint-Père a adressé à des pèlerins hongrois l'allocution suivante :
Notre coeur ressent une joie toute particulière de pouvoir recevoir ici l'hommage fidèle de filial dévouement de Nos chers fils et filles de Hongrie. Nous sommes heureux d'avoir pu séjourner parmi vous, récemment, à l'occasion du dernier Congrès eucharistique mondial et d'avoir été témoin des manifestations grandioses par lesquelles la foi vivante et l'amour filial des catholiques hongrois à l'égard du Sauveur Eucharistique ont trouvé une si touchante expression.
Ce que Nous apprécions hautement chez votre peuple chevaleresque c'est surtout sa foi en Dieu et sa piété profondément ancrées dans le coeur, ses moeurs saines et son amour de l'ordre, sa volonté de travail et son énergie indomptable. Nous élevons Nos prières vers saint Etienne, vers saint Eméric, vers saint Ladislas, vers sainte Elisabeth, vers la bienheureuse Marguerite et, avant tout, vers la patronne de la Hongrie, la puissante Vierge Marie, Mère de Dieu, afin que soient gardées à votre peuple la paix extérieure, la paix dans la justice et la réconciliation, tout comme la paix intérieure, la prospérité et cette précieuse compénétration d'une saine nature et de la foi surnaturelle. Pour vous autres et pour tous Nos enfants de Hongrie demeurés au pays demandons à Dieu « qu'il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l'homme intérieur, que le Christ habite en vos coeurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l'amour » (Ep 3,16-17), dans l'amour du Christ et dans la charité généreuse envers votre prochain, les économiquement faibles, les pauvres et les souffrants, sans distinction aucune de personne.
Comme gage des faveurs divines, Nous accordons de tout coeur, à vous tous qui êtes ici présents, à tous vos proches, à tous ceux qui se sont recommandés tout spécialement à l'amour et à la sollicitude du Père commun, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A UN GROUPE DE CATHOLIQUES ARGENTINS
(30 mars 1939) 1
Recevant en audience spéciale un groupe de pèlerins argentins conduit par S. Em. le cardinal Copello, archevêque de Buenos Aires, le Saint-Père leur adressa la parole en ces termes :
Soyez les bienvenus, chers fils et chères filles, à la maison du Père de la catholicité si distante de votre lointaine patrie argentine. A dire vrai — et même si l'on fait abstraction maintenant des merveilleux moyens de communications qui suppriment les barrières du temps et de l'espace, qui, on le dirait, obéissent à la grande idée de l'unité de l'Eglise — pour l'amour du Père commun il n'y a pas de loin ni de près : tous ses fils lui restent également proches. Mais vous, vous Nous êtes déjà bien connus. Nous avons à remercier la divine Providence de Nous avoir conduit dans votre pays pour être témoin de votre foi et de votre ferveur ardente que vous manifestez au grand jour d'une façon typiquement argentine. Ce qui Nous a le plus consolé c'est l'écho qui Nous a été rapporté de différents côtés de l'imposante et inoubliable explosion religieuse que fut le Congrès eucharistique international de Buenos Aires qui ne se réduira pas à une simple démonstration passagère, mais fut une braise qui se maintient vive, mieux une semence qui, dans des terres aussi proverbialement fertiles que les vôtres, produira d'année en année des fruits nouveaux et abondants sous les soins pastoraux de vos évêques avec à leur tête celui qui, aujourd'hui, célèbre le vingtième anniversaire de sa consécration episcopale et qui est ici présent : vrai « pasteur de vos âmes » selon le coeur du divin Bon Pasteur.
Monsieur le cardinal primat, veuillez portez Nos salutations et Notre affection la plus intime à vos frères dans l'épiscopat, aux nobles membres de votre gouvernement qui travaillent pour le bien de la patrie, au peuple argentin tout entier. En signe de l'union intime de votre peuple avec le vicaire de Jésus-Christ et en gage des grâces les plus abondantes de Jésus, Nous vous donnons de tout coeur à vous, et en vous à tous les êtres qui vous sont le plus chers, et à tout le peuple argentin, la Bénédiction apostolique.
MOTU PROPRIO «AD PONTIFICALE SOLIUM» AU SUJET DES FAVEURS ACCORDÉES AUX CONCLAVISTES ECCLÉSIASTIQUES
(31 mars 1939) 1
Selon la coutume, le Saint-Père accorde aux conclavistes le privilège de l'oratoire privé.
Elevé tout dernièrement par une très bienveillante faveur du Pasteur suprême sur le trône pontifical, volontiers Nous dirigeons Nos pensées vers ceux qui, prélats et clercs, ont assisté au récent Conclave, soit comme officiers du Conclave, accomplissant chacun avec fidélité sa charge, soit comme conclavistes accompagnant les cardinaux de la Sainte Eglise Romaine. Or, voulant leur donner un témoignage de Notre amour paternel et de Notre bienveillance, Nous pensons qu'ils ne désirent rien davantage que de recevoir de Nous, et avant tout, une faveur spirituelle qui convienne et qui soit conforme à l'état sacerdotal et à sa dignité.
C'est pourquoi, de Notre propre mouvement et en toute connaissance de cause, Nous accordons aux ecclésiastiques dont les noms sont indiqués ci-après 2 le privilège de l'oratoire privé, non pas dans cette intention qu'ils y célèbrent habituellement la messe (car il convient par-dessus tout que le prêtre, établi pour les hommes, fasse la fraction eucharistique à l'autel dans les églises pour l'utilité des fidèles, surtout aux jours de fête), mais qu'ils puissent jouir de l'oratoire privé en certaines circonstances, soit pour raison de santé, soit à cause d'un inconvénient ou pour tout autre motif raisonnable.
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 141 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII (Bonne Presse, Paris), t. I, p. 68.
2 Les A. A. S. donnent, à la suite du texte du Motu proprio Ad Pontificale Solium, la liste, des quatre-vingt-deux clercs conclavistes.
Nous décidons cependant qu'ils ne doivent pas se servir de cette faveur de l'induit sans le consentement de leur propre Ordinaire. Ce dernier doit, auparavant, par lui-même ou par son délégué, visiter et approuver l'oratoire privé. On ne peut pas profiter de cet oratoire les jours de fêtes solennelles ni les autres jours que l'Ordinaire aura peut-être jugé, dans sa prudence, devoir excepter.
Nous accordons de plus à ces mêmes prêtres de n'avoir, pour une fois seulement, aucun frais à payer pour les grâces et provisions de n'importe quels bénéfices qui leur seraient conférés, et aussi pour la rédaction des Lettres apostoliques qui les leur concèdent.
Nonobstant toutes choses contraires, même dignes d'une mention spéciale.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE ET PLÉNIPOTENTIAIRE DU BRÉSIL
(1" avril 1939) 1
Recevant en audience le nouvel ambassadeur du Brésil, Son Exc. M. Pompeo Ildebrando Printo Accioly, venu présenter ses lettres de créance, le Saint-Père prononça en français l'allocution suivante :
C'est avec une profonde satisfaction et une vraie joie que Nous recevons aujourd'hui de vos mains la lettre par laquelle M. le président des Etats-Unis du Brésil, personnellement connu de Nous et grandement estimé, vous accrédite comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de cette République auprès du Saint-Siège.
Les paroles flatteuses par lesquelles en cette lettre le chef de l'Etat reconnaît et exalte les rares qualités personnelles, dont Votre Excellence a déjà multiplié les preuves en d'autres charges importantes, sont pour Nous un gage certain, un heureux augure de l'esprit qui l'animera dans sa nouvelle mission. Les nobles et éloquentes paroles, d'ailleurs, qu'elle vient de Nous adresser, révèlent un sentiment admirable, une conscience élevée de sa haute fonction, qui méritent toute Notre approbation confiante et Notre constant appui.
Entre le noble peuple brésilien et ce Siège apostolique existent d'heureuses relations que, fidèle aux exemples lumineux de Notre prédécesseur immortel, Nous désirons toujours plus étroites et plus cordiales, des liens spirituels basés sur des lois qui n'ont pas leur origine en ce monde ; car elles tirent leur force et leur fécondité d'une religion prêchant à tous la foi en un Père céleste, qui fait luire son soleil sur tous les peuples et qui a donné pour règle souveraine à tous les hommes la loi du véritable amour de la paix dans la justice, et de la sincère fraternité.
Le peuple brésilien, dont Nous avons senti battre le coeur aux jours pour Nous inoubliables d'octobre 1934, alors que Nous avions la joie de Nous trouver mêlé à lui, dans les salles de son Parlement et de la Haute Cour de Justice, dans l'enceinte hospitalière du palais présidentiel, ce peuple sait que la foi au Christ, la fidélité à l'Eglise catholique constituent le patrimoine sacré de ses traditions nationales, sa vraie richesse aussi ; et que dans la mesure où il gardera pure et intacte cette réserve d'or spirituelle, il sera fort pour défendre les principes immuables de la civilisation chrétienne et pour affirmer sa personnalité et ses idéaux de justice et de paix au milieu des dures épreuves de l'heure présente. Demeurer fidèle à cette tradition, aux devoirs qu'elle comporte, aux avantages qu'elle assure, signifie pour le Brésil rester fidèle à soi-même et à la grande mission toujours plus importante qui, selon toute prévision, lui est réservée dans la collaboration pacifique avec les autres peuples du continent américain et du monde entier.
Elevant en esprit Nos regards vers Celui qui, des hauteurs du Corcovado, étend ses mains bénissantes sur la fière capitale et sur toute la terre du Brésil, Nous vous assurons, Monsieur l'ambassadeur, de Notre constant et bienveillant soutien, dans l'accomplissement de la haute mission, dont vous a honoré la confiance du chef de l'Etat ; Nous implorons l'amoureuse protection de Dieu sur l'illustre président de l'Union brésilienne, sur les membres du gouvernement qui travaillent pour le bonheur et la prospérité du pays ainsi que sur toutes les classes, toutes les catégories sociales de son peuple. Et de tout Notre coeur, Nous accordons à tous, comme gage d'une surabondante effusion des grâces divines, la Bénédiction apostolique implorée.
1 D'après la Documentation Catholique, t. XL, col. 618.
2 Le général Franco a répondu par ce télégramme :
« C'est une grande émotion que me cause le paternel télégramme de Votre Sainteté, à l'occasion de la victoire totale de nos armes, qui ont lutté dans une croisade héroïque contre les ennemis de la religion, de la patrie et de la civilisation chrétienne. Le peuple espagnol, qui a tant souffert, élève son coeur, en communion avec Votre Sainteté, vers Dieu qui lui a donné sa grâce, et il Lui demande sa protection pour la grande oeuvre de l'avenir.
» Se joignant à moi, il exprime à Votre Sainteté son immense gratitude pour ses sentiments affectueux et pour sa Bénédiction apostolique, qu'il a reçue avec une religieuse ferveur et avec la plus grande dévotion envers Votre Béatitude. »
TÉLÉGRAMME AU GÉNÉRAL FRANCO
(Ie' avril 1939) 1
Le 1er avril, le généralissime Franco lui ayant annoncé que la guerre d'Espagne était terminée et son gouvernement reconnu « de jure » par les Etats-Unis, par l'Equateur, Haïti et Saint-Domingue, le Souverain Pontife adressa au général Franco le télégramme que voici :
En élevant Notre coeur vers Dieu, Nous Nous réjouissons avec Votre Excellence de la victoire tant désirée de l'Espagne catholique. Nous formons des voeux pour que votre très cher pays, une fois la paix obtenue, reprenne avec vous une vigueur nouvelle ses antiques traditions chrétiennes qui lui ont donné tant de grandeur. C'est animé de ces sentiments que Nous adressons affectueusement à Votre Excellence et à tout le noble peuple espagnol Notre Bénédiction apostolique 2.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AUX CARDINAUX ET ARCHEVÊQUES DE FRANCE
(3 avril 1939) 1
A l'occasion de leur assemblée annuelle tenue à Paris, les cardinaux et archevêques de France envoyèrent une adresse d'hommage au Saint-Père qui répondit par la lettre suivante adressée par Son Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à Son Em. le cardinal Verdier :
Les cardinaux et archevêques, réunis auprès de Votre Eminence à l'occasion de leur assemblée annuelle, viennent de déposer avec vous aux pieds du Saint-Père un hommage qui est bien l'écho de l'émotion profonde suscitée en France par l'élection du nouveau Pontife.
Cette adresse est, pour l'Elu de Dieu, un précieux gage et un doux réconfort au moment où il se courbe sous le fardeau redoutable que le ciel lui impose, et prend entre les mains un tel gouvernail ! Elle lui permet de se réjouir à la vue de cette grande et chère France, qui semble se presser aujourd'hui autour de la Chaire de Pierre avec un nouvel élan et de nouvelles espérances, et par la voix de ses pasteurs aime à assurer le Vicaire de Jésus-Christ de son attachement traditionnel et de son ardente fidélité.
En vous remerciant tous de cet éloquent témoignage, Sa Sainteté est heureuse de ratifier vos affirmations concernant les marques particulières d'estime qui vous sont venues d'elle ; et elle se plaît à ajouter qu'il n'y aura rien de plus agréable pour son coeur que de conserver à ce peuple généreux, ami des missions, sa toute paternelle bienveillance.
1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XL, col. 613. I
C'est dans ces sentiments que le Souverain Pontife forme pour l'Eglise de France ses voeux de prospérité et de paix et envoie une large et toute spéciale bénédiction pour le succès des grandes manifestations religieuses qui vont avoir lieu à Paray-Ie-Monial, à Fourvière, à Alger. Il adresse en même temps sa prière à Dieu pour le bonheur personnel de tous les membres de l'épiscopat français ; et en les bénissant de tout son coeur, ainsi que leurs ouailles, il implore ardemment pour eux-mêmes et pour les oeuvres de leurs diocèses les plus abondantes faveurs du ciel.
IMPRIMATUR
S.D.
INTRODUCTION
S. DELACROIX.
S. D.
NOTE DE L'ÉDITEUR
DOCUMENTS PONTIFICAUX
1 RADIOMESSAGE A L'UNIVERS CATHOLIQUE
RÉPONSES A L'HOMMAGE DE L'ITALIE LORS DE SON ÉLECTION AU SOUVERAIN PONTIFICAT
ALLOCUTION AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE APRÈS LE COURONNEMENT
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE HONGROIS
ALLOCUTION A UN GROUPE DE CATHOLIQUES ARGENTINS
MOTU PROPRIO «AD PONTIFICALE SOLIUM» AU SUJET DES FAVEURS ACCORDÉES AUX CONCLAVISTES ECCLÉSIASTIQUES
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE ET PLÉNIPOTENTIAIRE DU BRÉSIL
TÉLÉGRAMME AU GÉNÉRAL FRANCO
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AUX CARDINAUX ET ARCHEVÊQUES DE FRANCE
ALLOCUTION AUX CARDINAUX ET AUX MEMBRES DE LA CURIE ROMAINE
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A S. EM. LE CARDINAL VERDIER, A L'OCCASION DU PREMIER CONGRÈS NATIONAL DE LA J.A.C.
HOMÉLIE DE PAQUES PRONONCÉE A LA MESSE PONTIFICALE SOLENNELLE
DISCOURS AUX MEMBRES DE L'UNION DES LIGUES FÉMININES CATHOLIQUES
II
RADIOMESSAGE A LA NATION ESPAGNOLE
ALLOCUTION A DES PÈLERINS BRÉSILIENS
LETTRE AU SECRÉTAIRE D'ÉTAT POUR UNE GRANDE CROISADE DE PRIÈRES DANS LE MONDE ENTIER POUR DEMANDER LA PAIX
ALLOCUTION AU MINISTRE DE LA RÉPUBLIQUE DE L'EQUATEUR
ALLOCUTION A UN GROUPE DE PÈLERINS ALLEMANDS
PREMIER DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
DISCOURS AU III\2e\0 CONGRÈS NATIONAL DE L'ASSOCIATION DES PRÊTRES-ADORATEURS D'ITALIE
II
III
ALLOCUTION AU CONSEIL SUPÉRIEUR DES OEUVRES MISSIONNAIRES PONTIFICALES
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
JEUNES ÉPOUX
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE L'ARGENTINE
ALLOCUTION A LA COLONIE ESPAGNOLE DE ROME
ALLOCUTION A L'ÉPISCOPAT ET AU PEUPLE MARONITES
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS ANGLAIS ET SUISSES
LETTRE A S. EM. LE CARDINAL TISSERANT A L'OCCASION DE LA COMMÉMORAISON DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR
ALLOCUTION A L'ÉPISCOPAT ET AUX FIDÈLES DE RITE GREC-MELCHITE
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
DISCOURS LORS DE L'ENTRÉE SOLENNELLE DANS L'ARCHIBASILIQUE DU LATRAN
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS SLOVÈNES
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
DISCOURS AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE
ALLOCUTION AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES FRÈRES MINEURS
ALLOCUTION POUR LE 950\2e \0ANNIVERSAIRE DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
DISCOURS A DES SOLDATS ESPAGNOLS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
EXHORTATION A DES PRÊTRES ASSISTANTS DE GROUPEMENTS D'ACTION CATHOLIQUE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BOLIVIE
LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA BÉATIFICATION D'EMILIE DE VIALAR FONDATRICE DES SOEURS DE SAINT-JOSEPH DE L'APPARITION
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT DÉCLARANT SAINT FRANÇOIS D'ASSISE ET SAINTE CATHERINE DE SIENNE PATRONS PRIMAIRES DE L'ITALIE
DISCOURS LORS DE LA BÉATIFICATION D'EMILIE DE VIALAR
ALLOCUTION A L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE DE L'URUGUAY
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
DISCOURS AUX ÉLÈVES DES SÉMINAIRES DE ROME
LETTRE AU R\2me\0 PÈRE PIERRE DAMIEN BUFFALDINI SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DES MOINES ERMITES CAMALDULES DE L'ORDRE DE SAINT BENOIT
LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA BÉATIFICATION DE JUSTIN DE JACOBIS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET AUX PÈLERINS VENUS POUR LA BÉATIFICATION DE JUSTIN DE JACOBIS
ALLOCUTION AU PÈLERINAGE NATIONAL HONGROIS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
ALLOCUTION AU MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE SLOVAQUIE
LETTRE POUR LE VI\2e\0 CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA ROYAUTÉ DU CHRIST
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LA XXXI\2e\0 SEMAINE SOCIALE DE FRANCE A BORDEAUX
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS ITALIENS
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CHILIEN
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE « PAX ROMANA »
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DE NOMBREUX AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
DISCOURS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES CHANOINESSES RÉGULIÈRES DE SAINT-AUGUSTIN
ALLOCUTION AU NOUVEL AMBASSADEUR DE POLOGNE
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA COMMISSION PONTIFICALE CENTRALE POUR L'ART SACRÉ
ALLOCUTION A DES MEMBRES DE LA FAMILLE RÉGNANTE
DU MYSORE
ALLOCUTION POUR LE SOUVENIR DE SON BAPTÊME
LETTRE A S. EM. LE CARDINAL PIAZZA PATRIARCHE DE VENISE POUR LE XIII\2e\0 CENTENAIRE DE LA FONDATION DE L'ÉGLISE DE TORCELLO
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU R. P. ARCHAMBAULT, S. J. POUR LA XVII\2e\0 SEMAINE SOCIALE DU CANADA
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DES LAURÉATS CATHOLIQUES
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU RECTEUR DU COLLÈGE SAINT-JÉRÔME DES ILLYRIENS
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU CONGRÈS DES UNIVERSITAIRES D'ACTION CATHOLIQUE
DISCOURS AUX PÈLERINS DES TROIS VÉNÉTIES A L'OCCASION DU XXV\2e\0 ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE PIE X
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE L'OEUVRE DES COMMUNAUTÉS PAROISSIALES DE FRANCE
RADIOMESSAGE AU MONDE ENTIER
NOTE AUX GOUVERNEMENTS ANGLAIS, FRANÇAIS, ALLEMAND, ITALIEN ET POLONAIS
LETTRE AUX ÉVÊQUES DE HOLLANDE A L'OCCASION DU XII\2e\0 CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT WILLIBROD
RÉPONSE AU FILIAL HOMMAGE DU SACRÉ COLLÈGE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BELGIQUE
ALLOCUTION A DES PÈLERINS MEXICAINS
ALLOCUTION A DES PÈLERINS ALLEMANDS
ALLOCUTION A S. EM. LE CARDINAL HLOND, ARCHEVÊQUE DE GNIEZNO ET POZNAN ET AUX POLONAIS RÉSIDANT A ROME
DISCOURS POUR L'INAUGURATION DE LA NOUVELLE ANNÉE JUDICIAIRE DE LA SACRÉE ROTE ROMAINE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LITHUANIE
ALLOCUTION A LA POPULATION DE CASTELGANDOLFO
ALLOCUTION A DES CARABINIERS ROYAUX ET A DES GARDES MÉTROPOLITAINS EN SERVICE A CASTELGANDOLFO
HOMÉLIE LORS DE LA CONSÉCRATION DE DOUZE ÉVÊQUES MISSIONNAIRES
ALLOCUTION AUX DOUZE NOUVEAUX ÉVÊQUES MISSIONNAIRES
ENCYCLIQUE « SERTUM LAETITIAE » AUX ÉVÊQUES DES ÉTATS-UNIS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES JEUNES DE L'ACTION CATHOLIQUE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LA RÉPUBLIQUE D'HAÏTI
LETTRE APOSTOLIQUE ABOLISSANT LES PRIVILÈGES DE L'ORDRE « PIANUS »
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CROATE
LETTRE AUTOGRAPHE A S. EM. LE CARDINAL SUHARD, ARCHEVÊQUE DE REIMS
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
DISCOURS A L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR D'ITALIE
AMBASSADEUR D'ITALIE
EXHORTATION APOSTOLIQUE AUX PRÊTRES ET AUX CLERCS APPELÉS AUX ARMÉES
ALLOCUTION AU CHAPITRE DE LA BASILIQUE SAINTE-MARIE-MAJEURE
BASILIQUE SAINTE-MARIE-MAJEURE
ALLOCUTION A S. M. LE ROI-EMPEREUR
VICTOR-EMMANUEL III ET A S. M. LA REINE HÉLÈNE D'ITALIE
MESSAGE DE NOËL
ALLOCUTION A LA GARDE NOBLE PONTIFICALE
ALLOCUTION A S. M. LE ROI-EMPEREUR
VICTOR-EMMANUEL III ET A S. M. LA REINE HÉLÈNE D'ITALIE
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DU CHILI
CONGRÉGATIONS ROMAINES
SUPRÊME SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE
S. CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE
SACRÉE CONGRÉGATION CONSISTORIALE
POUVOIRS ACCORDÉS AUX ORDINAIRES MILITAIRES
S. CONGRÉGATION CONSISTORIALE
SACRÉE CONGRÉGATION DE LA PROPAGANDE
INSTRUCTION SUR LA FAÇON DE TRAITER AVEC PLUS DE PRUDENCE DES QUESTIONS MISSIONNAIRES
INSTRUCTION VISANT CERTAINES CÉRÉMONIES PRATIQUÉES EN CHINE
SACRÉE CONGRÉGATION DES RITES
DÉCRETS CONCERNANT LES BÉATIFICATIONS ET CANONISATIONS
SACRÉE PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE
LISTE DES INDULGENCES APOSTOLIQUES ACCORDÉES PAR PIE XII 2 :
S. PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE
COMMISSION PONTIFICALE POUR L'INTERPRÉTATION AUTHENTIQUE DU CODE DE DROIT CANONIQUE
Pie XII 1939
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DOCUMENTS PONTIFICAUX
de Sa Sainteté PIE XII
1939
publiés sous la direction de
MSr SIMON DELACROIX
EDITIONS SAINT-AUGUSTIN SAINT-MAURICE (Suisse)
IMPRIMATUR
Seduni, die 26. Septembris 1961 Jos. BAYARD Vic. gen.
Tous droits réservés
TÉMOIGNAGE DE SON EMINENCE LE CARDINAL TARDINI Secrétaire d'Etat de S. S. Jean XXIII
Son Eminence le cardinal Tardini nous avait fait le grand honneur d'accepter de préfacer le volume des Documents Pontificaux de l'année 1939. Nul mieux que ce collaborateur de S. S. Pie XII durant tant d'années n'était à même de présenter cette imposante publication. Sans doute aurait-il livré aux lecteurs des Documents quelques réflexions de grand intérêt sur le travail que représentait pour Pie XII son activité oratoire. La Providence en a décidé autrement.
Mais nous avons pensé que le nom de l'éminent pro-secrétaire d'Etat de Pie XII et du secrétaire d'Etat de S. S. Jean XXIII devait néanmoins figurer à la place qu'il avait lui-même accepté de prendre.
Aussi, avis pris à bonne source, avons-nous décidé de remplacer la préface qui aurait tant honoré notre collection par un témoignage que nous avons emprunté à la magistrale conférence donnée par lui à Rome, le 20 octobre 1959.
Pour ne posséder point le mérite de l'inédit, ce témoignage fera écho à la voix du grand homme d'Eglise et d'Etat disparu, ouvrira l'esprit du lecteur à l'intelligence plus pénétrante de la pensée de Pie XII et portera son coeur à une admiration plus vive de la personnalité, du labeur, de la force d'âme et de la bonté du grand pape disparu, mais toujours vivant dans son enseignement.
S.D.
Un grand Pape
Elu au souverain pontificat, Pie XII y accédait avec d'immenses richesses intérieures accumulées au cours de ces longues années d'un travail continuel et patient, où il avait été élevé à des postes de confiance, exercé aux responsabilités du gouvernement. Précieux capital constitué par les connaissances acquises, les observations faites, les études entreprises, les difficultés vaincues, les batailles livrées, les accords laborieusement négociés et heureusement conclus, en un mot, fait d'innombrables expériences toutes plus enrichissantes les unes que les autres et qui rarement se trouvent réunies dans la vie d'un même homme.
Le Seigneur accorda à Pie XII un long pontificat : presque vingt années. Or ces années-là virent s'accumuler les événements marquants. Elles représentent dans l'histoire du monde et dans la vie de l'Eglise une période tragique. Un énorme fardeau de responsabilité s'abattit alors sur le pape qui désormais et jusqu'à la fin de sa vie s'assujettit à un labeur écrasant.
Dans le cadre de cette universelle détresse, Pie XII est apparu et il fut réellement grand.
Grand comme maître de vérité ; grand comme pacificateur des peuples ; grand comme juge d'une humanité qui semblait se glorifier de ses propres fautes ; grand comme père plein de bonté pour tous ses fils ; grand comme consolateur et bienfaiteur de ceux qui souffraient ; grand surtout en tant qu'âme constamment unie à Dieu et tendant avec une ardeur croissante vers la perfection divine.
Le mystère de Pie XII
On a dit que Pie XII avait « dominé » une situation mondiale réellement tragique — et c'est vrai — mais il en fut aussi la première victime.
Lui qui fut affligé entre tous, il se fit le consolateur de tous.
Il fut un animateur, un entraîneur de foules ; mais ses aspirations les plus vives et les plus profondes allaient à l'étude, à la méditation, à la solitude.
Remarquable orateur, on peut croire que cette éloquence brillante et solide lui était source de jouissance. Or chacun de ses discours et de ses messages exigeait de lui une longue et pénible préparation.
Guide plein de sagesse, maintes fois il indiqua aux autres la route à suivre, alors que lui-même assez souvent ne discernait la sienne qu'avec beaucoup de peine.
La douceur de son caractère l'aurait naturellement éloigné de la lutte. Mais il se révéla un combattant intrépide chaque fois qu'il le fallut pour défendre la vérité, la justice, les intérêts des âmes. Aussi Pie XII passera-t-il dans l'histoire comme un pontife sagement réformateur et audacieusement novateur.
Cet ensemble de contrastes et de contradictions doit être mis en lumière pour permettre de comprendre ce que je me permettrai d'appeler le mystère de Pie XII.
Faute de quoi on ne pourrait apprécier ses mérites à leur juste valeur, ni se faire une idée exacte du degré de perfection qu'atteignit sa vertu. Cette perfection, notons-le bien, fut le prix d'une patiente et laborieuse conquête.
Et cette grâce aussi fut donnée à celui qui vécut de longues années auprès de Pie XII : celle d'avoir été le témoin de son ascension spirituelle, de l'avoir vu continuellement monter, se purifier, s'affiner, s'ennoblir, grandir...
A la fin de sa vie, ayant consumé jusqu'aux plus petites scories de fragilité humaine, la flamme de sa charité répandait et diffusait sur terre l'éblouissante clarté du ciel.
Pape de guerre
Or, à cet homme pacifique par tempérament, par éducation et par conviction, échut un pontificat de guerre... guerre effective ou froide, mondiale ou locale, il n'a rencontré que la guerre toujours.
Ilne connut jamais une minute de paix, cet homme essentiellement pacifique.
Acceptant du Seigneur cette lourde croix, il souffrit, il secourut, il parla, il agit.
Toutes les souffrances d'autrui se sont répercutées en ce Coeur paternel et délicat.
Il a donné tout ce qu'il avait, il s'est lui-même entièrement donné pour adoucir les innombrables, les inénarrables misères de la guerre. Il a mobilisé la radio et la diplomatie, créé la Commission pontificale d'assistance. Il a accueilli dans son palais les réfugiés et ceux qui étaient en danger, tous il les a sauvés, quoique tous ne lui en aient pas su gré. Il a nourri dans la disette la population de Rome, il l'a sauvée. D'une voix unanime, elle le proclame « Defensor civitatis ». Il accourt à Saint-Laurent-hors-les-murs et à Saint-] ean-de-Latran après les bombardements. Anxieusement, il fait rechercher la trace des disparus. Il ordonne à ses représentants de visiter les prisonniers et de leur porter ses dons. Il offre aux nazis l'or qu'ils exigent en échange de la sécurité des Israélites. Il intercède pour les déportés et pour les condamnés à mort, il retranche à sa table, il multiplie les pénitences, il fait supprimer le chauffage de son appartement même au coeur de l'hiver.
Sait-on qu'à la fin de la guerre Pie XII avait maigri au point de ne plus peser que 57 kilos, alors qu'il mesurait 1 m. 82 ?
Le maître
Placé par Dieu si haut, et si proche de lui par son élévation spirituelle, animé d'une foi robuste, soutenu par une espérance invincible, pressé par une charité débordante, le pape jugea qu'il était de son devoir de faire entendre souvent sa voix, la voix de la vérité, de la justice et de l'amour.
C'est alors que s'ouvrit la série de ces admirables discours, lettres et messages, qui se succéderont à un rythme rapide pendant près de vingt ans.
Il serait difficile de citer ici tous les avertissements, tous les enseignements, toutes les exhortations que Pie XII adressa au monde.
La guerre, la paix, l'ordre social, les rapports internationaux, la famille, les sciences économiques, la science, le travail, tels sont, parmi beaucoup d'autres, les sujets qui ont été abordés par sa véhémente éloquence.
Il déplore les violations du droit (c'est lui-même qui composa les trois fameux télégrammes du 10 mai 1940). Il invite les combattants à la modération ; il se dresse en défenseur des populations opprimées ; il dénonce l'emploi d'armes particulièrement meurtrières ; il réprouve les bombardements inconsidérés ; il proclame les droits et soutient les aspirations légitimes des peuples ; il rappelle l'exaltante dignité du travailleur ; il énonce avec courage et clarté les principes nécessaires à l'établissement d'une paix juste ; il invite gouvernants et peuples à une fraternelle collaboration ; il expose les normes fondamentales d'une saine démocratie, il suggère le désarmement ; il rappelle aux nations fortes et riches le devoir qui leur incombe de venir en aide aux pays faibles et pauvres.
Cet ensemble si vaste de documents admirables constitue un véritable « Corpus doctrinae » et un « Corpus juris » que l'on pourrait intituler : « Des fondements de la paix individuelle, et de la paix dans la famille, dans la société, dans les nations et entre les nations ».
Au milieu des foules
Cet homme que la nature, l'étude, la dévotion et l'ascèse inclinaient à la solitude, fut peut-être le pape qui se fit le plus proche des foules et celui qu'elles approchèrent de plus près. Au cours de ses audiences grandes et petites, privées et spéciales, dans les vastes salles du Vatican, dans l'église Saint-Pierre et sur la place, dans les salons et les cours de Castelgandoljo : pendant vingt ans il fut sans répit comme assailli par une irrésistible, une insurmontable marée humaine.
Auprès de lui sont accourus des hommes de toutes les nations, de toutes les classes sociales, de toutes les confessions religieuses. Des hommes politiques et des enfants de l'Action catholique, des princes et des hommes du peuple, des industriels et des ouvriers, des hommes de science et des illettrés.
A tous Pie XII a prodigué ses conseils. Pour tous il a eu des paroles d'encouragement et de bonté.
Mais que de temps lui prenaient ces audiences, et quel travail elles lui imposaient !
Le pape s'y préparait toujours avec soin.
Tous se rappellent ces grandes audiences générales où le pape lui-même, après avoir lu la liste des groupes admis en sa présence, s'adressait ensuite à chacun d'eux, dans sa langue respective.
Les applaudissements enthousiastes disaient assez la satisfaction de tous. Eh bien, la seule lecture de cette liste exigeait du pape (il m'en fit la confidence) une heure de préparation.
Il est humainement impossible d'apprécier le bien immense que Pie XII accomplit par l'apostolat des audiences. Car on peut bien dire que dans ces longues, nombreuses, harassantes audiences, il a exercé le plus généreux et le plus sanctifiant des apostolats.1
1 Cardinal Domenico Tardini, Pio 12, Tip. Poliglotta Vaticana. Traduction française aux Editions Fleurus, 1961, pp. 24-25, 29-30, 32-35, 34-35 et 47-48. Texte reproduit ici avec la bienveillante autorisation des éditeurs.
INTRODUCTION
Le 2 mars 1939, le cardinal Pacelli devenait à 63 ans le pape Pie XII.
L'heure était grave. Diplomate de carrière, mieux que quiconque, il le savait. Son élection avait accablé sa sensibilité si délicate. Sa résolution fit de lui le pape de la paix dont la sauvegarde sera le suprême souci des débuts de son pontificat.
Le lendemain de son élection, il inaugurait la longue et féconde série des discours, allocutions et radiomessages qui allaient constituer l'un des aspects les plus séduisants de son activité et l'un des moyens les plus importants de son influence mondiale.
Evoquant le souvenir de Pie XI qui avait fait « à Dieu l'offrande spontanée de sa vie pour obtenir la concorde entre les hommes », il invitait « tous les hommes à établir la paix et la concorde entre les nations, de telle manière que toutes et chacune d'elles tendent, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, dans une mutuelle conformité de sentiments, par des accords amicaux et des efforts conjugués, à procurer le progrès et le bonheur de toute la famille humaine ».
Dès sa première allocution au Sacré Collège (12 mars), il rappelait que la mission des papes ne fut jamais autre « que le service de la vérité » et définissait le sens de son pontificat comme le service de « la vérité dans la charité » (p. 23).
Non content d'appeler le monde entier à la prière (20 avril) en faveur d'une paix vraie et solide, basée sur la justice, l'honneur et la liberté des nations, il intervint au début de mai auprès des chefs des grandes nations d'Europe pour leur faire connaître les préoccupations graves que lui causait la situation internationale et il se réjouira publiquement d'avoir reçu « les assurances de bonne volonté et du désir de maintenir la paix tant souhaitée des peuples » (PP 114, 115, 296).
Le 2 juin, la tension internationale s'aggravant, il proclame que, soucieux d'accomplir « les devoirs sacrés » de sa charge, il ne se laissera pas * influencer par des considérations terrestres, ni arrêter par des défiances et des oppositions, par des refus et des incompréhensions, ou par la crainte de méconnaissances et de fausses interprétations» (p. 272).
La sauvegarde de la paix, * soit par des prières et des exhortations publiques, soit par des démarches confidentielles, réitérées et précises », fut et demeura sa première préoccupation comme celle de ses prédécesseurs, Benoît XV et Pie XI, au point de le contraindre à laisser en souffrance " d'autres tâches et d'autres préoccupations qui (lui tenaient) à coeur... conscient de tout ce que dans ce domaine (il devait) aux enfants de l'Eglise catholique et à l'humanité tout entière » (p. 235).
Le 21 août, après l'échec de la tentative de conciliation du président Roosevelt, il propose, hélas ! sans succès, une conférence des cinq pays intéressés auxquels se joindraient les Etats-Unis et le Vatican.
Le 24 août, pressentant « comme imminent le déchaînement du terrible ouragan », il adresse en termes pathétiques un suprême message radiodiffusé * aux gouvernements et aux peuples... Rien n'est perdu avec la paix. Tout peut l'être avec la guerre. Que les hommes recommencent à se comprendre. Qu'ils recommencent à négocier» (p. 240).
Le 31 août, à la veille de l'agression allemande contre la Pologne, il fait remettre une note aux gouvernements allemand, anglais, français, italien et polonais dans laquelle il suppliait « au nom de Dieu les gou-gernements d'Allemagne et de Pologne de faire ce qu'il leur est possible afin d'éviter tout incident et de s'abstenir de prendre toute mesure susceptible d'aggraver la tension actuelle » (p. 242).
Cependant, le 1" septembre, l'Allemagne envahissait la Pologne. Le fléau déchaîné, tous ses efforts tendirent à « épier attentivement, pour les seconder de tout (son) pouvoir, les occasions qui s'offriraient... d'acheminer... les peuples... vers la conclusion d'une paix honorable pour tous, en conformité avec la conscience humaine et chrétienne. »
Dès lors, tout en encourageant à l'espérance la Pologne (p. 256) et la Lithuanie (p. 264) et en s'employant à soulager de son mieux les victimes de la guerre et préoccupé déjà des lendemains de la grande mêlée et des difficultés de la reconstruction, il dénonçait les causes du conflit, préconisait les remèdes nécessaires et définissait les principes sur lesquels devrait être édifié le nouvel ordre international.
Le diagnostic sera porté par sa première encyclique « Summi Pontificatus » (20 octobre) (p. 266-298) et l'encyclique «Sertum laetitiae» aux évêques des Etats-Unis (1" novembre) (PP 311-324); les principes qui devront présider au règlement de la paix seront définis par le message de Noël (24 décembre) (PP 377-388).
Les causes du conflit ? C'est d'abord c la négation et le rejet d'une règle de moralité universelle, soit dans la vie individuelle, soit dans la vie sociale et dans les relations internationales, c'est-à-dire la méconnaissance et l'oubli... de la loi naturelle elle-même ». C'est ensuite <• la laïcisation si vantée de la société qui a fait des progrès toujours plus rapides, soustrayant l'homme, la famille et l'Etat à l'influence bienfaisante et régénératrice de l'idée de Dieu et de l'enseignement de l'Eglise » au triste bénéfice « d'un paganisme corrompu et corrupteur ». C'est encore l'agnosticisme religieux et moral, générateur des maux les plus graves ; « l'oubli de la loi de solidarité humaine et de charité, dictée et imposée aussi bien par la communauté d'origine et par l'égalité de la nature raisonnable chez tous les hommes, à quelque peuple qu'ils appartiennent, que par le sacrifice de rédemption offert par Jésus-Christ sur l'autel de la Croix à son Père céleste en faveur de l'humanité pécheresse ». C'est enfin « l'erreur contenue dans les conceptions qui n'hésitent pas à délier l'autorité civile de toute espèce de dépendance à l'égard de l'Etre suprême, cause première et maître absolu, soit de l'homme, soit de la société, et de tout lien avec la loi transcendante qui dérive de Dieu comme de sa première source ». De telles conceptions engendrent l'absolutisme sans frein de l'Etat totalitaire, la méconnaissance du droit, le mépris de la famille, le remplacement de l'éducation par l'embrigadement de la jeunesse au service de l'Etat, la négation de l'ordre international, l'instabilité des relations entre Etats, le mépris des traités.
Dès sa première encyclique, Pie XII portait sur la situation du monde en guerre un diagnostic qui révélait les causes vraies du drame. Les antagonismes politiques n'étaient que la conséquence du désordre et de la perversion des idées. Le mal était profond et d'ordre moral. C'étaient les fondements mêmes de la vie individuelle, familiale et sociale et de l'ordre international qui étaient en cause (PP 274-287 et 315-319).
Dès lors, les remèdes à cet état de choses ne peuvent venir des promesses des puissants de ce monde, ni du « choc des armées », car « l'heure de la victoire » est facilement « l'heure de la tentation où l'ange de la justice lutte avec le démon de la violence » et « l'épée... ne crée pas la paix. Les énergies qui doivent renouveler la face de la terre doivent venir du dedans, de l'esprit» (p. 288). Ce n'est que d'un redressement total des conceptions de l'homme, de la famille, de la société et de l'Etat et d'un retour à Dieu que peut venir le salut. C'est à une conversion qu'il faut appeler l'humanité. « Toute paix extérieure prend sa source dans la paix intérieure de la conscience, et toute paix collective a sa source première dans la paix individuelle » (p. 222).
La rééducation de l'humanité devra être avant tout spirituelle et religieuse et, par conséquent, partir du Christ comme de son fondement indispensable, être réalisée par la justice et couronnée par la charité.
L'homélie de Pâques avait déjà énuméré les conditions préalables de la paix ; la paix intérieure, l'obéissance à Dieu, la recherche de la justice et la charité (PP 44-49).
L'encyclique « Summi Pontificatus » en rappelait les principes fondamentaux : la communauté d'origine, de nature et de destinée de tous les hommes, leur égalité foncière, leur nécessaire diversité pour « enrichir » et « embellir... l'unité du genre humain », communauté, égalité et diversité voulues par Dieu, enseignées et respectées par l'Eglise qui, depuis Léon XIII, n'a cessé de proclamer au monde et aux Etats « la dépendance du droit humain à l'égard du droit divin », les droits sacrés de la personne humaine et de la famille (PP 277-287).
Le message de Noël définira les fondements d'une paix durable * juste et honorable » en cinq points d'une admirable netteté : 1° « le droit à la vie et à l'indépendance de toutes les nations, grandes et petites, puissantes et faibles » ; 2" le renoncement à la « course aux armements » et la recherche d'« un désarmement mutuellement consenti, organisé, progressif, dans l'ordre pratique comme dans l'ordre spirituel » ; 3° « l'établissement d'institutions juridiques qui servent à établir la loyale et fidèle application des conventions et, en cas de besoin reconnu, à les revoir et corriger » ; 4° l'attention aux * vrais besoins et (aux) justes requêtes des nations et des peuples, comme aussi des minorités ethniques » ; 5° et enfin, la prise de conscience par « ceux qui dirigent les destinées des peuples et les peuples eux-mêmes » du « sentiment d'intime et vive responsabilité, qui pèse et mesure les constitutions humaines selon les saintes et inébranlables normes du droit divin » (PP 383-384).
Dès la première année de son pontificat, Pie XII s'affirmait comme le pape de la paix, le clinicien des maux de l'humanité et le docteur de l'ordre international.
S. DELACROIX.
Un certain nombre des volumes déjà parus des « Documents pontificaux » doivent beaucoup au dévouement attentif des chanoines de l'Abbaye de Saint-Maurice. M. le chanoine Viatte a vérifié et considérablement amélioré la traduction des documents écrits en latin et revu toutes les épreuves des volumes de 1951 à 1955. M. le chanoine Alexis Rouiller a collaboré à la recherche des documents de l'année 1956, rédigé les introductions et les sous-titres et vérifié les épreuves des volumes de 1956, 1957 et 1958. Nous sommes heureux de leur adresser ici à tous deux l'expression de notre très vive gratitude pour leur aide aussi discrète que précieuse. Et nous regrettons d'autant plus vivement que l'un et l'autre, surchargés d'occupations, ne puissent plus continuer leur collaboration si appréciée à notre entreprise.
Notre gratitude s'adresse aussi à M. l'abbé Collin, curé d'Epraves (Belgique), qui fut le collaborateur de l'abbé Kothen pour la préparation des textes et pour l'établissement des tables des « Documents Pontificaux » des années 1950 à 1953, à M. l'abbé Charrot, aumônier à Saint-Rémy (Haute-Saône), qui a pris sa succession pour ce travail minutieux et d'autant plus méritoire, et à M. le chanoine Pelloucboud, chanoine du Grand-Saint-Bernard, qui a bien voulu accepter d'assurer la traduction d'un certain nombre de textes et la lecture des épreuves.
S. D.
NOTE DE L'ÉDITEUR
La publication des Documents Pontificaux de Sa Sainteté Pie XII était réalisée pour les onze dernières années du pontificat lorsque Dieu rappela à lui ce grand pape. L'éditeur hésitait alors à assumer la lourde charge que comporterait la mise en chantier des volumes concernant le début du pontificat.
Mais la continuation de la collection nous fut demandée avec instance de divers côtés et tout particulièrement par de hautes autorités romaines. C'est Sa Sainteté Jean XXIII qui décida de la poursuite de la publication en nous faisant la faveur insigne d'un don important, qui fut tout à la fois une indication de la Providence et une aide précieuse, dont nous lui sommes infiniment et religieusement reconnaissants.
Les Editions St-Augustin.
DOCUMENTS PONTIFICAUX
1 RADIOMESSAGE A L'UNIVERS CATHOLIQUE
(3 mars 1939)*
Parlant pour la première fois comme Pasteur suprême des âmes, voici le radiomessage que Sa Sainteté Pie XII adressa au monde catholique, au lendemain de son élévation au souverain pontificat.
Au moment où le très lourd fardeau du souverain pontificat posé par Dieu sur Nos épaules, par un dessein impénétrable de sa Providence, Nous émeut fortement et brise presque Notre courage, Nous Nous sentons comme nécessairement poussé à faire parvenir au monde catholique, avec Notre pensée, Notre parole paternelle.
Tout d'abord, avec une particulière affection, Nous embrassons Nos très chers Fils du Sacré Collège, les cardinaux ; depuis longtemps Nous connaissons leur piété, leur vertu, leurs qualités remarquables. Nous saluons ensuite avec une particulière bienveillance tous et chacun de Nos Vénérables Frères dans l'épiscopat. Nous bénissons également les prêtres, ministres de Jésus-Christ et dispensateurs des mystères de Dieu, les religieux et les religieuses, ceux aussi qui, travaillant dans les missions, font avancer partout le règne de Jésus-Christ, ou ceux qui, dans les rangs de l'Action catholique, travaillent sous la direction des évêques et aident leur apostolat hiérarchique. Pour tous les fils enfin que Nous avons dans le monde entier, et spécialement pour ceux qui sont éprouvés dans la misère ou qui sont affligés par la douleur, Nous implorons les dons célestes et les consolations surnaturelles.
Mais Notre pensée va aussi à tous ceux qui sont en dehors du bercail de l'Eglise catholique. Eux aussi, Nous en avons la confiance, apprendront volontiers que, en cette heure solennelle, Nous implorons pour eux, du Dieu très bon et tout-puissant, par Nos prières, les secours divins.
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 86 ; cf. la traduction française de Documentation Catholique, t. XL, col. 355.
A Notre message paternel, Nous désirons ajouter un voeu et une invitation pour la paix. Nous disons la paix, celle que Notre prédécesseur de pieuse mémoire recommanda avec tant d'insistance aux hommes et qu'il implora avec de si ardentes prières jusqu'à faire à Dieu l'offrande spontanée de sa vie pour obtenir la concorde entre les hommes. La paix, le don le plus beau de Dieu, qui dépasse tout sentiment ; la paix que tous les hommes sensés et sages ne peuvent pas ne pas désirer ; la paix enfin qui est le fruit de la justice et de la charité. Nous invitons tous les hommes enfin à établir la paix et la concorde entre les nations de telle manière que toutes et chacune d'elles tendent, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, dans une mutuelle conformité de sentiments, par des accords amicaux et des efforts conjugués à procurer le progrès et le bonheur de toute la famille humaine.
De plus, en ces temps pleins d'alarmes, tandis que tant et de si graves difficultés semblent interdire et écarter cette paix véritable que tous désirent très ardemment, Nous adressons à Dieu une prière suppliante pour tous ceux qui sont à la tête des Etats et auxquels incombent, avec le très grand honneur, la charge très lourde de conduire les peuples à la prospérité et au progrès civique.
Voilà, Eminentissimes cardinaux, Vénérables Frères et très chers Fils, le premier souhait que Dieu a fait éclore de Notre âme de Père.
Certes, Nous avons devant les yeux les maux très graves qui tourmentent les hommes. Désarmé, mais appuyé sur le secours du Dieu tout-puissant, Nous devons y remédier. Empruntant les paroles : « Comprenez-Nous bien », de saint Paul (2Co 7,2), Nous exhortons tous les hommes. A la vérité, Nous avons le ferme espoir que vous, Nos fils et vous, Nos Frères, vous ne rendrez pas vain Notre voeu très brûlant d'assurer la paix. Après le secours divin, c'est sur votre volonté docile et active que s'appuie le plus Notre confiance.
Daigne Notre-Seigneur Jésus-Christ, « de la plénitude duquel nous avons tous reçu » (Jn 1,16), être propice du haut du ciel à Notre souhait, le répandre sur toute la terre comme un messager de consolation et de bonheur ; que l'heureux présage en soit la Bénédiction apostolique que Nous vous donnons de tout coeur !
RÉPONSES A L'HOMMAGE DE L'ITALIE LORS DE SON ÉLECTION AU SOUVERAIN PONTIFICAT
(3 mars 1939) 1
Aux télégrammes de félicitations et de voeux qui lui ont été adressés au moment de son élection au souverain pontificat par S. M. le roi-empereur Victor-Emmanuel III d'Italie et par S. Exc. M. Benito Mussolini, chef du gouvernement italien 2 Sa Sainteté Pie XII a répondu ainsi :
A S. M. le roi-empereur Victor-Emmanuel III.
Vivement reconnaissant d'un aussi cordial message, Nous sommes heureux d'exprimer à Votre Majesté et à Sa Majesté la reine-impératrice les voeux qu'au seuil de Notre pontificat Nous élevons vers Dieu pour leur conservation et pour la prospérité chrétienne de la nation italienne qui Nous est si chère.
A S, Exc. M. Benito Mussolini la réponse suivante a été adressée par S. Exc. Mgr Tardini, secrétaire de la Sacrée Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires, au nom du Saint-Père :
Les expressions de Votre Excellence confirment à Sa Sainteté au nom de la chère Italie ce que le peuple de Rome a déjà signifié élo-quemment. Reconnaissant à Votre Excellence et à tous les membres du gouvernement, le Saint-Père invoque sur eux l'assistance divine et envoie à la nation entière les prémices de la Bénédiction apostolique.
1 D'après le texte italien de VOsservatore Romano, du 4 mars 1939.
2 Voici les textes de ces télégrammes :
a) « Dans la solennité de ce jour, la reine et moi nous sommes spécialement heureux de faire parvenir à votre Sainteté nos félicitations les plus vives et nos souhaits les meilleurs de prospérité perpétuelle pour Votre Sainteté.
Vittorio Emanuele. »
b) « Je prie Votre Sainteté d'accueillir les respectueux hommages du gouvernement fasciste et les miens personnels.
Mussolini. »
ALLOCUTION AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE APRÈS LE COURONNEMENT
(12 mars 1939) 1
Après la cérémonie du couronnement qui se déroula le 12 mars, dans la salle « dei Paramenti », le doyen du Sacré Collège, Son Em. le cardinal Granito di Belmonte exprima au Saint-Père les félicitations et les voeux de tous les cardinaux présents. Le Souverain Pontife répondit par ces paroles :
Les paroles prononcées par le vénéré et très cher cardinal doyen du Sacré Collège Nous ont si profondément et si agréablement touché, que Nous lui en exprimons Notre perpétuelle gratitude, ainsi qu'à tous ceux qui se tiennent plus près de Nous, en appréciant avec un coeur paternel leur piété filiale et leur fidélité2.
Par vous, Vénérables Frères et chers fils, Dieu, dans les desseins impénétrables de sa Providence, Nous a élevé, malgré Nos désirs et Nos prévisions, après la mort de Notre très cher prédécesseur d'immortelle mémoire, à cette autorité souveraine et à cette suprême dignité dont l'élévation pleine de difficultés, la nature particulière, la très lourde charge, Nous font trembler, comme elles feraient trembler n'importe quel homme.
C'est pourquoi, ne Nous appuyant ni sur Nos mérites ni sur Nos forces, mais Nous confiant en la grâce de Dieu, Nous inclinons
1 D'après le texte latin de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 9 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 419.
2 Voici le texte de l'adresse du cardinal doyen : ^
« Très Saint-Père, en ce jour de très grande joie, le Sacré Collège, nrosterné à vos pieds, vous dit de tout coeur : * Prospere procede et régna ; Avancez avec succès et régnez ». Tous nous prions Dieu afin qu'il daigne vous faire voir à vous, le Pasteur angélique, les années du bienheureux Pierre, pour le bien de l'Eglise ; afin que vous puissiez aussi, par votre appel paternel, amener au bercail du Christ béni, en très grand nombre, d'autres brebis encore aujourd'hui égarées ! Daignez, Très Saint-Père, nous accorder avec bonté votre Bénédiction apostolique désirée par tous. »
(Selon la Documentation Catholique, t. XL, COL 419)
Notre front devant sa volonté toute-puissante et pleine de sagesse. Tournant Nos regards vers Celui qui est le Père des lumières et le Dieu de toute consolation, fort également de la protection de la Vierge du Bon Conseil qui fut la patronne du Conclave, Nous prenons en main le gouvernail de la nacelle de Pierre pour la diriger, au milieu de tant de vagues et de tempêtes, vers le port de la paix.
Au cours des siècles, la charge du souverain pontificat n'a eu d'autre but que le service de la vérité ; Nous disons de la vérité, qui doit être entière et pure, qu'aucune nuée ne voile, qui n'est sujette à aucune défaillance, qui n'est jamais séparée de la charité de Jésus-Christ. En effet, sous tout pontificat, et spécialement sous le Nôtre qui est appelé à accomplir sa mission en faveur de la communauté humaine affligée par tant de discordes et de conflits, doivent prédominer, comme un mandat sacré, ces paroles de l'apôtre saint Paul : Veritatem facientes in caritate, « pratiquant la vérité dans la charité » (Ep 4,15).
Nous sollicitons donc, Vénérables Frères et chers Fils, votre aide et votre zèle, afin qu'avec ce secours Nous puissions conformer entièrement à ce précepte particulier de l'Apôtre des gentils l'exercice de cette immense charge inaugurée solennellement aujourd'hui et répandre sur tout le genre humain ces dons célestes qui, d'une certaine façon, sont contenus dans cette charge du pontificat.
Connaissant parfaitement la grandeur et la gravité de Notre fonction et n'ignorant point la confiance et l'espoir que mettent dans le Saint-Siège non seulement ceux qui Nous sont intimement unis par la foi et la charité, mais encore de nombreux frères séparés de Nous et aussi presque toute la famille humaine qui soupire après la paix réconciliatrice, en ce moment où la majesté et le poids de la tiare sont placés sur Notre front, Nous vous conjurons tous, vous Notre Sénat, et Nous vous exhortons, vous Nos conseillers intimes, en empruntant les paroles de saint Jean Chrysostome : « Vous qui connaissez Notre travail, aidez-Nous par la prière, par la sollicitude, par le zèle, par l'amitié, afin que Nous puissions être votre gloire et que vous soyez la Nôtre » 3.
Soutenu par cette ferme confiance, en témoignage de Notre large bienveillance et de Notre très grande gratitude, Nous accordons tant au vénéré cardinal doyen, interprète très éloquent de votre pensée et de vos sentiments, qu'à chacun d'entre vous la Bénédiction apostolique.
3 Hom. XXIX in Ep. ad Romanos, n. 5.
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE HONGROIS
(23 mars 1939)1
Le Saint-Père a adressé à des pèlerins hongrois l'allocution suivante :
Notre coeur ressent une joie toute particulière de pouvoir recevoir ici l'hommage fidèle de filial dévouement de Nos chers fils et filles de Hongrie. Nous sommes heureux d'avoir pu séjourner parmi vous, récemment, à l'occasion du dernier Congrès eucharistique mondial et d'avoir été témoin des manifestations grandioses par lesquelles la foi vivante et l'amour filial des catholiques hongrois à l'égard du Sauveur Eucharistique ont trouvé une si touchante expression.
Ce que Nous apprécions hautement chez votre peuple chevaleresque c'est surtout sa foi en Dieu et sa piété profondément ancrées dans le coeur, ses moeurs saines et son amour de l'ordre, sa volonté de travail et son énergie indomptable. Nous élevons Nos prières vers saint Etienne, vers saint Eméric, vers saint Ladislas, vers sainte Elisabeth, vers la bienheureuse Marguerite et, avant tout, vers la patronne de la Hongrie, la puissante Vierge Marie, Mère de Dieu, afin que soient gardées à votre peuple la paix extérieure, la paix dans la justice et la réconciliation, tout comme la paix intérieure, la prospérité et cette précieuse compénétration d'une saine nature et de la foi surnaturelle. Pour vous autres et pour tous Nos enfants de Hongrie demeurés au pays demandons à Dieu « qu'il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l'homme intérieur, que le Christ habite en vos coeurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l'amour » (Ep 3,16-17), dans l'amour du Christ et dans la charité généreuse envers votre prochain, les économiquement faibles, les pauvres et les souffrants, sans distinction aucune de personne.
Comme gage des faveurs divines, Nous accordons de tout coeur, à vous tous qui êtes ici présents, à tous vos proches, à tous ceux qui se sont recommandés tout spécialement à l'amour et à la sollicitude du Père commun, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A UN GROUPE DE CATHOLIQUES ARGENTINS
(30 mars 1939) 1
Recevant en audience spéciale un groupe de pèlerins argentins conduit par S. Em. le cardinal Copello, archevêque de Buenos Aires, le Saint-Père leur adressa la parole en ces termes :
Soyez les bienvenus, chers fils et chères filles, à la maison du Père de la catholicité si distante de votre lointaine patrie argentine. A dire vrai — et même si l'on fait abstraction maintenant des merveilleux moyens de communications qui suppriment les barrières du temps et de l'espace, qui, on le dirait, obéissent à la grande idée de l'unité de l'Eglise — pour l'amour du Père commun il n'y a pas de loin ni de près : tous ses fils lui restent également proches. Mais vous, vous Nous êtes déjà bien connus. Nous avons à remercier la divine Providence de Nous avoir conduit dans votre pays pour être témoin de votre foi et de votre ferveur ardente que vous manifestez au grand jour d'une façon typiquement argentine. Ce qui Nous a le plus consolé c'est l'écho qui Nous a été rapporté de différents côtés de l'imposante et inoubliable explosion religieuse que fut le Congrès eucharistique international de Buenos Aires qui ne se réduira pas à une simple démonstration passagère, mais fut une braise qui se maintient vive, mieux une semence qui, dans des terres aussi proverbialement fertiles que les vôtres, produira d'année en année des fruits nouveaux et abondants sous les soins pastoraux de vos évêques avec à leur tête celui qui, aujourd'hui, célèbre le vingtième anniversaire de sa consécration episcopale et qui est ici présent : vrai « pasteur de vos âmes » selon le coeur du divin Bon Pasteur.
Monsieur le cardinal primat, veuillez portez Nos salutations et Notre affection la plus intime à vos frères dans l'épiscopat, aux nobles membres de votre gouvernement qui travaillent pour le bien de la patrie, au peuple argentin tout entier. En signe de l'union intime de votre peuple avec le vicaire de Jésus-Christ et en gage des grâces les plus abondantes de Jésus, Nous vous donnons de tout coeur à vous, et en vous à tous les êtres qui vous sont le plus chers, et à tout le peuple argentin, la Bénédiction apostolique.
MOTU PROPRIO «AD PONTIFICALE SOLIUM» AU SUJET DES FAVEURS ACCORDÉES AUX CONCLAVISTES ECCLÉSIASTIQUES
(31 mars 1939) 1
Selon la coutume, le Saint-Père accorde aux conclavistes le privilège de l'oratoire privé.
Elevé tout dernièrement par une très bienveillante faveur du Pasteur suprême sur le trône pontifical, volontiers Nous dirigeons Nos pensées vers ceux qui, prélats et clercs, ont assisté au récent Conclave, soit comme officiers du Conclave, accomplissant chacun avec fidélité sa charge, soit comme conclavistes accompagnant les cardinaux de la Sainte Eglise Romaine. Or, voulant leur donner un témoignage de Notre amour paternel et de Notre bienveillance, Nous pensons qu'ils ne désirent rien davantage que de recevoir de Nous, et avant tout, une faveur spirituelle qui convienne et qui soit conforme à l'état sacerdotal et à sa dignité.
C'est pourquoi, de Notre propre mouvement et en toute connaissance de cause, Nous accordons aux ecclésiastiques dont les noms sont indiqués ci-après 2 le privilège de l'oratoire privé, non pas dans cette intention qu'ils y célèbrent habituellement la messe (car il convient par-dessus tout que le prêtre, établi pour les hommes, fasse la fraction eucharistique à l'autel dans les églises pour l'utilité des fidèles, surtout aux jours de fête), mais qu'ils puissent jouir de l'oratoire privé en certaines circonstances, soit pour raison de santé, soit à cause d'un inconvénient ou pour tout autre motif raisonnable.
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 141 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII (Bonne Presse, Paris), t. I, p. 68.
2 Les A. A. S. donnent, à la suite du texte du Motu proprio Ad Pontificale Solium, la liste, des quatre-vingt-deux clercs conclavistes.
Nous décidons cependant qu'ils ne doivent pas se servir de cette faveur de l'induit sans le consentement de leur propre Ordinaire. Ce dernier doit, auparavant, par lui-même ou par son délégué, visiter et approuver l'oratoire privé. On ne peut pas profiter de cet oratoire les jours de fêtes solennelles ni les autres jours que l'Ordinaire aura peut-être jugé, dans sa prudence, devoir excepter.
Nous accordons de plus à ces mêmes prêtres de n'avoir, pour une fois seulement, aucun frais à payer pour les grâces et provisions de n'importe quels bénéfices qui leur seraient conférés, et aussi pour la rédaction des Lettres apostoliques qui les leur concèdent.
Nonobstant toutes choses contraires, même dignes d'une mention spéciale.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE ET PLÉNIPOTENTIAIRE DU BRÉSIL
(1" avril 1939) 1
Recevant en audience le nouvel ambassadeur du Brésil, Son Exc. M. Pompeo Ildebrando Printo Accioly, venu présenter ses lettres de créance, le Saint-Père prononça en français l'allocution suivante :
C'est avec une profonde satisfaction et une vraie joie que Nous recevons aujourd'hui de vos mains la lettre par laquelle M. le président des Etats-Unis du Brésil, personnellement connu de Nous et grandement estimé, vous accrédite comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de cette République auprès du Saint-Siège.
Les paroles flatteuses par lesquelles en cette lettre le chef de l'Etat reconnaît et exalte les rares qualités personnelles, dont Votre Excellence a déjà multiplié les preuves en d'autres charges importantes, sont pour Nous un gage certain, un heureux augure de l'esprit qui l'animera dans sa nouvelle mission. Les nobles et éloquentes paroles, d'ailleurs, qu'elle vient de Nous adresser, révèlent un sentiment admirable, une conscience élevée de sa haute fonction, qui méritent toute Notre approbation confiante et Notre constant appui.
Entre le noble peuple brésilien et ce Siège apostolique existent d'heureuses relations que, fidèle aux exemples lumineux de Notre prédécesseur immortel, Nous désirons toujours plus étroites et plus cordiales, des liens spirituels basés sur des lois qui n'ont pas leur origine en ce monde ; car elles tirent leur force et leur fécondité d'une religion prêchant à tous la foi en un Père céleste, qui fait luire son soleil sur tous les peuples et qui a donné pour règle souveraine à tous les hommes la loi du véritable amour de la paix dans la justice, et de la sincère fraternité.
Le peuple brésilien, dont Nous avons senti battre le coeur aux jours pour Nous inoubliables d'octobre 1934, alors que Nous avions la joie de Nous trouver mêlé à lui, dans les salles de son Parlement et de la Haute Cour de Justice, dans l'enceinte hospitalière du palais présidentiel, ce peuple sait que la foi au Christ, la fidélité à l'Eglise catholique constituent le patrimoine sacré de ses traditions nationales, sa vraie richesse aussi ; et que dans la mesure où il gardera pure et intacte cette réserve d'or spirituelle, il sera fort pour défendre les principes immuables de la civilisation chrétienne et pour affirmer sa personnalité et ses idéaux de justice et de paix au milieu des dures épreuves de l'heure présente. Demeurer fidèle à cette tradition, aux devoirs qu'elle comporte, aux avantages qu'elle assure, signifie pour le Brésil rester fidèle à soi-même et à la grande mission toujours plus importante qui, selon toute prévision, lui est réservée dans la collaboration pacifique avec les autres peuples du continent américain et du monde entier.
Elevant en esprit Nos regards vers Celui qui, des hauteurs du Corcovado, étend ses mains bénissantes sur la fière capitale et sur toute la terre du Brésil, Nous vous assurons, Monsieur l'ambassadeur, de Notre constant et bienveillant soutien, dans l'accomplissement de la haute mission, dont vous a honoré la confiance du chef de l'Etat ; Nous implorons l'amoureuse protection de Dieu sur l'illustre président de l'Union brésilienne, sur les membres du gouvernement qui travaillent pour le bonheur et la prospérité du pays ainsi que sur toutes les classes, toutes les catégories sociales de son peuple. Et de tout Notre coeur, Nous accordons à tous, comme gage d'une surabondante effusion des grâces divines, la Bénédiction apostolique implorée.
1 D'après la Documentation Catholique, t. XL, col. 618.
2 Le général Franco a répondu par ce télégramme :
« C'est une grande émotion que me cause le paternel télégramme de Votre Sainteté, à l'occasion de la victoire totale de nos armes, qui ont lutté dans une croisade héroïque contre les ennemis de la religion, de la patrie et de la civilisation chrétienne. Le peuple espagnol, qui a tant souffert, élève son coeur, en communion avec Votre Sainteté, vers Dieu qui lui a donné sa grâce, et il Lui demande sa protection pour la grande oeuvre de l'avenir.
» Se joignant à moi, il exprime à Votre Sainteté son immense gratitude pour ses sentiments affectueux et pour sa Bénédiction apostolique, qu'il a reçue avec une religieuse ferveur et avec la plus grande dévotion envers Votre Béatitude. »
TÉLÉGRAMME AU GÉNÉRAL FRANCO
(Ie' avril 1939) 1
Le 1er avril, le généralissime Franco lui ayant annoncé que la guerre d'Espagne était terminée et son gouvernement reconnu « de jure » par les Etats-Unis, par l'Equateur, Haïti et Saint-Domingue, le Souverain Pontife adressa au général Franco le télégramme que voici :
En élevant Notre coeur vers Dieu, Nous Nous réjouissons avec Votre Excellence de la victoire tant désirée de l'Espagne catholique. Nous formons des voeux pour que votre très cher pays, une fois la paix obtenue, reprenne avec vous une vigueur nouvelle ses antiques traditions chrétiennes qui lui ont donné tant de grandeur. C'est animé de ces sentiments que Nous adressons affectueusement à Votre Excellence et à tout le noble peuple espagnol Notre Bénédiction apostolique 2.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AUX CARDINAUX ET ARCHEVÊQUES DE FRANCE
(3 avril 1939) 1
A l'occasion de leur assemblée annuelle tenue à Paris, les cardinaux et archevêques de France envoyèrent une adresse d'hommage au Saint-Père qui répondit par la lettre suivante adressée par Son Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à Son Em. le cardinal Verdier :
Les cardinaux et archevêques, réunis auprès de Votre Eminence à l'occasion de leur assemblée annuelle, viennent de déposer avec vous aux pieds du Saint-Père un hommage qui est bien l'écho de l'émotion profonde suscitée en France par l'élection du nouveau Pontife.
Cette adresse est, pour l'Elu de Dieu, un précieux gage et un doux réconfort au moment où il se courbe sous le fardeau redoutable que le ciel lui impose, et prend entre les mains un tel gouvernail ! Elle lui permet de se réjouir à la vue de cette grande et chère France, qui semble se presser aujourd'hui autour de la Chaire de Pierre avec un nouvel élan et de nouvelles espérances, et par la voix de ses pasteurs aime à assurer le Vicaire de Jésus-Christ de son attachement traditionnel et de son ardente fidélité.
En vous remerciant tous de cet éloquent témoignage, Sa Sainteté est heureuse de ratifier vos affirmations concernant les marques particulières d'estime qui vous sont venues d'elle ; et elle se plaît à ajouter qu'il n'y aura rien de plus agréable pour son coeur que de conserver à ce peuple généreux, ami des missions, sa toute paternelle bienveillance.
1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XL, col. 613. I
C'est dans ces sentiments que le Souverain Pontife forme pour l'Eglise de France ses voeux de prospérité et de paix et envoie une large et toute spéciale bénédiction pour le succès des grandes manifestations religieuses qui vont avoir lieu à Paray-Ie-Monial, à Fourvière, à Alger. Il adresse en même temps sa prière à Dieu pour le bonheur personnel de tous les membres de l'épiscopat français ; et en les bénissant de tout son coeur, ainsi que leurs ouailles, il implore ardemment pour eux-mêmes et pour les oeuvres de leurs diocèses les plus abondantes faveurs du ciel.
Dernière édition par Lucie le Mer 09 Fév 2011, 7:00 am, édité 1 fois
Lucie- Nombre de messages : 1241
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Re: Pie XII 1939
ALLOCUTION AUX CARDINAUX ET AUX MEMBRES DE LA CURIE ROMAINE
(S avril 1939)1
Le Saint-Père ayant réuni autour de lui les cardinaux, les officiers et les consulteurs de la Curie romaine, leur a adressé l'allocution suivante :
C'est avec une joie intime, Vénérables Frères et chers Fils, que Nous voyons à cette heure rassemblés autour de Nous les Eminen-tissimes cardinaux, les officiers majeurs et mineurs, les consulteurs de la Curie romaine, l'ensemble de ces congrégations, tribunaux et offices variés, par lesquels le Pontife romain des rives du Tibre, de la Cité du Vatican et du diocèse de Rome, étend, jusqu'aux confins du monde, et assume par lui-même le gouvernement de l'Eglise universelle. Au milieu de vous, il Nous sied de ceindre cette couronne qui exaltait l'esprit du second Prince des apôtres quand il appelait les Philippiens « mes chers et bien-aimés frères, ma joie et ma couronne » (Ph 4,1). Cette couronne, qui a été tressée autour de Nous par votre présence bien-aimée, n'est pas une couronne sertie d'or, de joyaux, ou de fleurs germées et sorties d'une terre froide, mais elle est une couronne vivante et même rutilante de l'or de vos rangs d'élite, des joyaux de vos vertus, des fleurs de votre science et de votre sagesse, de vos services laborieux, de vos sacrifices pleins de dignité.
Dès le début de Notre pontificat, vous avez voulu Nous présenter le don de votre hommage, de votre fidélité et de votre collaboration, offerts et acceptés avec un égal amour. Dès les premiers pas faits sur le chemin connu du seul Dieu, qui appelle les choses qui ne sont pas comme celles qui sont et les dirige vers leur fin suprême, pour laquelle, il plaça ici, à Rome, sur la colline du Vatican, en signe de salut pour les peuples, la pierre fondamentale de son Eglise. Vous avez voulu Nous faire sentir qu'à côté de Pierre, habitué par les siècles aux triomphes comme aux douleurs, à la lutte comme à la prière, se tient une troupe bien ordonnée de conseillers et de collaborateurs dont le noble zèle, la science éprouvée, l'expérience avisée, les intentions élevées ont permis à Dieu de Nous donner la joie réconfortante de confier d'importantes tâches et des soucis graves pour l'honneur et la prospérité du Saint-Siège, pour le bien des âmes, toutes tâches que les dispositions du Droit canon désignent comme le théâtre sacré de l'activité et du travail multiforme de la Curie romaine. Dans ce vif sentiment de confiance profondément ancrée dans Notre âme, et qui éprouve aussi le poids du manteau papal, Notre coeur trouve son encouragement et son réconfort, et Notre parole s'épanche devant vous et dans cette réunion de tous les dicastères de la Curie romaine, des offices et des administrations du Palais, de la Commission pontificale pour l'interprétation du Droit canon, du Vicariat de Rome et de la Cité du Vatican avec les curés et prédicateurs de carême, de la Commission pour les oeuvres de religion, elle manifeste l'estime et l'affection que Nous portons dans le coeur à l'égard de chacun de vous. Cependant par un égal échange, Nous parlons comme à des frères et à des fils avec l'Apôtre : « Mes enfants, vous aussi, élargissez vos coeurs » (2Co 6,13) afin que Notre amour pour la Sainte Eglise soit parfait. Elargissez vos coeurs, vous aussi à la pensée que vous servez cette Epouse du Christ, pour laquelle il s'est donné lui-même pour lui faire un vêtement de gloire, sans tache et sans couture, saint et immaculé. Oui, cette divine Epouse qui s'étend et plante ses tentes dans l'univers, proclame l'Evangile dans toutes les contrées du globe, descend avec ses secours au fond de la prison à ceux qui attendent de pouvoir s'envoler un jour vers les bienheureux, monte au ciel pour invoquer et appeler ici-bas les héros de la sainteté et du bien, afin que dans la gloire qu'elle leur accorde sur les autels, ils puissent oeuvrer au salut et réconforter les enfants exilés d'Eve.
Histoire et grandeur de la Curie romaine.
Vous tous, ici présents, vous comprenez bien la noblesse et la grandeur du service de cette Epouse du Christ, au sein de la Curie romaine : c'est un service qui n'abaisse pas, mais, au contraire, exalte, car Servire Deo regnare est. La sacrée Curie romaine qui tire son nom et son symbole de la Curie des Quirites, des Consuls et des
Césars, qui fut la palestre où se jouèrent les destinées des peuples et qui est aujourd'hui un monument muet qui surplombe encore les ruines du Forum, possède aujourd'hui une vie et un cachet propre qui l'élève au-dessus de la caducité des empires et des royaumes, tout comme l'âme s'élève au-dessus du corps, la grâce au-dessus de la nature humaine, l'oeuvre de Dieu au-dessus de l'oeuvre humaine. Contemporaine de l'assemblée du presbyterium pontifical de Rome, elle grandit et se fortifie aux côtés des pontifes, comme un sénat qui s'honore d'une grande sagesse (Si 25,8), actif et sage par les dons de sagesse et de prudence naturels bien plus que par la majesté que confèrent les années.
Héritière d'un passé souvent agité, remaniée, réorganisée, agrandie par l'accroissement des besoins et des soucis apostoliques, pour la défense et la diffusion de la foi, et pour le maintien de la discipline parmi les pasteurs et le troupeau, la Curie romaine, dans sa forme actuelle, dans sa structure interne et sa procédure réglée jusque dans les détails, tout en conservant, dans sa constitution essentielle, la pratique et l'expérience des siècles, a le mérite et l'honneur de n'avoir jamais hésité à s'adapter sagement et en temps opportun aux nouvelles nécessités et aux exigences changées. C'est à la puissance de caractère d'un Sixte-Quint, au saint zèle réformateur d'un Pie X, à la sagesse législative d'un Benoît XV que cet eminent instrument du gouvernement central de l'Eglise est redevable de la distinction et de la cohésion de ces parties, de cette ordonnance des charges, de cet ajustement et cet arrangement pondérés dans l'action qui préparent l'intelligence et la volonté à un travail bien réglé et fécond ; mais auquel vient s'ajouter sa qualité indispensable et son motif le plus élevé de gloire qui est le souffle apostolique qui l'anime. Il Nous semble que la Curie romaine, avec tous ses dicastères et en dépit de leur multiplicité extérieure, par son unité organique d'ensemble, par l'idée unique et centrale qui la domine, par les devoirs et les obligations communes qui lient tous ses membres, lesquels « n'ont pas la même activité » (Rm 12,4), mais tendent dans la concorde vers le même et auguste but qui est d'être de précieux collaborateurs du service des âmes et du règne du Christ, agrandi et défendu sur terre, se rassemblent autour de Celui qui, selon la juste expression de Grégoire le Grand, est le serviteur du serviteur de Dieu, il Nous semble, disions-Nous, que la Curie romaine ressemble à un diamant resplendissant s'il en fut par la splendeur multiforme de ses facettes, et admirable par les vivants et brillants reflets qui viennent de tous ses dicastères, un diamant qui est enchâssé parmi les joyaux de la tiare pontificale, comme le symbole de la lumière et de l'amour qui vous animent.
Mais, c'est à cette splendeur de la dignité que revient aussi le privilège d'entourer, de plus près que ne pourrait le faire n'importe quelle autre institution ecclésiastique, le pouvoir apostolique du successeur de Pierre — échu maintenant à Notre personne, toute pauvre et indigne qu'elle soit — aussi vous voyez bien combien il convient que dans toute la Curie romaine réponde la splendeur de la vie, afin que, comme l'écrit saint Bernard, « le Docteur à la parole de miel », le Souverain Pontife vous trouve d'autant plus prêts que vous l'assistez de plus près : Propiores assistiis, ut habeat paratiores!2. Cette plus grande préparation majeure qu'est-elle autre chose que l'esprit plus profond qui vivifie, tandis que la lettre tue ? Cet esprit qui vivifie le travail, qui transforme la plume en aile de vol céleste, qui pénètre, dirige, soutient, élève l'esprit et la volonté ; cet esprit qui veut être le premier et le plus saint orgueil de tous ceux qui sont appelés et préparés à collaborer à la mission qui Nous est imposée par le divin Maître, de Pasteur des brebis de son bercail et des autres, qui sont aussi les siennes, mais encore vagabondes qu'il entend amener à Lui.
Qualités et vertus requises pour le travail auprès du Souverain Pontife dans le gouvernement de l'Eglise.
C'est d'un tel esprit, qui est par excellence l'esprit du sacrifice de soi-même, de consécration au devoir, d'amour de l'Eglise qu'il convient que soit rempli quiconque, au centre du christianisme, but et vision de tous ceux qui dans la foi de Rome contemplent la foi de l'Eglise, est amené à prendre, par les conseils et par le travail, une part de la sollicitude de toutes les églises. Quand cet esprit du Christ forme une âme de prêtre, vous la voyez s'élever dans une sphère plus haute, valoriser son activité dans la Curie romaine par le sceau de l'amour surnaturel, infatigable, apostolique, d'un apostolat qui s'identifie au travail né de sa fonction et qui, si la soif du salut des âmes l'ennoblit et la sanctifie, n'en est pas moins agréé et justement pesé sur la balance du Juge Eternel qui scrute les reins et les coeurs (Jr 2,20) ; que cette activité soit le ministère sacerdotal immédiat, auquel nombreux parmi vous donnent leurs soins, ou bien l'apostolat direct et actif de ceux qui traversent les mers, les océans, et par les terres inhospitalières et les forêts sauvages, au-delà des cimes neigeuses et des landes glacées, à travers les déserts et les antres des bêtes sauvages, partent à la conquête de nouvelles brebis pour le bercail de Pierre et de nouvelles frontières au règne du Christ. Vous savez bien que le divin Roi de gloire récompense d'une même couronne, en la proportionnant toutefois aux mérites, aussi bien ceux qui combattent au fort de la mêlée que les fils qui autour de lui gardent le dépôt sacré des armes et avec la trompette de la foi donnent leurs ordres aux capitaines qui commandent les troupes.
Investis d'une si haute dignité, Vénérables Frères et chers Fils, Nous vous saluons vous qui êtes rassemblés autour de Nous. C'est pour Nous une joie sainte et paternelle que d'entendre confirmer par les paroles de votre éminentissime et éloquent interprète, le vénérable et très cher cardinal doyen du Sacré Collège, que vous tous, animés par l'esprit du Christ et pleinement conscients de la responsabilité et de l'importance de votre office, vous ne désirez et ne voulez rien de plus ardemment que de vous rendre toujours plus dignes de votre vocation privilégiée. Vous n'auriez pas su ni pu Nous donner de don plus agréable, de promesse plus précieuse, de réconfort plus doux en ces jours où, par un décret insondable de Dieu, Nous avons assumé la lourde charge du travail pontifical, quand l'ange d'une sainte mort arrêta inerte la main sage et active de Notre incomparable prédécesseur et, fermant le grand volume de son long et glorieux pontificat, lui ouvrit les portes de la cité céleste en l'invitant et en l'introduisant dans le repos de l'éternité bienheureuse.
Le gouvernement de l'Eglise exige d'autant plus de fermeté et de sagesse que les temps sont difficiles.
Héritiers de son nom, nous sommes aussi héritiers de son temps qui devient Nôtre avec ses fortunes favorables et adverses qu'il entraîne avec lui dans sa fuite. Temps difficile mais pourtant aussi grand que celui où dans le cours d'une année se suivent et mûrissent des événements qui précédemment auraient exigé des dizaines d'années et peut-être des siècles, où le vertigineux et prodigieux progrès moderne semble avoir rendu cette « plate-bande qui nous fait si féroces » trop étroite pour les désirs insatiables des fils d'Adam où sur tous les rivages et à tous les vents résonnent désormais la voix divine de l'Evangile et les devoirs et l'action de l'Eglise et avec eux ceux de ces organes centraux qui s'accroissent et s'étendent outre mesure, tandis que les yeux du monde se tournent toujours avec plus d'anxiété vers son Magistère, regardant fixement si de ses lèvres jaillit la vérité qui libère et élève l'homme dans l'oeuvre de la charité. Que pouvons-Nous faire d'autre que de lever Notre regard humble et suppliant vers le ciel d'où descend la sagesse pure, pacifique, modeste, souple, pleine de miséricorde et de fruits excellents ? D'où descend le fruit de la justice qui se sème dans la paix de ceux qui pratiquent la paix ? (Jc 3,17-18). Parmi les dons parfaits qui descendent du Père des lumières, Nous ne pouvons demander ni recevoir de grâces plus signalées que de savoir et de voir auprès de Nous des hommes tels que saint Bernard les décrivait et les recommandait à son cher et vénéré disciple, le pape Eugène III : « Qu'en eux, écrivait le saint abbé de Clairvaux, à mon avis, repose ton esprit... afin qu'en dehors de Dieu ils ne craignent rien et n'espèrent rien sinon de Dieu... qu'ils se tiennent virilement au service des affligés et qu'ils jugent dans l'équité les doux de la terre. Qu'ils soient dignes dans leurs moeurs, éprouvés dans leur sainteté, prêts à l'obéissance, doux dans la patience, soumis à la règle, rigides dans la censure, catholiques dans la foi, fidèles dans la générosité, d'accord pour la paix, unanimes pour l'unité... Qu'ils soient droits dans le jugement, prévoyants dans le conseil, discrets en donnant des ordres, industrieux dans la prévoyance, résolus dans l'action, modestes dans le langage, fermes dans l'adversité, dévoués dans la prospérité, sobres dans le zèle... Qu'ils ne refusent pas chaque fois qu'il est besoin, s'ils en sont priés, de travailler pour le Christ, et, s'ils ne le sont pas, n'en soient pas affectés... Qu'ils gardent le goût et aient la pratique de la prière et en toute chose fassent plus confiance à la prière qu'à leurs propres capacités où à leur travail » 3.
Regardez-vous en cet idéal, tracé par l'art plein de sagesse du grand ascète et de l'infatigable champion des droits de l'Eglise dans l'Europe de son temps. Dans cet idéal vous reconnaîtrez la grandeur de votre office ; vous vous reconnaîtrez vous-mêmes non point avec la misérable complaisance de l'orgueil, mais par cette impulsion de vertu et de bien qui marque le travail plein de sagesse que vous faites à Nos yeux et aux yeux de l'Eglise, et de plus en plus anime votre esprit afin que tous ceux qui voient votre travail glorifient le Père qui est dans les cieux.
Remerciements du Saint-Père.
Entouré comme Nous le sommes, à l'égal d'une famille chère et aimée, de toute Notre Curie romaine rassemblée ici en témoignage solennel de votre amour et de votre dévouement, Nous ne trouvons pas d'autre parole pour vous manifester Notre profonde satisfaction que celle de l'Apôtre des gentils : « Nous vous avons parlé en toute liberté ; notre coeur s'est grandement ouvert » (2Co 6,11). Nos lèvres s'ouvrent pour vous, Notre coeur s'est dilaté et trouve réconfort dans des esprits aussi dévoués, distingués et étroitement unis pour Nous servir ; grâce à eux le poids de la tiare pontificale se fait plus léger pour Nous dans la contemplation d'une aussi noble assemblée qui est la cohorte la plus fidèle et la plus sainte qui se tient à Nos côtés pour la sauvegarde de la foi et de la discipline de l'Eglise. Nous en rendons grâce à Dieu et à vous-mêmes ; et Nous élevons Nos prières vers le ciel, afin que ce que l'esprit illuminé et l'ardent amour de l'Eglise du « Docteur à la parole de miel » désirait avec une si grande ferveur dans une heure grave du passé pour un de Nos prédécesseurs, Nous soit accordé par la douce attention de Celui, dans la sage main de qui est le passé, le présent et l'avenir, et soit largement affermi et accru en vous, Vénérables Frères et chers fils. C'est dans cette confiance que Nous tournons Nos regards vers Dieu qui opère en Nous et le vouloir et le faire selon la bonne volonté (Ph 2,13), que Nous invoquons sur vous et sur Nous lumière et force et que Nous vous accordons la Bénédiction apostolique à vous tous, comme gage des plus abondantes faveurs célestes pour vos personnes et pour que l'accomplissement des importants devoirs de votre charge soit agréable au Seigneur.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A S. EM. LE CARDINAL VERDIER, A L'OCCASION DU PREMIER CONGRÈS NATIONAL DE LA J.A.C.
(7 avril 1939) 1
Le Congrès national du 10" anniversaire de la fondation de la ]. A. C. en France a réuni à Paris, du 21 au 23 avril, plus de 25 000 jeunes ruraux. Le Souverain Pontife tint à encourager ces assises et, le 7 avril, Son Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, adressait à Son Em. le cardinal Verdier, archevêque de Paris, cette lettre :
1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XL, col. 803.
Sa Sainteté a appris avec une paternelle satisfaction que Votre Eminence se proposait de présider prochainement le premier Congrès national de la Jeunesse agricole chrétienne, à Paris. L'auguste Pontife n'ignore pas que, parmi les mouvements spécialisés dont s'honore l'Action catholique française, la J. A. C. occupe une place de choix et mérite d'exceptionnels encouragements. Ce congrès qui célébrera le 10e anniversaire de sa fondation, entend surtout marquer par son ampleur et sa ferveur la volonté des jeunes ruraux de France de ramener tous leurs frères de travail à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Déjà, leur apostolat a été visiblement béni du ciel. La tâche était rude, en effet, d'entreprendre une telle oeuvre de redressement spirituel des campagnes, en organisant un mouvement destiné à embrasser les divers membres qui composent le milieu rural, pour les réunir tous sur le plan supérieur de la charité chrétienne et de l'Action catholique. Qui pourrait prétendre que de si généreuses semailles n'aient point déjà fait naître une merveilleuse moisson, lorsqu'on aperçoit ces légions de jeunes ruraux monter de tous les diocèses sous la bénédiction de leurs pasteurs ? Comment la parole de l'Evangile ne nous reviendrait-elle pas à l'esprit, en contemplant cette Jeunesse agricole chrétienne et sa branche féminine parallèle, qui atteignent ensemble un tiers des paroisses rurales de France : Levate oculos vestros, et videte regiones, quia albae sunt jam ad messem f
C'est de ce magnifique bilan que le coeur du Souverain Pontife ne peut manquer de se réjouir dans le Seigneur, tout en nourrissant de plus grands espoirs encore pour l'avenir. Car la J. A. C. est en marche. Et son Congrès national, s'il signale une première et glorieuse étape, veut être avant tout un point de départ pour de nouvelles et irrésistibles conquêtes. Le Saint-Père connaît et apprécie le trésor de traditions chrétiennes dont peut se glorifier, comme d'un beau titre de noblesse, la paysannerie française. Il sait le zèle inlassable qui anime ses chefs, l'esprit surnaturel dont leur organisation veut être essentiellement imprégnée. Aussi ne saurait-on trop les engager à persévérer dans cette voie de formation religieuse intense qui, selon l'expression si juste, est l'âme de tout apostolat. Spirituellement équipés, comme ces soldats du Christ dont parle saint Paul, nos jeunes ruraux seront alors en mesure d'affronter victorieusement les grandes questions qui se poseront à leur conscience d'hommes et de chrétiens et d'assumer les responsabilités qui les attendent dans l'ordre familial, civique et professionnel, où, pour le salut et le bonheur des individus comme des sociétés, l'Evangile doit imposer le joug suave de la loi évangélique de vérité et de charité, de justice et de paix.
Telles sont donc les substantielles constatations, telles sont les fortes résolutions que le Congrès jubilaire de la J. A. C. aura la joie d'enregistrer. Le Saint-Père se félicite de ce que Votre Eminence, entourée d'un si grand nombre de cardinaux, archevêques et évêques français, puisse transmettre à cette ardente jeunesse rurale la Bénédiction apostolique qu'il lui envoie de tout coeur, et très spécialement au cher président national, à l'excellent aumônier général, à tous les aumôniers et dirigeants fédéraux et locaux, comme gage d'infaillibles et surnaturels progrès.
HOMÉLIE DE PAQUES PRONONCÉE A LA MESSE PONTIFICALE SOLENNELLE
(9 avril 1939)1
En la solennité de Pâques, le Saint-Père célébra le saint sacrifice dans la Basilique Vaticane et prononça en latin l'homélie dont voici la traduction :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 145 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 547.
La paix de Pâques.
La fête de Pâques Nous offre l'occasion de vous adresser, avec la plus grande joie de Notre coeur paternel, Notre salut, à vous, très digne Sénat de l'Eglise, à vous tous qui êtes ici présents, Vénérables Frères dans l'épiscopat, prélats ou prêtres du clergé romain, et enfin, vous Nos très chers fils, religieux ou simples laïcs. Pour contenir cette pieuse multitude, la très vaste église de Saint-Pierre paraît aujourd'hui trop étroite. Nous ne croyons pas pouvoir mieux commencer ce discours qu'en redisant les paroles sublimes que le divin Maître, ressuscité des morts, adresse à ses disciples : Pax vobis (Jn 20,19). Voilà le souhait et la salutation de paix.
Annoncé dans les temps d'attente de sa venue comme « le prince de la paix » (Is 9,6) ; accueilli, lors de sa naissance, par ces chants angéliques : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ; sur terre, paix aux hommes de bonne volonté » (Lc 2,14), le Rédempteur du monde fut le héraut et l'ambassadeur de la paix, selon cette parole de l'Apôtre des nations : « Il est venu annoncer la paix » (Ep 2,17). Cette paix n'a pas été cependant exempte de luttes et de combats, puisque Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsque « la mort et la vie se livrèrent à un duel extraordinaire » 2, en luttant jusqu'à la mort, l'obtint comme le prix de son sang et de la victoire remportée, « réconciliant toutes choses avec Dieu, celles qui sont sur la terre et celles qui sont dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1,20).
C'est donc à bon droit et avec raison que l'apôtre saint Paul non seulement répète très souvent la consolante invocation : « Dieu de la paix, Seigneur de la paix » (Rm 15,33 Rm 16,20 ; 1Co 14,33 Ph 4,9 1Th 5,23 2Th 3,16 He 13,20) mais encore, faisant écho à la parole des prophètes (Mi 5,5), appelle Jésus-Christ notre paix : « Lui est notre paix » (Ep 2,14).
2 Séquence de la messe de Pâques.
Les causes du manque de paix.
Prendre garde à ces choses, les examiner attentivement dans la situation présente, Nous semble apte à relever et à fortifier les âmes au moment où la paix est tant proclamée, désirée, invoquée par tous. « La paix est un bien si grand qu'il n'est rien de plus agréable à entendre, rien de plus souhaitable à désirer, rien enfin de meilleur à trouver » 3.
Mais aujourd'hui, plus qu'à une autre époque, ne se vérifient que trop ces paroles du prophète Jérémie, qui parle d'hommes disant : « Paix, paix, et il n'y avait point de paix » (Jr 6,14 Jr 8,11 Ez 13,10). En effet, si nous regardons tout autour de nous, quel triste spectacle s'offre à notre vue ! De fait, l'on voit dans beaucoup de pays les hommes agités, inquiets sur leur sort, angoissés par la crainte de troubles qui semblent annoncer les pires malheurs. Les esprits sont en proie à l'anxiété et à l'inquiétude, comme si des dangers plus graves menaçaient et déjà étaient imminents.
Tout cela est bien loin de cette sereine et sûre « tranquillité dans l'ordre » 4 qui constitue la vraie paix. Et vraiment peut-on avoir la paix complète et durable si les fils d'une même nation, oublieux souvent de leur origine commune et de leur commune patrie, sont entraînés et divisés par les intérêts, les rivalités, les luttes des partis politiques ?
Comment avoir la paix alors que tant d'hommes, des centaines de mille, manquent de travail, de ce travail qui non seulement permet à chaque citoyen de vivre d'une façon convenable, mais grâce auquel les multiples énergies et ressources dont la nature, l'étude et l'art ont honoré la dignité de la personne humaine, pourront nécessairement s'exercer avec l'éclat et l'honneur qui conviennent ?
Saint Augustin, De civ. Dei, 19, 11. Id., ibid., 19, 13.
Qui ne voit que cet état de choses a pour effet de grouper des foules énormes dont la misère et le désespoir — qui forment un contraste si violent avec l'aisance excessive de ceux qui vivent dans le luxe sans fournir le moindre secours aux indigents — font des proies faciles pour ces propagandistes rusés et séduisants qui offrent aux intelligences trompées par les fausses apparences de la vérité, des doctrines dissolvantes.
De plus, comment pourrait-on avoir la paix, si ne régnent pas aussi entre les nations et cette compréhension mutuelle et cet accord des volontés qui seuls peuvent conduire les peuples dans les voies lumineuses du progrès civil ? L'on voit, au contraire, les pactes solennellement sanctionnés ainsi que la parole donnée perdre parfois leur valeur et leur certitude qui constituent la base et la force de la légitime confiance réciproque : cette dernière une fois enlevée, il devient de jour en jour plus difficile de réduire ou de suspendre les armements et de pacifier les esprits, chose cependant si désirée par tous.
Le pape lance un appel à la paix et en indique les conditions...
Devant la menace d'une tempête si terrible, Nous exhortons vivement tous les hommes à revenir au Roi de la paix, au Vainqueur de la mort, dont les lèvres nous ont fait entendre ces consolantes paroles : Pax vobis. Que lui, comme il l'a promis, nous accorde la paix, sa paix, cette paix, disons-Nous, que le monde ne peut donner, celle qui, seule assurément, peut apaiser tous les troubles et dissiper toutes les craintes : « Je vous donne ma paix, je ne la donne pas comme la donne le monde. Que votre coeur ne se trouble point et ne s'effraye point » (Jn 14,27).
... la paix intérieure
Mais puisque la tranquillité extérieure ne peut être que le reflet ou la conséquence de la paix intérieure, il est nécessaire de s'occuper tout d'abord de la paix de l'âme : se la procurer le plus tôt possible si on ne l'a pas ; veiller sur elle avec soin, la défendre et la garder intacte, si on l'a déjà. Ce n'est pas, en effet, sans une très grave raison que Notre-Seigneur Jésus-Christ, en ce jour, en se montrant pour la première fois aux apôtres après sa résurrection, voulut ajouter à son salut de paix un don inestimable de paix, à savoir le sacrement de pénitence, de telle sorte qu'au jour solennel de sa résurrection prit aussi naissance cette institution salutaire qui rend aux âmes la grâce divine ou la renouvelle, cette grâce qui constitue le triomphe de la vie sur la mort, c'est-à-dire sur le péché.
C'est à cette source inépuisable de pardon et de paix que l'Eglise, Notre pieuse Mère, appelle avec instance tous ses enfants en ce saint temps pascal. Si chacun et tous répondaient librement et de bon gré à cet appel très affectueux, ils acquerraient une vie chrétienne plus florissante et plus féconde, avec la jouissance joyeuse et très douce de cette paix qui, par l'obéissance très aimante et parfaite au divin Rédempteur, permet de dominer l'attrait des passions et des voluptés. « Ton âme veut-elle être capable de vaincre tes débauches ou tes passions ? pour emprunter l'interrogation de saint Augustin. Qu'elle se soumette à Celui qui est plus grand et elle vaincra celui qui est au-dessous, inférieur. Et il y aura en toi une paix vraie, assurée et très bien ordonnée. Quel est l'ordre ou l'arrangement de cette paix ? Dieu commande à l'âme, l'âme au corps : rien de plus ordonné » 5.
Mïscellanea Agostiniana, vol. I, S. Augustin Sermones post Maurinos reperti, p. 633, 15-18.
. l'obéissance à Dieu
Vous voyez donc, Vénérables Frères et très chers fils, sur quelle base unique et inébranlable repose la véritable paix, à savoir sur la majesté éternelle de Dieu que tous ont le devoir de reconnaître, de respecter, d'honorer et dont ils sont tenus d'exécuter les commandements. Affaiblir ou détruire totalement cette obéissance due au Dieu créateur équivaut certainement à troubler ou à ruiner complètement la paix des individus comme celle de la famille, la paix des nations et celle enfin du monde entier. A la vérité, Dieu seul « aura des paroles de paix pour son peuple et pour ses fidèles et pour ceux qui retournent vers lui leur coeur » (Ps 84,9). C'est seulement par la volonté du Dieu tout-puissant, gardien suprême de la justice et suprême donateur de paix, « que la justice et la paix s'embrasseront » (Ps 84,11) ; parce que, comme l'annonce le prophète Isaïe : « Le produit de la justice sera la paix, et le fruit de la justice le repos et la sécurité pour jamais » (Is 32,17).
la recherche de la justice
Comme, en effet, il n'est pas possible d'avoir la paix si les choses ne sont pas dans l'ordre, de même il ne peut pas y avoir d'ordre si l'on écarte la justice. Mais celle-ci exige que l'on donne à l'autorité légitimement établie le respect et l'obéissance qui lui sont dus ; elle exige que les lois soient faites avec sagesse pour le bien commun et que tous les observent par devoir de conscience. La justice demande que tous reconnaissent et respectent les droits sacrés de la liberté et de la dignité humaines ; que les innombrables ressources et richesses que Dieu a répandues dans le monde entier soient réparties, pour l'utilité de tous ses enfants, d'une façon équitable et avec droiture. La justice veut enfin que l'action bienfaisante de l'Eglise catholique, non sujette à l'erreur quand elle enseigne la vérité, source inépuisable de vie pour les âmes, bienfaitrice insigne de la communauté humaine, ne soit ni attaquée ni empêchée. Car si l'on substitue au noble sceptre de la justice les armes de la violence, qui pourrait dès lors s'étonner que les temps qui se lèvent apportent non pas la lumière si désirée de la paix radieuse, mais les sombres et cruelles incendies des guerres ?
A la vérité, la justice a pour tâche d'établir et de garder intacts les principes de cet ordre de choses qui est la base première et principale d'une solide paix. Cependant, elle ne peut à elle seule triompher des difficultés et des obstacles qui bien souvent s'opposent à l'établissement et à la consolidation de la paix.
. la charité
C'est pourquoi, si à l'inflexible et rigoureuse justice ne s'unit pas, dans une fraternelle alliance, la charité, très facilement les yeux de l'esprit sont empêchés, comme par l'écran d'un nuage, de voir les droits d'autrui ; les oreilles deviennent sourdes à la voix de cette équité qui, dans une sage et bienveillante application, peut débrouiller et résoudre avec ordre et selon la droite raison les controverses les plus âpres et les plus compliquées.
Lorsque Nous disons ici la charité, Nous voulons parler de cette charité féconde et généreuse que le Christ a apportée — de cette charité qui a poussé le divin Rédempteur à mourir pour notre salut : « Il m'a aimé et s'est livré pour moi » (Ga 2,20) — de cette charité qui « nous presse » (2Co 5,14) et fait que « ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2Co 5,15) — de cette charité enfin par laquelle le Christ fut poussé à prendre la « condition d'esclave » (Ph 2,7), afin que nous devenions tous frères en lui qui est « le premier-né » (Rm 8,29), et par conséquent fils du même Dieu, héritiers du même royaume et appelés aux joies de la même éternelle béatitude.
Si les hommes goûtaient enfin les douceurs de cet amour et se reposaient en lui, alors sans aucun doute le soleil radieux de la paix s'élèverait sur le monde souffrant. A la colère désordonnée qui irrite succéderait le calme de l'esprit qui raisonne avec sagesse ; à la concurrence violente et effrénée succéderait la collaboration cordiale ; enfin la compréhension équitable et réciproque des choses et des arguments remplacerait les inimitiés ou les brouilles, de telle façon à la vérité que la tranquillité confiante et le calme prendraient la place de cette terrible excitation des esprits.
Que les hommes reprennent le chemin par lequel on reviendra à des ententes mutuelles amicales dans lesquelles les intérêts et les avantages de chacun des contractants sont évalués d'une façon équitable et avec une bienveillante appréciation ; dans lesquelles chacun ne se refuse pas à faire des sacrifices pour procurer à la famille humaine des biens supérieurs ; des ententes enfin où la fidélité à la parole publiquement donnée, tous le voulant ainsi, resplendira comme un exemple.
Afin que ces choses s'accomplissent et que Nos voeux très ardents se réalisent favorablement, Nous ne pouvons Nous retenir de répéter aux individus, aux peuples et à leurs gouvernants la très chaleureuse invitation ou exhortation à la paix, à la paix basée sur la justice et la charité, que Nous voulûmes leur adresser à tous, aussitôt après Notre élévation à la suprême dignité du souverain pontificat.
Mais Nous élevons surtout Nos mains et Nos yeux vers « le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs » (1Tm 6,15) en lui adressant, sur un ton suppliant, les prières qu'en cette solennité pascale la liturgie sacrée du Sacrifice eucharistique Nous fournit : « Seigneur Dieu qui, par la voix de l'Eglise, convoquez, en ces jours, tous vos enfants aux très saints mystères, c'est-à-dire à se nourrir de votre chair divine, à s'abreuver de votre sang très pur ; vous qui désirez les voir réunis autour de votre Sacrement de l'autel, Sacrement qui est le don le plus précieux de votre amour pour nous tous, et aussi le signe et le lien de cet amour qui nous groupe dans une union fraternelle ; vous, Seigneur Dieu, « répandez sur nous l'Esprit de votre charité, afin que votre grâce fasse un même coeur et une même ame de ceux que vous avez nourris du même Sacrement pascal ». Ainsi soit-il.
DISCOURS AUX MEMBRES DE L'UNION DES LIGUES FÉMININES CATHOLIQUES
(14 avril 1939) 1
Ce jour, le Souverain Pontife reçut en audience les 700 participants au Congrès international qui s'est ouvert à Rome le 11 avril et réunit les deux sections de l'Union internationale des Ligues féminines d'Action catholique. A près avoir écouté les adresses d'hommage de Mme Steenberghe, présidente de l'Union, et de Mlle de Hemptinne, présidente de la section des jeunes, le Saint-Père rappela à l'assemblée la mission providentielle de l'Action catholique à l'heure actuelle.
1 D'après le texte français de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 43. Les sous-titres sont de la Documentation Catholique, t. XL, col. 619.
C'est avec un vif sentiment de joie et d'espérance que Nous vous recevons aujourd'hui, dames et jeunes filles déléguées par l'Union internationale des Ligues féminines catholiques à son 10e Congrès. Avec joie, car vous représentez ici des millions d'âmes, généreuses comme les vôtres, prêtant comme vous à l'apostolat hiérarchique de l'Eglise, à travers le monde, un concours docile et dévoué. Avec espoir, car votre visite elle-même, et la pensée que vous avez eue de tenir ce congrès près du Siège apostolique, sont pour Nous, de votre part, les gages d'un travail toujours plus éclairé et plus actif.
Thème du congrès indiqué par Pie XI : formation et préparation de la femme catholique à l'apostolat.
Vous êtes venues à Rome pour prier et pour étudier ensemble un beau et ample programme, condensé en quelques mots, qui restent pour vous les novissima verba de Notre prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire : formation et préparation de la femme catholique, dans ses divers champs d'apostolat, pour la restauration chrétienne de la société contemporaine.
La formation, la préparation à l'apostolat ? Ecoutez saint Paul vous en révéler les bases mêmes, en vous proposant l'exemple de Jésus-Christ : « La grâce de Dieu Notre-Seigneur s'est manifestée... Elle nous enseigne... à vivre dans le siècle présent avec tempérance, justice et piété... Ne vous conformez pas au siècle présent, mais transformez-vous par le renouvellement de l'esprit» (Tt 2,11-13 Rm 12,2).
C'est bien là le programme d'une formation spirituelle parfaite : car l'apostolat le plus efficace, irremplaçable, est celui d'une vie sainte et pieuse, agissant par l'exemple et par la prière. Voilà pourquoi, entre les formes diverses de votre activité, cet apostolat de l'exemple occupe la première place. Voilà aussi pourquoi vous venez avant tout prier et demander le secours de la grâce sur ce tombeau du Prince des apôtres, qui semble être ici-bas une source abondante de secours surnaturels et le point de départ de tout apostolat fécond.
En vous y voyant aujourd'hui, Notre pensée se reporte vers ces nobles et ardentes chrétiennes qui, dès l'origine de l'Eglise, ont collaboré avec les apôtres et les pasteurs d'âmes à la diffusion de l'Evangile, méritant d'être louées par la hiérarchie d'alors et d'avoir «leurs noms», disait saint Paul, «inscrits au livre de vie» (Ph 4,3). C'est de ces femmes et jeunes filles que les affiliées de vos Ligues continuent les glorieuses traditions. Aussi, vos travaux font votre éloge et Nous révèlent combien vastes déjà sont vos « champs d'apostolat », que vous voulez encore élargir.
Apostolat social : conquête du milieu par le milieu.
Il fut un temps — peut-être — où l'activité apostolique de la femme pouvait se limiter à sauvegarder et entretenir la vie chrétienne du foyer. Il n'en va pas ainsi de nos jours, où toute la vie familiale subit nécessairement et immédiatement l'influence du milieu social dans lequel elle se développe. De cette ambiance sociale dépendra, pour une large part, la température spirituelle de la famille, donc sa vie morale et religieuse. Voilà pourquoi la femme catholique d'aujourd'hui prend conscience de ses devoirs sociaux. C'est à mieux comprendre ces devoirs, par une étude en commun, que travaillent vos Congrès ; c'est à les mieux remplir toujours que s'applique l'effort de vos Ligues. Ainsi s'expliquent les formes, si admirablement variées, de cet effort.
Toutes pareilles, en effet, dans leur principe, parce qu'elles concernent toujours la défense nécessaire des droits de Dieu et des âmes, vos oeuvres d'apostolat sont multiples et diverses dans leur exercice, parce que vous les adaptez à la diversité des pays et des temps.
Car l'apôtre, pour être écouté, doit parler, non pas à des représentants de quelque humanité abstraite qui serait de tous les pays, de tous les temps et de toutes les conditions, mais à tel ou tel groupe de ses semblables, à tel âge, dans tel pays, à tel échelon de la hiérarchie sociale. C'est là une des règles d'or tracée par le Pontife à jamais regretté, qui fut un grand promoteur de l'Action catholique et qui en reste maintenant l'invisible inspirateur.
Tout cela, vous le savez. Et vous savez aussi que l'Action catholique étant une collaboration à l'apostolat hiérarchique, ses membres doivent être soumis à la hiérarchie ecclésiastique à laquelle appartient de droit la mission apostolique, ainsi que son organisation dans le monde entier : Euntes, docete omnes gentes (Mt 28,19). C'est précisément pour cela que vous venez, comme vous le disiez tout à l'heure, en apportant ici vos informations, qui sont riches et consolantes, recevoir des directives, qui seront surtout encourageantes.
II
La collaboration féminine pour ramener à Dieu le monde qui le méconnaît par le retour à Dieu et à l'Evangile.
Dans toutes les grandes oeuvres humaines, comme dans l'oeuvre humano-divine de la Rédemption, Dieu a fait de la femme l'associée et l'auxiliaire de l'homme. Mais cette collaboration féminine dans la diffusion et la défense du royaume de Dieu Nous semble plus opportune aujourd'hui que jamais.
En effet, le mal dont souffre l'humanité est l'oubli, la méconnaissance, parfois même la négation absolue des réalités invisibles, des plus nobles valeurs morales et de tout idéal surnaturel. En ce siècle de mécanisme, la personne humaine n'est souvent qu'un instrument perfectionné de travail ou — hélas ! — de combat. La jouissance matérielle et immédiate attise et borne tout ensemble l'ambition des foules.
Notre société humaine menace de n'en être bientôt plus une, tant ses éléments constitutifs se désagrègent, sous nos yeux, dans l’égoïsme matérialiste, ou se dressent les uns contre les autres. Ce qu'il reste de véritable vie sociale tend à n'être plus régi que par le jeu des intérêts individuels et la compétition des appétits collectifs.
Il est vrai, les tentatives ne manquent pas pour refaire, dans cette dispersion des personnalités humaines, quelque unité. Mais les plans propagés pécheront toujours par la base s'ils partent du même principe que le mal auquel ils voudraient remédier. On ne guérira pas la blessure, on ne bridera pas la déchirure profonde de notre humanité individualiste et matérialiste par un système, quel qu'il soit, s'il reste lui-même matérialiste dans ses principes et mécanique dans ses applications.
Pour panser cette plaie, il n'est qu'un baume efficace : le retour de l'esprit et du coeur humain à la connaissance et à l'amour de Dieu, le Père commun, et de celui qu'il a envoyé pour sauver le monde, Jésus-Christ. Or, pour verser l'onction de ce baume sur les chairs vives d'une humanité meurtrie par tant de chocs, les mains des femmes semblent providentiellement préparées, rendues plus douces par la sensibilité plus affinée, par la tendresse plus délicate du coeur.
La mission sociale des dames et jeunes filles catholiques.
A vous donc, dames et jeunes filles catholiques, de vous pencher vers la grande blessée ; guidées et aidées par Dieu, relevez-la, encouragez-la ; refaites de cette multitude grégaire une société organique, dans la paisible hiérarchie des fonctions et des charges, dans le respect des devoirs et des droits, dans l'harmonieuse coordination des familles stables et fécondes. Que par vous la multiplicité des groupes ethniques retrouve l'unité de la filiation divine et de la fraternité humaine. Que le communisme recule et disparaisse devant la communauté des hommes ; que leur communauté s'achève dans la communion chrétienne.
Alors seulement se réalisera cette unité dans l'ordre, unitas ordinis, dont parle saint Thomas, et qui doit être l'idéal de vos âmes, le but suprême de vos efforts. Mais alors aussi, en travaillant pour le bien universel, chacune de vous travaillera pour le salut de sa patrie et pour le bonheur de sa famille, précisément parce que l'ordre est un : il ne peut régner dans les âmes, dans les nations, dans l'humanité tout entière, que si chaque chose est à sa place ; si Dieu, par conséquent, occupe partout la seule place qui lui convienne : la première. Et alors enfin, dans la stabilité de l'ordre, descendra sur la terre cette paix qu'appellent le désir angoissé des peuples et, douloureux entre tous, le sanglot désespéré des mères.
Voilà votre mission ; elle est très haute ; elle veut de l'élan, de la persévérance ; il y faudra parfois de l'héroïsme. Mais elle est assurée de la victoire parce que l'esprit finit toujours par vaincre la matière, et le droit par triompher sur les ruines accumulées par la violence. L'histoire le montre et Dieu nous l'a promis : la mesure de notre victoire est celle de notre foi : Haec est victoria, quae vincit mundum, fides nostra (1Jn 5,4).
Les deux sections de l'Union, fleurs et fruits du même arbre.
Est-il besoin d'ajouter que, pour faire régner l'ordre et la paix autour d'elles, vos Ligues doivent d'abord les sauvegarder en elles-mêmes ? A cet égard, il Nous plaît singulièrement de voir, dans votre Union internationale, se juxtaposer harmonieusement, à la section des dames, celle des jeunes filles. Ce sont comme les fleurs et les fruits, qui parfois ornent ensemble certains arbres privilégiés. A côté des ouvrières déjà chargées de mérites et riches d'expérience se rangent joyeusement les apprenties qui aspirent à se dévouer et pour cela demandent « préparation et formation », recevant les conseils de leurs devancières, moins comme des leçons imposées que comme des trésors offerts. Chacune des deux sections a ses méthodes et ses pratiques ; car là encore une adaptation de chacune à son milieu est nécessaire. Mais sous ces différences extérieures brûle dans les âmes — pour lesquelles il n'y a pas d'âge — la même flamme intérieure d'un zèle purement surnaturel.
Aussi par l'intercession de la très douce Vierge Marie, dont vous avez eu la délicate attention de Nous offrir les images telles qu'elles sont vénérées dans chacun de vos chers pays, Nous appelons la protection toujours plus efficace de Dieu sur les évêques qui vous envoient, sur vous-mêmes, sur toutes les affiliées de vos Ligues — que vous représentez — sur leurs familles et les vôtres, sur vos travaux et les leurs, et Nous vous accordons de tout coeur, comme gage des faveurs divines, la Bénédiction apostolique.
(S avril 1939)1
Le Saint-Père ayant réuni autour de lui les cardinaux, les officiers et les consulteurs de la Curie romaine, leur a adressé l'allocution suivante :
C'est avec une joie intime, Vénérables Frères et chers Fils, que Nous voyons à cette heure rassemblés autour de Nous les Eminen-tissimes cardinaux, les officiers majeurs et mineurs, les consulteurs de la Curie romaine, l'ensemble de ces congrégations, tribunaux et offices variés, par lesquels le Pontife romain des rives du Tibre, de la Cité du Vatican et du diocèse de Rome, étend, jusqu'aux confins du monde, et assume par lui-même le gouvernement de l'Eglise universelle. Au milieu de vous, il Nous sied de ceindre cette couronne qui exaltait l'esprit du second Prince des apôtres quand il appelait les Philippiens « mes chers et bien-aimés frères, ma joie et ma couronne » (Ph 4,1). Cette couronne, qui a été tressée autour de Nous par votre présence bien-aimée, n'est pas une couronne sertie d'or, de joyaux, ou de fleurs germées et sorties d'une terre froide, mais elle est une couronne vivante et même rutilante de l'or de vos rangs d'élite, des joyaux de vos vertus, des fleurs de votre science et de votre sagesse, de vos services laborieux, de vos sacrifices pleins de dignité.
Dès le début de Notre pontificat, vous avez voulu Nous présenter le don de votre hommage, de votre fidélité et de votre collaboration, offerts et acceptés avec un égal amour. Dès les premiers pas faits sur le chemin connu du seul Dieu, qui appelle les choses qui ne sont pas comme celles qui sont et les dirige vers leur fin suprême, pour laquelle, il plaça ici, à Rome, sur la colline du Vatican, en signe de salut pour les peuples, la pierre fondamentale de son Eglise. Vous avez voulu Nous faire sentir qu'à côté de Pierre, habitué par les siècles aux triomphes comme aux douleurs, à la lutte comme à la prière, se tient une troupe bien ordonnée de conseillers et de collaborateurs dont le noble zèle, la science éprouvée, l'expérience avisée, les intentions élevées ont permis à Dieu de Nous donner la joie réconfortante de confier d'importantes tâches et des soucis graves pour l'honneur et la prospérité du Saint-Siège, pour le bien des âmes, toutes tâches que les dispositions du Droit canon désignent comme le théâtre sacré de l'activité et du travail multiforme de la Curie romaine. Dans ce vif sentiment de confiance profondément ancrée dans Notre âme, et qui éprouve aussi le poids du manteau papal, Notre coeur trouve son encouragement et son réconfort, et Notre parole s'épanche devant vous et dans cette réunion de tous les dicastères de la Curie romaine, des offices et des administrations du Palais, de la Commission pontificale pour l'interprétation du Droit canon, du Vicariat de Rome et de la Cité du Vatican avec les curés et prédicateurs de carême, de la Commission pour les oeuvres de religion, elle manifeste l'estime et l'affection que Nous portons dans le coeur à l'égard de chacun de vous. Cependant par un égal échange, Nous parlons comme à des frères et à des fils avec l'Apôtre : « Mes enfants, vous aussi, élargissez vos coeurs » (2Co 6,13) afin que Notre amour pour la Sainte Eglise soit parfait. Elargissez vos coeurs, vous aussi à la pensée que vous servez cette Epouse du Christ, pour laquelle il s'est donné lui-même pour lui faire un vêtement de gloire, sans tache et sans couture, saint et immaculé. Oui, cette divine Epouse qui s'étend et plante ses tentes dans l'univers, proclame l'Evangile dans toutes les contrées du globe, descend avec ses secours au fond de la prison à ceux qui attendent de pouvoir s'envoler un jour vers les bienheureux, monte au ciel pour invoquer et appeler ici-bas les héros de la sainteté et du bien, afin que dans la gloire qu'elle leur accorde sur les autels, ils puissent oeuvrer au salut et réconforter les enfants exilés d'Eve.
Histoire et grandeur de la Curie romaine.
Vous tous, ici présents, vous comprenez bien la noblesse et la grandeur du service de cette Epouse du Christ, au sein de la Curie romaine : c'est un service qui n'abaisse pas, mais, au contraire, exalte, car Servire Deo regnare est. La sacrée Curie romaine qui tire son nom et son symbole de la Curie des Quirites, des Consuls et des
Césars, qui fut la palestre où se jouèrent les destinées des peuples et qui est aujourd'hui un monument muet qui surplombe encore les ruines du Forum, possède aujourd'hui une vie et un cachet propre qui l'élève au-dessus de la caducité des empires et des royaumes, tout comme l'âme s'élève au-dessus du corps, la grâce au-dessus de la nature humaine, l'oeuvre de Dieu au-dessus de l'oeuvre humaine. Contemporaine de l'assemblée du presbyterium pontifical de Rome, elle grandit et se fortifie aux côtés des pontifes, comme un sénat qui s'honore d'une grande sagesse (Si 25,8), actif et sage par les dons de sagesse et de prudence naturels bien plus que par la majesté que confèrent les années.
Héritière d'un passé souvent agité, remaniée, réorganisée, agrandie par l'accroissement des besoins et des soucis apostoliques, pour la défense et la diffusion de la foi, et pour le maintien de la discipline parmi les pasteurs et le troupeau, la Curie romaine, dans sa forme actuelle, dans sa structure interne et sa procédure réglée jusque dans les détails, tout en conservant, dans sa constitution essentielle, la pratique et l'expérience des siècles, a le mérite et l'honneur de n'avoir jamais hésité à s'adapter sagement et en temps opportun aux nouvelles nécessités et aux exigences changées. C'est à la puissance de caractère d'un Sixte-Quint, au saint zèle réformateur d'un Pie X, à la sagesse législative d'un Benoît XV que cet eminent instrument du gouvernement central de l'Eglise est redevable de la distinction et de la cohésion de ces parties, de cette ordonnance des charges, de cet ajustement et cet arrangement pondérés dans l'action qui préparent l'intelligence et la volonté à un travail bien réglé et fécond ; mais auquel vient s'ajouter sa qualité indispensable et son motif le plus élevé de gloire qui est le souffle apostolique qui l'anime. Il Nous semble que la Curie romaine, avec tous ses dicastères et en dépit de leur multiplicité extérieure, par son unité organique d'ensemble, par l'idée unique et centrale qui la domine, par les devoirs et les obligations communes qui lient tous ses membres, lesquels « n'ont pas la même activité » (Rm 12,4), mais tendent dans la concorde vers le même et auguste but qui est d'être de précieux collaborateurs du service des âmes et du règne du Christ, agrandi et défendu sur terre, se rassemblent autour de Celui qui, selon la juste expression de Grégoire le Grand, est le serviteur du serviteur de Dieu, il Nous semble, disions-Nous, que la Curie romaine ressemble à un diamant resplendissant s'il en fut par la splendeur multiforme de ses facettes, et admirable par les vivants et brillants reflets qui viennent de tous ses dicastères, un diamant qui est enchâssé parmi les joyaux de la tiare pontificale, comme le symbole de la lumière et de l'amour qui vous animent.
Mais, c'est à cette splendeur de la dignité que revient aussi le privilège d'entourer, de plus près que ne pourrait le faire n'importe quelle autre institution ecclésiastique, le pouvoir apostolique du successeur de Pierre — échu maintenant à Notre personne, toute pauvre et indigne qu'elle soit — aussi vous voyez bien combien il convient que dans toute la Curie romaine réponde la splendeur de la vie, afin que, comme l'écrit saint Bernard, « le Docteur à la parole de miel », le Souverain Pontife vous trouve d'autant plus prêts que vous l'assistez de plus près : Propiores assistiis, ut habeat paratiores!2. Cette plus grande préparation majeure qu'est-elle autre chose que l'esprit plus profond qui vivifie, tandis que la lettre tue ? Cet esprit qui vivifie le travail, qui transforme la plume en aile de vol céleste, qui pénètre, dirige, soutient, élève l'esprit et la volonté ; cet esprit qui veut être le premier et le plus saint orgueil de tous ceux qui sont appelés et préparés à collaborer à la mission qui Nous est imposée par le divin Maître, de Pasteur des brebis de son bercail et des autres, qui sont aussi les siennes, mais encore vagabondes qu'il entend amener à Lui.
Qualités et vertus requises pour le travail auprès du Souverain Pontife dans le gouvernement de l'Eglise.
C'est d'un tel esprit, qui est par excellence l'esprit du sacrifice de soi-même, de consécration au devoir, d'amour de l'Eglise qu'il convient que soit rempli quiconque, au centre du christianisme, but et vision de tous ceux qui dans la foi de Rome contemplent la foi de l'Eglise, est amené à prendre, par les conseils et par le travail, une part de la sollicitude de toutes les églises. Quand cet esprit du Christ forme une âme de prêtre, vous la voyez s'élever dans une sphère plus haute, valoriser son activité dans la Curie romaine par le sceau de l'amour surnaturel, infatigable, apostolique, d'un apostolat qui s'identifie au travail né de sa fonction et qui, si la soif du salut des âmes l'ennoblit et la sanctifie, n'en est pas moins agréé et justement pesé sur la balance du Juge Eternel qui scrute les reins et les coeurs (Jr 2,20) ; que cette activité soit le ministère sacerdotal immédiat, auquel nombreux parmi vous donnent leurs soins, ou bien l'apostolat direct et actif de ceux qui traversent les mers, les océans, et par les terres inhospitalières et les forêts sauvages, au-delà des cimes neigeuses et des landes glacées, à travers les déserts et les antres des bêtes sauvages, partent à la conquête de nouvelles brebis pour le bercail de Pierre et de nouvelles frontières au règne du Christ. Vous savez bien que le divin Roi de gloire récompense d'une même couronne, en la proportionnant toutefois aux mérites, aussi bien ceux qui combattent au fort de la mêlée que les fils qui autour de lui gardent le dépôt sacré des armes et avec la trompette de la foi donnent leurs ordres aux capitaines qui commandent les troupes.
Investis d'une si haute dignité, Vénérables Frères et chers Fils, Nous vous saluons vous qui êtes rassemblés autour de Nous. C'est pour Nous une joie sainte et paternelle que d'entendre confirmer par les paroles de votre éminentissime et éloquent interprète, le vénérable et très cher cardinal doyen du Sacré Collège, que vous tous, animés par l'esprit du Christ et pleinement conscients de la responsabilité et de l'importance de votre office, vous ne désirez et ne voulez rien de plus ardemment que de vous rendre toujours plus dignes de votre vocation privilégiée. Vous n'auriez pas su ni pu Nous donner de don plus agréable, de promesse plus précieuse, de réconfort plus doux en ces jours où, par un décret insondable de Dieu, Nous avons assumé la lourde charge du travail pontifical, quand l'ange d'une sainte mort arrêta inerte la main sage et active de Notre incomparable prédécesseur et, fermant le grand volume de son long et glorieux pontificat, lui ouvrit les portes de la cité céleste en l'invitant et en l'introduisant dans le repos de l'éternité bienheureuse.
Le gouvernement de l'Eglise exige d'autant plus de fermeté et de sagesse que les temps sont difficiles.
Héritiers de son nom, nous sommes aussi héritiers de son temps qui devient Nôtre avec ses fortunes favorables et adverses qu'il entraîne avec lui dans sa fuite. Temps difficile mais pourtant aussi grand que celui où dans le cours d'une année se suivent et mûrissent des événements qui précédemment auraient exigé des dizaines d'années et peut-être des siècles, où le vertigineux et prodigieux progrès moderne semble avoir rendu cette « plate-bande qui nous fait si féroces » trop étroite pour les désirs insatiables des fils d'Adam où sur tous les rivages et à tous les vents résonnent désormais la voix divine de l'Evangile et les devoirs et l'action de l'Eglise et avec eux ceux de ces organes centraux qui s'accroissent et s'étendent outre mesure, tandis que les yeux du monde se tournent toujours avec plus d'anxiété vers son Magistère, regardant fixement si de ses lèvres jaillit la vérité qui libère et élève l'homme dans l'oeuvre de la charité. Que pouvons-Nous faire d'autre que de lever Notre regard humble et suppliant vers le ciel d'où descend la sagesse pure, pacifique, modeste, souple, pleine de miséricorde et de fruits excellents ? D'où descend le fruit de la justice qui se sème dans la paix de ceux qui pratiquent la paix ? (Jc 3,17-18). Parmi les dons parfaits qui descendent du Père des lumières, Nous ne pouvons demander ni recevoir de grâces plus signalées que de savoir et de voir auprès de Nous des hommes tels que saint Bernard les décrivait et les recommandait à son cher et vénéré disciple, le pape Eugène III : « Qu'en eux, écrivait le saint abbé de Clairvaux, à mon avis, repose ton esprit... afin qu'en dehors de Dieu ils ne craignent rien et n'espèrent rien sinon de Dieu... qu'ils se tiennent virilement au service des affligés et qu'ils jugent dans l'équité les doux de la terre. Qu'ils soient dignes dans leurs moeurs, éprouvés dans leur sainteté, prêts à l'obéissance, doux dans la patience, soumis à la règle, rigides dans la censure, catholiques dans la foi, fidèles dans la générosité, d'accord pour la paix, unanimes pour l'unité... Qu'ils soient droits dans le jugement, prévoyants dans le conseil, discrets en donnant des ordres, industrieux dans la prévoyance, résolus dans l'action, modestes dans le langage, fermes dans l'adversité, dévoués dans la prospérité, sobres dans le zèle... Qu'ils ne refusent pas chaque fois qu'il est besoin, s'ils en sont priés, de travailler pour le Christ, et, s'ils ne le sont pas, n'en soient pas affectés... Qu'ils gardent le goût et aient la pratique de la prière et en toute chose fassent plus confiance à la prière qu'à leurs propres capacités où à leur travail » 3.
Regardez-vous en cet idéal, tracé par l'art plein de sagesse du grand ascète et de l'infatigable champion des droits de l'Eglise dans l'Europe de son temps. Dans cet idéal vous reconnaîtrez la grandeur de votre office ; vous vous reconnaîtrez vous-mêmes non point avec la misérable complaisance de l'orgueil, mais par cette impulsion de vertu et de bien qui marque le travail plein de sagesse que vous faites à Nos yeux et aux yeux de l'Eglise, et de plus en plus anime votre esprit afin que tous ceux qui voient votre travail glorifient le Père qui est dans les cieux.
Remerciements du Saint-Père.
Entouré comme Nous le sommes, à l'égal d'une famille chère et aimée, de toute Notre Curie romaine rassemblée ici en témoignage solennel de votre amour et de votre dévouement, Nous ne trouvons pas d'autre parole pour vous manifester Notre profonde satisfaction que celle de l'Apôtre des gentils : « Nous vous avons parlé en toute liberté ; notre coeur s'est grandement ouvert » (2Co 6,11). Nos lèvres s'ouvrent pour vous, Notre coeur s'est dilaté et trouve réconfort dans des esprits aussi dévoués, distingués et étroitement unis pour Nous servir ; grâce à eux le poids de la tiare pontificale se fait plus léger pour Nous dans la contemplation d'une aussi noble assemblée qui est la cohorte la plus fidèle et la plus sainte qui se tient à Nos côtés pour la sauvegarde de la foi et de la discipline de l'Eglise. Nous en rendons grâce à Dieu et à vous-mêmes ; et Nous élevons Nos prières vers le ciel, afin que ce que l'esprit illuminé et l'ardent amour de l'Eglise du « Docteur à la parole de miel » désirait avec une si grande ferveur dans une heure grave du passé pour un de Nos prédécesseurs, Nous soit accordé par la douce attention de Celui, dans la sage main de qui est le passé, le présent et l'avenir, et soit largement affermi et accru en vous, Vénérables Frères et chers fils. C'est dans cette confiance que Nous tournons Nos regards vers Dieu qui opère en Nous et le vouloir et le faire selon la bonne volonté (Ph 2,13), que Nous invoquons sur vous et sur Nous lumière et force et que Nous vous accordons la Bénédiction apostolique à vous tous, comme gage des plus abondantes faveurs célestes pour vos personnes et pour que l'accomplissement des importants devoirs de votre charge soit agréable au Seigneur.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A S. EM. LE CARDINAL VERDIER, A L'OCCASION DU PREMIER CONGRÈS NATIONAL DE LA J.A.C.
(7 avril 1939) 1
Le Congrès national du 10" anniversaire de la fondation de la ]. A. C. en France a réuni à Paris, du 21 au 23 avril, plus de 25 000 jeunes ruraux. Le Souverain Pontife tint à encourager ces assises et, le 7 avril, Son Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, adressait à Son Em. le cardinal Verdier, archevêque de Paris, cette lettre :
1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XL, col. 803.
Sa Sainteté a appris avec une paternelle satisfaction que Votre Eminence se proposait de présider prochainement le premier Congrès national de la Jeunesse agricole chrétienne, à Paris. L'auguste Pontife n'ignore pas que, parmi les mouvements spécialisés dont s'honore l'Action catholique française, la J. A. C. occupe une place de choix et mérite d'exceptionnels encouragements. Ce congrès qui célébrera le 10e anniversaire de sa fondation, entend surtout marquer par son ampleur et sa ferveur la volonté des jeunes ruraux de France de ramener tous leurs frères de travail à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Déjà, leur apostolat a été visiblement béni du ciel. La tâche était rude, en effet, d'entreprendre une telle oeuvre de redressement spirituel des campagnes, en organisant un mouvement destiné à embrasser les divers membres qui composent le milieu rural, pour les réunir tous sur le plan supérieur de la charité chrétienne et de l'Action catholique. Qui pourrait prétendre que de si généreuses semailles n'aient point déjà fait naître une merveilleuse moisson, lorsqu'on aperçoit ces légions de jeunes ruraux monter de tous les diocèses sous la bénédiction de leurs pasteurs ? Comment la parole de l'Evangile ne nous reviendrait-elle pas à l'esprit, en contemplant cette Jeunesse agricole chrétienne et sa branche féminine parallèle, qui atteignent ensemble un tiers des paroisses rurales de France : Levate oculos vestros, et videte regiones, quia albae sunt jam ad messem f
C'est de ce magnifique bilan que le coeur du Souverain Pontife ne peut manquer de se réjouir dans le Seigneur, tout en nourrissant de plus grands espoirs encore pour l'avenir. Car la J. A. C. est en marche. Et son Congrès national, s'il signale une première et glorieuse étape, veut être avant tout un point de départ pour de nouvelles et irrésistibles conquêtes. Le Saint-Père connaît et apprécie le trésor de traditions chrétiennes dont peut se glorifier, comme d'un beau titre de noblesse, la paysannerie française. Il sait le zèle inlassable qui anime ses chefs, l'esprit surnaturel dont leur organisation veut être essentiellement imprégnée. Aussi ne saurait-on trop les engager à persévérer dans cette voie de formation religieuse intense qui, selon l'expression si juste, est l'âme de tout apostolat. Spirituellement équipés, comme ces soldats du Christ dont parle saint Paul, nos jeunes ruraux seront alors en mesure d'affronter victorieusement les grandes questions qui se poseront à leur conscience d'hommes et de chrétiens et d'assumer les responsabilités qui les attendent dans l'ordre familial, civique et professionnel, où, pour le salut et le bonheur des individus comme des sociétés, l'Evangile doit imposer le joug suave de la loi évangélique de vérité et de charité, de justice et de paix.
Telles sont donc les substantielles constatations, telles sont les fortes résolutions que le Congrès jubilaire de la J. A. C. aura la joie d'enregistrer. Le Saint-Père se félicite de ce que Votre Eminence, entourée d'un si grand nombre de cardinaux, archevêques et évêques français, puisse transmettre à cette ardente jeunesse rurale la Bénédiction apostolique qu'il lui envoie de tout coeur, et très spécialement au cher président national, à l'excellent aumônier général, à tous les aumôniers et dirigeants fédéraux et locaux, comme gage d'infaillibles et surnaturels progrès.
HOMÉLIE DE PAQUES PRONONCÉE A LA MESSE PONTIFICALE SOLENNELLE
(9 avril 1939)1
En la solennité de Pâques, le Saint-Père célébra le saint sacrifice dans la Basilique Vaticane et prononça en latin l'homélie dont voici la traduction :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 145 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 547.
La paix de Pâques.
La fête de Pâques Nous offre l'occasion de vous adresser, avec la plus grande joie de Notre coeur paternel, Notre salut, à vous, très digne Sénat de l'Eglise, à vous tous qui êtes ici présents, Vénérables Frères dans l'épiscopat, prélats ou prêtres du clergé romain, et enfin, vous Nos très chers fils, religieux ou simples laïcs. Pour contenir cette pieuse multitude, la très vaste église de Saint-Pierre paraît aujourd'hui trop étroite. Nous ne croyons pas pouvoir mieux commencer ce discours qu'en redisant les paroles sublimes que le divin Maître, ressuscité des morts, adresse à ses disciples : Pax vobis (Jn 20,19). Voilà le souhait et la salutation de paix.
Annoncé dans les temps d'attente de sa venue comme « le prince de la paix » (Is 9,6) ; accueilli, lors de sa naissance, par ces chants angéliques : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ; sur terre, paix aux hommes de bonne volonté » (Lc 2,14), le Rédempteur du monde fut le héraut et l'ambassadeur de la paix, selon cette parole de l'Apôtre des nations : « Il est venu annoncer la paix » (Ep 2,17). Cette paix n'a pas été cependant exempte de luttes et de combats, puisque Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsque « la mort et la vie se livrèrent à un duel extraordinaire » 2, en luttant jusqu'à la mort, l'obtint comme le prix de son sang et de la victoire remportée, « réconciliant toutes choses avec Dieu, celles qui sont sur la terre et celles qui sont dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1,20).
C'est donc à bon droit et avec raison que l'apôtre saint Paul non seulement répète très souvent la consolante invocation : « Dieu de la paix, Seigneur de la paix » (Rm 15,33 Rm 16,20 ; 1Co 14,33 Ph 4,9 1Th 5,23 2Th 3,16 He 13,20) mais encore, faisant écho à la parole des prophètes (Mi 5,5), appelle Jésus-Christ notre paix : « Lui est notre paix » (Ep 2,14).
2 Séquence de la messe de Pâques.
Les causes du manque de paix.
Prendre garde à ces choses, les examiner attentivement dans la situation présente, Nous semble apte à relever et à fortifier les âmes au moment où la paix est tant proclamée, désirée, invoquée par tous. « La paix est un bien si grand qu'il n'est rien de plus agréable à entendre, rien de plus souhaitable à désirer, rien enfin de meilleur à trouver » 3.
Mais aujourd'hui, plus qu'à une autre époque, ne se vérifient que trop ces paroles du prophète Jérémie, qui parle d'hommes disant : « Paix, paix, et il n'y avait point de paix » (Jr 6,14 Jr 8,11 Ez 13,10). En effet, si nous regardons tout autour de nous, quel triste spectacle s'offre à notre vue ! De fait, l'on voit dans beaucoup de pays les hommes agités, inquiets sur leur sort, angoissés par la crainte de troubles qui semblent annoncer les pires malheurs. Les esprits sont en proie à l'anxiété et à l'inquiétude, comme si des dangers plus graves menaçaient et déjà étaient imminents.
Tout cela est bien loin de cette sereine et sûre « tranquillité dans l'ordre » 4 qui constitue la vraie paix. Et vraiment peut-on avoir la paix complète et durable si les fils d'une même nation, oublieux souvent de leur origine commune et de leur commune patrie, sont entraînés et divisés par les intérêts, les rivalités, les luttes des partis politiques ?
Comment avoir la paix alors que tant d'hommes, des centaines de mille, manquent de travail, de ce travail qui non seulement permet à chaque citoyen de vivre d'une façon convenable, mais grâce auquel les multiples énergies et ressources dont la nature, l'étude et l'art ont honoré la dignité de la personne humaine, pourront nécessairement s'exercer avec l'éclat et l'honneur qui conviennent ?
Saint Augustin, De civ. Dei, 19, 11. Id., ibid., 19, 13.
Qui ne voit que cet état de choses a pour effet de grouper des foules énormes dont la misère et le désespoir — qui forment un contraste si violent avec l'aisance excessive de ceux qui vivent dans le luxe sans fournir le moindre secours aux indigents — font des proies faciles pour ces propagandistes rusés et séduisants qui offrent aux intelligences trompées par les fausses apparences de la vérité, des doctrines dissolvantes.
De plus, comment pourrait-on avoir la paix, si ne régnent pas aussi entre les nations et cette compréhension mutuelle et cet accord des volontés qui seuls peuvent conduire les peuples dans les voies lumineuses du progrès civil ? L'on voit, au contraire, les pactes solennellement sanctionnés ainsi que la parole donnée perdre parfois leur valeur et leur certitude qui constituent la base et la force de la légitime confiance réciproque : cette dernière une fois enlevée, il devient de jour en jour plus difficile de réduire ou de suspendre les armements et de pacifier les esprits, chose cependant si désirée par tous.
Le pape lance un appel à la paix et en indique les conditions...
Devant la menace d'une tempête si terrible, Nous exhortons vivement tous les hommes à revenir au Roi de la paix, au Vainqueur de la mort, dont les lèvres nous ont fait entendre ces consolantes paroles : Pax vobis. Que lui, comme il l'a promis, nous accorde la paix, sa paix, cette paix, disons-Nous, que le monde ne peut donner, celle qui, seule assurément, peut apaiser tous les troubles et dissiper toutes les craintes : « Je vous donne ma paix, je ne la donne pas comme la donne le monde. Que votre coeur ne se trouble point et ne s'effraye point » (Jn 14,27).
... la paix intérieure
Mais puisque la tranquillité extérieure ne peut être que le reflet ou la conséquence de la paix intérieure, il est nécessaire de s'occuper tout d'abord de la paix de l'âme : se la procurer le plus tôt possible si on ne l'a pas ; veiller sur elle avec soin, la défendre et la garder intacte, si on l'a déjà. Ce n'est pas, en effet, sans une très grave raison que Notre-Seigneur Jésus-Christ, en ce jour, en se montrant pour la première fois aux apôtres après sa résurrection, voulut ajouter à son salut de paix un don inestimable de paix, à savoir le sacrement de pénitence, de telle sorte qu'au jour solennel de sa résurrection prit aussi naissance cette institution salutaire qui rend aux âmes la grâce divine ou la renouvelle, cette grâce qui constitue le triomphe de la vie sur la mort, c'est-à-dire sur le péché.
C'est à cette source inépuisable de pardon et de paix que l'Eglise, Notre pieuse Mère, appelle avec instance tous ses enfants en ce saint temps pascal. Si chacun et tous répondaient librement et de bon gré à cet appel très affectueux, ils acquerraient une vie chrétienne plus florissante et plus féconde, avec la jouissance joyeuse et très douce de cette paix qui, par l'obéissance très aimante et parfaite au divin Rédempteur, permet de dominer l'attrait des passions et des voluptés. « Ton âme veut-elle être capable de vaincre tes débauches ou tes passions ? pour emprunter l'interrogation de saint Augustin. Qu'elle se soumette à Celui qui est plus grand et elle vaincra celui qui est au-dessous, inférieur. Et il y aura en toi une paix vraie, assurée et très bien ordonnée. Quel est l'ordre ou l'arrangement de cette paix ? Dieu commande à l'âme, l'âme au corps : rien de plus ordonné » 5.
Mïscellanea Agostiniana, vol. I, S. Augustin Sermones post Maurinos reperti, p. 633, 15-18.
. l'obéissance à Dieu
Vous voyez donc, Vénérables Frères et très chers fils, sur quelle base unique et inébranlable repose la véritable paix, à savoir sur la majesté éternelle de Dieu que tous ont le devoir de reconnaître, de respecter, d'honorer et dont ils sont tenus d'exécuter les commandements. Affaiblir ou détruire totalement cette obéissance due au Dieu créateur équivaut certainement à troubler ou à ruiner complètement la paix des individus comme celle de la famille, la paix des nations et celle enfin du monde entier. A la vérité, Dieu seul « aura des paroles de paix pour son peuple et pour ses fidèles et pour ceux qui retournent vers lui leur coeur » (Ps 84,9). C'est seulement par la volonté du Dieu tout-puissant, gardien suprême de la justice et suprême donateur de paix, « que la justice et la paix s'embrasseront » (Ps 84,11) ; parce que, comme l'annonce le prophète Isaïe : « Le produit de la justice sera la paix, et le fruit de la justice le repos et la sécurité pour jamais » (Is 32,17).
la recherche de la justice
Comme, en effet, il n'est pas possible d'avoir la paix si les choses ne sont pas dans l'ordre, de même il ne peut pas y avoir d'ordre si l'on écarte la justice. Mais celle-ci exige que l'on donne à l'autorité légitimement établie le respect et l'obéissance qui lui sont dus ; elle exige que les lois soient faites avec sagesse pour le bien commun et que tous les observent par devoir de conscience. La justice demande que tous reconnaissent et respectent les droits sacrés de la liberté et de la dignité humaines ; que les innombrables ressources et richesses que Dieu a répandues dans le monde entier soient réparties, pour l'utilité de tous ses enfants, d'une façon équitable et avec droiture. La justice veut enfin que l'action bienfaisante de l'Eglise catholique, non sujette à l'erreur quand elle enseigne la vérité, source inépuisable de vie pour les âmes, bienfaitrice insigne de la communauté humaine, ne soit ni attaquée ni empêchée. Car si l'on substitue au noble sceptre de la justice les armes de la violence, qui pourrait dès lors s'étonner que les temps qui se lèvent apportent non pas la lumière si désirée de la paix radieuse, mais les sombres et cruelles incendies des guerres ?
A la vérité, la justice a pour tâche d'établir et de garder intacts les principes de cet ordre de choses qui est la base première et principale d'une solide paix. Cependant, elle ne peut à elle seule triompher des difficultés et des obstacles qui bien souvent s'opposent à l'établissement et à la consolidation de la paix.
. la charité
C'est pourquoi, si à l'inflexible et rigoureuse justice ne s'unit pas, dans une fraternelle alliance, la charité, très facilement les yeux de l'esprit sont empêchés, comme par l'écran d'un nuage, de voir les droits d'autrui ; les oreilles deviennent sourdes à la voix de cette équité qui, dans une sage et bienveillante application, peut débrouiller et résoudre avec ordre et selon la droite raison les controverses les plus âpres et les plus compliquées.
Lorsque Nous disons ici la charité, Nous voulons parler de cette charité féconde et généreuse que le Christ a apportée — de cette charité qui a poussé le divin Rédempteur à mourir pour notre salut : « Il m'a aimé et s'est livré pour moi » (Ga 2,20) — de cette charité qui « nous presse » (2Co 5,14) et fait que « ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2Co 5,15) — de cette charité enfin par laquelle le Christ fut poussé à prendre la « condition d'esclave » (Ph 2,7), afin que nous devenions tous frères en lui qui est « le premier-né » (Rm 8,29), et par conséquent fils du même Dieu, héritiers du même royaume et appelés aux joies de la même éternelle béatitude.
Si les hommes goûtaient enfin les douceurs de cet amour et se reposaient en lui, alors sans aucun doute le soleil radieux de la paix s'élèverait sur le monde souffrant. A la colère désordonnée qui irrite succéderait le calme de l'esprit qui raisonne avec sagesse ; à la concurrence violente et effrénée succéderait la collaboration cordiale ; enfin la compréhension équitable et réciproque des choses et des arguments remplacerait les inimitiés ou les brouilles, de telle façon à la vérité que la tranquillité confiante et le calme prendraient la place de cette terrible excitation des esprits.
Que les hommes reprennent le chemin par lequel on reviendra à des ententes mutuelles amicales dans lesquelles les intérêts et les avantages de chacun des contractants sont évalués d'une façon équitable et avec une bienveillante appréciation ; dans lesquelles chacun ne se refuse pas à faire des sacrifices pour procurer à la famille humaine des biens supérieurs ; des ententes enfin où la fidélité à la parole publiquement donnée, tous le voulant ainsi, resplendira comme un exemple.
Afin que ces choses s'accomplissent et que Nos voeux très ardents se réalisent favorablement, Nous ne pouvons Nous retenir de répéter aux individus, aux peuples et à leurs gouvernants la très chaleureuse invitation ou exhortation à la paix, à la paix basée sur la justice et la charité, que Nous voulûmes leur adresser à tous, aussitôt après Notre élévation à la suprême dignité du souverain pontificat.
Mais Nous élevons surtout Nos mains et Nos yeux vers « le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs » (1Tm 6,15) en lui adressant, sur un ton suppliant, les prières qu'en cette solennité pascale la liturgie sacrée du Sacrifice eucharistique Nous fournit : « Seigneur Dieu qui, par la voix de l'Eglise, convoquez, en ces jours, tous vos enfants aux très saints mystères, c'est-à-dire à se nourrir de votre chair divine, à s'abreuver de votre sang très pur ; vous qui désirez les voir réunis autour de votre Sacrement de l'autel, Sacrement qui est le don le plus précieux de votre amour pour nous tous, et aussi le signe et le lien de cet amour qui nous groupe dans une union fraternelle ; vous, Seigneur Dieu, « répandez sur nous l'Esprit de votre charité, afin que votre grâce fasse un même coeur et une même ame de ceux que vous avez nourris du même Sacrement pascal ». Ainsi soit-il.
DISCOURS AUX MEMBRES DE L'UNION DES LIGUES FÉMININES CATHOLIQUES
(14 avril 1939) 1
Ce jour, le Souverain Pontife reçut en audience les 700 participants au Congrès international qui s'est ouvert à Rome le 11 avril et réunit les deux sections de l'Union internationale des Ligues féminines d'Action catholique. A près avoir écouté les adresses d'hommage de Mme Steenberghe, présidente de l'Union, et de Mlle de Hemptinne, présidente de la section des jeunes, le Saint-Père rappela à l'assemblée la mission providentielle de l'Action catholique à l'heure actuelle.
1 D'après le texte français de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 43. Les sous-titres sont de la Documentation Catholique, t. XL, col. 619.
C'est avec un vif sentiment de joie et d'espérance que Nous vous recevons aujourd'hui, dames et jeunes filles déléguées par l'Union internationale des Ligues féminines catholiques à son 10e Congrès. Avec joie, car vous représentez ici des millions d'âmes, généreuses comme les vôtres, prêtant comme vous à l'apostolat hiérarchique de l'Eglise, à travers le monde, un concours docile et dévoué. Avec espoir, car votre visite elle-même, et la pensée que vous avez eue de tenir ce congrès près du Siège apostolique, sont pour Nous, de votre part, les gages d'un travail toujours plus éclairé et plus actif.
Thème du congrès indiqué par Pie XI : formation et préparation de la femme catholique à l'apostolat.
Vous êtes venues à Rome pour prier et pour étudier ensemble un beau et ample programme, condensé en quelques mots, qui restent pour vous les novissima verba de Notre prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire : formation et préparation de la femme catholique, dans ses divers champs d'apostolat, pour la restauration chrétienne de la société contemporaine.
La formation, la préparation à l'apostolat ? Ecoutez saint Paul vous en révéler les bases mêmes, en vous proposant l'exemple de Jésus-Christ : « La grâce de Dieu Notre-Seigneur s'est manifestée... Elle nous enseigne... à vivre dans le siècle présent avec tempérance, justice et piété... Ne vous conformez pas au siècle présent, mais transformez-vous par le renouvellement de l'esprit» (Tt 2,11-13 Rm 12,2).
C'est bien là le programme d'une formation spirituelle parfaite : car l'apostolat le plus efficace, irremplaçable, est celui d'une vie sainte et pieuse, agissant par l'exemple et par la prière. Voilà pourquoi, entre les formes diverses de votre activité, cet apostolat de l'exemple occupe la première place. Voilà aussi pourquoi vous venez avant tout prier et demander le secours de la grâce sur ce tombeau du Prince des apôtres, qui semble être ici-bas une source abondante de secours surnaturels et le point de départ de tout apostolat fécond.
En vous y voyant aujourd'hui, Notre pensée se reporte vers ces nobles et ardentes chrétiennes qui, dès l'origine de l'Eglise, ont collaboré avec les apôtres et les pasteurs d'âmes à la diffusion de l'Evangile, méritant d'être louées par la hiérarchie d'alors et d'avoir «leurs noms», disait saint Paul, «inscrits au livre de vie» (Ph 4,3). C'est de ces femmes et jeunes filles que les affiliées de vos Ligues continuent les glorieuses traditions. Aussi, vos travaux font votre éloge et Nous révèlent combien vastes déjà sont vos « champs d'apostolat », que vous voulez encore élargir.
Apostolat social : conquête du milieu par le milieu.
Il fut un temps — peut-être — où l'activité apostolique de la femme pouvait se limiter à sauvegarder et entretenir la vie chrétienne du foyer. Il n'en va pas ainsi de nos jours, où toute la vie familiale subit nécessairement et immédiatement l'influence du milieu social dans lequel elle se développe. De cette ambiance sociale dépendra, pour une large part, la température spirituelle de la famille, donc sa vie morale et religieuse. Voilà pourquoi la femme catholique d'aujourd'hui prend conscience de ses devoirs sociaux. C'est à mieux comprendre ces devoirs, par une étude en commun, que travaillent vos Congrès ; c'est à les mieux remplir toujours que s'applique l'effort de vos Ligues. Ainsi s'expliquent les formes, si admirablement variées, de cet effort.
Toutes pareilles, en effet, dans leur principe, parce qu'elles concernent toujours la défense nécessaire des droits de Dieu et des âmes, vos oeuvres d'apostolat sont multiples et diverses dans leur exercice, parce que vous les adaptez à la diversité des pays et des temps.
Car l'apôtre, pour être écouté, doit parler, non pas à des représentants de quelque humanité abstraite qui serait de tous les pays, de tous les temps et de toutes les conditions, mais à tel ou tel groupe de ses semblables, à tel âge, dans tel pays, à tel échelon de la hiérarchie sociale. C'est là une des règles d'or tracée par le Pontife à jamais regretté, qui fut un grand promoteur de l'Action catholique et qui en reste maintenant l'invisible inspirateur.
Tout cela, vous le savez. Et vous savez aussi que l'Action catholique étant une collaboration à l'apostolat hiérarchique, ses membres doivent être soumis à la hiérarchie ecclésiastique à laquelle appartient de droit la mission apostolique, ainsi que son organisation dans le monde entier : Euntes, docete omnes gentes (Mt 28,19). C'est précisément pour cela que vous venez, comme vous le disiez tout à l'heure, en apportant ici vos informations, qui sont riches et consolantes, recevoir des directives, qui seront surtout encourageantes.
II
La collaboration féminine pour ramener à Dieu le monde qui le méconnaît par le retour à Dieu et à l'Evangile.
Dans toutes les grandes oeuvres humaines, comme dans l'oeuvre humano-divine de la Rédemption, Dieu a fait de la femme l'associée et l'auxiliaire de l'homme. Mais cette collaboration féminine dans la diffusion et la défense du royaume de Dieu Nous semble plus opportune aujourd'hui que jamais.
En effet, le mal dont souffre l'humanité est l'oubli, la méconnaissance, parfois même la négation absolue des réalités invisibles, des plus nobles valeurs morales et de tout idéal surnaturel. En ce siècle de mécanisme, la personne humaine n'est souvent qu'un instrument perfectionné de travail ou — hélas ! — de combat. La jouissance matérielle et immédiate attise et borne tout ensemble l'ambition des foules.
Notre société humaine menace de n'en être bientôt plus une, tant ses éléments constitutifs se désagrègent, sous nos yeux, dans l’égoïsme matérialiste, ou se dressent les uns contre les autres. Ce qu'il reste de véritable vie sociale tend à n'être plus régi que par le jeu des intérêts individuels et la compétition des appétits collectifs.
Il est vrai, les tentatives ne manquent pas pour refaire, dans cette dispersion des personnalités humaines, quelque unité. Mais les plans propagés pécheront toujours par la base s'ils partent du même principe que le mal auquel ils voudraient remédier. On ne guérira pas la blessure, on ne bridera pas la déchirure profonde de notre humanité individualiste et matérialiste par un système, quel qu'il soit, s'il reste lui-même matérialiste dans ses principes et mécanique dans ses applications.
Pour panser cette plaie, il n'est qu'un baume efficace : le retour de l'esprit et du coeur humain à la connaissance et à l'amour de Dieu, le Père commun, et de celui qu'il a envoyé pour sauver le monde, Jésus-Christ. Or, pour verser l'onction de ce baume sur les chairs vives d'une humanité meurtrie par tant de chocs, les mains des femmes semblent providentiellement préparées, rendues plus douces par la sensibilité plus affinée, par la tendresse plus délicate du coeur.
La mission sociale des dames et jeunes filles catholiques.
A vous donc, dames et jeunes filles catholiques, de vous pencher vers la grande blessée ; guidées et aidées par Dieu, relevez-la, encouragez-la ; refaites de cette multitude grégaire une société organique, dans la paisible hiérarchie des fonctions et des charges, dans le respect des devoirs et des droits, dans l'harmonieuse coordination des familles stables et fécondes. Que par vous la multiplicité des groupes ethniques retrouve l'unité de la filiation divine et de la fraternité humaine. Que le communisme recule et disparaisse devant la communauté des hommes ; que leur communauté s'achève dans la communion chrétienne.
Alors seulement se réalisera cette unité dans l'ordre, unitas ordinis, dont parle saint Thomas, et qui doit être l'idéal de vos âmes, le but suprême de vos efforts. Mais alors aussi, en travaillant pour le bien universel, chacune de vous travaillera pour le salut de sa patrie et pour le bonheur de sa famille, précisément parce que l'ordre est un : il ne peut régner dans les âmes, dans les nations, dans l'humanité tout entière, que si chaque chose est à sa place ; si Dieu, par conséquent, occupe partout la seule place qui lui convienne : la première. Et alors enfin, dans la stabilité de l'ordre, descendra sur la terre cette paix qu'appellent le désir angoissé des peuples et, douloureux entre tous, le sanglot désespéré des mères.
Voilà votre mission ; elle est très haute ; elle veut de l'élan, de la persévérance ; il y faudra parfois de l'héroïsme. Mais elle est assurée de la victoire parce que l'esprit finit toujours par vaincre la matière, et le droit par triompher sur les ruines accumulées par la violence. L'histoire le montre et Dieu nous l'a promis : la mesure de notre victoire est celle de notre foi : Haec est victoria, quae vincit mundum, fides nostra (1Jn 5,4).
Les deux sections de l'Union, fleurs et fruits du même arbre.
Est-il besoin d'ajouter que, pour faire régner l'ordre et la paix autour d'elles, vos Ligues doivent d'abord les sauvegarder en elles-mêmes ? A cet égard, il Nous plaît singulièrement de voir, dans votre Union internationale, se juxtaposer harmonieusement, à la section des dames, celle des jeunes filles. Ce sont comme les fleurs et les fruits, qui parfois ornent ensemble certains arbres privilégiés. A côté des ouvrières déjà chargées de mérites et riches d'expérience se rangent joyeusement les apprenties qui aspirent à se dévouer et pour cela demandent « préparation et formation », recevant les conseils de leurs devancières, moins comme des leçons imposées que comme des trésors offerts. Chacune des deux sections a ses méthodes et ses pratiques ; car là encore une adaptation de chacune à son milieu est nécessaire. Mais sous ces différences extérieures brûle dans les âmes — pour lesquelles il n'y a pas d'âge — la même flamme intérieure d'un zèle purement surnaturel.
Aussi par l'intercession de la très douce Vierge Marie, dont vous avez eu la délicate attention de Nous offrir les images telles qu'elles sont vénérées dans chacun de vos chers pays, Nous appelons la protection toujours plus efficace de Dieu sur les évêques qui vous envoient, sur vous-mêmes, sur toutes les affiliées de vos Ligues — que vous représentez — sur leurs familles et les vôtres, sur vos travaux et les leurs, et Nous vous accordons de tout coeur, comme gage des faveurs divines, la Bénédiction apostolique.
Lucie- Nombre de messages : 1241
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Re: Pie XII 1939
RADIOMESSAGE A LA NATION ESPAGNOLE
(16 avril 1939) 1
Le 1er avril déjà, le Saint-Père exprimait sa joie au général Franco à l'occasion de la fin de la guerre d'Espagne (voir ci-dessus p. 32). Le dimanche 16 avril, il s'adressait à toute la nation espagnole en un radiomessage retransmis par toutes les stations italiennes, les principales stations espagnoles et la radiodiffusion ibéro-américaine. Voici la traduction du message pontifical :
Avec une immense joie Nous Nous adressons à vous, très chers fils de la catholique Espagne, pour vous exprimer Nos paternelles félicitations pour le don de la paix et de la victoire par lesquelles Dieu a daigné couronner l'héroïsme chrétien de votre foi et de votre charité, éprouvé par tant et de si généreuses souffrances.
A la fois anxieux et plein d'espoir, Notre prédécesseur de sainte mémoire attendait cette paix providentielle, fruit sans doute de cette bénédiction féconde que, dès les premiers jours du conflit, il envoyait « à tous ceux qui s'étaient proposé la difficile et dangereuse tâche de défendre et de restaurer les droits et l'honneur de Dieu et de la religion » 2 ; et Nous ne doutons pas que cette paix sera celle souhaitée par lui, « c'est-à-dire annonciatrice d'un avenir de tranquillité dans l'ordre et d'honneur dans la prospérité » 3.
1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXI, 1939, p. 151 ; cf. la traduction française de 'documentation Catholique, t. XL, col. 613.
2 Allocution aux réfugiés d'Espagne, 14. 9. 1936 ; A. A. S., 28, 1936, p. 380.
3 Ibid., p. 381.
Le sens de la lutte.
Les desseins de la Providence, très chers fils, se sont manifestés une fois encore sur l'héroïque Espagne. La nation choisie par Dieu comme principal instrument d'évangélisation du Nouveau Monde et comme rempart inexpugnable de la foi catholique vient de donner aux prosélytes de l'athéisme matérialiste de notre siècle la preuve la plus élevée qu'au-dessus de tout se placent les valeurs éternelles de la religion et de l'esprit.
La propagande tenace et les efforts incessants des ennemis de Jésus-Christ donnent à penser que ceux-ci ont voulu faire en Espagne un essai suprême des forces dissolvantes à leur disposition, répandues dans le monde entier ; et bien que le Tout-Puissant n'ait pas permis qu'ils atteignent aujourd'hui leur but, il a cependant toléré la réalisation de quelques-uns de leurs terribles effets, afin que le monde voie comment la persécution religieuse, en sapant les bases mêmes de la justice et de la charité qui sont l'amour de Dieu et le respect de sa sainte loi, peut entraîner la société moderne dans des abîmes insoupçonnés de destruction inique et de discorde passionnée.
Persuadé de cette vérité, le peuple espagnol sain, avec cette générosité et cette franchise qui constituent les deux traits caractéristiques de son très noble esprit, s'est dressé, résolu de défendre les idéals de la foi et de la civilisation chrétiennes, profondément enracinés dans le sol fécond de l'Espagne et aidé de Dieu « qui n'abandonne pas ceux qui espèrent en lui » (Jdt 13,17), il sut résister à l'attaque de ceux qui, trompés par ce qu'ils croyaient être un idéal humanitaire d'élévation des humbles, combattaient en réalité en faveur de l'athéisme.
Ce sens primordial de votre victoire Nous fait concevoir les plus belles espérances ; il Nous fait espérer que Dieu, dans sa miséricorde, daignera conduire l'Espagne dans le chemin sûr de sa traditionnelle et catholique grandeur qui, pour tous les Espagnols attachés à leur religion et à leur patrie, doit servir d'orientation dans le vigoureux effort tenté en vue d'organiser la vie de la nation en parfaite harmonie avec sa très noble histoire toute de foi, de piété et de civilisation catholique.
Exhortations pour les lendemains.
Nous exhortons donc les gouvernants et les pasteurs de la catholique Espagne à éclairer les esprits de tous ceux qui ont été trompés, en leur montrant avec amour les racines du matérialisme et du laïcisme d'où proviennent leurs erreurs et leurs malheurs et d'où elles pourraient germer à nouveau. Exposez-leur, en outre, les principes de justice individuelle et sociale, contenus dans le saint Evangile et dans la doctrine de l'Eglise, sans lesquels la paix et la prospérité des nations, si bien établies qu'elles soient, ne peuvent subsister.
Nous ne doutons pas qu'il en sera ainsi, et comme garants de Notre ferme espoir Nous avons les très nobles sentiments chrétiens dont le chef d'Etat et tant de ses fidèles collaborateurs ont donné des preuves non équivoques par la protection léeale au'ils ont accordée aux suprêmes intérêts religieux et sociaux, en conformité des enseignements du Siège apostolique. La même espérance est fondée, en outre, sur le zèle éclairé et sur l'abnégation de vos évêques et de vos prêtres, éprouvés par la souffrance, et aussi sur la foi, la piété et l'esprit de sacrifice dont, en des heures terribles, toutes les classes de la société espagnole ont donné un héroïque témoignage.
Hommage aux victimes.
Et maintenant, au souvenir des ruines accumulées par la plus sanglante des guerres civiles enregistrées dans l'histoire des temps modernes, Nous inclinons, avant tout, le front devant la sainte mémoire des évêques, prêtres et religieux des deux sexes et fidèles de tout âge et de toute condition qui, en si grand nombre, ont scellé de leur sang leur foi en Jésus-Christ et leur amour pour la religion catholique : Maiorem hac dilectionem nemo habet, « il n'y a pas de plus grande preuve d'amour» (Jn 15,13).
Nous reconnaissons aussi Notre devoir de gratitude envers tous ceux qui ont su se sacrifier jusqu'à l'héroïsme pour la défense des droits inaliénables de Dieu et de la religion, soit sur les champs de bataille, soit encore, tout dévoués aux sublimes oeuvres de charité, dans les prisons et dans les hôpitaux.
Nous ne pouvons cacher la peine amère que Nous cause le souvenir de tant d'innocents enfants qui, loin de leurs foyers, ont été transportés en des terres étrangères, avec risque parfois d'apostasie et de perversion, et Nous ne désirons rien si ardemment que de les voir rendus à leurs propres familles pour y jouir à nouveau de la chaude et chrétienne affection des leurs.
Quant aux autres qui, tels des fils prodigues, s'apprêtent à revenir à la maison du Père, Nous ne doutons pas qu'ils y seront accueillis avec bienveillance et amour.
Conseils aux évêques.
Il vous incombe particulièrement à vous, Vénérables Frères dans l'épiscopat, de conseiller les uns et les autres, afin que dans leur politique de pacification tous suivent les principes inculqués par l'Eglise et proclamés avec tant de noblesse par le généralissime, principes de justice concernant le crime et de bienveillante générosité envers ceux qui se sont trompés. Notre paternelle sollicitude ne peut non plus oublier tant d'égarés qu'au moyen d'illusions et de promesses une propagande mensongère et perverse est parvenue à séduire. A eux particulièrement doit aller avec patience et mansuétude votre sollicitude pastorale : priez pour eux, recherchez-les, ramenez-les dans le sein régénérateur de l'Eglise et dans le tendre giron de la patrie, ramenez-les enfin au Père miséricordieux qui les attend les bras ouverts.
Et maintenant, très chers fils, maintenant que l'arc-en-ciel de la paix resplendit à nouveau dans le ciel d'Espagne, unissons-nous tous de coeur en un fervent hymne d'action de grâces au Dieu de la paix et en une prière de pardon et de miséricorde pour ceux qui sont morts, et afin que cette paix soit féconde et durable, de toute la ferveur de Notre coeur Nous vous exhortons à « maintenir l'union de l'esprit dans le lien de la paix » (Ep 4,2-3). Ainsi unis et obéissants à votre vénérable épiscopat, consacrez-vous avec joie et sans délai à l'oeuvre urgente de reconstitution que Dieu et la patrie espèrent de vous.
Comme gage des grâces abondantes que vous obtiendront la Vierge immaculée et l'apôtre Jacques, patrons de l'Espagne, et de celles que méritèrent les grands saints espagnols, Nous faisons descendre sur vous, Nos chers fils de la catholique Espagne, sur le chef de l'Etat et sur son illustre gouvernement, sur le zélé épiscopat et sur son clergé si plein d'abnégation, sur tous les héroïques combattants et sur tous les fidèles, Notre Bénédiction apostolique 4.
4 Le général Franco a envoyé à S. S. Pie XII le télégramme suivant pour le remercier de ce radiomessage :
« C'est avec un respect filial et avec émotion que j'ai écouté le message de Votre Sainteté, qui réconforte le peuple espagnol et son gouvernement dans la grande oeuvre d'ordre spirituel et social qu'il réalise, afin que cette Espagne, qui fut toujours au premier rang pour la défense de la foi catholique, soit supérieure encore dans l'avenir à sa propre tradition. Au nom du peuple espagnol et au mien, j'adresse à Votre Sainteté un témoignage de dévotion et de gratitude pour la distinction spéciale que vous nous avez faite dans ce jour mémorable. »
ALLOCUTION A DES PÈLERINS BRÉSILIENS
(17 avril 1939) 1
Recevant en audience un groupe de catholiques du Brésil, venus en pèlerinage à Rome, le Saint-Père les accueillit avec ces paroles :
C'est avec une joie paternelle intense que Nous recevons la visite des représentants du lointain et grand Brésil.
Grand par le territoire, grand par le nombre des habitants, grand par son présent de travail et de progrès, grand par son avenir et grand surtout par sa foi catholique si sincèrement professée.
Nous avons Nous-même encore l'âme débordante des impressions reçues lors de la visite que Nous avons pu faire à votre patrie en 1934.
Jamais Nous ne pourrons oublier le spectacle éblouissant de votre belle nature et de l'accueil que tous Nous ont réservé, depuis le plus haut magistrat de la République jusqu'aux hautes autorités civiles et militaires, à l'assemblée législative, à la cour suprême et aussi aux humbles représentants du peuple.
Mais comme sur la rétine de Nos yeux, Nous gardons dans Notre esprit la vision incomparable de ce qui se déroule aux pieds du Christ Rédempteur sur le Corcovado.
C'est à lui, le Christ Rédempteur de l'humanité et l'unique Sauveur du monde, qu'élevé sans nul mérite de Notre part à la charge de son vicaire sur terre, Nous demandons l'abondance de toutes les grâces célestes pour vous, pour vos familles et pour tous ceux qui vous sont chers.
Une bénédiction très affectueuse pour Notre très cher cardinal Leme et pour tous ses Frères dans l'épiscopat.
Une grande bénédiction pour le chef de la nation, pour ses auxiliaires, pour le gouvernement et pour tout le peuple brésilien.
LETTRE AU SECRÉTAIRE D'ÉTAT POUR UNE GRANDE CROISADE DE PRIÈRES DANS LE MONDE ENTIER POUR DEMANDER LA PAIX
(20 avril 1939)1
Par la lettre suivante adressée à S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, Sa Sainteté Pie XII lance, à l'occasion du mois de mai, une grande croisade de prières pour la paix.
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 154 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique t. XL, col. 617.
Vous qui Nous assistez de si près dans le gouvernement de l'Eglise catholique, vous savez avec quelle ardeur Nous souhaitons et Nous implorons de Dieu que, par un retour des âmes à des sentiments de justice et de charité, la paix chrétienne si désirée s'affirme enfin, profonde et durable, entre les nations et tous les peuples, aujourd'hui si agités et préoccupés. A peine élevé au suprême pontificat, ce fut justement cette paix, don sublime de Dieu, que Nous avons recommandée, avec un coeur tout paternel, non seulement à tous Nos fils dans le Christ, dispersés dans le monde entier, mais encore à toutes les nations et à leurs gouvernants : et dans la solennité de Pâques, de la basilique Saint-Pierre où Nous célébrions pon-tificalement le divin Sacrifice, entouré d'une multitude innombrable, Nous avons répété la même invitation et la même exhortation, implorant du Christ Jésus, qui vainquit la mort et distribue les grâces célestes, la concorde et la paix pour tous.
Et maintenant que s'approche le mois de mai, au cours duquel les fidèles ont l'habitude d'adresser de particulières prières à la Très Sainte Vierge, Nous désirons vivement que les plus ardentes supplications soient offertes spécialement à cette intention dans tous les diocèses et toutes les paroisses.
Mais, à cette croisade de prières, il Nous plaît de stimuler de façon spéciale ceux, qu'à l'exemple du divin Rédempteur, dont Nous tenons la place sur terre, Nous aimons avec la plus vive tendresse et affection : Nous voulons parler des enfants qui dans la fleur de l'âge font rayonner autour d'eux l'innocence, la douceur et la grâce. Par une pieuse coutume, les pères et mères de famille conduisent chaque jour leurs jeunes enfants, même les plus petits, à l'autel de la Vierge, les lui offrant avec les fleurs de leurs jardins et de leurs champs, et avec leurs prières et celles de leurs enfants. Et comment cette Mère du ciel n'accueillerait-elle pas tant de voix suppliantes, implorant la paix pour les citoyens, les peuples, les nations ? Comment pourrait-elle ne pas les accueillir, si aux prières des anges du ciel s'unissent celles des enfants, qui sont bien les anges de cette terre ? Assurément, invoquée par tant de prières, la Vierge Marie prendra en main cette question qui angoisse aujourd'hui le monde entier, et fléchissant son divin Fils, gravement offensé par tant de péchés, obtiendra de lui, dans une situation plus calme, la paix des coeurs et la concorde fraternelle entre les peuples.
Et Jésus, qui durant sa vie mortelle aimait d'une façon spéciale l'âge innocent, et qui par les paroles : « Laissez venir à moi les petits enfants, parce que le royaume de Dieu leur appartient » (Mc 10,14) reprochait aux apôtres d'arrêter les enfants qui venaient s'offrir à ses baisers, Jésus pourrait-il trouver des prières plus faciles à exaucer que celles des enfants qui, en un geste suppliant, lèvent vers lui et sa Mère leurs mains candides et innocentes ?
Le pape Léon le Grand, Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, disait : « Le Christ aime l'enfance, lui qui fut d'abord enfant par le corps et l'âme ; le Christ aime l'enfance, maîtresse d'humilité, règle d'innocence, modèle de douceur »2. Si donc, dans toutes les villes, dans les bourgs, dans les plus lointains villages, partout où brille la lumière de l'Evangile, des groupes d'enfants vont prier dans les églises durant ce prochain mois de mai, Nous voulons espérer que, les inimitiés étant apaisées, les âmes pacifiées, et éteintes les discordes entre peuples, l'humanité, guidée par la Vierge Marie, verra lui sourire des temps meilleurs.
2 Migne, p. l., LIV, col. 258 c.
C'est pourquoi, Notre très cher fils, Nous vous chargeons, par la présente lettre, de rendre publics, de la façon que vous jugerez la meilleure, ces voeux paternels et ces vives exhortations, de telle sorte que, grâce aux initiatives des pasteurs diocésains, ils soient traduits dans la pratique.
Cependant, soutenu par ce doux espoir et goûtant par avance les fruits que Nous Nous promettons de cette croisade de prières, Nous accordons de grand coeur, à vous, Notre très cher fils, et à tous ces chers enfants qui répondront si volontiers à Notre appel, comme gage des faveurs célestes et de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION AU MINISTRE DE LA RÉPUBLIQUE DE L'EQUATEUR
(22 avril 1939)1
Répondant à S. Exc. M. Armand Lisimaco Guzman y Aspiazu, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'Equateur, venu lui présenter ses lettres de créance, le Souverain Pontife prononça l'allocution suivante :
Au moment de recevoir des mains de Votre Excellence les lettres par lesquelles S. Exc. M. le président de la République de l'Equateur l'accrédite comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès du Saint-Siège, Nous saluons avec une profonde satisfaction les sentiments élevés avec lesquels Votre Excellence assume ses hautes et importantes fonctions, et qui ont reçu une expression si parfaite dans les nobles paroles qu'elle vient de prononcer.
La consolidation et le développement toujours plus grand des bonnes relations qui existent entre le Saint-Siège et la nation équa-torienne, que Votre Excellence a indiquées comme étant le but premier de son honorable mission, constituent aussi l'objet de Nos plus fervents désirs et aspirations. Intimement persuadé qu'il n'existe pas pour un peuple de plus grand bonheur ni de meilleure garantie d'un bien-être assuré, que l'harmonie entre sa mission présente et sa foi surnaturelle, Nous serons toujours disposé à accorder Notre appui et Notre assistance à tous les efforts qui se proposent un but si élevé. Ce faisant, Nous sommes convaincu de rendre le plus grand service pour favoriser à l'extérieur et à l'intérieur de l'Equateur un avenir prospère et salutaire, chose à laquelle tendent tout à la fois la responsabilité de Notre ministère apostolique et Notre amour paternel pour votre population catholique.
Nous implorons l'abondance des grâces célestes pour M. le président de la République, les membres de son gouvernement et Votre Excellence qui les représente si dignement, et Nous donnons avec des sentiments de particulière affection au peuple équatorien qui Nous est si cher la Bénédiction apostolique que Votre Excellence Nous a demandée.
ALLOCUTION A UN GROUPE DE PÈLERINS ALLEMANDS
(23 avril 1939) *
Recevant en audience spéciale un groupe de pèlerins allemands venant de différentes régions d'Allemagne, le Saint-Père leur adressa ces paroles :
Chers fils et filles d'Allemagne, Nous vous adressons la bienvenue dans la maison du Père commun.
Les liens spirituels qui Nous attachent aux catholiques allemands, Notre affection pour eux, comme pour le peuple allemand tout entier sont encore devenus plus forts et plus profonds aujourd'hui, qu'ils ne le furent dans les années où Nous eûmes l'avantage de pouvoir vivre en Allemagne.
Restez fidèles à votre foi catholique et faites tout votre possible pour la conserver intacte à vos enfants. Confessez cette sainte foi dans une intention si pure et un caractère si noble qu'il puisse être évident pour chacun que la lutte des catholiques allemands ne tend qu'à maintenir intacts les droits de Dieu et de l'Eglise du Christ. Personne ne doit pouvoir Nous reprocher que Nous ne désirons pas une Allemagne heureuse et en pleine prospérité, précisément parce que Nous luttons pour le maintien des valeurs spirituelles. Car c'est seulement sur celles-ci que peuvent se bâtir la grandeur, la prospérité et le bonheur durables des peuples.
Nous allons beaucoup prier — et tout spécialement durant ce mois de mai consacré à la Mère de Dieu — pour la paix, pour l'Eglise catholique en Allemagne et pour la jeunesse allemande.
Comme gage de la miséricorde, de l'amour de Jésus-Christ et de la protection de la puissante Vierge Marie, qui vous enveloppera sous son manteau, Nous vous accordons de tout coeur, à vous et à vos proches, la Bénédiction apostolique.
PREMIER DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(26 avril 1939)1
Ce discours aux jeunes époux est le premier d'une série de septante-neuf, que Pie XII prononcera à leur adresse depuis ce jour jusqu'au 12 mai 1943. A certaines époques de l'année, le Saint-Père a parlé aux nouveaux mariés de façon très régulière toutes les deux semaines.
Il ne s'agit pas de simples paroles d'encouragement ou d'exhortation ; chaque allocution traite d'un sujet différent faisant partie d'un programme suivi, dont l'ensemble renferme toute la doctrine de l'Eglise en ce qui concerne les multiples problèmes de la vie conjugale, familiale et domestique, et de la spiritualité du foyer2.
1 D'après !e texte italien de Discorsi e Radîomessaggi, t. I, p. 69 ; traduction française de Georges Huber, dans les « Discours aux jeunes époux », publiés en 2 vol. par les Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice, t. I, p. 11.
2 Cf. ci-après pp. 82, 93, 102, 106, 109, 122, 126, 147, 168, 176, 191, 199, 325 , 336, 343 et 359.
Votre présence, chers fils et filles, remplit Notre coeur de joie, car, si les visites des enfants à leur père sont toujours belles et consolantes, il Nous est particulièrement agréable de Nous voir entouré de groupes de jeunes époux venus Nous faire participer à leur joie et recevoir de Nous une parole de bénédiction et d'encouragement.
Vraiment, vous devez vous sentir réconfortés, chers jeunes époux, à la pensée que le divin Instituteur du sacrement de mariage, Notre-Seigneur Jésus-Christ, a voulu l'enrichir de l'abondance de ses célestes faveurs. Le sacrement de mariage signifie, comme vous le savez, la mystique union de Jésus-Christ avec son Epouse, en qui et de qui doivent naître les enfants adoptifs de Dieu, légitimes héritiers des divines promesses. Et comme Jésus-Christ enrichit ses noces mystiques avec l'Eglise des perles précieuses que sont les grâces divines, ainsi il lui plaît d'enrichir d'ineffables dons le sacrement de mariage.
Ce sont en particulier les grâces nécessaires et utiles aux époux : pour conserver, accroître, perfectionner et sanctifier sans cesse leur mutuel amour ; pour observer la fidélité conjugale ; pour éduquer sagement leurs enfants, par leur exemple et leur vigilance ; pour porter chrétiennement les charges de leur nouvel état.
Ces vérités, vous les avez déjà comprises, approfondies, goûtées ; et si Nous vous les rappelons en ce moment, c'est pour participer, Nous aussi, en quelque manière à cette heure solennelle de votre vie et pour donner à la sainte liesse qui vous anime un fondement tou-jour plus solide et plus sûr.
Daigne le bon Dieu vous accorder la grâce de ne jamais ternir la grandeur de votre état, et de vivre toujours conformément à la haute dignité de vos devoirs sacrés.
Nous vous donnons du fond du coeur la Bénédiction apostolique, gage des faveurs de Dieu, et Nous souhaitons qu'elle vous accompagne durant les jours tristes ou joyeux de votre vie et que, témoin perpétuel de Notre paternelle bienveillance, elle demeure toujours avec vous.
DISCOURS AU III\2e\0 CONGRÈS NATIONAL DE L'ASSOCIATION DES PRÊTRES-ADORATEURS D'ITALIE
(28 avril 1939)1
A l'issue du IIIe Congrès national de l'Association des Prêtres-Adorateurs d'Italie, le Saint-Père reçut en audience l'importante assemblée de 3000 prêtres guidés par trois cardinaux et 150 archevêques et évêques, à laquelle il adressa en italien l'admirable discours dont voici la traduction :
La mission du bienheureux Pierre-Julien Eymard.
Quel spectacle offre à nos regards cette assemblée de prêtres dont le but, digne des anges, est d'adorer, d'une manière toute spéciale, ce Dieu qui a promis aux apôtres d'être avec eux jusqu'à la consommation des siècles ! Cette promesse, Nous la voyons réalisée en vous, Vénérables Frères et fils bien-aimés ; en vous qui continuez et perpétuez la mission apostolique d'instruire les nations, de les baptiser et de leur enseigner tout ce que le Christ a ordonné à ses apôtres. Le Christ n'a-t-il pas proclamé aussi que, là ou deux ou trois seraient réunis en son nom, il serait au milieu d'eux ? Le divin Sauveur est avec nous, non pas comme l'ombre fugitive de la célébrité et du nom gravé sur les tombeaux des grands hommes qui passent ; il est avec nous, non pas comme le Dieu présent avec sa dignité et son humanité, comme le Dieu caché sous le voile du pain transsubstantié : ombre qui, Nous semble-t-il, était figurée par les ténèbres du lac de Tiberiade, durant cette nuit où le Christ marchait sur les flots soulevés et que les disciples occupés à ramer péniblement prirent pour un fantôme. Non, il n'est pas un fantôme, le Dieu des tabernacles que nous adorons. C'est celui-là même qui dit alors aux disciples effrayés : « Ayez confiance ; c'est moi, ne craignez point. » C'est celui-là même qui dit : « Me voici avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des temps. »
C'est celui-là même qui s'avance sur les flots des siècles, Maître des vents et des tempêtes humaines. Il marche sur les flots soulevés, à côté de son Eglise et devant elle ; il répond à ses ministres, qui l'appellent avec les paroles saintes que lui-même leur a enseignées ; et depuis vingt siècles, il convoque, il réunit autour de ses autels les nations et les peuples, les foules et les gouvernants, les martyrs et les vierges, les pontifes et les prêtres prosternés pour adorer sa présence, pour l'aimer sous le voile où il se cache, pour l'invoquer comme leur compagnon de route dans la joie et dans la douleur, dans la vie et dans la mort.
Mais nous apercevons un prêtre à qui, sous les ombres de la foi, s'est fait entendre avec plus de force la parole d'encouragement adressée aux apôtres. Vous le connaissez. C'est Pierre-Julien Eymard, qui répond à Jésus-Christ : « Seigneur, si c'est vous, ordonnez que je vienne à vous sur les eaux. — Viens, lui dit le Sauveur ». Et Pierre-Julien marcha sur les flots soulevés, pour aller à Jésus, pour se prosterner devant lui dans l'adoration perpétuelle et s'écrier : « Me voici avec vous, ô Seigneur, tous les jours jusqu'à la fin de ma vie ».
Telle fut bien la vocation et la mission du fondateur de la Congrégation du Très-Saint-Sacrement. Pour aller à Jésus, et pour se prosterner devant lui, ne marcha-t-il pas sur les eaux de tribulation ? Il avait bien saisi la promesse du Christ qui, à la manière d'un testament, termine et scelle l'Evangile du publicain Matthieu, et il en avait fait pour lui et pour les autres le mot d'ordre de son oeuvre et de son action : Ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem saeculi.
Au milieu du monde actuel, dans cet abandon du Christ par la société moderne, par la famille, par les moeurs, Pierre-Julien avait compris que ce même Christ ne cesse pas d'être présent sur son autel, bien que souvent ignoré, abandonné, et privé de l'hommage souverain qui lui est dû. Il avait compris qu'il est avec nous tous les jours, compagnon fidèle de son ministre et de son peuple, dans toutes les avenues et les parties de la cité, aussi bien dans les régions civilisées que dans les contrées encore sauvages du globe, partout où se trouvent un prêtre et un autel. Il avait compris que, aujourd'hui comme hier, le Christ est avec nous jusqu'à la consommation des siècles ; qu'il est avec son Eglise invincible et indéfectible prêtre et pontife des âmes pour l'éternité, roi immortel des siècles, souverain ordonnateur des vicissitudes humaines passées, présentes et futures. Cela, il le sentait profondément, et c'est pourquoi il se prosternait devant lui, dans cette adoration qui est un désir immense de le voir adoré, honoré, exalté, particulièrement par les âmes qui lui sont consacrées, et en premier lieu par les prêtres qui doivent être la lumière du monde, le sel de la terre, les maîtres et les ministres du peuple, les médiateurs entre Dieu et les hommes, entre le ciel et la terre.
Dans cette imposante réunion de prêtres-adorateurs d'Italie, venus pour se retremper dans l'esprit sacerdotal — réunion déjà hautement, sagement et magnifiquement illustrée par la parole, éloquente et sainte, d'éminentissimes cardinaux et d'illustres orateurs sacrés — la figure du bienheureux Eymard, le plus grand héraut, le champion du Christ présent dans les saints tabernacles, est, à l'égal de saint Jean-Baptiste, comme une lampe brillante et ardente qui illuminera et réchauffera nos coeurs, qui les fera vibrer de ces saintes ardeurs que suscite dans l'âme la triste vision de la guerre, de la négligence et de l'indifférence par laquelle l'homme répond à l'amour et aux bienfaits d'un Dieu fait homme dont les délices sont d'habiter avec nous.
I Sa foi dans l'Eucharistie
Le Dieu de l'autel est au milieu de nous, invisible, mais témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts, le prince des rois de la terre, qui nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son propre sang et nous a fait rois et prêtres de Dieu son Père ; le premier et le dernier, le vivant qui est mort et qui maintenant vit dans les siècles des siècles (Ap 1,5 Ap 1,17-18). Mais il est en même temps, au milieu de nous, le Dieu caché. Tombons à ses pieds, adorons-le dans le buisson ardent de son amour pour nous, puisqu'il ne nous est pas donné de le contempler comme l'évangéliste le vit dans son extase. C'est le mystère de la foi, le centre du divin sacrifice non sanglant, le secret jalousement gardé par l'Epouse du Christ, que « durant les premiers siècles de son éternelle jeunesse, elle cacha » sous le voile de l'arcane, même à ses plus chers enfants : arcane devenu mystère d'un mystère, secret caché depuis les siècles éternels en Dieu, et qui cache un Dieu. Devant ce mystère se sont prosternés, dans la poussière des catacombes, les apôtres et les martyrs ; dans les basiliques les pontifes ; dans les solitudes et les monastères les moines et les anachorètes ; dans les cloîtres les vierges ; sur les champs de bataille les armées ; dans les chaires les docteurs, et dans les cités les peuples. Le Christ était au milieu d'eux. Mais qui le vit, qui le reconnut ? « Bienheureux ceux qui crurent sans l'avoir vu », Beati qui non viderunt et crediderunt.
La foi perce tous les voiles, elle pénètre tous les secrets ; à mesure qu'elle se fait plus vive, elle acquiert plus de lumière, elle s'enflamme davantage, grandit en elle-même, et fait du mystère même le phare et le foyer de sa vie comme de son action. Telle fut bien la foi de Pierre-Julien au Dieu présent sous le voile eucharistique. Cette foi ne fut-elle pas le phare à la lumière duquel il regarda les flots et les tempêtes de notre siècle ? Ne fut-elle pas le feu qui embrasa son coeur et le poussa à faire de l'Eucharistie le drapeau de sa famille religieuse, à réunir au pied des saints autels les phalanges des prêtres-adorateurs ? A mesure que, au cours des siècles, le voile de l'arcane se soulevait dans la communion pascale, dans la solennité de la Fête-Dieu, dans la brillante exposition du Dieu caché, dans l'adoration réparatrice, le P. Eymard ne fut-il pas celui qui entrevit la nouvelle aurore de la Congrégation et des Confréries du Saint-Sacrement ? Ainsi, dans une atmosphère plus dégagée, prenait fin l'arcane antique du ciboire saint, et apparaissait l'ardent apôtre, suscité par Dieu, de la divine Eucharistie.
. est à l'origine de sa vocation.
Né dans une bourgade des environs de Grenoble, alors que le monde faisait silence en présence du fier César français qui, parti des rives de la Seine, avait parcouru avec ses armées toutes les régions de l'Europe et emporté rois et royaumes, Pierre-Julien, grâce à la piété de sa mère, avait grandi dans le rayonnement du saint tabernacle, et un jour, à l'âge de cinq ans, on l'avait trouvé appuyé contre l'autel, priant le Dieu voilé, désireux d'être plus près de lui et de l'écouter. Que dit alors à cet enfant innocent Jésus qui aime et qui caresse les petits qui viennent à lui ? Il imprima sans doute dans son âme une de ces paroles indélébiles qui mettent le sceau au caractère et à la mission des saints dans le monde, et fixent leur auréole dans le ciel de l'Eglise.
C'est cette parole qui deviendra la pensée dominante du prêtre Pierre-Julien Eymard, et qu'il exprimera dans la supplique au grand pontife Pie IX : « Voici cette pensée, écrira-t-il : à la vue de l'amour de Jésus-Christ en son adorable sacrement, de l'isolement dans lequel le laisse le peu de piété des fidèles, de l'indifférence de tant de chrétiens, de l'impiété toujours croissante des hommes du siècle ; à la vue des besoins si grands de l'Eglise, de tant d'idolâtres et d'hérétiques loin de la foi de Jésus-Christ, une pensée suave et forte en même temps me disait : pourquoi le plus grand des mystères n'aurait-il pas aussi son corps religieux comme les autres mystères ; pourquoi n'y aurait-il pas des hommes qui auraient une mission perpétuelle de prière aux pieds de Jésus-Christ en son divin Sacrement ? Pourquoi le Roi des rois n'aurait-il pas aussi sa garde d'honneur, veillant jour et nuit devant son divin tabernacle dans l'exercice perpétuel de l'adoration, de l'action de grâces, de l'amende honorable ?» — « C'est l'oeuvre de Dieu, répondra le Vicaire de Jésus-Christ, je désire qu'elle soit établie ». Et peu de temps après, lui-même la louera, puis l'approuvera.
II
La double présence du Christ sur terre.
Mais Jésus-Christ n'est pas seulement présent au milieu du monde, il s'approche encore de l'homme et demeure avec lui, il reste avec ses apôtres, avec ses fidèles, avec toutes les nations, qui sont la conquête obtenue par son sang. Sa présence est double. Il a une présence divine, par laquelle il soutient l'univers qu'il a créé, il suit les pas des hommes dans les voies du bien et du mal, il est témoin et juge de leurs actions, les inclinant au bien, les punissant lorsqu'ils font le mal. Il a aussi une autre présence divine et humaine à la fois, qui lui permet de dresser sa tente dans les catacombes, parmi nos demeures, dans les campagnes et dans les forêts, dans les vallées, sur les montagnes et au milieu des déserts, dans la neige, sur les glaces éternelles, partout où un prêtre, avec la parole toute-puissante qui vient de lui, élève un peu de pain et un calice, en adorant ce qu'il vient d'accomplir en mémoire de lui. Là il est avec son ministre, il marche avec lui, il se fait notre nourriture, le viatique des moribonds et des malheureux, notre frère, notre époux, notre père, notre médecin, le soutien et la vie des âmes, le pain des anges, le gage du bonheur éternel : Ecce ego vobiscum sum. Oh ! comme Nous souhaiterions ne pas vous parler Nous-même avec Nos pauvres paroles, mais que Pierre-Julien Eymard vous parle lui-même, lui qui a pénétré et scruté à fond ce mystère de foi et d'amour ; sa parole serait une flamme, un brasier qui brûlerait et embraserait vos coeurs d'adorateurs de ce Dieu qui habite avec nous et qui est tant oublié, tant offensé par les hommes.
Ne Nous demandez pas, ô vénérés prêtres, si la mission confiée par Dieu à Pierre-Julien Eymard lui coûta du sang, et si, à son serviteur prosterné devant les tabernacles de La Seyne-sur-Mer, de Lyon et de Paris, Dieu demanda comme à Abraham le sacrifice complet de ce qu'il aimait — et qui était certes un bienfait divin — pour le lui restituer avec la promesse renouvelée d'une descendance de choix. Dieu le mit à l'épreuve comme l'or est purifié dans la fournaise, comme la patience est une arme victorieuse ; comme la croix, qui scelle le sacrifice des martyrs, se lève sur nos autels et les domine, drapeau du Christ avec nous et avec ses saints. C'est pourquoi le tabernacle était son lieu de refuge ; du tabernacle il avait entendu la voix du Christ lui promettant d'être avec lui chaque jour, d'être son compagnon dans le chemin de l'épreuve pour la fondation de l'oeuvre eucharistique, entre l'opposition des confrères et la louange du pontife Pie IX, entre les angoisses d'un dilemme et la croix du sacrifice ; il avait entendu la parole de ce Dieu fait homme qui proclamait à ses disciples : Ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem saeculi.
III
Les fondations du P. Eymard.
De l'accomplissement de cette magnifique et si bienveillante promesse du Christ, durant le cours des siècles, personne plus que le prêtre, n'est le témoin fidèle et le coopérateur ; car, en sa qualité de ministre des sources de la grâce, il a reçu du Christ la sublime mission de renouveler, en mémoire de lui, à l'autel non sanglant, ce que lui -même a accompli la veille de sa Passion : Pro Christo ergo, vous dirons-Nous avec saint Paul, ô prêtres bien-aimés, legatione fungimur. Nous sommes les mandataires et les ambassadeurs du Christ, non seulement par la parole, mais encore par l'action. Cette mission de la parole et de l'action, avec quelle force le bienheureux Eymard l'a ressentie en son coeur ! Prêtre, il savait bien que le Christ est avec son Eglise et avec nous, tous les jours, par son autorité et par sa grâce, mais sachant aussi qu'il est présent, bien que voilé sur nos autels, et considérant combien sa qualité de Roi et de Pasteur de nos âmes est oubliée et ignorée, il voulait, par la parole et l'action, obtenir que le monde chrétien lui offrit l'adoration, l'action de grâces, la propitiation, la prière, tous les jours jusqu'à la fin des siècles.
Nous ne suivrons pas le fondateur de l'Adoration perpétuelle dans l'établissement de l'oeuvre de la première communion des adultes dans la capitale de la France, dans la fondation des maisons de son Institut à Marseille, à Angers, à Bruxelles et ailleurs ; Nous ne dirons pas comment naquirent l'Agrégation du Très-Saint-Sacrement, la Congrégation des Servantes du Très-Saint-Sacrement, comment fut honorée Notre-Dame du Saint-Sacrement ; comment, autour du serviteur de Dieu, se développa la famille religieuse guidée par lui, triomphant des obstacles de la pauvreté, des contradictions et des oppositions tant intérieures qu'extérieures. Le coeur des disciples du Christ crucifié ne peut jamais être exempt de peines et de douleurs, et sur le chemin de la sainteté on ne cueille pas les doux fruits et les fleurs de l'Eden. Croyez-vous que son martyre intime resta caché à tout le monde, et ne se manisfesta jamais par quelque parole de plainte ? Dans ses sermons et ses discours, dans ses conversations, dans sa direction spirituelle, il montrait d'une manière éminente l'ardeur de son amour pour le Dieu d'amour, et, dans les pages qui ont recueilli sa parole, résonne encore l'écho de cet amour.
Mais comme l'apôtre Paul, il se glorifiera dans ses tribulations, afin que la vertu du Christ habite en lui. Et la vertu du Christ qui mesure à la douleur la consolation que le monde est incapable de donner, le P. Eymard la trouva, abondante et opportune, à Rome, aux pieds du Vicaire du Christ, comme il l'avait ressentie, venant de Dieu même, auprès des saints autels. Trois fois Rome le vit en pèlerin dans ses rues, dans ses basiliques, aux tombeaux et aux arcosolia des martyrs, et, un jour, elle l'entendit à Saint-André délia Valle glorifier le divin Enfant. Rome, par la voix du grand pontife Pie IX, lui fut favorable ; elle loua son Institut eucharistique, plus tard elle en approuva les Constitutions, posant ainsi les fondements d'un avenir canonique et assuré.
Notre pensée s'arrête, à ce moment, devant l'oeuvre du patient et courageux adorateur et apôtre de l'Eucharistie, nous voyons le passé et l'avenir se relier au présent, et, dominant le flot des siècles, nous entendons la parole de Paul nous avertissant que, chaque fois que nous mangerons ce Pain et boirons ce calice, nous annoncerons la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne (1Co 11,26). Aussi longtemps que dans les sillons de nos champs germera un épi de blé, aussi longtemps que sur le cep de la vigne pendra une grappe de raisin, et qu'un prêtre montera à l'autel pour y offrir le Sacrifice, l'Hôte divin sera avec nous, et le fidèle inclinera, dans un acte de foi, son esprit et son corps devant l'Hostie sainte, comme les apôtres, à la dernière Cène, sous le pain et le vin consacrés que le Sauveur leur donnait en disant : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang », adorèrent le Christ, le Maître divin, avec cette foi pure et surnaturelle qui croit aux miracles de sa parole et dont se nourrit l'adoration intérieure, avec cette foi sans laquelle la génuflexion extérieure n'est qu'un signe sans vie. C'est de cette heure du Cénacle que datent les siècles du Dieu de l'Eucharistie ; le soleil, dans sa course, en a éclairé la marche avec ses aurores et ses couchants ; les entrailles de la terre ont entendu ses louanges ; dans les déserts, dans les cloîtres, dans les basiliques, sous les voûtes aériennes, les pasteurs et les peuples, les princes et les armées se sont inclinés devant lui. Ses hérauts et ses prêtres ont poussé ses conquêtes au-delà des mers et des océans ; et, de l'Orient à l'Occident, d'un pôle à l'autre, le Rédempteur fixe chaque jour ses tabernacles, continuant, malgré l'ingratitude des hommes, à faire ses délices d'habiter avec eux, n'ayant d'autre ambition que de répandre, pour leur salut, les trésors de ses grâces et de sa magnificence.
Leur apport providentiel à la piété moderne.
Si la piété des siècles a répondu à une telle condescendance et à une telle générosité divine par la commémoraison solennelle, renouvelée chaque année, des faits de la vie mortelle du Sauveur, et par l'établissement d'ordres et de congrégations religieuses qui en portent le nom, il était réservé, dans les conseils divins, aux temps modernes et à l'Adoration perpétuelle inaugurée par le zèle enflammé du bienheureux Eymard, de glorifier, par un culte solennel et continu, avec une magnificence qui ne s'était jamais vue dans les siècles passés, le Verbe de Dieu fait homme, vraiment, réellement et substantiellement présent dans le Sacrement de son amour. Il voulait le faire sortir de la solitude du tabernacle et l'élever dans la splendeur des autels, non seulement pendant quelques heures ou pendant quelques jours, mais omnibus diebus usque ad consummationem saeculi, comme le Roi de tous les siècles, car le Christ Notre-Seigneur ne cesse jamais d'être le Dieu qui a été élevé sur la croix pour attirer à lui l'univers. Et le prêtre ne l'élève-t-il pas, chaque jour, dans le sacrifice non sanglant, afin de le faire adorer et louer par les fidèles, afin qu'ils lui demandent pardon et le prient ? La messe n'est-elle pas le mystique holocauste dans lequel le Rédempteur, Prêtre et Victime éternelle, se rend présent sur le calvaire de l'autel, avec son Corps et son Sang, sous ces signes de mort ? Si l'autel est un Golgotha, proclamait notre bienheureux, exaltons le divin Triomphateur de la mort et de l'enfer qui s'y rend présent ; exaltons-le non point dans les ombres du soleil qui est à son déclin, mais dans la splendeur triomphale de la résurrection, sortant comme ressuscité du silence du tabernacle. Prosternons-nous devant lui, adorons-le, recourons à son Coeur doux et humble. De ce nouveau Golgotha glorieux, il lancera encore des rayons de bonté et de miséricorde, pour attirer à lui toutes les nations et tous les peuples, car il est venu afin que les hommes possèdent la vie, et une vie plus abondante.
Telle était la mission de Pierre-Julien Eymard dans l'Eglise du Christ : se prosterner perpétuellement devant lui dans l'adoration d'esprit, de coeur et des oeuvres, être l'apôtre de sa présence au milieu de nous et réunir autour du trône eucharistique une légion d'âmes qui lui rendraient hommage et le serviraient. Il y consacra sans réserve les deux derniers lustres de sa vie au milieu de déceptions et de contradictions, de souffrances et de peines ; et, à cinquante-sept ans, le champion du Saint Sacrement recevait la récompense de la couronne immortelle.
Le zèle admirable et infatigable du P. Eymard.
Infatigable dans son zèle pour promouvoir la gloire et le culte de l'Eucharistie, pour attirer et convoquer à la Table sainte les fidèles de tout âge et de toute condition, pour prodiguer les ardeurs de son apostolat dans les prédications aux fidèles et les retraites religieuses, il rentrait à Paris, après avoir parcouru les provinces de France et de Belgique, exténué, le coeur brisé de craintes intérieures et de luttes extérieures, sous le poids desquelles sa vertu, loin de fléchir ou de s'affaisser, devenait plus forte et, sinon imitable, du moins admirable dans son héroïsme. Mais Paris ne lui rendait pas la santé : il lui fallait l'air des montagnes du pays natal. Il céda aux insistances affectueuses de ses religieux et partit pour Lyon. A Grenoble, il montait pour la dernière fois au saint autel ; dans ce festin céleste, que dit-il à son Jésus, que lui demanda-t-il, que lui offrit-il ?
Le soir, il arrivait à la Mure, dans la maison paternelle, épuisé ; bientôt deux confrères vinrent l'y rejoindre. Le voilà donc au lieu de sa naissance, là où, près du tabernacle, il avait eu le premier colloque avec le Dieu caché, où il avait respiré l'air vivifiant de ses premières années ; mais cet air ne pouvait plus lui rendre les forces, il allait au contraire essuyer sur son visage les sueurs de l'agonie. Son humble couchette devenait une école de patience inaltérable et d'affection, de conseils et de sourire, de bénédiction et de prière, de calme et de douceur. A l'approche de l'heure suprême, le divin Amant, le céleste Ami vint encore une fois réconforter son adorateur et son apôtre bien-aimé ; sous les voiles eucharistiques, il descendit dans son coeur, aliment d'une vie qui ne s'éteint pas et se perpétue dans la joie du céleste amour.
Admirons, vénérons, ô dignes et pieux prêtres et ministres du Seigneur, cet héroïque porte-drapeau des adorateurs du Christ vivant avec nous sur les saints autels. Il nous a montré ce que peut, dans un prêtre, la foi vive et véritable, la sincère dévotion envers le sacrement qui est le plus auguste des liens religieux par lesquels nous sommes rattachés à Dieu ; il nous a montré comment se forment les vrais adorateurs qui adorent le Père en esprit et en vérité et sont les apôtres, les propagateurs de son règne dans le monde des âmes.
Tel est l'enseignement du bienheureux Eymard ; tel est son apostolat toujours vivant, comme s'il disait avec le psalmiste : Congregate illi sanctos ejus qui ordinant testamentum ejus super sacrificia (Ps 49,6). Réunissez autour de lui tous les saints qui exécutent son alliance par le moyen des sacrifices. Quels sont donc ces saints ? N'est-ce pas nous, ô prêtres, nous qui sommes consacrés non point pour offrir à Dieu des agneaux ou des taureaux privés de vie, mais pour renouveler le sacrifice non sanglant de la Victime divine, unique et éternelle ? Le calice de son Sang n'est-il pas l'alliance du testament nouveau et éternel ? Et ce congrès sacerdotal n'est-il pas l'assemblée des saints qui exécutent et sanctionnent par le sacrifice, ineffable à l'égal du mystère de la foi, l'alliance du Christ avec son nouveau peuple élu ?
Ses prêtres-adorateurs.
Dans cette solennelle assemblée de prêtres-adorateurs, Nous voyons les héritiers de l'esprit de Pierre-Julien Eymard, désireux de se sanctifier eux-mêmes pour communiquer la sainteté aux âmes de leurs frères. Du haut du ciel, il nous contemple, il nous suit du regard dans cette voie où celui qui est juste se justifie davantage, et celui qui est saint se sanctifie encore plus. Cet arbre de l'adoration, qui aujourd'hui étend ses rameaux et ses feuillages sur tant de régions du monde, ne fut-il pas planté par lui ? Ses enfants l'ont arrosé ; Dieu l'a fait croître. Et combien il s'est développé ! Admirez, comptez les multiples oeuvres eucharistiques, les maisons de la Congrégation du Très-Saint-Sacrement établies dans le monde entier, répandues en Europe et dans les deux Amériques ; souvenez-vous des triomphes des congrès eucharistiques internationaux, nationaux et diocésains : c'est en eux que se trouve le berceau de l'Association des prêtres-adorateurs. Car il est certain que, pour le triomphe du règne du Christ dans le monde, le fait de se réunir en son nom est non seulement comme une invitation que l'on fait au Roi du ciel, mais aussi le moyen d'incliner la volonté divine, laquelle veut bien subir cette violence qui est un sourire de la grâce divine. Qu'ils sont magnifiques tes pavillons, ô Eglise du Christ ! Qu'ils sont aimables tes tabernacles, ô Jésus ! Ils sont comme une vallée ombragée, comme un jardin arrosé de cours d'eau, comme le cèdre planté le long du fleuve (Nb 24,5). Ils sont le refuge assuré du prêtre, l'asile des grandes âmes dans l'amour et dans la douleur, la forteresse d'où s'élancent les champions de la vérité et de la vertu pour combattre, en cette vallée de larmes et de misères, les combats de Dieu contre les enfants des ténèbres, contre ceux qui s'égarent dans les voies de l'erreur, contre les impies, les ignorants, les ennemis du Christ et de son Eglise. Ah ! permettez que nous parcourions les champs où se livrent ces luttes saintes et se remportent ces victoires, que nous rassemblions, dans tous les pays, en deçà comme au-delà des océans, les glorieux trophées et les lauriers des congrès eucharistiques, des pieuses assemblées et des réunions sacerdotales, que nous réunissions les phalanges des adorateurs et des adoratrices, les légions des enfants si chers au Dieu d'amour, et que joignant tout cela à la couronne et aux fleurs de votre piété, de votre zèle, ô bien-aimés prêtres-adorateurs, nous le déposions devant la glorieuse figure du bienheureux Eymard, en hommage et en reconnaissance pour cette flamme ardente d'apostolat eucharistique qui, faisant de lui le héraut du Christ présent avec nous jusqu'à la consommation des siècles, nous montre en lui, de la manière la plus vive et la plus encourageante, comment nous pouvons trouver, dans le saint tabernacle, la force constante et puissante de la prière, de l'action et du sacrifice, cette force qui fera de nous, pour le bonheur des peuples et le salut des âmes trompées par l'erreur ou insouciantes de la religion, la divine lumière du monde et le sel de la terre, puis, comme de bons et fidèles serviteurs, nous élèvera devant Dieu dans la joie de la vision éternelle, où nous contemplerons à découvert le mystère de foi, de cette foi qui perce tous les voiles.
C'est en formant ce souhait, en exprimant ce voeu, que Nous accordons avec effusion de coeur, à tous et à chacun de vous, Vénérables Frères et fils bien-aimés, comme gage des plus abondantes grâces célestes pour vos oeuvres de zèle à la gloire du Dieu eucharistique, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION AU CONSEIL SUPÉRIEUR DES OEUVRES MISSIONNAIRES PONTIFICALES
(30 avril 1939) 1
Recevant les membres du Conseil supérieur des OEuvres missionnaires pontificales, le Saint-Père leur adressa ces paroles de félicitations et d'encouragement :
S'il Nous est toujours très agréable de recevoir des fils, Notre âme éprouve aujourd'hui une joie spéciale en vous recevant, Nos très chers fils, et en adressant la parole à des fils tels que vous, qui dirigez dans vos différentes nations les oeuvres missionnaires pontificales, ou qui, demeurant à Rome, appartenez au Conseil supérieur des oeuvres pontificales de la Propagation de la Foi et de Saint-Pierre-Apôtre. Représentant sur la terre, tout indigne que Nous soyons, le Pasteur éternel, Nous sentons qu'elles Nous concernent aussi ces paroles qui révèlent l'abondance de son amour pour le genre humain : « J'ai d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie et il faut que je les amène... et il n'y aura qu'un bercail et qu'un pasteur » (Jn 10,16). Nous remémorant cette parole du très doux Rédempteur, Nous Nous sentons enflammé de ses désirs et Nous implorons le Saint-Esprit par de suppliantes prières, afin qu'il ouvre les voies du salut à ces multitudes d'hommes qui sont encore opprimés par la servitude de l'idolâtrie et enfoncés dans les vieilles erreurs, et les fasse participer à notre espérance et à notre grâce. Prêchant avec l'apôtre saint Paul que « les Gentils sont cohéritiers, membres d'un même Corps, et participants de la promesse (de Dieu) en Jésus-Christ par l'Evangile » (Ep 3,6), Nous n'épargnerons aucune fatigue pour que l'éclat de la religion catholique brille aussi sur les peuples séparés et que la croix, dans laquelle sont le salut et la vie, étende son ombre jusqu'aux rivages les plus éloignés du monde.
Dans ce but, il est très important que l'Eglise soit établie dans chaque peuple et qu'elle soit pourvue d'un grand nombre de ministres sacrés recrutés dans la population indigène. D'un labeur apostolique aussi élevé, vous êtes, Nos très chers fils, les coopérateurs diligents et précieux employant toutes vos forces à l'extension du règne de Dieu. Nous connaissons bien les fruits de votre activité, plus abondants chaque année malgré les multiples et sérieuses difficultés que vous rencontrez. Mais la piété sait vaincre l'âpreté du chemin, et, ainsi qu'il arrive généralement pour les choses importantes et agréables à Dieu, « le champ se verra peu à peu dorer par les tendres épis » 2.
Et comme l'oeuvre pontificale de Saint-Pierre-Apôtre pour le clergé indigène célèbre le cinquantenaire de sa fondation, Nous sommes heureux d'avoir cette occasion de féliciter et d'approuver une aussi bienfaisante entreprise et de lui souhaiter d'importants succès et progrès. Continuez, Nos très chers fils, à consacrer tous vos efforts aux activités missionnaires, et puisque la charité se refroidit malheureusement dans le monde, parce que « les vérités ont diminué parmi les fils des hommes » (Ps 11,2), montrez par votre exemple que les habitants de la terre ne vivent pas pour se combattre, consumés par l'envie, avec des armes fratricides, mais pour que, appelés à l'éternelle félicité, ils sachent, par des liens sacrés, s'unir à Dieu et entre eux.
Le but assigné par Dieu à la communauté humaine, c'est l'amour, c'est la paix, c'est la concorde et l'unité. Puissent-ils donc tous ceux qui portent le nom de chrétien, guidés par votre direction et enflammés par vos exhortations, diffuser largement le parfum de la douceur évangélique ; qu'ils soient, dans la mesure donnée à chacun, « des porte-Dieu, des porte-temple, des porte-Christ » 3, sous les auspices de saint Joseph, époux de la bienheureuse Vierge Marie et patron de l'Eglise, dont nous célébrons, cette semaine, la solennité. C'est lui-même qui tient la Fleur des vallées et le Pain de la vie, qu'il vous tend pieusement, pour que vous le donniez aux autres.
Invoquant toutes sortes de faveurs célestes sur vous, Nos très chers fils, et sur les fidèles qui se dévouent généreusement avec vous a la cause des missions, Nous bénissons de tout coeur vos travaux et vos intentions.
2 Virgile, Egi., IV.
3 S. Ignace d'Antioche, ad Eph., 9, 2.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(3 mai 1939) 1
JEUNES ÉPOUX
83
Le sens de l'attitude de Jésus aux noces de Cana.
Votre présence, très chers époux, rappelle à votre mémoire et à la Nôtre le geste à la fois si délicat et si puissant relaté dans le saint Evangile : le geste de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui assiste aux noces de Cana en Galilée et qui opère en cette occasion son premier miracle. Jésus présent à un repas de noces avec sa très sainte Mère et ses premiers disciples : ce n'est certes pas sans de profondes raisons que le divin Maître daigne accepter avec bienveillance pareille invitation. C'est là qu'il donna, pour confirmer sa divine mission et soutenir la foi de ses premiers disciples, le premier signe de sa toute-puissance, et c'est là que commença à se manifester la puissante médiation de Marie auprès de Dieu en faveur des hommes.
Mais lui, le bon Maître, voulut par sa présence apporter une bénédiction toute particulière à ces heureux époux, et comme sanctifier et consacrer cette union nuptiale, de même que lors de la Création le Seigneur avait béni les premiers parents du genre humain. En ce jour des noces de Cana, le Christ embrassait de son divin regard les hommes de tous les temps à venir et en particulier tous les enfants de sa future Eglise ; il bénissait leurs noces et accumulait les trésors de grâces que par le grand sacrement de mariage il allait déverser avec une largesse toute divine sur les époux chrétiens.
Jésus-Christ a béni et consacré aussi vos noces, chers époux, et la bénédiction que vous avez reçue à l'autel, vous voulez la voir confirmée et comme ratifiée aux pieds de son Vicaire sur terre ; c'est à cette intention que vous êtes venus à lui.
Nous vous donnons de tout coeur cette bénédiction, et Nous désirons qu'elle demeure toujours avec vous et qu'elle vous accompagne tout au cours de votre vie. Elle restera avec vous, si à votre foyer vous faites régner Jésus-Christ, sa doctrine, ses exemples, ses préceptes, son esprit ; si, invoquée, vénérée, aimée, la Vierge Marie devient la Reine, l'Avocate, la Mère de la nouvelle famille que vous êtes appelés à fonder et si, sous le doux regard de Jésus et de Marie, vous vivez en époux chrétiens, dignes d'un tel nom et d'une telle profession.
(16 avril 1939) 1
Le 1er avril déjà, le Saint-Père exprimait sa joie au général Franco à l'occasion de la fin de la guerre d'Espagne (voir ci-dessus p. 32). Le dimanche 16 avril, il s'adressait à toute la nation espagnole en un radiomessage retransmis par toutes les stations italiennes, les principales stations espagnoles et la radiodiffusion ibéro-américaine. Voici la traduction du message pontifical :
Avec une immense joie Nous Nous adressons à vous, très chers fils de la catholique Espagne, pour vous exprimer Nos paternelles félicitations pour le don de la paix et de la victoire par lesquelles Dieu a daigné couronner l'héroïsme chrétien de votre foi et de votre charité, éprouvé par tant et de si généreuses souffrances.
A la fois anxieux et plein d'espoir, Notre prédécesseur de sainte mémoire attendait cette paix providentielle, fruit sans doute de cette bénédiction féconde que, dès les premiers jours du conflit, il envoyait « à tous ceux qui s'étaient proposé la difficile et dangereuse tâche de défendre et de restaurer les droits et l'honneur de Dieu et de la religion » 2 ; et Nous ne doutons pas que cette paix sera celle souhaitée par lui, « c'est-à-dire annonciatrice d'un avenir de tranquillité dans l'ordre et d'honneur dans la prospérité » 3.
1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXI, 1939, p. 151 ; cf. la traduction française de 'documentation Catholique, t. XL, col. 613.
2 Allocution aux réfugiés d'Espagne, 14. 9. 1936 ; A. A. S., 28, 1936, p. 380.
3 Ibid., p. 381.
Le sens de la lutte.
Les desseins de la Providence, très chers fils, se sont manifestés une fois encore sur l'héroïque Espagne. La nation choisie par Dieu comme principal instrument d'évangélisation du Nouveau Monde et comme rempart inexpugnable de la foi catholique vient de donner aux prosélytes de l'athéisme matérialiste de notre siècle la preuve la plus élevée qu'au-dessus de tout se placent les valeurs éternelles de la religion et de l'esprit.
La propagande tenace et les efforts incessants des ennemis de Jésus-Christ donnent à penser que ceux-ci ont voulu faire en Espagne un essai suprême des forces dissolvantes à leur disposition, répandues dans le monde entier ; et bien que le Tout-Puissant n'ait pas permis qu'ils atteignent aujourd'hui leur but, il a cependant toléré la réalisation de quelques-uns de leurs terribles effets, afin que le monde voie comment la persécution religieuse, en sapant les bases mêmes de la justice et de la charité qui sont l'amour de Dieu et le respect de sa sainte loi, peut entraîner la société moderne dans des abîmes insoupçonnés de destruction inique et de discorde passionnée.
Persuadé de cette vérité, le peuple espagnol sain, avec cette générosité et cette franchise qui constituent les deux traits caractéristiques de son très noble esprit, s'est dressé, résolu de défendre les idéals de la foi et de la civilisation chrétiennes, profondément enracinés dans le sol fécond de l'Espagne et aidé de Dieu « qui n'abandonne pas ceux qui espèrent en lui » (Jdt 13,17), il sut résister à l'attaque de ceux qui, trompés par ce qu'ils croyaient être un idéal humanitaire d'élévation des humbles, combattaient en réalité en faveur de l'athéisme.
Ce sens primordial de votre victoire Nous fait concevoir les plus belles espérances ; il Nous fait espérer que Dieu, dans sa miséricorde, daignera conduire l'Espagne dans le chemin sûr de sa traditionnelle et catholique grandeur qui, pour tous les Espagnols attachés à leur religion et à leur patrie, doit servir d'orientation dans le vigoureux effort tenté en vue d'organiser la vie de la nation en parfaite harmonie avec sa très noble histoire toute de foi, de piété et de civilisation catholique.
Exhortations pour les lendemains.
Nous exhortons donc les gouvernants et les pasteurs de la catholique Espagne à éclairer les esprits de tous ceux qui ont été trompés, en leur montrant avec amour les racines du matérialisme et du laïcisme d'où proviennent leurs erreurs et leurs malheurs et d'où elles pourraient germer à nouveau. Exposez-leur, en outre, les principes de justice individuelle et sociale, contenus dans le saint Evangile et dans la doctrine de l'Eglise, sans lesquels la paix et la prospérité des nations, si bien établies qu'elles soient, ne peuvent subsister.
Nous ne doutons pas qu'il en sera ainsi, et comme garants de Notre ferme espoir Nous avons les très nobles sentiments chrétiens dont le chef d'Etat et tant de ses fidèles collaborateurs ont donné des preuves non équivoques par la protection léeale au'ils ont accordée aux suprêmes intérêts religieux et sociaux, en conformité des enseignements du Siège apostolique. La même espérance est fondée, en outre, sur le zèle éclairé et sur l'abnégation de vos évêques et de vos prêtres, éprouvés par la souffrance, et aussi sur la foi, la piété et l'esprit de sacrifice dont, en des heures terribles, toutes les classes de la société espagnole ont donné un héroïque témoignage.
Hommage aux victimes.
Et maintenant, au souvenir des ruines accumulées par la plus sanglante des guerres civiles enregistrées dans l'histoire des temps modernes, Nous inclinons, avant tout, le front devant la sainte mémoire des évêques, prêtres et religieux des deux sexes et fidèles de tout âge et de toute condition qui, en si grand nombre, ont scellé de leur sang leur foi en Jésus-Christ et leur amour pour la religion catholique : Maiorem hac dilectionem nemo habet, « il n'y a pas de plus grande preuve d'amour» (Jn 15,13).
Nous reconnaissons aussi Notre devoir de gratitude envers tous ceux qui ont su se sacrifier jusqu'à l'héroïsme pour la défense des droits inaliénables de Dieu et de la religion, soit sur les champs de bataille, soit encore, tout dévoués aux sublimes oeuvres de charité, dans les prisons et dans les hôpitaux.
Nous ne pouvons cacher la peine amère que Nous cause le souvenir de tant d'innocents enfants qui, loin de leurs foyers, ont été transportés en des terres étrangères, avec risque parfois d'apostasie et de perversion, et Nous ne désirons rien si ardemment que de les voir rendus à leurs propres familles pour y jouir à nouveau de la chaude et chrétienne affection des leurs.
Quant aux autres qui, tels des fils prodigues, s'apprêtent à revenir à la maison du Père, Nous ne doutons pas qu'ils y seront accueillis avec bienveillance et amour.
Conseils aux évêques.
Il vous incombe particulièrement à vous, Vénérables Frères dans l'épiscopat, de conseiller les uns et les autres, afin que dans leur politique de pacification tous suivent les principes inculqués par l'Eglise et proclamés avec tant de noblesse par le généralissime, principes de justice concernant le crime et de bienveillante générosité envers ceux qui se sont trompés. Notre paternelle sollicitude ne peut non plus oublier tant d'égarés qu'au moyen d'illusions et de promesses une propagande mensongère et perverse est parvenue à séduire. A eux particulièrement doit aller avec patience et mansuétude votre sollicitude pastorale : priez pour eux, recherchez-les, ramenez-les dans le sein régénérateur de l'Eglise et dans le tendre giron de la patrie, ramenez-les enfin au Père miséricordieux qui les attend les bras ouverts.
Et maintenant, très chers fils, maintenant que l'arc-en-ciel de la paix resplendit à nouveau dans le ciel d'Espagne, unissons-nous tous de coeur en un fervent hymne d'action de grâces au Dieu de la paix et en une prière de pardon et de miséricorde pour ceux qui sont morts, et afin que cette paix soit féconde et durable, de toute la ferveur de Notre coeur Nous vous exhortons à « maintenir l'union de l'esprit dans le lien de la paix » (Ep 4,2-3). Ainsi unis et obéissants à votre vénérable épiscopat, consacrez-vous avec joie et sans délai à l'oeuvre urgente de reconstitution que Dieu et la patrie espèrent de vous.
Comme gage des grâces abondantes que vous obtiendront la Vierge immaculée et l'apôtre Jacques, patrons de l'Espagne, et de celles que méritèrent les grands saints espagnols, Nous faisons descendre sur vous, Nos chers fils de la catholique Espagne, sur le chef de l'Etat et sur son illustre gouvernement, sur le zélé épiscopat et sur son clergé si plein d'abnégation, sur tous les héroïques combattants et sur tous les fidèles, Notre Bénédiction apostolique 4.
4 Le général Franco a envoyé à S. S. Pie XII le télégramme suivant pour le remercier de ce radiomessage :
« C'est avec un respect filial et avec émotion que j'ai écouté le message de Votre Sainteté, qui réconforte le peuple espagnol et son gouvernement dans la grande oeuvre d'ordre spirituel et social qu'il réalise, afin que cette Espagne, qui fut toujours au premier rang pour la défense de la foi catholique, soit supérieure encore dans l'avenir à sa propre tradition. Au nom du peuple espagnol et au mien, j'adresse à Votre Sainteté un témoignage de dévotion et de gratitude pour la distinction spéciale que vous nous avez faite dans ce jour mémorable. »
ALLOCUTION A DES PÈLERINS BRÉSILIENS
(17 avril 1939) 1
Recevant en audience un groupe de catholiques du Brésil, venus en pèlerinage à Rome, le Saint-Père les accueillit avec ces paroles :
C'est avec une joie paternelle intense que Nous recevons la visite des représentants du lointain et grand Brésil.
Grand par le territoire, grand par le nombre des habitants, grand par son présent de travail et de progrès, grand par son avenir et grand surtout par sa foi catholique si sincèrement professée.
Nous avons Nous-même encore l'âme débordante des impressions reçues lors de la visite que Nous avons pu faire à votre patrie en 1934.
Jamais Nous ne pourrons oublier le spectacle éblouissant de votre belle nature et de l'accueil que tous Nous ont réservé, depuis le plus haut magistrat de la République jusqu'aux hautes autorités civiles et militaires, à l'assemblée législative, à la cour suprême et aussi aux humbles représentants du peuple.
Mais comme sur la rétine de Nos yeux, Nous gardons dans Notre esprit la vision incomparable de ce qui se déroule aux pieds du Christ Rédempteur sur le Corcovado.
C'est à lui, le Christ Rédempteur de l'humanité et l'unique Sauveur du monde, qu'élevé sans nul mérite de Notre part à la charge de son vicaire sur terre, Nous demandons l'abondance de toutes les grâces célestes pour vous, pour vos familles et pour tous ceux qui vous sont chers.
Une bénédiction très affectueuse pour Notre très cher cardinal Leme et pour tous ses Frères dans l'épiscopat.
Une grande bénédiction pour le chef de la nation, pour ses auxiliaires, pour le gouvernement et pour tout le peuple brésilien.
LETTRE AU SECRÉTAIRE D'ÉTAT POUR UNE GRANDE CROISADE DE PRIÈRES DANS LE MONDE ENTIER POUR DEMANDER LA PAIX
(20 avril 1939)1
Par la lettre suivante adressée à S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, Sa Sainteté Pie XII lance, à l'occasion du mois de mai, une grande croisade de prières pour la paix.
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 154 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique t. XL, col. 617.
Vous qui Nous assistez de si près dans le gouvernement de l'Eglise catholique, vous savez avec quelle ardeur Nous souhaitons et Nous implorons de Dieu que, par un retour des âmes à des sentiments de justice et de charité, la paix chrétienne si désirée s'affirme enfin, profonde et durable, entre les nations et tous les peuples, aujourd'hui si agités et préoccupés. A peine élevé au suprême pontificat, ce fut justement cette paix, don sublime de Dieu, que Nous avons recommandée, avec un coeur tout paternel, non seulement à tous Nos fils dans le Christ, dispersés dans le monde entier, mais encore à toutes les nations et à leurs gouvernants : et dans la solennité de Pâques, de la basilique Saint-Pierre où Nous célébrions pon-tificalement le divin Sacrifice, entouré d'une multitude innombrable, Nous avons répété la même invitation et la même exhortation, implorant du Christ Jésus, qui vainquit la mort et distribue les grâces célestes, la concorde et la paix pour tous.
Et maintenant que s'approche le mois de mai, au cours duquel les fidèles ont l'habitude d'adresser de particulières prières à la Très Sainte Vierge, Nous désirons vivement que les plus ardentes supplications soient offertes spécialement à cette intention dans tous les diocèses et toutes les paroisses.
Mais, à cette croisade de prières, il Nous plaît de stimuler de façon spéciale ceux, qu'à l'exemple du divin Rédempteur, dont Nous tenons la place sur terre, Nous aimons avec la plus vive tendresse et affection : Nous voulons parler des enfants qui dans la fleur de l'âge font rayonner autour d'eux l'innocence, la douceur et la grâce. Par une pieuse coutume, les pères et mères de famille conduisent chaque jour leurs jeunes enfants, même les plus petits, à l'autel de la Vierge, les lui offrant avec les fleurs de leurs jardins et de leurs champs, et avec leurs prières et celles de leurs enfants. Et comment cette Mère du ciel n'accueillerait-elle pas tant de voix suppliantes, implorant la paix pour les citoyens, les peuples, les nations ? Comment pourrait-elle ne pas les accueillir, si aux prières des anges du ciel s'unissent celles des enfants, qui sont bien les anges de cette terre ? Assurément, invoquée par tant de prières, la Vierge Marie prendra en main cette question qui angoisse aujourd'hui le monde entier, et fléchissant son divin Fils, gravement offensé par tant de péchés, obtiendra de lui, dans une situation plus calme, la paix des coeurs et la concorde fraternelle entre les peuples.
Et Jésus, qui durant sa vie mortelle aimait d'une façon spéciale l'âge innocent, et qui par les paroles : « Laissez venir à moi les petits enfants, parce que le royaume de Dieu leur appartient » (Mc 10,14) reprochait aux apôtres d'arrêter les enfants qui venaient s'offrir à ses baisers, Jésus pourrait-il trouver des prières plus faciles à exaucer que celles des enfants qui, en un geste suppliant, lèvent vers lui et sa Mère leurs mains candides et innocentes ?
Le pape Léon le Grand, Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, disait : « Le Christ aime l'enfance, lui qui fut d'abord enfant par le corps et l'âme ; le Christ aime l'enfance, maîtresse d'humilité, règle d'innocence, modèle de douceur »2. Si donc, dans toutes les villes, dans les bourgs, dans les plus lointains villages, partout où brille la lumière de l'Evangile, des groupes d'enfants vont prier dans les églises durant ce prochain mois de mai, Nous voulons espérer que, les inimitiés étant apaisées, les âmes pacifiées, et éteintes les discordes entre peuples, l'humanité, guidée par la Vierge Marie, verra lui sourire des temps meilleurs.
2 Migne, p. l., LIV, col. 258 c.
C'est pourquoi, Notre très cher fils, Nous vous chargeons, par la présente lettre, de rendre publics, de la façon que vous jugerez la meilleure, ces voeux paternels et ces vives exhortations, de telle sorte que, grâce aux initiatives des pasteurs diocésains, ils soient traduits dans la pratique.
Cependant, soutenu par ce doux espoir et goûtant par avance les fruits que Nous Nous promettons de cette croisade de prières, Nous accordons de grand coeur, à vous, Notre très cher fils, et à tous ces chers enfants qui répondront si volontiers à Notre appel, comme gage des faveurs célestes et de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION AU MINISTRE DE LA RÉPUBLIQUE DE L'EQUATEUR
(22 avril 1939)1
Répondant à S. Exc. M. Armand Lisimaco Guzman y Aspiazu, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'Equateur, venu lui présenter ses lettres de créance, le Souverain Pontife prononça l'allocution suivante :
Au moment de recevoir des mains de Votre Excellence les lettres par lesquelles S. Exc. M. le président de la République de l'Equateur l'accrédite comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès du Saint-Siège, Nous saluons avec une profonde satisfaction les sentiments élevés avec lesquels Votre Excellence assume ses hautes et importantes fonctions, et qui ont reçu une expression si parfaite dans les nobles paroles qu'elle vient de prononcer.
La consolidation et le développement toujours plus grand des bonnes relations qui existent entre le Saint-Siège et la nation équa-torienne, que Votre Excellence a indiquées comme étant le but premier de son honorable mission, constituent aussi l'objet de Nos plus fervents désirs et aspirations. Intimement persuadé qu'il n'existe pas pour un peuple de plus grand bonheur ni de meilleure garantie d'un bien-être assuré, que l'harmonie entre sa mission présente et sa foi surnaturelle, Nous serons toujours disposé à accorder Notre appui et Notre assistance à tous les efforts qui se proposent un but si élevé. Ce faisant, Nous sommes convaincu de rendre le plus grand service pour favoriser à l'extérieur et à l'intérieur de l'Equateur un avenir prospère et salutaire, chose à laquelle tendent tout à la fois la responsabilité de Notre ministère apostolique et Notre amour paternel pour votre population catholique.
Nous implorons l'abondance des grâces célestes pour M. le président de la République, les membres de son gouvernement et Votre Excellence qui les représente si dignement, et Nous donnons avec des sentiments de particulière affection au peuple équatorien qui Nous est si cher la Bénédiction apostolique que Votre Excellence Nous a demandée.
ALLOCUTION A UN GROUPE DE PÈLERINS ALLEMANDS
(23 avril 1939) *
Recevant en audience spéciale un groupe de pèlerins allemands venant de différentes régions d'Allemagne, le Saint-Père leur adressa ces paroles :
Chers fils et filles d'Allemagne, Nous vous adressons la bienvenue dans la maison du Père commun.
Les liens spirituels qui Nous attachent aux catholiques allemands, Notre affection pour eux, comme pour le peuple allemand tout entier sont encore devenus plus forts et plus profonds aujourd'hui, qu'ils ne le furent dans les années où Nous eûmes l'avantage de pouvoir vivre en Allemagne.
Restez fidèles à votre foi catholique et faites tout votre possible pour la conserver intacte à vos enfants. Confessez cette sainte foi dans une intention si pure et un caractère si noble qu'il puisse être évident pour chacun que la lutte des catholiques allemands ne tend qu'à maintenir intacts les droits de Dieu et de l'Eglise du Christ. Personne ne doit pouvoir Nous reprocher que Nous ne désirons pas une Allemagne heureuse et en pleine prospérité, précisément parce que Nous luttons pour le maintien des valeurs spirituelles. Car c'est seulement sur celles-ci que peuvent se bâtir la grandeur, la prospérité et le bonheur durables des peuples.
Nous allons beaucoup prier — et tout spécialement durant ce mois de mai consacré à la Mère de Dieu — pour la paix, pour l'Eglise catholique en Allemagne et pour la jeunesse allemande.
Comme gage de la miséricorde, de l'amour de Jésus-Christ et de la protection de la puissante Vierge Marie, qui vous enveloppera sous son manteau, Nous vous accordons de tout coeur, à vous et à vos proches, la Bénédiction apostolique.
PREMIER DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(26 avril 1939)1
Ce discours aux jeunes époux est le premier d'une série de septante-neuf, que Pie XII prononcera à leur adresse depuis ce jour jusqu'au 12 mai 1943. A certaines époques de l'année, le Saint-Père a parlé aux nouveaux mariés de façon très régulière toutes les deux semaines.
Il ne s'agit pas de simples paroles d'encouragement ou d'exhortation ; chaque allocution traite d'un sujet différent faisant partie d'un programme suivi, dont l'ensemble renferme toute la doctrine de l'Eglise en ce qui concerne les multiples problèmes de la vie conjugale, familiale et domestique, et de la spiritualité du foyer2.
1 D'après !e texte italien de Discorsi e Radîomessaggi, t. I, p. 69 ; traduction française de Georges Huber, dans les « Discours aux jeunes époux », publiés en 2 vol. par les Editions Saint-Augustin, Saint-Maurice, t. I, p. 11.
2 Cf. ci-après pp. 82, 93, 102, 106, 109, 122, 126, 147, 168, 176, 191, 199, 325 , 336, 343 et 359.
Votre présence, chers fils et filles, remplit Notre coeur de joie, car, si les visites des enfants à leur père sont toujours belles et consolantes, il Nous est particulièrement agréable de Nous voir entouré de groupes de jeunes époux venus Nous faire participer à leur joie et recevoir de Nous une parole de bénédiction et d'encouragement.
Vraiment, vous devez vous sentir réconfortés, chers jeunes époux, à la pensée que le divin Instituteur du sacrement de mariage, Notre-Seigneur Jésus-Christ, a voulu l'enrichir de l'abondance de ses célestes faveurs. Le sacrement de mariage signifie, comme vous le savez, la mystique union de Jésus-Christ avec son Epouse, en qui et de qui doivent naître les enfants adoptifs de Dieu, légitimes héritiers des divines promesses. Et comme Jésus-Christ enrichit ses noces mystiques avec l'Eglise des perles précieuses que sont les grâces divines, ainsi il lui plaît d'enrichir d'ineffables dons le sacrement de mariage.
Ce sont en particulier les grâces nécessaires et utiles aux époux : pour conserver, accroître, perfectionner et sanctifier sans cesse leur mutuel amour ; pour observer la fidélité conjugale ; pour éduquer sagement leurs enfants, par leur exemple et leur vigilance ; pour porter chrétiennement les charges de leur nouvel état.
Ces vérités, vous les avez déjà comprises, approfondies, goûtées ; et si Nous vous les rappelons en ce moment, c'est pour participer, Nous aussi, en quelque manière à cette heure solennelle de votre vie et pour donner à la sainte liesse qui vous anime un fondement tou-jour plus solide et plus sûr.
Daigne le bon Dieu vous accorder la grâce de ne jamais ternir la grandeur de votre état, et de vivre toujours conformément à la haute dignité de vos devoirs sacrés.
Nous vous donnons du fond du coeur la Bénédiction apostolique, gage des faveurs de Dieu, et Nous souhaitons qu'elle vous accompagne durant les jours tristes ou joyeux de votre vie et que, témoin perpétuel de Notre paternelle bienveillance, elle demeure toujours avec vous.
DISCOURS AU III\2e\0 CONGRÈS NATIONAL DE L'ASSOCIATION DES PRÊTRES-ADORATEURS D'ITALIE
(28 avril 1939)1
A l'issue du IIIe Congrès national de l'Association des Prêtres-Adorateurs d'Italie, le Saint-Père reçut en audience l'importante assemblée de 3000 prêtres guidés par trois cardinaux et 150 archevêques et évêques, à laquelle il adressa en italien l'admirable discours dont voici la traduction :
La mission du bienheureux Pierre-Julien Eymard.
Quel spectacle offre à nos regards cette assemblée de prêtres dont le but, digne des anges, est d'adorer, d'une manière toute spéciale, ce Dieu qui a promis aux apôtres d'être avec eux jusqu'à la consommation des siècles ! Cette promesse, Nous la voyons réalisée en vous, Vénérables Frères et fils bien-aimés ; en vous qui continuez et perpétuez la mission apostolique d'instruire les nations, de les baptiser et de leur enseigner tout ce que le Christ a ordonné à ses apôtres. Le Christ n'a-t-il pas proclamé aussi que, là ou deux ou trois seraient réunis en son nom, il serait au milieu d'eux ? Le divin Sauveur est avec nous, non pas comme l'ombre fugitive de la célébrité et du nom gravé sur les tombeaux des grands hommes qui passent ; il est avec nous, non pas comme le Dieu présent avec sa dignité et son humanité, comme le Dieu caché sous le voile du pain transsubstantié : ombre qui, Nous semble-t-il, était figurée par les ténèbres du lac de Tiberiade, durant cette nuit où le Christ marchait sur les flots soulevés et que les disciples occupés à ramer péniblement prirent pour un fantôme. Non, il n'est pas un fantôme, le Dieu des tabernacles que nous adorons. C'est celui-là même qui dit alors aux disciples effrayés : « Ayez confiance ; c'est moi, ne craignez point. » C'est celui-là même qui dit : « Me voici avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des temps. »
C'est celui-là même qui s'avance sur les flots des siècles, Maître des vents et des tempêtes humaines. Il marche sur les flots soulevés, à côté de son Eglise et devant elle ; il répond à ses ministres, qui l'appellent avec les paroles saintes que lui-même leur a enseignées ; et depuis vingt siècles, il convoque, il réunit autour de ses autels les nations et les peuples, les foules et les gouvernants, les martyrs et les vierges, les pontifes et les prêtres prosternés pour adorer sa présence, pour l'aimer sous le voile où il se cache, pour l'invoquer comme leur compagnon de route dans la joie et dans la douleur, dans la vie et dans la mort.
Mais nous apercevons un prêtre à qui, sous les ombres de la foi, s'est fait entendre avec plus de force la parole d'encouragement adressée aux apôtres. Vous le connaissez. C'est Pierre-Julien Eymard, qui répond à Jésus-Christ : « Seigneur, si c'est vous, ordonnez que je vienne à vous sur les eaux. — Viens, lui dit le Sauveur ». Et Pierre-Julien marcha sur les flots soulevés, pour aller à Jésus, pour se prosterner devant lui dans l'adoration perpétuelle et s'écrier : « Me voici avec vous, ô Seigneur, tous les jours jusqu'à la fin de ma vie ».
Telle fut bien la vocation et la mission du fondateur de la Congrégation du Très-Saint-Sacrement. Pour aller à Jésus, et pour se prosterner devant lui, ne marcha-t-il pas sur les eaux de tribulation ? Il avait bien saisi la promesse du Christ qui, à la manière d'un testament, termine et scelle l'Evangile du publicain Matthieu, et il en avait fait pour lui et pour les autres le mot d'ordre de son oeuvre et de son action : Ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem saeculi.
Au milieu du monde actuel, dans cet abandon du Christ par la société moderne, par la famille, par les moeurs, Pierre-Julien avait compris que ce même Christ ne cesse pas d'être présent sur son autel, bien que souvent ignoré, abandonné, et privé de l'hommage souverain qui lui est dû. Il avait compris qu'il est avec nous tous les jours, compagnon fidèle de son ministre et de son peuple, dans toutes les avenues et les parties de la cité, aussi bien dans les régions civilisées que dans les contrées encore sauvages du globe, partout où se trouvent un prêtre et un autel. Il avait compris que, aujourd'hui comme hier, le Christ est avec nous jusqu'à la consommation des siècles ; qu'il est avec son Eglise invincible et indéfectible prêtre et pontife des âmes pour l'éternité, roi immortel des siècles, souverain ordonnateur des vicissitudes humaines passées, présentes et futures. Cela, il le sentait profondément, et c'est pourquoi il se prosternait devant lui, dans cette adoration qui est un désir immense de le voir adoré, honoré, exalté, particulièrement par les âmes qui lui sont consacrées, et en premier lieu par les prêtres qui doivent être la lumière du monde, le sel de la terre, les maîtres et les ministres du peuple, les médiateurs entre Dieu et les hommes, entre le ciel et la terre.
Dans cette imposante réunion de prêtres-adorateurs d'Italie, venus pour se retremper dans l'esprit sacerdotal — réunion déjà hautement, sagement et magnifiquement illustrée par la parole, éloquente et sainte, d'éminentissimes cardinaux et d'illustres orateurs sacrés — la figure du bienheureux Eymard, le plus grand héraut, le champion du Christ présent dans les saints tabernacles, est, à l'égal de saint Jean-Baptiste, comme une lampe brillante et ardente qui illuminera et réchauffera nos coeurs, qui les fera vibrer de ces saintes ardeurs que suscite dans l'âme la triste vision de la guerre, de la négligence et de l'indifférence par laquelle l'homme répond à l'amour et aux bienfaits d'un Dieu fait homme dont les délices sont d'habiter avec nous.
I Sa foi dans l'Eucharistie
Le Dieu de l'autel est au milieu de nous, invisible, mais témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts, le prince des rois de la terre, qui nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son propre sang et nous a fait rois et prêtres de Dieu son Père ; le premier et le dernier, le vivant qui est mort et qui maintenant vit dans les siècles des siècles (Ap 1,5 Ap 1,17-18). Mais il est en même temps, au milieu de nous, le Dieu caché. Tombons à ses pieds, adorons-le dans le buisson ardent de son amour pour nous, puisqu'il ne nous est pas donné de le contempler comme l'évangéliste le vit dans son extase. C'est le mystère de la foi, le centre du divin sacrifice non sanglant, le secret jalousement gardé par l'Epouse du Christ, que « durant les premiers siècles de son éternelle jeunesse, elle cacha » sous le voile de l'arcane, même à ses plus chers enfants : arcane devenu mystère d'un mystère, secret caché depuis les siècles éternels en Dieu, et qui cache un Dieu. Devant ce mystère se sont prosternés, dans la poussière des catacombes, les apôtres et les martyrs ; dans les basiliques les pontifes ; dans les solitudes et les monastères les moines et les anachorètes ; dans les cloîtres les vierges ; sur les champs de bataille les armées ; dans les chaires les docteurs, et dans les cités les peuples. Le Christ était au milieu d'eux. Mais qui le vit, qui le reconnut ? « Bienheureux ceux qui crurent sans l'avoir vu », Beati qui non viderunt et crediderunt.
La foi perce tous les voiles, elle pénètre tous les secrets ; à mesure qu'elle se fait plus vive, elle acquiert plus de lumière, elle s'enflamme davantage, grandit en elle-même, et fait du mystère même le phare et le foyer de sa vie comme de son action. Telle fut bien la foi de Pierre-Julien au Dieu présent sous le voile eucharistique. Cette foi ne fut-elle pas le phare à la lumière duquel il regarda les flots et les tempêtes de notre siècle ? Ne fut-elle pas le feu qui embrasa son coeur et le poussa à faire de l'Eucharistie le drapeau de sa famille religieuse, à réunir au pied des saints autels les phalanges des prêtres-adorateurs ? A mesure que, au cours des siècles, le voile de l'arcane se soulevait dans la communion pascale, dans la solennité de la Fête-Dieu, dans la brillante exposition du Dieu caché, dans l'adoration réparatrice, le P. Eymard ne fut-il pas celui qui entrevit la nouvelle aurore de la Congrégation et des Confréries du Saint-Sacrement ? Ainsi, dans une atmosphère plus dégagée, prenait fin l'arcane antique du ciboire saint, et apparaissait l'ardent apôtre, suscité par Dieu, de la divine Eucharistie.
. est à l'origine de sa vocation.
Né dans une bourgade des environs de Grenoble, alors que le monde faisait silence en présence du fier César français qui, parti des rives de la Seine, avait parcouru avec ses armées toutes les régions de l'Europe et emporté rois et royaumes, Pierre-Julien, grâce à la piété de sa mère, avait grandi dans le rayonnement du saint tabernacle, et un jour, à l'âge de cinq ans, on l'avait trouvé appuyé contre l'autel, priant le Dieu voilé, désireux d'être plus près de lui et de l'écouter. Que dit alors à cet enfant innocent Jésus qui aime et qui caresse les petits qui viennent à lui ? Il imprima sans doute dans son âme une de ces paroles indélébiles qui mettent le sceau au caractère et à la mission des saints dans le monde, et fixent leur auréole dans le ciel de l'Eglise.
C'est cette parole qui deviendra la pensée dominante du prêtre Pierre-Julien Eymard, et qu'il exprimera dans la supplique au grand pontife Pie IX : « Voici cette pensée, écrira-t-il : à la vue de l'amour de Jésus-Christ en son adorable sacrement, de l'isolement dans lequel le laisse le peu de piété des fidèles, de l'indifférence de tant de chrétiens, de l'impiété toujours croissante des hommes du siècle ; à la vue des besoins si grands de l'Eglise, de tant d'idolâtres et d'hérétiques loin de la foi de Jésus-Christ, une pensée suave et forte en même temps me disait : pourquoi le plus grand des mystères n'aurait-il pas aussi son corps religieux comme les autres mystères ; pourquoi n'y aurait-il pas des hommes qui auraient une mission perpétuelle de prière aux pieds de Jésus-Christ en son divin Sacrement ? Pourquoi le Roi des rois n'aurait-il pas aussi sa garde d'honneur, veillant jour et nuit devant son divin tabernacle dans l'exercice perpétuel de l'adoration, de l'action de grâces, de l'amende honorable ?» — « C'est l'oeuvre de Dieu, répondra le Vicaire de Jésus-Christ, je désire qu'elle soit établie ». Et peu de temps après, lui-même la louera, puis l'approuvera.
II
La double présence du Christ sur terre.
Mais Jésus-Christ n'est pas seulement présent au milieu du monde, il s'approche encore de l'homme et demeure avec lui, il reste avec ses apôtres, avec ses fidèles, avec toutes les nations, qui sont la conquête obtenue par son sang. Sa présence est double. Il a une présence divine, par laquelle il soutient l'univers qu'il a créé, il suit les pas des hommes dans les voies du bien et du mal, il est témoin et juge de leurs actions, les inclinant au bien, les punissant lorsqu'ils font le mal. Il a aussi une autre présence divine et humaine à la fois, qui lui permet de dresser sa tente dans les catacombes, parmi nos demeures, dans les campagnes et dans les forêts, dans les vallées, sur les montagnes et au milieu des déserts, dans la neige, sur les glaces éternelles, partout où un prêtre, avec la parole toute-puissante qui vient de lui, élève un peu de pain et un calice, en adorant ce qu'il vient d'accomplir en mémoire de lui. Là il est avec son ministre, il marche avec lui, il se fait notre nourriture, le viatique des moribonds et des malheureux, notre frère, notre époux, notre père, notre médecin, le soutien et la vie des âmes, le pain des anges, le gage du bonheur éternel : Ecce ego vobiscum sum. Oh ! comme Nous souhaiterions ne pas vous parler Nous-même avec Nos pauvres paroles, mais que Pierre-Julien Eymard vous parle lui-même, lui qui a pénétré et scruté à fond ce mystère de foi et d'amour ; sa parole serait une flamme, un brasier qui brûlerait et embraserait vos coeurs d'adorateurs de ce Dieu qui habite avec nous et qui est tant oublié, tant offensé par les hommes.
Ne Nous demandez pas, ô vénérés prêtres, si la mission confiée par Dieu à Pierre-Julien Eymard lui coûta du sang, et si, à son serviteur prosterné devant les tabernacles de La Seyne-sur-Mer, de Lyon et de Paris, Dieu demanda comme à Abraham le sacrifice complet de ce qu'il aimait — et qui était certes un bienfait divin — pour le lui restituer avec la promesse renouvelée d'une descendance de choix. Dieu le mit à l'épreuve comme l'or est purifié dans la fournaise, comme la patience est une arme victorieuse ; comme la croix, qui scelle le sacrifice des martyrs, se lève sur nos autels et les domine, drapeau du Christ avec nous et avec ses saints. C'est pourquoi le tabernacle était son lieu de refuge ; du tabernacle il avait entendu la voix du Christ lui promettant d'être avec lui chaque jour, d'être son compagnon dans le chemin de l'épreuve pour la fondation de l'oeuvre eucharistique, entre l'opposition des confrères et la louange du pontife Pie IX, entre les angoisses d'un dilemme et la croix du sacrifice ; il avait entendu la parole de ce Dieu fait homme qui proclamait à ses disciples : Ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem saeculi.
III
Les fondations du P. Eymard.
De l'accomplissement de cette magnifique et si bienveillante promesse du Christ, durant le cours des siècles, personne plus que le prêtre, n'est le témoin fidèle et le coopérateur ; car, en sa qualité de ministre des sources de la grâce, il a reçu du Christ la sublime mission de renouveler, en mémoire de lui, à l'autel non sanglant, ce que lui -même a accompli la veille de sa Passion : Pro Christo ergo, vous dirons-Nous avec saint Paul, ô prêtres bien-aimés, legatione fungimur. Nous sommes les mandataires et les ambassadeurs du Christ, non seulement par la parole, mais encore par l'action. Cette mission de la parole et de l'action, avec quelle force le bienheureux Eymard l'a ressentie en son coeur ! Prêtre, il savait bien que le Christ est avec son Eglise et avec nous, tous les jours, par son autorité et par sa grâce, mais sachant aussi qu'il est présent, bien que voilé sur nos autels, et considérant combien sa qualité de Roi et de Pasteur de nos âmes est oubliée et ignorée, il voulait, par la parole et l'action, obtenir que le monde chrétien lui offrit l'adoration, l'action de grâces, la propitiation, la prière, tous les jours jusqu'à la fin des siècles.
Nous ne suivrons pas le fondateur de l'Adoration perpétuelle dans l'établissement de l'oeuvre de la première communion des adultes dans la capitale de la France, dans la fondation des maisons de son Institut à Marseille, à Angers, à Bruxelles et ailleurs ; Nous ne dirons pas comment naquirent l'Agrégation du Très-Saint-Sacrement, la Congrégation des Servantes du Très-Saint-Sacrement, comment fut honorée Notre-Dame du Saint-Sacrement ; comment, autour du serviteur de Dieu, se développa la famille religieuse guidée par lui, triomphant des obstacles de la pauvreté, des contradictions et des oppositions tant intérieures qu'extérieures. Le coeur des disciples du Christ crucifié ne peut jamais être exempt de peines et de douleurs, et sur le chemin de la sainteté on ne cueille pas les doux fruits et les fleurs de l'Eden. Croyez-vous que son martyre intime resta caché à tout le monde, et ne se manisfesta jamais par quelque parole de plainte ? Dans ses sermons et ses discours, dans ses conversations, dans sa direction spirituelle, il montrait d'une manière éminente l'ardeur de son amour pour le Dieu d'amour, et, dans les pages qui ont recueilli sa parole, résonne encore l'écho de cet amour.
Mais comme l'apôtre Paul, il se glorifiera dans ses tribulations, afin que la vertu du Christ habite en lui. Et la vertu du Christ qui mesure à la douleur la consolation que le monde est incapable de donner, le P. Eymard la trouva, abondante et opportune, à Rome, aux pieds du Vicaire du Christ, comme il l'avait ressentie, venant de Dieu même, auprès des saints autels. Trois fois Rome le vit en pèlerin dans ses rues, dans ses basiliques, aux tombeaux et aux arcosolia des martyrs, et, un jour, elle l'entendit à Saint-André délia Valle glorifier le divin Enfant. Rome, par la voix du grand pontife Pie IX, lui fut favorable ; elle loua son Institut eucharistique, plus tard elle en approuva les Constitutions, posant ainsi les fondements d'un avenir canonique et assuré.
Notre pensée s'arrête, à ce moment, devant l'oeuvre du patient et courageux adorateur et apôtre de l'Eucharistie, nous voyons le passé et l'avenir se relier au présent, et, dominant le flot des siècles, nous entendons la parole de Paul nous avertissant que, chaque fois que nous mangerons ce Pain et boirons ce calice, nous annoncerons la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne (1Co 11,26). Aussi longtemps que dans les sillons de nos champs germera un épi de blé, aussi longtemps que sur le cep de la vigne pendra une grappe de raisin, et qu'un prêtre montera à l'autel pour y offrir le Sacrifice, l'Hôte divin sera avec nous, et le fidèle inclinera, dans un acte de foi, son esprit et son corps devant l'Hostie sainte, comme les apôtres, à la dernière Cène, sous le pain et le vin consacrés que le Sauveur leur donnait en disant : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang », adorèrent le Christ, le Maître divin, avec cette foi pure et surnaturelle qui croit aux miracles de sa parole et dont se nourrit l'adoration intérieure, avec cette foi sans laquelle la génuflexion extérieure n'est qu'un signe sans vie. C'est de cette heure du Cénacle que datent les siècles du Dieu de l'Eucharistie ; le soleil, dans sa course, en a éclairé la marche avec ses aurores et ses couchants ; les entrailles de la terre ont entendu ses louanges ; dans les déserts, dans les cloîtres, dans les basiliques, sous les voûtes aériennes, les pasteurs et les peuples, les princes et les armées se sont inclinés devant lui. Ses hérauts et ses prêtres ont poussé ses conquêtes au-delà des mers et des océans ; et, de l'Orient à l'Occident, d'un pôle à l'autre, le Rédempteur fixe chaque jour ses tabernacles, continuant, malgré l'ingratitude des hommes, à faire ses délices d'habiter avec eux, n'ayant d'autre ambition que de répandre, pour leur salut, les trésors de ses grâces et de sa magnificence.
Leur apport providentiel à la piété moderne.
Si la piété des siècles a répondu à une telle condescendance et à une telle générosité divine par la commémoraison solennelle, renouvelée chaque année, des faits de la vie mortelle du Sauveur, et par l'établissement d'ordres et de congrégations religieuses qui en portent le nom, il était réservé, dans les conseils divins, aux temps modernes et à l'Adoration perpétuelle inaugurée par le zèle enflammé du bienheureux Eymard, de glorifier, par un culte solennel et continu, avec une magnificence qui ne s'était jamais vue dans les siècles passés, le Verbe de Dieu fait homme, vraiment, réellement et substantiellement présent dans le Sacrement de son amour. Il voulait le faire sortir de la solitude du tabernacle et l'élever dans la splendeur des autels, non seulement pendant quelques heures ou pendant quelques jours, mais omnibus diebus usque ad consummationem saeculi, comme le Roi de tous les siècles, car le Christ Notre-Seigneur ne cesse jamais d'être le Dieu qui a été élevé sur la croix pour attirer à lui l'univers. Et le prêtre ne l'élève-t-il pas, chaque jour, dans le sacrifice non sanglant, afin de le faire adorer et louer par les fidèles, afin qu'ils lui demandent pardon et le prient ? La messe n'est-elle pas le mystique holocauste dans lequel le Rédempteur, Prêtre et Victime éternelle, se rend présent sur le calvaire de l'autel, avec son Corps et son Sang, sous ces signes de mort ? Si l'autel est un Golgotha, proclamait notre bienheureux, exaltons le divin Triomphateur de la mort et de l'enfer qui s'y rend présent ; exaltons-le non point dans les ombres du soleil qui est à son déclin, mais dans la splendeur triomphale de la résurrection, sortant comme ressuscité du silence du tabernacle. Prosternons-nous devant lui, adorons-le, recourons à son Coeur doux et humble. De ce nouveau Golgotha glorieux, il lancera encore des rayons de bonté et de miséricorde, pour attirer à lui toutes les nations et tous les peuples, car il est venu afin que les hommes possèdent la vie, et une vie plus abondante.
Telle était la mission de Pierre-Julien Eymard dans l'Eglise du Christ : se prosterner perpétuellement devant lui dans l'adoration d'esprit, de coeur et des oeuvres, être l'apôtre de sa présence au milieu de nous et réunir autour du trône eucharistique une légion d'âmes qui lui rendraient hommage et le serviraient. Il y consacra sans réserve les deux derniers lustres de sa vie au milieu de déceptions et de contradictions, de souffrances et de peines ; et, à cinquante-sept ans, le champion du Saint Sacrement recevait la récompense de la couronne immortelle.
Le zèle admirable et infatigable du P. Eymard.
Infatigable dans son zèle pour promouvoir la gloire et le culte de l'Eucharistie, pour attirer et convoquer à la Table sainte les fidèles de tout âge et de toute condition, pour prodiguer les ardeurs de son apostolat dans les prédications aux fidèles et les retraites religieuses, il rentrait à Paris, après avoir parcouru les provinces de France et de Belgique, exténué, le coeur brisé de craintes intérieures et de luttes extérieures, sous le poids desquelles sa vertu, loin de fléchir ou de s'affaisser, devenait plus forte et, sinon imitable, du moins admirable dans son héroïsme. Mais Paris ne lui rendait pas la santé : il lui fallait l'air des montagnes du pays natal. Il céda aux insistances affectueuses de ses religieux et partit pour Lyon. A Grenoble, il montait pour la dernière fois au saint autel ; dans ce festin céleste, que dit-il à son Jésus, que lui demanda-t-il, que lui offrit-il ?
Le soir, il arrivait à la Mure, dans la maison paternelle, épuisé ; bientôt deux confrères vinrent l'y rejoindre. Le voilà donc au lieu de sa naissance, là où, près du tabernacle, il avait eu le premier colloque avec le Dieu caché, où il avait respiré l'air vivifiant de ses premières années ; mais cet air ne pouvait plus lui rendre les forces, il allait au contraire essuyer sur son visage les sueurs de l'agonie. Son humble couchette devenait une école de patience inaltérable et d'affection, de conseils et de sourire, de bénédiction et de prière, de calme et de douceur. A l'approche de l'heure suprême, le divin Amant, le céleste Ami vint encore une fois réconforter son adorateur et son apôtre bien-aimé ; sous les voiles eucharistiques, il descendit dans son coeur, aliment d'une vie qui ne s'éteint pas et se perpétue dans la joie du céleste amour.
Admirons, vénérons, ô dignes et pieux prêtres et ministres du Seigneur, cet héroïque porte-drapeau des adorateurs du Christ vivant avec nous sur les saints autels. Il nous a montré ce que peut, dans un prêtre, la foi vive et véritable, la sincère dévotion envers le sacrement qui est le plus auguste des liens religieux par lesquels nous sommes rattachés à Dieu ; il nous a montré comment se forment les vrais adorateurs qui adorent le Père en esprit et en vérité et sont les apôtres, les propagateurs de son règne dans le monde des âmes.
Tel est l'enseignement du bienheureux Eymard ; tel est son apostolat toujours vivant, comme s'il disait avec le psalmiste : Congregate illi sanctos ejus qui ordinant testamentum ejus super sacrificia (Ps 49,6). Réunissez autour de lui tous les saints qui exécutent son alliance par le moyen des sacrifices. Quels sont donc ces saints ? N'est-ce pas nous, ô prêtres, nous qui sommes consacrés non point pour offrir à Dieu des agneaux ou des taureaux privés de vie, mais pour renouveler le sacrifice non sanglant de la Victime divine, unique et éternelle ? Le calice de son Sang n'est-il pas l'alliance du testament nouveau et éternel ? Et ce congrès sacerdotal n'est-il pas l'assemblée des saints qui exécutent et sanctionnent par le sacrifice, ineffable à l'égal du mystère de la foi, l'alliance du Christ avec son nouveau peuple élu ?
Ses prêtres-adorateurs.
Dans cette solennelle assemblée de prêtres-adorateurs, Nous voyons les héritiers de l'esprit de Pierre-Julien Eymard, désireux de se sanctifier eux-mêmes pour communiquer la sainteté aux âmes de leurs frères. Du haut du ciel, il nous contemple, il nous suit du regard dans cette voie où celui qui est juste se justifie davantage, et celui qui est saint se sanctifie encore plus. Cet arbre de l'adoration, qui aujourd'hui étend ses rameaux et ses feuillages sur tant de régions du monde, ne fut-il pas planté par lui ? Ses enfants l'ont arrosé ; Dieu l'a fait croître. Et combien il s'est développé ! Admirez, comptez les multiples oeuvres eucharistiques, les maisons de la Congrégation du Très-Saint-Sacrement établies dans le monde entier, répandues en Europe et dans les deux Amériques ; souvenez-vous des triomphes des congrès eucharistiques internationaux, nationaux et diocésains : c'est en eux que se trouve le berceau de l'Association des prêtres-adorateurs. Car il est certain que, pour le triomphe du règne du Christ dans le monde, le fait de se réunir en son nom est non seulement comme une invitation que l'on fait au Roi du ciel, mais aussi le moyen d'incliner la volonté divine, laquelle veut bien subir cette violence qui est un sourire de la grâce divine. Qu'ils sont magnifiques tes pavillons, ô Eglise du Christ ! Qu'ils sont aimables tes tabernacles, ô Jésus ! Ils sont comme une vallée ombragée, comme un jardin arrosé de cours d'eau, comme le cèdre planté le long du fleuve (Nb 24,5). Ils sont le refuge assuré du prêtre, l'asile des grandes âmes dans l'amour et dans la douleur, la forteresse d'où s'élancent les champions de la vérité et de la vertu pour combattre, en cette vallée de larmes et de misères, les combats de Dieu contre les enfants des ténèbres, contre ceux qui s'égarent dans les voies de l'erreur, contre les impies, les ignorants, les ennemis du Christ et de son Eglise. Ah ! permettez que nous parcourions les champs où se livrent ces luttes saintes et se remportent ces victoires, que nous rassemblions, dans tous les pays, en deçà comme au-delà des océans, les glorieux trophées et les lauriers des congrès eucharistiques, des pieuses assemblées et des réunions sacerdotales, que nous réunissions les phalanges des adorateurs et des adoratrices, les légions des enfants si chers au Dieu d'amour, et que joignant tout cela à la couronne et aux fleurs de votre piété, de votre zèle, ô bien-aimés prêtres-adorateurs, nous le déposions devant la glorieuse figure du bienheureux Eymard, en hommage et en reconnaissance pour cette flamme ardente d'apostolat eucharistique qui, faisant de lui le héraut du Christ présent avec nous jusqu'à la consommation des siècles, nous montre en lui, de la manière la plus vive et la plus encourageante, comment nous pouvons trouver, dans le saint tabernacle, la force constante et puissante de la prière, de l'action et du sacrifice, cette force qui fera de nous, pour le bonheur des peuples et le salut des âmes trompées par l'erreur ou insouciantes de la religion, la divine lumière du monde et le sel de la terre, puis, comme de bons et fidèles serviteurs, nous élèvera devant Dieu dans la joie de la vision éternelle, où nous contemplerons à découvert le mystère de foi, de cette foi qui perce tous les voiles.
C'est en formant ce souhait, en exprimant ce voeu, que Nous accordons avec effusion de coeur, à tous et à chacun de vous, Vénérables Frères et fils bien-aimés, comme gage des plus abondantes grâces célestes pour vos oeuvres de zèle à la gloire du Dieu eucharistique, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION AU CONSEIL SUPÉRIEUR DES OEUVRES MISSIONNAIRES PONTIFICALES
(30 avril 1939) 1
Recevant les membres du Conseil supérieur des OEuvres missionnaires pontificales, le Saint-Père leur adressa ces paroles de félicitations et d'encouragement :
S'il Nous est toujours très agréable de recevoir des fils, Notre âme éprouve aujourd'hui une joie spéciale en vous recevant, Nos très chers fils, et en adressant la parole à des fils tels que vous, qui dirigez dans vos différentes nations les oeuvres missionnaires pontificales, ou qui, demeurant à Rome, appartenez au Conseil supérieur des oeuvres pontificales de la Propagation de la Foi et de Saint-Pierre-Apôtre. Représentant sur la terre, tout indigne que Nous soyons, le Pasteur éternel, Nous sentons qu'elles Nous concernent aussi ces paroles qui révèlent l'abondance de son amour pour le genre humain : « J'ai d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie et il faut que je les amène... et il n'y aura qu'un bercail et qu'un pasteur » (Jn 10,16). Nous remémorant cette parole du très doux Rédempteur, Nous Nous sentons enflammé de ses désirs et Nous implorons le Saint-Esprit par de suppliantes prières, afin qu'il ouvre les voies du salut à ces multitudes d'hommes qui sont encore opprimés par la servitude de l'idolâtrie et enfoncés dans les vieilles erreurs, et les fasse participer à notre espérance et à notre grâce. Prêchant avec l'apôtre saint Paul que « les Gentils sont cohéritiers, membres d'un même Corps, et participants de la promesse (de Dieu) en Jésus-Christ par l'Evangile » (Ep 3,6), Nous n'épargnerons aucune fatigue pour que l'éclat de la religion catholique brille aussi sur les peuples séparés et que la croix, dans laquelle sont le salut et la vie, étende son ombre jusqu'aux rivages les plus éloignés du monde.
Dans ce but, il est très important que l'Eglise soit établie dans chaque peuple et qu'elle soit pourvue d'un grand nombre de ministres sacrés recrutés dans la population indigène. D'un labeur apostolique aussi élevé, vous êtes, Nos très chers fils, les coopérateurs diligents et précieux employant toutes vos forces à l'extension du règne de Dieu. Nous connaissons bien les fruits de votre activité, plus abondants chaque année malgré les multiples et sérieuses difficultés que vous rencontrez. Mais la piété sait vaincre l'âpreté du chemin, et, ainsi qu'il arrive généralement pour les choses importantes et agréables à Dieu, « le champ se verra peu à peu dorer par les tendres épis » 2.
Et comme l'oeuvre pontificale de Saint-Pierre-Apôtre pour le clergé indigène célèbre le cinquantenaire de sa fondation, Nous sommes heureux d'avoir cette occasion de féliciter et d'approuver une aussi bienfaisante entreprise et de lui souhaiter d'importants succès et progrès. Continuez, Nos très chers fils, à consacrer tous vos efforts aux activités missionnaires, et puisque la charité se refroidit malheureusement dans le monde, parce que « les vérités ont diminué parmi les fils des hommes » (Ps 11,2), montrez par votre exemple que les habitants de la terre ne vivent pas pour se combattre, consumés par l'envie, avec des armes fratricides, mais pour que, appelés à l'éternelle félicité, ils sachent, par des liens sacrés, s'unir à Dieu et entre eux.
Le but assigné par Dieu à la communauté humaine, c'est l'amour, c'est la paix, c'est la concorde et l'unité. Puissent-ils donc tous ceux qui portent le nom de chrétien, guidés par votre direction et enflammés par vos exhortations, diffuser largement le parfum de la douceur évangélique ; qu'ils soient, dans la mesure donnée à chacun, « des porte-Dieu, des porte-temple, des porte-Christ » 3, sous les auspices de saint Joseph, époux de la bienheureuse Vierge Marie et patron de l'Eglise, dont nous célébrons, cette semaine, la solennité. C'est lui-même qui tient la Fleur des vallées et le Pain de la vie, qu'il vous tend pieusement, pour que vous le donniez aux autres.
Invoquant toutes sortes de faveurs célestes sur vous, Nos très chers fils, et sur les fidèles qui se dévouent généreusement avec vous a la cause des missions, Nous bénissons de tout coeur vos travaux et vos intentions.
2 Virgile, Egi., IV.
3 S. Ignace d'Antioche, ad Eph., 9, 2.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(3 mai 1939) 1
JEUNES ÉPOUX
83
Le sens de l'attitude de Jésus aux noces de Cana.
Votre présence, très chers époux, rappelle à votre mémoire et à la Nôtre le geste à la fois si délicat et si puissant relaté dans le saint Evangile : le geste de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui assiste aux noces de Cana en Galilée et qui opère en cette occasion son premier miracle. Jésus présent à un repas de noces avec sa très sainte Mère et ses premiers disciples : ce n'est certes pas sans de profondes raisons que le divin Maître daigne accepter avec bienveillance pareille invitation. C'est là qu'il donna, pour confirmer sa divine mission et soutenir la foi de ses premiers disciples, le premier signe de sa toute-puissance, et c'est là que commença à se manifester la puissante médiation de Marie auprès de Dieu en faveur des hommes.
Mais lui, le bon Maître, voulut par sa présence apporter une bénédiction toute particulière à ces heureux époux, et comme sanctifier et consacrer cette union nuptiale, de même que lors de la Création le Seigneur avait béni les premiers parents du genre humain. En ce jour des noces de Cana, le Christ embrassait de son divin regard les hommes de tous les temps à venir et en particulier tous les enfants de sa future Eglise ; il bénissait leurs noces et accumulait les trésors de grâces que par le grand sacrement de mariage il allait déverser avec une largesse toute divine sur les époux chrétiens.
Jésus-Christ a béni et consacré aussi vos noces, chers époux, et la bénédiction que vous avez reçue à l'autel, vous voulez la voir confirmée et comme ratifiée aux pieds de son Vicaire sur terre ; c'est à cette intention que vous êtes venus à lui.
Nous vous donnons de tout coeur cette bénédiction, et Nous désirons qu'elle demeure toujours avec vous et qu'elle vous accompagne tout au cours de votre vie. Elle restera avec vous, si à votre foyer vous faites régner Jésus-Christ, sa doctrine, ses exemples, ses préceptes, son esprit ; si, invoquée, vénérée, aimée, la Vierge Marie devient la Reine, l'Avocate, la Mère de la nouvelle famille que vous êtes appelés à fonder et si, sous le doux regard de Jésus et de Marie, vous vivez en époux chrétiens, dignes d'un tel nom et d'une telle profession.
Lucie- Nombre de messages : 1241
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Re: Pie XII 1939
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE L'ARGENTINE
(4 mai 1939) 1
Aux paroles d'hommages que lui adressait ce jour S. Exc. le Dr Henri Ruiz Guinazu, nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République d'Argentine, le Souverain Pontife a répondu ainsi :
Les paroles prononcées par Votre Excellence présentant les lettres de créance, par lesquelles S. Exc. M. le président de la République d'Argentine vous accrédite, en remplacement de M. le Dr Don Carlos de Bstrada si estimé et aimé de Nous, comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès du Saint-Siège, sont pour Nous qui professons une affection si paternelle pour le peuple argentin une preuve très agréable que Votre Excellence, avec toute l'ardeur que lui inspire l'amour de sa patrie et les traditions profondément catholiques de ce pays privilégié, aura comme grande préoccupation celle de consolider toujours plus les heureuses relations qui existent entre le Saint-Siège et la nation argentine.
Quand l'Eglise et l'Etat imprègnent leurs mutuelles relations de l'esprit, qui, Monsieur l'ambassadeur, resplendit dans vos paroles, il se crée entre les deux pouvoirs cette atmosphère de cordialité réciproque et de loyal appui qui correspond aux intimes aspirations du très fidèle peuple argentin : de cette collaboration il a recueilli tant de bienfaits dans le passé et elle constitue la base la plus sûre pour son développement ultérieur vers les chemins de la prospérité et de la paix.
Au milieu des graves problèmes qui, à l'heure présente, pèsent sur les peuples et les inquiètent, la noble adhésion de Votre Excellence à l'idée d'une entente internationale pour chercher la solution des divergences qui peuvent surgir dans l'application des principes de la justice et de l'esprit de fraternité, constitue un pronostic dont Nous sommes amené à apprécier à sa valeur l'importance symbolique surtout au moment présent. Nous ne voulons pas manquer d'en exprimer Notre reconnaissance au peuple argentin, à son gouvernement et à Votre Excellence qui les représente si dignement. Pour cela, Nous demandons de tout coeur au Seigneur que cet esprit de compréhension consciente et généreuse trouve des défenseurs et des collaborateurs toujours plus nombreux et plus décidés dans toutes les nations et tous les peuples et facilite toujours davantage le chemin vers la restauration et le perfectionnement de la paix intérieure fondée sur la justice et la charité fraternelle.
Dans le parc de Palermo de la capitale de l'Argentine, durant les jours inoubliables du Congrès eucharistique international que Nous avons présidé comme légat de Notre prédécesseur de glorieuse mémoire, Nous avons imploré au milieu d'une immense multitude cette même paix, tandis que les drapeaux de toutes les nations entouraient le gigantesque autel et que le chef de l'Etat, à la face du monde en une heure bénie entre toutes, consacrait son pays et son peuple au Christ le roi de la paix. C'est en souvenir de ces heures indélébilement gravées dans Notre Coeur, où Nous Nous sentîmes si proches du coeur du peuple argentin, que Nous demandons à Votre Excellence de se faire l'interprète auprès de S. Exc. M. le président de la République, des membres du gouvernement et de toutes les classes sociales de ce peuple si aimé, des sentiments paternels que Nous nourrissons pour eux tous et des voeux fervents que Nous formulons pour le bien et le bonheur de cette très noble nation qui Nous est si chère.
RADIOMESSAGE AU XIIe CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL FRANÇAIS A ALGER
(7 mai 1939) 1
Près de 500 000 personnes ont assisté au XIIe Congrès eucharistique national français qui s'est tenu à Alger, du 3 au 7 mai, sous la présidence de S. Em. le cardinal Verdier, légat pontifical. Cette manifestation en l'honneur de l'Eucharistie se clôtura par le radiomessage du Saint-Père, qui parla en français :
Pour la douzième fois, très chers fils de la noble nation française, vous voici réunis par milliers autour du Christ, présent dans l'Eucharistie, afin de lui offrir ensemble un hommage solennel d'adoration réparatrice.
Au cours des dernières années, l'Afrique a vu déjà plus d'une cérémonie de ce genre. Carthage, se souvenant d'avoir été la glorieuse métropole de l'Eglise nord-africaine et d'avoir abrité dans ses murs plus de trente conciles, donna le branle avec son congrès eucharistique international. Puis, le mouvement s'est étendu en des congrès régionaux ou nationaux, jusqu'à l'Afrique australe, au Congo, à Madagascar, à Tripoli et ailleurs.
Aujourd'hui, c'est sur les côtes, longtemps appelées barbaresques, qu'est célébré le triomphe de l'Hostie, et Notre coeur tressaille de joie, tandis que Nous y prenons part doublement. Car Nous y sommes présent de deux manières : visiblement, en la personne de celui que Nous avons choisi comme légat pour présider, en Notre nom, à ces Journées eucharistiques, Notre très cher Fils le cardinal archevêque de Paris ; invisiblement, mais véritablement aussi, par Nos prières unies à celles de vos foules saintement enthousiastes.
1 D'après le texte français des A. A. S., XXXI, 1939, p. 221.
Ni les flots mouvants de la mer, ni le fracas des armements qui en ébranlait les rivages n'ont pu faire hésiter votre élan mystique : la « bonne Mère de la Garde » vous conduisait vers Notre-Dame d'Afrique et, dans cette Hostie rayonnant sur l'une et l'autre colline, la foi vous montrait le Prince et l'Auteur même de la paix, cette paix si ardemment souhaitée par notre humanité inquiète.
Voilà ce qui vous attirait et encourageait. Voilà ce qui Nous unit intimement à vous en ce mois de mai que Nous voudrions tout entier consacré à la prière universelle (aux prières des enfants surtout, ces privilégiés du Sauveur), pour faire descendre du ciel sur la terre, par les mains de la Vierge immaculée, la paix promise aux hommes de bon vouloir : paix dans les âmes troublées par les appels et les séductions des fausses doctrines, paix entre les nations frémissantes dans une incessante anxiété.
Pourtant, si vous êtes venus ici tenir vos assises eucharistiques, c'est surtout, Nous ne l'ignorons point, afin d'y célébrer le centenaire d'un événement à jamais mémorable pour l'Eglise et pour la France.
Il y a un siècle, en effet, que le premier évêque d'Alger fut installé dans sa cathédrale. Ainsi renaissait après huit cents ans de mort apparente cette province ecclésiastique d'Afrique qui avait jadis compté quelque cinq cents évêques et qui, dans la pléiade de ses martyrs, de ses pontifes et de ses vierges, voit briller à jamais l'incomparable docteur d'Hippone, Augustin, l'un des plus éclatants génies que Dieu ait donné à l'Eglise et au monde.
Mais en 1839, Alger, la ville blanche, dressant ses terrasses sur la mer comme un défi au peuple chrétien ; Alger, la cité des larmes et du sang, où avaient pleuré, prié, souffert et donné leur vie pour le Christ des milliers de captifs, ne comptait plus que quatre prêtres.
Or, voici que sur un des minarets s'élève la croix du Christ et Alger devient soudain la porte lumineuse par où pénétrera chaque jour plus rapidement, jusqu'au coeur du continent noir, le flambeau de la révélation.
Renaissance admirable, vie nouvelle débordant de sève surnaturelle ! Aujourd'hui, de nombreux évêques ou vicaires apostoliques, des centaines de prêtres venus de diverses nations chrétiennes ou issus de familles indigènes, plusieurs millions de fidèles attestent à travers l'Afrique l'éternelle jeunesse de l'Eglise, l'inépuisable fécondité de la grâce divine servie par l'effort humain.
C'est pourquoi Notre Bénédiction s'élance affectueusement vers vous, d'abord, fils de cette France dont il Nous était donné, il y a deux ans, d'évoquer les grandes destinées religieuses sous les voûtes de Notre-Dame de Paris. Mais cette Bénédiction va plus loin encore : vers vous, néophytes et catéchumènes dispersés dans les missions d'Afrique ; vers vous tous, enfin, hommes modestes dont les âmes, comme la Nôtre, ont été rachetées par le sang du Dieu fait homme. A ce Christ Jésus, toutes les nations ont été données en héritage ; et de cet héritage, la Providence Nous a constitué le gardien ; de cette humanité, Dieu Nous a fait le Pasteur et le Père.
Qu'elle descende donc sur tous, la Bénédiction divine, fruit du sang répandu pour tous par le Sauveur caché mais présent dans l'Eucharistie !
ALLOCUTION A LA COLONIE ESPAGNOLE DE ROME
(8 mai 1939) 1
Le 8 mai, à la colonie espagnole de Rome venue lui exprimer ses sentiments de filiale dévotion, Sa Sainteté exprima ses voeux pour une nouvelle ère de paix et de grandeur en faveur de la catholique Espagne.
Nous souhaitons une très cordiale bienvenue à Votre Excellence, Monsieur l'ambassadeur, et à la colonie espagnole de Rome réunie dans Notre maison qui est aussi votre maison paternelle. Vous formez une colonie nombreuse et illustre, qui Nous fait songer avec complaisance à l'imposant cortège d'ambassadeurs vraiment catholiques, de sages théologiens et conseillers, de fils dévoués et généreux qui, au cours des siècles, ont accompagné à Rome le Père commun des fidèles, prenant part à ses peines et à ses joies, et mettant au service du Saint-Siège la saine théologie et le zèle missionnaire de l'Espagne.
Cependant, une circonstance particulière donne un relief particulier à la présente audience. Vous êtes venus pour Nous exprimer votre gratitude au nom de toute votre très noble nation et de son illustre chef pour Notre message radiophonique. Ce fut pour Nous un motif de particulière satisfaction, en premier lieu de pouvoir vous adresser Nos félicitations et Nos salutations à l'heure où l'Espagne, au lendemain de la victoire, inaugurait sa nouvelle époque de pacification et de grandeur. Et maintenant Notre coeur est au comble de la joie d'entendre que Nos félicitations et Notre exhortation à la paix et à de nouveaux destins vraiment catholiques pour l'Espagne ont trouvé un écho si profond et prolongé chez Nos fils et filles très aimés de la nation espagnole.
Votre palais d'Espagne, Monsieur l'ambassadeur, est spécialement lié au culte de Marie Immaculée. La place d'Espagne est la place du monument élevé en l'honneur de l'Immaculée Conception. Nous avons tous à prier en ce mois de mai la Vierge très sainte pour que, en récompense de la vénération et de l'amour qu'on a toujours professés pour elle sur la terre d'Espagne et dans les coeurs espagnols, elle daigne obtenir de son divin Fils bonheur et bénédictions pour vos familles, une jeunesse pure et remplie de saine joie pour vos fils, prospérité et avenir heureux pour votre économie, force et impulsion de l'Esprit-Saint pour votre vie religieuse, et pour toute votre patrie qui Nous est si chère, la paix intérieure et extérieure, totale et durable. En gage de tout cela, Nous vous donnons à vous et à tous les vôtres, à toutes les personnes que vous portez dans votre esprit et dans votre coeur, et à tous les objets que vous avez apportés avec vous à cette audience, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A L'ÉPISCOPAT ET AU PEUPLE MARONITES
(9 mai 1939)1
Le 9 mai, le Souverain Pontife recevait en audience une délégation de l'êpiscopat maronite présentée par S. Exc. Mgr Abdallah Kouri, vicaire général du patriarcat d'Antioche des Maronites, à laquelle s'étaient jointes de nombreuses personnalités de la colonie maronite de Rome. A leur adresse de filial hommage, le Saint-Père répondit par ces paroles :
La délégation envoyée vers Nous par Notre Vénérable Frère le patriarche maronite a évoqué le souvenir des rois mages qui, suivant l'étoile miraculeuse, venaient trouver le Roi Jésus à l'aurore de sa vie terrestre.
Comme le Sauveur ouvrit pour les accueillir ses bras et son Coeur, ainsi Nous vous ouvrons bien larges Nos bras et Notre coeur, non pas certes comme aux prémices de la gentilité, mais comme à des fils très chers appelés à faire rayonner toujours davantage en Orient la lumière catholique.
Le très aimé peuple maronite, qui parmi ses rochers et ses cèdres a su garder intact le divin trésor de la foi, héritage de ses pères, voudra, Nous en sommes sûr, répondre à Nos intimes désirs et à Notre appel, en s'efforçant de faire partager à tous ceux qui vivent sur le même sol que lui le bien inestimable de cette foi chrétienne, catholique et romaine. Que votre ferveur contribue à rendre, à ce cher Orient où parut Jésus, la vraie et éternelle Lumière, cette place unique qui fut la sienne à l'aurore de notre rédemption.
Les liens qui depuis si longtemps unissent votre nation à ce Siège de Rome n'ont pas besoin d'être renoués ; comme vos cèdres éternels, ils sont incorruptibles. Mais que ces liens soient toujours plus étroits ! Un saint amour peut toujours grandir, une union toujours devenir plus intime. Et c'est parce qu'il est sûr de vous, que le Père commun reçoit avec joie le témoignage renouvelé de votre fidélité et de votre amour filial.
Unis au pape, c'est-à-dire unis à saint Pierre, unis à vos chefs religieux, patriarche et évêques, vous avez déjà vu et fait de grandes choses. Nous en attendons de plus grandes encore. Notre coeur paternel le souhaite pour votre cher Orient, Nos mains se joignent pour l'obtenir. Puissiez-vous être, Nos très chers fils de la nation maronite aux premiers rangs de ceux qui font resplendir la Lumière et conduisent vers elle tant de chères brebis, attendant qu'une main leur ouvre la porte du bercail.
A cette intention et comme gage de Notre affection paternelle, Nous vous accordons à vous et à tous ceux que vous représentez la Bénédiction apostolique.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS ANGLAIS ET SUISSES
(10 mai 1939)
Recevant en audience générale de nombreux nouveaux époux, un groupe important de pèlerins du diocèse de Saint-Gall conduits par leur évêque, S. Exc. Mgr Meile, et une centaine de pèlerins anglais du diocèse de Southwark avec leur archevêque, S. Exc. Mgr Amigo, le Saint-Père s'adressa successivement à chaque groupe de fidèles, leur parlant dans leur langue :
Aux jeunes époux. 1
Nous saluons cordialement les nouveaux mariés, que Nous voyons venir de plus en plus nombreux à ces audiences publiques. Salut d'autant plus cordial que Nous vous l'adressons dans la joie de ce mois de mai, que la piété du peuple chrétien a voulu consacrer particulièrement au culte de la Sainte Vierge.
La dévotion à Marie, patronne des familles.
Appelés à constituer de nouvelles familles, vous voulez sans doute leur donner un caractère essentiellement et profondément chrétien et un solide fondement de bien-être et de bonheur. Eh bien ! c'est par la dévotion à Marie que vous y arriverez. Marie a de nombreux titres à être considérée comme la patronne des familles chrétiennes, et celles-ci ont tout autant de motifs d'espérer d'elle une assistance particulière.
De la famille, Marie a connu les joies et les peines, les événements joyeux et les événements tristes, la fatigue du travail quotidien, les incommodités et les privations de la pauvreté, le déchirement des séparations. Mais elle a connu aussi les ineffables joies de la vie de famille, heureuse de l'amour le plus pur d'un très chaste époux, heureuse du sourire et des tendresses d'un Fils qui était en même temps le Fils de Dieu.
Le coeur miséricordieux de la Sainte Vierge compatira donc aux nécessités des familles, elle leur apportera le réconfort dont elles sentiront le besoin au milieu des inévitables douleurs de la vie présente, et sous son regard maternel les douceurs du foyer deviendront plus pures et plus sereines. La Sainte Vierge ne se contente point en effet d'avoir connu par expérience les graves nécessités des familles ; tendre Mère de miséricorde, elle veut les soulager.
Bienheureux, oui, bienheureux les époux qui commencent leur nouvelle vie avec ces dispositions de piété et de confiance, avec la sainte résolution d'établir leur foyer sur le fondement inébranlable de la religion ! Dispositions qu'ils légueront toutes, comme un précieux héritage, aux chers enfants que Dieu voudra leur donner.
Mais ne l'oubliez pas, très chers fils et filles, pour être vraie et solide et partant féconde en fruits et en grâces, la dévotion à Marie doit être vivifiée par l'imitation de la vie même de Celle que nous aimons à honorer.
La Mère divine est surtout un modèle parfait des vertus domestiques dont l'état des époux chrétiens doit briller. En Marie vous trouverez un amour pur et fidèle envers son très chaste époux, amour fait de sacrifices et de délicates attentions ; en Marie vous trouverez un dévouement parfait et continuel aux soins de la famille et du foyer, aux soins de son époux et surtout de Jésus ; en elle vous trouverez une humilité que manifestent son affectueuse soumission à saint Joseph, sa patiente résignation aux dispositions, si souvent dures et pénibles, de la divine Providence, son amabilité et sa charité envers tous ceux qui approchaient de l'humble maison de Nazareth.
Puisse votre dévotion à Marie, ô époux chrétiens, former une source toujours vive de faveurs célestes et de vrai bonheur, faveurs et bonheur dont vous recevez un gage dans la Bénédiction apostolique que Nous vous accordons de grand coeur.
Aux pèlerins anglais 2 :
Chers fils et filles d'Angleterre, soyez les bienvenus. Nous adressons tout particulièrement ces souhaits de bienvenue à votre chef, Notre très estimé et très cher Frère en l'apostolat, l'archevêque-évéque de Southwark.
Nous Nous réjouissons de l'expansion du catholicisme en votre mère-patrie. Elle est le fruit de la foi et du sacrifice de tous les siècles écoulés. Puissent vos prières et la perfection chrétienne de vos vies apporter la lumière et la joie à vos frères séparés sur le chemin qui mène à la vérité, en sorte que ces fruits puissent rendre cent pour un et davantage encore.
Nous vous adressons le sincère témoignage de Notre satisfaction. Sur vous et sur tous les êtres chers que vous avez laissés en vos foyers, sur tous ceux que vous désirez faire participer à la bénédiction de votre commun Père, Nous répandons, et de tout Notre coeur, Notre Bénédiction apostolique.
2 D'après le texte anglais de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 121.
Aux pèlerins suisses 3 :
Chers fils et filles du diocèse de Saint-Gall, Nous ressentons une joie toute spéciale de pouvoir vous saluer, avec votre très honoré évêque, dans Notre maison, après avoir eu si souvent le privilège de pouvoir jouir de l'hospitalité de votre ravissante patrie. Le souvenir des jours que Nous avons pu passer chez vous restera toujours marqué de bonheur dans Notre mémoire.
En Notre qualité de Père de toute la famille catholique, qu'il Nous soit permis de vous adresser quelques paroles d'encouragement et d'exhortation. D'abord l'encouragement : il s'adresse à chacun de vous qui collaborez activement à l'Action catholique. Nous avons appris avec une grande satisfaction que les laïcs de l'Action catholique travaillent en étroite collaboration avec leurs curés et suivent fidèlement les instructions de leur évêque. Continuez a développer encore dans toutes les directions cette activité, en collaboration étroite avec l'évêque que la Providence divine vous a donné. Cela fournira un nouvel élan à l'Action catholique. Ensuite une parole d'exhortation à vous tous : vivez si complètement de votre foi, efforcez-vous tellement à la sainteté intérieure, exercez si généreusement l'amour du prochain, que la splendeur de la nature de votre patrie et de vos églises devienne comme le miroir parlant, l'expression fidèle de la beauté et de la perfection de votre vie chrétienne.
En gage de quoi, Nous vous accordons de tout coeur, à vous ici présents, à vos proches dans la patrie, à tous ceux vers lesquels vont, en cet instant, vos pensées et votre affection, la Bénédiction apostolique.
3 D'après le texte allemand de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 117.
LETTRE A S. EM. LE CARDINAL TISSERANT A L'OCCASION DE LA COMMÉMORAISON DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR
(12 mai 1939) 1
Les collèges ruthène et russe de Rome ayant projeté de célébrer solennellement la commémoraison du baptême de saint Vladimir et de son peuple en 950, le Saint-Père a adressé à S. Em. le cardinal Tisserant la lettre suivante :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 258.
C'est avec une joie particulière que Nous avons appris par vous, qui, à la Congrégation de la Curie Romaine pour le gouvernement de l'Eglise orientale, témoignez à Notre égard d'un zèle empressé, que les deux collèges pontificaux, le collège ruthène de Saint-Josa-phat et le collège russe de Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus formaient le projet de commémorer solennellement ici à Rome l'année 950 où saint Vladimir et son peuple furent purifiés par le saint baptême. Lorsque Nous avons appris cette nouvelle, non seulement Nous avons approuvé que soit célébré un triduum de prières dans l'église dédiée au Très Saint Nom de Jésus, mais encore Nous avons décidé pour le dimanche 21 de ce mois de célébrer une messe pontificale selon le rite byzantino-slave dans la basilique patriarcale du Vatican pour que Notre participation à cet événement qui rehausse d'une gloire particulière une si grande part du troupeau du Christ se fasse en quelque sorte plus proche et plus éclatante. Certes, le souvenir presque millénaire du baptême de saint Vladimir et de son peuple réveille en Nous de vifs sentiments de reconnaissance envers le Dieu miséricordieux auteur d'un si grand bienfait et de fidèle vénération pour les âmes généreuses qui l'ont obtenu. Combien en effet de témoignages de foi sont apparus en ce moment propice ! Combien les flammes d'une fervente charité ont brûlé en ce jour qui a lui pour le salut d'un si grand nombre sous d'heureux présages ! Dès lors, il apparaît clairement que là où la doctrine du Christ est connue des hommes et règle leur vie, là aussi les conditions matérielles de la vie humaine s'organisent dans un ordre merveilleux et tous les hommes perçoivent plus profondément la dignité du Fils de Dieu et avec une sagesse plus avisée découvrent les voies et les raisons de la justice et de la paix. Evoquer en effet saint Vladimir, le chef illustre de son peuple, c'est évoquer surtout la grâce surnaturelle qui enflamma son âme quand il fut lui-même régénéré par l'eau et l'Esprit-Saint. Alors en lui refleurirent les germes féconds que, lorsqu'il était enfant, sainte Olga son aïeule avait déposés en lui ; alors cet homme auparavant si fruste, si inculte, pour ne pas dire sauvage et cruel, fut formé à une vraie humanité et, dédaigneux d'une gloire passagère, entreprit avec bonheur de hâter la venue du règne du Christ parmi ses sujets jusque-là assis à l'ombre de la mort. Depuis lors, une grâce si grande s'est développée dans son peuple qu'il est demeuré tout au long des siècles fidèle à Jésus-Christ, attestant de manière éclatante les paroles de vie. Nous ne pouvons pas oublier, chers Fils, que saint Vladimir a eu des rapports fréquents avec ce Siège apostolique et lui a donné de nombreuses preuves de sa dévotion filiale et de la fidélité de son amitié. Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence la fidélité montrée à la Chaire de Pierre et prouvée par le sang versé de la part des catholiques de rite byzantin dont la foule nombreuse constitue en Europe orientale et dans les deux Amériques une part notable de l'Eglise du Christ. Evoquant avec reconnaissance ces souvenirs, Nous Nous associons très volontiers au bonheur proche de ce joyeux événement. Cependant, en regardant la condition présente de la chrétienté en Russie, Nous sommes contraint de déplorer, l'âme angoissée et inquiète, que ce peuple fidèle qui fait remonter son origine ancienne à saint Vladimir et à ses mérites, endure de grandes souffrances à cause du mépris injuste dont est victime la foi catholique, à cause de la guerre abominable déclarée contre le très saint nom de Dieu, à cause de la violence souvent sanglante faite à ceux qui confessent le Christ, Fils unique de Dieu. Aussi, c'est d'une âme suppliante et pressante que Nous adressons Notre prière à la très douce Mère de Dieu que ce peuple vénère et aime tant, pour qu'elle veuille dans sa bonté inspirer aux chefs de l'Etat le sens vrai de la justice, vaine et stérile si elle n'est pas régie par Dieu à qui tout est soumis, et en même temps obtenir pour ses fils abandonnés qu'ils puissent le plus tôt possible jouir de nouveau de la foi chrétienne, don merveilleux du Très-Haut.
Notre prédécesseur lui-même, Pie XI, d'heureuse mémoire, s'adres-sant aux élèves du collège ruthène de Saint-Josaphat le 21 septembre de l'année passée à Castelgandolfo jugea digne de prononcer déjà les paroles suivantes à propos de ce joyeux anniversaire, paroles que Nous faisons Nôtres et que Nous vous confions, Fils très cher, pour qu'avec Nos félicitations et Notre encouragement personnel vous transmettiez la plénitude de la Bénédiction apostolique à tous ceux qui de rite byzantino-slave ou d'autres rites s'uniront à vous pour célébrer, par l'accord de la prière et l'effusion de la charité mutuelle, lien de la perfection, l'année 950 où saint Vladimir et son peuple furent renouvelés par le bain du salut.
ALLOCUTION A L'ÉPISCOPAT ET AUX FIDÈLES DE RITE GREC-MELCHITE
(16 mai 1939) 1
Un groupe de prélats et fidèles de rite grec-melchite conduit à Rome par S. Exc. Mgr drille IX Mogabgab, patriarche d'Antioche des Melchites, fut accueilli le 16 mai par le Saint-Père qui leur dit :
Une autre partie du cher Orient vient donc à Nous en ce jour ! Et elle Nous est amenée par Notre Vénérable Frère le patriarche du rite grec-melchite, qui, portant vaillamment le poids des années, a voulu conduire en personne vers ce Siège apostolique plusieurs évêques et prêtres du même rite.
Par une heureuse circonstance, au milieu de vous se trouve celui-là même qui possède au coeur de son diocèse un des joyaux de l'Eglise catholique, Nous voulons dire cette bourgade de Césarée de Philippe, appelée aujourd'hui Banias, où le Christ Jésus daigna choisir Pierre, en récompense de son ardente foi, pour en faire le premier et suprême Pasteur. C'est un grand honneur pour tout le rite grec-melchite d'être comme le gardien providentiel de l'endroit où Jésus remit au Prince des apôtres les clefs du royaume des cieux. Le successeur de Pierre vous demande aujourd'hui de travailler avec lui à ouvrir largement aux âmes les portes de cette patrie céleste, dont l'Eglise catholique est le vestibule assuré.
Nous l'avons déjà dit à d'autres de Nos fils d'Orient ; Nous aimons à vous le redire, à vous, héritiers d'un très noble et très ancien rite : de nos jours, où sous l'action de l'Esprit de Dieu tant d'âmes ressentent le besoin de l'unité, votre rôle peut et doit être magnifique. Ces basiliques du Haurân et de la Syrie, où se déroulèrent si tôt et pendant si longtemps les splendides liturgies byzantines, et dont certaines semblent n'attendre qu'une simple restauration pour accueillir encore les foules priantes, Nous apparaissent comme un symbole et vous redisent un appel.
L'heure est venue où les fils de la maison doivent redoubler de zèle pour montrer à leurs frères la demeure qu'ils cherchent et les aider à en franchir le seuil accueillant. Animés par l'exemple de vos grands docteurs, les Athanase, les Cyrille, les Chrysostome, les Jean Damascène, forts des mérites acquis par vos martyrs, travaillez à promouvoir en Orient le règne du Christ dans l'unité.
Avec cet espoir de Notre coeur de Père, et comme gage des faveurs du ciel, Nous vous donnons de toute Notre âme, à vous, Vénérable Frère, patriarche du rite grec-melchite, à Nos Vénérables Frères les évêques, à tous Nos chers fils, prêtres, religieux et fidèles de votre rite, dispersés en Syrie, au Liban, en Palestine, en TransJordanie, dans l'Irak, en Egypte et ailleurs, à vos oeuvres, à vos associations, à vos bienfaiteurs et collaborateurs, la Bénédiction apostolique par vous implorée.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(17 mai 1939)1
L'Ascension, fête de la joie et de l'espérance.
Elles sont toujours chères à Notre regard et plus chères encore à Notre coeur, ces assemblées de jeunes époux venus pour recevoir la bénédiction du Père commun des âmes, une bénédiction qui entend être et est réellement un signe et un gage de la bénédiction de Dieu.
Mais il Nous est plus agréable encore de vous accorder audience à la veille de l'Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ. L'Ascension, c'est la fête de la joie pure, de l'espérance sublime, des saints désirs ; et la solennité de vos noces, chers époux, semble un reflet de cette fête, puisque dans le mariage chrétien que vous avez célébré au saint autel, tout semble susciter et annoncer la joie, l'espérance, les désirs, les projets. Afin que ces sentiments, qui ont réjoui et qui réjouissent encore vos coeurs, soient profondément sincères et durables, unissez-les à ceux que vous suggère la fête de demain.
Que votre joie soit pure comme celle des Apôtres, qui, après avoir assisté à la glorieuse Ascension du Seigneur, descendirent du Mont des Oliviers (Ac 1,12), cum gaudio magno (Lc 24,52), le coeur débordant de joie : de joie pour la gloire de Jésus, qui couronnait sa vie terrestre par cette entrée triomphale au ciel, de joie pour leur bonheur éternel, qu'ils entrevoyaient dans le triomphe du divin Maître.
C'est sur ces motifs, très chers enfants, que doit reposer votre joie pour être vraie et pure ; et comme ces motifs ne sauraient jamais manquer, votre joie ne sera jamais sujette aux changements des joies éphémères que promet le monde : Pacem meam do vobis, non quomodo mundus dat, ego do vobis, avait dit Jésus. « Je vous donne ma paix, je ne la donne pas comme la donne le monde » (Jn 14,27).
Fondée sur l'espérance la plus sûre, la joie de ce jour se perpétue et se dilate dans le coeur des fidèles : « Je vais vous préparer une place au ciel » (Jn 14,2) dit Notre-Seigneur ; et II ajoutait : « Vous recevrez la force du Saint-Esprit, qui descendra sur vous » (Ac 1,. Promesses magnifiques : la promesse du ciel et la promesse des dons du Saint-Esprit. Tout cela doit animer votre foi, alimenter et renforcer votre espérance, élever vos pensées et vos désirs. C'est la prière de l'Eglise dans la sainte liturgie : « Accordez-nous, Dieu tout-puissant, nous vous en supplions, à nous qui croyons que votre Fils unique, notre Rédempteur, est monté aujourd'hui au ciel, accordez-nous d'y habiter aussi nous-mêmes en esprit »2 et, parmi les vicissitudes de ce monde, fixez nos coeurs là où sont les vraies joies : inter mundanas varietates ibi nostra fixa sint corda, ubi vera sunt gaudia 3.
Nous vous bénissons, chers époux, au nom de ce même Jésus qui bénit les Apôtres et les premiers disciples lors de sa montée au ciel : dum benediceret illis, recessit ab eis et ferebatur in coelum (Lc 24,51).
\scension.
Ve dimanche après Pâques.
DISCOURS LORS DE L'ENTRÉE SOLENNELLE DANS L'ARCHIBASILIQUE DU LATRAN
(18 mai 1939) 1
En ce jour de l'Ascension, Pie XII se rendit à l'archibasilique du Latran, sa cathédrale, pour en prendre solennellement possession.
Nous éprouvons une très grande joie, Vénérable Frère, pour la chaleur de vos voeux religieux et dévoués que le premier vous avez voulu Nous présenter dans un langage choisi lors de Notre entrée dans la cathédrale de Rome selon le rite pontifical légué par nos ancêtres. Nous remercions aussi du fond du coeur ceux dont vous avez interprété les sentiments de parfait attachement à Notre personne, et particulièrement Notre Vénérable Frère le cardinal archiprêtre, dont l'absence est due à une mauvaise santé, et aussi le chapitre et le clergé de la basilique majeure du Latran. Vous tous qui êtes ici et qui Nous êtes très chers, Nous Nous réjouissons de votre affluence que Nous avons désirée et aimée. C'est en effet une raison commune de se réjouir, c'est une cause universelle de joie que, puisque les membres de l'Eglise sont rassemblés et liés par les chaînes de l'unité mystique, le bonheur que donne la renommée du pasteur s'étende à tout le troupeau ; la raison de l'honneur qui Nous est rendu est vraie et louable si dans la modestie de Notre personne on reconnaît Pierre, on honore Pierre, dont le pouvoir vénérable est encore vivant dans son indigne héritier. Les cérémonies que Nous présidons conviennent éminemment à la fête que les chrétiens célèbrent aujourd'hui par toute la terre d'un même coeur dans le désir sincère d'accomplir leur devoir. Nous pénétrons dans le temple du Très Saint Sauveur au jour même où Notre Très Doux Rédempteur que nous fêtons aujourd'hui est entré dans l'éternel séjour du ciel. Après avoir pendant quarante jours manifesté à ses apôtres par des preuves multiples et évidentes qu'il était ressuscité du tombeau, il emporta dans le palais céleste le triomphe obtenu sur la mort et il s'éleva au-dessus des hiérarchies angéliques à la droite de Dieu le Père pour obtenir le trône qui demeure à jamais. Que si tout temple de pierre est en quelque sorte l'image du royaume céleste où le Christ est monté, alors même la basilique très sainte du Latran en reproduit une image plus vénérable encore, elle qui, la première en dignité, garde d'événements illustres un souvenir qui la fait resplendir parmi les monuments de l'antiquité. C'étaient ici autrefois le magnifique palais des Laterani, la demeure de Fausta. La main puissante de l'empereur Constantin, qui anéantit les tyrans cruels et affranchit l'Eglise, fit élever ici un temple en l'honneur du divin Rédempteur, qui tout au long des siècles transformé, écroulé, reconstruit mais immortel, dresse maintenant encore son faîte élancé vers le ciel. Cette basilique appelée le palais de Dieu et le nouveau mont Sinaï fut le lieu remarquable d'où des décrets apostoliques et des conciles oecuméniques régulièrement convoqués apportèrent au monde en péril les lois du salut. C'est avec raison qu'elle est parée de l'honneur d'une telle distinction. « L'église du Latran, dit saint Pierre Damien, de même qu'elle est désignée sous le nom du Sauveur qui est vraiment le chef de tous les élus, de même elle est la mère et la couronne et la tête de toutes les églises de la terre. » 2
Evoquant l'heureux souvenir du pape Pie XI Notre glorieux prédécesseur, venu après la conclusion des accords du Latran dans cette basilique sous des présages favorables, et faisant suite avec enthousiasme à ses desseins, Nous implorons la paix pour tous, Nous souhaitons vivement la paix pour cette demeure de Dieu. « Que la paix éternelle de la part de l'Eternel soit à cette maison. Paix durable, que le Verbe de Dieu soit la paix pour cette maison. Que le consolateur apporte la paix à cette maison. » 3
Que la paix évangélique, que la grâce de l'Esprit-Saint, que la sérénité d'une espérance ferme, que la vraie charité, que la miséricorde surabondent à jamais en vous qui Nous entourez, et en heureux présage Nous vous bénissons de tout coeur.
Epist., 2, i.
Pontifical Romain, de la dédicace d'une église.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS SLOVÈNES
(24 mai 1939) 1
Le 24 mai, le Souverain Pontife reçut en audience générale de nombreux jeunes couples, un pèlerinage de Slovénie et d'autres fidèles, et prononça ce discours :
Aux jeunes époux.
Nous Nous sentons vraiment heureux et profondément ému de vous voir ici, chers époux, vous dont la bénédiction nuptiale a sanctifié et consacré l'amour et qui avez déposé au pied de l'autel la promesse d'une vie chrétienne toujours plus intense. Dorénavant vous vous sentirez une double obligation de vivre en vrais chrétiens : Dieu attend des époux qu'ils soient des conjoints chrétiens et des parents chrétiens.
Mission des nouvelles familles.
Jusqu'à hier vous avez été des enfants soumis aux devoirs propres aux enfants ; mais dès l'instant de votre mariage vous voilà devenus des fondateurs de nouvelles familles, aussi nombreuses que les couples d'époux qui Nous entourent.
Nouvelles familles destinées à alimenter un avenir qui se perd dans les secrets de la divine Providence. Familles destinées à alimenter la société civile de bons citoyens soucieux de procurer à la cité ces biens dont jamais peut-être le besoin ne s'est fait sentir comme aujourd'hui : le salut et la sécurité. Familles destinées à alimenter l'Eglise de Jésus-Christ, parce que c'est des nouvelles familles que l'Eglise attend de nouveaux enfants de Dieu qui obéissent à ses saintes lois. Familles destinées enfin à préparer de nouveaux citoyens à la patrie céleste, au terme de cette vie temporelle.
Mais ce grand bien que vous êtes appelés à réaliser dans votre nouvel état de vie, vous ne pouvez y compter que si vous vivez en époux chrétiens et en parents chrétiens.
Vivre chrétiennement dans le mariage, c'est accomplir fidèlement, outre les devoirs communs à tout chrétien, à tout enfant de l'Eglise catholique, les obligations propres à l'état conjugal. L'apôtre saint Paul, écrivant aux premiers époux chrétiens d'Ephèse, mettait en relief leurs mutuels devoirs et les ramassait en une vigoureuse formule : « Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l'Eglise » (Ep 5,22-23). « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle » (Ep 5,25). « Et vous, pères, n'exaspérez pas vos enfants, mais élevez-les en les corrigeant et en les avertissant selon le Seigneur » (Ep 6,4).
Tout en vous rappelant, chers époux, l'observance de ces devoirs, Nous formons les meilleurs voeux pour vous et Nous vous accordons la bénédiction que vous êtes venus demander au Vicaire de Jésus-Christ et que Notre prière souhaite abondante, et pour les familles dont vous sortez et pour les nouvelles que vous venez de fonder.
Après quelques phrases de bienvenue prononcées en slovène, le Saint-Père poursuivit en italien, s'adressant aux pèlerins de Ljubljana.
Nous voulons souhaiter une bienvenue particulièrement cordiale à Notre cher et vénéré Frère, l'évêque du diocèse de Ljubljana, à ses prêtres, aux représentants de la Ligue culturelle catholique Slovène et à tous ceux qu'il a conduits vers Nous en si grand nombre.
Protégez et défendez, chers fils, celle qui est la base fondamentale de toute civilisation humaine et surtout chrétienne, dont l'affaiblissement ou la presque totale décomposition dans ' quelques pays Nous remplit de graves préoccupations, mais qui chez vous, par contre — et vous pouvez en être saintement fiers — est restée à peu près intacte : Nous voulons parler de la famille saine et chrétienne. Soutenez aussi l'école catholique, qui en est comme l'intégration et le complément. C'est pour Nous un grand réconfort de savoir combien est florissante votre vie religieuse et combien vous vous efforcez de la rendre toujours plus intense en vous inspirant des buts élevés que vous suggèrent la dévotion au Coeur Sacré de Jésus, la Congrégation mariale et l'Action catholique. Ayez soin de consolider toujours davantage ce que l'on pourrait appeler la colonne vertébrale de votre culture religieuse : la forte conscience, la franche profession de votre foi catholique et l'intime union avec ce Siège apostolique, qui a toujours été et sera toujours le secret de votre grandeur et de votre fidélité. Ainsi vous serez du même coup de bons Slovènes, très fidèles à votre chère patrie, pour laquelle Nous implorons de Dieu une durable prospérité et une large bénédiction.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(31 mai 1939) 1
Recevant en audience générale des jeunes époux, des jeunes gens de l'Association « Dante e Leonardo » et de nombreux autres pèlerins, le Souverain Pontife s'adressa successivement à chacun des groupes.
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 145 ; traduction française des 'cours aux jeunes époux, t. I, p. 22.
Aux jeunes époux.
Nous adressons comme d'habitude Notre paternel salut avant tout aux jeunes époux, et Nous ne pouvons aujourd'hui Nous empêcher d'attirer leur attention sur une circonstance spéciale de cette audience publique, où leur présence occupe une place si importante.
Marie, modèle des vertus domestiques.
Il va finir, le mois de mai, que vous avez, chers enfants, selon la sainte tradition de tout le peuple chrétien, cojsacré de pieux hommages à la Sainte Vierge ; il va finir le mois de mai, o, répondant avec élan à Notre `ppel, vous avez uni votre prière à la NT'f4tre pour le retour de la paix dans le monde.
Oui, il est à son déclin, le mois de mai ; mais elle ne doit pas décliner, dans vos coeurs, la dévotion si salutaire et si douce envers la Mère de Dieu, car c'est surtout de votre constante fidélité à la pratiquer que vous pouvez vous promettre de précieux fruits de bénédiction et de grâce.
Continuez donc à la pratiquer dans les manifestations publiques et dans la vie privée, dans les églises et dans les foyers. Qu'à Marie aille le tribut quotidien de votre vénération et de vos prières, l'hommage de votre filiale confiance et de votre tendre amour envers cette Mère de bonté et de miséricorde.
Mais n'oubliez pas, époux chrétiens, que la dévotion mariale ne saurait se dire véritable et efficace, si elle n'est pas vivifiée par l'imitation des vertus de celle que vous honorez.
La Mère de Jésus est en effet un modèle achevé des vertus domestiques dont doit briller l'état de mariage. En Marie vous trouvez l'affection la plus pure, la plus sainte et la plus fidèle, une affection toute de sacrifices et d'attentions délicates envers son très chaste époux ; en Elle vous trouvez un entier et incessant dévouement aux soins de la famille et du foyer ; en Elle, une foi parfaite et l'amour de son divin Fils ; en Elle, l'humilité, que manifestent sa soumission à Joseph, son inaltérable et sereine patience au milieu des incommodités de la pauvreté et du travail, sa pleine conformité aux dispositions souvent dures et pénibles de la divine Providence, sa douce amabilité pour tous ceux qui approchaient la sainte maisonnette de Nazareth.
Voilà, chers enfants, à quel point vous devez porter votre dévotion mariale, si vous voulez qu'elle constitue une source toujours vive de faveurs spirituelles et temporelles et de bonheur vrai. Faveurs et bonheur que Nous demandons pour vous à la Sainte Vierge et dont Nous vous donnons un gage dans Notre Bénédiction apostolique.
Aux étudiants membres de l'association * Dante e Leonardo ».
Et maintenant à vous, chers jeunes gens, qui, réunis sous les auspices de Dante e Leonardo — deux très pures gloires chrétiennes — venez Nous confirmer, à l'occasion du trentième anniversaire de votre association, votre inébranlable résolution de servir le Père commun des fidèles, comme vous auriez servi Jésus sur la terre, Nous voulons rappeler les engagements que ce service vous impose dans le cadre de vos obligations scolaires, qui occupent actuellement et doivent occuper une si grande part de votre vie.
Au milieu de vos études — littéraires ou scientifiques — par lesquelles vous vous préparez à entrer dans le monde de la culture, et partant dans les classes dirigeantes, vous devez maintenir d'autant plus élevé le rythme de votre travail et d'autant plus limpide la pureté de votre vie, que plus noble est la mission que vous avez acceptée, montrer par votre exemple l'harmonie magnifique de la science avec la foi, et ainsi tenir bien haut, au milieu du monde savant, le nom de Jésus-Christ et de son Eglise. Voilà ce que Nous vous demandons, chers jeunes gens, qui êtes Notre espérance ainsi que celle de vos familles et de la société. Et Nous demandons à Dieu que vous en ayez la profonde conscience et la volonté ardente et efficace. Que l'Esprit Consolateur, dont nous célébrons aujourd'hui la merveilleuse mission et qui est la force des croyants — Spiritus fortitudinis — vous soutienne dans vos combats, intérieurs et extérieurs, contre l'erreur et contre le mal ; qu'il vous donne dans le bon combat la joie toujours vaillante de vous sentir les membres de la milice chrétienne, apôtres de la Vérité et du Bien, dignes de cette nombreuse jeunesse qui s'est dévouée au Christ aux heures solennelles de l'histoire ancienne et récente de l'Eglise.
Avec ces voeux, qui correspondent pleinement aux vôtres et aux voeux de ceux qui vous assistent et vous dirigent, Nous invoquons sur votre association la grâce de la plus féconde vitalité et les plus insignes bénédictions du Ciel.
Le Saint-Père a salué ensuite les autres pèlerins en ces termes :
Pour finir, Nous voulons, comme toujours, saluer aussi tous Nos fils et filles présents, en tout premier lieu le groupe nombreux des femmes d'Action catholique, qui, sous la conduite de Notre cher et vénéré Frère, l'Abbé de Subiaco, sont venus en pieux pèlerinage à Rome puiser aux pieds de Notre-Dame « Salus Populi Romani » de nouvelles lumières et de nouvelles forces pour les oeuvres de leur saint et généreux apostolat. A vous tous, à toutes vos familles, à toutes les personnes qui vous sont chères et pour lesquelles vous la désirez, Nous donnons la plus large et paternelle bénédiction, de même que Nous entendons bénir tous les objets de dévotion que vous avez apportés avec vous dans cette intention.
(4 mai 1939) 1
Aux paroles d'hommages que lui adressait ce jour S. Exc. le Dr Henri Ruiz Guinazu, nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République d'Argentine, le Souverain Pontife a répondu ainsi :
Les paroles prononcées par Votre Excellence présentant les lettres de créance, par lesquelles S. Exc. M. le président de la République d'Argentine vous accrédite, en remplacement de M. le Dr Don Carlos de Bstrada si estimé et aimé de Nous, comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès du Saint-Siège, sont pour Nous qui professons une affection si paternelle pour le peuple argentin une preuve très agréable que Votre Excellence, avec toute l'ardeur que lui inspire l'amour de sa patrie et les traditions profondément catholiques de ce pays privilégié, aura comme grande préoccupation celle de consolider toujours plus les heureuses relations qui existent entre le Saint-Siège et la nation argentine.
Quand l'Eglise et l'Etat imprègnent leurs mutuelles relations de l'esprit, qui, Monsieur l'ambassadeur, resplendit dans vos paroles, il se crée entre les deux pouvoirs cette atmosphère de cordialité réciproque et de loyal appui qui correspond aux intimes aspirations du très fidèle peuple argentin : de cette collaboration il a recueilli tant de bienfaits dans le passé et elle constitue la base la plus sûre pour son développement ultérieur vers les chemins de la prospérité et de la paix.
Au milieu des graves problèmes qui, à l'heure présente, pèsent sur les peuples et les inquiètent, la noble adhésion de Votre Excellence à l'idée d'une entente internationale pour chercher la solution des divergences qui peuvent surgir dans l'application des principes de la justice et de l'esprit de fraternité, constitue un pronostic dont Nous sommes amené à apprécier à sa valeur l'importance symbolique surtout au moment présent. Nous ne voulons pas manquer d'en exprimer Notre reconnaissance au peuple argentin, à son gouvernement et à Votre Excellence qui les représente si dignement. Pour cela, Nous demandons de tout coeur au Seigneur que cet esprit de compréhension consciente et généreuse trouve des défenseurs et des collaborateurs toujours plus nombreux et plus décidés dans toutes les nations et tous les peuples et facilite toujours davantage le chemin vers la restauration et le perfectionnement de la paix intérieure fondée sur la justice et la charité fraternelle.
Dans le parc de Palermo de la capitale de l'Argentine, durant les jours inoubliables du Congrès eucharistique international que Nous avons présidé comme légat de Notre prédécesseur de glorieuse mémoire, Nous avons imploré au milieu d'une immense multitude cette même paix, tandis que les drapeaux de toutes les nations entouraient le gigantesque autel et que le chef de l'Etat, à la face du monde en une heure bénie entre toutes, consacrait son pays et son peuple au Christ le roi de la paix. C'est en souvenir de ces heures indélébilement gravées dans Notre Coeur, où Nous Nous sentîmes si proches du coeur du peuple argentin, que Nous demandons à Votre Excellence de se faire l'interprète auprès de S. Exc. M. le président de la République, des membres du gouvernement et de toutes les classes sociales de ce peuple si aimé, des sentiments paternels que Nous nourrissons pour eux tous et des voeux fervents que Nous formulons pour le bien et le bonheur de cette très noble nation qui Nous est si chère.
RADIOMESSAGE AU XIIe CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL FRANÇAIS A ALGER
(7 mai 1939) 1
Près de 500 000 personnes ont assisté au XIIe Congrès eucharistique national français qui s'est tenu à Alger, du 3 au 7 mai, sous la présidence de S. Em. le cardinal Verdier, légat pontifical. Cette manifestation en l'honneur de l'Eucharistie se clôtura par le radiomessage du Saint-Père, qui parla en français :
Pour la douzième fois, très chers fils de la noble nation française, vous voici réunis par milliers autour du Christ, présent dans l'Eucharistie, afin de lui offrir ensemble un hommage solennel d'adoration réparatrice.
Au cours des dernières années, l'Afrique a vu déjà plus d'une cérémonie de ce genre. Carthage, se souvenant d'avoir été la glorieuse métropole de l'Eglise nord-africaine et d'avoir abrité dans ses murs plus de trente conciles, donna le branle avec son congrès eucharistique international. Puis, le mouvement s'est étendu en des congrès régionaux ou nationaux, jusqu'à l'Afrique australe, au Congo, à Madagascar, à Tripoli et ailleurs.
Aujourd'hui, c'est sur les côtes, longtemps appelées barbaresques, qu'est célébré le triomphe de l'Hostie, et Notre coeur tressaille de joie, tandis que Nous y prenons part doublement. Car Nous y sommes présent de deux manières : visiblement, en la personne de celui que Nous avons choisi comme légat pour présider, en Notre nom, à ces Journées eucharistiques, Notre très cher Fils le cardinal archevêque de Paris ; invisiblement, mais véritablement aussi, par Nos prières unies à celles de vos foules saintement enthousiastes.
1 D'après le texte français des A. A. S., XXXI, 1939, p. 221.
Ni les flots mouvants de la mer, ni le fracas des armements qui en ébranlait les rivages n'ont pu faire hésiter votre élan mystique : la « bonne Mère de la Garde » vous conduisait vers Notre-Dame d'Afrique et, dans cette Hostie rayonnant sur l'une et l'autre colline, la foi vous montrait le Prince et l'Auteur même de la paix, cette paix si ardemment souhaitée par notre humanité inquiète.
Voilà ce qui vous attirait et encourageait. Voilà ce qui Nous unit intimement à vous en ce mois de mai que Nous voudrions tout entier consacré à la prière universelle (aux prières des enfants surtout, ces privilégiés du Sauveur), pour faire descendre du ciel sur la terre, par les mains de la Vierge immaculée, la paix promise aux hommes de bon vouloir : paix dans les âmes troublées par les appels et les séductions des fausses doctrines, paix entre les nations frémissantes dans une incessante anxiété.
Pourtant, si vous êtes venus ici tenir vos assises eucharistiques, c'est surtout, Nous ne l'ignorons point, afin d'y célébrer le centenaire d'un événement à jamais mémorable pour l'Eglise et pour la France.
Il y a un siècle, en effet, que le premier évêque d'Alger fut installé dans sa cathédrale. Ainsi renaissait après huit cents ans de mort apparente cette province ecclésiastique d'Afrique qui avait jadis compté quelque cinq cents évêques et qui, dans la pléiade de ses martyrs, de ses pontifes et de ses vierges, voit briller à jamais l'incomparable docteur d'Hippone, Augustin, l'un des plus éclatants génies que Dieu ait donné à l'Eglise et au monde.
Mais en 1839, Alger, la ville blanche, dressant ses terrasses sur la mer comme un défi au peuple chrétien ; Alger, la cité des larmes et du sang, où avaient pleuré, prié, souffert et donné leur vie pour le Christ des milliers de captifs, ne comptait plus que quatre prêtres.
Or, voici que sur un des minarets s'élève la croix du Christ et Alger devient soudain la porte lumineuse par où pénétrera chaque jour plus rapidement, jusqu'au coeur du continent noir, le flambeau de la révélation.
Renaissance admirable, vie nouvelle débordant de sève surnaturelle ! Aujourd'hui, de nombreux évêques ou vicaires apostoliques, des centaines de prêtres venus de diverses nations chrétiennes ou issus de familles indigènes, plusieurs millions de fidèles attestent à travers l'Afrique l'éternelle jeunesse de l'Eglise, l'inépuisable fécondité de la grâce divine servie par l'effort humain.
C'est pourquoi Notre Bénédiction s'élance affectueusement vers vous, d'abord, fils de cette France dont il Nous était donné, il y a deux ans, d'évoquer les grandes destinées religieuses sous les voûtes de Notre-Dame de Paris. Mais cette Bénédiction va plus loin encore : vers vous, néophytes et catéchumènes dispersés dans les missions d'Afrique ; vers vous tous, enfin, hommes modestes dont les âmes, comme la Nôtre, ont été rachetées par le sang du Dieu fait homme. A ce Christ Jésus, toutes les nations ont été données en héritage ; et de cet héritage, la Providence Nous a constitué le gardien ; de cette humanité, Dieu Nous a fait le Pasteur et le Père.
Qu'elle descende donc sur tous, la Bénédiction divine, fruit du sang répandu pour tous par le Sauveur caché mais présent dans l'Eucharistie !
ALLOCUTION A LA COLONIE ESPAGNOLE DE ROME
(8 mai 1939) 1
Le 8 mai, à la colonie espagnole de Rome venue lui exprimer ses sentiments de filiale dévotion, Sa Sainteté exprima ses voeux pour une nouvelle ère de paix et de grandeur en faveur de la catholique Espagne.
Nous souhaitons une très cordiale bienvenue à Votre Excellence, Monsieur l'ambassadeur, et à la colonie espagnole de Rome réunie dans Notre maison qui est aussi votre maison paternelle. Vous formez une colonie nombreuse et illustre, qui Nous fait songer avec complaisance à l'imposant cortège d'ambassadeurs vraiment catholiques, de sages théologiens et conseillers, de fils dévoués et généreux qui, au cours des siècles, ont accompagné à Rome le Père commun des fidèles, prenant part à ses peines et à ses joies, et mettant au service du Saint-Siège la saine théologie et le zèle missionnaire de l'Espagne.
Cependant, une circonstance particulière donne un relief particulier à la présente audience. Vous êtes venus pour Nous exprimer votre gratitude au nom de toute votre très noble nation et de son illustre chef pour Notre message radiophonique. Ce fut pour Nous un motif de particulière satisfaction, en premier lieu de pouvoir vous adresser Nos félicitations et Nos salutations à l'heure où l'Espagne, au lendemain de la victoire, inaugurait sa nouvelle époque de pacification et de grandeur. Et maintenant Notre coeur est au comble de la joie d'entendre que Nos félicitations et Notre exhortation à la paix et à de nouveaux destins vraiment catholiques pour l'Espagne ont trouvé un écho si profond et prolongé chez Nos fils et filles très aimés de la nation espagnole.
Votre palais d'Espagne, Monsieur l'ambassadeur, est spécialement lié au culte de Marie Immaculée. La place d'Espagne est la place du monument élevé en l'honneur de l'Immaculée Conception. Nous avons tous à prier en ce mois de mai la Vierge très sainte pour que, en récompense de la vénération et de l'amour qu'on a toujours professés pour elle sur la terre d'Espagne et dans les coeurs espagnols, elle daigne obtenir de son divin Fils bonheur et bénédictions pour vos familles, une jeunesse pure et remplie de saine joie pour vos fils, prospérité et avenir heureux pour votre économie, force et impulsion de l'Esprit-Saint pour votre vie religieuse, et pour toute votre patrie qui Nous est si chère, la paix intérieure et extérieure, totale et durable. En gage de tout cela, Nous vous donnons à vous et à tous les vôtres, à toutes les personnes que vous portez dans votre esprit et dans votre coeur, et à tous les objets que vous avez apportés avec vous à cette audience, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A L'ÉPISCOPAT ET AU PEUPLE MARONITES
(9 mai 1939)1
Le 9 mai, le Souverain Pontife recevait en audience une délégation de l'êpiscopat maronite présentée par S. Exc. Mgr Abdallah Kouri, vicaire général du patriarcat d'Antioche des Maronites, à laquelle s'étaient jointes de nombreuses personnalités de la colonie maronite de Rome. A leur adresse de filial hommage, le Saint-Père répondit par ces paroles :
La délégation envoyée vers Nous par Notre Vénérable Frère le patriarche maronite a évoqué le souvenir des rois mages qui, suivant l'étoile miraculeuse, venaient trouver le Roi Jésus à l'aurore de sa vie terrestre.
Comme le Sauveur ouvrit pour les accueillir ses bras et son Coeur, ainsi Nous vous ouvrons bien larges Nos bras et Notre coeur, non pas certes comme aux prémices de la gentilité, mais comme à des fils très chers appelés à faire rayonner toujours davantage en Orient la lumière catholique.
Le très aimé peuple maronite, qui parmi ses rochers et ses cèdres a su garder intact le divin trésor de la foi, héritage de ses pères, voudra, Nous en sommes sûr, répondre à Nos intimes désirs et à Notre appel, en s'efforçant de faire partager à tous ceux qui vivent sur le même sol que lui le bien inestimable de cette foi chrétienne, catholique et romaine. Que votre ferveur contribue à rendre, à ce cher Orient où parut Jésus, la vraie et éternelle Lumière, cette place unique qui fut la sienne à l'aurore de notre rédemption.
Les liens qui depuis si longtemps unissent votre nation à ce Siège de Rome n'ont pas besoin d'être renoués ; comme vos cèdres éternels, ils sont incorruptibles. Mais que ces liens soient toujours plus étroits ! Un saint amour peut toujours grandir, une union toujours devenir plus intime. Et c'est parce qu'il est sûr de vous, que le Père commun reçoit avec joie le témoignage renouvelé de votre fidélité et de votre amour filial.
Unis au pape, c'est-à-dire unis à saint Pierre, unis à vos chefs religieux, patriarche et évêques, vous avez déjà vu et fait de grandes choses. Nous en attendons de plus grandes encore. Notre coeur paternel le souhaite pour votre cher Orient, Nos mains se joignent pour l'obtenir. Puissiez-vous être, Nos très chers fils de la nation maronite aux premiers rangs de ceux qui font resplendir la Lumière et conduisent vers elle tant de chères brebis, attendant qu'une main leur ouvre la porte du bercail.
A cette intention et comme gage de Notre affection paternelle, Nous vous accordons à vous et à tous ceux que vous représentez la Bénédiction apostolique.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS ANGLAIS ET SUISSES
(10 mai 1939)
Recevant en audience générale de nombreux nouveaux époux, un groupe important de pèlerins du diocèse de Saint-Gall conduits par leur évêque, S. Exc. Mgr Meile, et une centaine de pèlerins anglais du diocèse de Southwark avec leur archevêque, S. Exc. Mgr Amigo, le Saint-Père s'adressa successivement à chaque groupe de fidèles, leur parlant dans leur langue :
Aux jeunes époux. 1
Nous saluons cordialement les nouveaux mariés, que Nous voyons venir de plus en plus nombreux à ces audiences publiques. Salut d'autant plus cordial que Nous vous l'adressons dans la joie de ce mois de mai, que la piété du peuple chrétien a voulu consacrer particulièrement au culte de la Sainte Vierge.
La dévotion à Marie, patronne des familles.
Appelés à constituer de nouvelles familles, vous voulez sans doute leur donner un caractère essentiellement et profondément chrétien et un solide fondement de bien-être et de bonheur. Eh bien ! c'est par la dévotion à Marie que vous y arriverez. Marie a de nombreux titres à être considérée comme la patronne des familles chrétiennes, et celles-ci ont tout autant de motifs d'espérer d'elle une assistance particulière.
De la famille, Marie a connu les joies et les peines, les événements joyeux et les événements tristes, la fatigue du travail quotidien, les incommodités et les privations de la pauvreté, le déchirement des séparations. Mais elle a connu aussi les ineffables joies de la vie de famille, heureuse de l'amour le plus pur d'un très chaste époux, heureuse du sourire et des tendresses d'un Fils qui était en même temps le Fils de Dieu.
Le coeur miséricordieux de la Sainte Vierge compatira donc aux nécessités des familles, elle leur apportera le réconfort dont elles sentiront le besoin au milieu des inévitables douleurs de la vie présente, et sous son regard maternel les douceurs du foyer deviendront plus pures et plus sereines. La Sainte Vierge ne se contente point en effet d'avoir connu par expérience les graves nécessités des familles ; tendre Mère de miséricorde, elle veut les soulager.
Bienheureux, oui, bienheureux les époux qui commencent leur nouvelle vie avec ces dispositions de piété et de confiance, avec la sainte résolution d'établir leur foyer sur le fondement inébranlable de la religion ! Dispositions qu'ils légueront toutes, comme un précieux héritage, aux chers enfants que Dieu voudra leur donner.
Mais ne l'oubliez pas, très chers fils et filles, pour être vraie et solide et partant féconde en fruits et en grâces, la dévotion à Marie doit être vivifiée par l'imitation de la vie même de Celle que nous aimons à honorer.
La Mère divine est surtout un modèle parfait des vertus domestiques dont l'état des époux chrétiens doit briller. En Marie vous trouverez un amour pur et fidèle envers son très chaste époux, amour fait de sacrifices et de délicates attentions ; en Marie vous trouverez un dévouement parfait et continuel aux soins de la famille et du foyer, aux soins de son époux et surtout de Jésus ; en elle vous trouverez une humilité que manifestent son affectueuse soumission à saint Joseph, sa patiente résignation aux dispositions, si souvent dures et pénibles, de la divine Providence, son amabilité et sa charité envers tous ceux qui approchaient de l'humble maison de Nazareth.
Puisse votre dévotion à Marie, ô époux chrétiens, former une source toujours vive de faveurs célestes et de vrai bonheur, faveurs et bonheur dont vous recevez un gage dans la Bénédiction apostolique que Nous vous accordons de grand coeur.
Aux pèlerins anglais 2 :
Chers fils et filles d'Angleterre, soyez les bienvenus. Nous adressons tout particulièrement ces souhaits de bienvenue à votre chef, Notre très estimé et très cher Frère en l'apostolat, l'archevêque-évéque de Southwark.
Nous Nous réjouissons de l'expansion du catholicisme en votre mère-patrie. Elle est le fruit de la foi et du sacrifice de tous les siècles écoulés. Puissent vos prières et la perfection chrétienne de vos vies apporter la lumière et la joie à vos frères séparés sur le chemin qui mène à la vérité, en sorte que ces fruits puissent rendre cent pour un et davantage encore.
Nous vous adressons le sincère témoignage de Notre satisfaction. Sur vous et sur tous les êtres chers que vous avez laissés en vos foyers, sur tous ceux que vous désirez faire participer à la bénédiction de votre commun Père, Nous répandons, et de tout Notre coeur, Notre Bénédiction apostolique.
2 D'après le texte anglais de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 121.
Aux pèlerins suisses 3 :
Chers fils et filles du diocèse de Saint-Gall, Nous ressentons une joie toute spéciale de pouvoir vous saluer, avec votre très honoré évêque, dans Notre maison, après avoir eu si souvent le privilège de pouvoir jouir de l'hospitalité de votre ravissante patrie. Le souvenir des jours que Nous avons pu passer chez vous restera toujours marqué de bonheur dans Notre mémoire.
En Notre qualité de Père de toute la famille catholique, qu'il Nous soit permis de vous adresser quelques paroles d'encouragement et d'exhortation. D'abord l'encouragement : il s'adresse à chacun de vous qui collaborez activement à l'Action catholique. Nous avons appris avec une grande satisfaction que les laïcs de l'Action catholique travaillent en étroite collaboration avec leurs curés et suivent fidèlement les instructions de leur évêque. Continuez a développer encore dans toutes les directions cette activité, en collaboration étroite avec l'évêque que la Providence divine vous a donné. Cela fournira un nouvel élan à l'Action catholique. Ensuite une parole d'exhortation à vous tous : vivez si complètement de votre foi, efforcez-vous tellement à la sainteté intérieure, exercez si généreusement l'amour du prochain, que la splendeur de la nature de votre patrie et de vos églises devienne comme le miroir parlant, l'expression fidèle de la beauté et de la perfection de votre vie chrétienne.
En gage de quoi, Nous vous accordons de tout coeur, à vous ici présents, à vos proches dans la patrie, à tous ceux vers lesquels vont, en cet instant, vos pensées et votre affection, la Bénédiction apostolique.
3 D'après le texte allemand de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 117.
LETTRE A S. EM. LE CARDINAL TISSERANT A L'OCCASION DE LA COMMÉMORAISON DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR
(12 mai 1939) 1
Les collèges ruthène et russe de Rome ayant projeté de célébrer solennellement la commémoraison du baptême de saint Vladimir et de son peuple en 950, le Saint-Père a adressé à S. Em. le cardinal Tisserant la lettre suivante :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 258.
C'est avec une joie particulière que Nous avons appris par vous, qui, à la Congrégation de la Curie Romaine pour le gouvernement de l'Eglise orientale, témoignez à Notre égard d'un zèle empressé, que les deux collèges pontificaux, le collège ruthène de Saint-Josa-phat et le collège russe de Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus formaient le projet de commémorer solennellement ici à Rome l'année 950 où saint Vladimir et son peuple furent purifiés par le saint baptême. Lorsque Nous avons appris cette nouvelle, non seulement Nous avons approuvé que soit célébré un triduum de prières dans l'église dédiée au Très Saint Nom de Jésus, mais encore Nous avons décidé pour le dimanche 21 de ce mois de célébrer une messe pontificale selon le rite byzantino-slave dans la basilique patriarcale du Vatican pour que Notre participation à cet événement qui rehausse d'une gloire particulière une si grande part du troupeau du Christ se fasse en quelque sorte plus proche et plus éclatante. Certes, le souvenir presque millénaire du baptême de saint Vladimir et de son peuple réveille en Nous de vifs sentiments de reconnaissance envers le Dieu miséricordieux auteur d'un si grand bienfait et de fidèle vénération pour les âmes généreuses qui l'ont obtenu. Combien en effet de témoignages de foi sont apparus en ce moment propice ! Combien les flammes d'une fervente charité ont brûlé en ce jour qui a lui pour le salut d'un si grand nombre sous d'heureux présages ! Dès lors, il apparaît clairement que là où la doctrine du Christ est connue des hommes et règle leur vie, là aussi les conditions matérielles de la vie humaine s'organisent dans un ordre merveilleux et tous les hommes perçoivent plus profondément la dignité du Fils de Dieu et avec une sagesse plus avisée découvrent les voies et les raisons de la justice et de la paix. Evoquer en effet saint Vladimir, le chef illustre de son peuple, c'est évoquer surtout la grâce surnaturelle qui enflamma son âme quand il fut lui-même régénéré par l'eau et l'Esprit-Saint. Alors en lui refleurirent les germes féconds que, lorsqu'il était enfant, sainte Olga son aïeule avait déposés en lui ; alors cet homme auparavant si fruste, si inculte, pour ne pas dire sauvage et cruel, fut formé à une vraie humanité et, dédaigneux d'une gloire passagère, entreprit avec bonheur de hâter la venue du règne du Christ parmi ses sujets jusque-là assis à l'ombre de la mort. Depuis lors, une grâce si grande s'est développée dans son peuple qu'il est demeuré tout au long des siècles fidèle à Jésus-Christ, attestant de manière éclatante les paroles de vie. Nous ne pouvons pas oublier, chers Fils, que saint Vladimir a eu des rapports fréquents avec ce Siège apostolique et lui a donné de nombreuses preuves de sa dévotion filiale et de la fidélité de son amitié. Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence la fidélité montrée à la Chaire de Pierre et prouvée par le sang versé de la part des catholiques de rite byzantin dont la foule nombreuse constitue en Europe orientale et dans les deux Amériques une part notable de l'Eglise du Christ. Evoquant avec reconnaissance ces souvenirs, Nous Nous associons très volontiers au bonheur proche de ce joyeux événement. Cependant, en regardant la condition présente de la chrétienté en Russie, Nous sommes contraint de déplorer, l'âme angoissée et inquiète, que ce peuple fidèle qui fait remonter son origine ancienne à saint Vladimir et à ses mérites, endure de grandes souffrances à cause du mépris injuste dont est victime la foi catholique, à cause de la guerre abominable déclarée contre le très saint nom de Dieu, à cause de la violence souvent sanglante faite à ceux qui confessent le Christ, Fils unique de Dieu. Aussi, c'est d'une âme suppliante et pressante que Nous adressons Notre prière à la très douce Mère de Dieu que ce peuple vénère et aime tant, pour qu'elle veuille dans sa bonté inspirer aux chefs de l'Etat le sens vrai de la justice, vaine et stérile si elle n'est pas régie par Dieu à qui tout est soumis, et en même temps obtenir pour ses fils abandonnés qu'ils puissent le plus tôt possible jouir de nouveau de la foi chrétienne, don merveilleux du Très-Haut.
Notre prédécesseur lui-même, Pie XI, d'heureuse mémoire, s'adres-sant aux élèves du collège ruthène de Saint-Josaphat le 21 septembre de l'année passée à Castelgandolfo jugea digne de prononcer déjà les paroles suivantes à propos de ce joyeux anniversaire, paroles que Nous faisons Nôtres et que Nous vous confions, Fils très cher, pour qu'avec Nos félicitations et Notre encouragement personnel vous transmettiez la plénitude de la Bénédiction apostolique à tous ceux qui de rite byzantino-slave ou d'autres rites s'uniront à vous pour célébrer, par l'accord de la prière et l'effusion de la charité mutuelle, lien de la perfection, l'année 950 où saint Vladimir et son peuple furent renouvelés par le bain du salut.
ALLOCUTION A L'ÉPISCOPAT ET AUX FIDÈLES DE RITE GREC-MELCHITE
(16 mai 1939) 1
Un groupe de prélats et fidèles de rite grec-melchite conduit à Rome par S. Exc. Mgr drille IX Mogabgab, patriarche d'Antioche des Melchites, fut accueilli le 16 mai par le Saint-Père qui leur dit :
Une autre partie du cher Orient vient donc à Nous en ce jour ! Et elle Nous est amenée par Notre Vénérable Frère le patriarche du rite grec-melchite, qui, portant vaillamment le poids des années, a voulu conduire en personne vers ce Siège apostolique plusieurs évêques et prêtres du même rite.
Par une heureuse circonstance, au milieu de vous se trouve celui-là même qui possède au coeur de son diocèse un des joyaux de l'Eglise catholique, Nous voulons dire cette bourgade de Césarée de Philippe, appelée aujourd'hui Banias, où le Christ Jésus daigna choisir Pierre, en récompense de son ardente foi, pour en faire le premier et suprême Pasteur. C'est un grand honneur pour tout le rite grec-melchite d'être comme le gardien providentiel de l'endroit où Jésus remit au Prince des apôtres les clefs du royaume des cieux. Le successeur de Pierre vous demande aujourd'hui de travailler avec lui à ouvrir largement aux âmes les portes de cette patrie céleste, dont l'Eglise catholique est le vestibule assuré.
Nous l'avons déjà dit à d'autres de Nos fils d'Orient ; Nous aimons à vous le redire, à vous, héritiers d'un très noble et très ancien rite : de nos jours, où sous l'action de l'Esprit de Dieu tant d'âmes ressentent le besoin de l'unité, votre rôle peut et doit être magnifique. Ces basiliques du Haurân et de la Syrie, où se déroulèrent si tôt et pendant si longtemps les splendides liturgies byzantines, et dont certaines semblent n'attendre qu'une simple restauration pour accueillir encore les foules priantes, Nous apparaissent comme un symbole et vous redisent un appel.
L'heure est venue où les fils de la maison doivent redoubler de zèle pour montrer à leurs frères la demeure qu'ils cherchent et les aider à en franchir le seuil accueillant. Animés par l'exemple de vos grands docteurs, les Athanase, les Cyrille, les Chrysostome, les Jean Damascène, forts des mérites acquis par vos martyrs, travaillez à promouvoir en Orient le règne du Christ dans l'unité.
Avec cet espoir de Notre coeur de Père, et comme gage des faveurs du ciel, Nous vous donnons de toute Notre âme, à vous, Vénérable Frère, patriarche du rite grec-melchite, à Nos Vénérables Frères les évêques, à tous Nos chers fils, prêtres, religieux et fidèles de votre rite, dispersés en Syrie, au Liban, en Palestine, en TransJordanie, dans l'Irak, en Egypte et ailleurs, à vos oeuvres, à vos associations, à vos bienfaiteurs et collaborateurs, la Bénédiction apostolique par vous implorée.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(17 mai 1939)1
L'Ascension, fête de la joie et de l'espérance.
Elles sont toujours chères à Notre regard et plus chères encore à Notre coeur, ces assemblées de jeunes époux venus pour recevoir la bénédiction du Père commun des âmes, une bénédiction qui entend être et est réellement un signe et un gage de la bénédiction de Dieu.
Mais il Nous est plus agréable encore de vous accorder audience à la veille de l'Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ. L'Ascension, c'est la fête de la joie pure, de l'espérance sublime, des saints désirs ; et la solennité de vos noces, chers époux, semble un reflet de cette fête, puisque dans le mariage chrétien que vous avez célébré au saint autel, tout semble susciter et annoncer la joie, l'espérance, les désirs, les projets. Afin que ces sentiments, qui ont réjoui et qui réjouissent encore vos coeurs, soient profondément sincères et durables, unissez-les à ceux que vous suggère la fête de demain.
Que votre joie soit pure comme celle des Apôtres, qui, après avoir assisté à la glorieuse Ascension du Seigneur, descendirent du Mont des Oliviers (Ac 1,12), cum gaudio magno (Lc 24,52), le coeur débordant de joie : de joie pour la gloire de Jésus, qui couronnait sa vie terrestre par cette entrée triomphale au ciel, de joie pour leur bonheur éternel, qu'ils entrevoyaient dans le triomphe du divin Maître.
C'est sur ces motifs, très chers enfants, que doit reposer votre joie pour être vraie et pure ; et comme ces motifs ne sauraient jamais manquer, votre joie ne sera jamais sujette aux changements des joies éphémères que promet le monde : Pacem meam do vobis, non quomodo mundus dat, ego do vobis, avait dit Jésus. « Je vous donne ma paix, je ne la donne pas comme la donne le monde » (Jn 14,27).
Fondée sur l'espérance la plus sûre, la joie de ce jour se perpétue et se dilate dans le coeur des fidèles : « Je vais vous préparer une place au ciel » (Jn 14,2) dit Notre-Seigneur ; et II ajoutait : « Vous recevrez la force du Saint-Esprit, qui descendra sur vous » (Ac 1,. Promesses magnifiques : la promesse du ciel et la promesse des dons du Saint-Esprit. Tout cela doit animer votre foi, alimenter et renforcer votre espérance, élever vos pensées et vos désirs. C'est la prière de l'Eglise dans la sainte liturgie : « Accordez-nous, Dieu tout-puissant, nous vous en supplions, à nous qui croyons que votre Fils unique, notre Rédempteur, est monté aujourd'hui au ciel, accordez-nous d'y habiter aussi nous-mêmes en esprit »2 et, parmi les vicissitudes de ce monde, fixez nos coeurs là où sont les vraies joies : inter mundanas varietates ibi nostra fixa sint corda, ubi vera sunt gaudia 3.
Nous vous bénissons, chers époux, au nom de ce même Jésus qui bénit les Apôtres et les premiers disciples lors de sa montée au ciel : dum benediceret illis, recessit ab eis et ferebatur in coelum (Lc 24,51).
\scension.
Ve dimanche après Pâques.
DISCOURS LORS DE L'ENTRÉE SOLENNELLE DANS L'ARCHIBASILIQUE DU LATRAN
(18 mai 1939) 1
En ce jour de l'Ascension, Pie XII se rendit à l'archibasilique du Latran, sa cathédrale, pour en prendre solennellement possession.
Nous éprouvons une très grande joie, Vénérable Frère, pour la chaleur de vos voeux religieux et dévoués que le premier vous avez voulu Nous présenter dans un langage choisi lors de Notre entrée dans la cathédrale de Rome selon le rite pontifical légué par nos ancêtres. Nous remercions aussi du fond du coeur ceux dont vous avez interprété les sentiments de parfait attachement à Notre personne, et particulièrement Notre Vénérable Frère le cardinal archiprêtre, dont l'absence est due à une mauvaise santé, et aussi le chapitre et le clergé de la basilique majeure du Latran. Vous tous qui êtes ici et qui Nous êtes très chers, Nous Nous réjouissons de votre affluence que Nous avons désirée et aimée. C'est en effet une raison commune de se réjouir, c'est une cause universelle de joie que, puisque les membres de l'Eglise sont rassemblés et liés par les chaînes de l'unité mystique, le bonheur que donne la renommée du pasteur s'étende à tout le troupeau ; la raison de l'honneur qui Nous est rendu est vraie et louable si dans la modestie de Notre personne on reconnaît Pierre, on honore Pierre, dont le pouvoir vénérable est encore vivant dans son indigne héritier. Les cérémonies que Nous présidons conviennent éminemment à la fête que les chrétiens célèbrent aujourd'hui par toute la terre d'un même coeur dans le désir sincère d'accomplir leur devoir. Nous pénétrons dans le temple du Très Saint Sauveur au jour même où Notre Très Doux Rédempteur que nous fêtons aujourd'hui est entré dans l'éternel séjour du ciel. Après avoir pendant quarante jours manifesté à ses apôtres par des preuves multiples et évidentes qu'il était ressuscité du tombeau, il emporta dans le palais céleste le triomphe obtenu sur la mort et il s'éleva au-dessus des hiérarchies angéliques à la droite de Dieu le Père pour obtenir le trône qui demeure à jamais. Que si tout temple de pierre est en quelque sorte l'image du royaume céleste où le Christ est monté, alors même la basilique très sainte du Latran en reproduit une image plus vénérable encore, elle qui, la première en dignité, garde d'événements illustres un souvenir qui la fait resplendir parmi les monuments de l'antiquité. C'étaient ici autrefois le magnifique palais des Laterani, la demeure de Fausta. La main puissante de l'empereur Constantin, qui anéantit les tyrans cruels et affranchit l'Eglise, fit élever ici un temple en l'honneur du divin Rédempteur, qui tout au long des siècles transformé, écroulé, reconstruit mais immortel, dresse maintenant encore son faîte élancé vers le ciel. Cette basilique appelée le palais de Dieu et le nouveau mont Sinaï fut le lieu remarquable d'où des décrets apostoliques et des conciles oecuméniques régulièrement convoqués apportèrent au monde en péril les lois du salut. C'est avec raison qu'elle est parée de l'honneur d'une telle distinction. « L'église du Latran, dit saint Pierre Damien, de même qu'elle est désignée sous le nom du Sauveur qui est vraiment le chef de tous les élus, de même elle est la mère et la couronne et la tête de toutes les églises de la terre. » 2
Evoquant l'heureux souvenir du pape Pie XI Notre glorieux prédécesseur, venu après la conclusion des accords du Latran dans cette basilique sous des présages favorables, et faisant suite avec enthousiasme à ses desseins, Nous implorons la paix pour tous, Nous souhaitons vivement la paix pour cette demeure de Dieu. « Que la paix éternelle de la part de l'Eternel soit à cette maison. Paix durable, que le Verbe de Dieu soit la paix pour cette maison. Que le consolateur apporte la paix à cette maison. » 3
Que la paix évangélique, que la grâce de l'Esprit-Saint, que la sérénité d'une espérance ferme, que la vraie charité, que la miséricorde surabondent à jamais en vous qui Nous entourez, et en heureux présage Nous vous bénissons de tout coeur.
Epist., 2, i.
Pontifical Romain, de la dédicace d'une église.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS SLOVÈNES
(24 mai 1939) 1
Le 24 mai, le Souverain Pontife reçut en audience générale de nombreux jeunes couples, un pèlerinage de Slovénie et d'autres fidèles, et prononça ce discours :
Aux jeunes époux.
Nous Nous sentons vraiment heureux et profondément ému de vous voir ici, chers époux, vous dont la bénédiction nuptiale a sanctifié et consacré l'amour et qui avez déposé au pied de l'autel la promesse d'une vie chrétienne toujours plus intense. Dorénavant vous vous sentirez une double obligation de vivre en vrais chrétiens : Dieu attend des époux qu'ils soient des conjoints chrétiens et des parents chrétiens.
Mission des nouvelles familles.
Jusqu'à hier vous avez été des enfants soumis aux devoirs propres aux enfants ; mais dès l'instant de votre mariage vous voilà devenus des fondateurs de nouvelles familles, aussi nombreuses que les couples d'époux qui Nous entourent.
Nouvelles familles destinées à alimenter un avenir qui se perd dans les secrets de la divine Providence. Familles destinées à alimenter la société civile de bons citoyens soucieux de procurer à la cité ces biens dont jamais peut-être le besoin ne s'est fait sentir comme aujourd'hui : le salut et la sécurité. Familles destinées à alimenter l'Eglise de Jésus-Christ, parce que c'est des nouvelles familles que l'Eglise attend de nouveaux enfants de Dieu qui obéissent à ses saintes lois. Familles destinées enfin à préparer de nouveaux citoyens à la patrie céleste, au terme de cette vie temporelle.
Mais ce grand bien que vous êtes appelés à réaliser dans votre nouvel état de vie, vous ne pouvez y compter que si vous vivez en époux chrétiens et en parents chrétiens.
Vivre chrétiennement dans le mariage, c'est accomplir fidèlement, outre les devoirs communs à tout chrétien, à tout enfant de l'Eglise catholique, les obligations propres à l'état conjugal. L'apôtre saint Paul, écrivant aux premiers époux chrétiens d'Ephèse, mettait en relief leurs mutuels devoirs et les ramassait en une vigoureuse formule : « Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l'Eglise » (Ep 5,22-23). « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle » (Ep 5,25). « Et vous, pères, n'exaspérez pas vos enfants, mais élevez-les en les corrigeant et en les avertissant selon le Seigneur » (Ep 6,4).
Tout en vous rappelant, chers époux, l'observance de ces devoirs, Nous formons les meilleurs voeux pour vous et Nous vous accordons la bénédiction que vous êtes venus demander au Vicaire de Jésus-Christ et que Notre prière souhaite abondante, et pour les familles dont vous sortez et pour les nouvelles que vous venez de fonder.
Après quelques phrases de bienvenue prononcées en slovène, le Saint-Père poursuivit en italien, s'adressant aux pèlerins de Ljubljana.
Nous voulons souhaiter une bienvenue particulièrement cordiale à Notre cher et vénéré Frère, l'évêque du diocèse de Ljubljana, à ses prêtres, aux représentants de la Ligue culturelle catholique Slovène et à tous ceux qu'il a conduits vers Nous en si grand nombre.
Protégez et défendez, chers fils, celle qui est la base fondamentale de toute civilisation humaine et surtout chrétienne, dont l'affaiblissement ou la presque totale décomposition dans ' quelques pays Nous remplit de graves préoccupations, mais qui chez vous, par contre — et vous pouvez en être saintement fiers — est restée à peu près intacte : Nous voulons parler de la famille saine et chrétienne. Soutenez aussi l'école catholique, qui en est comme l'intégration et le complément. C'est pour Nous un grand réconfort de savoir combien est florissante votre vie religieuse et combien vous vous efforcez de la rendre toujours plus intense en vous inspirant des buts élevés que vous suggèrent la dévotion au Coeur Sacré de Jésus, la Congrégation mariale et l'Action catholique. Ayez soin de consolider toujours davantage ce que l'on pourrait appeler la colonne vertébrale de votre culture religieuse : la forte conscience, la franche profession de votre foi catholique et l'intime union avec ce Siège apostolique, qui a toujours été et sera toujours le secret de votre grandeur et de votre fidélité. Ainsi vous serez du même coup de bons Slovènes, très fidèles à votre chère patrie, pour laquelle Nous implorons de Dieu une durable prospérité et une large bénédiction.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(31 mai 1939) 1
Recevant en audience générale des jeunes époux, des jeunes gens de l'Association « Dante e Leonardo » et de nombreux autres pèlerins, le Souverain Pontife s'adressa successivement à chacun des groupes.
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 145 ; traduction française des 'cours aux jeunes époux, t. I, p. 22.
Aux jeunes époux.
Nous adressons comme d'habitude Notre paternel salut avant tout aux jeunes époux, et Nous ne pouvons aujourd'hui Nous empêcher d'attirer leur attention sur une circonstance spéciale de cette audience publique, où leur présence occupe une place si importante.
Marie, modèle des vertus domestiques.
Il va finir, le mois de mai, que vous avez, chers enfants, selon la sainte tradition de tout le peuple chrétien, cojsacré de pieux hommages à la Sainte Vierge ; il va finir le mois de mai, o, répondant avec élan à Notre `ppel, vous avez uni votre prière à la NT'f4tre pour le retour de la paix dans le monde.
Oui, il est à son déclin, le mois de mai ; mais elle ne doit pas décliner, dans vos coeurs, la dévotion si salutaire et si douce envers la Mère de Dieu, car c'est surtout de votre constante fidélité à la pratiquer que vous pouvez vous promettre de précieux fruits de bénédiction et de grâce.
Continuez donc à la pratiquer dans les manifestations publiques et dans la vie privée, dans les églises et dans les foyers. Qu'à Marie aille le tribut quotidien de votre vénération et de vos prières, l'hommage de votre filiale confiance et de votre tendre amour envers cette Mère de bonté et de miséricorde.
Mais n'oubliez pas, époux chrétiens, que la dévotion mariale ne saurait se dire véritable et efficace, si elle n'est pas vivifiée par l'imitation des vertus de celle que vous honorez.
La Mère de Jésus est en effet un modèle achevé des vertus domestiques dont doit briller l'état de mariage. En Marie vous trouvez l'affection la plus pure, la plus sainte et la plus fidèle, une affection toute de sacrifices et d'attentions délicates envers son très chaste époux ; en Elle vous trouvez un entier et incessant dévouement aux soins de la famille et du foyer ; en Elle, une foi parfaite et l'amour de son divin Fils ; en Elle, l'humilité, que manifestent sa soumission à Joseph, son inaltérable et sereine patience au milieu des incommodités de la pauvreté et du travail, sa pleine conformité aux dispositions souvent dures et pénibles de la divine Providence, sa douce amabilité pour tous ceux qui approchaient la sainte maisonnette de Nazareth.
Voilà, chers enfants, à quel point vous devez porter votre dévotion mariale, si vous voulez qu'elle constitue une source toujours vive de faveurs spirituelles et temporelles et de bonheur vrai. Faveurs et bonheur que Nous demandons pour vous à la Sainte Vierge et dont Nous vous donnons un gage dans Notre Bénédiction apostolique.
Aux étudiants membres de l'association * Dante e Leonardo ».
Et maintenant à vous, chers jeunes gens, qui, réunis sous les auspices de Dante e Leonardo — deux très pures gloires chrétiennes — venez Nous confirmer, à l'occasion du trentième anniversaire de votre association, votre inébranlable résolution de servir le Père commun des fidèles, comme vous auriez servi Jésus sur la terre, Nous voulons rappeler les engagements que ce service vous impose dans le cadre de vos obligations scolaires, qui occupent actuellement et doivent occuper une si grande part de votre vie.
Au milieu de vos études — littéraires ou scientifiques — par lesquelles vous vous préparez à entrer dans le monde de la culture, et partant dans les classes dirigeantes, vous devez maintenir d'autant plus élevé le rythme de votre travail et d'autant plus limpide la pureté de votre vie, que plus noble est la mission que vous avez acceptée, montrer par votre exemple l'harmonie magnifique de la science avec la foi, et ainsi tenir bien haut, au milieu du monde savant, le nom de Jésus-Christ et de son Eglise. Voilà ce que Nous vous demandons, chers jeunes gens, qui êtes Notre espérance ainsi que celle de vos familles et de la société. Et Nous demandons à Dieu que vous en ayez la profonde conscience et la volonté ardente et efficace. Que l'Esprit Consolateur, dont nous célébrons aujourd'hui la merveilleuse mission et qui est la force des croyants — Spiritus fortitudinis — vous soutienne dans vos combats, intérieurs et extérieurs, contre l'erreur et contre le mal ; qu'il vous donne dans le bon combat la joie toujours vaillante de vous sentir les membres de la milice chrétienne, apôtres de la Vérité et du Bien, dignes de cette nombreuse jeunesse qui s'est dévouée au Christ aux heures solennelles de l'histoire ancienne et récente de l'Eglise.
Avec ces voeux, qui correspondent pleinement aux vôtres et aux voeux de ceux qui vous assistent et vous dirigent, Nous invoquons sur votre association la grâce de la plus féconde vitalité et les plus insignes bénédictions du Ciel.
Le Saint-Père a salué ensuite les autres pèlerins en ces termes :
Pour finir, Nous voulons, comme toujours, saluer aussi tous Nos fils et filles présents, en tout premier lieu le groupe nombreux des femmes d'Action catholique, qui, sous la conduite de Notre cher et vénéré Frère, l'Abbé de Subiaco, sont venus en pieux pèlerinage à Rome puiser aux pieds de Notre-Dame « Salus Populi Romani » de nouvelles lumières et de nouvelles forces pour les oeuvres de leur saint et généreux apostolat. A vous tous, à toutes vos familles, à toutes les personnes qui vous sont chères et pour lesquelles vous la désirez, Nous donnons la plus large et paternelle bénédiction, de même que Nous entendons bénir tous les objets de dévotion que vous avez apportés avec vous dans cette intention.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Pie XII 1939
DISCOURS AUX MEMBRES DU SACRÉ COLLÈGE
(2 juin 1939) 1
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 151 ; cf. traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, coi. 809.
Le Souverain Pontife a reçu, le 2 juin, les membres du Sacré Collège venus lui présenter leurs voeux à l'occasion de la fête de saint Eugène, et leur parla de la mission pacificatrice de l'Eglise et de sa démarche auprès des gouvernements en faveur de la paix du monde dangereusement menacée. Voici la traduction de ce discours prononcé en italien :
Aujourd'hui, pour la première fois, les impénétrables desseins de Dieu Nous permettent de célébrer le souvenir sacré de Notre saint patron sur la Chaire de Pierre, si indigne héritier que Nous soyons de cette magistrature suprême, à laquelle Eugène 1er apporta un nouvel éclat, par le zèle vigilant de son action apostolique, aussi bien que par l'insigne piété et l'intégrité de sa vie. En cette circonstance, rien ne pouvait Nous être plus agréable que de voir réunis autour de Nous ceux que l'extrême bonté de la Providence a daigné Nous associer comme les plus intimes conseillers et collaborateurs dans les saintes et multiples sollicitudes du suprême ministère pastoral. Les voeux, qu'en des termes si élevés et si pieux le vénérable doyen du Sacré Collège, également cher à vous et à Nous-même, vient de Nous adresser en votre nom, avec cette noblesse de pensée et de parole dont il a le secret, sont pour Nous l'expression sensible d'un sentiment intime, d'un dévouement sincère de votre âme, pour lequel Nous vous sommes profondément reconnaissant. Et, en même temps, Nous Nous sentons singulièrement poussé à supplier le Seigneur, comme faisait l'Apôtre des gentils, « pour que vous ayez en nous un nouveau sujet de fierté en Jésus-Christ », ut gratulatio vestra abundet in Christo Jesu in nobis (Ph 1,26). Notre espérance prend son appui et son affermissement, par-dessus tout, en la grâce aux formes multiples de Celui qui « a choisi ce qui est faible en ce monde... pour confondre ce qui est fort ». Infirma mundi elegit... ut confundat fortia (1Co 1,27). Mais au jour et à l'heure où votre confiance fraternelle et la volonté de Dieu, qui se manifestait par elle, Nous chargèrent de cet office, dont tout ensemble la dignité et le poids Nous effrayaient, ce Nous fut un réconfort et un apaisement que la certitude de vous avoir à Nos côtés et de trouver en vous, en votre science, en votre expérience, en votre profonde sagesse acquise et mûrie au prix de longues années de labeur, les plus fermes et les plus fidèles collaborateurs.
La prière de l'Eglise pour la paix entre les nations.
Vos souhaits formulés pour le Père de la famille spirituelle au jour de sa fête — lequel vous en remercie et vous aime dans la charité du Christ — Notre coeur les renvoie à l'Eglise, Epouse du Rédempteur et notre Mère, puis au monde, vers lequel vont toute Notre sollicitude, toute Notre pensée, dans les circonstances présentes. A cette heure, en effet, le monde est, sur bien des points, comme saturé de ferments en activité, faisant germer ou éclore des événements, dont la plus perspicace sagesse humaine ne saurait dire si le résultat final de leur évolution sera oeuvre de construction ou de ruine. L'Eglise n'est pas fille du monde ; mais elle est dans le monde, elle vit en lui, de lui elle reçoit ses enfants ; elle prend part à toutes les alternatives de joie et de tristesse du monde ; c'est au milieu du monde qu'elle souffre, combat et prie — tout comme, au temps de ses origines, elle priait avec le grand apôtre Paul et faisait « des supplications, des prières, des voeux, des actions de grâces, pour tous les hommes ; pour les rois et pour tous ceux qui occupent un poste élevé, afin que nous menions une vie paisible et tranquille : ut quietam et tranquillam vitam agamus, en toute piété et honnêteté ; car cela est bon et agréable aux yeux de Dieu notre Sauveur, « qui veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,1-4). Qu'est cela, sinon la prière pour la paix entre les nations que l'Eglise, depuis l'aurore du christianisme, fait monter vers ce Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ?
La mission pacificatrice de l'Eglise.
Mais sur la route de l'histoire, dans la réalité des faits à travers lesquels elle chemine, la marche de l'Eglise est devenue plus difficile et plus ardue qu'en d'autres temps. Elle se trouve au milieu d'un monde d'oppositions et de scissions, de conflits dans les sentiments et dans les intérêts, d'idées sans modération et d'ambitions sans mesure, de craintes et d'audace, au sein d'une humanité qui semble ne pas savoir encore reconnaître ni décider quel parti elle doit prendre : admettre comme première règle d'action et suprême arbitre de ses propres destinées le tranchant de l'épée ou la noble souveraineté du droit, se confier à l'empire de la raison ou à celui de la force. C'est pourquoi l'Epouse du Christ se heurte à plus d'obstacles et d'objections dans ses efforts pour assurer à ses principes et à ses exhortations, toujours dictés par sa mission religieuse et devant aboutir dans leur développement au bien de chaque peuple comme à celui de toute la communauté humaine, cet accueil qu'elle souhaite, ce loyal empressement dans l'acceptation, sans quoi sa parole resterait une « voix qui crie dans le désert » : vox clamantis in deserto. D'autre part, les devoirs sacrés de Notre ministère apostolique ne peuvent admettre que ni des obstacles extérieurs, ni la crainte de voir mal interprétés ou incompris Nos intentions et Nos desseins, toujours orientés vers le bien, Nous empêchent d'exercer ce salutaire office de pacification, qui est propre à l'Eglise. L'Eglise ne se laisse pas séduire ni enchaîner par des intérêts particuliers ; elle ne songe pas à se mêler, sans y être invitée, à des contestations territoriales entre les Etats, ni à se trouver entraînée dans la complexité des conflits qui facilement en découlent. Elle ne peut cependant pas, en des heures où la paix court les plus grands dangers et où les passions se font plus violentes dans la discussion, renoncer à dire maternellement son mot et, si les circonstances le permettent, à offrir maternellement ses services pour empêcher l'intervention imminente de la force, avec ses incalculables conséquences matérielles, spirituelles et morales.
Démarche du Saint-Siège auprès des gouvernements pour le maintien de la paix.
Dans cet esprit de justice et de paix, que Nous ressentions au plus intime de Notre coeur de Père commun, Nous avons cru opportun, après mûre considération, à une heure de la vie des peuples qui semblait particulièrement grave, au début du mois de mai dernier, de faire connaître à certains hommes d'Etat de grandes nations européennes les préoccupations que Nous inspiraient alors la situation et Notre crainte que les dissensions internationales s'exaspérant ne dégénèrent en conflit sanglant. Cette démarche — Nous le disons avec reconnaissance — a en général rencontré la sympathie des gouvernements et, une fois connue du public sans que Nous eussions rien fait pour cela, suscité la gratitude des populations ; Nous reçûmes des assurances de bonne volonté et du désir de maintenir la paix tant souhaitée des peuples. Qui plus que Nous pouvait être satisfait de connaître ce commencement d'une détente des esprits ? Qui pouvait désirer et souhaiter avec plus d'ardeur qu'elle s'affermît toujours davantage ? Et Nous ne voulons pas cacher que d'autres informations, parvenues à cette occasion même jusqu'à Nous, touchant les sentiments et les intentions d'hommes d'Etats influents — Nous leur en sommes vivement reconnaissant — ont augmenté pour Nous dans une certaine mesure l'espoir que les considérations de noble humanité, la conscience de l'inévitable responsabilité encourue devant Dieu et devant l'histoire, une idée exacte des vrais intérêts de leurs peuples, ont assez de force et de poids pour amener les gouvernements, dans leurs efforts en vue d'une paix stable sauvegardant la liberté et l'honneur des nations, à des pensées et à des actes capables d'atténuer, de réduire ou de vaincre les obstacles matériels et moraux s'opposant à une entente sincère et solide. Cette circonstance a laissé la voie ouverte à de nouvelles sollicitudes de Notre part et à de nouvelles instances.
Confiance dans la divine Providence.
Mais les destinées et le bonheur des peuples sont dans les mains de quello Imperador che lassa régna 2,du Maître qui règne dans les cieux, le Père des lumières, la source de tout bien parfait dans le monde. Avec le bonheur et les destinées des peuples, il tient aussi dans ses mains les coeurs des hommes : du côté qu'il voudra, il les fera pencher. Il sait élargir, restreindre, arrêter ou diriger leur volonté sans en changer la nature. Dans l'oeuvre de l'homme, tout est faible comme l'homme ; ses pensées sont timides, incertaines ses prévoyances, ses moyens manquent de souplesse, et ses pas de fermeté ; il marche vers un but toujours obscur. Dans l'oeuvre de Dieu, tout est fort comme lui : ses desseins ne connaissent pas le doute ; sa puissance se plaît et semble se jouer dans le gouvernement du monde ; il trouve ses délices parmi les enfants des hommes, mais rien ne lui résiste ; en ses mains les obstacles eux-mêmes deviennent des moyens de modeler les choses et les événements, de tourner les esprits et les libres vouloirs humains vers les fins sublimes de sa miséricorde et de sa justice, les deux étoiles de son universel empire. En lui repose Notre plus ferme espérance. Pour implorer les lumières et les bénédictions célestes sur les événements actuels et sur les décisions qu'ils préparent, au mois de mai déjà Nous appelions autour de l'autel de Marie le monde catholique à une croisade de prières et Nous mettions à l'avant-garde les candides légions des enfants, comme des lys éclos aux pieds de la Vierge Marie, protégés par les saints anges, appelés par Jésus auprès de lui, par lui embrassés, bénis, offerts en modèle à tous les héritiers du royaume des cieux. L'innocence qui prie et supplie est un avertissement et un exemple. Nous sommes heureux à cette occasion de manifester la douce joie éveillée dans Notre coeur par le souvenir de ce louable et pieux empressement, de cette ferveur intense, de cette sainte et cordiale émulation qui ont éclaté parmi les fidèles du monde entier, en réponse à cet appel mariai. Entrés maintenant dans le beau mois de juin dédié au Coeur Sacré de Jésus, Nous Nous tournons avec une ardeur accrue, avec une plus grande et plus instante espérance, vers Celui qui est le roi et le centre de tous les coeurs, rex et centrum omnium cordium, le refuge et le soutien de tous ceux qui sont dans l'angoisse et la crainte, qu'il daigne, lui à qui a été donnée toute puissance au ciel et sur la terre, apaiser les flots du monde troublé et agité, qu'il fasse passer parmi les hommes et les nations le souffle d'un esprit nouveau ! Que par lui Nos appels à la paix trouvent dans les coeurs des gouvernants et des peuples cet écho, et, dans les décisions et les actes des pouvoirs responsables, ces réalisations pratiques que demandent les désirs et les prières de tous les hommes de bien !
Avec ce voeu sur les lèvres et dans le coeur, Nous vous accordons, comme gage de l'abondance des grâces divines, dans la plénitude de Notre reconnaissance, la Bénédiction apostolique.
2 Dante, Enfer, 1, 124.
ALLOCUTION AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES FRÈRES MINEURS
(S juin 1939)1
Recevant en audience solennelle les religieux des Frères Mineurs qui ont participé au Chapitre général tenu au couvent de Sainte-Marie-des-Anges, à Assise, le Saint-Père prononça cette allocution :
Alors que s'achève à Assise la réunion du Chapitre général, chers fils, avant de regagner vos maisons si bien disséminées par-delà les mers sur des terres lointaines, conduits par Notre Vénérable Frère Ange Marie Dolci, cardinal protecteur de votre ordre, votre eminent interprète, vous avez voulu Nous rendre visite et Nous témoigner votre remarquable attachement. Nous sommes charmé de vous entendre et de vous voir, Nous sommes heureux de votre zèle et Nous Nous réjouissons de votre soumission. Nous vous adressons nommément toutes Nos félicitations pour avoir pris, au cours des récentes réunions de votre famille religieuse que vous avez tenues, des décisions salutaires et pour avoir réélu pour ministre général de votre ordre Léonard Marie Bello, homme d'une haute sagesse et dont l'esprit de religion mérite la plus grande considération ; Nous prions Dieu pour lui afin que comblé de grâces il ait toute la force voulue pour accomplir avec douceur et fermeté les diverses fonctions de la charge qui lui est confiée, qu'il s'enrichisse de mérites, qu'il déborde de consolations ; Nous savons du reste que pour lui, comme il se doit, diriger n'est pas autre chose que servir.
Mais en vous Nous désirons saluer l'ordre franciscain tout entier dont vous-mêmes êtes la force et la fleur, l'élite de ses guides et ses plus éminents conseillers. Nous proclamons ouvertement et publiquement aujourd'hui mettre en votre ordre Notre grande confiance et Notre grand espoir, puisqu'aux maux funestes qui corrompent ce siècle de dureté, l'âme généreuse du bienheureux François, la forme et la règle de sa vie en tous points parfaite, peuvent apporter les remèdes convenables. Le XIIIe siècle a avec notre époque une certaine ressemblance, où votre père et législateur se leva, tel le plus beau des astres dont les actions merveilleuses seraient à chanter dans une langue plus céleste qu'humaine. C'est alors que la raison humaine surestimée commençait à accumuler ici et là les périls contre la foi, la soif de l'or agitait les esprits, l'amour de soi mal dirigé et la frénésie des désirs allumaient des guerres ensanglantant les nations par des massacres entre frères, les erreurs de croyances pernicieuses, qui embrouillaient tout en détruisant le fondement de l'autorité et en renversant le droit de propriété, s'efforçaient d'abattre la religion et la société. Dieu dans sa bonté vint au secours du genre humain qui se précipitait à sa perte par l'assistance des saints François et Dominique et de leurs milices sacrées ; le respect pour l'Eglise romaine stimulé, le goût pour la pénitence, l'excellence de la pauvreté et la douceur évangélique devenues objets du plus haut amour et mises à l'honneur, les moeurs des peuples, par un miracle imprévisible, resplendirent de foi et d'humanité et comme si on avait chassé le sombre hiver, partout des fleurs gracieuses apparurent au loin sur notre terre.
Maintenant encore il fait froid, pris par les glaces le siècle hostile à la vertu se meurt de froid ; la charité s'est pitoyablement affaiblie, elle qui, don inexprimable du Christ, unit les coeurs par des liens solides et les apaise par les richesses de la paix intérieure ; la loi divine est méprisée par la plupart, elle qui, source pure de la vie, engendre en même temps le salut ; l'orgueil s'enfle démesurément et fait naître trop de crimes.
Que par vous, très chers fils, revienne vers les humains, le bienheureux François, ange tenant l'étendard du Dieu vivant (Ap 7,2) marqué des stigmates du Christ Jésus crucifié, qui brûla d'une charité si grande envers Dieu et les hommes.
Car les hommes d'aujourd'hui, détournés de Dieu pour la plupart à cause des mille pièges de la séduction et corrompus dans la vie religieuse et sociale, ont besoin d'apôtres à l'image du bienheureux François, apôtres, disons-Nous, qui soient attachés pleinement et de façon absolue à Dieu seul, apôtres qui vivent une vie simple et vraiment pauvre et cherchent non pas ce qui est à eux mais ce qui appartient à Jésus-Christ et aux âmes, qui brillent devant tous par leur exemple et qui surtout s'attachent les pauvres et les mal lotis, des apôtres pleins d'une patience inépuisable pour les faibles, des apôtres enfin qui soient enflammés pour tous par cette charité très pure que saint Paul dans le cantique de la charité décrit et vante remarquablement (1Co 13).
Pour que cela arrive sous d'heureux auspices, que soient nobles les desseins que vous poursuivez. « Il ne vous appartient pas — Nous utilisons une exhortation d'un disciple de saint Bernard — de vous endormir sur des préceptes généraux ni d'être seulement attentifs à ce que Dieu prescrit, mais à ce qu'il veut, cherchant quelle est la volonté de Dieu, bonne, bienveillante et parfaite. Aux autres, il appartient de servir Dieu, à vous d'y adhérer » 2.
Voilà ce que Nous voulons, voilà ce que Nous désirons pour vous et vos compagnons, pour ceux qui sont inscrits dans le Tiers-Ordre de la Pénitence ; dans les sentiments d'une charité paternelle, Nous bénissons tous ceux qui appartiennent à votre famille franciscaine, ses entreprises, ceux qui s'appliquent aux saintes missions dans les territoires infidèles avec un zèle ardent pour que les frontières de la chrétienté s'élargissent et que la Croix du Christ couvre de son ombre salvifique de nouvelles nations. Paix et bonheur pour vous tous, en abondance et pour toujours.
Guidonis Epistula seu tractatus ad Fratres de Monte Dei, c. II, Migne, P. L., t. 184, col. 311.
ALLOCUTION POUR LE 950\2e \0ANNIVERSAIRE DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR
(6 juin 1939) 1
Les élèves du Collège pontifical ruthène et du Collège pontifical russe de Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus ayant offert leurs hommages à Sa Sainteté à l'occasion de la célébration du 950e anniversaire du baptême de saint Vladimir, le Saint-Père leur a adressé l'allocution suivante :
Nous sommes très heureux, chers fils, de vous saluer après le solennel triduum que Nous-même avons recommandé chaudement par Notre lettre apostolique et qui a montré au monde entier l'intérêt paternel que le Vicaire du Christ porte à ces immenses et riches régions qui se réclament de saint Vladimir. C'est lui, le prince qui a converti son peuple, qui vous a, on peut bien le dire, conduits jusqu'à Nous. C'est lui qui, après avoir tracé à ses fidèles slaves le nouveau chemin qui devait les conduire au Christ et fixer pour les siècles et pour l'éternité la destinée surnaturelle et glorieuse de son peuple, ne cesse aujourd'hui de le protéger, d'intercéder pour lui et de lui indiquer le destin qu'il doit suivre ou reprendre pour rester fidèle à l'esprit de son baptême.
Nous sommes donc particulièrement heureux de vous recevoir aujourd'hui, à l'occasion du 950e anniversaire du baptême d'un prince aussi pieux et aussi grand, vous qui êtes une « portion choisie » de ce peuple, les vrais fils de saint Vladimir, les authentiques descendants de la lignée qui fut la sienne, les héritiers de son esprit dans toute sa plénitude, esprit de foi chrétienne universelle et d'union filiale au Siège romain.
Parmi vous, Nous voyons en première ligne Nos chers fils les prêtres ruthènes et russes et surtout Notre Vénérable Frère, le premier évêque catholique russe, qu'il Nous est particulièrement agréable de féliciter et de bénir, dans l'espérance et avec l'augure qu'il soit lui aussi le premier d'une longue série de prélats de sa nation unis au centre de la chrétienté.
Ce Nous est aussi un sujet de vive satisfaction de bénir Nos séminaristes aimés qui ont été les promoteurs de cette solennelle commémoraison. En premier lieu, le collège où reçoivent leur formation les prêtres de l'Eglise ruthène, florissante par le grand nombre de ses fidèles, par leur intense vie catholique ; cette Eglise qui, à juste titre, se glorifie de saint Vladimir et de ces autres grandes et belles figures, lumières très pures de l'Eglise universelle, que sont le martyr saint Josaphat et le célèbre et vénérable métropolite Rutzky. Que dirons-Nous ensuite du Russicum qui compte à peine dix ans d'existence, mais qui Nous est spécialement cher, comme il l'était à Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, parce qu'il porte en lui des promesses et des espoirs immenses, immenses comme les peuples des régions pour lesquelles il prépare des apôtres ?
Nous bénissons en outre avec une affection particulière la colonie russe de Rome. Oui, chers fils et filles, il Nous est vraiment agréable de vous voir aujourd'hui rassemblés autour de Nous. Parce que vous représentez à Nos yeux tout votre peuple de la Russie d'hier, d'aujourd'hui et de demain, la Russie pour laquelle Nous ne cessons de prier et de faire prier, en laquelle nous espérons toujours avec ferveur, à la résurrection spirituelle de laquelle Nous croyons fermement.
Enfin Nous bénissons de tout coeur Nos chères filles les Dames de charité, qui avec tant de dévouement se consacrent à soulager et assister les misères des pauvres Russes de Rome. Nous les remercions spécialement d'avoir su aussi bien comprendre et prodiguer le véritable esprit de saint Vincent de Paul et d'avoir consacré leur activité en faveur de ces êtres humains abandonnés que la société aurait peut-être été tentée d'oublier.
A tous et à toutes, Nous accordons une grande et paternelle bénédiction et Nous élevons en même temps vers Dieu une fervente prière pour la Russie et pour ceux qui là-bas souffrent et attendent dans les larmes l'heure de Dieu.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(7 juin 1939) 1
Ce discours a pour sujet l'Eucharistie, sauvegarde de la grâce du mariage, aliment de vie spirituelle, générateur de force et de patience, sauvegarde de l'innocence des enfants.
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 169 ; traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 24.
Au moment d'invoquer sur les jeunes époux l'abondance des bénédictions divines, Nous aimons à croire que, au moins pour nombre d'entre eux, Nous aimerions dire pour tous, le rite nuptial s'est achevé, selon la pieuse coutume des noces chrétiennes, dans la Communion eucharistique. Quoi qu'il en soit, profitant de l'heureux retour de la Fête-Dieu, que l'Eglise célébrera demain, Nous voulons vous indiquer, chers enfants, dans la sainte Communion un moyen efficace entre tous de conserver les fruits bienfaisants de la grâce que le sacrement de mariage vous a communiquée.
Toute âme chrétienne a besoin de l'Eucharistie, selon la parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6,54-55).
La Communion eucharistique a donc pour effet d'alimenter l'union sanctifiante et vivifiante de l'âme avec Dieu, de maintenir et de fortifier la vie spirituelle et intérieure, d'empêcher que durant le voyage et le combat de cette terre les fidèles ne viennent à manquer de la vie que le baptême leur a communiquée.
C'est par la sainte Communion que Jésus-Christ veut enrichir les âmes de ces biens si précieux : bienheureux ceux qui obéissent aux intentions de son amour et savent user de ce moyen si puissant de sanctification et de salut !
De ces secours les époux chrétiens ont un besoin spécial, eux qui ont conscience de leurs graves devoirs et qui sont résolus de s'en acquitter avec soin.
Une réunion de corps ne suffit pas à établir la famille : elle repose sur le fondement de la communauté des âmes, sur une intime union de paix et d'amour mutuels. Or, l'Eucharistie est, selon la belle expression de saint Augustin, signe d'unité et lien de charité : signum unitatis, vinculum caritatis ; elle unit, elle soude les coeurs.
Pour supporter les charges, les épreuves, les douleurs communes, qui n'épargnent aucune famille, même bien ordonnée, il est besoin d'énergies quotidiennes ; la Communion eucharistique est génératrice de force, de courage, de patience ; et avec la douce joie qu'elle répand dans les âmes bien disposées, elle dispense le trésor le plus précieux des familles : la sérénité.
Nous Nous réjouissons, chers enfants, à la pensée que rentrés dans vos cités, vos villages, vos paroisses, vous donnerez le bel et édifiant spectacle de vous approcher souvent de la Table eucharistique et que vous rapporterez de l'église à votre foyer Jésus, et avec Jésus tous les biens.
Ce sera ensuite le tour de vos enfants, des petits que vous éduquerez et formerez dans la même foi et le même amour, dans la foi et l'amour de l'Eucharistie. Convaincus qu'il n'est pas de meilleur moyen de sauvegarder l'innocence de vos enfants, vous les conduirez à temps à la Table sainte. Vous les amènerez avec vous à l'autel pour recevoir Jésus, et il n'y aura point pour eux de leçon plus éloquente et plus persuasive que votre exemple. Nous pensons avec joie à tout cela et Nous en souhaitons de tout coeur la consolante réalisation. Afin que ces voeux s'accomplissent, recevez-en un gage dans Notre paternelle bénédiction.
DISCOURS A DES SOLDATS ESPAGNOLS
(11 juin 1939) 1
Recevant 3000 légionnaires espagnols (phalangistes), venus à Rome pour un bref séjour, le Saint-Père leur adressa ces paroles :
Soyez les bienvenus, chefs, officiers et soldats de l'Espagne catholique, Nos fils très chers, qui avez causé à votre Père une immense consolation, Nous sommes heureux de voir en vous les défenseurs éprouvés, courageux et loyaux de la foi et de la culture de votre patrie, vous qui, ainsi que Nous vous le disions dans Notre message radiophonique, « avez su vous sacrifier jusqu'à l'héroïsme pour la défense des droits inaliénables de Dieu et de la religion. » 2
1 D'après le texte espagnol de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 173 ; cf. traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 812.
2 Radiomessage du 16 avril 1939 ; cf. ci-dessus, p. 55.
En vous voyant devant Nous, couverts de la gloire acquise par votre valeur chrétienne, Notre pensée va surtout à vos compagnons tombés sur le champ de bataille et Notre coeur de Père est ému au spectacle de la générosité de tant de mères et à la vue des larmes de tant d'orphelins que la mort a privés des êtres les plus chers. Dites-leur de Notre part qu'elles unissent leurs prières à celles de la Vierge des douleurs et les offrent à Dieu avec une résignation toute chrétienne pour la paix du monde.
Rappelons-nous ces jours d'amertume en lesquels « l'ombre de la patrie vacillante, patriae trepidantis imago », comme dit le poète de Cordoue, Lucain, nous a fait comprendre que l'Espagne sans foyers chrétiens et sans temples couronnés par la croix de Jésus-Christ ne serait pas l'Espagne grande, toujours valeureuse ; plus que valeureuse, chevaleresque ; plus que chevaleresque, chrétienne. Et Dieu a voulu que cette magnifique pensée fît jaillir de vos coeurs généreux deux grands amours : l'amour de la religion qui vous garantit l'éternelle félicité de l'âme, et l'amour de la patrie qui vous procure l'honnête bien-être de la vie présente.
Ce sont ces deux amours qui ont allumé en vous le feu de l'enthousiasme, l'ont entretenu ardent aux heures du sacrifice et finalement ont assuré le brillant triomphe de l'idéal chrétien et la victoire.
Au souvenir de cette pensée de saint Jean de la Croix : « L'âme qui va en amour ne fatigue ni ne se fatigue », Notre plus vif désir est que ces deux mêmes amours vous soutiennent dans la tâche de la reconstruction de la patrie, en vous faisant observer jalousement et même dépasser les traditions catholiques de votre glorieux passé.
Avec la ferme espérance qui animait l'apôtre saint Paul, à savoir que « le Dieu de la paix et de l'amour sera avec vous » (2Co 13,11), et, comme gage de grâces abondantes, Nous vous accordons à vous et aux personnes que vous avez dans la pensée ou que vous portez dans le coeur, au généralissime et à ses fidèles collaborateurs, aux dames infirmières qui vous ont assistés, à vos familles et à tous les fidèles de la catholique Espagne, Notre Bénédiction apostolique.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(14 juin 1939) 1
En même temps que les jeunes époux, le Saint-Père reçut, le 14 juin, les étudiants du lycée « Ennio Quirino Visconti » et des jeunes de l'Action catholique. Voici les paroles prononcées par le pape à cette audience :
Aux jeunes époux.
A vous, jeunes époux, va, comme de coutume, Notre première parole, Notre premier salut, accompagné, comme toujours, de Notre bénédiction, objet particulier de vos désirs et de votre visite.
Mais, à Notre parole de bienvenue, il Nous plaît d'ajouter une brève exhortation que Nous suggère le fait que Nous vous recevons la veille de la fête du Sacré-Coeur de Jésus.
Dévotion et consécration des familles au Sacré-Coeur.
La dévotion au Coeur sacré du Rédempteur, qui ces derniers temps s'est si admirablement répandue dans toute l'Eglise et qui connaît les manifestations les plus grandioses et les plus variées, a été établie et voulue par le divin Sauveur en personne. Il a lui-même sollicité et suggéré les hommages dont II désirait que fût honoré son Coeur adorable.
Jésus a précisé le but de cette chère dévotion, lorsque, dans la plus célèbre de ses apparitions à sainte Marguerite-Marie Alacoque, il prononça ces paroles déchirantes : « Voici ce Coeur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et en reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes. » Amour et réparation : voilà ce que cette dévotion demande tout particulièrement. Amour, pour payer de retour Celui qui nous a tant aimés ; réparation, pour le dédommager des outrages infligés à Son amour infini.
Et pour porter les hommes à répondre à ses désirs, Jésus daigna y attacher les plus larges promesses.
Parmi ces promesses quelques-unes regardent spécialement les familles chrétiennes et, partant, les époux et les enfants qui viennent égayer leur foyer. « Je mettrai et conserverai la paix dans leurs familles. Je bénirai les maisons dans lesquelles l'image de mon Coeur sera exposée et vénérée. »
On peut dire que c'est de ces promesses que tire son origine la consécration des familles au Sacré-Coeur de Jésus, et Nous profitons de cette circonstance pour vous la recommander, époux chrétiens, qui venez de fonder des familles au pied de l'autel de Dieu.
Cette consécration est le don plénier de soi que la famille fait au divin Coeur : c'est une reconnaissance de la souveraineté de Notre-Seigneur sur la famille, c'est une prière confiante pour obtenir au foyer les bénédictions de Jésus, l'accomplissement de ses promesses. La famille, par sa consécration au divin Coeur, proteste de vouloir vivre de la vie même de Jésus-Christ, de cultiver les vertus qu'il a enseignées et pratiquées. Il préside les réunions de familles, Il en bénit les entreprises, Il en sanctifie les joies, Il en apaise les anxiétés, Il y réconforte les mourants et II répand la résignation dans le coeur de ceux qui restent.
Ainsi dans vos familles consacrées à son Coeur, Jésus sera la règle souveraine de votre conduite et le protecteur vigilant de vos intérêts. Puissiez-vous obtenir cette grâce par la paternelle bénédiction que Nous vous donnons de tout coeur.
Aux étudiants du Lycée Visconti :
Mais une visite singulièrement agréable à Notre coeur est celle que vous Nous faites, vous tous qui êtes réunis ici, dirigeants et élèves d'un lycée qui, dans les souvenirs de Notre adolescence, occupe une place si vive et si grande.
Nous avions à coeur, en effet, de vous dire de vive voix avec quelle intime satisfaction Nous vous sentons près de Nous, vous qui, tout en évoquant ces souvenirs, venez faire une franche profession de votre foi et réaffirmer la résolution d'une vie qui honore tout à la fois votre culture et Celui qui est de la culture comme de la foi l'origine première et la source intarissable.
En vous réaffirmant en ce jour Notre satisfaction, Nous sommes heureux de le faire avec l'intime conviction que l'hommage que vous avez déjà rendu en une forme si choisie au Vicaire de Jésus-Christ par l'adresse que vous Nous avez envoyée lors de Notre élection, par le spectacle émouvant de votre communion pascale que vous avez offerte à Dieu pour l'ancien élève du lycée Visconti et, encore, par la fervente initiative que vous avez prise d'y apposer une pierre commémorative, qui le rappelle à vous-mêmes et aux élèves qui viendront dans ce temple austère du savoir, cet hommage — disons-Nous — est l'expression spontanée d'un sentiment qui veut avoir et aura, avec l'aide de Dieu, sa pleine réalisation dans une vie rendue aussi féconde par vos fortes études que digne de catholiques et d'Italiens.
De ces résolutions, qui sont implicitement mais clairement signifiées dans votre visite, Nous sentons en ce moment, chers jeunes gens, toute la haute valeur pour votre bonheur personnel, pour la prospérité même de votre Institut, dont les anciennes traditions semblent refleurir dans les nouvelles générations de ses étudiants, et surtout pour les bienfaits qu'en retirera certainement la grande famille chrétienne dont vous faites partie, et votre patrie qui en chacun de vous trouvera un jour tout ce qu'elle a droit d'attendre pour ses meilleures et toujours plus glorieuses destinées.
L'âme pleine de cette douce vision et goûtant en quelque sorte d'avance les fruits précieux qui certainement mûriront en vous tous grâce à une saine formation littéraire, scientifique et religieuse, Nous vous remercions de la consolation que vous Nous avez procurée par votre manifestation si spontanée et filiale. A votre très digne et illustre directeur — dont Nous connaissons la haute conscience dans l'accomplissement de sa délicate mission — et à tous ses vaillants collaborateurs Nous exprimons Notre spéciale gratitude et leur confions Nos espoirs.
Sur vous tous Nous invoquons les lumières du Seigneur sur le chemin ardu du savoir, et le courage persévérant sur celui plus difficile encore de la vertu. Sur vous tous, comme sur toutes vos familles, Nos chers anciens condisciples, ici présents ou disséminés dans le monde, sur la Majesté de votre Roi-Empereur, sur celui qui gouverne les destinées de votre pays, Nous implorons du Tout-Puissant, dispensateur de tout bien, les meilleures et les plus abondantes bénédictions divines.
Aux jeunes de l'Action catholique :
Et maintenant à vous, chers jeunes gens de l'Action catholique ici présents, la parole que vous attendez de Nous ne sera pas autre que celle que vous-mêmes avez écrite sur votre semaine de prière et d'étude : Servire Domino in laetitia, servir Dieu dans la joie.
C'est là, dans cette joie discrète, dont le christianisme inonde toute forme de vie, de travail, d'apostolat, qu'on trouve la preuve manifeste de sa bonté, de sa beauté et de sa vérité essentielle. C'est elle, cette joie chrétienne, qui en défend efficacement la cause et lui attire l'attention du monde. Ce dernier ignore les sources de la joie vraie et inaltérable. C'est à vous, jeunes gens, nés pour la joie, qu'échoit la mission immensément charitable de l'y ramener pour son bonheur.
Vous rendront capables et dignes de ce grand apostolat la pureté des moeurs, la persévérance dans le sacrifice, le courage serein dans la lutte contre les formes pernicieuses de la joie trompeuse et éphémère, dans laquelle l'esprit se baigne mais ne se purifie pas, s'agite mais ne s'élève pas, se distrait mais n'échappe ni au dégoût ni à l'ennui. Aimez les fortes vertus et vous jouirez d'une joie perpétuelle et parfaite. Pour que ce don, qui vient de l'Esprit, vous remplisse tous et fasse de vous, comme vous devez l'être, des apôtres de l'Evangile, Nous demandons à Dieu qu'il ouvre sur vous la source intarissable de sa grâce et répande l'abondance de ses bénédictions.
EXHORTATION A DES PRÊTRES ASSISTANTS DE GROUPEMENTS D'ACTION CATHOLIQUE
(15 juin 1939) 1
Un groupe de 47 prêtres appartenant à 14 nations différentes, mais venant surtout de l'Amérique du Sud, après avoir suivi à Rome, au Collège pontifical Pio-latino-americano, une série de leçons et conférences sur l'Action catholique données par les assistants centraux de l'Action catholique italienne, furent présentés par Mgr Luigi Civardi au Souverain Pontife qui leur adressa l'exhortation suivante :
Il Nous est particulièrement agréable de vous voir aujourd'hui réunis ici autour de Nous, vous, Nos chers fils, futurs guides sur le terrain de l'Action catholique, dépositaires de Nos directives dans un apostolat dont le nom lui-même révèle le caractère universel, l'importance transcendante, l'urgente nécessité.
Appelés à former et à assister, dans tous les secteurs de la grande famille catholique, les collaborateurs de l'apostolat hiérarchique, dans des pays bien différents de langue et de moeurs, comme aussi de caractère et de constitution politique, vous avez appris de l'expérience des personnes âgées et capables ce qui, dans votre activité future, doit être comme le centre commun invariable, ce qui va ramener l'activité elle-même à l'unique et suprême but qui est de préparer des apôtres pour la cause de Jésus-Christ et de son Eglise en allumant dans le vaste champ du Père de famille des foyers bien nourris de foi ferme et de piété agissante.
Vous connaissez désormais vos devoirs ; vous connaissez dans ses lignes fondamentales cet art que saint Grégoire le Grand a appelé « l'art des arts » et qui est le gouvernement des âmes. Vous connaissez la valeur que prend l'Action catholique dans l'appréciation du Saint-Siège, cette Action catholique qui est destinée à rassembler, de tous les points, sous la vigilante direction des évêques, les forces vives du laïcat pour les adapter aux buts sacrés de la propagation, de la défense, de la garde de la foi et les rendre d'autant plus fécondes qu'elles sont davantage solidaires au milieu de toutes les forces qui leur sont opposées de la part du monde.
Ce que Nous vous demandons à présent et ce que votre présence Nous garantit, c'est d'imprégner d'une façon constante et forte, de la lumineuse conscience de votre mission, le travail auquel vous vous préparez : une mission digne de votre sacerdoce, puisqu'elle est ordonnée au salut des âmes et à l'extension de ce royaume qui est toute la raison de la vie de l'Eglise et dans lequel seulement il est donné aux intelligences et aux coeurs de trouver la paix.
Pénétrés de cette très haute mission, vous connaîtrez que cet art difficile, si exalté par saint Grégoire et que vous devez exercer, vous ne pouvez vous l'assimiler simplement par l'étude, aussi étendue et profonde qu'elle soit ; il réclame une expérience attentive et personnelle. Alors seulement il fera de vous « le sel de la terre et la lumière du monde» quand, par l'exemple de votre vie, vous serez des maîtres pour les âmes que vous aurez à guider. C'est en substance la pensée de saint Paul qui écrivait aux Corinthiens : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ » (1Co 4,16). C'est seulement par cette voie que vous assurerez le succès à votre ministère, en suscitant chez les fidèles cet esprit d'apostolat qui est l'âme de l'Action catholique ; par cette voie seulement vous donnerez à votre parole la force dont elle a besoin pour faire pénétrer l'esprit de l'Evangile dans tous les milieux sociaux, principalement dans ceux qui sont davantage ravagés par les ennemis du Christ et où le prêtre pénètre plus difficilement.
C'est pour que votre vie soit d'une sainteté éclatante que Nous adressons à Dieu tous Nos voeux et Nos prières. Nous Nous réjouissons cependant de vos bonnes dispositions, vous exhortant à les nourrir par une solide piété et une fidélité assidue à tous les devoirs sacerdotaux. Nous demandons au Seigneur de les soutenir par sa grâce. De Notre côté, Nous désirons les confirmer par la Bénédiction apostolique que de grand coeur Nous vous accordons également pour vos prochains travaux et fatigues apostoliques.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BOLIVIE
(16 juin 1939) 1
A l'audience solennelle au cours de laquelle S. Exc. M. Gabriel Gon-salvez, nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Bolivie, présenta ses lettres de créance, le Saint-Père prononça l'allocution suivante :
Les paroles prononcées par Votre Excellence sont l'expression éloquente des sentiments révélateurs d'une si profonde piété et d'une conception si élevée de la mission qui vous a été confiée, qu'elles Nous engagent à manifester à S. Exc. M. le président de la chère nation bolivienne, ainsi qu'à tout votre peuple catholique dont, Monsieur l'ambassadeur, vous avez été l'interprète devant le Père commun de la catholicité, Notre complaisance pour votre heureuse nomination.
Ces paroles en effet reflètent une dévotion si sincère à l'égard des vérités et des doctrines catholiques et une si noble et si intime reconnaissance de l'importance décisive de la foi et du sentiment religieux pour la saine formation des individus et des sociétés, en premier lieu de l'Etat, que Nous ne pouvons pas moins faire que de Nous réjouir de voir confié le soin et le développement des bonnes relations qui existent entre le Saint-Siège et la République de Bolivie à une personne en laquelle s'unissent un idéal religieux élevé et une sereine clairvoyance d'homme d'Etat profondément convaincu des bienfaisants effets qui viennent de la parfaite et loyale harmonie entre l'Eglise et l'Etat.
L'heure présente, avec la multitude complexe des nouvelles et graves obligations qu'elle amène avec elle, impose des devoirs à l'énergie, à la valeur et à la décision de ceux à qui sont confiées les destinées des peuples, qu'on a rarement connus en des temps plus normaux.
Aucun peuple, à moins qu'il ne veuille se voir condamner à demeurer retardataire dans le domaine matériel et culturel, ne peut échapper à la nécessité de rechercher et de trouver une réponse et une solution aux urgents problèmes de l'heure actuelle avec leurs répercussions économiques, politiques et sociales. Pour atteindre de semblables buts, le pouvoir de l'Etat se voit souvent contraint à exiger de toutes les classes sociales de graves sacrifices pour le bien commun. Mais là où la doctrine du Christ informe les intelligences et les coeurs et dirige les actions des hommes, là aussi le concept du sacrifice et la subordination consciente des intérêts propres aux nécessités et aux obligations de la communauté font partie de ces lois et règles fondamentales auxquelles aucune conscience ne peut se soustraire, tandis que la même autorité publique respecte les limites sacrées et inviolables de la loi divine. Heureux l'Etat, heureux le peuple dont les gouvernants sont persuadés des bienfaits que la religion apporte à leurs efforts pour la prospérité et le progrès pacifique et qui, en juste retour, s'emploient à ouvrir à l'action de l'Eglise du Christ le chemin qui lui permette d'enraciner et de perfectionner le sentiment chrétien dans la vie privée et la vie publique.
C'est pour ce motif que les paroles élevées de Votre Excellence Nous ont causé une vive satisfaction, parce qu'elles Nous ont fait connaître combien est profonde dans le gouvernement et dans le peuple bolivien la conscience de l'indispensable et irremplaçable mission éducatrice de l'Eglise, et quels échos ont rencontré, en Bolivie, la sollicitude et le dévouement du Père commun en faveur de la paix. Veuille le Seigneur accroître dans tous les peuples et dans tous les hommes d'Etat les sentiments d'un amour sincère et efficace de la paix qui leur inspirent de sages et salutaires résolutions.
En chargeant Votre Excellence de transmettre à S. Exc. M. le président de la République Notre désir que les relations entre le Saint-Siège et la Bolivie soient de plus en plus étroites et plus cordiales, Nous implorons du Très-Haut toutes sortes de bonheur et de prospérité sur la personne de M. le président et sur son peuple aimé, en même temps que Nous formulons pour le succès de votre mission Nos voeux paternels accompagnés des plus abondantes bénédictions.
LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA BÉATIFICATION D'EMILIE DE VIALAR FONDATRICE DES SOEURS DE SAINT-JOSEPH DE L'APPARITION
(18 juin 1939) 1
Par cette lettre apostolique, le Saint-Père rappelle la vie et les vertus d'Emilie de Vialar, fondatrice des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition, qu'il vient de proclamer bienheureuse :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 252 ; cf. traduction française des Actes de S. S. Pie 12, t. I, p. 132.
Animés de généreux et nobles sentiments, nombre de disciples de notre souverain Rédempteur se sont voués totalement à la vie religieuse et aux oeuvres de charité pour l'amour de Jésus ; au mépris de toutes les difficultés de ce monde et de ses douleurs, ils se sont astreints, en vue du salut éternel du prochain et du leur propre, à toute la somme possible d'actes de patience et d'efforts. Ils ont jugé que le plein accomplissement des préceptes de l'Evangile, le souci du bien spirituel du prochain présentent bien plus de gloire aux yeux de Dieu que la capitulation en face des malheurs et des échecs ou la recherche des honneurs humains et des aises : « Toujours, comme s'exprime l'Apôtre, nous portons en notre corps les souffrances de mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps ».
Parmi ces admirables disciples du Christ, c'est un fait particulièrement digne d'attention, que pour la confusion des plus forts, non seulement des hommes doués naturellement de vigueur mais aussi de faibles femmes nous donnent assez souvent l'exemple.
Au rang de ces femmes hors de pair il faut certainement mettre la pieuse Emilie de Vialar, qui, se trouvant encore dans la tendresse de l'âge et en possession d'une fortune considérable, dit un adieu définitif au monde et, sans trêve ni relâche, dépensa entièrement sa vie et ses forces en faveur du but sacré qu'elle s'était proposé, méprisant toutes les difficultés, supportant courageusement, dans une pleine confiance en Dieu, les persécutions déchaînées contre elle, soit par la force des choses, soit par la malice humaine. Quelle égalité d'âme, quelle constance jusque dans l'effondrement de sa fortune !
La jeunesse de la bienheureuse.
La servante de Dieu naquit le 12 septembre 1797, à Galliae, qui fait partie aujourd'hui du diocèse d'Albi, d'une ancienne et noble famille, et reçut au baptême, qui lui fut conféré dans une petite chapelle de la ville, les prénoms d'Anne-Marguerite-Adélaïde-Emilie. Elle apprit de la bouche de sa pieuse mère les premiers principes de la religion et, dès ses premières années, fut un modèle de piété. Après la mort prématurée de cette mère très regrettée, elle passa quelque temps à Paris, chez les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame de l’Abbaye-au-Bois, étrangère aux vanités et divertissements du monde, pratiquant une rare modestie. Puis, à quinze ans à peine, la voilà prenant le gouvernement de la maison et des affaires domestiques ; élevant cependant, par une oraison assidue, son esprit à l'étude des choses divines, elle fit l'aumône aux pauvres, selon ses moyens, leur fut secourable dans la maladie, leur distribua vêtements et médicaments. Soucieuse de relever les ruines causées par la Révolution française, elle s'employa complètement, dans l'ardeur et la douceur de son zèle, à l'instruction religieuse des illettrés, garçonnets surtout et fillettes, à la conversion des pécheurs.
L'Institut de Saint-Joseph de l'Apparition.
Dans l'intention d'appartenir tout entière au Seigneur Jésus, elle refusa avec constance les partis que son père lui proposait en mariage, et se lia même, encore chez elle, par un voeu temporaire de virginité, pour ressembler ainsi dans la pureté de son coeur à l'Epoux céleste. Héritière, à 35 ans, de l'importante fortune de son aïeul maternel, elle décida de consacrer sa personne et ses biens à la fondation d'une pieuse famille religieuse. Elle jeta donc dans son château natal les fondements de l'Institut auquel elle songeait et que, dans sa particulière dévotion pour ce saint, elle plaça sous le vocable de « saint Joseph », de « saint Joseph de l'Apparition », précisa-t-elle en souvenir de la révélation de l'Incarnation divine faite par l'Ange. L'Institut de Saint-Joseph, qui fut alors seulement confirmé par l'autorité episcopale, eut des débuts bien humbles. Mais lorsque, au bout de dix ans, le Saint-Siège lui eut décerné un bref laudatif, il se développa vite, avec la grâce de Dieu, en un arbre couvert de fruits, et étendit ses divers rameaux sur diverses contrées d'Afrique, d'Asie et d'Europe.
Les tribulations de la fondatrice.
En 1870 enfin, l'Institut des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition obtint l'entière approbation du Saint-Siège. Les oeuvres de charité et de piété, auxquelles se livraient les Soeurs de Saint-Joseph, selon la nature même de leur institut, répondaient au désir véhément qui brûlait la servante de Dieu de gagner à Jésus-Christ le plus grand nombre possible d'âmes. Aussi, sa remarquable confiance en Dieu était venue à bout des difficultés de tout genre et des épreuves suscitées à sa personne ou à son institut, que protégeait l'archevêque d'Albi. Elle s'attacha à la parfaite formation de sa nouvelle famille religieuse et marqua sa très ferme volonté pour son maintien et son accroissement. Obligée cependant, à la suite de prétentions excessives de l'Ordinaire, de fermer les maisons qu'elle venait d'ouvrir non sans peine et à grands frais, à Alger, à Bône, à Constantine, elle se retira avec ses Soeurs, pleine de déférence pour le Souverain Pontife et le Saint-Siège, dans la première maison de Gaillac. C'est alors que dépouillée du domaine familial et de l'héritage ancestral par la négligence, disons plutôt la méchanceté des hommes, abandonnée par un certain nombre de Soeurs, à qui l'envie ou la peur inspira de la quitter en ces conjonctures critiques, privée de l'appui du nouvel archevêque d'Albi, la servante de Dieu, dans le dessein de favoriser le recrutement de ses novices et de ses religieuses, et de pourvoir en de meilleures conditions au progrès spirituel de chacune, quitta le pays natal, s'installa pour un temps à Toulouse, puis à Marseille, où l'évêque lui réserva un accueil plein de bienveillance et où elle établit enfin le siège définitif de la maison-mère de son institut, y demeurant jusqu'à sa mort. De fait, la servante de Dieu employa entièrement le reste de sa vie à gouverner et à développer la famille religieuse de Saint-Joseph, si bien qu'au décès de la pieuse fondatrice, plus de quarante-deux maisons de l'institut se trouvaient ouvertes. Brisée par d'infatigables travaux et par la maladie, elle reçut les derniers sacrements et s'endormit très paisiblement dans la paix du Seigneur, dans cette maison-mère de Marseille, le 24 août 1856.
Après la solennité des funérailles, en l'église Notre-Dame-du-Mont, les restes mortels de la servante de Dieu furent déposés au cimetière Saint-Charles d'abord, en second lieu au cimetière Saint-Pierre, puis, en 1914, dans un modeste oratoire adjacent à la maison-mère, l'an dernier, enfin, dans la chapelle de la même maison, où ils reposent maintenant dans la paix du Seigneur.
L'instruction de sa cause.
Le renom de sainteté qui s'attachait à la servante de Dieu, de son vivant même, devint de jour en jour plus répandu après sa précieuse mort. Aussi, après enquête de l'Ordinaire, pour répondre à un désir communément exprimé, de voir décerner à Emilie de Vialar les honneurs des autels, sa cause commença-t-elle à être examinée, et Pie XI, Notre prédécesseur de vénérée mémoire, signa-t-il personnellement, le 27 mars 1925, le décret d'introduction de la cause. A la fin du procès informatif, mené canoniquement sur la vie et les oeuvres de la servante de Dieu, et toutes les autres choses dûment observées, le même pontife, Notre prédécesseur immédiat, proclama, par son décret du 19 mars 1935, que les vertus de la vénérable servante de Dieu, Emilie de Vialar, avaient atteint le degré héroïque.
Ensuite, après qu'on eut juridiquement procédé à l'examen des deux miracles que Dieu, disait-on, avait faits par son intercession, Notre prédécesseur, dans un autre décret du 11 décembre 1938, déclara et attesta leur véracité de sa suprême autorité. La proclamation de l’héroïcité des vertus et la reconnaissance des miracles une fois accomplies, il ne restait plus qu'à discuter si, d'une façon certaine, la vénérable servante de Dieu pouvait être classée parmi les bienheureux du ciel. Le doute en fut présenté en Congrégation générale par Notre Vénérable Frère le cardinal Janvier Granito Pignatelli di Belmonte, évêque d'Ostie et Albano, rapporteur de la cause, en présence de Notre prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire, le 24 janvier de l'année courante, et tous les assistants cardinaux et consulteurs de la Sacrée Congrégation des Rites furent unanimes à donner leur approbation. Au moment où, dans une affaire de cette importance, Notre prédécesseur s'apprêtait à faire connaître le 19 février son assentiment personnel, une mort inopinée l'emporta, l'empêchant de mettre la dernière main à son oeuvre.
Sa béatification.
Pour ce qui est de Nous, appelé à réaliser son désir, après avoir imploré le secours du Père des Lumières en de ferventes prières, Nous avons enfin proclamé, Nous appuyant sur Notre autorité apostolique, le 26 mars, dimanche de la Passion de cette même année, à l'issue du saint sacrifice, en présence de Notre cher Fils Charles Salotti, cardinal-prêtre de la Sainte Eglise, préfet de la Congrégation des Rites ; de Notre Vénérable Frère le cardinal Janvier Granito Pignatelli di Belmonte, ponent ou rapporteur de la cause ; de Nos chers Fils Alphonse Carinci, secrétaire de la Congrégation des Rites, et Salvatore Natucci, promoteur général de la foi, qu'on pouvait procéder de tuto à la béatification solennelle de la vénérable servante de Dieu Emilie de Vialar. Dans l'état actuel des choses, répondant aux voeux de toute la famille religieuse des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition, fondée par la vénérable Emilie, par la teneur des présentes lettres et en vertu de Notre autorité apostolique, Nous permettons de donner désormais à la vénérable servante de Dieu Emilie de Vialar, fondatrice de cet institut, le titre de bienheureuse, de présenter son corps et ses reliques à la vénération des fidèles, sans qu'on puisse cependant les porter dans des supplications solennelles, et de décorer de rayons les images de la bienheureuse. En vertu de Notre autorité, Nous accordons en outre que, tous les ans, on récite l'office et qu'on célèbre la messe du commun des vierges, avec leçons et oraisons propres, revêtues de Notre approbation, conformément aux rubriques du Missel et du Bréviaire romains.
Nous accordons la récitation de cet office et la célébration de cette messe uniquement à l'archidiocèse d'Albi, qui a vu naître la servante de Dieu, et au diocèse de Marseille, puisqu'elle est morte à Marseille et que son corps y repose. Nous l'accordons encore à toutes les églises et chapelles qui dans le monde entier sont utilisées par l'Institut des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition, pour tous les fidèles qui sont obligés à l'office, et, en ce qui touche les messes, pour tous les prêtres, tant du clergé séculier que du clergé régulier, qui se rendent à ces églises ou chapelles où est organisée la fête. Nous accordons enfin la permission de célébrer dans les susdites églises ou chapelles pendant l'année, aux jours que désignera l'autorité légitime — après qu'auront été célébrées les solennités dans la basilique vaticane — des cérémonies solennelles pour commémorer, en observant tout ce qui doit être observé, la béatification de la vénérable servante de Dieu Emilie de Vialar. Nonobstant la promulgation de constitutions et ordonnances apostoliques, ainsi que de décrets de non-culte et toutes choses contraires. Nous voulons en outre que les exemplaires de cette lettre, même imprimés, pourvu qu'ils soient revêtus de la signature du secrétaire de la Sacrée Congrégation des Rites et du sceau de la même Sacrée Congrégation, soient tenus, même dans les causes judiciaires, pour aussi dignes de foi qu'une expression de Notre volonté, sur présentation de ces lettres apostoliques elles-mêmes.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT DÉCLARANT SAINT FRANÇOIS D'ASSISE ET SAINTE CATHERINE DE SIENNE PATRONS PRIMAIRES DE L'ITALIE
(18 juin 1939) 1
A la demande de tous les évêques d'Italie, le Saint-Père déclare saint François d'Assise et sainte Catherine de Sienne patrons primaires de l'Italie.
Bien que Nous ait été confiée par le Dieu Rédempteur la sollicitude de toutes les Eglises qui Nous engage fermement à promouvoir spontanément le bien des fidèles du monde entier, la Chaire romaine de saint Pierre a été placée par la divine Providence en Italie. C'est très volontiers qu'à l'occasion Nous cherchons à promouvoir de façon très particulière les intérêts spirituels des Italiens, et que Nous décidons avec un soin très attentif les choses qui paraissent utiles à l'obtention de cette fin.
C'est pourquoi, dans les si grandes difficultés actuelles dont l'Italie est entourée de toutes parts, rien ne peut être plus conforme à Notre charge pastorale et aussi à l'affection dont Nous entourons Nos concitoyens, que de leur donner des patrons particuliers auprès de Dieu pour être leur garde et leur secours. Qui peut douter, en effet, qu'il n'est aidé chaque jour auprès de Dieu par le patronage des saints, surtout quand, placé dans la difficulté, il invoque Dieu, soutenu par l'intercession des bienheureux du ciel, et que Dieu immédiatement l'exauce ? Et ceci peut être à très juste titre affirmé du patronage dont les saints protègent les nations et les pays, et ceux-là principalement auxquels par patriotisme ils se sont efforcés d'être utiles pour des raisons et dans des circonstances particulières lorsqu'ils étaient encore sur cette terre. Sans nul doute, ceci doit être affirmé de saint François d'Assise et de sainte Catherine de Sienne qui, tous deux Italiens, ont, lorsqu'ils vivaient, non seulement illustré leur patrie et la nôtre, terre toujours féconde en saints, par l'admirable splendeur de leurs actes et de leurs vertus, mais encore par l'abondance de leurs bienfaits dans des temps particulièrement difficiles et extraordinaires.
En effet, François, pauvre et humble à l'image de Jésus-Christ, a donné des exemples infatigables de vie évangélique aux citoyens très turbulents de son époque et surtout a ouvert par la création de son Tiers Ordre de nouveaux chemins et un accès plus facile pour la correction des moeurs publiques et privées et pour obtenir un vrai sens catholique.
Catherine, vierge forte et pieuse, a pris soin par un travail efficace de favoriser et d'établir la concorde dans les cités et les villes de sa patrie, de ramener dans la ville de Pierre par ses conseils, par ses prières et par son effort inlassable, les pontifes romains qui vivaient en France presqu'en exil. Aussi paraît-elle à juste titre comme la gloire de la patrie et la protectrice de la religion.
Aujourd'hui, comme Charles Salotti, cardinal-prêtre de la sainte Eglise romaine, préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, Nous apprend que tous les archevêques et évêques d'Italie, traduisant les vceux de l'ensemble des fidèles, Nous prient par d'instantes prières de déclarer et constituer les saints que Nous venons de louer patrons primaires de l'Italie, afin d'exciter et d'augmenter de jour en jour la piété qui leur vient des ancêtres, toutes choses ayant été soigneusement pesées, Nous répondons très volontiers à ces demandes que le même cardinal appuie de son propre suffrage.
C'est pourquoi, Nous étant informé et après mûre délibération, motu proprio, dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, Nous déclarons et Nous constituons, par les présentes lettres, à partir d'aujourd'hui et à perpétuité, saint François d'Assise et sainte Catherine de Sienne patrons primaires de l'Italie.
Nous décrétons en outre, par cette présente lettre, de la même autorité, et de même à perpétuité, que la fête de ces patrons sera célébrée chaque année en Italie et dans les îles adjacentes par l'un et l'autre clergés par une messe et un office convenables sous le rite double de première classe sans octave.
Nonobstant toutes choses contraires.
(2 juin 1939) 1
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 151 ; cf. traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, coi. 809.
Le Souverain Pontife a reçu, le 2 juin, les membres du Sacré Collège venus lui présenter leurs voeux à l'occasion de la fête de saint Eugène, et leur parla de la mission pacificatrice de l'Eglise et de sa démarche auprès des gouvernements en faveur de la paix du monde dangereusement menacée. Voici la traduction de ce discours prononcé en italien :
Aujourd'hui, pour la première fois, les impénétrables desseins de Dieu Nous permettent de célébrer le souvenir sacré de Notre saint patron sur la Chaire de Pierre, si indigne héritier que Nous soyons de cette magistrature suprême, à laquelle Eugène 1er apporta un nouvel éclat, par le zèle vigilant de son action apostolique, aussi bien que par l'insigne piété et l'intégrité de sa vie. En cette circonstance, rien ne pouvait Nous être plus agréable que de voir réunis autour de Nous ceux que l'extrême bonté de la Providence a daigné Nous associer comme les plus intimes conseillers et collaborateurs dans les saintes et multiples sollicitudes du suprême ministère pastoral. Les voeux, qu'en des termes si élevés et si pieux le vénérable doyen du Sacré Collège, également cher à vous et à Nous-même, vient de Nous adresser en votre nom, avec cette noblesse de pensée et de parole dont il a le secret, sont pour Nous l'expression sensible d'un sentiment intime, d'un dévouement sincère de votre âme, pour lequel Nous vous sommes profondément reconnaissant. Et, en même temps, Nous Nous sentons singulièrement poussé à supplier le Seigneur, comme faisait l'Apôtre des gentils, « pour que vous ayez en nous un nouveau sujet de fierté en Jésus-Christ », ut gratulatio vestra abundet in Christo Jesu in nobis (Ph 1,26). Notre espérance prend son appui et son affermissement, par-dessus tout, en la grâce aux formes multiples de Celui qui « a choisi ce qui est faible en ce monde... pour confondre ce qui est fort ». Infirma mundi elegit... ut confundat fortia (1Co 1,27). Mais au jour et à l'heure où votre confiance fraternelle et la volonté de Dieu, qui se manifestait par elle, Nous chargèrent de cet office, dont tout ensemble la dignité et le poids Nous effrayaient, ce Nous fut un réconfort et un apaisement que la certitude de vous avoir à Nos côtés et de trouver en vous, en votre science, en votre expérience, en votre profonde sagesse acquise et mûrie au prix de longues années de labeur, les plus fermes et les plus fidèles collaborateurs.
La prière de l'Eglise pour la paix entre les nations.
Vos souhaits formulés pour le Père de la famille spirituelle au jour de sa fête — lequel vous en remercie et vous aime dans la charité du Christ — Notre coeur les renvoie à l'Eglise, Epouse du Rédempteur et notre Mère, puis au monde, vers lequel vont toute Notre sollicitude, toute Notre pensée, dans les circonstances présentes. A cette heure, en effet, le monde est, sur bien des points, comme saturé de ferments en activité, faisant germer ou éclore des événements, dont la plus perspicace sagesse humaine ne saurait dire si le résultat final de leur évolution sera oeuvre de construction ou de ruine. L'Eglise n'est pas fille du monde ; mais elle est dans le monde, elle vit en lui, de lui elle reçoit ses enfants ; elle prend part à toutes les alternatives de joie et de tristesse du monde ; c'est au milieu du monde qu'elle souffre, combat et prie — tout comme, au temps de ses origines, elle priait avec le grand apôtre Paul et faisait « des supplications, des prières, des voeux, des actions de grâces, pour tous les hommes ; pour les rois et pour tous ceux qui occupent un poste élevé, afin que nous menions une vie paisible et tranquille : ut quietam et tranquillam vitam agamus, en toute piété et honnêteté ; car cela est bon et agréable aux yeux de Dieu notre Sauveur, « qui veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,1-4). Qu'est cela, sinon la prière pour la paix entre les nations que l'Eglise, depuis l'aurore du christianisme, fait monter vers ce Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ?
La mission pacificatrice de l'Eglise.
Mais sur la route de l'histoire, dans la réalité des faits à travers lesquels elle chemine, la marche de l'Eglise est devenue plus difficile et plus ardue qu'en d'autres temps. Elle se trouve au milieu d'un monde d'oppositions et de scissions, de conflits dans les sentiments et dans les intérêts, d'idées sans modération et d'ambitions sans mesure, de craintes et d'audace, au sein d'une humanité qui semble ne pas savoir encore reconnaître ni décider quel parti elle doit prendre : admettre comme première règle d'action et suprême arbitre de ses propres destinées le tranchant de l'épée ou la noble souveraineté du droit, se confier à l'empire de la raison ou à celui de la force. C'est pourquoi l'Epouse du Christ se heurte à plus d'obstacles et d'objections dans ses efforts pour assurer à ses principes et à ses exhortations, toujours dictés par sa mission religieuse et devant aboutir dans leur développement au bien de chaque peuple comme à celui de toute la communauté humaine, cet accueil qu'elle souhaite, ce loyal empressement dans l'acceptation, sans quoi sa parole resterait une « voix qui crie dans le désert » : vox clamantis in deserto. D'autre part, les devoirs sacrés de Notre ministère apostolique ne peuvent admettre que ni des obstacles extérieurs, ni la crainte de voir mal interprétés ou incompris Nos intentions et Nos desseins, toujours orientés vers le bien, Nous empêchent d'exercer ce salutaire office de pacification, qui est propre à l'Eglise. L'Eglise ne se laisse pas séduire ni enchaîner par des intérêts particuliers ; elle ne songe pas à se mêler, sans y être invitée, à des contestations territoriales entre les Etats, ni à se trouver entraînée dans la complexité des conflits qui facilement en découlent. Elle ne peut cependant pas, en des heures où la paix court les plus grands dangers et où les passions se font plus violentes dans la discussion, renoncer à dire maternellement son mot et, si les circonstances le permettent, à offrir maternellement ses services pour empêcher l'intervention imminente de la force, avec ses incalculables conséquences matérielles, spirituelles et morales.
Démarche du Saint-Siège auprès des gouvernements pour le maintien de la paix.
Dans cet esprit de justice et de paix, que Nous ressentions au plus intime de Notre coeur de Père commun, Nous avons cru opportun, après mûre considération, à une heure de la vie des peuples qui semblait particulièrement grave, au début du mois de mai dernier, de faire connaître à certains hommes d'Etat de grandes nations européennes les préoccupations que Nous inspiraient alors la situation et Notre crainte que les dissensions internationales s'exaspérant ne dégénèrent en conflit sanglant. Cette démarche — Nous le disons avec reconnaissance — a en général rencontré la sympathie des gouvernements et, une fois connue du public sans que Nous eussions rien fait pour cela, suscité la gratitude des populations ; Nous reçûmes des assurances de bonne volonté et du désir de maintenir la paix tant souhaitée des peuples. Qui plus que Nous pouvait être satisfait de connaître ce commencement d'une détente des esprits ? Qui pouvait désirer et souhaiter avec plus d'ardeur qu'elle s'affermît toujours davantage ? Et Nous ne voulons pas cacher que d'autres informations, parvenues à cette occasion même jusqu'à Nous, touchant les sentiments et les intentions d'hommes d'Etats influents — Nous leur en sommes vivement reconnaissant — ont augmenté pour Nous dans une certaine mesure l'espoir que les considérations de noble humanité, la conscience de l'inévitable responsabilité encourue devant Dieu et devant l'histoire, une idée exacte des vrais intérêts de leurs peuples, ont assez de force et de poids pour amener les gouvernements, dans leurs efforts en vue d'une paix stable sauvegardant la liberté et l'honneur des nations, à des pensées et à des actes capables d'atténuer, de réduire ou de vaincre les obstacles matériels et moraux s'opposant à une entente sincère et solide. Cette circonstance a laissé la voie ouverte à de nouvelles sollicitudes de Notre part et à de nouvelles instances.
Confiance dans la divine Providence.
Mais les destinées et le bonheur des peuples sont dans les mains de quello Imperador che lassa régna 2,du Maître qui règne dans les cieux, le Père des lumières, la source de tout bien parfait dans le monde. Avec le bonheur et les destinées des peuples, il tient aussi dans ses mains les coeurs des hommes : du côté qu'il voudra, il les fera pencher. Il sait élargir, restreindre, arrêter ou diriger leur volonté sans en changer la nature. Dans l'oeuvre de l'homme, tout est faible comme l'homme ; ses pensées sont timides, incertaines ses prévoyances, ses moyens manquent de souplesse, et ses pas de fermeté ; il marche vers un but toujours obscur. Dans l'oeuvre de Dieu, tout est fort comme lui : ses desseins ne connaissent pas le doute ; sa puissance se plaît et semble se jouer dans le gouvernement du monde ; il trouve ses délices parmi les enfants des hommes, mais rien ne lui résiste ; en ses mains les obstacles eux-mêmes deviennent des moyens de modeler les choses et les événements, de tourner les esprits et les libres vouloirs humains vers les fins sublimes de sa miséricorde et de sa justice, les deux étoiles de son universel empire. En lui repose Notre plus ferme espérance. Pour implorer les lumières et les bénédictions célestes sur les événements actuels et sur les décisions qu'ils préparent, au mois de mai déjà Nous appelions autour de l'autel de Marie le monde catholique à une croisade de prières et Nous mettions à l'avant-garde les candides légions des enfants, comme des lys éclos aux pieds de la Vierge Marie, protégés par les saints anges, appelés par Jésus auprès de lui, par lui embrassés, bénis, offerts en modèle à tous les héritiers du royaume des cieux. L'innocence qui prie et supplie est un avertissement et un exemple. Nous sommes heureux à cette occasion de manifester la douce joie éveillée dans Notre coeur par le souvenir de ce louable et pieux empressement, de cette ferveur intense, de cette sainte et cordiale émulation qui ont éclaté parmi les fidèles du monde entier, en réponse à cet appel mariai. Entrés maintenant dans le beau mois de juin dédié au Coeur Sacré de Jésus, Nous Nous tournons avec une ardeur accrue, avec une plus grande et plus instante espérance, vers Celui qui est le roi et le centre de tous les coeurs, rex et centrum omnium cordium, le refuge et le soutien de tous ceux qui sont dans l'angoisse et la crainte, qu'il daigne, lui à qui a été donnée toute puissance au ciel et sur la terre, apaiser les flots du monde troublé et agité, qu'il fasse passer parmi les hommes et les nations le souffle d'un esprit nouveau ! Que par lui Nos appels à la paix trouvent dans les coeurs des gouvernants et des peuples cet écho, et, dans les décisions et les actes des pouvoirs responsables, ces réalisations pratiques que demandent les désirs et les prières de tous les hommes de bien !
Avec ce voeu sur les lèvres et dans le coeur, Nous vous accordons, comme gage de l'abondance des grâces divines, dans la plénitude de Notre reconnaissance, la Bénédiction apostolique.
2 Dante, Enfer, 1, 124.
ALLOCUTION AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES FRÈRES MINEURS
(S juin 1939)1
Recevant en audience solennelle les religieux des Frères Mineurs qui ont participé au Chapitre général tenu au couvent de Sainte-Marie-des-Anges, à Assise, le Saint-Père prononça cette allocution :
Alors que s'achève à Assise la réunion du Chapitre général, chers fils, avant de regagner vos maisons si bien disséminées par-delà les mers sur des terres lointaines, conduits par Notre Vénérable Frère Ange Marie Dolci, cardinal protecteur de votre ordre, votre eminent interprète, vous avez voulu Nous rendre visite et Nous témoigner votre remarquable attachement. Nous sommes charmé de vous entendre et de vous voir, Nous sommes heureux de votre zèle et Nous Nous réjouissons de votre soumission. Nous vous adressons nommément toutes Nos félicitations pour avoir pris, au cours des récentes réunions de votre famille religieuse que vous avez tenues, des décisions salutaires et pour avoir réélu pour ministre général de votre ordre Léonard Marie Bello, homme d'une haute sagesse et dont l'esprit de religion mérite la plus grande considération ; Nous prions Dieu pour lui afin que comblé de grâces il ait toute la force voulue pour accomplir avec douceur et fermeté les diverses fonctions de la charge qui lui est confiée, qu'il s'enrichisse de mérites, qu'il déborde de consolations ; Nous savons du reste que pour lui, comme il se doit, diriger n'est pas autre chose que servir.
Mais en vous Nous désirons saluer l'ordre franciscain tout entier dont vous-mêmes êtes la force et la fleur, l'élite de ses guides et ses plus éminents conseillers. Nous proclamons ouvertement et publiquement aujourd'hui mettre en votre ordre Notre grande confiance et Notre grand espoir, puisqu'aux maux funestes qui corrompent ce siècle de dureté, l'âme généreuse du bienheureux François, la forme et la règle de sa vie en tous points parfaite, peuvent apporter les remèdes convenables. Le XIIIe siècle a avec notre époque une certaine ressemblance, où votre père et législateur se leva, tel le plus beau des astres dont les actions merveilleuses seraient à chanter dans une langue plus céleste qu'humaine. C'est alors que la raison humaine surestimée commençait à accumuler ici et là les périls contre la foi, la soif de l'or agitait les esprits, l'amour de soi mal dirigé et la frénésie des désirs allumaient des guerres ensanglantant les nations par des massacres entre frères, les erreurs de croyances pernicieuses, qui embrouillaient tout en détruisant le fondement de l'autorité et en renversant le droit de propriété, s'efforçaient d'abattre la religion et la société. Dieu dans sa bonté vint au secours du genre humain qui se précipitait à sa perte par l'assistance des saints François et Dominique et de leurs milices sacrées ; le respect pour l'Eglise romaine stimulé, le goût pour la pénitence, l'excellence de la pauvreté et la douceur évangélique devenues objets du plus haut amour et mises à l'honneur, les moeurs des peuples, par un miracle imprévisible, resplendirent de foi et d'humanité et comme si on avait chassé le sombre hiver, partout des fleurs gracieuses apparurent au loin sur notre terre.
Maintenant encore il fait froid, pris par les glaces le siècle hostile à la vertu se meurt de froid ; la charité s'est pitoyablement affaiblie, elle qui, don inexprimable du Christ, unit les coeurs par des liens solides et les apaise par les richesses de la paix intérieure ; la loi divine est méprisée par la plupart, elle qui, source pure de la vie, engendre en même temps le salut ; l'orgueil s'enfle démesurément et fait naître trop de crimes.
Que par vous, très chers fils, revienne vers les humains, le bienheureux François, ange tenant l'étendard du Dieu vivant (Ap 7,2) marqué des stigmates du Christ Jésus crucifié, qui brûla d'une charité si grande envers Dieu et les hommes.
Car les hommes d'aujourd'hui, détournés de Dieu pour la plupart à cause des mille pièges de la séduction et corrompus dans la vie religieuse et sociale, ont besoin d'apôtres à l'image du bienheureux François, apôtres, disons-Nous, qui soient attachés pleinement et de façon absolue à Dieu seul, apôtres qui vivent une vie simple et vraiment pauvre et cherchent non pas ce qui est à eux mais ce qui appartient à Jésus-Christ et aux âmes, qui brillent devant tous par leur exemple et qui surtout s'attachent les pauvres et les mal lotis, des apôtres pleins d'une patience inépuisable pour les faibles, des apôtres enfin qui soient enflammés pour tous par cette charité très pure que saint Paul dans le cantique de la charité décrit et vante remarquablement (1Co 13).
Pour que cela arrive sous d'heureux auspices, que soient nobles les desseins que vous poursuivez. « Il ne vous appartient pas — Nous utilisons une exhortation d'un disciple de saint Bernard — de vous endormir sur des préceptes généraux ni d'être seulement attentifs à ce que Dieu prescrit, mais à ce qu'il veut, cherchant quelle est la volonté de Dieu, bonne, bienveillante et parfaite. Aux autres, il appartient de servir Dieu, à vous d'y adhérer » 2.
Voilà ce que Nous voulons, voilà ce que Nous désirons pour vous et vos compagnons, pour ceux qui sont inscrits dans le Tiers-Ordre de la Pénitence ; dans les sentiments d'une charité paternelle, Nous bénissons tous ceux qui appartiennent à votre famille franciscaine, ses entreprises, ceux qui s'appliquent aux saintes missions dans les territoires infidèles avec un zèle ardent pour que les frontières de la chrétienté s'élargissent et que la Croix du Christ couvre de son ombre salvifique de nouvelles nations. Paix et bonheur pour vous tous, en abondance et pour toujours.
Guidonis Epistula seu tractatus ad Fratres de Monte Dei, c. II, Migne, P. L., t. 184, col. 311.
ALLOCUTION POUR LE 950\2e \0ANNIVERSAIRE DU BAPTÊME DE SAINT VLADIMIR
(6 juin 1939) 1
Les élèves du Collège pontifical ruthène et du Collège pontifical russe de Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus ayant offert leurs hommages à Sa Sainteté à l'occasion de la célébration du 950e anniversaire du baptême de saint Vladimir, le Saint-Père leur a adressé l'allocution suivante :
Nous sommes très heureux, chers fils, de vous saluer après le solennel triduum que Nous-même avons recommandé chaudement par Notre lettre apostolique et qui a montré au monde entier l'intérêt paternel que le Vicaire du Christ porte à ces immenses et riches régions qui se réclament de saint Vladimir. C'est lui, le prince qui a converti son peuple, qui vous a, on peut bien le dire, conduits jusqu'à Nous. C'est lui qui, après avoir tracé à ses fidèles slaves le nouveau chemin qui devait les conduire au Christ et fixer pour les siècles et pour l'éternité la destinée surnaturelle et glorieuse de son peuple, ne cesse aujourd'hui de le protéger, d'intercéder pour lui et de lui indiquer le destin qu'il doit suivre ou reprendre pour rester fidèle à l'esprit de son baptême.
Nous sommes donc particulièrement heureux de vous recevoir aujourd'hui, à l'occasion du 950e anniversaire du baptême d'un prince aussi pieux et aussi grand, vous qui êtes une « portion choisie » de ce peuple, les vrais fils de saint Vladimir, les authentiques descendants de la lignée qui fut la sienne, les héritiers de son esprit dans toute sa plénitude, esprit de foi chrétienne universelle et d'union filiale au Siège romain.
Parmi vous, Nous voyons en première ligne Nos chers fils les prêtres ruthènes et russes et surtout Notre Vénérable Frère, le premier évêque catholique russe, qu'il Nous est particulièrement agréable de féliciter et de bénir, dans l'espérance et avec l'augure qu'il soit lui aussi le premier d'une longue série de prélats de sa nation unis au centre de la chrétienté.
Ce Nous est aussi un sujet de vive satisfaction de bénir Nos séminaristes aimés qui ont été les promoteurs de cette solennelle commémoraison. En premier lieu, le collège où reçoivent leur formation les prêtres de l'Eglise ruthène, florissante par le grand nombre de ses fidèles, par leur intense vie catholique ; cette Eglise qui, à juste titre, se glorifie de saint Vladimir et de ces autres grandes et belles figures, lumières très pures de l'Eglise universelle, que sont le martyr saint Josaphat et le célèbre et vénérable métropolite Rutzky. Que dirons-Nous ensuite du Russicum qui compte à peine dix ans d'existence, mais qui Nous est spécialement cher, comme il l'était à Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, parce qu'il porte en lui des promesses et des espoirs immenses, immenses comme les peuples des régions pour lesquelles il prépare des apôtres ?
Nous bénissons en outre avec une affection particulière la colonie russe de Rome. Oui, chers fils et filles, il Nous est vraiment agréable de vous voir aujourd'hui rassemblés autour de Nous. Parce que vous représentez à Nos yeux tout votre peuple de la Russie d'hier, d'aujourd'hui et de demain, la Russie pour laquelle Nous ne cessons de prier et de faire prier, en laquelle nous espérons toujours avec ferveur, à la résurrection spirituelle de laquelle Nous croyons fermement.
Enfin Nous bénissons de tout coeur Nos chères filles les Dames de charité, qui avec tant de dévouement se consacrent à soulager et assister les misères des pauvres Russes de Rome. Nous les remercions spécialement d'avoir su aussi bien comprendre et prodiguer le véritable esprit de saint Vincent de Paul et d'avoir consacré leur activité en faveur de ces êtres humains abandonnés que la société aurait peut-être été tentée d'oublier.
A tous et à toutes, Nous accordons une grande et paternelle bénédiction et Nous élevons en même temps vers Dieu une fervente prière pour la Russie et pour ceux qui là-bas souffrent et attendent dans les larmes l'heure de Dieu.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(7 juin 1939) 1
Ce discours a pour sujet l'Eucharistie, sauvegarde de la grâce du mariage, aliment de vie spirituelle, générateur de force et de patience, sauvegarde de l'innocence des enfants.
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 169 ; traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 24.
Au moment d'invoquer sur les jeunes époux l'abondance des bénédictions divines, Nous aimons à croire que, au moins pour nombre d'entre eux, Nous aimerions dire pour tous, le rite nuptial s'est achevé, selon la pieuse coutume des noces chrétiennes, dans la Communion eucharistique. Quoi qu'il en soit, profitant de l'heureux retour de la Fête-Dieu, que l'Eglise célébrera demain, Nous voulons vous indiquer, chers enfants, dans la sainte Communion un moyen efficace entre tous de conserver les fruits bienfaisants de la grâce que le sacrement de mariage vous a communiquée.
Toute âme chrétienne a besoin de l'Eucharistie, selon la parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6,54-55).
La Communion eucharistique a donc pour effet d'alimenter l'union sanctifiante et vivifiante de l'âme avec Dieu, de maintenir et de fortifier la vie spirituelle et intérieure, d'empêcher que durant le voyage et le combat de cette terre les fidèles ne viennent à manquer de la vie que le baptême leur a communiquée.
C'est par la sainte Communion que Jésus-Christ veut enrichir les âmes de ces biens si précieux : bienheureux ceux qui obéissent aux intentions de son amour et savent user de ce moyen si puissant de sanctification et de salut !
De ces secours les époux chrétiens ont un besoin spécial, eux qui ont conscience de leurs graves devoirs et qui sont résolus de s'en acquitter avec soin.
Une réunion de corps ne suffit pas à établir la famille : elle repose sur le fondement de la communauté des âmes, sur une intime union de paix et d'amour mutuels. Or, l'Eucharistie est, selon la belle expression de saint Augustin, signe d'unité et lien de charité : signum unitatis, vinculum caritatis ; elle unit, elle soude les coeurs.
Pour supporter les charges, les épreuves, les douleurs communes, qui n'épargnent aucune famille, même bien ordonnée, il est besoin d'énergies quotidiennes ; la Communion eucharistique est génératrice de force, de courage, de patience ; et avec la douce joie qu'elle répand dans les âmes bien disposées, elle dispense le trésor le plus précieux des familles : la sérénité.
Nous Nous réjouissons, chers enfants, à la pensée que rentrés dans vos cités, vos villages, vos paroisses, vous donnerez le bel et édifiant spectacle de vous approcher souvent de la Table eucharistique et que vous rapporterez de l'église à votre foyer Jésus, et avec Jésus tous les biens.
Ce sera ensuite le tour de vos enfants, des petits que vous éduquerez et formerez dans la même foi et le même amour, dans la foi et l'amour de l'Eucharistie. Convaincus qu'il n'est pas de meilleur moyen de sauvegarder l'innocence de vos enfants, vous les conduirez à temps à la Table sainte. Vous les amènerez avec vous à l'autel pour recevoir Jésus, et il n'y aura point pour eux de leçon plus éloquente et plus persuasive que votre exemple. Nous pensons avec joie à tout cela et Nous en souhaitons de tout coeur la consolante réalisation. Afin que ces voeux s'accomplissent, recevez-en un gage dans Notre paternelle bénédiction.
DISCOURS A DES SOLDATS ESPAGNOLS
(11 juin 1939) 1
Recevant 3000 légionnaires espagnols (phalangistes), venus à Rome pour un bref séjour, le Saint-Père leur adressa ces paroles :
Soyez les bienvenus, chefs, officiers et soldats de l'Espagne catholique, Nos fils très chers, qui avez causé à votre Père une immense consolation, Nous sommes heureux de voir en vous les défenseurs éprouvés, courageux et loyaux de la foi et de la culture de votre patrie, vous qui, ainsi que Nous vous le disions dans Notre message radiophonique, « avez su vous sacrifier jusqu'à l'héroïsme pour la défense des droits inaliénables de Dieu et de la religion. » 2
1 D'après le texte espagnol de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 173 ; cf. traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 812.
2 Radiomessage du 16 avril 1939 ; cf. ci-dessus, p. 55.
En vous voyant devant Nous, couverts de la gloire acquise par votre valeur chrétienne, Notre pensée va surtout à vos compagnons tombés sur le champ de bataille et Notre coeur de Père est ému au spectacle de la générosité de tant de mères et à la vue des larmes de tant d'orphelins que la mort a privés des êtres les plus chers. Dites-leur de Notre part qu'elles unissent leurs prières à celles de la Vierge des douleurs et les offrent à Dieu avec une résignation toute chrétienne pour la paix du monde.
Rappelons-nous ces jours d'amertume en lesquels « l'ombre de la patrie vacillante, patriae trepidantis imago », comme dit le poète de Cordoue, Lucain, nous a fait comprendre que l'Espagne sans foyers chrétiens et sans temples couronnés par la croix de Jésus-Christ ne serait pas l'Espagne grande, toujours valeureuse ; plus que valeureuse, chevaleresque ; plus que chevaleresque, chrétienne. Et Dieu a voulu que cette magnifique pensée fît jaillir de vos coeurs généreux deux grands amours : l'amour de la religion qui vous garantit l'éternelle félicité de l'âme, et l'amour de la patrie qui vous procure l'honnête bien-être de la vie présente.
Ce sont ces deux amours qui ont allumé en vous le feu de l'enthousiasme, l'ont entretenu ardent aux heures du sacrifice et finalement ont assuré le brillant triomphe de l'idéal chrétien et la victoire.
Au souvenir de cette pensée de saint Jean de la Croix : « L'âme qui va en amour ne fatigue ni ne se fatigue », Notre plus vif désir est que ces deux mêmes amours vous soutiennent dans la tâche de la reconstruction de la patrie, en vous faisant observer jalousement et même dépasser les traditions catholiques de votre glorieux passé.
Avec la ferme espérance qui animait l'apôtre saint Paul, à savoir que « le Dieu de la paix et de l'amour sera avec vous » (2Co 13,11), et, comme gage de grâces abondantes, Nous vous accordons à vous et aux personnes que vous avez dans la pensée ou que vous portez dans le coeur, au généralissime et à ses fidèles collaborateurs, aux dames infirmières qui vous ont assistés, à vos familles et à tous les fidèles de la catholique Espagne, Notre Bénédiction apostolique.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(14 juin 1939) 1
En même temps que les jeunes époux, le Saint-Père reçut, le 14 juin, les étudiants du lycée « Ennio Quirino Visconti » et des jeunes de l'Action catholique. Voici les paroles prononcées par le pape à cette audience :
Aux jeunes époux.
A vous, jeunes époux, va, comme de coutume, Notre première parole, Notre premier salut, accompagné, comme toujours, de Notre bénédiction, objet particulier de vos désirs et de votre visite.
Mais, à Notre parole de bienvenue, il Nous plaît d'ajouter une brève exhortation que Nous suggère le fait que Nous vous recevons la veille de la fête du Sacré-Coeur de Jésus.
Dévotion et consécration des familles au Sacré-Coeur.
La dévotion au Coeur sacré du Rédempteur, qui ces derniers temps s'est si admirablement répandue dans toute l'Eglise et qui connaît les manifestations les plus grandioses et les plus variées, a été établie et voulue par le divin Sauveur en personne. Il a lui-même sollicité et suggéré les hommages dont II désirait que fût honoré son Coeur adorable.
Jésus a précisé le but de cette chère dévotion, lorsque, dans la plus célèbre de ses apparitions à sainte Marguerite-Marie Alacoque, il prononça ces paroles déchirantes : « Voici ce Coeur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et en reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes. » Amour et réparation : voilà ce que cette dévotion demande tout particulièrement. Amour, pour payer de retour Celui qui nous a tant aimés ; réparation, pour le dédommager des outrages infligés à Son amour infini.
Et pour porter les hommes à répondre à ses désirs, Jésus daigna y attacher les plus larges promesses.
Parmi ces promesses quelques-unes regardent spécialement les familles chrétiennes et, partant, les époux et les enfants qui viennent égayer leur foyer. « Je mettrai et conserverai la paix dans leurs familles. Je bénirai les maisons dans lesquelles l'image de mon Coeur sera exposée et vénérée. »
On peut dire que c'est de ces promesses que tire son origine la consécration des familles au Sacré-Coeur de Jésus, et Nous profitons de cette circonstance pour vous la recommander, époux chrétiens, qui venez de fonder des familles au pied de l'autel de Dieu.
Cette consécration est le don plénier de soi que la famille fait au divin Coeur : c'est une reconnaissance de la souveraineté de Notre-Seigneur sur la famille, c'est une prière confiante pour obtenir au foyer les bénédictions de Jésus, l'accomplissement de ses promesses. La famille, par sa consécration au divin Coeur, proteste de vouloir vivre de la vie même de Jésus-Christ, de cultiver les vertus qu'il a enseignées et pratiquées. Il préside les réunions de familles, Il en bénit les entreprises, Il en sanctifie les joies, Il en apaise les anxiétés, Il y réconforte les mourants et II répand la résignation dans le coeur de ceux qui restent.
Ainsi dans vos familles consacrées à son Coeur, Jésus sera la règle souveraine de votre conduite et le protecteur vigilant de vos intérêts. Puissiez-vous obtenir cette grâce par la paternelle bénédiction que Nous vous donnons de tout coeur.
Aux étudiants du Lycée Visconti :
Mais une visite singulièrement agréable à Notre coeur est celle que vous Nous faites, vous tous qui êtes réunis ici, dirigeants et élèves d'un lycée qui, dans les souvenirs de Notre adolescence, occupe une place si vive et si grande.
Nous avions à coeur, en effet, de vous dire de vive voix avec quelle intime satisfaction Nous vous sentons près de Nous, vous qui, tout en évoquant ces souvenirs, venez faire une franche profession de votre foi et réaffirmer la résolution d'une vie qui honore tout à la fois votre culture et Celui qui est de la culture comme de la foi l'origine première et la source intarissable.
En vous réaffirmant en ce jour Notre satisfaction, Nous sommes heureux de le faire avec l'intime conviction que l'hommage que vous avez déjà rendu en une forme si choisie au Vicaire de Jésus-Christ par l'adresse que vous Nous avez envoyée lors de Notre élection, par le spectacle émouvant de votre communion pascale que vous avez offerte à Dieu pour l'ancien élève du lycée Visconti et, encore, par la fervente initiative que vous avez prise d'y apposer une pierre commémorative, qui le rappelle à vous-mêmes et aux élèves qui viendront dans ce temple austère du savoir, cet hommage — disons-Nous — est l'expression spontanée d'un sentiment qui veut avoir et aura, avec l'aide de Dieu, sa pleine réalisation dans une vie rendue aussi féconde par vos fortes études que digne de catholiques et d'Italiens.
De ces résolutions, qui sont implicitement mais clairement signifiées dans votre visite, Nous sentons en ce moment, chers jeunes gens, toute la haute valeur pour votre bonheur personnel, pour la prospérité même de votre Institut, dont les anciennes traditions semblent refleurir dans les nouvelles générations de ses étudiants, et surtout pour les bienfaits qu'en retirera certainement la grande famille chrétienne dont vous faites partie, et votre patrie qui en chacun de vous trouvera un jour tout ce qu'elle a droit d'attendre pour ses meilleures et toujours plus glorieuses destinées.
L'âme pleine de cette douce vision et goûtant en quelque sorte d'avance les fruits précieux qui certainement mûriront en vous tous grâce à une saine formation littéraire, scientifique et religieuse, Nous vous remercions de la consolation que vous Nous avez procurée par votre manifestation si spontanée et filiale. A votre très digne et illustre directeur — dont Nous connaissons la haute conscience dans l'accomplissement de sa délicate mission — et à tous ses vaillants collaborateurs Nous exprimons Notre spéciale gratitude et leur confions Nos espoirs.
Sur vous tous Nous invoquons les lumières du Seigneur sur le chemin ardu du savoir, et le courage persévérant sur celui plus difficile encore de la vertu. Sur vous tous, comme sur toutes vos familles, Nos chers anciens condisciples, ici présents ou disséminés dans le monde, sur la Majesté de votre Roi-Empereur, sur celui qui gouverne les destinées de votre pays, Nous implorons du Tout-Puissant, dispensateur de tout bien, les meilleures et les plus abondantes bénédictions divines.
Aux jeunes de l'Action catholique :
Et maintenant à vous, chers jeunes gens de l'Action catholique ici présents, la parole que vous attendez de Nous ne sera pas autre que celle que vous-mêmes avez écrite sur votre semaine de prière et d'étude : Servire Domino in laetitia, servir Dieu dans la joie.
C'est là, dans cette joie discrète, dont le christianisme inonde toute forme de vie, de travail, d'apostolat, qu'on trouve la preuve manifeste de sa bonté, de sa beauté et de sa vérité essentielle. C'est elle, cette joie chrétienne, qui en défend efficacement la cause et lui attire l'attention du monde. Ce dernier ignore les sources de la joie vraie et inaltérable. C'est à vous, jeunes gens, nés pour la joie, qu'échoit la mission immensément charitable de l'y ramener pour son bonheur.
Vous rendront capables et dignes de ce grand apostolat la pureté des moeurs, la persévérance dans le sacrifice, le courage serein dans la lutte contre les formes pernicieuses de la joie trompeuse et éphémère, dans laquelle l'esprit se baigne mais ne se purifie pas, s'agite mais ne s'élève pas, se distrait mais n'échappe ni au dégoût ni à l'ennui. Aimez les fortes vertus et vous jouirez d'une joie perpétuelle et parfaite. Pour que ce don, qui vient de l'Esprit, vous remplisse tous et fasse de vous, comme vous devez l'être, des apôtres de l'Evangile, Nous demandons à Dieu qu'il ouvre sur vous la source intarissable de sa grâce et répande l'abondance de ses bénédictions.
EXHORTATION A DES PRÊTRES ASSISTANTS DE GROUPEMENTS D'ACTION CATHOLIQUE
(15 juin 1939) 1
Un groupe de 47 prêtres appartenant à 14 nations différentes, mais venant surtout de l'Amérique du Sud, après avoir suivi à Rome, au Collège pontifical Pio-latino-americano, une série de leçons et conférences sur l'Action catholique données par les assistants centraux de l'Action catholique italienne, furent présentés par Mgr Luigi Civardi au Souverain Pontife qui leur adressa l'exhortation suivante :
Il Nous est particulièrement agréable de vous voir aujourd'hui réunis ici autour de Nous, vous, Nos chers fils, futurs guides sur le terrain de l'Action catholique, dépositaires de Nos directives dans un apostolat dont le nom lui-même révèle le caractère universel, l'importance transcendante, l'urgente nécessité.
Appelés à former et à assister, dans tous les secteurs de la grande famille catholique, les collaborateurs de l'apostolat hiérarchique, dans des pays bien différents de langue et de moeurs, comme aussi de caractère et de constitution politique, vous avez appris de l'expérience des personnes âgées et capables ce qui, dans votre activité future, doit être comme le centre commun invariable, ce qui va ramener l'activité elle-même à l'unique et suprême but qui est de préparer des apôtres pour la cause de Jésus-Christ et de son Eglise en allumant dans le vaste champ du Père de famille des foyers bien nourris de foi ferme et de piété agissante.
Vous connaissez désormais vos devoirs ; vous connaissez dans ses lignes fondamentales cet art que saint Grégoire le Grand a appelé « l'art des arts » et qui est le gouvernement des âmes. Vous connaissez la valeur que prend l'Action catholique dans l'appréciation du Saint-Siège, cette Action catholique qui est destinée à rassembler, de tous les points, sous la vigilante direction des évêques, les forces vives du laïcat pour les adapter aux buts sacrés de la propagation, de la défense, de la garde de la foi et les rendre d'autant plus fécondes qu'elles sont davantage solidaires au milieu de toutes les forces qui leur sont opposées de la part du monde.
Ce que Nous vous demandons à présent et ce que votre présence Nous garantit, c'est d'imprégner d'une façon constante et forte, de la lumineuse conscience de votre mission, le travail auquel vous vous préparez : une mission digne de votre sacerdoce, puisqu'elle est ordonnée au salut des âmes et à l'extension de ce royaume qui est toute la raison de la vie de l'Eglise et dans lequel seulement il est donné aux intelligences et aux coeurs de trouver la paix.
Pénétrés de cette très haute mission, vous connaîtrez que cet art difficile, si exalté par saint Grégoire et que vous devez exercer, vous ne pouvez vous l'assimiler simplement par l'étude, aussi étendue et profonde qu'elle soit ; il réclame une expérience attentive et personnelle. Alors seulement il fera de vous « le sel de la terre et la lumière du monde» quand, par l'exemple de votre vie, vous serez des maîtres pour les âmes que vous aurez à guider. C'est en substance la pensée de saint Paul qui écrivait aux Corinthiens : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ » (1Co 4,16). C'est seulement par cette voie que vous assurerez le succès à votre ministère, en suscitant chez les fidèles cet esprit d'apostolat qui est l'âme de l'Action catholique ; par cette voie seulement vous donnerez à votre parole la force dont elle a besoin pour faire pénétrer l'esprit de l'Evangile dans tous les milieux sociaux, principalement dans ceux qui sont davantage ravagés par les ennemis du Christ et où le prêtre pénètre plus difficilement.
C'est pour que votre vie soit d'une sainteté éclatante que Nous adressons à Dieu tous Nos voeux et Nos prières. Nous Nous réjouissons cependant de vos bonnes dispositions, vous exhortant à les nourrir par une solide piété et une fidélité assidue à tous les devoirs sacerdotaux. Nous demandons au Seigneur de les soutenir par sa grâce. De Notre côté, Nous désirons les confirmer par la Bénédiction apostolique que de grand coeur Nous vous accordons également pour vos prochains travaux et fatigues apostoliques.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BOLIVIE
(16 juin 1939) 1
A l'audience solennelle au cours de laquelle S. Exc. M. Gabriel Gon-salvez, nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Bolivie, présenta ses lettres de créance, le Saint-Père prononça l'allocution suivante :
Les paroles prononcées par Votre Excellence sont l'expression éloquente des sentiments révélateurs d'une si profonde piété et d'une conception si élevée de la mission qui vous a été confiée, qu'elles Nous engagent à manifester à S. Exc. M. le président de la chère nation bolivienne, ainsi qu'à tout votre peuple catholique dont, Monsieur l'ambassadeur, vous avez été l'interprète devant le Père commun de la catholicité, Notre complaisance pour votre heureuse nomination.
Ces paroles en effet reflètent une dévotion si sincère à l'égard des vérités et des doctrines catholiques et une si noble et si intime reconnaissance de l'importance décisive de la foi et du sentiment religieux pour la saine formation des individus et des sociétés, en premier lieu de l'Etat, que Nous ne pouvons pas moins faire que de Nous réjouir de voir confié le soin et le développement des bonnes relations qui existent entre le Saint-Siège et la République de Bolivie à une personne en laquelle s'unissent un idéal religieux élevé et une sereine clairvoyance d'homme d'Etat profondément convaincu des bienfaisants effets qui viennent de la parfaite et loyale harmonie entre l'Eglise et l'Etat.
L'heure présente, avec la multitude complexe des nouvelles et graves obligations qu'elle amène avec elle, impose des devoirs à l'énergie, à la valeur et à la décision de ceux à qui sont confiées les destinées des peuples, qu'on a rarement connus en des temps plus normaux.
Aucun peuple, à moins qu'il ne veuille se voir condamner à demeurer retardataire dans le domaine matériel et culturel, ne peut échapper à la nécessité de rechercher et de trouver une réponse et une solution aux urgents problèmes de l'heure actuelle avec leurs répercussions économiques, politiques et sociales. Pour atteindre de semblables buts, le pouvoir de l'Etat se voit souvent contraint à exiger de toutes les classes sociales de graves sacrifices pour le bien commun. Mais là où la doctrine du Christ informe les intelligences et les coeurs et dirige les actions des hommes, là aussi le concept du sacrifice et la subordination consciente des intérêts propres aux nécessités et aux obligations de la communauté font partie de ces lois et règles fondamentales auxquelles aucune conscience ne peut se soustraire, tandis que la même autorité publique respecte les limites sacrées et inviolables de la loi divine. Heureux l'Etat, heureux le peuple dont les gouvernants sont persuadés des bienfaits que la religion apporte à leurs efforts pour la prospérité et le progrès pacifique et qui, en juste retour, s'emploient à ouvrir à l'action de l'Eglise du Christ le chemin qui lui permette d'enraciner et de perfectionner le sentiment chrétien dans la vie privée et la vie publique.
C'est pour ce motif que les paroles élevées de Votre Excellence Nous ont causé une vive satisfaction, parce qu'elles Nous ont fait connaître combien est profonde dans le gouvernement et dans le peuple bolivien la conscience de l'indispensable et irremplaçable mission éducatrice de l'Eglise, et quels échos ont rencontré, en Bolivie, la sollicitude et le dévouement du Père commun en faveur de la paix. Veuille le Seigneur accroître dans tous les peuples et dans tous les hommes d'Etat les sentiments d'un amour sincère et efficace de la paix qui leur inspirent de sages et salutaires résolutions.
En chargeant Votre Excellence de transmettre à S. Exc. M. le président de la République Notre désir que les relations entre le Saint-Siège et la Bolivie soient de plus en plus étroites et plus cordiales, Nous implorons du Très-Haut toutes sortes de bonheur et de prospérité sur la personne de M. le président et sur son peuple aimé, en même temps que Nous formulons pour le succès de votre mission Nos voeux paternels accompagnés des plus abondantes bénédictions.
LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA BÉATIFICATION D'EMILIE DE VIALAR FONDATRICE DES SOEURS DE SAINT-JOSEPH DE L'APPARITION
(18 juin 1939) 1
Par cette lettre apostolique, le Saint-Père rappelle la vie et les vertus d'Emilie de Vialar, fondatrice des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition, qu'il vient de proclamer bienheureuse :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 252 ; cf. traduction française des Actes de S. S. Pie 12, t. I, p. 132.
Animés de généreux et nobles sentiments, nombre de disciples de notre souverain Rédempteur se sont voués totalement à la vie religieuse et aux oeuvres de charité pour l'amour de Jésus ; au mépris de toutes les difficultés de ce monde et de ses douleurs, ils se sont astreints, en vue du salut éternel du prochain et du leur propre, à toute la somme possible d'actes de patience et d'efforts. Ils ont jugé que le plein accomplissement des préceptes de l'Evangile, le souci du bien spirituel du prochain présentent bien plus de gloire aux yeux de Dieu que la capitulation en face des malheurs et des échecs ou la recherche des honneurs humains et des aises : « Toujours, comme s'exprime l'Apôtre, nous portons en notre corps les souffrances de mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps ».
Parmi ces admirables disciples du Christ, c'est un fait particulièrement digne d'attention, que pour la confusion des plus forts, non seulement des hommes doués naturellement de vigueur mais aussi de faibles femmes nous donnent assez souvent l'exemple.
Au rang de ces femmes hors de pair il faut certainement mettre la pieuse Emilie de Vialar, qui, se trouvant encore dans la tendresse de l'âge et en possession d'une fortune considérable, dit un adieu définitif au monde et, sans trêve ni relâche, dépensa entièrement sa vie et ses forces en faveur du but sacré qu'elle s'était proposé, méprisant toutes les difficultés, supportant courageusement, dans une pleine confiance en Dieu, les persécutions déchaînées contre elle, soit par la force des choses, soit par la malice humaine. Quelle égalité d'âme, quelle constance jusque dans l'effondrement de sa fortune !
La jeunesse de la bienheureuse.
La servante de Dieu naquit le 12 septembre 1797, à Galliae, qui fait partie aujourd'hui du diocèse d'Albi, d'une ancienne et noble famille, et reçut au baptême, qui lui fut conféré dans une petite chapelle de la ville, les prénoms d'Anne-Marguerite-Adélaïde-Emilie. Elle apprit de la bouche de sa pieuse mère les premiers principes de la religion et, dès ses premières années, fut un modèle de piété. Après la mort prématurée de cette mère très regrettée, elle passa quelque temps à Paris, chez les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame de l’Abbaye-au-Bois, étrangère aux vanités et divertissements du monde, pratiquant une rare modestie. Puis, à quinze ans à peine, la voilà prenant le gouvernement de la maison et des affaires domestiques ; élevant cependant, par une oraison assidue, son esprit à l'étude des choses divines, elle fit l'aumône aux pauvres, selon ses moyens, leur fut secourable dans la maladie, leur distribua vêtements et médicaments. Soucieuse de relever les ruines causées par la Révolution française, elle s'employa complètement, dans l'ardeur et la douceur de son zèle, à l'instruction religieuse des illettrés, garçonnets surtout et fillettes, à la conversion des pécheurs.
L'Institut de Saint-Joseph de l'Apparition.
Dans l'intention d'appartenir tout entière au Seigneur Jésus, elle refusa avec constance les partis que son père lui proposait en mariage, et se lia même, encore chez elle, par un voeu temporaire de virginité, pour ressembler ainsi dans la pureté de son coeur à l'Epoux céleste. Héritière, à 35 ans, de l'importante fortune de son aïeul maternel, elle décida de consacrer sa personne et ses biens à la fondation d'une pieuse famille religieuse. Elle jeta donc dans son château natal les fondements de l'Institut auquel elle songeait et que, dans sa particulière dévotion pour ce saint, elle plaça sous le vocable de « saint Joseph », de « saint Joseph de l'Apparition », précisa-t-elle en souvenir de la révélation de l'Incarnation divine faite par l'Ange. L'Institut de Saint-Joseph, qui fut alors seulement confirmé par l'autorité episcopale, eut des débuts bien humbles. Mais lorsque, au bout de dix ans, le Saint-Siège lui eut décerné un bref laudatif, il se développa vite, avec la grâce de Dieu, en un arbre couvert de fruits, et étendit ses divers rameaux sur diverses contrées d'Afrique, d'Asie et d'Europe.
Les tribulations de la fondatrice.
En 1870 enfin, l'Institut des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition obtint l'entière approbation du Saint-Siège. Les oeuvres de charité et de piété, auxquelles se livraient les Soeurs de Saint-Joseph, selon la nature même de leur institut, répondaient au désir véhément qui brûlait la servante de Dieu de gagner à Jésus-Christ le plus grand nombre possible d'âmes. Aussi, sa remarquable confiance en Dieu était venue à bout des difficultés de tout genre et des épreuves suscitées à sa personne ou à son institut, que protégeait l'archevêque d'Albi. Elle s'attacha à la parfaite formation de sa nouvelle famille religieuse et marqua sa très ferme volonté pour son maintien et son accroissement. Obligée cependant, à la suite de prétentions excessives de l'Ordinaire, de fermer les maisons qu'elle venait d'ouvrir non sans peine et à grands frais, à Alger, à Bône, à Constantine, elle se retira avec ses Soeurs, pleine de déférence pour le Souverain Pontife et le Saint-Siège, dans la première maison de Gaillac. C'est alors que dépouillée du domaine familial et de l'héritage ancestral par la négligence, disons plutôt la méchanceté des hommes, abandonnée par un certain nombre de Soeurs, à qui l'envie ou la peur inspira de la quitter en ces conjonctures critiques, privée de l'appui du nouvel archevêque d'Albi, la servante de Dieu, dans le dessein de favoriser le recrutement de ses novices et de ses religieuses, et de pourvoir en de meilleures conditions au progrès spirituel de chacune, quitta le pays natal, s'installa pour un temps à Toulouse, puis à Marseille, où l'évêque lui réserva un accueil plein de bienveillance et où elle établit enfin le siège définitif de la maison-mère de son institut, y demeurant jusqu'à sa mort. De fait, la servante de Dieu employa entièrement le reste de sa vie à gouverner et à développer la famille religieuse de Saint-Joseph, si bien qu'au décès de la pieuse fondatrice, plus de quarante-deux maisons de l'institut se trouvaient ouvertes. Brisée par d'infatigables travaux et par la maladie, elle reçut les derniers sacrements et s'endormit très paisiblement dans la paix du Seigneur, dans cette maison-mère de Marseille, le 24 août 1856.
Après la solennité des funérailles, en l'église Notre-Dame-du-Mont, les restes mortels de la servante de Dieu furent déposés au cimetière Saint-Charles d'abord, en second lieu au cimetière Saint-Pierre, puis, en 1914, dans un modeste oratoire adjacent à la maison-mère, l'an dernier, enfin, dans la chapelle de la même maison, où ils reposent maintenant dans la paix du Seigneur.
L'instruction de sa cause.
Le renom de sainteté qui s'attachait à la servante de Dieu, de son vivant même, devint de jour en jour plus répandu après sa précieuse mort. Aussi, après enquête de l'Ordinaire, pour répondre à un désir communément exprimé, de voir décerner à Emilie de Vialar les honneurs des autels, sa cause commença-t-elle à être examinée, et Pie XI, Notre prédécesseur de vénérée mémoire, signa-t-il personnellement, le 27 mars 1925, le décret d'introduction de la cause. A la fin du procès informatif, mené canoniquement sur la vie et les oeuvres de la servante de Dieu, et toutes les autres choses dûment observées, le même pontife, Notre prédécesseur immédiat, proclama, par son décret du 19 mars 1935, que les vertus de la vénérable servante de Dieu, Emilie de Vialar, avaient atteint le degré héroïque.
Ensuite, après qu'on eut juridiquement procédé à l'examen des deux miracles que Dieu, disait-on, avait faits par son intercession, Notre prédécesseur, dans un autre décret du 11 décembre 1938, déclara et attesta leur véracité de sa suprême autorité. La proclamation de l’héroïcité des vertus et la reconnaissance des miracles une fois accomplies, il ne restait plus qu'à discuter si, d'une façon certaine, la vénérable servante de Dieu pouvait être classée parmi les bienheureux du ciel. Le doute en fut présenté en Congrégation générale par Notre Vénérable Frère le cardinal Janvier Granito Pignatelli di Belmonte, évêque d'Ostie et Albano, rapporteur de la cause, en présence de Notre prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire, le 24 janvier de l'année courante, et tous les assistants cardinaux et consulteurs de la Sacrée Congrégation des Rites furent unanimes à donner leur approbation. Au moment où, dans une affaire de cette importance, Notre prédécesseur s'apprêtait à faire connaître le 19 février son assentiment personnel, une mort inopinée l'emporta, l'empêchant de mettre la dernière main à son oeuvre.
Sa béatification.
Pour ce qui est de Nous, appelé à réaliser son désir, après avoir imploré le secours du Père des Lumières en de ferventes prières, Nous avons enfin proclamé, Nous appuyant sur Notre autorité apostolique, le 26 mars, dimanche de la Passion de cette même année, à l'issue du saint sacrifice, en présence de Notre cher Fils Charles Salotti, cardinal-prêtre de la Sainte Eglise, préfet de la Congrégation des Rites ; de Notre Vénérable Frère le cardinal Janvier Granito Pignatelli di Belmonte, ponent ou rapporteur de la cause ; de Nos chers Fils Alphonse Carinci, secrétaire de la Congrégation des Rites, et Salvatore Natucci, promoteur général de la foi, qu'on pouvait procéder de tuto à la béatification solennelle de la vénérable servante de Dieu Emilie de Vialar. Dans l'état actuel des choses, répondant aux voeux de toute la famille religieuse des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition, fondée par la vénérable Emilie, par la teneur des présentes lettres et en vertu de Notre autorité apostolique, Nous permettons de donner désormais à la vénérable servante de Dieu Emilie de Vialar, fondatrice de cet institut, le titre de bienheureuse, de présenter son corps et ses reliques à la vénération des fidèles, sans qu'on puisse cependant les porter dans des supplications solennelles, et de décorer de rayons les images de la bienheureuse. En vertu de Notre autorité, Nous accordons en outre que, tous les ans, on récite l'office et qu'on célèbre la messe du commun des vierges, avec leçons et oraisons propres, revêtues de Notre approbation, conformément aux rubriques du Missel et du Bréviaire romains.
Nous accordons la récitation de cet office et la célébration de cette messe uniquement à l'archidiocèse d'Albi, qui a vu naître la servante de Dieu, et au diocèse de Marseille, puisqu'elle est morte à Marseille et que son corps y repose. Nous l'accordons encore à toutes les églises et chapelles qui dans le monde entier sont utilisées par l'Institut des Soeurs de Saint-Joseph de l'Apparition, pour tous les fidèles qui sont obligés à l'office, et, en ce qui touche les messes, pour tous les prêtres, tant du clergé séculier que du clergé régulier, qui se rendent à ces églises ou chapelles où est organisée la fête. Nous accordons enfin la permission de célébrer dans les susdites églises ou chapelles pendant l'année, aux jours que désignera l'autorité légitime — après qu'auront été célébrées les solennités dans la basilique vaticane — des cérémonies solennelles pour commémorer, en observant tout ce qui doit être observé, la béatification de la vénérable servante de Dieu Emilie de Vialar. Nonobstant la promulgation de constitutions et ordonnances apostoliques, ainsi que de décrets de non-culte et toutes choses contraires. Nous voulons en outre que les exemplaires de cette lettre, même imprimés, pourvu qu'ils soient revêtus de la signature du secrétaire de la Sacrée Congrégation des Rites et du sceau de la même Sacrée Congrégation, soient tenus, même dans les causes judiciaires, pour aussi dignes de foi qu'une expression de Notre volonté, sur présentation de ces lettres apostoliques elles-mêmes.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT DÉCLARANT SAINT FRANÇOIS D'ASSISE ET SAINTE CATHERINE DE SIENNE PATRONS PRIMAIRES DE L'ITALIE
(18 juin 1939) 1
A la demande de tous les évêques d'Italie, le Saint-Père déclare saint François d'Assise et sainte Catherine de Sienne patrons primaires de l'Italie.
Bien que Nous ait été confiée par le Dieu Rédempteur la sollicitude de toutes les Eglises qui Nous engage fermement à promouvoir spontanément le bien des fidèles du monde entier, la Chaire romaine de saint Pierre a été placée par la divine Providence en Italie. C'est très volontiers qu'à l'occasion Nous cherchons à promouvoir de façon très particulière les intérêts spirituels des Italiens, et que Nous décidons avec un soin très attentif les choses qui paraissent utiles à l'obtention de cette fin.
C'est pourquoi, dans les si grandes difficultés actuelles dont l'Italie est entourée de toutes parts, rien ne peut être plus conforme à Notre charge pastorale et aussi à l'affection dont Nous entourons Nos concitoyens, que de leur donner des patrons particuliers auprès de Dieu pour être leur garde et leur secours. Qui peut douter, en effet, qu'il n'est aidé chaque jour auprès de Dieu par le patronage des saints, surtout quand, placé dans la difficulté, il invoque Dieu, soutenu par l'intercession des bienheureux du ciel, et que Dieu immédiatement l'exauce ? Et ceci peut être à très juste titre affirmé du patronage dont les saints protègent les nations et les pays, et ceux-là principalement auxquels par patriotisme ils se sont efforcés d'être utiles pour des raisons et dans des circonstances particulières lorsqu'ils étaient encore sur cette terre. Sans nul doute, ceci doit être affirmé de saint François d'Assise et de sainte Catherine de Sienne qui, tous deux Italiens, ont, lorsqu'ils vivaient, non seulement illustré leur patrie et la nôtre, terre toujours féconde en saints, par l'admirable splendeur de leurs actes et de leurs vertus, mais encore par l'abondance de leurs bienfaits dans des temps particulièrement difficiles et extraordinaires.
En effet, François, pauvre et humble à l'image de Jésus-Christ, a donné des exemples infatigables de vie évangélique aux citoyens très turbulents de son époque et surtout a ouvert par la création de son Tiers Ordre de nouveaux chemins et un accès plus facile pour la correction des moeurs publiques et privées et pour obtenir un vrai sens catholique.
Catherine, vierge forte et pieuse, a pris soin par un travail efficace de favoriser et d'établir la concorde dans les cités et les villes de sa patrie, de ramener dans la ville de Pierre par ses conseils, par ses prières et par son effort inlassable, les pontifes romains qui vivaient en France presqu'en exil. Aussi paraît-elle à juste titre comme la gloire de la patrie et la protectrice de la religion.
Aujourd'hui, comme Charles Salotti, cardinal-prêtre de la sainte Eglise romaine, préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, Nous apprend que tous les archevêques et évêques d'Italie, traduisant les vceux de l'ensemble des fidèles, Nous prient par d'instantes prières de déclarer et constituer les saints que Nous venons de louer patrons primaires de l'Italie, afin d'exciter et d'augmenter de jour en jour la piété qui leur vient des ancêtres, toutes choses ayant été soigneusement pesées, Nous répondons très volontiers à ces demandes que le même cardinal appuie de son propre suffrage.
C'est pourquoi, Nous étant informé et après mûre délibération, motu proprio, dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, Nous déclarons et Nous constituons, par les présentes lettres, à partir d'aujourd'hui et à perpétuité, saint François d'Assise et sainte Catherine de Sienne patrons primaires de l'Italie.
Nous décrétons en outre, par cette présente lettre, de la même autorité, et de même à perpétuité, que la fête de ces patrons sera célébrée chaque année en Italie et dans les îles adjacentes par l'un et l'autre clergés par une messe et un office convenables sous le rite double de première classe sans octave.
Nonobstant toutes choses contraires.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Pie XII 1939
DISCOURS LORS DE LA BÉATIFICATION D'EMILIE DE VIALAR
(19 juin 1939)1
Le lendemain de la béatification d'Emilie de Vialar, le Saint-Père reçut en audience les pèlerins français et les religieuses de l'Institut de Saint-Joseph de l'Apparition venus à Rome à cette occasion et présentés par S. Exc. Mgr Delay, évêque de Marseille. Il leur adressa ces paroles :
Il y a quelques semaines, le splendide Congrès eucharistique d'Alger rappelait au monde les événements qui servirent, voici un siècle, d'occasion providentielle à la pénétration de l'Evangile jusqu'au coeur du continent africain.
Parmi les pionniers de l'apostolat moderne en Afrique se trouvait Emilie de Vialar. C'est donc avec raison que vous êtes venus, chers fils et filles, de son pays de Gaillac, de Marseille, de Paris et d'autres régions, prendre part au triomphe de cette grande missionnaire française.
Mais vous surtout, qui l'appelez votre Mère et dont le coeur a dû s'émouvoir bien doucement, hier, en disant pour la première fois, avec l'Eglise, cette invocation solennelle : Ora pro nobis, beata Aemilia ! C'est vous autres aujourd'hui que, dans un sens différent, mais tout aussi vrai, Nous qualifierons de même en disant : « Bienheureuses les filles d'une telle Mère ! »
Bienheureuses d'abord, parce que vous êtes assurées d'avoir au ciel une protectrice puissante. De son crédit auprès de Dieu, les étendards déployés hier à Saint-Pierre montraient quelques témoignages. Mais c'en est un aussi que le développement rapide et l'extension de votre institut. L'Italie, la France et l'Angleterre, l'Afrique du Nord, Malte, la Syrie et la Palestine, la lointaine Birmanie et l'Australie plus lointaine encore, connaissent et aiment les filles d'Emilie de Vialar. Oui, bienheureuses êtes-vous de la puissance que Dieu a donnée à votre Mère et des grâces qu'il a répandues sur son oeuvre !
Votre joie a encore une autre source : c'est de savoir que l'esprit de votre Mère était bien l'esprit de Dieu, quand, après tant d'incertitudes et de recherches, elle se décida à fonder une congrégation nouvelle. C'est pourquoi doivent vous être toujours plus chers cet esprit et ce nom : « Saint Joseph de l'Apparition ! » Ils vous rappellent sans cesse l'obligation et la douceur d'une absolue confiance en Dieu, dans les obscurités de ce monde, durant ces longues heures d'attente dans la nuit de l'âme, que votre Mère connut si bien !
Enfin, bienheureuses êtes-vous, vous à qui a été donnée cette belle devise : « Se dévouer et mourir ! » Dans vos pensionnats et vos patronages, dans vos dispensaires et vos hôpitaux, en pays chrétien ou en terre de mission, qu'avez-vous d'autre à faire, que faites-vous d'autre, sinon de prodiguer les actes d'un inépuisable et parfois héroïque dévouement ? Restez donc fidèles à votre devise : dévouez-vous, partout et toujours !
Quant à vous tous, très chers fils et filles, vous allez regagner la France, en rapportant de Rome un nouveau fleuron pour sa couronne, déjà si riche, de saintes et de bienheureuses. Avec les vierges candides, de Geneviève à Bernadette, avec les femmes au coeur viril, comme Jeanne d'Arc et Jeanne-Françoise de Chantai, avec les mystiques extasiées, comme Colette et Marguerite-Marie, avec les grandes éducatrices, comme Jeanne de Lestonnac et Madeleine-Sophie Barat, la France a toujours eu, parmi ses fils et ses filles, des missionnaires intrépides. Depuis un siècle et demi, la phalange de ces femmes apôtres a pris un accroissement dont le monde païen tout entier a ressenti les effets. Aux défricheuses, arrosant de leur sueur et parfois de leur sang la terre infidèle, s'est jointe une légion d'auxiliaires invisibles, implorant dans l'ombre du cloître, sous la bure et le cilice, par des supplications embrasées d'amour ou inondées de larmes, les grâces surnaturelles, sans lesquelles tout apostolat resterait vain. Quand Notre prédécesseur, de vénérée mémoire, proclamait une carmélite de Lisieux patronne des missionnaires, il ne faisait que montrer du doigt, comme Thérèse Martin désignant elle-même dans le ciel son étoile, un astre de première grandeur, au sein d'un firmament brillamment constellé.
Allez, chères filles d'Emilie de Vialar, allez, chers pèlerins de France, de l'Afrique du Nord ou d'ailleurs, redire, avec la gloire de la nouvelle bienheureuse, cette grande leçon de sa vie : que l'oeuvre de Dieu se fait avant tout par des âmes humbles ardemment dévouées à sa gloire, saintement hardies dans leurs entreprises, confiantes en sa Providence parmi les difficultés, et résolues enfin, comme la Mère de Vialar l'écrivait au pape en des heures particulièrement pénibles pour elle, résolues à « tout souffrir, plutôt que d'abandonner le poste que Dieu leur a confié ».
Pour vous y aider, tous et chacun, quel que soit votre poste, et comme gage des grâces divines implorées pour vous, Nous vous donnons de tout coeur, chers fils et filles, la Bénédiction apostolique. Cette bénédiction s'étend à toute votre méritante congrégation, à toutes et à chacune de ses religieuses, à toutes vos chères familles, à toutes les personnes et à toutes les choses que vous avez dans la pensée ou dans le coeur, et Nous bénissons aussi tous les objets de dévotion que vous avez portés avec vous.
ALLOCUTION A L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE DE L'URUGUAY
(20 juin 1939) 1
Répondant aux déférentes paroles de S. Exc. le Dr Joachim Secco Illa, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'Uruguay, lors de la présentation de ses lettres de créance, le Souverain Pontife prononça cette allocution :
En ce moment où Nous avons la consolation de voir un représentant de l'Uruguay présenter ses lettres de créance, par lesquelles S. Exc. M. le président de la République l'accrédite comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire en mission spéciale auprès du Saint-Siège, revient à Notre esprit le jour mémorable d'octobre 1934 où, au retour du Congrès eucharistique international de Buenos Aires, Nous avons rendu visite à votre noble peuple et à son gouvernement. Nous avions dû limiter Notre rencontre au peu de temps dont Nous disposions entre l'arrivée et le départ du navire. Toutefois, les heures de Notre séjour dans la capitale furent un événement dont la signification spirituelle pleine de consolation et de promesse demeure depuis ce jour toujours gravée en Notre esprit. Les acclamations du peuple qui s'entassait sur les places et dans les rues de Montevideo, l'entrée à la cathédrale, la rencontre avec M. le président de la République et les membres du gouvernement et du parlement, les sentiments que Nous exprimèrent le clergé et les fidèles : tout cela a formé un ensemble si harmonieux et si admirable qu'à Notre arrivée Nous ne pûmes faire moins que de donner à Notre prédécesseur Pie XI, d'immortelle mémoire, dans le compte rendu de Notre voyage, une place de tout premier choix à Notre visite en Uruguay.
1 D'après le texte espagnol de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 199. 10
Que Nous ne Nous sommes pas trompé dans le jugement et l'appréciation des sentiments toujours vivants de ce peuple catholique — pour ne pas faire mention d'autres événements, parmi lesquels mériterait un souvenir spécial le grandiose Congrès eucharistique national de l'année passée — la preuve en est dans le fait que Votre Excellence, objet de la plus grande confiance du chef de l'Etat et particulièrement préparée pour remplir les fonctions si honorables par ses dons si élevés de l'esprit et du coeur et par ses extraordinaires mérites envers la cause catholique, vienne aujourd'hui à Nous en mission spéciale pour conclure des accords qui établissent et régularisent les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l'Uruguay.
En une heure si pleine de responsabilités et de problèmes formidables pour la vie des peuples et pour la paix menacée, il est inutile de dire à Votre Excellence que la réalisation des nobles buts de sa mission trouvera en Nous un appui entier et décidé.
C'est dans cette confiance que Nous invoquons la protection du Très-Haut sur le peuple uruguayen si cher à Notre coeur, sur le chef de l'Etat et sur son gouvernement et surtout sur Votre Excellence, en même temps que Nous faisons des voeux fervents pour que l'union des forces spirituelles qui viennent de la doctrine et de la loi du Christ couronnent de succès les profondes aspirations à la paix qui constituent aujourd'hui les désirs du monde entier.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(21 juin 1939)1
L'audience générale du 21 juin rassemblait autour du Père commun des jeunes époux, les membres du Comité national de la Protection de la jeune fille, un groupe de jeunes ouvrières, des prêtres, des religieuses, un pèlerinage de Palerme et de nombreux autres fidèles. S'adressant aux différents groupes successivement, le Pape prononça ce discours :
Aux jeunes époux.
C'est avec une vraie joie que Nous constatons le nombre toujours considérable des jeunes époux venus demander au Vicaire de Jésus-Christ une bénédiction qui les accompagne sur le chemin ouvert à leurs espérances. Nous souhaitons que ces belles, joyeuses et saintes espérances se réalisent dans un avenir de vrai et parfait bonheur, et pour eux, et pour les enfants que la Providence leur enverra, puisque les parents ne vivent pas seulement pour eux, mais aussi pour ceux à qui ils ont donné la vie. Bien plus, les époux vraiment chrétiens vivent, veulent vivre et se sentent tenus de vivre spécialement pour le bien de leurs enfants, ils savent du reste que leur bonheur personnel dépend de celui de leurs enfants.
Mission éducatrice des parents.
Or, chers époux, le bonheur de vos enfants est, au moins pour une grande part, dans vos propres mains ; il dépend de l'éducation que vous leur donnerez dès l'aube de leur vie au foyer domestique.
Aujourd'hui même nous célébrons la fête de saint Louis de Gonzague, gloire éclatante de la jeunesse chrétienne. La grâce de Dieu, sans aucun doute, a, dès ses premières années, prévenu et accompagné cette âme privilégiée de dons extraordinaires ; mais il n'est pas moins certain que Dieu trouva une coopératrice attentive, délicate et industrieuse en Dame Marthe, l'heureuse mère de notre aimable saint. Tel est le pouvoir d'une mère consciente de toute la sublimité de sa mission d'éducatrice !
Pour vous aider dans l'accomplissement de cette mission il Nous plaît de relever en cet angélique jeune homme comme le modèle que vous devrez proposer aux enfants que le Seigneur vous donnera, et le patron à qui confier la garde de ces gages de votre amour. Certes les temps sont changés, les moeurs sont changées, les méthodes d'éducation sont changées ; mais la vraie et authentique figure de Louis de Gonzague reste et restera toujours un modèle sublime qui, dans les exemples et les traits de sa vie, convient à la jeunesse de tous les temps. Aussi Notre prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire, confirmant les décrets de Benoît XIII et Léon XIII, voulut-il à nouveau et solennellement proclamer Louis de Gonzague céleste patron de toute la jeunesse chrétienne. Cette jeunesse, il la mit sous sa garde et protection et il l'exhorta paternellement à garder les yeux fixés sur cet admirable jeune homme, chef-d'oeuvre de la nature et de la grâce, qui voua à la rapide conquête d'une sainteté consommée sa vivacité d'esprit, sa vigueur de caractère, sa force de volonté, sa ferveur au travail, sa générosité dans le renoncement, véritable ange de la pureté, véritable martyr de la chasteté.
Rendez-vous aujourd'hui, si possible, à l'église de saint Ignace ici à Rome, et, agenouillés près de l'urne qui referme les ossements sacrés de saint Louis, demandez-lui de recevoir dès maintenant sous sa protection les enfants que vous attendez de Dieu.
Notre pensée et Notre coeur vous accompagnent à cette tombe vénérée, devant laquelle Nous avons prié bien des fois, surtout lorsque dans Notre jeunesse Nous fréquentions tout près de là le Collège romain, qui fut le témoin de la vie sainte et de la précieuse mort de saint Louis de Gonzague.
Puisse Notre bénédiction vous assurer les grâces que Nous demandons de tout coeur par l'intercession de ce saint angélique, à qui est réservée dans l'Eglise une mission ordonnée au plus grand bien de la jeunesse.
Aux pèlerins de Palerme :
Si aux jeunes époux Nous avons adressé Notre parole d'encouragement, à vous, chers habitants de Palerme, Nous devons dire celle de Notre satisfaction pour le succès de votre congrès eucharistique diocésain, heureux couronnement de nombreux congrès paroissiaux, qui s'achève si bien ici, près de Nous, par la joyeuse célébration des noces d'argent episcopales de votre éminentissime et très cher archevêque en ce jour — heureuse coïncidence — de la fête de son patron, saint Louis de Gonzague.
Nous connaissons les résolutions qui ont été prises dans vos solennelles assises et Nous savons de même avec quel enthousiasme vous avez voulu Nous en apporter la confirmation pour Nous demander de les bénir, et donner en même temps au Pasteur de votre archidiocèse la consolation de célébrer au milieu de vous son jubilé à l'autel même de sa consécration episcopale. De tout cela Nous avons raison de Nous réjouir et d'élever avec vous tous l'hymne de la reconnaissance à Dieu. Nous Le prions, en outre, de féconder de sa grâce la bonne semence, que vous avez semée avec tant d'abondance et de foi pendant l'Année eucharistique, et de faire de votre magnifique archidiocèse, si privilégié des beautés de la nature, un jardin florissant de vie et de piété chrétiennes.
C'est en formulant ce souhait que Nous bénissons de tout coeur les présents et les absents, vos familles et vos travaux, et que, d'une manière spéciale, Nous voulons exprimer à votre très digne et très zélé cardinal-archevêque Nos voeux personnels très fervents.
. au Comité national de la Protection de la jeune fille :
Une autre digne représentation de chères filles est assemblée ici autour de Nous pour Nous exprimer ses généreux projets et Nous apporter de bien solides consolations : le Comité national de la Protection de la jeune fille, toujours debout, clairvoyant et efficace dans un travail qui constitue une des plus nobles et plus saintes croisades pour la religion et pour la civilisation. Toute exhortation est superflue pour les membres de ce comité. Stimulant leur diligence et leur charité, l'exhortation vient de la gravité même d'un apostolat, auquel confère un caractère d'extrême urgence la diffusion toujours plus ouverte et impudente des dangers qui menacent les jeunes travailleuses. Pour ces dames pleines de bonne volonté Nous n'avons que des paroles d'éloges et de remerciement. La haute et délicate mission à laquelle elles se dévouent, et les sacrifices que cette mission leur demande, les recommandent, avec leurs compagnes de travail disséminées partout, à Notre particulière gratitude. En les bénissant, comme Nous le faisons de tout coeur, Nous implorons du Seigneur pour elles, pour leur armée qui est sur la brèche et pour toutes leurs initiatives, les plus abondantes bénédictions divines et la récompense souhaitée d'un succès toujours plus pertinent et digne de la sainte cause qu'elles servent.
à de jeunes ouvrières :
De ces authentiques bienfaitrices de la jeune fille, Notre pensée s'adresse naturellement à vous, jeunes ouvrières, qui, de votre retraite spirituelle passée dans le recueillement de ces derniers jours, venez demander au Père commun de bénir vos résolutions. Pensez donc si cette bénédiction descend sur vous large, encourageante, pleine de confiance ! Sur vous, sur vos familles, sur vos travaux. Et Nous voulons qu'elle vous confirme toutes dans l'estime que mérite votre condition sociale, qui fait de chacune de vous une active collaboratrice au milieu de la famille humaine.
Mais Nous voulons surtout que cette bénédiction éclaire vos coeurs et vous fasse sentir fortement la grande dignité et le grand honneur que donne à votre travail le fait qu'il a eu les préférences du divin Maître Jésus et qu'il a rempli la plus grande partie de sa vie mortelle ! Puissiez-vous toutes, pour votre bonheur, vous rendre familières ces pensées et dans votre travail avoir toujours l'esprit fixé au ciel, le coeur en paix !
à des religieux et religieuses :
En même temps que vous, sont réunis ici d'autres généreux héros du travail : des religieux et des religieuses qui, grâce à la munificence du très méritant Ordre de Malte, ont eu l'insigne faveur de suivre sous la direction de professeurs illustres et expérimentés un cours pour infirmiers missionnaires. Faveur insigne, disons-Nous, sachant bien ce que vaut en terre de mission le missionnaire infirmier. Il est pour les néophytes et pour les autres l'expression sensible et émouvante de notre religion d'amour, qui, pour s'occuper des âmes, ne néglige point les corps et sait rendre ainsi un précieux service à Celui qui a dit : « J'étais malade et vous m'avez visité », et qui n'a pas hésité à nous donner comme modèle de la charité le compatissant Samaritain.
Le rôle que l'assistance sanitaire exerce dans les missions fait de ce genre d'oeuvre auxiliaire quelque chose de sacré et Nous souhaitons, pour le plus grand succès de la propagation de la foi, que cette formation ne soit jamais négligée par les oeuvres missionnaires, afin que le travail des missionnaires, qui oeuvrent glorieusement en première ligne, soit assuré du plus grand rendement.
En exprimant aux professeurs comme aux élèves Notre particulière satisfaction pour l'heureuse issue des cours, Nous bénissons de tout coeur les uns et les autres.
DISCOURS AUX ÉLÈVES DES SÉMINAIRES DE ROME
(24 juin 1939)
Plus de 5000 élèves de 80 séminaires ou instituts romains, représentant tous les pays du monde, ont été reçus en audience solennelle par le Saint-Père, le 24 juin, dans la cour Saint-Damase. Voici le long discours que le Père commun prononça à l'adresse de cette imposante assemblée de futurs prêtres :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 245 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 995.
La réunion solennelle à laquelle vous êtes venus, pour témoigner vos sentiments de respect et de dévotion au Vicaire de Jésus-Christ sur terre, Nous cause une joie singulière, Nos très chers fils, et Nous fait le plus grand plaisir. Nous avons, en effet, sous les yeux une de ces assemblées où se trouvent à la fois les splendeurs de toutes sortes de qualités et l'abondance des dons de l'esprit. Nous voyons avec réconfort le groupe choisi des maîtres insignes en sciences sacrées, cette pléiade de supérieurs qui déploient une inlassable activité pour que les jeunes gens qui leur sont confiés se forment saintement et deviennent d'excellents prêtres ; mais Nous regardons avec une admiration spéciale le spectacle que Nous offre cette jeunesse d'élite, composée de clercs, non seulement de Rome ou de l'Italie, mais encore de l'Europe et du monde entier. Et lorsque Nous les voyons unis par cette harmonie des volontés et la similitude des travaux pour devenir aptes — sous la direction et l'enseignement du successeur de Pierre — à répandre la doctrine et la grâce de Jésus-Christ dans toutes les âmes, Nous ne pouvons Nous empêcher de rendre les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant pour la plénitude de cette vocation divine, et cela d'autant plus que tous ces jeunes gens représentent en quelque façon les nombreux milliers de ceux qui, sur toute la terre, aspirent à se consacrer à la vie sacerdotale.
Recommandations concernant l'étude des sciences sacrées.
Le Christ Notre-Seigneur, comme vous le savez tous, a dit à ses apôtres : « Vous êtes la lumière du monde ». La lumière brille, le soleil réchauffe. Voici donc votre fin, voici le but assigné au sacerdoce catholique : être le soleil surnaturel qui éclaire l'esprit des hommes par la vérité du Christ et enflamme leurs âmes de l'amour du Christ. Il faut donc que toute préparation et formation sacerdotales correspondent à cette fin et à ce but assignés.
Si vous voulez devenir la lumière de la vérité qui vient du Christ, vous devez d'abord être illuminés par cette vérité. C'est pourquoi vous vous appliquez à l'étude des sciences sacrées.
Si vous désirez imprégner l'âme des hommes de la charité du Christ, vous devez d'abord être enflammés de cette charité. C'est à quoi vise votre éducation religieuse et ascétique.
Vous savez bien, Nos très chers fils, que les études des clercs sont réglées par la remarquable constitution Deus scientiarum Dominus, oeuvre de Notre prédécesseur de vénérée mémoire, le pape Pie XL Cette constitution marque avec soin la distinction, qu'il faut bien suivre dans la pratique, entre les disciplines principales (auxquelles s'ajoutent les auxiliaires) et les autres, qui sont appelées spéciales. Les premières — que les professeurs y fassent grande attention dans l'enseignement et dans les ex?mens — doivent tenir la place principale et être comme au centre des études ; les autres doivent être enseignées et travaillées de telle façon qu'elles accompagnent et complètent bien les disciplines principales, sans pourtant prendre trop de travail ni aller jusqu'à gêner, même le plus légèrement, l'étude approfondie et vraiment capitale des sciences principales.
En outre, on doit s'en tenir entièrement au canon qui prescrit sagement que « les études de philosophie rationnelle et de théologie, et l'enseignement de ces disciplines aux élèves doivent être réalisés par les professeurs selon les méthodes, la doctrine et les principes du Docteur angélique, et qu'il faut fidèlement s'y tenir » 2. Or, c'est bien le caractère distinctif de la sagesse de Thomas d'Aquin d'éclairer d'une vive lumière les vérités accessibles à la raison humaine, et de les grouper remarquablement dans l'unité par un lien bien adapté et solide ; de s'adapter le mieux possible à l'exposé et à la défense des dogmes de la foi ; de combattre efficacement et de vaincre sûrement les erreurs fondamentales qui se déchaînent à toute époque.
Dès lors, très chers fils, apportez dans vos études une âme pleine d'un amour ardent pour saint Thomas ; faites tout ce que vous pouvez pour en pénétrer par votre intelligence la riche doctrine ; embrassez volontiers tout ce qui en fait manifestement partie et en constitue les éléments certains et principaux.
Mise en garde contre certains dangers.
Ces principes, déjà promulgués par Notre prédécesseur, Nous avons estimé devoir aujourd'hui les rappeler et, là où ce serait nécessaire, les reconfirmer intégralement ; et en même temps Nous faisons Nôtres les avertissements de Nos prédécesseurs, qui voulurent assurer le progrès de la vraie science et une légitime liberté dans les études. Nous approuvons pleinement et Nous recommandons que, là où il le faudra, la sagesse antique soit adaptée aux récentes découvertes scientifiques ; qu'on discute librement les points sur lesquels divergent les interprètes autorisés du Docteur angélique ; qu'on utilise les nouvelles ressources fournies par l'histoire pour une meilleure intelligence des textes de l'Aquinate. Mais qu'aucune personne privée « ne se conduise en maître dans l'Eglise » 3, ni « que les uns exigent des autres plus que ce que n'exige de tous l'Eglise, mère et maîtresse de tous » 4, ni, enfin, qu'on suscite de vaines discordes.
Benoît XV, A. A. S., 6, 1914, p. 576. Pie XI, A. A. S., 15, 1923, p. 324.
Si toutes ces règles sont observées, comme Nous l'espérons, on peut en attendre d'abondants avantages pour la science. En effet, en recommandant la doctrine de saint Thomas, on ne supprime pas l'émulation dans la recherche et dans la diffusion de la vérité, mais on la stimule plutôt et on la guide.
Mais pour que votre formation scientifique soit féconde en fruits précieux, il faut, Nos très chers fils, et Nous vous y exhortons de tout coeur, que les connaissances scientifiques, dont vous faites peu à peu l'acquisition au cours de vos études, n'aient pas seulement pour but la réussite des examens scolaires, mais plutôt qu'elles impriment dans vos âmes comme une sorte d'empreinte marquée si fortement qu'elle ne s'efface jamais plus, et de laquelle vous puissiez, le moment venu, faire sortir tout ce qui est utile pour propager par la parole ou les écrits la vérité catholique et conduire les hommes au Christ.
Ce que Nous avons dit vaut à la fois pour ce qui a trait à la vérité divinement révélée et pour ses prémisses rationnelles, c'est-à-dire pour l'exposé et la défense des principes de la philosophie chrétienne. Le relativisme fut par Pie XI, Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, assimilé au modernisme dogmatique et, en le « réprouvant grandement », il le dénommait « modernisme moral, juridique et social » 5, en tant qu'il ne reconnaît pas comme règles du vrai et du faux, du bien et du mal, les lois immuables du juste et du droit, mais prétend établir les normes dans ce qui est utile — mais qui varie indéfiniment — aux individus, à l'ordre civil, à l'Etat et aux classes. A ce modernisme vous devez, comme il convient à des prédicateurs du saint Evangile, opposer courageusement les vérités pleines et absolues qui nous viennent de Dieu, d'où découlent nécessairement les premiers droits et devoirs des individus, de la société domestique et des Etats, et sans lesquelles la dignité et le bien-être de la société civile ne pourraient se maintenir. Et vous remplirez cette mission de façon vraiment parfaite si ces vérités ont tellement pris possession de votre esprit que vous soyez prêts, comme pour les mystères de la foi, à ne fuir pour elles aucune fatigue, à ne refuser aucun ennui.
Vous devrez aussi vous efforcer de présenter la vérité, de façon à ce qu'elle soit exactement comprise et goûtée, vous servant d'un langage toujours clair et jamais ambigu, et évitant ces changements superflus et nocifs qui facilement altèrent la substance de la vérité.
Tels ont toujours été la règle et l'usage dans l'Eglise catholique ; et à cela on peut appliquer la parole de saint Paul, que « Jésus-Christ... n'a pas été oui et non, mais il n'y a jamais eu que oui en lui » (2Co 1,19).
Conseils pour l'étude des différentes sciences.
Que si nous considérons l'ordre de la vérité divinement révélée et des mystères de la foi catholique, il est bien vrai que les grands progrès dans la recherche et dans l'utilisation des forces naturelles, et plus encore le bruit avec lequel on répand l'enseignement de choses purement terrestres, ont troublé l'esprit d'un très grand nombre, de telle sorte qu'ils réussissent à peine à percevoir le surnaturel ; il n'est pas moins vrai que les prêtres zélés de Dieu remportent aujourd'hui des succès plus grands et plus merveilleux que jamais peut-être dans la conquête des âmes au Christ. Pour que vous aussi vous deveniez des prêtres de cette valeur, sous la conduite et à l'exemple de saint Paul, que rien ne vous soit plus cher que l'étude de la théologie, tant biblique-positive que spéculative. Gravez profondément dans votre esprit qu'aujourd'hui les fidèles désirent ardemment et demandent de bons pasteurs d'âmes et des confesseurs instruits. Attachez-vous donc avec une pieuse ardeur à l'étude de la théologie morale et du Droit canon. Même le Droit canon est ordonné au salut des âmes, et à travers toutes ses règles, par toutes ses lois, il tend par-dessus tout et en dernière analyse à ce que les hommes vivent et meurent sanctifiés par la grâce de Dieu.
Les sciences historiques, dans la mesure où elles sont enseignées, ne doivent pas se borner aux questions critiques ou purement apologétiques — encore que celles-ci aient leur importance — mais qu'elles tendent plutôt toujours à montrer l'activité de la vie de l'Eglise ; par exemple, tout ce que l'Eglise a fait, tout ce qu'elle a souffert ; suivant quelles méthodes et avec quels succès elle a rempli son mandat ; comment elle a exercé la charité par des oeuvres ; où se cachent les périls qui s'opposent à un état florissant de l'Eglise ; dans quelles conditions les relations entre l'Eglise et l'Etat ont été bonnes ou moins bonnes ; ce que l'Eglise peut concéder au pouvoir politique, et dans quelles circonstances, au contraire, elle doit être irréductible ; enfin, un jugement réfléchi sur la condition de l'Eglise et un sincère amour de l'Eglise. Voilà ce que le cours d'histoire ecclésiastique doit présenter et développer devant l'élève, devant vous surtout, très chers fils, qui étudiez dans cette ville où les monuments antiques, les riches bibliothèques, les archives ouvertes aux études et aux recherches, mettent en quelque sorte sous les yeux la vie de l'Eglise catholique au cours des siècles.
Mais pour ne pas laisser s'amoindrir votre persévérance et votre courage, très chers fils, tous les jours, dans la mesure du possible, puisez dans la source inépuisable des Livres saints, et spécialement du Nouveau Testament, le véritable esprit de Jésus-Christ et des apôtres, pour le faire resplendir toujours dans votre intelligence, dans vos paroles, dans vos actions. Soyez infatigables dans le travail, même durant les vacances, afin que vos supérieurs puissent répéter avec confiance : « Que votre lumière brille devant les hommes afin que, voyant vos bonnes oeuvres, ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16).
Les séminaristes doivent joindre à l'étude la prière et l'esprit de sacrifice...
Il appartient à votre vocation divine de préparer dans le coeur des hommes la voie à l'amour et à la grâce de Jésus-Christ. Pour atteindre ce but, il faut d'abord que vous soyez vous-mêmes enflammés de cet amour. Allumez donc l'amour du Christ en vous, par l'union avec le Christ, dans la prière et le sacrifice.
Nous disons par le moyen de l'union dans la prière, parce que si vous Nous demandez quel mot d'ordre Nous donnons, au début de Notre pontificat, aux prêtres de l'Eglise catholique, nous répondons : Priez, priez toujours plus et avec une plus grande ferveur.
Par le moyen de l'union dans le sacrifice, dans le sacrifice eucharistique. Non seulement dans le sacrifice eucharistique, mais en même temps dans le sacrifice de soi-même. Vous savez qu'un des effets de la très sainte Eucharistie est de donner à celui qui y assiste et à celui qui la reçoit de la force pour le sacrifice et l'abnégation de soi-même. Il y a à la vérité, et elles doivent le rester, diverses formes d'ascèse chrétienne, différentes entre elles sur plusieurs points secondaires ; mais aucune d'entre elle ne connaît de voie pour atteindre la charité divine en dehors du sacrifice de soi-même. C'est ce que Jésus-Christ réclame de ceux qui le suivent, lui qui a dit : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il porte sa croix chaque jour et me suive » (Lc 9,23) ; lui qui a déclaré expressément que la voie conduisant à l'amour de Dieu se trouve dans l'observation des commandements divins (Jn 15,10) ; qui, enfin, a donné spécialement à ses apôtres cette autre admirable sentence : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24-25).
Le ministère sacerdotal réclame de vous des sacrifices individuels, comme Nous vous le disions, parmi lesquels ce sacrifice principal et total de soi-même, en hommage au Christ, qui se fait par le célibat. Examinez-vous vous-mêmes ! Et si certains se sentaient incapables d'y être fidèles, Nous les conjurons de quitter le séminaire et de s'en aller ailleurs pour y mener, honnêtement et avec fruit, une vie qu'autrement ils traîneraient dans le sanctuaire non sans péril pour leur salut et non sans déshonneur pour l'Eglise. Nous exhortons ensuite ceux qui sont déjà dans l'état sacerdotal, ou sont prêts à y entrer, à s'offrir totalement et de grand coeur. Faites attention à ne pas vous laisser surpasser dans cette générosité par tant de fidèles qui aujourd'hui supportent patiemment les plus dures épreuves pour la gloire de Dieu et la foi de Jésus-Christ ; mais devancez-les tous dans de tels combats par la lumière de l'exemple et procurez-leur, par vos travaux et votre abnégation, la grâce divine, durant leur vie et à leur mort.
et aussi le souci d'une très grande charité...
En outre, « nous avons reçu de Dieu ce commandement que celui qui aime Dieu aime aussi son frère » (1Jn 4,21). Cette charité envers le prochain proclamée par Jésus-Christ comme étant le signe et en quelque sorte le mot d'ordre de tout chrétien (Jn 13,35), doit, à plus forte raison, être le signe disttnctif du prêtre catholique ; et, du reste, elle ne peut être séparée de l'amour de Dieu, comme le démontre clairement l'apôtre Paul qui, exaltant la charité dans un éloge sublime souligne de façon magnifique la correspondance entre l'amour de Dieu et l'amour du prochain (1Co 13). Cet amour du prochain ne connaît pas la barrière des frontières, mais s'étend à tous les hommes, à toutes les langues, à toutes les nations et à toutes les races. Or donc, très chers fils, profitez de l'heureuse et spéciale facilité que vous offre votre séjour à Rome pour pratiquer cette charité envers la grande multitude de jeunes confrères qui, bien qu'originaires des nations les plus diverses et très éloignées les unes des autres, sont du même âge, ont la même foi, la même vocation, le même amour pour Jésus-Christ, et enfin jouissent des mêmes droits dans l'Eglise. Profitez, disons-Nous, d'une telle occasion pour nourrir cette charité ; et ne faites ni ne dites rien qui puisse la blesser, même légèrement. Laissez aux autres les polémiques des partis politiques : ce n'est pas votre affaire. Au contraire, communiquez-vous réciproquement les nouvelles qui ont trait ou peuvent être utiles à l'apostolat, au soin des âmes, à la situation et à l'expansion de l'Eglise.
. enfin l'obéissance et la fidélité au pape.
En dernier lieu, si vous voulez progresser dans l'amour du Christ, il est nécessaire de cultiver l'obéissance comme une confiance filiale et l'amour envers le Vicaire de Jésus-Christ. C'est le Christ, en effet, qu'en lui vous vénérez et auquel vous offrez votre obéissance ; le Christ en lui vous est présent. C'est à tort que l'on distingue entre l'Eglise juridique et l'Eglise de la charité. Il n'en est pas ainsi ; mais cette Eglise fondée sur le droit, qui a pour chef le Souverain
Pontife, est aussi l'Eglise du Christ, l'Eglise de la charité et l'universelle famille des chrétiens. Que régnent donc entre Nous et vous ces sentiments qui, dans une famille vraiment chrétienne, unissent étroitement les fils au père et le père aux fils. Et vous qui, demeurant à Rome, êtes témoins que ce Siège apostolique, laissant de côté toutes considérations humaines, ne pense à rien d'autre et ne cherche rien d'autre que le bien, le bonheur et le salut des fidèles et de tout le genre humain, transmettez à vos frères épars dans le monde entier cette confiance que vous avez acquise par votre expérience personnelle, afin que tous soient uns dans la charité du Christ avec le Souverain Pontife.
Votre apostolat sacerdotal, illuminé par la vérité divine et animé de l'amour du Christ à travers les très violentes tempêtes d'un monde hostile à la vérité et à l'amour et au milieu des difficultés et des épreuves — qui sont le privilège et comme la compagnie naturelle et nécessaire de tous ceux qui se dévouent à l'apostolat — ne sera pas dépourvu, par la grâce de Dieu, de fruits abondants pour le salut des âmes, ni de cette consolation réconfortante qui faisait dire au saint Docteur des gentils : « Par le Christ, nous sommes comblés de consolations » (2Co 1,5).
Dieu seul sait par quelles voies sa Providence conduira chacun de vous, quelles ascensions et quelles descentes, combien de pas sur des sentiers pierreux et épineux vous attendent. Mais une chose reste bien déterminée et sûre dans la vie de tout prêtre rempli de la vérité et de la charité du Christ : à savoir, l'espérance en Celui « qui nous a donné la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ » (1Co 15,57).
Et cette certitude surnaturelle dans la victoire, en qui s'enraci-nera-t-elle plus profondément qu'en vous ? Vous avez, en effet, près de la tombe des apôtres et aux catacombes des martyrs, puisé cet esprit qui déjà, aux temps passés, renouvela le genre humain, et qui sait qu'aujourd'hui encore les promesses de Jésus-Christ conservent leur force. Aussi, Nos très chers fils, Nous vous répéterons avec gravité ce que, heureux et sûr du fruit de son labeur apostolique, répétait l'apôtre saint Paul : « Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de plus en plus à l'oeuvre du Seigneur, sachant que votre travail dans le Seigneur ne saurait être vain » (1Co 15,58).
Rempli de cette espérance, invoquant sur tous et sur chacun de vous les plus abondantes grâces du Pontife éternel, en gage de cette grâce de lumière et de force, Nous vous donnons de tout coeur dans le Seigneur la Bénédiction apostolique.
LETTRE AU R\2me\0 PÈRE PIERRE DAMIEN BUFFALDINI SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DES MOINES ERMITES CAMALDULES DE L'ORDRE DE SAINT BENOIT
(24 juin 1939) 1
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 343.
Parmi les hommes de grand mérite qui ont illustré par leur piété et leur doctrine l'ordre des Camaldules, Ambroise Traversari, dont le cinquième centenaire de la mort bienheureuse vient de sonner, tient assurément une place éminente.
En effet, remarquable par l'intégrité de sa vie, il dépensa de longs efforts à rechercher et à transcrire des manuscrits, écrivit dans un latin élégant de nombreuses oeuvres sur des sujets sacrés et profanes, remplit avec soin d'importantes charge dans son ordre et accomplit avec ardeur des missions très honorifiques sur l'ordre et pour l'utilité du Siège apostolique.
Parmi toutes les autres sont dignes d'une mémoire particulière la légation qu'il accomplit pour le pape Eugène 4, Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, auprès de l'empereur Sigismond et par laquelle il réussit à faire transférer le concile de Bâle à Ferrare, et la charge qui lui fut confiée par les Pères du concile de Florence de rédiger le décret d'union pour ramener les Grecs dans le sein de l'Eglise catholique.
Ces missions accomplies avec éclat attestent lumineusement que la contemplation des choses éternelles non seulement n'est pas un obstacle à l'accroissement et aux progrès de cette vie mortelle, mais encore peut apporter de nombreux services et aux hommes pris en particulier et à la société civile et chrétienne. De quel amour, de quelle sainte dévotion, cet homme remarquable a été animé à l'égard du Siège apostolique et du pontife romain dont il a affirmé et revendiqué avec force les droits et la primauté, il serait facile de le montrer par ses lettres ! Rappelons seulement parmi d'autres ces paroles magnifiques qu'il écrivait au pape Eugène IV : « Nous sommes prêt à mourir pour Votre nom parce que nous pensons que nulle autre mort ne serait pour nous plus précieuse que celle-là. »
C'est pourquoi, Nous rappelant en mémoire avec joie les louanges et les mérites d'Ambroise Traversari, non seulement Nous honorons d'une louange méritée les célébrations centenaires qui vont bientôt avoir lieu en son honneur, mais encore Nous y participons volontiers par la présente lettre. Les actions si glorieuses de cet homme de Dieu rappelées opportunément en mémoire par des solennités publiques encourageront à coup sûr tous les moines de l'ordre de Saint-Benoît et particulièrement les fils de saint Romuald, à apporter le maximum de bien à votre famille religieuse, à l'Eglise et à la cité par l'attachement fécond à la vie érémitique, par un amour unanime de l'unité, par la contemplation des choses divines, par la recherche approfondie des saintes disciplines. Et afin que cette proche célébration soit plus salutaire, Nous vous donnons, chers fils, la faculté de bénir en Notre nom et en Notre autorité, tous les fidèles présents, au jour fixé, après la célébration solennelle du saint sacrifice, et de leur accorder une indulgence plénière à gagner selon les prescriptions de l'Eglise.
(19 juin 1939)1
Le lendemain de la béatification d'Emilie de Vialar, le Saint-Père reçut en audience les pèlerins français et les religieuses de l'Institut de Saint-Joseph de l'Apparition venus à Rome à cette occasion et présentés par S. Exc. Mgr Delay, évêque de Marseille. Il leur adressa ces paroles :
Il y a quelques semaines, le splendide Congrès eucharistique d'Alger rappelait au monde les événements qui servirent, voici un siècle, d'occasion providentielle à la pénétration de l'Evangile jusqu'au coeur du continent africain.
Parmi les pionniers de l'apostolat moderne en Afrique se trouvait Emilie de Vialar. C'est donc avec raison que vous êtes venus, chers fils et filles, de son pays de Gaillac, de Marseille, de Paris et d'autres régions, prendre part au triomphe de cette grande missionnaire française.
Mais vous surtout, qui l'appelez votre Mère et dont le coeur a dû s'émouvoir bien doucement, hier, en disant pour la première fois, avec l'Eglise, cette invocation solennelle : Ora pro nobis, beata Aemilia ! C'est vous autres aujourd'hui que, dans un sens différent, mais tout aussi vrai, Nous qualifierons de même en disant : « Bienheureuses les filles d'une telle Mère ! »
Bienheureuses d'abord, parce que vous êtes assurées d'avoir au ciel une protectrice puissante. De son crédit auprès de Dieu, les étendards déployés hier à Saint-Pierre montraient quelques témoignages. Mais c'en est un aussi que le développement rapide et l'extension de votre institut. L'Italie, la France et l'Angleterre, l'Afrique du Nord, Malte, la Syrie et la Palestine, la lointaine Birmanie et l'Australie plus lointaine encore, connaissent et aiment les filles d'Emilie de Vialar. Oui, bienheureuses êtes-vous de la puissance que Dieu a donnée à votre Mère et des grâces qu'il a répandues sur son oeuvre !
Votre joie a encore une autre source : c'est de savoir que l'esprit de votre Mère était bien l'esprit de Dieu, quand, après tant d'incertitudes et de recherches, elle se décida à fonder une congrégation nouvelle. C'est pourquoi doivent vous être toujours plus chers cet esprit et ce nom : « Saint Joseph de l'Apparition ! » Ils vous rappellent sans cesse l'obligation et la douceur d'une absolue confiance en Dieu, dans les obscurités de ce monde, durant ces longues heures d'attente dans la nuit de l'âme, que votre Mère connut si bien !
Enfin, bienheureuses êtes-vous, vous à qui a été donnée cette belle devise : « Se dévouer et mourir ! » Dans vos pensionnats et vos patronages, dans vos dispensaires et vos hôpitaux, en pays chrétien ou en terre de mission, qu'avez-vous d'autre à faire, que faites-vous d'autre, sinon de prodiguer les actes d'un inépuisable et parfois héroïque dévouement ? Restez donc fidèles à votre devise : dévouez-vous, partout et toujours !
Quant à vous tous, très chers fils et filles, vous allez regagner la France, en rapportant de Rome un nouveau fleuron pour sa couronne, déjà si riche, de saintes et de bienheureuses. Avec les vierges candides, de Geneviève à Bernadette, avec les femmes au coeur viril, comme Jeanne d'Arc et Jeanne-Françoise de Chantai, avec les mystiques extasiées, comme Colette et Marguerite-Marie, avec les grandes éducatrices, comme Jeanne de Lestonnac et Madeleine-Sophie Barat, la France a toujours eu, parmi ses fils et ses filles, des missionnaires intrépides. Depuis un siècle et demi, la phalange de ces femmes apôtres a pris un accroissement dont le monde païen tout entier a ressenti les effets. Aux défricheuses, arrosant de leur sueur et parfois de leur sang la terre infidèle, s'est jointe une légion d'auxiliaires invisibles, implorant dans l'ombre du cloître, sous la bure et le cilice, par des supplications embrasées d'amour ou inondées de larmes, les grâces surnaturelles, sans lesquelles tout apostolat resterait vain. Quand Notre prédécesseur, de vénérée mémoire, proclamait une carmélite de Lisieux patronne des missionnaires, il ne faisait que montrer du doigt, comme Thérèse Martin désignant elle-même dans le ciel son étoile, un astre de première grandeur, au sein d'un firmament brillamment constellé.
Allez, chères filles d'Emilie de Vialar, allez, chers pèlerins de France, de l'Afrique du Nord ou d'ailleurs, redire, avec la gloire de la nouvelle bienheureuse, cette grande leçon de sa vie : que l'oeuvre de Dieu se fait avant tout par des âmes humbles ardemment dévouées à sa gloire, saintement hardies dans leurs entreprises, confiantes en sa Providence parmi les difficultés, et résolues enfin, comme la Mère de Vialar l'écrivait au pape en des heures particulièrement pénibles pour elle, résolues à « tout souffrir, plutôt que d'abandonner le poste que Dieu leur a confié ».
Pour vous y aider, tous et chacun, quel que soit votre poste, et comme gage des grâces divines implorées pour vous, Nous vous donnons de tout coeur, chers fils et filles, la Bénédiction apostolique. Cette bénédiction s'étend à toute votre méritante congrégation, à toutes et à chacune de ses religieuses, à toutes vos chères familles, à toutes les personnes et à toutes les choses que vous avez dans la pensée ou dans le coeur, et Nous bénissons aussi tous les objets de dévotion que vous avez portés avec vous.
ALLOCUTION A L'ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE DE L'URUGUAY
(20 juin 1939) 1
Répondant aux déférentes paroles de S. Exc. le Dr Joachim Secco Illa, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'Uruguay, lors de la présentation de ses lettres de créance, le Souverain Pontife prononça cette allocution :
En ce moment où Nous avons la consolation de voir un représentant de l'Uruguay présenter ses lettres de créance, par lesquelles S. Exc. M. le président de la République l'accrédite comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire en mission spéciale auprès du Saint-Siège, revient à Notre esprit le jour mémorable d'octobre 1934 où, au retour du Congrès eucharistique international de Buenos Aires, Nous avons rendu visite à votre noble peuple et à son gouvernement. Nous avions dû limiter Notre rencontre au peu de temps dont Nous disposions entre l'arrivée et le départ du navire. Toutefois, les heures de Notre séjour dans la capitale furent un événement dont la signification spirituelle pleine de consolation et de promesse demeure depuis ce jour toujours gravée en Notre esprit. Les acclamations du peuple qui s'entassait sur les places et dans les rues de Montevideo, l'entrée à la cathédrale, la rencontre avec M. le président de la République et les membres du gouvernement et du parlement, les sentiments que Nous exprimèrent le clergé et les fidèles : tout cela a formé un ensemble si harmonieux et si admirable qu'à Notre arrivée Nous ne pûmes faire moins que de donner à Notre prédécesseur Pie XI, d'immortelle mémoire, dans le compte rendu de Notre voyage, une place de tout premier choix à Notre visite en Uruguay.
1 D'après le texte espagnol de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 199. 10
Que Nous ne Nous sommes pas trompé dans le jugement et l'appréciation des sentiments toujours vivants de ce peuple catholique — pour ne pas faire mention d'autres événements, parmi lesquels mériterait un souvenir spécial le grandiose Congrès eucharistique national de l'année passée — la preuve en est dans le fait que Votre Excellence, objet de la plus grande confiance du chef de l'Etat et particulièrement préparée pour remplir les fonctions si honorables par ses dons si élevés de l'esprit et du coeur et par ses extraordinaires mérites envers la cause catholique, vienne aujourd'hui à Nous en mission spéciale pour conclure des accords qui établissent et régularisent les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l'Uruguay.
En une heure si pleine de responsabilités et de problèmes formidables pour la vie des peuples et pour la paix menacée, il est inutile de dire à Votre Excellence que la réalisation des nobles buts de sa mission trouvera en Nous un appui entier et décidé.
C'est dans cette confiance que Nous invoquons la protection du Très-Haut sur le peuple uruguayen si cher à Notre coeur, sur le chef de l'Etat et sur son gouvernement et surtout sur Votre Excellence, en même temps que Nous faisons des voeux fervents pour que l'union des forces spirituelles qui viennent de la doctrine et de la loi du Christ couronnent de succès les profondes aspirations à la paix qui constituent aujourd'hui les désirs du monde entier.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(21 juin 1939)1
L'audience générale du 21 juin rassemblait autour du Père commun des jeunes époux, les membres du Comité national de la Protection de la jeune fille, un groupe de jeunes ouvrières, des prêtres, des religieuses, un pèlerinage de Palerme et de nombreux autres fidèles. S'adressant aux différents groupes successivement, le Pape prononça ce discours :
Aux jeunes époux.
C'est avec une vraie joie que Nous constatons le nombre toujours considérable des jeunes époux venus demander au Vicaire de Jésus-Christ une bénédiction qui les accompagne sur le chemin ouvert à leurs espérances. Nous souhaitons que ces belles, joyeuses et saintes espérances se réalisent dans un avenir de vrai et parfait bonheur, et pour eux, et pour les enfants que la Providence leur enverra, puisque les parents ne vivent pas seulement pour eux, mais aussi pour ceux à qui ils ont donné la vie. Bien plus, les époux vraiment chrétiens vivent, veulent vivre et se sentent tenus de vivre spécialement pour le bien de leurs enfants, ils savent du reste que leur bonheur personnel dépend de celui de leurs enfants.
Mission éducatrice des parents.
Or, chers époux, le bonheur de vos enfants est, au moins pour une grande part, dans vos propres mains ; il dépend de l'éducation que vous leur donnerez dès l'aube de leur vie au foyer domestique.
Aujourd'hui même nous célébrons la fête de saint Louis de Gonzague, gloire éclatante de la jeunesse chrétienne. La grâce de Dieu, sans aucun doute, a, dès ses premières années, prévenu et accompagné cette âme privilégiée de dons extraordinaires ; mais il n'est pas moins certain que Dieu trouva une coopératrice attentive, délicate et industrieuse en Dame Marthe, l'heureuse mère de notre aimable saint. Tel est le pouvoir d'une mère consciente de toute la sublimité de sa mission d'éducatrice !
Pour vous aider dans l'accomplissement de cette mission il Nous plaît de relever en cet angélique jeune homme comme le modèle que vous devrez proposer aux enfants que le Seigneur vous donnera, et le patron à qui confier la garde de ces gages de votre amour. Certes les temps sont changés, les moeurs sont changées, les méthodes d'éducation sont changées ; mais la vraie et authentique figure de Louis de Gonzague reste et restera toujours un modèle sublime qui, dans les exemples et les traits de sa vie, convient à la jeunesse de tous les temps. Aussi Notre prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire, confirmant les décrets de Benoît XIII et Léon XIII, voulut-il à nouveau et solennellement proclamer Louis de Gonzague céleste patron de toute la jeunesse chrétienne. Cette jeunesse, il la mit sous sa garde et protection et il l'exhorta paternellement à garder les yeux fixés sur cet admirable jeune homme, chef-d'oeuvre de la nature et de la grâce, qui voua à la rapide conquête d'une sainteté consommée sa vivacité d'esprit, sa vigueur de caractère, sa force de volonté, sa ferveur au travail, sa générosité dans le renoncement, véritable ange de la pureté, véritable martyr de la chasteté.
Rendez-vous aujourd'hui, si possible, à l'église de saint Ignace ici à Rome, et, agenouillés près de l'urne qui referme les ossements sacrés de saint Louis, demandez-lui de recevoir dès maintenant sous sa protection les enfants que vous attendez de Dieu.
Notre pensée et Notre coeur vous accompagnent à cette tombe vénérée, devant laquelle Nous avons prié bien des fois, surtout lorsque dans Notre jeunesse Nous fréquentions tout près de là le Collège romain, qui fut le témoin de la vie sainte et de la précieuse mort de saint Louis de Gonzague.
Puisse Notre bénédiction vous assurer les grâces que Nous demandons de tout coeur par l'intercession de ce saint angélique, à qui est réservée dans l'Eglise une mission ordonnée au plus grand bien de la jeunesse.
Aux pèlerins de Palerme :
Si aux jeunes époux Nous avons adressé Notre parole d'encouragement, à vous, chers habitants de Palerme, Nous devons dire celle de Notre satisfaction pour le succès de votre congrès eucharistique diocésain, heureux couronnement de nombreux congrès paroissiaux, qui s'achève si bien ici, près de Nous, par la joyeuse célébration des noces d'argent episcopales de votre éminentissime et très cher archevêque en ce jour — heureuse coïncidence — de la fête de son patron, saint Louis de Gonzague.
Nous connaissons les résolutions qui ont été prises dans vos solennelles assises et Nous savons de même avec quel enthousiasme vous avez voulu Nous en apporter la confirmation pour Nous demander de les bénir, et donner en même temps au Pasteur de votre archidiocèse la consolation de célébrer au milieu de vous son jubilé à l'autel même de sa consécration episcopale. De tout cela Nous avons raison de Nous réjouir et d'élever avec vous tous l'hymne de la reconnaissance à Dieu. Nous Le prions, en outre, de féconder de sa grâce la bonne semence, que vous avez semée avec tant d'abondance et de foi pendant l'Année eucharistique, et de faire de votre magnifique archidiocèse, si privilégié des beautés de la nature, un jardin florissant de vie et de piété chrétiennes.
C'est en formulant ce souhait que Nous bénissons de tout coeur les présents et les absents, vos familles et vos travaux, et que, d'une manière spéciale, Nous voulons exprimer à votre très digne et très zélé cardinal-archevêque Nos voeux personnels très fervents.
. au Comité national de la Protection de la jeune fille :
Une autre digne représentation de chères filles est assemblée ici autour de Nous pour Nous exprimer ses généreux projets et Nous apporter de bien solides consolations : le Comité national de la Protection de la jeune fille, toujours debout, clairvoyant et efficace dans un travail qui constitue une des plus nobles et plus saintes croisades pour la religion et pour la civilisation. Toute exhortation est superflue pour les membres de ce comité. Stimulant leur diligence et leur charité, l'exhortation vient de la gravité même d'un apostolat, auquel confère un caractère d'extrême urgence la diffusion toujours plus ouverte et impudente des dangers qui menacent les jeunes travailleuses. Pour ces dames pleines de bonne volonté Nous n'avons que des paroles d'éloges et de remerciement. La haute et délicate mission à laquelle elles se dévouent, et les sacrifices que cette mission leur demande, les recommandent, avec leurs compagnes de travail disséminées partout, à Notre particulière gratitude. En les bénissant, comme Nous le faisons de tout coeur, Nous implorons du Seigneur pour elles, pour leur armée qui est sur la brèche et pour toutes leurs initiatives, les plus abondantes bénédictions divines et la récompense souhaitée d'un succès toujours plus pertinent et digne de la sainte cause qu'elles servent.
à de jeunes ouvrières :
De ces authentiques bienfaitrices de la jeune fille, Notre pensée s'adresse naturellement à vous, jeunes ouvrières, qui, de votre retraite spirituelle passée dans le recueillement de ces derniers jours, venez demander au Père commun de bénir vos résolutions. Pensez donc si cette bénédiction descend sur vous large, encourageante, pleine de confiance ! Sur vous, sur vos familles, sur vos travaux. Et Nous voulons qu'elle vous confirme toutes dans l'estime que mérite votre condition sociale, qui fait de chacune de vous une active collaboratrice au milieu de la famille humaine.
Mais Nous voulons surtout que cette bénédiction éclaire vos coeurs et vous fasse sentir fortement la grande dignité et le grand honneur que donne à votre travail le fait qu'il a eu les préférences du divin Maître Jésus et qu'il a rempli la plus grande partie de sa vie mortelle ! Puissiez-vous toutes, pour votre bonheur, vous rendre familières ces pensées et dans votre travail avoir toujours l'esprit fixé au ciel, le coeur en paix !
à des religieux et religieuses :
En même temps que vous, sont réunis ici d'autres généreux héros du travail : des religieux et des religieuses qui, grâce à la munificence du très méritant Ordre de Malte, ont eu l'insigne faveur de suivre sous la direction de professeurs illustres et expérimentés un cours pour infirmiers missionnaires. Faveur insigne, disons-Nous, sachant bien ce que vaut en terre de mission le missionnaire infirmier. Il est pour les néophytes et pour les autres l'expression sensible et émouvante de notre religion d'amour, qui, pour s'occuper des âmes, ne néglige point les corps et sait rendre ainsi un précieux service à Celui qui a dit : « J'étais malade et vous m'avez visité », et qui n'a pas hésité à nous donner comme modèle de la charité le compatissant Samaritain.
Le rôle que l'assistance sanitaire exerce dans les missions fait de ce genre d'oeuvre auxiliaire quelque chose de sacré et Nous souhaitons, pour le plus grand succès de la propagation de la foi, que cette formation ne soit jamais négligée par les oeuvres missionnaires, afin que le travail des missionnaires, qui oeuvrent glorieusement en première ligne, soit assuré du plus grand rendement.
En exprimant aux professeurs comme aux élèves Notre particulière satisfaction pour l'heureuse issue des cours, Nous bénissons de tout coeur les uns et les autres.
DISCOURS AUX ÉLÈVES DES SÉMINAIRES DE ROME
(24 juin 1939)
Plus de 5000 élèves de 80 séminaires ou instituts romains, représentant tous les pays du monde, ont été reçus en audience solennelle par le Saint-Père, le 24 juin, dans la cour Saint-Damase. Voici le long discours que le Père commun prononça à l'adresse de cette imposante assemblée de futurs prêtres :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 245 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XL, col. 995.
La réunion solennelle à laquelle vous êtes venus, pour témoigner vos sentiments de respect et de dévotion au Vicaire de Jésus-Christ sur terre, Nous cause une joie singulière, Nos très chers fils, et Nous fait le plus grand plaisir. Nous avons, en effet, sous les yeux une de ces assemblées où se trouvent à la fois les splendeurs de toutes sortes de qualités et l'abondance des dons de l'esprit. Nous voyons avec réconfort le groupe choisi des maîtres insignes en sciences sacrées, cette pléiade de supérieurs qui déploient une inlassable activité pour que les jeunes gens qui leur sont confiés se forment saintement et deviennent d'excellents prêtres ; mais Nous regardons avec une admiration spéciale le spectacle que Nous offre cette jeunesse d'élite, composée de clercs, non seulement de Rome ou de l'Italie, mais encore de l'Europe et du monde entier. Et lorsque Nous les voyons unis par cette harmonie des volontés et la similitude des travaux pour devenir aptes — sous la direction et l'enseignement du successeur de Pierre — à répandre la doctrine et la grâce de Jésus-Christ dans toutes les âmes, Nous ne pouvons Nous empêcher de rendre les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant pour la plénitude de cette vocation divine, et cela d'autant plus que tous ces jeunes gens représentent en quelque façon les nombreux milliers de ceux qui, sur toute la terre, aspirent à se consacrer à la vie sacerdotale.
Recommandations concernant l'étude des sciences sacrées.
Le Christ Notre-Seigneur, comme vous le savez tous, a dit à ses apôtres : « Vous êtes la lumière du monde ». La lumière brille, le soleil réchauffe. Voici donc votre fin, voici le but assigné au sacerdoce catholique : être le soleil surnaturel qui éclaire l'esprit des hommes par la vérité du Christ et enflamme leurs âmes de l'amour du Christ. Il faut donc que toute préparation et formation sacerdotales correspondent à cette fin et à ce but assignés.
Si vous voulez devenir la lumière de la vérité qui vient du Christ, vous devez d'abord être illuminés par cette vérité. C'est pourquoi vous vous appliquez à l'étude des sciences sacrées.
Si vous désirez imprégner l'âme des hommes de la charité du Christ, vous devez d'abord être enflammés de cette charité. C'est à quoi vise votre éducation religieuse et ascétique.
Vous savez bien, Nos très chers fils, que les études des clercs sont réglées par la remarquable constitution Deus scientiarum Dominus, oeuvre de Notre prédécesseur de vénérée mémoire, le pape Pie XL Cette constitution marque avec soin la distinction, qu'il faut bien suivre dans la pratique, entre les disciplines principales (auxquelles s'ajoutent les auxiliaires) et les autres, qui sont appelées spéciales. Les premières — que les professeurs y fassent grande attention dans l'enseignement et dans les ex?mens — doivent tenir la place principale et être comme au centre des études ; les autres doivent être enseignées et travaillées de telle façon qu'elles accompagnent et complètent bien les disciplines principales, sans pourtant prendre trop de travail ni aller jusqu'à gêner, même le plus légèrement, l'étude approfondie et vraiment capitale des sciences principales.
En outre, on doit s'en tenir entièrement au canon qui prescrit sagement que « les études de philosophie rationnelle et de théologie, et l'enseignement de ces disciplines aux élèves doivent être réalisés par les professeurs selon les méthodes, la doctrine et les principes du Docteur angélique, et qu'il faut fidèlement s'y tenir » 2. Or, c'est bien le caractère distinctif de la sagesse de Thomas d'Aquin d'éclairer d'une vive lumière les vérités accessibles à la raison humaine, et de les grouper remarquablement dans l'unité par un lien bien adapté et solide ; de s'adapter le mieux possible à l'exposé et à la défense des dogmes de la foi ; de combattre efficacement et de vaincre sûrement les erreurs fondamentales qui se déchaînent à toute époque.
Dès lors, très chers fils, apportez dans vos études une âme pleine d'un amour ardent pour saint Thomas ; faites tout ce que vous pouvez pour en pénétrer par votre intelligence la riche doctrine ; embrassez volontiers tout ce qui en fait manifestement partie et en constitue les éléments certains et principaux.
Mise en garde contre certains dangers.
Ces principes, déjà promulgués par Notre prédécesseur, Nous avons estimé devoir aujourd'hui les rappeler et, là où ce serait nécessaire, les reconfirmer intégralement ; et en même temps Nous faisons Nôtres les avertissements de Nos prédécesseurs, qui voulurent assurer le progrès de la vraie science et une légitime liberté dans les études. Nous approuvons pleinement et Nous recommandons que, là où il le faudra, la sagesse antique soit adaptée aux récentes découvertes scientifiques ; qu'on discute librement les points sur lesquels divergent les interprètes autorisés du Docteur angélique ; qu'on utilise les nouvelles ressources fournies par l'histoire pour une meilleure intelligence des textes de l'Aquinate. Mais qu'aucune personne privée « ne se conduise en maître dans l'Eglise » 3, ni « que les uns exigent des autres plus que ce que n'exige de tous l'Eglise, mère et maîtresse de tous » 4, ni, enfin, qu'on suscite de vaines discordes.
Benoît XV, A. A. S., 6, 1914, p. 576. Pie XI, A. A. S., 15, 1923, p. 324.
Si toutes ces règles sont observées, comme Nous l'espérons, on peut en attendre d'abondants avantages pour la science. En effet, en recommandant la doctrine de saint Thomas, on ne supprime pas l'émulation dans la recherche et dans la diffusion de la vérité, mais on la stimule plutôt et on la guide.
Mais pour que votre formation scientifique soit féconde en fruits précieux, il faut, Nos très chers fils, et Nous vous y exhortons de tout coeur, que les connaissances scientifiques, dont vous faites peu à peu l'acquisition au cours de vos études, n'aient pas seulement pour but la réussite des examens scolaires, mais plutôt qu'elles impriment dans vos âmes comme une sorte d'empreinte marquée si fortement qu'elle ne s'efface jamais plus, et de laquelle vous puissiez, le moment venu, faire sortir tout ce qui est utile pour propager par la parole ou les écrits la vérité catholique et conduire les hommes au Christ.
Ce que Nous avons dit vaut à la fois pour ce qui a trait à la vérité divinement révélée et pour ses prémisses rationnelles, c'est-à-dire pour l'exposé et la défense des principes de la philosophie chrétienne. Le relativisme fut par Pie XI, Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, assimilé au modernisme dogmatique et, en le « réprouvant grandement », il le dénommait « modernisme moral, juridique et social » 5, en tant qu'il ne reconnaît pas comme règles du vrai et du faux, du bien et du mal, les lois immuables du juste et du droit, mais prétend établir les normes dans ce qui est utile — mais qui varie indéfiniment — aux individus, à l'ordre civil, à l'Etat et aux classes. A ce modernisme vous devez, comme il convient à des prédicateurs du saint Evangile, opposer courageusement les vérités pleines et absolues qui nous viennent de Dieu, d'où découlent nécessairement les premiers droits et devoirs des individus, de la société domestique et des Etats, et sans lesquelles la dignité et le bien-être de la société civile ne pourraient se maintenir. Et vous remplirez cette mission de façon vraiment parfaite si ces vérités ont tellement pris possession de votre esprit que vous soyez prêts, comme pour les mystères de la foi, à ne fuir pour elles aucune fatigue, à ne refuser aucun ennui.
Vous devrez aussi vous efforcer de présenter la vérité, de façon à ce qu'elle soit exactement comprise et goûtée, vous servant d'un langage toujours clair et jamais ambigu, et évitant ces changements superflus et nocifs qui facilement altèrent la substance de la vérité.
Tels ont toujours été la règle et l'usage dans l'Eglise catholique ; et à cela on peut appliquer la parole de saint Paul, que « Jésus-Christ... n'a pas été oui et non, mais il n'y a jamais eu que oui en lui » (2Co 1,19).
Conseils pour l'étude des différentes sciences.
Que si nous considérons l'ordre de la vérité divinement révélée et des mystères de la foi catholique, il est bien vrai que les grands progrès dans la recherche et dans l'utilisation des forces naturelles, et plus encore le bruit avec lequel on répand l'enseignement de choses purement terrestres, ont troublé l'esprit d'un très grand nombre, de telle sorte qu'ils réussissent à peine à percevoir le surnaturel ; il n'est pas moins vrai que les prêtres zélés de Dieu remportent aujourd'hui des succès plus grands et plus merveilleux que jamais peut-être dans la conquête des âmes au Christ. Pour que vous aussi vous deveniez des prêtres de cette valeur, sous la conduite et à l'exemple de saint Paul, que rien ne vous soit plus cher que l'étude de la théologie, tant biblique-positive que spéculative. Gravez profondément dans votre esprit qu'aujourd'hui les fidèles désirent ardemment et demandent de bons pasteurs d'âmes et des confesseurs instruits. Attachez-vous donc avec une pieuse ardeur à l'étude de la théologie morale et du Droit canon. Même le Droit canon est ordonné au salut des âmes, et à travers toutes ses règles, par toutes ses lois, il tend par-dessus tout et en dernière analyse à ce que les hommes vivent et meurent sanctifiés par la grâce de Dieu.
Les sciences historiques, dans la mesure où elles sont enseignées, ne doivent pas se borner aux questions critiques ou purement apologétiques — encore que celles-ci aient leur importance — mais qu'elles tendent plutôt toujours à montrer l'activité de la vie de l'Eglise ; par exemple, tout ce que l'Eglise a fait, tout ce qu'elle a souffert ; suivant quelles méthodes et avec quels succès elle a rempli son mandat ; comment elle a exercé la charité par des oeuvres ; où se cachent les périls qui s'opposent à un état florissant de l'Eglise ; dans quelles conditions les relations entre l'Eglise et l'Etat ont été bonnes ou moins bonnes ; ce que l'Eglise peut concéder au pouvoir politique, et dans quelles circonstances, au contraire, elle doit être irréductible ; enfin, un jugement réfléchi sur la condition de l'Eglise et un sincère amour de l'Eglise. Voilà ce que le cours d'histoire ecclésiastique doit présenter et développer devant l'élève, devant vous surtout, très chers fils, qui étudiez dans cette ville où les monuments antiques, les riches bibliothèques, les archives ouvertes aux études et aux recherches, mettent en quelque sorte sous les yeux la vie de l'Eglise catholique au cours des siècles.
Mais pour ne pas laisser s'amoindrir votre persévérance et votre courage, très chers fils, tous les jours, dans la mesure du possible, puisez dans la source inépuisable des Livres saints, et spécialement du Nouveau Testament, le véritable esprit de Jésus-Christ et des apôtres, pour le faire resplendir toujours dans votre intelligence, dans vos paroles, dans vos actions. Soyez infatigables dans le travail, même durant les vacances, afin que vos supérieurs puissent répéter avec confiance : « Que votre lumière brille devant les hommes afin que, voyant vos bonnes oeuvres, ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16).
Les séminaristes doivent joindre à l'étude la prière et l'esprit de sacrifice...
Il appartient à votre vocation divine de préparer dans le coeur des hommes la voie à l'amour et à la grâce de Jésus-Christ. Pour atteindre ce but, il faut d'abord que vous soyez vous-mêmes enflammés de cet amour. Allumez donc l'amour du Christ en vous, par l'union avec le Christ, dans la prière et le sacrifice.
Nous disons par le moyen de l'union dans la prière, parce que si vous Nous demandez quel mot d'ordre Nous donnons, au début de Notre pontificat, aux prêtres de l'Eglise catholique, nous répondons : Priez, priez toujours plus et avec une plus grande ferveur.
Par le moyen de l'union dans le sacrifice, dans le sacrifice eucharistique. Non seulement dans le sacrifice eucharistique, mais en même temps dans le sacrifice de soi-même. Vous savez qu'un des effets de la très sainte Eucharistie est de donner à celui qui y assiste et à celui qui la reçoit de la force pour le sacrifice et l'abnégation de soi-même. Il y a à la vérité, et elles doivent le rester, diverses formes d'ascèse chrétienne, différentes entre elles sur plusieurs points secondaires ; mais aucune d'entre elle ne connaît de voie pour atteindre la charité divine en dehors du sacrifice de soi-même. C'est ce que Jésus-Christ réclame de ceux qui le suivent, lui qui a dit : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il porte sa croix chaque jour et me suive » (Lc 9,23) ; lui qui a déclaré expressément que la voie conduisant à l'amour de Dieu se trouve dans l'observation des commandements divins (Jn 15,10) ; qui, enfin, a donné spécialement à ses apôtres cette autre admirable sentence : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24-25).
Le ministère sacerdotal réclame de vous des sacrifices individuels, comme Nous vous le disions, parmi lesquels ce sacrifice principal et total de soi-même, en hommage au Christ, qui se fait par le célibat. Examinez-vous vous-mêmes ! Et si certains se sentaient incapables d'y être fidèles, Nous les conjurons de quitter le séminaire et de s'en aller ailleurs pour y mener, honnêtement et avec fruit, une vie qu'autrement ils traîneraient dans le sanctuaire non sans péril pour leur salut et non sans déshonneur pour l'Eglise. Nous exhortons ensuite ceux qui sont déjà dans l'état sacerdotal, ou sont prêts à y entrer, à s'offrir totalement et de grand coeur. Faites attention à ne pas vous laisser surpasser dans cette générosité par tant de fidèles qui aujourd'hui supportent patiemment les plus dures épreuves pour la gloire de Dieu et la foi de Jésus-Christ ; mais devancez-les tous dans de tels combats par la lumière de l'exemple et procurez-leur, par vos travaux et votre abnégation, la grâce divine, durant leur vie et à leur mort.
et aussi le souci d'une très grande charité...
En outre, « nous avons reçu de Dieu ce commandement que celui qui aime Dieu aime aussi son frère » (1Jn 4,21). Cette charité envers le prochain proclamée par Jésus-Christ comme étant le signe et en quelque sorte le mot d'ordre de tout chrétien (Jn 13,35), doit, à plus forte raison, être le signe disttnctif du prêtre catholique ; et, du reste, elle ne peut être séparée de l'amour de Dieu, comme le démontre clairement l'apôtre Paul qui, exaltant la charité dans un éloge sublime souligne de façon magnifique la correspondance entre l'amour de Dieu et l'amour du prochain (1Co 13). Cet amour du prochain ne connaît pas la barrière des frontières, mais s'étend à tous les hommes, à toutes les langues, à toutes les nations et à toutes les races. Or donc, très chers fils, profitez de l'heureuse et spéciale facilité que vous offre votre séjour à Rome pour pratiquer cette charité envers la grande multitude de jeunes confrères qui, bien qu'originaires des nations les plus diverses et très éloignées les unes des autres, sont du même âge, ont la même foi, la même vocation, le même amour pour Jésus-Christ, et enfin jouissent des mêmes droits dans l'Eglise. Profitez, disons-Nous, d'une telle occasion pour nourrir cette charité ; et ne faites ni ne dites rien qui puisse la blesser, même légèrement. Laissez aux autres les polémiques des partis politiques : ce n'est pas votre affaire. Au contraire, communiquez-vous réciproquement les nouvelles qui ont trait ou peuvent être utiles à l'apostolat, au soin des âmes, à la situation et à l'expansion de l'Eglise.
. enfin l'obéissance et la fidélité au pape.
En dernier lieu, si vous voulez progresser dans l'amour du Christ, il est nécessaire de cultiver l'obéissance comme une confiance filiale et l'amour envers le Vicaire de Jésus-Christ. C'est le Christ, en effet, qu'en lui vous vénérez et auquel vous offrez votre obéissance ; le Christ en lui vous est présent. C'est à tort que l'on distingue entre l'Eglise juridique et l'Eglise de la charité. Il n'en est pas ainsi ; mais cette Eglise fondée sur le droit, qui a pour chef le Souverain
Pontife, est aussi l'Eglise du Christ, l'Eglise de la charité et l'universelle famille des chrétiens. Que régnent donc entre Nous et vous ces sentiments qui, dans une famille vraiment chrétienne, unissent étroitement les fils au père et le père aux fils. Et vous qui, demeurant à Rome, êtes témoins que ce Siège apostolique, laissant de côté toutes considérations humaines, ne pense à rien d'autre et ne cherche rien d'autre que le bien, le bonheur et le salut des fidèles et de tout le genre humain, transmettez à vos frères épars dans le monde entier cette confiance que vous avez acquise par votre expérience personnelle, afin que tous soient uns dans la charité du Christ avec le Souverain Pontife.
Votre apostolat sacerdotal, illuminé par la vérité divine et animé de l'amour du Christ à travers les très violentes tempêtes d'un monde hostile à la vérité et à l'amour et au milieu des difficultés et des épreuves — qui sont le privilège et comme la compagnie naturelle et nécessaire de tous ceux qui se dévouent à l'apostolat — ne sera pas dépourvu, par la grâce de Dieu, de fruits abondants pour le salut des âmes, ni de cette consolation réconfortante qui faisait dire au saint Docteur des gentils : « Par le Christ, nous sommes comblés de consolations » (2Co 1,5).
Dieu seul sait par quelles voies sa Providence conduira chacun de vous, quelles ascensions et quelles descentes, combien de pas sur des sentiers pierreux et épineux vous attendent. Mais une chose reste bien déterminée et sûre dans la vie de tout prêtre rempli de la vérité et de la charité du Christ : à savoir, l'espérance en Celui « qui nous a donné la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ » (1Co 15,57).
Et cette certitude surnaturelle dans la victoire, en qui s'enraci-nera-t-elle plus profondément qu'en vous ? Vous avez, en effet, près de la tombe des apôtres et aux catacombes des martyrs, puisé cet esprit qui déjà, aux temps passés, renouvela le genre humain, et qui sait qu'aujourd'hui encore les promesses de Jésus-Christ conservent leur force. Aussi, Nos très chers fils, Nous vous répéterons avec gravité ce que, heureux et sûr du fruit de son labeur apostolique, répétait l'apôtre saint Paul : « Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de plus en plus à l'oeuvre du Seigneur, sachant que votre travail dans le Seigneur ne saurait être vain » (1Co 15,58).
Rempli de cette espérance, invoquant sur tous et sur chacun de vous les plus abondantes grâces du Pontife éternel, en gage de cette grâce de lumière et de force, Nous vous donnons de tout coeur dans le Seigneur la Bénédiction apostolique.
LETTRE AU R\2me\0 PÈRE PIERRE DAMIEN BUFFALDINI SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DES MOINES ERMITES CAMALDULES DE L'ORDRE DE SAINT BENOIT
(24 juin 1939) 1
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 343.
Parmi les hommes de grand mérite qui ont illustré par leur piété et leur doctrine l'ordre des Camaldules, Ambroise Traversari, dont le cinquième centenaire de la mort bienheureuse vient de sonner, tient assurément une place éminente.
En effet, remarquable par l'intégrité de sa vie, il dépensa de longs efforts à rechercher et à transcrire des manuscrits, écrivit dans un latin élégant de nombreuses oeuvres sur des sujets sacrés et profanes, remplit avec soin d'importantes charge dans son ordre et accomplit avec ardeur des missions très honorifiques sur l'ordre et pour l'utilité du Siège apostolique.
Parmi toutes les autres sont dignes d'une mémoire particulière la légation qu'il accomplit pour le pape Eugène 4, Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, auprès de l'empereur Sigismond et par laquelle il réussit à faire transférer le concile de Bâle à Ferrare, et la charge qui lui fut confiée par les Pères du concile de Florence de rédiger le décret d'union pour ramener les Grecs dans le sein de l'Eglise catholique.
Ces missions accomplies avec éclat attestent lumineusement que la contemplation des choses éternelles non seulement n'est pas un obstacle à l'accroissement et aux progrès de cette vie mortelle, mais encore peut apporter de nombreux services et aux hommes pris en particulier et à la société civile et chrétienne. De quel amour, de quelle sainte dévotion, cet homme remarquable a été animé à l'égard du Siège apostolique et du pontife romain dont il a affirmé et revendiqué avec force les droits et la primauté, il serait facile de le montrer par ses lettres ! Rappelons seulement parmi d'autres ces paroles magnifiques qu'il écrivait au pape Eugène IV : « Nous sommes prêt à mourir pour Votre nom parce que nous pensons que nulle autre mort ne serait pour nous plus précieuse que celle-là. »
C'est pourquoi, Nous rappelant en mémoire avec joie les louanges et les mérites d'Ambroise Traversari, non seulement Nous honorons d'une louange méritée les célébrations centenaires qui vont bientôt avoir lieu en son honneur, mais encore Nous y participons volontiers par la présente lettre. Les actions si glorieuses de cet homme de Dieu rappelées opportunément en mémoire par des solennités publiques encourageront à coup sûr tous les moines de l'ordre de Saint-Benoît et particulièrement les fils de saint Romuald, à apporter le maximum de bien à votre famille religieuse, à l'Eglise et à la cité par l'attachement fécond à la vie érémitique, par un amour unanime de l'unité, par la contemplation des choses divines, par la recherche approfondie des saintes disciplines. Et afin que cette proche célébration soit plus salutaire, Nous vous donnons, chers fils, la faculté de bénir en Notre nom et en Notre autorité, tous les fidèles présents, au jour fixé, après la célébration solennelle du saint sacrifice, et de leur accorder une indulgence plénière à gagner selon les prescriptions de l'Eglise.
Lucie- Nombre de messages : 1241
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Re: Pie XII 1939
LETTRE APOSTOLIQUE POUR LA BÉATIFICATION DE JUSTIN DE JACOBIS
(25 juin 1939) 1
Par la lettre apostolique suivante, le Pape Pie XII proclame bienheureux le vénérable Justin de Jacobis, de la Congrégation de la Mission de Saint-Vincent de Paul, premier vicaire apostolique d'Abyssinie, après avoir retracé la vie du bienheureux.
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 296 ; cf. la traduction française des Acta de S. S. Pie 12, t. I, p. 159.
Par un dessein de la divine bonté, de l'âge apostolique jusqu'à nos temps, apparaissent constamment des hommes remarquables qui, par leur parole et leur action, amènent les autres hommes à l'Eglise fondée par le Christ notre Rédempteur, c'est-à-dire aux uniques pâturages de salut. Annonçant l'Evangile à toute créature, selon le commandement jamais aboli, ces hommes étendent à travers le monde le règne pacifique du Christ. L'activité bienfaisante qu'ils déploient, les vertus et la doctrine dont ils brillent se répandent, comme une pluie féconde, sur les semences de la foi dans le monde, et préparent les surabondantes moissons de bonté et de sainteté que l'on recueillera plus tard.
Au nombre de ces hommes que la Providence de Dieu a envoyés pour nous laisser d'admirables exemples, nous devons, sans aucun doute, compter le vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis. Tout d'abord préfet, puis vicaire apostolique d'Abyssinie, au milieu du XIXe siècle, selon un célèbre témoignage de Mgr Massaia, cardinal de la sainte Eglise romaine, il fut « le fondateur de la mission d'Abyssinie, l'apôtre infatigable de l'Afrique orientale, le maître des missionnaires, l'exemple typique de cette force et de cette abnégation qui sont nécessaires au progrès des missions, l'ange de l'Eglise d'Ethiopie ».
L'enfance de Justin de Jacobis.
Le 9 octobre 1800, dans la localité de Saint-Félix, communément San-Fele, au diocèse de Muro-Lucano, naquit Justin de Jacobis ; ses parents honnêtes et chrétiens étaient estimés pour l'intégrité de leur vie. Dès son enfance, Justin montra en quelque manière ce que serait l'action de sa vie. Répondant pleinement aux soins de sa pieuse mère, il s'adonnait tout jeune encore à la méditation des vérités de la foi ; il nourrissait une grande dévotion envers la sainte Eucharistie, la Passion du Seigneur et la bienheureuse Vierge Marie ; et il s'efforçait, selon ses moyens, de soulager la misère des pauvres. Enrôlé parmi les zélateurs de l'oeuvre de la Propagation de la Foi, avec instance il implorait de Dieu la conversion des infidèles et de tous ceux qui sont éloignés de l'unité de la foi. Lorsque, à l'âge de neuf ans, il s'approcha pour la première fois du céleste banquet de l'Agneau, il paraissait un ange plutôt qu'un enfant.
Dans la suite, et en des temps d'épreuves, son père transporta sa famille de la petite ville de Lucanie à Naples. Là, dans l'immense cité, Justin se livra avec ardeur à l'étude des sciences de bien. Il avait reçu en partage une intelligence d'une pénétrante vivacité, qu'accompagnait un excellent caractère.
Ses débuts apostoliques.
Durant son adolescence, il se sentit appelé à la vocation religieuse. A quinze ans, il entra dans la Congrégation de la Mission de Saint-Vincent de Paul. Il y prononça ses voeux ; et, ayant achevé le cours des études sacrées, le 12 juin 1824, à Brindisi, il reçut l'ordre sacré de la prêtrise. Peu de temps après, il s'adonnait aux travaux du ministère apostolique. Il y faisait preuve de dispositions marquées, surtout pour la prédication sacrée. Il se dépensait avec tant de zèle et de fruit pour annoncer la parole de Dieu aux fidèles que, dès ce temps-là, il apparut un ange de charité, un agneau de douceur, un modèle d'humilité.
Dans le sein même de la Congrégation de la Mission, durant les premières années de son sacerdoce, il s'acquitta avec éclat de charges importantes. Mais son zèle ardent pour le bien des âmes ne pouvait s'enfermer à l'intérieur des frontières de sa patrie. Aussi, nommé très heureusement préfet apostolique de la Mission d'Ethiopie qu'allait fonder la Sacrée Congrégation de la Propagande, c'est avec tout l'enthousiasme de son âme que, pour annoncer la véritable doctrine de l'Evangile au peuple d'Abyssinie qui attendait la lumière de la religion catholique, il s'adjoignit quelques compagnons et partit, en 1839, pour l'Afrique.
missionnaire.
Il atteignit enfin sa mission. Mais celle-ci lui réservait de bien grandes peines et de nombreuses difficultés. Cependant, sous l'impulsion de son ardente charité pour Dieu et pour son prochain, il triompha de tout : de l'obstination des schismatiques, de la privation des objets les plus nécessaires, de la rigueur du climat. Ni la pluie, ni l'excessive chaleur ne pouvaient retenir le héraut du Christ. Il entreprenait de longs et difficiles voyages à travers les contrées sauvages du Tigré et les régions voisines du Choa. Sans se lasser, il y accomplissait les fonctions sacrées. Dès que lui parvenait l'appel de la religion et de la charité, sans retard il se mettait en route. Pour attirer plus facilement au Christ le peuple abyssin, il adopta exactement le genre de vie des indigènes. Et tandis qu'il passait la journée entière dans les travaux du ministère auprès des âmes, il consacrait à son Dieu une grande partie de la nuit dans la veille et dans la prière
Au bout de deux années de séjour en Abyssinie, se présenta l'occasion d'une délégation envoyée au Caire en Egypte. Sur les instances du roi d'Ethiopie, il se joignit à elle et prit place parmi la suite des voyageurs. Le serviteur de Dieu conduisit ainsi quelques personnages d'Abyssinie jusqu'à Rome et aux lieux saints de Palestine. Ainsi, plus tard, de retour dans leur patrie, ils rapporteraient le durable souvenir des martyrs, la glorieuse renommée de l'Eglise romaine, et le culte des lieux que le Seigneur notre Rédempteur foula de ses pieds et arrosa de son sang.
Rentré ensuite dans sa mission, le serviteur de Dieu, loin d'abandonner son apostolat habituel, ne diminua en rien ses travaux accoutumés. A cette époque, où les conditions générales de PAbyssinie étaient des plus tristes, on ne saurait dire tous les travaux entrepris par le serviteur de Dieu, tout le dévouement qu'il déploya pour procurer le bien.
Le premier vicaire apostolique de l’Abyssinie.
C'est pourquoi, l'excellente renommée de Justin ne cessant de grandir fit que le Saint-Siège le choisit comme premier vicaire apostolique de PAbyssinie et évêque titulaire de Nilopolis. Lui, cependant, s'estimait indigne d'un tel honneur et d'une telle charge ; son humilité les lui faisait décliner sans hésitation. Mais Guillaume Massaia, à la même époque, était vicaire apostolique chez les Gallas ; celui-ci, en raison de la gravité des événements, fit à Justin de Jacobis une obligation, pour ainsi dire d'accepter, malgré sa répugnance et sa peine, la charge qui lui était offerte. C'est à Massaouah que, le 8 janvier 1849, Justin reçut la consécration episcopale ; il était prêt à verser même son sang en témoignage de la vraie foi.
De fait, l'exil, la prison, les chaînes, la faim, la soif, les trahisons, les tribulations de tous genres, le vénérable serviteur de Dieu eut à les endurer. Cependant, il amena à la foi catholique près de douze mille schismatiques, il établit plusieurs stations de mission, et forma un groupe choisi de clercs indigènes. Justin passa en Abyssinie plus de vingt années sans jamais interrompre sa vie de charité, mais saisissant toutes les occasions de s'adonner totalement à de si multiples et si grands travaux pour promouvoir la gloire de Dieu et procurer le salut des âmes.
Enfin, tandis qu'il fuyait la persécution sur des chemins rudes et impraticables, brisé par la maladie et ses forces se trouvant épuisées, il comprit que sa mort était imminente. Alors, ayant reçu la grâce du sacrement de la confession et fortifié par l'extrême-onction, il exhorta les enfants très chers qu'il avait engendrés dans le Christ à garder la charité mutuelle, le respect et l'obéissance dus au Pontife romain. Puis, avec la plus grande sérénité, victime de charité, étendu sur le sol, il passa de cette vie dans le Seigneur, le 31 juillet 1860. Chrétiens et musulmans pleurèrent également la mort d'un tel père. Son corps, escorté par une foule très nombreuse, fut enseveli avec honneur auprès de l'église d'Hébo. Dans la suite, catholiques et schismatiques ne cessèrent de le visiter avec dévotion, comme ils ne cessèrent, depuis la mort de Justin jusqu'à nos jours, de conserver avec grande piété et grande ferveur la mémoire du vénérable serviteur de Dieu.
Une renommée de sainteté entourait le serviteur de Dieu, dès son vivant, à cause de ses éclatantes vertus ; et Dieu, disait-on, confirmait la sainteté de son serviteur par des prodiges, avant comme après sa mort.
L'instruction de sa cause.
Rien d'étonnant, dès lors si, depuis le temps de sa mort jusqu'à nos jours, cette réputation de sainteté avait tellement grandi que, après la conclusion des procès informatifs, selon le droit habituel, par les Ordinaires à Naples, à Lecce et dans le vicariat apostolique d'Abyssinie, on ait entrepris auprès de la Congrégation des Rites de faire décerner au serviteur de Dieu les honneurs réservés aux bienheureux. Le 15 juillet 1905, Notre prédécesseur, le pape Pie X, de vénérée mémoire, signait de sa propre main le décret d'introduction de la cause. Après son introduction et passés les premiers jugements, la cause progressa si bien par la suite que l'on put bientôt entamer la discussion sur les vertus du vénérable serviteur de Dieu, Justin de Jacobis. Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, le pape Pie XI, le 28 juillet 1935, approuva et déclara le caractère d'héroïcité dont furent glorieusement marquées les vertus du serviteur de Dieu. On traita ensuite la question des miracles que Dieu, disait-on, avait accomplis par l'intercession du vénérable. Deux congrégations, à savoir antépréparatoire et préparatoire, furent d'abord tenues devant le cardinal rapporteur de la cause. La congrégation générale se tint devant Nous, le 2 mai de cette année-ci (1939). Après mûre réflexion sur toutes choses, Nous-même, le quatorzième jour du mois susdit qui était aussi le cinquième dimanche après Pâques, avons prononcé que les miracles proposés étaient établis en fait, et que l'on pouvait dans le cas, procéder plus avant.
Sa béatification.
Après que fut prononcé le jugement sur l'héroïcité des vertus et sur les miracles, un dernier objet de discussion demeurait en cause : est-ce que, en toute sûreté, on pouvait inscrire le vénérable Justin de Jacobis parmi les bienheureux du ciel ? Ce doute fut proposé par Notre cher fils Alexandre Verde, cardinal de la sainte Eglise romaine, actuel ponent ou rapporteur de la cause, dans l'assemblée générale tenue devant Nous au Palais du Vatican, le 23 du susdit mois de mai. Tous les membres présents, cardinaux et consulteurs des Rites, à l'unanimité, donnèrent une réponse affirmative. Cependant, Nous avons dans une question de telle importance différé de manifester Notre pensée, pour demander encore, par d'instantes prières, le secours du Père des lumières. Cette prière, Nous l'avons adressée de toutes les forces de Notre âme. Enfin, et tout récemment, le quatrième jour de ce mois-ci (juin 1939), où Nous célébrions la fête de la très Sainte Trinité, après avoir offert le sacrifice eucharistique en présence de Nos chers fils Charles Salotti, cardinal de la sainte Eglise romaine et préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, et Alexandre Verde, cardinal de la sainte Eglise romaine, rapporteur de la cause ; et également en présence de Nos chers fils Alphonse Carinci, secrétaire de la Congrégation des Rites, et Sauveur Natucci, promoteur général de la foi, Nous avons déclaré que l'on pouvait procéder sûrement à la béatification du vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis.
Autorisation de son culte.
Ainsi donc, comblant les voeux et de la Congrégation de la Mission de Saint-Vincent de Paul et des catholiques d'Abyssinie, en vertu de Notre autorité apostolique, selon la teneur des présentes lettres, Nous accordons la faculté d'honorer désormais du titre de bienheureux le vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis, premier vicaire apostolique de PAbyssinie ; Nous permettons que son corps et ses reliques soient exposés à la vénération publique des fidèles, sans qu'on puisse, cependant, les porter dans les supplications solennelles ; de même, Nous permettons que les images du serviteur de Dieu soient ornées de rayons.
En outre, de par Notre même autorité apostolique, Nous concédons que chaque année l'office du même bienheureux, office du commun d'un confesseur pontife avec les leçons et oraisons propres approuvées par Nous, soit récité par tous les fidèles qui sont tenus à la récitation des heures canoniales et la messe spéciale célébrée par tous les prêtres tant réguliers que séculiers qui célébreront dans les églises ou chapelles où l'on fait la fête du bienheureux. Toutefois, cette faculté, Nous l'accordons seulement pour le diocèse de Muro-Lucano où naquit le serviteur de Dieu, pour les vicariats et préfectures apostoliques de l'Afrique orientale où il se dépensa si saintement et mourut et aussi pour toutes les églises et chapelles à l'usage de la Congrégation de la Mission, en quelque lieu que ce soit.
Enfin, Nous accordons l'autorisation de célébrer des solennités en l'honneur de la béatification du vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis, dans toutes ces mêmes églises et chapelles, aux jours désignés par l'autorité légitime, selon les règles liturgiques de droit, et cela durant l'année qui suivra les solennités de la béatification célébrées en la basilique vaticane.
Seront valables les présentes décisions, nonobstant les constitutions, ordonnances et décrets apostoliques sur le non-culte ou tout autre objet. De plus, Nous voulons que, ces lettres même imprimées à condition cependant d'être signées de la main du secrétaire de la Congrégation des Rites et munies du sceau de la même Congrégation, soient acceptées, à l'égal des présentes, dans les discussions judiciaires et qu'on leur accordé la même foi qu'aux présentes en tant qu'expression de Notre volonté.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET AUX PÈLERINS VENUS POUR LA BÉATIFICATION DE JUSTIN DE JACOBIS
(28 juin 1939) 1
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 221 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 33.
En la vigile de la fête des saints Pierre et Paul, le Saint-Père parla aux jeunes époux et à de nombreux fidèles venus à Rome pour la béatification de Justin de Jacobis, apôtre de l'Ethiopie.
Voici les paroles que Sa Sainteté a adressées aux jeunes époux :
Si Nous éprouvons toujours une joie intime à Nous trouver parmi vous, chers enfants, l'audience d'aujourd'hui Nous est particulièrement chère : elle reçoit une solennité et une importance spéciale du fait qu'elle coïncide heureusement avec la vigile des saints apôtres Pierre et Paul. Fête de Rome avant tout, de cette Rome que les ineffables dispositions de la Providence ont voulu désigner pour siège du premier pape et de ses successeurs. Fête dé toute l'Eglise aussi, qui, répandue dans le monde entier, célèbre le glorieux triomphe de celui à qui Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit ces mémorables paroles : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. »
Vous venez demander et recevoir la Bénédiction apostolique : bénédiction vraiment apostolique, puisqu'elle est donnée par le successeur, quoique indigne, de Pierre. Ce que Jésus-Christ a disposé reste, et Pierre, toujours ferme dans la solidité de pierre qui lui a été communiquée, n'abandonne point le gouvernail de l'Eglise que ses mains tenaient autrefois. Au contraire, il s'acquitte maintenant avec plus de force et de vigueur que jadis de la tâche qui lui a été confiée, et il remplit dans toute leur ampleur les offices qu'il a assumés en Celui et avec Celui par qui il a été glorifié 2.
De cette bénédiction apostolique vous attendez grâces et faveurs célestes, protection et aide pour la nouvelle famille que vous avez fondée. Ayez confiance : le patronage et l'exemple de Pierre et du grand Docteur des nations, saint Paul, seront puissants et efficaces pour vous.
Saint Léon le Grand (comme d'autres Pères de l'Eglise) va jusqu'à appeler les deux apôtres, par une image étonnante, les yeux du corps mystique dont le Christ est la tête 3. Des yeux brillants et éclatants, des yeux paternels et miséricordieux, des yeux bienveillants et vigilants, des yeux qui suivent notre chemin spirituel, des yeux qui s'abaissent pour encourager et animer, qui s'élèvent pour intercéder et implorer grâce en faveur de ceux que tourmente encore l'âpre et périlleuse bataille de cette vie.
Pour vous, jeunes époux, conservez cette foi et transmettez-la pure aux enfants que la divine Providence daignera vous accorder : conservez et transmettez cette confiance dans les Princes des Apôtres et avec elle la dévotion, l'attachement indéfectible, quelle que soit la personne, au Vicaire du Christ, successeur de saint Pierre.
Recevez donc la paternelle bénédiction que Nous vous donnons de grand coeur, en l'étendant à toutes les personnes et choses qui vous sont chères et sur lesquelles vous désirez qu'elle descende avec abondance.
S. Léon le Grand, Serm. III, cap. 3 : Migne, P. L., t. 54, col. 146.
Serm. LXXX11, cap. 7 ; Mignc, P. L., t. 54, col. 427.
. aux pèlerins de Livourne :
En même temps que vous, Nous bénissons tous Nos chers fils et filles et, en particulier, les chers pèlerins conduits ici par Notre vénéré Frère, le très digne pasteur de ce diocèse de Livourne, qui doit son origine au zèle apostolique de Notre grand prédécesseur, Pie VII. Nous formulons en même temps le souhait paternel que, de même que votre florissante cité excelle par son intense vie commerciale et par son développement si riche de promesses, de même et surtout, grâce à l'action pastorale de son évêque et de son clergé, elle brille toujours davantage par la vigueur de sa foi et la ferveur de saintes oeuvres.
. aux pèlerins venus pour la glorification du bienheureux Justin De ibis :
Et maintenant il Nous plaît de Nous adresser à vous, chers fils, venus célébrer les prémices de la glorification du grand serviteur de Dieu et de l'héroïque apôtre que fut le bienheureux Justin De Jacobis, et de partager avec vous les douces émotions qu'a suscitées dans votre coeur et dans le Nôtre ce solennel événement.
Grand événement pour Nous, qui par cette glorification pouvons montrer au monde une fois de plus l'inépuisable vitalité de l'Eglise notre Mère — mère féconde d'héroïsme et de sainteté — capable d'élever la créature la plus humble au sommet de la perfection, de la transformer en foyer de lumières au milieu des ténèbres du siècle, d'en faire un héros du plus sublime apostolat, et un esprit élu, immolé au plus élevé et au plus pur idéal, celui du Royaume de Dieu sur la terre.
Que peut-il Nous arriver de plus joyeux pour le ministère pastoral, auquel la divine Providence a voulu associer Notre humble personne, que cette apparition de nouveaux astres dans le ciel de l'Eglise pour Nous assurer de la vigilante assistance d'en haut et pour obliger le monde à regarder attentivement et à réfléchir aux merveilles spirituelles dont l'Evangile est le magnifique artisan !
Il Nous plaît de Nous adresser à vous, qui pour une raison ou pour une autre pouvez vous réclamer d'un lien de parenté avec le nouveau bienheureux ; à vous, ses confrères et ses consoeurs, fils et filles de saint Vincent de Paul ; à vous, pèlerins de son diocèse d'origine et de son village natal, guidés par Notre vénéré Frère, l'évê-que de Muro Lucano, qui vous est très cher comme à Nous-même ; à tous les pèlerins de la région des Fouilles et de toute l'Italie.
Mais votre présence, fils bien-aimés de l'Ethiopie, venus avec votre Délégué apostolique et d'autres évêques de l'Afrique orientale italienne, Nous apporte une consolation particulière. Vous venez d'outre-mer, mais vous avez rencontré ici même, dans cette Cité du Vatican, vos frères, jeunes espoirs de l'Eglise d'Abyssinie, de sa régénération et de sa purification chrétiennes commencées depuis quinze siècles par saint Frumence dans les terres d'Ethiopie.
Aujourd'hui vous renouvelez dans Notre coeur, mais avec un sentiment plus haut de foi chrétienne, la joie, dont il y a environ un siècle le bienheureux De Jacobis remplissait le coeur de Notre prédécesseur, Grégoire XVI, lorsqu'il lui présenta la délégation de vos concitoyens, qu'il avait amenés d'Abyssinie. Ils furent profondément impressionnés par la bonté du Pontife romain, étonnés par la majestueuse grandeur du culte de l'Eglise catholique, et ils apprirent que le Christ Sauveur de tous les peuples avait donné à son Vicaire sur la terre une grandeur de coeur presque semblable aux sables des rivages de la mer. Ils retrouvèrent en lui le Père commun, qui est le centre d'unité de toute la famille chrétienne et qui sait épancher son coeur, sa sollicitude, sa généreuse prévoyance, sa parole paternelle qui apporte lumière, liberté, consolation et salut à toutes les brebis du Christ, même à celles qui, bien que lui appartenant, ne font pas encore partie de ce bercail catholique, auquel il doit pourtant les conduire. C'est avec un esprit de foi et d'amour plus haut et plus saint que vous vous serrez aujourd'hui autour de Nous, qui reconnaissons en vous, héritiers de l'ardeur des martyrs, les fils de l'apostolat, de la foi et de la charité du nouveau bienheureux.
Dans ce héros de la sainteté, Dieu a voulu unir la faiblesse de la chair à la hardiesse de l'esprit pour que sa victoire sur les obstacles, les adversités et les tribulations de son dur chemin resplendisse de façon plus lumineuse. Prêtre de la Mission de Saint-Vincent de Paul, il porta en Abyssinie le zèle du missionnaire, la sagesse sacerdotale, le courage prudent dans les sacrifices, la voix persuasive de la vérité et du bien, qui l'avaient fait aimer, admirer, vénérer dans les Pouilles. Il y porta ces admirables vertus, mais avec une plus haute autorité, un plus grand amour de père, une plus grande condescendance de maître, un plus insatiable sacrifice de pasteur qui va à la recherche des brebis égarées sur les sentiers trompeurs et les arides pâturages. Dans son humilité, plus assoiffée des poids du sacrifice que des honneurs de l'épiscopat, le titre de Vicaire apostolique d'Abyssinie fut pour lui le stimulant énergique et continuel de la généreuse offrande de tout lui-même pour la conquête, l'instruction et le gouvernement des âmes, pour le choix et l'éducation du clergé abyssin, pour la réorganisation des rites sacrés et l'administration des sacrements, pour la fondation des collèges, pour la protection des pèlerins d'Ethiopie à Jérusalem, pour les oeuvres de bienfaisance en faveur des pauvres et des infirmes et par l'effusion sous différentes formes de la charité vigilante et secourable, par lesquelles l'héroïque ardeur de l'apôtre et du saint sait se faire tout à tous. Les chemins, les villages, les rivières, les lacs et les mers d'Abyssinie furent les témoins de son dur apostolat et des luttes, heureuses ou tristes, douces ou amères, qui accompagnèrent à travers les régions éthiopiennes les pas du saint missionnaire ; exemple et modèle, pendant ses vingt ans de travail apostolique pour le grand athlète du Christ que fut Massaia, dont il dut vaincre l'humilité pour le consacrer évêque à la lumière d'une tremblante lanterne de nuit.
En Justin De Jacobis Nous admirons et devant Dieu Nous exaltons le héros des débuts du rétablissement de la foi catholique en Abyssinie. Il brille dans la lumière des premiers propagateurs de l'Evangile, initiateurs de la régénération chrétienne de l'univers, dans la lumière de l'Apôtre des gentils, parce que, comme lui, il peut se vanter de ses propres tribulations et sait par expérience ce qu'il en coûte de semer la foi dans le monde. N'a-t-il pas été, comme saint Paul (cf. 2Co 11,23-28), dans les travaux, dans les prisons, parmi les morts, sur les vagues de la mer, dans les voyages, exposé aux périls des fleuves, aux périls de la part des brigands, aux périls de la part des amis, aux périls de la part des gentils, aux périls dans les villes, aux périls sur la mer, aux périls de la part des faux frères ; dans les labeurs et les peines, dans les nombreuses veilles, souffrant de la faim et de la soif, s'imposant des jeûnes multiples ; sans compter la sollicitude de chaque jour pour sa chère Eglise d'Abyssinie ? N'est-il pas mort sur le chemin, comme un héros qui tombe sur ses propres pas, sel de la terre baignée de ses sueurs, en vue d'un grand peuple de frères malheureux et bien-aimés, regardant le ciel, nouveau Xavier sur une île sans rivages, épuisé à en mourir par l'impatience indomptable de donner sa vie pour le salut des âmes rachetées par le sang du Christ ?
Ainsi meurent, sans avoir subi le martyre, les hérauts de l'Evangile ; et bien que sans martyre, leur sang est semence de chrétiens. Devant l'autel de ce bienheureux martyr de la charité et de la souffrance non sanglante Nous Nous inclinons avec vous, frères de la même foi en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, sans confusion de natures. Avec les vôtres Nos espérances s'ouvrent toutes grandes ; Notre coeur s'exalte dans l'esprit qui vous a conduits à la maison du Père commun, parce qu'il est l'esprit d'une nouvelle aurore précédant un nouveau soleil de foi plus limpide, de vertu plus pure, de piété plus profonde et plus opérante sur votre terre de lumière : Adesse festinant tempora (Dt 32,35), « les temps avancent. »
L'Afrique s'est réveillée. Elle s'est levée assoiffée de la parole et de l'autel du Christ. Vous, chers pèlerins d'Abyssinie, vous êtes les prémices d'un grand peuple de Dieu, qui s'avance sous la conduite de votre bienheureux martyr Ghebre Michael, à côté du bienheureux Justin De Jacobis, sous le signe de la pure foi de Rome. Ces deux héros de l'Evangile sont votre gloire aussi bien que la gloire de l'Eglise catholique ; ils sont les nouveaux patrons de votre nation ; ils sont vos maîtres et vos pères sur le chemin qui conduit au ciel ; ils sont de puissants intercesseurs auprès du trône de Dieu, de qui Nous invoquons la bénédiction apostolique sur vous et sur votre peuple, pour qu'elle soit pour vous la source des faveurs divines et vous accompagne et protège dans tous les voyages et les activités de votre vie jusqu'à la paix de l'éternel bonheur.
ALLOCUTION AU PÈLERINAGE NATIONAL HONGROIS
(30 juin 1939)1
A S. Em. le cardinal Seredi qui lui avait présenté un important pèlerinage national hongrois, le Saint-Père a répondu en ces termes :
Salut, Notre très cher cardinal archevêque d'Esztergom, salut à vous Vénérables Frères et évêques et chers fils qui représentez, pour ainsi dire, tout le clergé hongrois dont il Nous a été permis d'observer et d'admirer, l'an passé, à l'occasion du mémorable Congrès eucharistique, la foi ferme, le travail infatigable et les vertus sacerdotales. C'est avec une joie très vive, pour Nous qui fûmes votre hôte, de pouvoir vous recevoir aujourd'hui dans Notre maison et de pouvoir exprimer Nos voeux les meilleurs à tous Nos fils hongrois et à toute votre nation.
Chers fils et filles de Hongrie ! Ce qui nous paraît tellement digne d'admiration dans la « Hungaria Catholica », c'est, avant tout, la fidélité avec laquelle les catholiques de Hongrie ont su garder leur foi au milieu des pires épreuves, depuis les temps lointains de saint Etienne et de son fils saint Eméric. Nous pensons ici spécialement à la ténacité, à l'endurance qui vous a permis de maintenir cette foi pendant le siècle et demi de la domination du Croissant dans votre pays. Le caractère très prononcé de noblesse de votre nation et la grâce de Dieu se sont donnés la main pour maintenir en commun cette fidélité à toute épreuve.
Aujourd'hui aussi des décisions religieuses de la plus grande importance se manifestent partout dans le monde. Dieu soit loué, le Christ et son Eglise possèdent maintenant aussi une armée de combattants courageux et prêts à tous les sacrifices, comme rarement dans le passé, et le Vicaire du Christ compte grandement sur les sept millions de catholiques hongrois. Que Dieu vous aide à confesser ouvertement votre foi jusque dans ses dernières conséquences et à la mettre en pratique dans votre vie.
La vénération et l'affection filiales que les catholiques hongrois vouent au Saint-Père remplit Notre coeur de réconfort. Il est caractéristique qu'au cours de votre histoire les époques de prospérité de la Hongrie aient toujours été aussi celles de ses rapports les plus intimes avec la Chaire de Pierre. L'expression la plus éloquente de ce fait est la couronne de saint Etienne elle-même. Quand il est question de rapports intimes entre la Hongrie et le Saint-Siège, Nous citons avec fierté le nom du pape Innocent XL Ce ne sont que les découvertes historiques récentes qui ont démontré combien ce saint pape a participé à la libération de la Hongrie et combien son nom est devenu inséparable des événements qui précédèrent et suivirent la fameuse date de 1686. Nous sommes heureux de savoir que ces années qui comptent parmi les plus glorieuses de l'histoire hongroise se rattachent si étroitement au nom de l'un de Nos prédécesseurs.
Chers fils et filles de Hongrie ! Faites en sorte que votre attachement au Saint-Siège soit aussi le signe de votre vie chrétienne. Il est aussi le secret de la force et de la fidélité de votre foi.
Nos voeux les plus ardents accompagnent la vie catholique florissante de votre patrie, et, avant tout, le travail exemplaire de son Action catholique. Nous recommandons à l'amour débordant et à la grâce de Jésus-Christ et à la suprême protection de la patronne de la Hongrie la prospérité et le bonheur de la Hongrie, sa paix intérieure et extérieure, mais, avant tout, sa vie religieuse.
En gage de quoi, Nous accordons de tout coeur, à vous, aux êtres chers que vous avez laissés au pays, à tous ceux auxquels vous pensez maintenant et surtout à votre jeunesse, la Bénédiction apostolique.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(5 juillet 1939)1
Au cours de cette audience générale, le Saint-Père fit aux jeunes époux un exposé sur la liturgie du mariage, puis s'adressa successivement aux nombreux autres groupes présents. Voici la traduction de ce discours.
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 233 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 35.
Aux jeunes époux :
Elles Nous sont toujours agréables, chers jeunes époux, vos belles et nombreuses visites au Père commun. Elles le sont d'autant plus que, avec le désir de recevoir la bénédiction du Vicaire du Christ, votre coeur nourrit la délicate intention de Nous faire participer à votre joie et à votre fête nuptiale.
En vérité, c'est un événement entouré d'une sainte liesse que le mariage chrétien contracté, comme c'est votre cas certainement, dans les dispositions voulues. Ces dispositions, ainsi que les précieux effets du sacrement, Nous en trouvons l'éloquente expression dans les cérémonies liturgiques. Nous aimons, époux chrétiens, les rappeler aujourd'hui à votre souvenir et à votre méditation, afin que vous apparaissent toujours plus hautes la dignité et la sainteté du grand sacrement dont vous avez été les ministres.
Trois moments principaux marquent le rite sacré si émouvant et si expressif des épousailles. Le premier, l'essentiel, est le consentement mutuel, manifesté par la parole des fiancés, reçu par le prêtre et les témoins, confirmé et ratifié en quelque sorte par la bénédiction et la remise de l'anneau, symbole d'entière et indéfectible fidélité.
Tout cela s'accomplit dans une communauté à la fois grandiose et simple : les époux sont agenouillés devant l'autel du Seigneur en présence des hommes (les témoins, les parents et amis) ; en présence de l'Eglise, que représente le prêtre ; en présence de Dieu, qui, assisté des anges et des saints, sanctionne les engagements solennellement pris.
Vient ensuite la partie pour ainsi dire instructive des noces chrétiennes : Paul, le grand Docteur des nations, s'avance, et dans l'épître de la messe de mariage rappelle aux époux d'une voix ferme leurs engagements mutuels et la nature de ce sacrement, symbole de la mystique union du Christ avec l'Eglise. Puis l'apôtre cède respectueusement la place au Maître et Jésus lui-même dans l'Evangile prononce la grande et définitive parole : Quod Deus coniunxit, homo non separet. « Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ! » (Mt 19,6).
Mais pour que la pensée des importants devoirs et des graves responsabilités qu'ils ont assumés n'opprime pas les époux de son poids, voici que l'Eglise prie pour eux, implore des grâces sur le nouveau foyer et rappelle les récompenses réservées même pour ici-bas aux époux vraiment chrétiens.
Particularité importante dans la liturgie de la sainte messe : après le Pater noster, le prêtre se tourne vers les époux et invoque sur eux les bénédictions divines par une prière qui touche les fibres les plus intimes du coeur et où abondent les voeux les plus émouvants.
Puis la messe reprend son cours et le prêtre demande, avec la libération du mal, le bien le plus grand de la vie terrestre : la paix.
Pour Nous, recueillant cette prière, Nous adressons le même voeu aux jeunes époux : Nous leur souhaitons la paix, c'est-à-dire le bonheur réel et chrétien. Que les jours de votre vie se passent tous dans un bonheur semblable à celui de vos noces, et qu'ils soient égayés par le sourire des enfants, ce gage d'un mutuel amour et des bénédictions divines, que le Seigneur fera croître autour de votre table comme des rameaux d'oliviers.
Si tous vos jours ne s'écoulent pas joyeux comme le premier, qu'ils soient du moins rassérénés par la seule vraie consolation dans les maux d'ici-bas, la confiance en Dieu.
Aux religieuses de l'Institut de la Sainte Famille de Bergame et aux pèlerins venus pour la proclamation de l'héroïcité des vertus de la vénérable Paule-Elisabeth Cerioli :
Cependant, avec la bénédiction que Nous donnons aux jeunes époux, ne s'achève pas Notre exhortation à leur égard. Elle a en quelque sorte sa suite dans les paroles que Nous voulons adresser au méritant Institut de la Sainte Famille de Bergame, représenté par sa supérieure générale et ses religieuses, entourées de pieux et dévots pèlerins sous la conduite de Notre vénéré Frère, le cardinal-doyen du Sacré Collège, qui a donné et donne, en tant que Ponent, à la cause de béatification de leur fondatrice l'ardeur toujours renouvelée de son zèle, la perspicacité toujours alerte de son intelligence, les trésors toujours plus riches de son expérience et l'inépuisable dévouement d'un coeur qui défie les années. En vous voyant réunies ici, chères filles, se renouvelle en Nous la joie que Nous avons éprouvée dimanche dernier à l'occasion de la lecture du décret sur l'héroïcité des vertus de cette lumineuse et humble créature qu'a été la vénérable Paule-Elisabeth Cerioli. Dans sa vie d'ici-bas, versant bien des larmes, elle vécut dans les états ordinaires de fille, d'épouse, de mère et de veuve, semant le bien et portant avec un suprême honneur le nom chrétien. Au-dessus des biens matériels et terrestres — dont Dieu l'avait pourtant pourvue — elle estima les biens spirituels et célestes comme les seuls vrais et impérissables titres de la seule et vraie grandeur. Des vertus théologales et cardinales, grâce auxquelles il est donné à l'homme de conférer à la vie présente la valeur d'un vêtement qui ne connaît pas d'usure, d'une lumière qui ne connaît pas de couchant, elle a donné l'exemple, autrefois dans un champ limité, et le donne aujourd'hui dans un cercle bien plus vaste et plus large, prouvant encore une fois la perpétuelle actualité de l'Evangile et sa parfaite adaptation à tous les états et conditions de notre vie.
Et c'est là, par les vertus de fille, d'épouse, de mère et de veuve, que Paule-Elisabeth a cultivé les germes précieux qui devaient un jour faire d'elle un apôtre de la charité et l'émule de toutes les grandes âmes, qui au culte de notre Père du ciel et à l'amour de notre Sauveur Jésus-Christ ont donné un aliment substantiel de pitié efficiente envers les délaissés du monde.
Telle est, en son germe, la bienfaisante fondatrice de l'Institut de la Sainte Famille qui, entrant dans l'armée des jeunes filles de bonne volonté, a donné la vie à une nouvelle et providentielle famille religieuse appelée à perpétuer dans le monde la flamme allumée par elle et à sertir d'un nouveau joyau la lumineuse couronne de charité, par laquelle l'Eglise se distingue le long de son laborieux chemin.
De même que son saint contemporain, saint Jean Bosco, apôtre des quartiers ouvriers, elle a compris combien il était utile et combien il était devenu urgent de donner aux enfants de la campagne, en même temps que l'éducation religieuse et morale visant à leur permettre de gagner le ciel, une formation technique et professionnelle qui leur permette, à une époque difficile, de gagner le pain quotidien sans de trop âpres luttes. C'est ainsi qu'issue pourtant d'une famille noble, elle se pencha vers les enfants des classes rurales et que, parmi eux, elle aima particulièrement les orphelins. Elle devint ainsi deux fois mère, précisément parce que, avant la maternité spirituelle dont ces chères filles sont les fruits précieux, elle connut les joies et bientôt aussi les deuils et les douleurs de la maternité humaine.
Aux pèlerins de Crémone et Bergame :
C'est avec ces sentiments que Nous bénissons de tout coeur tous et chacun de vous, chers pèlerins qui représentez spécialement les deux diocèses de Crémone et de Bergame, dont l'un se glorifie d'avoir été le berceau de la vénérable et l'autre d'en conserver le tombeau. Nous bénissons aussi ceux et celles qui sont le champ du Seigneur : Dei agricultura estis, selon la belle expression de saint Paul (1Co 3,9), de même que ceux qui ont pour mission de le cultiver afin que, par la vertu de la grâce, la bonne semence de la foi donne une abondante récolte d'oeuvres de bien.
C'est avec ce souhait que Nous adressons encore Nos affectueuses pensées au groupe de pieux pèlerins, que Notre cher et très zélé cardinal Ascalesi Nous a amenés de sa ville privilégiée et séduisante, messagers de la volonté fervente de dévouement et d'action, que la très religieuse ville de Naples n'a jamais démentie à l'égard du Vicaire de Jésus-Christ et dont les nombreux ornements sacrés que vous Nous avez offerts pour les missions sont les nobles témoignages. A vous comme à vos concitoyens, dont vous Nous apportez les salutations et l'hommage, Nous recommandons d'une manière particulière celles des vertus surnaturelles — la foi ardente et la charité miséricordieuse — qui ont toujours été la gloire incontestable de votre ville catholique et généreuse. Abondamment nourrie de ces deux grandes sources, votre vie chrétienne, toujours plus éclairée et élevée, donnera pour l'édification du monde des fruits de bien à profusion, et pour votre réconfort elle apportera à chacun de vous la paix profonde et intime dont Jésus-Christ a le secret.
Avec ces voeux descend aujourd'hui, large et pleine de souhaits, Notre bénédiction sur vous, sur vos familles et sur vos concitoyens.
Aux membres de l’Apostolat de la prière :
Avec une égale cordialité et un sentiment d'une égale gratitude, Nous vous saluons, chers membres de l'Apostolat de la prière d'Anagni, accompagnés de Notre vénérable Frère, votre évêque, qui vous est à vous comme à Nous très cher. Vous Nous rappelez, en effet, celle qui est pour tous, mais combien plus pour Nous, la force suprême et la plus ferme espérance. Que ferait et que serait le chrétien sans la prière ? Et que ferions et serions-Nous, Nous-même, dans le gouvernement de l'Eglise, si l'Eglise n'était pas unie dans la prière incessante, sine intermissione, comme autrefois pour son premier Chef, saint Pierre, et aujourd'hui pour son indigne successeur ?
C'est grâce à cette aide, dont chaque jour Nous expérimentons sensiblement l'efficacité que Nous travaillons confiant dans les divines promesses. C'est grâce encore à cette aide que tous Nos meilleurs enfants dispersés sur la face de la terre, chacun sous le poids de sa croix et à la lumière de sa foi, se sauvent chaque jour du monde et du péché.
Pensez donc si l'Apostolat de la prière Nous est cher et combien est juste et profonde Notre reconnaissance à l'égard de cette armée compacte ! En priant sans cesse pour toute l'Eglise, elle fait continuellement violence au ciel et triomphe de la juste colère de Dieu, comme jadis Moïse pour tout le peuple infidèle.
De Notre grande confiance dans l'Apostolat de la prière Nous désirons ardemment rendre conscients et, mieux encore, faire participer tous les fidèles. Aucun don ne peut être plus agréable que la prière. Et sur vous, chers membres, qui par votre présence venez renouveler dans ce domaine vos promesses et vos résolutions, Nous implorons large et éternelle la divine récompense.
A des franciscains curés :
Il Nous est encore donné d'adresser aux nombreux religieux franciscains ici présents, qui sont curés en Italie, une pressante invitation à se faire les messagers d'un tel message et à intensifier la piété et la prière au milieu du peuple chrétien. Héritiers directs de l'esprit de paix du séraphique Poverello, leur activité spirituelle au coeur de leurs populations doit être particulièrement imprégnée de cet esprit. Par leur prière dont ils sont les ministres attitrés en raison même de leur ministère pastoral, ils devront servir avec d'autant plus de ferveur la grande cause de la paix, qui en ce monde est plus urgente que toute autre et qui s'impose davantage à la charité de tous les enfants de l'Eglise. Sous le signe de la paix portez donc à vos paroisses la bénédiction que Nous donnons de tout coeur à tous les pasteurs et à leurs ouailles. Interprètes de Notre vif sentiment, qui est aussi le vôtre, employez-vous à faire en sorte qu'une telle prière soit dans toutes les classes confiante et persévérante.
A des pèlerins yougoslaves :
C'est sur ce même sujet de la prière que Nous Nous adressons à vous et vous bénissons de coeur, chers pèlerins de Yougoslavie qui, sous la conduite des évêques de Split et de Raguse, venez Nous réconforter par la profession de cette foi et de cette piété chrétiennes, qui sont si profondément enracinées dans les tenaces traditions de vos populations. Basée sur le solide fondement de cette foi et de cette piété, votre prière pour Nous, pour vous-mêmes, pour votre patrie, pour le monde bouleversé, peut s'élever confiante vers le trône de Dieu avec la certitude d'en gagner la faveur et la pleine garantie qu'elle produira les fruits de vie chrétienne, auxquels votre foi et votre piété doivent tendre ardemment pour le salut spirituel de chacun et pour l'heureuse diffusion et le plus grand accroissement du nom chrétien.
A des pèlerins d'Athènes :
Avec vous et sous la conduite de Notre vénéré Frère, Jean-Baptiste Filippucci, Nous apportent l'hommage de leur dévouement et de leur filial attachement les pèlerins que le glorieux nom d'Athènes rappelle à Nos souvenirs et à Notre paternelle affection. De vous et de votre sentiment religieux parle toujours, dans le livre des Actes, l'Apôtre des gentils, saint Paul, qui vous prêcha, chers Athéniens, la vraie foi sur cet Aréopage, dont vous avez voulu Nous apporter en souvenir, symbole précieux de l'union tant souhaitée, un marbre détaché de son rocher.
Fermes dans la foi et dans la prière, votre activité ne peut manquer de produire, sous la haute conduite de vos dignes pasteurs, des fruits de salut et de progrès dans la vie chrétienne soit en vous-mêmes soit en ceux qui vous entourent. Votre premier prédicateur lui-même, saint Paul, vous encourage et vous presse vers cet exercice d'apostolat. Et comme lui, si vous savez féconder par vos sacrifices le message de Jésus-Christ, vous pourrez vous glorifier un jour de n'avoir pas reçu en vain, pour vous et pour les autres, la grâce du Seigneur. Avec ces voeux, que Nous formons ardemment dans Notre coeur pour les Grecs qui sont ici présents et pour leurs frères dans la foi, Nous invoquons sur eux la divine assistance et leur donnons, ainsi qu'à tous les présents, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION AU MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE SLOVAQUIE
(7 juillet 1939) 1
A l'adresse d'hommage prononcée en latin par S. Exc. le Dr Charles Sidor, nouveau ministre plénipotentiaire de la République de Slovaquie, présentant ses lettres de créance, le Souverain Pontife répondit en ces termes :
Les paroles que vous avez prononcées, Excellence, en même temps que vous Nous remettiez vos lettres de créance qui vous constituent ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République de Slovaquie, témoignent pour Notre intime réconfort de la noblesse des sentiments et des desseins qui vous ont poussé à venir dans cette ville sainte, tête de la chrétienté, avec la confiance du chef de votre Etat ; ces sentiments et ces desseins ont pour but de former, développer et consolider les liens officiels entre le Siège apostolique et la nouvelle République de Slovaquie de telle manière qu'ils s'accordent en tout avec les voeux de votre peuple très attaché à la foi et à l'Eglise catholique. Notre époque, pleine de vicissitudes dont il est difficile de prévoir les développements, réclame de la part de la nation slovaque de nouvelles et même très lourdes charges et obligations. Dans cette conjoncture qui exige du peuple beaucoup de ressources spirituelles et matérielles, beaucoup de perspicacité et de prudence et enfin beaucoup de ce sentiment qui inspire les liens fraternels et mutuels et les sacrifices, il importe grandement de sauvegarder aux forces religieuses la plénitude de leur liberté. Celle-ci constitue la raison première et nécessaire qui, sous la conduite de la foi catholique, éduque et forme les moeurs de la vie chrétienne. Que Dieu fasse que les préceptes évangéliques, prêchés à vos ancêtres par saint Cyrille et saint Méthode que nous fêtons aujourd'hui, soient dans l'avenir pour les fils et les filles de votre peuple un héritage saint, un trésor conservé intact avec le plus grand soin et enfin une règle de conduite dans la vie pour qu'elle tende chaque jour à la plus grande perfection possible. Que sous l'autorité et la protection de la Croix qui orne le drapeau de votre pays et sous le patronage de la Vierge de douleur, mère de Dieu, à laquelle Nos prédécesseurs d'heureuse mémoire Benoît XIII et Pie XI ont dédié et consacré votre nation, la nouvelle République de Slovaquie puisse toujours diriger ses pas sur le chemin qui conduit à la prospérité et au bonheur d'une vraie nation.
Soyez assuré que de Notre part Nous n'épargnerons rien qui puisse établir et augmenter entre le Siège apostolique et votre pays les relations officielles réglées sur la confiance et l'accord mutuels. C'est pourquoi, Nous avons la consolation et la joie de savoir, Excellence, que vous Nous aiderez dans cette tâche de tous vos soins et de votre habileté.
Cependant, confiant que le Dieu tout-puissant mènera à une heureuse issue les projets et les voeux que Nous formons en cette heure solennelle, Nous vous adressons en retour du fond du coeur les voeux que vous Nous avez adressés si aimablement et Nous vous accordons bien volontiers la Bénédiction apostolique demandée pour toute la nation slovaque.
LETTRE POUR LE VI\2e\0 CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA ROYAUTÉ DU CHRIST
(8 juillet 1939) 1
Le vendredi 28 juillet s'ouvrait à Ljubljana le VIe Congrès international de la Royauté du Christ, sous la présidence de S. Em. le cardinal Hlond, archevêque de Gniezno et Poznan et légat pontifical, auquel le Saint-Père avait écrit pour cette circonstance la lettre suivante :
1 D'après le texte italien de i'Osservatore Romano, du 29 juillet 1939.
2 S. Augustin, Lettre à Macedonïus.
A la fin de ce mois, ainsi que Nous l'avons appris avec plaisir, se tiendra à Ljubljana, insigne capitale de la Carniole, le VIe Congrès international en l'honneur du Christ-Roi. Cette solennelle commémoration de la puissance royale qui appartient pleinement au Fils unique de Dieu le Père apparaît spécialement opportune en ces temps anxieux et fiévreux et tout à fait à même d'apporter des fruits salutaires à la chrétienté d'abord ainsi qu'à la société humaine tout entière. En effet, ce n'est pas seulement sur ceux qui ont reçu l'eau du saint baptême que s'exerce l'empire pacifique du Christ, mais il embrasse aussi tous ceux qui n'ont pas la foi chrétienne, de telle sorte que l'universalité du genre humain est vraiment en la puissance du Fils de Dieu.
C'est Lui qui est la source du salut personnel et du salut commun : « Le salut n'est en personne d'autre, il n'est pas dans le ciel d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous puissions être sauvés » (Ac 4,2) ; c'est Lui qui est pour les individus et pour les citoyens associés l'auteur de la prospérité et du vrai bonheur : « Ce n'est pas à des sources différentes que la société et l'homme puisent leur bonheur, la société n'étant pas autre chose que l'ensemble harmonieux des hommes. » 2.
C'est pourquoi, si les hommes voulaient bien reconnaître, en public comme en privé, la puissance royale du Christ, quels innombrables bienfaits se répandraient sur la société civile. « C'est alors — pour Nous servir des paroles que Notre prédécesseur Léon XIII adressait, il y a quarante ans, à tous les évêques de l'univers — qu'il sera possible de guérir tant de blessures, alors que le rétablissement de l'autorité reprendra force, que la paix retrouvera ses ornements, que les glaives seront émoussés et que les armes glisseront des mains, lorsque tous accepteront avec joie l'empire du Christ et lui obéiront, et que « toute langue confessera que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père » 3.
C'est pourquoi, Nous, qui avons tant à coeur que la paix sans tache unie à la justice triomphe partout, Nous désirons participer aux prochaines assises solennelles de Ljubljana, ainsi que Nous l'avons décidé précédemment, et d'y être en quelque sorte présent par Notre légat.
Aussi, cher fils, qui brûlez d'une telle piété et vénération envers le Christ-Roi, qui brillez par votre charge archiépiscopale et par votre dignité de Prince de l'Eglise, Nous vous choisissons pour Notre légat a latere et Nous vous donnons pouvoir, tenant lieu de Notre personne, en Notre nom et par Notre autorité, de présider le Congrès universel en l'honneur du Christ-Roi, qui va s'ouvrir à Ljubljana. Nous tenons pour certain que, de même qu'il y a quatre ans au Congrès eucharistique de Yougoslavie que vous avez présidé, vous remplirez cette charge toute à votre honneur, avec bonheur et avec fruit. Afin que cette solennité apporte de plus abondantes grâces de salut au peuple chrétien, Nous vous accordons la faculté de donner en Notre nom, au jour choisi, après la célébration de la messe pontificale, la Bénédiction aux fidèles présents, et de leur accorder le pardon complet des péchés commis, à obtenir selon les prescriptions de l'Eglise.
En outre, afin que les études et les travaux de tous se déroulent selon vos souhaits, Nous vous accordons de tout coeur dans le Seigneur, cher fils, ainsi qu'à l'évêque de Ljubljana, à son clergé et à son peuple, la Bénédiction apostolique.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LA XXXI\2e\0 SEMAINE SOCIALE DE FRANCE A BORDEAUX
(11 juillet 1939)1
D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XL, col. 982.
La XXXIe session des Semaines sociales de France s'est tenue à Bordeaux, du 24 au 30 juillet, sous la présidence de S. Exc. Mgr Feltin, archevêque de cette ville. Le Souverain Pontife lui a fait adresser la lettre suivante par S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat :
C'est avec un tout paternel intérêt que Sa Sainteté a pris connaissance du programme de la Semaine sociale de Bordeaux : Le problème des classes dans la communauté nationale et dans l'ordre humain. Un pareil sujet ne manque pas d'opportunité. On constate, à notre époque, un tel désarroi des esprits et des moeurs, que tout ce qui peut contribuer à rendre à la société une plus saine et plus raisonnable assiette, ainsi que l'ont pertinemment montré les enseignements pontificaux, doit être à bon droit retenu comme un essentiel facteur de paix. Or, à cet égard personne ne contestera que le problème des classes n'apparaisse l'un des plus importants.
Le problème des classes sociales...
En effet, que la société se compose de classes diverses, c'est une constatation qu'il ne viendra à l'esprit d'aucun observateur impartial de récuser, pas plus qu'on ne niera la diversité des membres d'un même corps. Ces classes sociales ont cependant des éléments constitutifs qu'il importe de bien distinguer. Elles ne sont pas, de fait, un mode quelconque d'association volontaire ; elles ne sont pas une caste hermétique, un clan, un parti, où les préjugés de naissance, de coutume ou de politique jouent un rôle prépondérant ; elles ne sont pas non plus, à proprement parler, un ordre, un état, une profession impliquant une organisation juridique bien définie.
La classe est quelque chose de plus naturel, de plus vaste et de plus profond ; elle résulte d'une similitude de conditions de vie et de travail, d'une communauté d'intérêts matériels et moraux, qui font spontanément s'assembler et se solidariser des hommes et des familles obéissant à d'identiques nécessités d'existence, partageant une même culture, les mêmes besoins, les mêmes aspirations ; par où se vérifie, d'ailleurs, une loi de nature qui se retrouve à tous les degrés de la création. On rencontre ainsi, par exemple, la classe ouvrière, la classe patronale, les classes moyennes, pour ne citer que celles-là.
La variété des classes composant le corps social a fait l'objet, surtout au cours du siècle dernier, d'études approfondies, alors que les doctrines libérales et le développement du machinisme devaient donner une physionomie si caractéristique — mais si peu humaine, si peu chrétienne ! — au monde du travail. Historiens et économistes, souvent d'inspiration matérialiste, analysèrent le fait des classes sociales, son contenu, ses effets. Cependant, leurs travaux dépourvus de spiritualité allaient nécessairement aboutir à de dangereuses conclusions. L'école marxiste, en particulier, n'ayant d'autre but que de renverser l'ordre existant au moyen de la révolution, et ne considérant, dans la variété des membres du corps social, que leurs oppositions et leurs antagonismes, érigea en dogme la lutte des classes. La grande encyclique de Pie XI sur le communisme athée ne nous a que trop renseignés sur les fruits de mort résultant de semblables expériences !
Au contraire, le titre seul de la prochaine Semaine sociale de Bordeaux montre assez comment et dans quel cadre doit se situer le problème des classes, qui n'a de sens et de vie qu'en fonction de la communauté nationale et de l'ordre humain.
et de leur collaboration à l'intérieur de la communauté nationale...
Car, de fait, si les classes nous apparaissent différenciées, c'est pour se trouver dans la situation des membres à l'égard du corps, ou des parties par rapport au tout. L'ordre résultant, comme l'expliquent si bien saint Thomas et l'encyclique Divini Redemptoris, de l'unité d'objets divers harmonieusement disposés, le corps social ne sera vraiment ordonné que si une véritable unité relie solidement entre eux tous les membres qui le constituent. Et qu'on remarque bien qu'il y va de la prospérité même de ceux-ci, car, comme dit encore le Docteur angélique, « de même que la partie et le tout sont en quelque manière une même chose, ainsi ce qui appartient au tout est en quelque sorte à chaque partie ».
Autrement dit, la santé du corps est la santé même des membres qui le composent. Cette règle se vérifie essentiellement en ce qui concerne les classes par rapport à la communauté nationale. Chacune d'elles a, sans doute, sa loi particulière, son caractère, ses fonctions propres, ses aspirations spécifiques, qui sont dans la nature, et donc inscrites par le Créateur.
Il ne peut pas être question, pour la sociologie catholique, de les méconnaître, encore moins de les contrarier ou de les supprimer, mais il lui incombe, au contraire, de les prévenir et guider sur le chemin des fécondes et intelligentes collaborations, évitant ainsi les déviations toujours possibles et même fréquentes, hélas ! dans l'état de l'humanité blessée par le péché originel. Ainsi, c'est en intégrant les classes avec tout le respect qu'elles méritent dans le cadre général de la société, que se réalisera, aussi bien pour celle-ci que pour celles-là, le plus grand progrès matériel et spirituel.
. et dans la communauté internationale.
Et non seulement les classes sont faites pour collaborer entre elles dans les limites de la communauté nationale, mais elles les débordent, comme le dit très justement la seconde partie de votre programme, pour s'étendre à l'ordre humain tout entier. En effet, l'instinct même des classes devait bientôt, l'histoire nous le prouve, leur faire franchir les frontières des pays particuliers pour se rejoindre et se solidariser sur le plan de la communauté humaine. Au reste, les communautés nationales ne sont-elles pas les membres de cette communauté humaine, comme les familles sont les éléments constitutifs de la nation ? Les classes, parties de la communauté nationale, devaient donc, en dernière analyse, relever de l'ordre humain, où elles trouvent un prolongement et exercent une collaboration à l'échelle même du monde. En un temps où les pays ont tendance à se replier sur eux-mêmes pour le grand malheur de tous, il convient de souligner les avantages d'une solidarité universelle des classes dont les mouvements sagement ordonnés — loin de s'arrêter aux barrières politiques d'un Etat — veulent par vocation s'étendre à la famille humaine tout entière.
La leçon de la Bible.
Aussi bien recevons-nous, à cet égard, une suprême et décisive leçon de nos Livres saints eux-mêmes, où l'on voit cette économie sociale élevée à l'ordre surnaturel, sublime exemplaire dont toutes les autres institutions doivent, pour leur bonheur et leur salut, s'inspirer. Depuis que la grâce de l'Incarnation et de la Rédemption a formé le Corps mystique du Christ et que l'Eucharistie, faite de la multiplicité des grains de blé, a réalisé dans le pain transsubstantié le mystère d'une transcendante unité, on peut dire en toute vérité avec saint Paul : « Unum corpus multi sumus, quia de uno pane participamus. » Loin de voir détruire leurs particularités légitimes, les classes se trouvent ainsi réunies par les liens de la divine charité. C'est dans sa première Epître aux Corinthiens que l'apôtre expose en détail cette ravissante doctrine : « Vous êtes le Corps du Christ, dit-il, et ses membres en particulier... Car, encore que vous soyez nombreux, vous ne faites partout qu'un seul corps... Et de grâce, que les membres soient remplis de sollicitude les uns pour les autres ! » Voilà, n'est-il pas vrai, le souverain modèle de la collaboration des classes dans la communauté nationale comme dans l'ordre humain ?
L'exemple de l'Action catholique.
Et l'apostolat contemporain, tel que l'a organisé Pie XI, d'immortelle mémoire, sous le nom d'Action catholique, ne vient-il pas précisément confirmer l'existence légitime des diverses catégories sociales qu'atteignent les mouvements spécialisés, tels que la Jeunesse ouvrière, la Jeunesse agricole, la Jeunesse de la bourgeoisie, etc., pour mieux les replacer sur le terrain d'une fraternelle collaboration et d'une inaltérable union ? C'est ce que S. S. Pie 12, glorieusement régnant, exposait à l'aube de son pontificat dans la grande audience accordée au pèlerinage de l'Union internationale des Ligues féminines catholiques : « L'apôtre, pour être écouté, disait-il, doit parler non pas à des représentants de quelque humanité abstraite, qui serait de tous les pays, de tous les temps et de toutes les conditions, mais à tel ou tel groupe de ses semblables, à tel âge, dans tel pays, à tel échelon de la hiérarchie sociale. C'est là une des règles d'or tracée par le pontife à jamais regretté, qui fut le grand promoteur de l'Action catholique et qui en reste maintenant l'invisible inspirateur ». Et le Saint-Père concluait : « Que par vous la multiplicité des groupes ethniques retrouve l'unité de la filiation divine et de la fraternité humaine !... Alors seulement se réalisera cette unité dans l'ordre, unitas ordinis, dont parle saint Thomas, et qui doit être l'idéal de vos âmes, le but suprême de vos efforts » 2.
Tel est bien aussi l'ardent souhait que Sa Sainteté vous adresse, faisant écho aux ultima verba du Sauveur, dont elle est ici-bas l'auguste Vicaire : * Ut omnes unum sint ; sicut tu Pater in me et ego in te, ut et ipsi in nobis unum sint... ; ut sint unum, sicut et nos unum sumus ! »
C'est donc dans cet esprit que la Semaine sociale abordera le difficile problème des classes et collaborera efficacement à leur mutuel accord, à leur généreuse compréhension dans la justice et la charité.
Cette pléiade de professeurs choisis qui viendront apporter leur pierre à l'édifice, sous la judicieuse et paternelle présidence de Son Excellence Révérendissime Mgr Feltin, est un gage du succès des prochaines assises bordelaises.
Mais il n'en faut pas moins appeler les grâces de l'Esprit Saint sur une entreprise si ardue et si délicate à la fois. Et c'est pour les assurer très abondantes que Sa Sainteté, ne se relâchant pas de prier aux intentions de l'Eglise et pour la paix du monde, en union avec tous ses fils, vous envoie, ainsi qu'aux collaborateurs et aux auditeurs de la XXXIe session des Semaines sociales de France, la Bénédiction apostolique.
Cf. ci-dessus, pp. 52 et 53.
(25 juin 1939) 1
Par la lettre apostolique suivante, le Pape Pie XII proclame bienheureux le vénérable Justin de Jacobis, de la Congrégation de la Mission de Saint-Vincent de Paul, premier vicaire apostolique d'Abyssinie, après avoir retracé la vie du bienheureux.
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 296 ; cf. la traduction française des Acta de S. S. Pie 12, t. I, p. 159.
Par un dessein de la divine bonté, de l'âge apostolique jusqu'à nos temps, apparaissent constamment des hommes remarquables qui, par leur parole et leur action, amènent les autres hommes à l'Eglise fondée par le Christ notre Rédempteur, c'est-à-dire aux uniques pâturages de salut. Annonçant l'Evangile à toute créature, selon le commandement jamais aboli, ces hommes étendent à travers le monde le règne pacifique du Christ. L'activité bienfaisante qu'ils déploient, les vertus et la doctrine dont ils brillent se répandent, comme une pluie féconde, sur les semences de la foi dans le monde, et préparent les surabondantes moissons de bonté et de sainteté que l'on recueillera plus tard.
Au nombre de ces hommes que la Providence de Dieu a envoyés pour nous laisser d'admirables exemples, nous devons, sans aucun doute, compter le vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis. Tout d'abord préfet, puis vicaire apostolique d'Abyssinie, au milieu du XIXe siècle, selon un célèbre témoignage de Mgr Massaia, cardinal de la sainte Eglise romaine, il fut « le fondateur de la mission d'Abyssinie, l'apôtre infatigable de l'Afrique orientale, le maître des missionnaires, l'exemple typique de cette force et de cette abnégation qui sont nécessaires au progrès des missions, l'ange de l'Eglise d'Ethiopie ».
L'enfance de Justin de Jacobis.
Le 9 octobre 1800, dans la localité de Saint-Félix, communément San-Fele, au diocèse de Muro-Lucano, naquit Justin de Jacobis ; ses parents honnêtes et chrétiens étaient estimés pour l'intégrité de leur vie. Dès son enfance, Justin montra en quelque manière ce que serait l'action de sa vie. Répondant pleinement aux soins de sa pieuse mère, il s'adonnait tout jeune encore à la méditation des vérités de la foi ; il nourrissait une grande dévotion envers la sainte Eucharistie, la Passion du Seigneur et la bienheureuse Vierge Marie ; et il s'efforçait, selon ses moyens, de soulager la misère des pauvres. Enrôlé parmi les zélateurs de l'oeuvre de la Propagation de la Foi, avec instance il implorait de Dieu la conversion des infidèles et de tous ceux qui sont éloignés de l'unité de la foi. Lorsque, à l'âge de neuf ans, il s'approcha pour la première fois du céleste banquet de l'Agneau, il paraissait un ange plutôt qu'un enfant.
Dans la suite, et en des temps d'épreuves, son père transporta sa famille de la petite ville de Lucanie à Naples. Là, dans l'immense cité, Justin se livra avec ardeur à l'étude des sciences de bien. Il avait reçu en partage une intelligence d'une pénétrante vivacité, qu'accompagnait un excellent caractère.
Ses débuts apostoliques.
Durant son adolescence, il se sentit appelé à la vocation religieuse. A quinze ans, il entra dans la Congrégation de la Mission de Saint-Vincent de Paul. Il y prononça ses voeux ; et, ayant achevé le cours des études sacrées, le 12 juin 1824, à Brindisi, il reçut l'ordre sacré de la prêtrise. Peu de temps après, il s'adonnait aux travaux du ministère apostolique. Il y faisait preuve de dispositions marquées, surtout pour la prédication sacrée. Il se dépensait avec tant de zèle et de fruit pour annoncer la parole de Dieu aux fidèles que, dès ce temps-là, il apparut un ange de charité, un agneau de douceur, un modèle d'humilité.
Dans le sein même de la Congrégation de la Mission, durant les premières années de son sacerdoce, il s'acquitta avec éclat de charges importantes. Mais son zèle ardent pour le bien des âmes ne pouvait s'enfermer à l'intérieur des frontières de sa patrie. Aussi, nommé très heureusement préfet apostolique de la Mission d'Ethiopie qu'allait fonder la Sacrée Congrégation de la Propagande, c'est avec tout l'enthousiasme de son âme que, pour annoncer la véritable doctrine de l'Evangile au peuple d'Abyssinie qui attendait la lumière de la religion catholique, il s'adjoignit quelques compagnons et partit, en 1839, pour l'Afrique.
missionnaire.
Il atteignit enfin sa mission. Mais celle-ci lui réservait de bien grandes peines et de nombreuses difficultés. Cependant, sous l'impulsion de son ardente charité pour Dieu et pour son prochain, il triompha de tout : de l'obstination des schismatiques, de la privation des objets les plus nécessaires, de la rigueur du climat. Ni la pluie, ni l'excessive chaleur ne pouvaient retenir le héraut du Christ. Il entreprenait de longs et difficiles voyages à travers les contrées sauvages du Tigré et les régions voisines du Choa. Sans se lasser, il y accomplissait les fonctions sacrées. Dès que lui parvenait l'appel de la religion et de la charité, sans retard il se mettait en route. Pour attirer plus facilement au Christ le peuple abyssin, il adopta exactement le genre de vie des indigènes. Et tandis qu'il passait la journée entière dans les travaux du ministère auprès des âmes, il consacrait à son Dieu une grande partie de la nuit dans la veille et dans la prière
Au bout de deux années de séjour en Abyssinie, se présenta l'occasion d'une délégation envoyée au Caire en Egypte. Sur les instances du roi d'Ethiopie, il se joignit à elle et prit place parmi la suite des voyageurs. Le serviteur de Dieu conduisit ainsi quelques personnages d'Abyssinie jusqu'à Rome et aux lieux saints de Palestine. Ainsi, plus tard, de retour dans leur patrie, ils rapporteraient le durable souvenir des martyrs, la glorieuse renommée de l'Eglise romaine, et le culte des lieux que le Seigneur notre Rédempteur foula de ses pieds et arrosa de son sang.
Rentré ensuite dans sa mission, le serviteur de Dieu, loin d'abandonner son apostolat habituel, ne diminua en rien ses travaux accoutumés. A cette époque, où les conditions générales de PAbyssinie étaient des plus tristes, on ne saurait dire tous les travaux entrepris par le serviteur de Dieu, tout le dévouement qu'il déploya pour procurer le bien.
Le premier vicaire apostolique de l’Abyssinie.
C'est pourquoi, l'excellente renommée de Justin ne cessant de grandir fit que le Saint-Siège le choisit comme premier vicaire apostolique de PAbyssinie et évêque titulaire de Nilopolis. Lui, cependant, s'estimait indigne d'un tel honneur et d'une telle charge ; son humilité les lui faisait décliner sans hésitation. Mais Guillaume Massaia, à la même époque, était vicaire apostolique chez les Gallas ; celui-ci, en raison de la gravité des événements, fit à Justin de Jacobis une obligation, pour ainsi dire d'accepter, malgré sa répugnance et sa peine, la charge qui lui était offerte. C'est à Massaouah que, le 8 janvier 1849, Justin reçut la consécration episcopale ; il était prêt à verser même son sang en témoignage de la vraie foi.
De fait, l'exil, la prison, les chaînes, la faim, la soif, les trahisons, les tribulations de tous genres, le vénérable serviteur de Dieu eut à les endurer. Cependant, il amena à la foi catholique près de douze mille schismatiques, il établit plusieurs stations de mission, et forma un groupe choisi de clercs indigènes. Justin passa en Abyssinie plus de vingt années sans jamais interrompre sa vie de charité, mais saisissant toutes les occasions de s'adonner totalement à de si multiples et si grands travaux pour promouvoir la gloire de Dieu et procurer le salut des âmes.
Enfin, tandis qu'il fuyait la persécution sur des chemins rudes et impraticables, brisé par la maladie et ses forces se trouvant épuisées, il comprit que sa mort était imminente. Alors, ayant reçu la grâce du sacrement de la confession et fortifié par l'extrême-onction, il exhorta les enfants très chers qu'il avait engendrés dans le Christ à garder la charité mutuelle, le respect et l'obéissance dus au Pontife romain. Puis, avec la plus grande sérénité, victime de charité, étendu sur le sol, il passa de cette vie dans le Seigneur, le 31 juillet 1860. Chrétiens et musulmans pleurèrent également la mort d'un tel père. Son corps, escorté par une foule très nombreuse, fut enseveli avec honneur auprès de l'église d'Hébo. Dans la suite, catholiques et schismatiques ne cessèrent de le visiter avec dévotion, comme ils ne cessèrent, depuis la mort de Justin jusqu'à nos jours, de conserver avec grande piété et grande ferveur la mémoire du vénérable serviteur de Dieu.
Une renommée de sainteté entourait le serviteur de Dieu, dès son vivant, à cause de ses éclatantes vertus ; et Dieu, disait-on, confirmait la sainteté de son serviteur par des prodiges, avant comme après sa mort.
L'instruction de sa cause.
Rien d'étonnant, dès lors si, depuis le temps de sa mort jusqu'à nos jours, cette réputation de sainteté avait tellement grandi que, après la conclusion des procès informatifs, selon le droit habituel, par les Ordinaires à Naples, à Lecce et dans le vicariat apostolique d'Abyssinie, on ait entrepris auprès de la Congrégation des Rites de faire décerner au serviteur de Dieu les honneurs réservés aux bienheureux. Le 15 juillet 1905, Notre prédécesseur, le pape Pie X, de vénérée mémoire, signait de sa propre main le décret d'introduction de la cause. Après son introduction et passés les premiers jugements, la cause progressa si bien par la suite que l'on put bientôt entamer la discussion sur les vertus du vénérable serviteur de Dieu, Justin de Jacobis. Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, le pape Pie XI, le 28 juillet 1935, approuva et déclara le caractère d'héroïcité dont furent glorieusement marquées les vertus du serviteur de Dieu. On traita ensuite la question des miracles que Dieu, disait-on, avait accomplis par l'intercession du vénérable. Deux congrégations, à savoir antépréparatoire et préparatoire, furent d'abord tenues devant le cardinal rapporteur de la cause. La congrégation générale se tint devant Nous, le 2 mai de cette année-ci (1939). Après mûre réflexion sur toutes choses, Nous-même, le quatorzième jour du mois susdit qui était aussi le cinquième dimanche après Pâques, avons prononcé que les miracles proposés étaient établis en fait, et que l'on pouvait dans le cas, procéder plus avant.
Sa béatification.
Après que fut prononcé le jugement sur l'héroïcité des vertus et sur les miracles, un dernier objet de discussion demeurait en cause : est-ce que, en toute sûreté, on pouvait inscrire le vénérable Justin de Jacobis parmi les bienheureux du ciel ? Ce doute fut proposé par Notre cher fils Alexandre Verde, cardinal de la sainte Eglise romaine, actuel ponent ou rapporteur de la cause, dans l'assemblée générale tenue devant Nous au Palais du Vatican, le 23 du susdit mois de mai. Tous les membres présents, cardinaux et consulteurs des Rites, à l'unanimité, donnèrent une réponse affirmative. Cependant, Nous avons dans une question de telle importance différé de manifester Notre pensée, pour demander encore, par d'instantes prières, le secours du Père des lumières. Cette prière, Nous l'avons adressée de toutes les forces de Notre âme. Enfin, et tout récemment, le quatrième jour de ce mois-ci (juin 1939), où Nous célébrions la fête de la très Sainte Trinité, après avoir offert le sacrifice eucharistique en présence de Nos chers fils Charles Salotti, cardinal de la sainte Eglise romaine et préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, et Alexandre Verde, cardinal de la sainte Eglise romaine, rapporteur de la cause ; et également en présence de Nos chers fils Alphonse Carinci, secrétaire de la Congrégation des Rites, et Sauveur Natucci, promoteur général de la foi, Nous avons déclaré que l'on pouvait procéder sûrement à la béatification du vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis.
Autorisation de son culte.
Ainsi donc, comblant les voeux et de la Congrégation de la Mission de Saint-Vincent de Paul et des catholiques d'Abyssinie, en vertu de Notre autorité apostolique, selon la teneur des présentes lettres, Nous accordons la faculté d'honorer désormais du titre de bienheureux le vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis, premier vicaire apostolique de PAbyssinie ; Nous permettons que son corps et ses reliques soient exposés à la vénération publique des fidèles, sans qu'on puisse, cependant, les porter dans les supplications solennelles ; de même, Nous permettons que les images du serviteur de Dieu soient ornées de rayons.
En outre, de par Notre même autorité apostolique, Nous concédons que chaque année l'office du même bienheureux, office du commun d'un confesseur pontife avec les leçons et oraisons propres approuvées par Nous, soit récité par tous les fidèles qui sont tenus à la récitation des heures canoniales et la messe spéciale célébrée par tous les prêtres tant réguliers que séculiers qui célébreront dans les églises ou chapelles où l'on fait la fête du bienheureux. Toutefois, cette faculté, Nous l'accordons seulement pour le diocèse de Muro-Lucano où naquit le serviteur de Dieu, pour les vicariats et préfectures apostoliques de l'Afrique orientale où il se dépensa si saintement et mourut et aussi pour toutes les églises et chapelles à l'usage de la Congrégation de la Mission, en quelque lieu que ce soit.
Enfin, Nous accordons l'autorisation de célébrer des solennités en l'honneur de la béatification du vénérable serviteur de Dieu Justin de Jacobis, dans toutes ces mêmes églises et chapelles, aux jours désignés par l'autorité légitime, selon les règles liturgiques de droit, et cela durant l'année qui suivra les solennités de la béatification célébrées en la basilique vaticane.
Seront valables les présentes décisions, nonobstant les constitutions, ordonnances et décrets apostoliques sur le non-culte ou tout autre objet. De plus, Nous voulons que, ces lettres même imprimées à condition cependant d'être signées de la main du secrétaire de la Congrégation des Rites et munies du sceau de la même Congrégation, soient acceptées, à l'égal des présentes, dans les discussions judiciaires et qu'on leur accordé la même foi qu'aux présentes en tant qu'expression de Notre volonté.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET AUX PÈLERINS VENUS POUR LA BÉATIFICATION DE JUSTIN DE JACOBIS
(28 juin 1939) 1
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 221 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 33.
En la vigile de la fête des saints Pierre et Paul, le Saint-Père parla aux jeunes époux et à de nombreux fidèles venus à Rome pour la béatification de Justin de Jacobis, apôtre de l'Ethiopie.
Voici les paroles que Sa Sainteté a adressées aux jeunes époux :
Si Nous éprouvons toujours une joie intime à Nous trouver parmi vous, chers enfants, l'audience d'aujourd'hui Nous est particulièrement chère : elle reçoit une solennité et une importance spéciale du fait qu'elle coïncide heureusement avec la vigile des saints apôtres Pierre et Paul. Fête de Rome avant tout, de cette Rome que les ineffables dispositions de la Providence ont voulu désigner pour siège du premier pape et de ses successeurs. Fête dé toute l'Eglise aussi, qui, répandue dans le monde entier, célèbre le glorieux triomphe de celui à qui Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit ces mémorables paroles : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. »
Vous venez demander et recevoir la Bénédiction apostolique : bénédiction vraiment apostolique, puisqu'elle est donnée par le successeur, quoique indigne, de Pierre. Ce que Jésus-Christ a disposé reste, et Pierre, toujours ferme dans la solidité de pierre qui lui a été communiquée, n'abandonne point le gouvernail de l'Eglise que ses mains tenaient autrefois. Au contraire, il s'acquitte maintenant avec plus de force et de vigueur que jadis de la tâche qui lui a été confiée, et il remplit dans toute leur ampleur les offices qu'il a assumés en Celui et avec Celui par qui il a été glorifié 2.
De cette bénédiction apostolique vous attendez grâces et faveurs célestes, protection et aide pour la nouvelle famille que vous avez fondée. Ayez confiance : le patronage et l'exemple de Pierre et du grand Docteur des nations, saint Paul, seront puissants et efficaces pour vous.
Saint Léon le Grand (comme d'autres Pères de l'Eglise) va jusqu'à appeler les deux apôtres, par une image étonnante, les yeux du corps mystique dont le Christ est la tête 3. Des yeux brillants et éclatants, des yeux paternels et miséricordieux, des yeux bienveillants et vigilants, des yeux qui suivent notre chemin spirituel, des yeux qui s'abaissent pour encourager et animer, qui s'élèvent pour intercéder et implorer grâce en faveur de ceux que tourmente encore l'âpre et périlleuse bataille de cette vie.
Pour vous, jeunes époux, conservez cette foi et transmettez-la pure aux enfants que la divine Providence daignera vous accorder : conservez et transmettez cette confiance dans les Princes des Apôtres et avec elle la dévotion, l'attachement indéfectible, quelle que soit la personne, au Vicaire du Christ, successeur de saint Pierre.
Recevez donc la paternelle bénédiction que Nous vous donnons de grand coeur, en l'étendant à toutes les personnes et choses qui vous sont chères et sur lesquelles vous désirez qu'elle descende avec abondance.
S. Léon le Grand, Serm. III, cap. 3 : Migne, P. L., t. 54, col. 146.
Serm. LXXX11, cap. 7 ; Mignc, P. L., t. 54, col. 427.
. aux pèlerins de Livourne :
En même temps que vous, Nous bénissons tous Nos chers fils et filles et, en particulier, les chers pèlerins conduits ici par Notre vénéré Frère, le très digne pasteur de ce diocèse de Livourne, qui doit son origine au zèle apostolique de Notre grand prédécesseur, Pie VII. Nous formulons en même temps le souhait paternel que, de même que votre florissante cité excelle par son intense vie commerciale et par son développement si riche de promesses, de même et surtout, grâce à l'action pastorale de son évêque et de son clergé, elle brille toujours davantage par la vigueur de sa foi et la ferveur de saintes oeuvres.
. aux pèlerins venus pour la glorification du bienheureux Justin De ibis :
Et maintenant il Nous plaît de Nous adresser à vous, chers fils, venus célébrer les prémices de la glorification du grand serviteur de Dieu et de l'héroïque apôtre que fut le bienheureux Justin De Jacobis, et de partager avec vous les douces émotions qu'a suscitées dans votre coeur et dans le Nôtre ce solennel événement.
Grand événement pour Nous, qui par cette glorification pouvons montrer au monde une fois de plus l'inépuisable vitalité de l'Eglise notre Mère — mère féconde d'héroïsme et de sainteté — capable d'élever la créature la plus humble au sommet de la perfection, de la transformer en foyer de lumières au milieu des ténèbres du siècle, d'en faire un héros du plus sublime apostolat, et un esprit élu, immolé au plus élevé et au plus pur idéal, celui du Royaume de Dieu sur la terre.
Que peut-il Nous arriver de plus joyeux pour le ministère pastoral, auquel la divine Providence a voulu associer Notre humble personne, que cette apparition de nouveaux astres dans le ciel de l'Eglise pour Nous assurer de la vigilante assistance d'en haut et pour obliger le monde à regarder attentivement et à réfléchir aux merveilles spirituelles dont l'Evangile est le magnifique artisan !
Il Nous plaît de Nous adresser à vous, qui pour une raison ou pour une autre pouvez vous réclamer d'un lien de parenté avec le nouveau bienheureux ; à vous, ses confrères et ses consoeurs, fils et filles de saint Vincent de Paul ; à vous, pèlerins de son diocèse d'origine et de son village natal, guidés par Notre vénéré Frère, l'évê-que de Muro Lucano, qui vous est très cher comme à Nous-même ; à tous les pèlerins de la région des Fouilles et de toute l'Italie.
Mais votre présence, fils bien-aimés de l'Ethiopie, venus avec votre Délégué apostolique et d'autres évêques de l'Afrique orientale italienne, Nous apporte une consolation particulière. Vous venez d'outre-mer, mais vous avez rencontré ici même, dans cette Cité du Vatican, vos frères, jeunes espoirs de l'Eglise d'Abyssinie, de sa régénération et de sa purification chrétiennes commencées depuis quinze siècles par saint Frumence dans les terres d'Ethiopie.
Aujourd'hui vous renouvelez dans Notre coeur, mais avec un sentiment plus haut de foi chrétienne, la joie, dont il y a environ un siècle le bienheureux De Jacobis remplissait le coeur de Notre prédécesseur, Grégoire XVI, lorsqu'il lui présenta la délégation de vos concitoyens, qu'il avait amenés d'Abyssinie. Ils furent profondément impressionnés par la bonté du Pontife romain, étonnés par la majestueuse grandeur du culte de l'Eglise catholique, et ils apprirent que le Christ Sauveur de tous les peuples avait donné à son Vicaire sur la terre une grandeur de coeur presque semblable aux sables des rivages de la mer. Ils retrouvèrent en lui le Père commun, qui est le centre d'unité de toute la famille chrétienne et qui sait épancher son coeur, sa sollicitude, sa généreuse prévoyance, sa parole paternelle qui apporte lumière, liberté, consolation et salut à toutes les brebis du Christ, même à celles qui, bien que lui appartenant, ne font pas encore partie de ce bercail catholique, auquel il doit pourtant les conduire. C'est avec un esprit de foi et d'amour plus haut et plus saint que vous vous serrez aujourd'hui autour de Nous, qui reconnaissons en vous, héritiers de l'ardeur des martyrs, les fils de l'apostolat, de la foi et de la charité du nouveau bienheureux.
Dans ce héros de la sainteté, Dieu a voulu unir la faiblesse de la chair à la hardiesse de l'esprit pour que sa victoire sur les obstacles, les adversités et les tribulations de son dur chemin resplendisse de façon plus lumineuse. Prêtre de la Mission de Saint-Vincent de Paul, il porta en Abyssinie le zèle du missionnaire, la sagesse sacerdotale, le courage prudent dans les sacrifices, la voix persuasive de la vérité et du bien, qui l'avaient fait aimer, admirer, vénérer dans les Pouilles. Il y porta ces admirables vertus, mais avec une plus haute autorité, un plus grand amour de père, une plus grande condescendance de maître, un plus insatiable sacrifice de pasteur qui va à la recherche des brebis égarées sur les sentiers trompeurs et les arides pâturages. Dans son humilité, plus assoiffée des poids du sacrifice que des honneurs de l'épiscopat, le titre de Vicaire apostolique d'Abyssinie fut pour lui le stimulant énergique et continuel de la généreuse offrande de tout lui-même pour la conquête, l'instruction et le gouvernement des âmes, pour le choix et l'éducation du clergé abyssin, pour la réorganisation des rites sacrés et l'administration des sacrements, pour la fondation des collèges, pour la protection des pèlerins d'Ethiopie à Jérusalem, pour les oeuvres de bienfaisance en faveur des pauvres et des infirmes et par l'effusion sous différentes formes de la charité vigilante et secourable, par lesquelles l'héroïque ardeur de l'apôtre et du saint sait se faire tout à tous. Les chemins, les villages, les rivières, les lacs et les mers d'Abyssinie furent les témoins de son dur apostolat et des luttes, heureuses ou tristes, douces ou amères, qui accompagnèrent à travers les régions éthiopiennes les pas du saint missionnaire ; exemple et modèle, pendant ses vingt ans de travail apostolique pour le grand athlète du Christ que fut Massaia, dont il dut vaincre l'humilité pour le consacrer évêque à la lumière d'une tremblante lanterne de nuit.
En Justin De Jacobis Nous admirons et devant Dieu Nous exaltons le héros des débuts du rétablissement de la foi catholique en Abyssinie. Il brille dans la lumière des premiers propagateurs de l'Evangile, initiateurs de la régénération chrétienne de l'univers, dans la lumière de l'Apôtre des gentils, parce que, comme lui, il peut se vanter de ses propres tribulations et sait par expérience ce qu'il en coûte de semer la foi dans le monde. N'a-t-il pas été, comme saint Paul (cf. 2Co 11,23-28), dans les travaux, dans les prisons, parmi les morts, sur les vagues de la mer, dans les voyages, exposé aux périls des fleuves, aux périls de la part des brigands, aux périls de la part des amis, aux périls de la part des gentils, aux périls dans les villes, aux périls sur la mer, aux périls de la part des faux frères ; dans les labeurs et les peines, dans les nombreuses veilles, souffrant de la faim et de la soif, s'imposant des jeûnes multiples ; sans compter la sollicitude de chaque jour pour sa chère Eglise d'Abyssinie ? N'est-il pas mort sur le chemin, comme un héros qui tombe sur ses propres pas, sel de la terre baignée de ses sueurs, en vue d'un grand peuple de frères malheureux et bien-aimés, regardant le ciel, nouveau Xavier sur une île sans rivages, épuisé à en mourir par l'impatience indomptable de donner sa vie pour le salut des âmes rachetées par le sang du Christ ?
Ainsi meurent, sans avoir subi le martyre, les hérauts de l'Evangile ; et bien que sans martyre, leur sang est semence de chrétiens. Devant l'autel de ce bienheureux martyr de la charité et de la souffrance non sanglante Nous Nous inclinons avec vous, frères de la même foi en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, sans confusion de natures. Avec les vôtres Nos espérances s'ouvrent toutes grandes ; Notre coeur s'exalte dans l'esprit qui vous a conduits à la maison du Père commun, parce qu'il est l'esprit d'une nouvelle aurore précédant un nouveau soleil de foi plus limpide, de vertu plus pure, de piété plus profonde et plus opérante sur votre terre de lumière : Adesse festinant tempora (Dt 32,35), « les temps avancent. »
L'Afrique s'est réveillée. Elle s'est levée assoiffée de la parole et de l'autel du Christ. Vous, chers pèlerins d'Abyssinie, vous êtes les prémices d'un grand peuple de Dieu, qui s'avance sous la conduite de votre bienheureux martyr Ghebre Michael, à côté du bienheureux Justin De Jacobis, sous le signe de la pure foi de Rome. Ces deux héros de l'Evangile sont votre gloire aussi bien que la gloire de l'Eglise catholique ; ils sont les nouveaux patrons de votre nation ; ils sont vos maîtres et vos pères sur le chemin qui conduit au ciel ; ils sont de puissants intercesseurs auprès du trône de Dieu, de qui Nous invoquons la bénédiction apostolique sur vous et sur votre peuple, pour qu'elle soit pour vous la source des faveurs divines et vous accompagne et protège dans tous les voyages et les activités de votre vie jusqu'à la paix de l'éternel bonheur.
ALLOCUTION AU PÈLERINAGE NATIONAL HONGROIS
(30 juin 1939)1
A S. Em. le cardinal Seredi qui lui avait présenté un important pèlerinage national hongrois, le Saint-Père a répondu en ces termes :
Salut, Notre très cher cardinal archevêque d'Esztergom, salut à vous Vénérables Frères et évêques et chers fils qui représentez, pour ainsi dire, tout le clergé hongrois dont il Nous a été permis d'observer et d'admirer, l'an passé, à l'occasion du mémorable Congrès eucharistique, la foi ferme, le travail infatigable et les vertus sacerdotales. C'est avec une joie très vive, pour Nous qui fûmes votre hôte, de pouvoir vous recevoir aujourd'hui dans Notre maison et de pouvoir exprimer Nos voeux les meilleurs à tous Nos fils hongrois et à toute votre nation.
Chers fils et filles de Hongrie ! Ce qui nous paraît tellement digne d'admiration dans la « Hungaria Catholica », c'est, avant tout, la fidélité avec laquelle les catholiques de Hongrie ont su garder leur foi au milieu des pires épreuves, depuis les temps lointains de saint Etienne et de son fils saint Eméric. Nous pensons ici spécialement à la ténacité, à l'endurance qui vous a permis de maintenir cette foi pendant le siècle et demi de la domination du Croissant dans votre pays. Le caractère très prononcé de noblesse de votre nation et la grâce de Dieu se sont donnés la main pour maintenir en commun cette fidélité à toute épreuve.
Aujourd'hui aussi des décisions religieuses de la plus grande importance se manifestent partout dans le monde. Dieu soit loué, le Christ et son Eglise possèdent maintenant aussi une armée de combattants courageux et prêts à tous les sacrifices, comme rarement dans le passé, et le Vicaire du Christ compte grandement sur les sept millions de catholiques hongrois. Que Dieu vous aide à confesser ouvertement votre foi jusque dans ses dernières conséquences et à la mettre en pratique dans votre vie.
La vénération et l'affection filiales que les catholiques hongrois vouent au Saint-Père remplit Notre coeur de réconfort. Il est caractéristique qu'au cours de votre histoire les époques de prospérité de la Hongrie aient toujours été aussi celles de ses rapports les plus intimes avec la Chaire de Pierre. L'expression la plus éloquente de ce fait est la couronne de saint Etienne elle-même. Quand il est question de rapports intimes entre la Hongrie et le Saint-Siège, Nous citons avec fierté le nom du pape Innocent XL Ce ne sont que les découvertes historiques récentes qui ont démontré combien ce saint pape a participé à la libération de la Hongrie et combien son nom est devenu inséparable des événements qui précédèrent et suivirent la fameuse date de 1686. Nous sommes heureux de savoir que ces années qui comptent parmi les plus glorieuses de l'histoire hongroise se rattachent si étroitement au nom de l'un de Nos prédécesseurs.
Chers fils et filles de Hongrie ! Faites en sorte que votre attachement au Saint-Siège soit aussi le signe de votre vie chrétienne. Il est aussi le secret de la force et de la fidélité de votre foi.
Nos voeux les plus ardents accompagnent la vie catholique florissante de votre patrie, et, avant tout, le travail exemplaire de son Action catholique. Nous recommandons à l'amour débordant et à la grâce de Jésus-Christ et à la suprême protection de la patronne de la Hongrie la prospérité et le bonheur de la Hongrie, sa paix intérieure et extérieure, mais, avant tout, sa vie religieuse.
En gage de quoi, Nous accordons de tout coeur, à vous, aux êtres chers que vous avez laissés au pays, à tous ceux auxquels vous pensez maintenant et surtout à votre jeunesse, la Bénédiction apostolique.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A D'AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(5 juillet 1939)1
Au cours de cette audience générale, le Saint-Père fit aux jeunes époux un exposé sur la liturgie du mariage, puis s'adressa successivement aux nombreux autres groupes présents. Voici la traduction de ce discours.
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 233 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 35.
Aux jeunes époux :
Elles Nous sont toujours agréables, chers jeunes époux, vos belles et nombreuses visites au Père commun. Elles le sont d'autant plus que, avec le désir de recevoir la bénédiction du Vicaire du Christ, votre coeur nourrit la délicate intention de Nous faire participer à votre joie et à votre fête nuptiale.
En vérité, c'est un événement entouré d'une sainte liesse que le mariage chrétien contracté, comme c'est votre cas certainement, dans les dispositions voulues. Ces dispositions, ainsi que les précieux effets du sacrement, Nous en trouvons l'éloquente expression dans les cérémonies liturgiques. Nous aimons, époux chrétiens, les rappeler aujourd'hui à votre souvenir et à votre méditation, afin que vous apparaissent toujours plus hautes la dignité et la sainteté du grand sacrement dont vous avez été les ministres.
Trois moments principaux marquent le rite sacré si émouvant et si expressif des épousailles. Le premier, l'essentiel, est le consentement mutuel, manifesté par la parole des fiancés, reçu par le prêtre et les témoins, confirmé et ratifié en quelque sorte par la bénédiction et la remise de l'anneau, symbole d'entière et indéfectible fidélité.
Tout cela s'accomplit dans une communauté à la fois grandiose et simple : les époux sont agenouillés devant l'autel du Seigneur en présence des hommes (les témoins, les parents et amis) ; en présence de l'Eglise, que représente le prêtre ; en présence de Dieu, qui, assisté des anges et des saints, sanctionne les engagements solennellement pris.
Vient ensuite la partie pour ainsi dire instructive des noces chrétiennes : Paul, le grand Docteur des nations, s'avance, et dans l'épître de la messe de mariage rappelle aux époux d'une voix ferme leurs engagements mutuels et la nature de ce sacrement, symbole de la mystique union du Christ avec l'Eglise. Puis l'apôtre cède respectueusement la place au Maître et Jésus lui-même dans l'Evangile prononce la grande et définitive parole : Quod Deus coniunxit, homo non separet. « Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ! » (Mt 19,6).
Mais pour que la pensée des importants devoirs et des graves responsabilités qu'ils ont assumés n'opprime pas les époux de son poids, voici que l'Eglise prie pour eux, implore des grâces sur le nouveau foyer et rappelle les récompenses réservées même pour ici-bas aux époux vraiment chrétiens.
Particularité importante dans la liturgie de la sainte messe : après le Pater noster, le prêtre se tourne vers les époux et invoque sur eux les bénédictions divines par une prière qui touche les fibres les plus intimes du coeur et où abondent les voeux les plus émouvants.
Puis la messe reprend son cours et le prêtre demande, avec la libération du mal, le bien le plus grand de la vie terrestre : la paix.
Pour Nous, recueillant cette prière, Nous adressons le même voeu aux jeunes époux : Nous leur souhaitons la paix, c'est-à-dire le bonheur réel et chrétien. Que les jours de votre vie se passent tous dans un bonheur semblable à celui de vos noces, et qu'ils soient égayés par le sourire des enfants, ce gage d'un mutuel amour et des bénédictions divines, que le Seigneur fera croître autour de votre table comme des rameaux d'oliviers.
Si tous vos jours ne s'écoulent pas joyeux comme le premier, qu'ils soient du moins rassérénés par la seule vraie consolation dans les maux d'ici-bas, la confiance en Dieu.
Aux religieuses de l'Institut de la Sainte Famille de Bergame et aux pèlerins venus pour la proclamation de l'héroïcité des vertus de la vénérable Paule-Elisabeth Cerioli :
Cependant, avec la bénédiction que Nous donnons aux jeunes époux, ne s'achève pas Notre exhortation à leur égard. Elle a en quelque sorte sa suite dans les paroles que Nous voulons adresser au méritant Institut de la Sainte Famille de Bergame, représenté par sa supérieure générale et ses religieuses, entourées de pieux et dévots pèlerins sous la conduite de Notre vénéré Frère, le cardinal-doyen du Sacré Collège, qui a donné et donne, en tant que Ponent, à la cause de béatification de leur fondatrice l'ardeur toujours renouvelée de son zèle, la perspicacité toujours alerte de son intelligence, les trésors toujours plus riches de son expérience et l'inépuisable dévouement d'un coeur qui défie les années. En vous voyant réunies ici, chères filles, se renouvelle en Nous la joie que Nous avons éprouvée dimanche dernier à l'occasion de la lecture du décret sur l'héroïcité des vertus de cette lumineuse et humble créature qu'a été la vénérable Paule-Elisabeth Cerioli. Dans sa vie d'ici-bas, versant bien des larmes, elle vécut dans les états ordinaires de fille, d'épouse, de mère et de veuve, semant le bien et portant avec un suprême honneur le nom chrétien. Au-dessus des biens matériels et terrestres — dont Dieu l'avait pourtant pourvue — elle estima les biens spirituels et célestes comme les seuls vrais et impérissables titres de la seule et vraie grandeur. Des vertus théologales et cardinales, grâce auxquelles il est donné à l'homme de conférer à la vie présente la valeur d'un vêtement qui ne connaît pas d'usure, d'une lumière qui ne connaît pas de couchant, elle a donné l'exemple, autrefois dans un champ limité, et le donne aujourd'hui dans un cercle bien plus vaste et plus large, prouvant encore une fois la perpétuelle actualité de l'Evangile et sa parfaite adaptation à tous les états et conditions de notre vie.
Et c'est là, par les vertus de fille, d'épouse, de mère et de veuve, que Paule-Elisabeth a cultivé les germes précieux qui devaient un jour faire d'elle un apôtre de la charité et l'émule de toutes les grandes âmes, qui au culte de notre Père du ciel et à l'amour de notre Sauveur Jésus-Christ ont donné un aliment substantiel de pitié efficiente envers les délaissés du monde.
Telle est, en son germe, la bienfaisante fondatrice de l'Institut de la Sainte Famille qui, entrant dans l'armée des jeunes filles de bonne volonté, a donné la vie à une nouvelle et providentielle famille religieuse appelée à perpétuer dans le monde la flamme allumée par elle et à sertir d'un nouveau joyau la lumineuse couronne de charité, par laquelle l'Eglise se distingue le long de son laborieux chemin.
De même que son saint contemporain, saint Jean Bosco, apôtre des quartiers ouvriers, elle a compris combien il était utile et combien il était devenu urgent de donner aux enfants de la campagne, en même temps que l'éducation religieuse et morale visant à leur permettre de gagner le ciel, une formation technique et professionnelle qui leur permette, à une époque difficile, de gagner le pain quotidien sans de trop âpres luttes. C'est ainsi qu'issue pourtant d'une famille noble, elle se pencha vers les enfants des classes rurales et que, parmi eux, elle aima particulièrement les orphelins. Elle devint ainsi deux fois mère, précisément parce que, avant la maternité spirituelle dont ces chères filles sont les fruits précieux, elle connut les joies et bientôt aussi les deuils et les douleurs de la maternité humaine.
Aux pèlerins de Crémone et Bergame :
C'est avec ces sentiments que Nous bénissons de tout coeur tous et chacun de vous, chers pèlerins qui représentez spécialement les deux diocèses de Crémone et de Bergame, dont l'un se glorifie d'avoir été le berceau de la vénérable et l'autre d'en conserver le tombeau. Nous bénissons aussi ceux et celles qui sont le champ du Seigneur : Dei agricultura estis, selon la belle expression de saint Paul (1Co 3,9), de même que ceux qui ont pour mission de le cultiver afin que, par la vertu de la grâce, la bonne semence de la foi donne une abondante récolte d'oeuvres de bien.
C'est avec ce souhait que Nous adressons encore Nos affectueuses pensées au groupe de pieux pèlerins, que Notre cher et très zélé cardinal Ascalesi Nous a amenés de sa ville privilégiée et séduisante, messagers de la volonté fervente de dévouement et d'action, que la très religieuse ville de Naples n'a jamais démentie à l'égard du Vicaire de Jésus-Christ et dont les nombreux ornements sacrés que vous Nous avez offerts pour les missions sont les nobles témoignages. A vous comme à vos concitoyens, dont vous Nous apportez les salutations et l'hommage, Nous recommandons d'une manière particulière celles des vertus surnaturelles — la foi ardente et la charité miséricordieuse — qui ont toujours été la gloire incontestable de votre ville catholique et généreuse. Abondamment nourrie de ces deux grandes sources, votre vie chrétienne, toujours plus éclairée et élevée, donnera pour l'édification du monde des fruits de bien à profusion, et pour votre réconfort elle apportera à chacun de vous la paix profonde et intime dont Jésus-Christ a le secret.
Avec ces voeux descend aujourd'hui, large et pleine de souhaits, Notre bénédiction sur vous, sur vos familles et sur vos concitoyens.
Aux membres de l’Apostolat de la prière :
Avec une égale cordialité et un sentiment d'une égale gratitude, Nous vous saluons, chers membres de l'Apostolat de la prière d'Anagni, accompagnés de Notre vénérable Frère, votre évêque, qui vous est à vous comme à Nous très cher. Vous Nous rappelez, en effet, celle qui est pour tous, mais combien plus pour Nous, la force suprême et la plus ferme espérance. Que ferait et que serait le chrétien sans la prière ? Et que ferions et serions-Nous, Nous-même, dans le gouvernement de l'Eglise, si l'Eglise n'était pas unie dans la prière incessante, sine intermissione, comme autrefois pour son premier Chef, saint Pierre, et aujourd'hui pour son indigne successeur ?
C'est grâce à cette aide, dont chaque jour Nous expérimentons sensiblement l'efficacité que Nous travaillons confiant dans les divines promesses. C'est grâce encore à cette aide que tous Nos meilleurs enfants dispersés sur la face de la terre, chacun sous le poids de sa croix et à la lumière de sa foi, se sauvent chaque jour du monde et du péché.
Pensez donc si l'Apostolat de la prière Nous est cher et combien est juste et profonde Notre reconnaissance à l'égard de cette armée compacte ! En priant sans cesse pour toute l'Eglise, elle fait continuellement violence au ciel et triomphe de la juste colère de Dieu, comme jadis Moïse pour tout le peuple infidèle.
De Notre grande confiance dans l'Apostolat de la prière Nous désirons ardemment rendre conscients et, mieux encore, faire participer tous les fidèles. Aucun don ne peut être plus agréable que la prière. Et sur vous, chers membres, qui par votre présence venez renouveler dans ce domaine vos promesses et vos résolutions, Nous implorons large et éternelle la divine récompense.
A des franciscains curés :
Il Nous est encore donné d'adresser aux nombreux religieux franciscains ici présents, qui sont curés en Italie, une pressante invitation à se faire les messagers d'un tel message et à intensifier la piété et la prière au milieu du peuple chrétien. Héritiers directs de l'esprit de paix du séraphique Poverello, leur activité spirituelle au coeur de leurs populations doit être particulièrement imprégnée de cet esprit. Par leur prière dont ils sont les ministres attitrés en raison même de leur ministère pastoral, ils devront servir avec d'autant plus de ferveur la grande cause de la paix, qui en ce monde est plus urgente que toute autre et qui s'impose davantage à la charité de tous les enfants de l'Eglise. Sous le signe de la paix portez donc à vos paroisses la bénédiction que Nous donnons de tout coeur à tous les pasteurs et à leurs ouailles. Interprètes de Notre vif sentiment, qui est aussi le vôtre, employez-vous à faire en sorte qu'une telle prière soit dans toutes les classes confiante et persévérante.
A des pèlerins yougoslaves :
C'est sur ce même sujet de la prière que Nous Nous adressons à vous et vous bénissons de coeur, chers pèlerins de Yougoslavie qui, sous la conduite des évêques de Split et de Raguse, venez Nous réconforter par la profession de cette foi et de cette piété chrétiennes, qui sont si profondément enracinées dans les tenaces traditions de vos populations. Basée sur le solide fondement de cette foi et de cette piété, votre prière pour Nous, pour vous-mêmes, pour votre patrie, pour le monde bouleversé, peut s'élever confiante vers le trône de Dieu avec la certitude d'en gagner la faveur et la pleine garantie qu'elle produira les fruits de vie chrétienne, auxquels votre foi et votre piété doivent tendre ardemment pour le salut spirituel de chacun et pour l'heureuse diffusion et le plus grand accroissement du nom chrétien.
A des pèlerins d'Athènes :
Avec vous et sous la conduite de Notre vénéré Frère, Jean-Baptiste Filippucci, Nous apportent l'hommage de leur dévouement et de leur filial attachement les pèlerins que le glorieux nom d'Athènes rappelle à Nos souvenirs et à Notre paternelle affection. De vous et de votre sentiment religieux parle toujours, dans le livre des Actes, l'Apôtre des gentils, saint Paul, qui vous prêcha, chers Athéniens, la vraie foi sur cet Aréopage, dont vous avez voulu Nous apporter en souvenir, symbole précieux de l'union tant souhaitée, un marbre détaché de son rocher.
Fermes dans la foi et dans la prière, votre activité ne peut manquer de produire, sous la haute conduite de vos dignes pasteurs, des fruits de salut et de progrès dans la vie chrétienne soit en vous-mêmes soit en ceux qui vous entourent. Votre premier prédicateur lui-même, saint Paul, vous encourage et vous presse vers cet exercice d'apostolat. Et comme lui, si vous savez féconder par vos sacrifices le message de Jésus-Christ, vous pourrez vous glorifier un jour de n'avoir pas reçu en vain, pour vous et pour les autres, la grâce du Seigneur. Avec ces voeux, que Nous formons ardemment dans Notre coeur pour les Grecs qui sont ici présents et pour leurs frères dans la foi, Nous invoquons sur eux la divine assistance et leur donnons, ainsi qu'à tous les présents, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION AU MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE SLOVAQUIE
(7 juillet 1939) 1
A l'adresse d'hommage prononcée en latin par S. Exc. le Dr Charles Sidor, nouveau ministre plénipotentiaire de la République de Slovaquie, présentant ses lettres de créance, le Souverain Pontife répondit en ces termes :
Les paroles que vous avez prononcées, Excellence, en même temps que vous Nous remettiez vos lettres de créance qui vous constituent ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République de Slovaquie, témoignent pour Notre intime réconfort de la noblesse des sentiments et des desseins qui vous ont poussé à venir dans cette ville sainte, tête de la chrétienté, avec la confiance du chef de votre Etat ; ces sentiments et ces desseins ont pour but de former, développer et consolider les liens officiels entre le Siège apostolique et la nouvelle République de Slovaquie de telle manière qu'ils s'accordent en tout avec les voeux de votre peuple très attaché à la foi et à l'Eglise catholique. Notre époque, pleine de vicissitudes dont il est difficile de prévoir les développements, réclame de la part de la nation slovaque de nouvelles et même très lourdes charges et obligations. Dans cette conjoncture qui exige du peuple beaucoup de ressources spirituelles et matérielles, beaucoup de perspicacité et de prudence et enfin beaucoup de ce sentiment qui inspire les liens fraternels et mutuels et les sacrifices, il importe grandement de sauvegarder aux forces religieuses la plénitude de leur liberté. Celle-ci constitue la raison première et nécessaire qui, sous la conduite de la foi catholique, éduque et forme les moeurs de la vie chrétienne. Que Dieu fasse que les préceptes évangéliques, prêchés à vos ancêtres par saint Cyrille et saint Méthode que nous fêtons aujourd'hui, soient dans l'avenir pour les fils et les filles de votre peuple un héritage saint, un trésor conservé intact avec le plus grand soin et enfin une règle de conduite dans la vie pour qu'elle tende chaque jour à la plus grande perfection possible. Que sous l'autorité et la protection de la Croix qui orne le drapeau de votre pays et sous le patronage de la Vierge de douleur, mère de Dieu, à laquelle Nos prédécesseurs d'heureuse mémoire Benoît XIII et Pie XI ont dédié et consacré votre nation, la nouvelle République de Slovaquie puisse toujours diriger ses pas sur le chemin qui conduit à la prospérité et au bonheur d'une vraie nation.
Soyez assuré que de Notre part Nous n'épargnerons rien qui puisse établir et augmenter entre le Siège apostolique et votre pays les relations officielles réglées sur la confiance et l'accord mutuels. C'est pourquoi, Nous avons la consolation et la joie de savoir, Excellence, que vous Nous aiderez dans cette tâche de tous vos soins et de votre habileté.
Cependant, confiant que le Dieu tout-puissant mènera à une heureuse issue les projets et les voeux que Nous formons en cette heure solennelle, Nous vous adressons en retour du fond du coeur les voeux que vous Nous avez adressés si aimablement et Nous vous accordons bien volontiers la Bénédiction apostolique demandée pour toute la nation slovaque.
LETTRE POUR LE VI\2e\0 CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA ROYAUTÉ DU CHRIST
(8 juillet 1939) 1
Le vendredi 28 juillet s'ouvrait à Ljubljana le VIe Congrès international de la Royauté du Christ, sous la présidence de S. Em. le cardinal Hlond, archevêque de Gniezno et Poznan et légat pontifical, auquel le Saint-Père avait écrit pour cette circonstance la lettre suivante :
1 D'après le texte italien de i'Osservatore Romano, du 29 juillet 1939.
2 S. Augustin, Lettre à Macedonïus.
A la fin de ce mois, ainsi que Nous l'avons appris avec plaisir, se tiendra à Ljubljana, insigne capitale de la Carniole, le VIe Congrès international en l'honneur du Christ-Roi. Cette solennelle commémoration de la puissance royale qui appartient pleinement au Fils unique de Dieu le Père apparaît spécialement opportune en ces temps anxieux et fiévreux et tout à fait à même d'apporter des fruits salutaires à la chrétienté d'abord ainsi qu'à la société humaine tout entière. En effet, ce n'est pas seulement sur ceux qui ont reçu l'eau du saint baptême que s'exerce l'empire pacifique du Christ, mais il embrasse aussi tous ceux qui n'ont pas la foi chrétienne, de telle sorte que l'universalité du genre humain est vraiment en la puissance du Fils de Dieu.
C'est Lui qui est la source du salut personnel et du salut commun : « Le salut n'est en personne d'autre, il n'est pas dans le ciel d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous puissions être sauvés » (Ac 4,2) ; c'est Lui qui est pour les individus et pour les citoyens associés l'auteur de la prospérité et du vrai bonheur : « Ce n'est pas à des sources différentes que la société et l'homme puisent leur bonheur, la société n'étant pas autre chose que l'ensemble harmonieux des hommes. » 2.
C'est pourquoi, si les hommes voulaient bien reconnaître, en public comme en privé, la puissance royale du Christ, quels innombrables bienfaits se répandraient sur la société civile. « C'est alors — pour Nous servir des paroles que Notre prédécesseur Léon XIII adressait, il y a quarante ans, à tous les évêques de l'univers — qu'il sera possible de guérir tant de blessures, alors que le rétablissement de l'autorité reprendra force, que la paix retrouvera ses ornements, que les glaives seront émoussés et que les armes glisseront des mains, lorsque tous accepteront avec joie l'empire du Christ et lui obéiront, et que « toute langue confessera que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père » 3.
C'est pourquoi, Nous, qui avons tant à coeur que la paix sans tache unie à la justice triomphe partout, Nous désirons participer aux prochaines assises solennelles de Ljubljana, ainsi que Nous l'avons décidé précédemment, et d'y être en quelque sorte présent par Notre légat.
Aussi, cher fils, qui brûlez d'une telle piété et vénération envers le Christ-Roi, qui brillez par votre charge archiépiscopale et par votre dignité de Prince de l'Eglise, Nous vous choisissons pour Notre légat a latere et Nous vous donnons pouvoir, tenant lieu de Notre personne, en Notre nom et par Notre autorité, de présider le Congrès universel en l'honneur du Christ-Roi, qui va s'ouvrir à Ljubljana. Nous tenons pour certain que, de même qu'il y a quatre ans au Congrès eucharistique de Yougoslavie que vous avez présidé, vous remplirez cette charge toute à votre honneur, avec bonheur et avec fruit. Afin que cette solennité apporte de plus abondantes grâces de salut au peuple chrétien, Nous vous accordons la faculté de donner en Notre nom, au jour choisi, après la célébration de la messe pontificale, la Bénédiction aux fidèles présents, et de leur accorder le pardon complet des péchés commis, à obtenir selon les prescriptions de l'Eglise.
En outre, afin que les études et les travaux de tous se déroulent selon vos souhaits, Nous vous accordons de tout coeur dans le Seigneur, cher fils, ainsi qu'à l'évêque de Ljubljana, à son clergé et à son peuple, la Bénédiction apostolique.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LA XXXI\2e\0 SEMAINE SOCIALE DE FRANCE A BORDEAUX
(11 juillet 1939)1
D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XL, col. 982.
La XXXIe session des Semaines sociales de France s'est tenue à Bordeaux, du 24 au 30 juillet, sous la présidence de S. Exc. Mgr Feltin, archevêque de cette ville. Le Souverain Pontife lui a fait adresser la lettre suivante par S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat :
C'est avec un tout paternel intérêt que Sa Sainteté a pris connaissance du programme de la Semaine sociale de Bordeaux : Le problème des classes dans la communauté nationale et dans l'ordre humain. Un pareil sujet ne manque pas d'opportunité. On constate, à notre époque, un tel désarroi des esprits et des moeurs, que tout ce qui peut contribuer à rendre à la société une plus saine et plus raisonnable assiette, ainsi que l'ont pertinemment montré les enseignements pontificaux, doit être à bon droit retenu comme un essentiel facteur de paix. Or, à cet égard personne ne contestera que le problème des classes n'apparaisse l'un des plus importants.
Le problème des classes sociales...
En effet, que la société se compose de classes diverses, c'est une constatation qu'il ne viendra à l'esprit d'aucun observateur impartial de récuser, pas plus qu'on ne niera la diversité des membres d'un même corps. Ces classes sociales ont cependant des éléments constitutifs qu'il importe de bien distinguer. Elles ne sont pas, de fait, un mode quelconque d'association volontaire ; elles ne sont pas une caste hermétique, un clan, un parti, où les préjugés de naissance, de coutume ou de politique jouent un rôle prépondérant ; elles ne sont pas non plus, à proprement parler, un ordre, un état, une profession impliquant une organisation juridique bien définie.
La classe est quelque chose de plus naturel, de plus vaste et de plus profond ; elle résulte d'une similitude de conditions de vie et de travail, d'une communauté d'intérêts matériels et moraux, qui font spontanément s'assembler et se solidariser des hommes et des familles obéissant à d'identiques nécessités d'existence, partageant une même culture, les mêmes besoins, les mêmes aspirations ; par où se vérifie, d'ailleurs, une loi de nature qui se retrouve à tous les degrés de la création. On rencontre ainsi, par exemple, la classe ouvrière, la classe patronale, les classes moyennes, pour ne citer que celles-là.
La variété des classes composant le corps social a fait l'objet, surtout au cours du siècle dernier, d'études approfondies, alors que les doctrines libérales et le développement du machinisme devaient donner une physionomie si caractéristique — mais si peu humaine, si peu chrétienne ! — au monde du travail. Historiens et économistes, souvent d'inspiration matérialiste, analysèrent le fait des classes sociales, son contenu, ses effets. Cependant, leurs travaux dépourvus de spiritualité allaient nécessairement aboutir à de dangereuses conclusions. L'école marxiste, en particulier, n'ayant d'autre but que de renverser l'ordre existant au moyen de la révolution, et ne considérant, dans la variété des membres du corps social, que leurs oppositions et leurs antagonismes, érigea en dogme la lutte des classes. La grande encyclique de Pie XI sur le communisme athée ne nous a que trop renseignés sur les fruits de mort résultant de semblables expériences !
Au contraire, le titre seul de la prochaine Semaine sociale de Bordeaux montre assez comment et dans quel cadre doit se situer le problème des classes, qui n'a de sens et de vie qu'en fonction de la communauté nationale et de l'ordre humain.
et de leur collaboration à l'intérieur de la communauté nationale...
Car, de fait, si les classes nous apparaissent différenciées, c'est pour se trouver dans la situation des membres à l'égard du corps, ou des parties par rapport au tout. L'ordre résultant, comme l'expliquent si bien saint Thomas et l'encyclique Divini Redemptoris, de l'unité d'objets divers harmonieusement disposés, le corps social ne sera vraiment ordonné que si une véritable unité relie solidement entre eux tous les membres qui le constituent. Et qu'on remarque bien qu'il y va de la prospérité même de ceux-ci, car, comme dit encore le Docteur angélique, « de même que la partie et le tout sont en quelque manière une même chose, ainsi ce qui appartient au tout est en quelque sorte à chaque partie ».
Autrement dit, la santé du corps est la santé même des membres qui le composent. Cette règle se vérifie essentiellement en ce qui concerne les classes par rapport à la communauté nationale. Chacune d'elles a, sans doute, sa loi particulière, son caractère, ses fonctions propres, ses aspirations spécifiques, qui sont dans la nature, et donc inscrites par le Créateur.
Il ne peut pas être question, pour la sociologie catholique, de les méconnaître, encore moins de les contrarier ou de les supprimer, mais il lui incombe, au contraire, de les prévenir et guider sur le chemin des fécondes et intelligentes collaborations, évitant ainsi les déviations toujours possibles et même fréquentes, hélas ! dans l'état de l'humanité blessée par le péché originel. Ainsi, c'est en intégrant les classes avec tout le respect qu'elles méritent dans le cadre général de la société, que se réalisera, aussi bien pour celle-ci que pour celles-là, le plus grand progrès matériel et spirituel.
. et dans la communauté internationale.
Et non seulement les classes sont faites pour collaborer entre elles dans les limites de la communauté nationale, mais elles les débordent, comme le dit très justement la seconde partie de votre programme, pour s'étendre à l'ordre humain tout entier. En effet, l'instinct même des classes devait bientôt, l'histoire nous le prouve, leur faire franchir les frontières des pays particuliers pour se rejoindre et se solidariser sur le plan de la communauté humaine. Au reste, les communautés nationales ne sont-elles pas les membres de cette communauté humaine, comme les familles sont les éléments constitutifs de la nation ? Les classes, parties de la communauté nationale, devaient donc, en dernière analyse, relever de l'ordre humain, où elles trouvent un prolongement et exercent une collaboration à l'échelle même du monde. En un temps où les pays ont tendance à se replier sur eux-mêmes pour le grand malheur de tous, il convient de souligner les avantages d'une solidarité universelle des classes dont les mouvements sagement ordonnés — loin de s'arrêter aux barrières politiques d'un Etat — veulent par vocation s'étendre à la famille humaine tout entière.
La leçon de la Bible.
Aussi bien recevons-nous, à cet égard, une suprême et décisive leçon de nos Livres saints eux-mêmes, où l'on voit cette économie sociale élevée à l'ordre surnaturel, sublime exemplaire dont toutes les autres institutions doivent, pour leur bonheur et leur salut, s'inspirer. Depuis que la grâce de l'Incarnation et de la Rédemption a formé le Corps mystique du Christ et que l'Eucharistie, faite de la multiplicité des grains de blé, a réalisé dans le pain transsubstantié le mystère d'une transcendante unité, on peut dire en toute vérité avec saint Paul : « Unum corpus multi sumus, quia de uno pane participamus. » Loin de voir détruire leurs particularités légitimes, les classes se trouvent ainsi réunies par les liens de la divine charité. C'est dans sa première Epître aux Corinthiens que l'apôtre expose en détail cette ravissante doctrine : « Vous êtes le Corps du Christ, dit-il, et ses membres en particulier... Car, encore que vous soyez nombreux, vous ne faites partout qu'un seul corps... Et de grâce, que les membres soient remplis de sollicitude les uns pour les autres ! » Voilà, n'est-il pas vrai, le souverain modèle de la collaboration des classes dans la communauté nationale comme dans l'ordre humain ?
L'exemple de l'Action catholique.
Et l'apostolat contemporain, tel que l'a organisé Pie XI, d'immortelle mémoire, sous le nom d'Action catholique, ne vient-il pas précisément confirmer l'existence légitime des diverses catégories sociales qu'atteignent les mouvements spécialisés, tels que la Jeunesse ouvrière, la Jeunesse agricole, la Jeunesse de la bourgeoisie, etc., pour mieux les replacer sur le terrain d'une fraternelle collaboration et d'une inaltérable union ? C'est ce que S. S. Pie 12, glorieusement régnant, exposait à l'aube de son pontificat dans la grande audience accordée au pèlerinage de l'Union internationale des Ligues féminines catholiques : « L'apôtre, pour être écouté, disait-il, doit parler non pas à des représentants de quelque humanité abstraite, qui serait de tous les pays, de tous les temps et de toutes les conditions, mais à tel ou tel groupe de ses semblables, à tel âge, dans tel pays, à tel échelon de la hiérarchie sociale. C'est là une des règles d'or tracée par le pontife à jamais regretté, qui fut le grand promoteur de l'Action catholique et qui en reste maintenant l'invisible inspirateur ». Et le Saint-Père concluait : « Que par vous la multiplicité des groupes ethniques retrouve l'unité de la filiation divine et de la fraternité humaine !... Alors seulement se réalisera cette unité dans l'ordre, unitas ordinis, dont parle saint Thomas, et qui doit être l'idéal de vos âmes, le but suprême de vos efforts » 2.
Tel est bien aussi l'ardent souhait que Sa Sainteté vous adresse, faisant écho aux ultima verba du Sauveur, dont elle est ici-bas l'auguste Vicaire : * Ut omnes unum sint ; sicut tu Pater in me et ego in te, ut et ipsi in nobis unum sint... ; ut sint unum, sicut et nos unum sumus ! »
C'est donc dans cet esprit que la Semaine sociale abordera le difficile problème des classes et collaborera efficacement à leur mutuel accord, à leur généreuse compréhension dans la justice et la charité.
Cette pléiade de professeurs choisis qui viendront apporter leur pierre à l'édifice, sous la judicieuse et paternelle présidence de Son Excellence Révérendissime Mgr Feltin, est un gage du succès des prochaines assises bordelaises.
Mais il n'en faut pas moins appeler les grâces de l'Esprit Saint sur une entreprise si ardue et si délicate à la fois. Et c'est pour les assurer très abondantes que Sa Sainteté, ne se relâchant pas de prier aux intentions de l'Eglise et pour la paix du monde, en union avec tous ses fils, vous envoie, ainsi qu'aux collaborateurs et aux auditeurs de la XXXIe session des Semaines sociales de France, la Bénédiction apostolique.
Cf. ci-dessus, pp. 52 et 53.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Pie XII 1939
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES PÈLERINS ITALIENS
(12 juillet 1939) 1
Cette audience rassemblait autour du Souverain Pontife des couples de nouveaux époux, un pèlerinage de Terni et des prêtres du diocèse de Milan. A chaque groupe Pie XII adressa sa parole de père et de chef.
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 247 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 38.
Aux jeunes époux :
Parmi les groupes de fidèles qui se relaient sans cesse devant le Vicaire du Christ, Nous remarquons toujours avec une particulière satisfaction les nombreux couples de jeunes époux. Don précieux, inestimable, que ces jeunes familles chrétiennes, qui viennent de naître d'un grand sacrement institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même pour sanctifier les noces, et avec elles, la famille naissante, ses bourgeons et ses fruits.
Fondement et garantie de la famille chrétienne : le sacrement.
Nous désirons vous rappeler un enseignement du catéchisme : la famille chrétienne est fondée sur un sacrement. C'est dire qu'il ne s'agit pas d'un simple contrat, d'une simple cérémonie ou d'un appareil extérieur destiné à marquer une date importante de la vie ; au contraire, il y a là, au sens vrai et propre du mot, un acte religieux de vie surnaturelle, d'où découle comme un droit permanent d'obtenir de Dieu toutes les grâces, tous les secours nécessaires et utiles pour sanctifier la vie du mariage, pour accomplir les devoirs de l'état conjugal, pour en surmonter les difficultés, en maintenir les résolutions et en atteindre l'idéal le plus élevé 2.
Par l'élévation du mariage chrétien à la dignité de symbole permanent de l'indissoluble union du Christ et de l'Eglise, Dieu s'est porté garant de ces grâces. Nous pouvons par conséquent affirmer que la famille chrétienne, chrétienne en vérité et en vitalité, est une garantie de sainteté. Pareil à une rosée rafraîchissante, ce bienfaisant influx sacramentel fait croître autour de la table comme de nouveaux plants d'oliviers (Ps 128,3). Dans la famille chrétienne régnent l'amour et le respect mutuels ; les enfants y sont attendus et reçus comme des dons de Dieu, comme des dépôts à garder avec un soin vigilant. Si la douleur et l'épreuve entrent au foyer, elles n'y apportent pas le désespoir ou la révolte, mais la confiance sereine qui, tout en adoucissant les inévitables souffrances, en fait un moyen providentiel de purification et de mérite. Ecce sic benedicetur homo qui timet Dominum, « voilà comment sera béni l'homme qui craint le Seigneur » (Ps 128,4).
Ces fruits, vous ne pouvez les récolter que dans le foyer chrétien. La famille dépouillée de son caractère sacré, éloignée de Dieu et partant privée de la bénédiction divine sans laquelle rien ne peut prospérer, cette famille-là est ébranlée jusque dans ses fondements et exposée à tomber, tôt ou tard, dans 'la décomposition et la ruine, comme Nous le montre une continuelle et douloureuse expérience.
C'est parce que vous avez compris ces vérités que vous êtes venus demander et recevoir la bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ. Vous voyez dans cette bénédiction comme le renouvellement et la confirmation de celle qui du ciel est descendue sur vous en la journée, récente encore, de vos noces. Vous en attendez un surcroît d'énergie et de secours, pour donner à vos familles ce caractère profondément chrétien qui est une garantie de vertu et de sainteté.
Lorsque vous tournez la pensée vers la maison qui vous vit naître et vers les premiers visages que vous avez rencontrés dans votre enfance, et lorsque de là vous remontez les années et repassez en esprit les vicissitudes de votre vie, tout ce que vous trouvez de bon en vous, vous sentez que vous le devez, pour une grande part, à un père sage, à une mère vertueuse, à une famille chrétienne.
Dans ces vifs et sincères sentiments de gratitude que vous éprouvez envers le Seigneur et envers vos parents, qui furent fidèles à leur mission, Nous aimons à voir un augure que vos familles, sur lesquelles Nous invoquons de tout cceur les bénédictions du ciel, seront, elles aussi, profondément chrétiennes.
Aux pèlerins de Terni :
A la piété des nouveaux époux, qui veulent que soit sanctifié par la bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ le début de leur vie conjugale, s'associe la piété de Nos bons fils de Terni qui, sous la direction de leur zélé pasteur — prompt aux belles initiatives comme à l'éloquente parole — demandent au Père commun de bien vouloir consacrer par sa bénédiction leur pieux pèlerinage au sanctuaire de Pompéi.
Si leur bref arrêt de Rome qui leur donne le réconfort de se prosterner devant la tombe des Princes des Apôtres leur est agréable, non moins agréable est pour Nous cette visite par la circonstance qui en donne le motif. Elle permet à Notre particulière piété envers la Vierge bénie d'être comme présent au milieu d'eux dans ce tendre hommage à la Mère céleste et de porter à ses pieds, avec la plus grande confiance qui vient de la foi de tous, leurs intentions et les Nôtres.
Oui, bien-aimés fils, il Nous est cher de faire Nôtres vos intimes désirs, vos secrètes douleurs, vos ardentes espérances, et de présenter tout cela à Dieu avec une affection paternelle, par les mains de Notre commune avocate. Par le coeur qui ne connaît pas les distances, Nous sommes avec vous pour Lui recommander vos personnes, vos familles, votre cité. Pour chacun d'entre vous, Nous demandons par-dessus tout la grâce inestimable d'une vie chrétienne fervente, conforme aux principes que vous professez et par suite resplendissante des vertus évangéliques aux yeux du monde. Pour vos familles, Nous demandons l'union et la concorde, fruits de la compréhension mutuelle, de l'humilité sincère et de la douceur, de fréquents et volontaires sacrifices de Pégoïsme et des intérêts propres.
Pour votre cité laborieuse et qui ne connaît pas le repos, Nous demandons la gloire de pouvoir mettre toujours ses multiples activités industrielles au service des oeuvres de civilisation et de paix.
Pour tous, Nous demandons à Dieu, par l'intercession de la Vierge, le don de ce vif sentiment religieux, de cette foi éveillée et active qui sont pour les individus, pour les familles, pour les peuples, les premiers facteurs d'élévation morale, de vraie civilisation, de grandeur sans apparence, et qui portent tous avec eux et toujours (même dans les maux de la vie) le secret du bonheur.
Cependant, alors qu'il Nous est agréable d'exprimer ces voeux paternels et ces prières pour Nos chers pèlerins de Pompéi, Nous avons un message à vous confier dans votre pieux pèlerinage. Nous aussi, vous ne l'ignorez pas, Nous avons des douleurs, des désirs, des espérances qui ne touchent pas tellement Notre personne que Notre grande famille chrétienne, mais aussi toute la famille humaine (parce que le Seigneur est mort pour tous) ; douleurs par lesquelles Nous apportons l'accomplissement dans l'Eglise à ce qui reste des souffrances du Christ ; désirs qui sont ceux de tous les honnêtes gens, mais aussi de toute l'humanité saine ; espérances qui sont fondées sur Dieu bien plus que sur les hommes.
De ces besoins et de ces sentiments, Nous voulons que vous soyez Nos fidèles messagers auprès de PAuxiliatrice des chrétiens, pleinement confiants en Celle qui, sous le signe du Rosaire, a obtenu autrefois pour le peuple de Dieu de triompher de ses ennemis. Qu'elle obtienne, la céleste Reine, à ses fidèles dévots mais aussi à tous les hommes de triompher d'eux-mêmes, et, vainqueurs de leurs propres cupidités, passions et ambitions, de retrouver ou de trouver finalement la confiance réciproque, le sens de la modération, l'inestimable bienfait de la paix.
C'est avec ces souhaits que Nous vous remercions de votre visite et plus encore des prières que vous ferez pour Nous dans votre pèlerinage à Pompéi. Et anticipant avec vous sur la joie dont vous remplira certainement votre visite à la Vierge du Rosaire, Nous donnons de tout coeur à Notre bien-aimé Frère, votre pasteur, et à vous tous en particulier et à vos familles, à vos travaux et entreprises la Bénédiction apostolique.
Aux prêtres jubilaires de Varchidiocèse de Milan :
Et Nous voici à vous, chers vétérans du sacerdoce, que les vingt-cinq années ou les quarante années écoulées depuis votre sainte ordination font penser au passé, font penser à l'avenir. Si les souvenirs joyeux ou tristes vous reviennent à l'esprit, ils vous invitent surtout à une vue plus sérieuse de vos pénibles devoirs et de vos responsabilités devant Dieu et devant les hommes.
C'est là une date, la vôtre, qui est aussi la Nôtre, à laquelle plus que la fête s'impose le recueillement de l'esprit ; et, dans le recueillement, voici monter du fond de votre mémoire, oh ! combien de paroles d'avertissement et quelles paroles ! Celle-ci, par exemple : « Qui travaille au service de Dieu doit éviter de se mêler d'affaires séculières, afin de plaire à celui à qui il s'est dévoué » (2Tm 2,4). Et cette autre du même apôtre, dans la même lettre : « Je t'adjure de faire revivre la grâce de Dieu qui est en toi par l'imposition de mes mains » (2Tm 1,6). Et encore : « Ne néglige pas la grâce qui est en toi... Veille sur ta personne et sur ton enseignement ; persévère en ces dispositions. En le faisant, tu te sauveras toi-même et tu sauveras ceux qui t'écoutent. » (1Tm 4,14-16).
Heureux êtes-vous, bien chers frères, si, à ces appels de la diane, votre conscience n'a aujourd'hui que d'heureuses réactions ! De toute façon, bienheureux si, quelle qu'en doive être la réaction, les paroles de l'apôtre que Nous venons de citer, et d'autres encore, suscitent en vous, au vingt-cinquième ou au quarantième anniversaire de votre première messe, la résolution d'une plus ardente manière de vivre sacerdotale, animée d'une foi active, dans la charité, dans l'apostolat, dans le dévouement, dans le sacrifice, de sorte que plus rien ne se perde de votre sacerdoce dans la phase dernière et plus solennelle de son ascension.
Puissiez-vous dans cette dernière phase jouir chaque jour des saints enthousiasmes des prémices de votre sacerdoce ! Puissiez-vous vous sentir toujours et jusqu'à la dernière heure prêtres, dans la jeunesse du coeur et la maturité de l'esprit, ardents de bonne volonté ! Quelle plus grande récompense pour le prêtre de Jésus-Christ que de pouvoir dire au dernier jour : « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai conservé la foi » (2Tm 4,7).
Pour que cette récompense unique et inestimable vous soit réservée à tous, Nous élevons ici avec vous Nos voeux et Nos prières vers le Seigneur, pendant que de tout coeur Nous vous donnons à tous, comme aussi à ceux qui vous sont chers et aux âmes qui vous sont confiées, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CHILIEN
(12 juillet 1939) 1
A un groupe de pèlerins du Chili venus à Rome lui présenter leurs hommages filiaux, le Saint-Père adressa ces paroles d'encouragement et d'exhortation :
Nous voulons aujourd'hui adresser un salut spécialement cordial à Nos fils et filles très aimés que Notre Vénérable et très estimé Frère, l'évêque de Puerto Montt, a conduits jusqu'à Nous depuis le lointain Chili. Vous venez effectivement de terres lointaines, fils très chers. Cependant, Nous pouvons dire avec raison que plus lointaine est votre patrie, plus grande est Notre joie de pouvoir vous saluer dans cette maison du Père commun.
Pour vous et pour tous les fils de l'Eglise catholique au Chili, Nous voulons adresser aujourd'hui une parole de spéciale exhortation : reconnaissez l'importance et le sérieux que le moment présent revêt en la vie religieuse et la vraie félicité de votre peuple. Maintenez ferme et vaillante votre foi catholique et votre union en les portant dans la vie quotidienne jusqu'à ses dernières conséquences, parmi lesquelles se trouve aussi la vie sociale et publique. Assurez à votre jeunesse des écoles catholiques. Quand il s'agira de porter remède aux misères des pauvres et d'ouvrir le chemin à la justice et à la charité, signalez-vous entre tous comme les premiers, les premiers en esprit d'initiative et en esprit de sacrifice. Tel est le chemin que Nous ont montré Nos prédécesseurs, depuis que, votre indépendance politique à peine acquise, vous avez été la première république de langue espagnole à se rapprocher du trône de Pie VII, de sainte mémoire. C'est à vous qu'il revient maintenant de mettre ces conseils en pratique au Chili. Ainsi vous vous libérerez vous-mêmes et vous libérerez votre peuple des fausses maximes que l'erreur répand et vous arriverez à ramener au bercail les brebis égarées.
Nos espérances, Notre amour et Nos prières suivent de très près les vicissitudes de l'Eglise catholique chilienne. Nous désirons aujourd'hui la placer et vous placer sous la protection maternelle et puissante de la Vierge immaculée. Et à vous-mêmes, à tous ceux que vous portez dans votre esprit et dans votre coeur et à tout le peuple chilien qui Nous est si cher, Nous donnons du plus intime de Notre coeur, comme le gage de la force, de la vertu et de l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Bénédiction apostolique.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE « PAX ROMANA »
(18 juillet 1939) 1
A l'occasion du Congrès international de « Pax Romana » tenu à fin juillet à Washington, le Souverain Pontife a fait parvenir ses encouragements par une lettre de S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à M. Rudi Salât, secrétaire administratif de l'association.
Il m'est bien agréable de transmettre aux dirigeants et aux membres de l'Association « Pax Romana », à l'occasion du Congrès international qui doit se tenir à Washington le mois prochain, les augustes encouragements du Saint-Père et ses voeux pour la réussite du Congrès et la réalisation toujours plus parfaite du programme que vous vous êtes tracé.
Sa Sainteté estime que votre activité peut procurer les meilleurs résultats dans le domaine de l'éducation chrétienne comme en ce qui concerne l'Action catholique dans les milieux universitaires.
Aussi est-ce avec les sentiments d'une toute paternelle complaisance que le Souverain Pontife accorde à l'Association, à son prochain congrès international, une grande et particulière Bénédiction apostolique, gage des divines grâces.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DE NOMBREUX AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(19 juillet 1939) 1
Accueillant de nombreux couples de jeunes époux, le Saint-Père leur exposa les trésors que procure l'union intime avec Dieu, l'un des plus précieux étant la vraie paix du foyer.
Le voeux que reçoivent les jeunes époux sont toujours et partout les mêmes : des voeux de bonheur. C'est l'expression première et entière des sentiments et des souhaits des parents, des amis, de tous ceux qui prennent part à leur joie.
C'est aussi la prière par laquelle l'Eglise termine la messe de mariage : Quos legitima societate connectis, longaeva pace custodias. « Dieu tout-puissant, conservez dans une longue paix ceux que vous unissez par un lien légitime. »
C'est également le voeu paternel que Nous adressons aux époux qui viennent à Rome implorer la bénédiction apostolique, gage de faveurs célestes, de paix, de bonheur pour tous ceux qui la reçoivent.
Pax vobis ! La paix soit avec vous ! Nous vous adressons aujourd'hui ce voeu profondément chrétien, précieux legs du divin Maître, et il Nous plaît d'en relever la haute signification.
La paix, source de vrai bonheur, ne peut venir que de Dieu, elle ne peut se trouver qu'en Dieu : « Seigneur, vous nous avez créés pour vous, et notre coeur est sans repos tant qu'il ne repose pas en vous ! » Aussi n'est-ce qu'au ciel, dans la vision de la divine essence, que l'homme connaîtra le bonheur absolu, le bonheur entier et parfait. Mais au milieu même de la vie terrestre, la condition fondamentale de la vraie paix et de la sainte joie est l'abandon amoureux et filial à la volonté divine. Tout ce qui relâche et affaiblit cette conformité, tout ce qui atténue et brise cette union, est en opposition avec la paix, avant tout et surtout le péché. Le péché est rupture et désunion, désordre et trouble, remords et crainte, et ceux qui résistent à la volonté de Dieu n'ont pas et ne peuvent pas avoir la paix : Quis restitit ei et pacem habuit ? « Qui lui a résisté et est demeuré en paix ? » (Jb 9,4). Au contraire la paix est l'heureux partage de ceux qui observent la loi de Dieu : Pax multa diligentibus legem tuam ! « Grande est la paix pour ceux qui aiment votre loi. » (Ps 118,165).
C'est sur ce solide fondement que les époux et parents chrétiens bâtissent le bonheur de leur foyer et qu'ils établissent la paix de leur famille. Tout imprégnée d'amour et de charité, la famille chrétienne fuit Pégoïsme et la recherche des propres satisfactions. Ainsi, alors même que disparaissent les fugaces attraits des sens, alors que se fanent et tombent, l'une après l'autre, les fleurs de la junévile beauté, alors que l'imagination voit s'évanouir ses illusions d'antan. même alors il reste toujours entre les deux époux, entre les parents et les enfants, il reste le lien des coeurs, il reste la grande âme de la vie domestique, l'immuable amour, et avec lui le bonheur et la paix.
Celui, au contraire, qui tient le rite sacré des noces chrétiennes pour une simple cérémonie extérieure qu'on accomplit pour suivre une coutume, celui qui y apporte une âme en état de péché grave, et par là profane le sacrement du Christ, celui-là tarit la source de grâces surnaturelles destinées, dans les admirables desseins de la Providence, à féconder le jardin de la famille, à faire éclore les fleurs des vertus chrétiennes et mûrir les fruits de la vraie paix et de la joie la plus pure.
Ces familles inaugurées dans le péché donneront contre les écueils à la première tempête, ou bien, comme un navire abandonné aux flots, elles iront à la dérive de doctrines qui, sous les apparences de liberté ou de licence, préparent l'esclavage le plus dur. Les profanateurs de la famille n'auront pas la paix. Seule la famille chrétienne, docile aux lois du Créateur et du Rédempteur et soutenue par la grâce, est une garantie de paix.
Telle est, jeunes époux, la portée de Notre ardent et sincère souhait paternel ; paix avec Dieu dans la dépendance de sa volonté, paix avec les hommes dans l'amour de la vérité, paix avec soi-même dans la maîtrise des passions : triple paix qui est le seul vrai bonheur dont puisse jouir notre pèlerinage terrestre. Que de ce grand bien vous soit un gage la paternelle bénédiction que Nous vous donnons de tout coeur.
A la même audience étaient reçus les enfants d'Action catholique lauréats du Prix de Rome de culture religieuse, les membres du Chapitre général de l'Institut de la Consolata, les directrices des écoles professionnelles pour infirmières, les religieuses probanistes de l'Institut du Sacré-Coeur et un groupe de pèlerins croates. Le Souverain Pontife s'adressa successivement à chacun des groupes.
Aux enfants de l'Action catholique, lauréats du Prix de Rome.
En parlant aux nouveaux époux, à ceux qui sont appelés par Dieu comme à présider aux sources mêmes de la vie et lui en ouvrent le cours, Notre pensée et Notre coeur allaient naturellement au groupe plein de vie des enfants venus de toutes les parties d'Italie pour Nous apporter les fruits de leur premier apostolat et recueillir la récompense de leurs victoires catéchistiques et de la fidélité à leurs devoirs. Ce sont les braves vainqueurs du Prix de Rome ; mais, derrière eux, il y a toute une armée d'enfants dévoués comme eux au Vicaire de Jésus-Christ, heureux de se sentir liés par lui, avec leurs compagnons qui les représentent, dans une pacifique croisade de prières et de bouquets spirituels, vivement désireux de lui offrir leurs dons et de se préparer à être dans le monde des hérauts de sa parole et des champions de vie chrétienne.
A ces chers enfants qui sont Nos espoirs comme ils le sont de la famille et de la société, Nous voulons ouvrir Notre coeur, plein de gratitude et d'affection, mais par-dessus tout rempli de ce désir que Jésus exprimait un jour, quand ayant placé un enfant au milieu de ses disciples, il dit cette parole : « Si vous ne devenez comme cet enfant, vous n'entrerez point dans le Royaume des Cieux » (Mt 18,3). L'enfant est donc le modèle de tous ceux qui suivent le Christ ; et le désir ardent de son coeur divin était que les vertus de l'enfant demeurent dans la vie de tous, sans distinction.
Ecoutez bien, chers petits, vous comme les autres, vous deviendrez adultes, progressant à travers les différents âges de l'homme, par les années, par la stature, par le savoir ; vous deviendrez cultivés, chacun dans le champ de sa vocation propre, pour donner à la société ce que vous en recevez aujourd'hui : vos forces physiques, vos forces intellectuelles, l'intelligence avec ses connaissances et sa doctrine, la volonté avec ses initiatives et ses hardiesses. Eh bien ! avec tout cela, vous ne serez pas vraiment chrétiens, sinon pour autant que vous ferez aussi vôtres les vertus particulièrement propres aux enfants et que vous ne les abandonnerez plus votre vie durant. Vous aimerez toujours l'obéissance et la discipline, même si on vous enseigne par ailleurs que l'homme est maître absolu de lui-même. Vous garderez précieusement votre simplicité, même si vous voyez autour de vous triompher l'astuce et la tromperie. Vous serez sincères avec tous, comme vous l'êtes maintenant avec votre maman, même si vous voyez honorés les hypocrites et les menteurs. Vous maintiendrez votre coeur ouvert comme aujourd'hui à la compassion, plein de douceur et d'amour pour tous, prompt à oublier les offenses, même s'il vous arrive d'entendre que le mal se paie par le mal. Par-dessus tout, vous garderez jalousement votre innocence, même si autour de vous vous voyez peut-être le péché dans ses plus pénibles manifestations et que, chez vous ou en dehors, vous entendez dire que le bonheur de l'homme est dans le plaisir. Voilà comment vous devez vous conserver toujours semblables aux petits pour entrer dans le Royaume des Cieux. Ainsi, vous serez en même temps dans la vie terrestre des hommes francs, purs, forts, utiles à vous-mêmes, à la famille, à la patrie, fidèles au devoir, rompus au sacrifice, capables de tous les héroïsmes. Ainsi vous veut Jésus-Christ. Ainsi voulez-vous être, chers enfants, comme le dit clairement votre présence ici et le confirme votre amour de la doctrine chrétienne, vos efforts pour vous signaler dans la science de la religion, vos bouquets spirituels, l'obole de votre charité.
Afin que vous restiez toujours tels, dignes fils de l'Eglise et de la société et que règne toujours dans votre coeur vive et pleine votre joie candide, Nous demandons pour vous l'assistance particulière de l'Esprit d'amour et, d'un amour paternel, Nous souvenant de ce Jésus qui vous préférait et vous imposait ses mains, en son Nom, Nous vous bénissons avec tous vos compagnons ici présents en esprit, avec vos familles et les leurs et avec tous ceux qui s'occupent de votre formation chrétienne : déléguées, prêtres, membres du Conseil supérieur, auxquels il Nous est extrêmement agréable d'exprimer ici Notre paternelle reconnaissance.
Ils remplissent, au nom de Jésus-Christ, une bien haute mission, hérissée de gênes, de renoncements, de sacrifices et pour cette raison non moins méritoire devant Dieu que celle à laquelle consacrent leur vie les pionniers de l'Evangile, les missionnaires proprement dits. Nous les associons volontiers à ceux-ci dans le remerciement et la prière et Nous sommes très heureux que le Chapitre général de l'Institut missionnaire de la Consolata Nous offre ici-même la sympathique opportunité de voir en présence l'un de l'autre comme les états-majors de deux armées qui, dans des champs différents et avec des armes diverses, combattent avec le même esprit la même bataille pour le même Auguste nom.
ux membres du Chapitre général de l'Institut de la Consolata.
Ayant salué et encouragé les uns, il Nous est agréable d'exprimer aux autres les sentiments de Notre particulière gratitude et de Notre affection. Dans le travail patiemment accompli pour donner une nouvelle impulsion à leurs missions selon les exigences modernes du temps et des lieux, les membres du Chapitre général de la Consolata Nous donnent la preuve tangible de la vitalité toujours accrue de leur Institut, de leur ferme volonté de proportionner leur action aux besoins et du contrôle toujours vigilant qu'il entend exercer sur toutes les formes de leur propre activité pour assurer à celle-ci, par une plus grande fidélité aux directives suprêmes, un meilleur rendement. En donnant impulsion à ses missions, où le bien qu'il a réalisé jusqu'à présent et continue à réaliser avec tant d'honneur est si grand, l'Institut de la Consolata, outre qu'il répond à merveille à ses saintes fins, pourvoit de la meilleure manière à son plus sûr développement et à la conservation de cet esprit d'apostolat qu'il porte en lui dès sa naissance et dans lequel se trouve la garantie assurée de son existence solidement établie qui a produit de larges fruits dans le champ mystique du père de famille.
Ainsi, fils bien-aimés, tout en vous remerciant de la résolution que vous avez renouvelée de travailler le terrain ardu qui vous est assigné par la Providence divine et en vous félicitant avec votre Supérieur général qui, confirmé dans sa charge, renouvelle lui-même son intelligent, amoureux et fécond dévouement à l'Institut, Nous adressons à Dieu louange et reconnaissance pour le grand bien qui s'accomplit par vous tous et qui se recueille dans les régions où les campagnes blanchissent pour la moisson et dans celles où la faux déjà récolte. Réconforté par la ferveur unanime qui a animé votre Chapitre général et par l'expérience d'un passé aussi fructueux, Nous avons raison d'attendre de très grands fruits de votre activité au service de l'Eglise et des âmes. Il Nous est agréable de former aujourd'hui pour cette activité tous Nos voeux, demandant à Dieu qu'il accroisse votre nombre, mais plus encore qu'il maintienne entier et pur votre esprit ; qu'il vous donne à tous une haute conscience de votre sublime vocation, qui fasse fleurir au milieu de vous dans les âmes, pour l'édification des hommes et la gloire de Dieu, les plus belles vertus de l'Evangile.
C'est dans ces sentiments que Nous saluons la nouvelle période de travail qui s'ouvre devant vous, pleine d'espoirs et de promesses ; et, dans la ferme confiance que, sous l'égide de la Mère de Dieu que vous honorez et faites honorer si tendrement, toutes vos oeuvres continueront à prospérer et votre famille religieuse à se sanctifier dans le bien, Nous vous accordons à tous, mais avec une affection particulière à vos dignes et valeureux évêques et préfets apostoliques ici présents, à votre Supérieur général, à vos confrères proches et lointains, par-dessus tout à tous ceux qui, dans les missions étrangères, consacrent généreusement leurs forces et leur vie, Notre paternelle et propitiatrice Bénédiction apostolique.
Aux directrices des écoles professionnelles pour infirmières.
Mais Nous devons Notre Bénédiction aussi à une troisième et spéciale classe de missionnaires conduits ici par l'aimable Providence. Ils sont les hérauts de l'Evangile dans celui de ces secteurs qui mérite tellement les recommandations du divin Maître : le secteur de la miséricorde corporelle (Mt 25,31 et suiv.). Celui qui, dans la ligne de la charité fraternelle, promet la récompense même à un verre d'eau donné en son nom (Mt 10,42), conclut sa prédication proprement dite par l'exaltation des oeuvres de miséricorde (Mt 26,1) et fait de l'assistance aux malades une des notes distinctives de l'admission au royaume éternel. « J'ai été malade, dira-t-il un jour aux élus, et vous êtes venus me visiter. » En lisant ces paroles, on ne peut pas ne pas être émus, tendrement émus, à la pensée que, dans la personne du malade, c'est Lui-même, Jésus, qui reçoit des frères le bienfait de l'assistance, en prend note, et s'en souvient pour régler au dernier jour tout compte avec munificence.
De tous ceux qui, à des titres particuliers, sont des messagers de la Bonne Nouvelle, Nous avons ici des représentants autorisés, les directrices de toutes les écoles-convicts professionnelles pour infirmières, venues de toutes les parties d'Italie pour des réunions de caractère technique et d'organisation. Sous l'habit religieux ou laïque, ces vaillantes femmes confirment ici la haute conscience charitable et religieuse dont elles entendent s'inspirer dans l'exercice de leurs devoirs secourables.
En parfaite harmonie aussi en ceci avec les directives particulières des autorités dont elles dépendent, sous la présidence de l'auguste et bienfaisante dame qu'est S. A. R. la princesse de Piémont, elles veulent faire de leur assistance aux malades une oeuvre de charité chrétienne. Animées en effet de la foi en Jésus-Christ et membres vivants de son corps mystique, elles veulent unir le sentiment à l'action, la compassion fraternelle au don matériel, et, s'efforçant d'appliquer à leur très noble profession les principes chrétiens, elles veulent en tout être digne de la divine mission à laquelle est élevée dans l'Evangile l'assistance aux plus petits de Jésus-Christ. A qui le comprend ainsi, il n'est pas difficile de rappeler sa dignité et sa responsabilité. Vous êtes, dirons-Nous volontiers à ces chères filles présentes ou lointaines, vous êtes les aides compatissantes du Christ dans ses membres mystiques. Malade, il est confié à vos mains maternelles, à votre délicatesse féminine, à votre compassion intelligente, à votre heureuse intuition des besoins de chaque maladie, à votre coeur qui sait et qui devine combien souffre dans son âme celui qui est malade dans son corps. Parce que Jésus est dans chaque malade, même mauvais, même ignorant de Lui, vous serez pour Lui ce que furent la bonne et accueillante Marthe, la compatissante Véronique, les pieuses femmes de Jérusalem. Ce qu'il ne vous est pas donné de faire pour Jésus dans les mystiques rencontres que vous avez avec Lui dans la sainte communion, il vous est donné de le faire dans les couloirs de vos hôpitaux, dans les chambres recueillies de vos cliniques. Les heures de votre service sont les meilleures vécues par votre foi et par votre piété ; c'est vraiment là, dans l'humble dévouement, dans les incommodités et les sacrifices que ce service comporte, c'est vraiment là que vous, religieuses, pouvez donner la mesure de votre zèle pour la perfection évangélique, et vous, laïques, du niveau de votre vie religieuse, de la sincérité de votre vie chrétienne. « Reconnais, ô chrétien, ta dignité », vous dirons-Nous spécialement avec saint Léon le Grand ; sachez reconnaître l'honneur qui vous est fait, le sacerdoce particulier auquel votre profession d'infirmière vous élève.
Et sachez aussi reconnaître votre responsabilité aux yeux du monde.
Parce que c'est dans les oeuvres de miséricorde qu'est l'essence de l'Evangile (et la preuve en est dans les paroles mêmes du Christ Juge qui n'admettra pas dans le royaume éternel celui qui n'aura pas eu le culte pratique de la miséricorde), vous, comme tous ceux qui sont plus directement appelés à soulager les afflictions du corps et de l'esprit, vous êtes les pages vivantes de ce grand Livre divin, destinées que vous êtes à montrer au monde que le message de
Jésus-Christ n'est pas lettre morte, mais substance de vie toujours actuelle et toujours en action ; cette vie qui vise à convertir le monde de l'égoïsme à l'amour et à donner — et non seulement à promettre — ce soulagement et cette paix dont Jésus a dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés de fardeaux et je vous réconforterai... et vous trouverez la paix dans vos âmes. »
Nous n'hésitons pas à le dire : la vraie, la vivante, la quotidienne apologie de l'Evangile, c'est vous qui l'êtes, vous, chères infirmières catholiques, aux yeux du monde qui voudrait parfois mettre cet Evangile hors de la réalité, au rang des rêves généreux, des généreuses utopies. Et vous, épouses du Christ, qui par votre habit invitez le monde à regarder comment passe en acte l'enseignement de Jésus, vous devez sentir vivement cette grande responsabilité ; par votre douceur imperturbable, par votre héroïque patience, par votre travail silencieux, vous voulez forcer tous les hommes à reconnaître, secrètement sinon toujours ouvertement, la vérité, la bonté, la beauté de notre profession chrétienne.
Que le Seigneur vous accorde à toutes de comprendre toujours ainsi, hautement, chrétiennement, votre mission.
Et pendant que dans ce but de l'intime de Notre coeur Nos voeux montent vers Dieu, Nous vous accordons à vous toutes qui êtes ici présentes, et à vos collègues de toute région, des dirigeantes aux plus humbles, dans un esprit reconnaissant et confiant la Bénédiction apostolique.
S'adressant au groupe de religieuses probanistes de l'Institut du Sacré-Coeur, le Souverain Pontife parla en français :2
Et maintenant Nous Nous adressons bien volontiers à vous, religieuses probanistes.
Votre famille religieuse est groupée sous le patronage et l'invocation du Sacré-Coeur. Ce serait assez pour vous assurer de Notre accueil bienveillant. Mais vous êtes spécialement bienvenues, à la fin de cette période de recueillement, destinée à raffermir et à développer en vous cet esprit de votre institut, que vous appelez avec une heureuse audace : « l'esprit du Sacré-Coeur ».
Aussi, en vous félicitant pour les grâces reçues jusqu'à ce jour et les mérites acquis avec ces grâces, Nous vous adressons Nos souhaits pour une longue et féconde continuation de votre apostolat.
Plus que jamais, le monde troublé a besoin de justice, de paix et de charité ; mais la plupart des hommes cherchent en vain cette triple félicité loin de sa vraie source, qui est le Sacré-Coeur de Jésus. Source de justice, puisque ce Coeur, par sa vue même et par le rappel de ses souffrances, apaise perpétuellement la colère vengeresse et justement irritée de son Père (Vindex reis irascitur Deus, sed ut Te respicit...). Source de paix, puisque jusque dans l'agonie de Gethsemani et dans son dernier battement au Calvaire, ce Coeur resta inaltérablement soumis aux volontés de son Père, règle suprême de tout ordre (Pater... fiat, non sicut ego volo...), et s'abandonna paisiblement en ses mains (Pater, in manus tuas...). Source de charité, puisque ce Coeur fut transpercé, vidé de tout son sang, pour nous prouver son amour (Maiorem caritatem nemo habet...).
Il faut donc, pour refaire une âme chrétienne à notre société moderne, la conduire à la connaissance et à l'amour de Jésus-Christ. Or, pour cela, le meilleur et le plus efficace moyen, c'est l'éducation chrétienne de la jeunesse, dans une dévotion éclairée et un don généreux de soi-même à ce Coeur divin.
Vous allez repartir de Rome, vers les contrées diverses et parfois bien lointaines, où vous appellent, par la voix de l'obéissance, les devoirs de votre apostolat. Emportez-y avec Notre Bénédiction apostolique, donnée d'un coeur tout paternel, cette parole que votre sainte fondatrice redisait si volontiers aux premières religieuses du Sacré-Coeur : « Allez ! apprenez à vos filles à aimer Jésus-Christ et les âmes — et à les aimer comme II les a aimées, jusqu'au sacrifice ».
L'audience se termina par ces paroles prononcées en allemand à l'adresse des pèlerins croates : 3
Nous avons la grande joie de pouvoir saluer dans Notre maison un groupe de pèlerins croates, venus ici, sous la conduite de méritants Pères dominicains. Chers fils et chères filles ! Vous vous êtes voués de manière toute particulière à la dévotion, au service et à l'imitation de la Reine du saint Rosaire. Devenez des catholiques à la foi fervente, à la vie sainte et étroitement unis au Christ par la Vierge Marie. Le catholique intérieur vivant parfaitement selon sa foi est le plus fort et finalement l'inébranlable appui dont l'Eglise catholique puisse disposer dans les difficultés religieuses actuelles.
Travaillez, priez et sacrifiez-vous, sous la conduite et la protection puissante de la Mère de Dieu, pour la défense de la justice, l'épanouissement intérieur et l'influence culturelle de la foi catholique au sein du vaillant peuple croate et dans toute votre patrie.
En gage de quoi, Nous vous accordons de tout coeur à vous tous, ici présents, à vos proches demeurés à la maison et, par-dessus tout aux enfants de vos familles, la Bénédiction apostolique.
(12 juillet 1939) 1
Cette audience rassemblait autour du Souverain Pontife des couples de nouveaux époux, un pèlerinage de Terni et des prêtres du diocèse de Milan. A chaque groupe Pie XII adressa sa parole de père et de chef.
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 247 ; cf. la traduction française des Discours aux jeunes époux, t. I, p. 38.
Aux jeunes époux :
Parmi les groupes de fidèles qui se relaient sans cesse devant le Vicaire du Christ, Nous remarquons toujours avec une particulière satisfaction les nombreux couples de jeunes époux. Don précieux, inestimable, que ces jeunes familles chrétiennes, qui viennent de naître d'un grand sacrement institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même pour sanctifier les noces, et avec elles, la famille naissante, ses bourgeons et ses fruits.
Fondement et garantie de la famille chrétienne : le sacrement.
Nous désirons vous rappeler un enseignement du catéchisme : la famille chrétienne est fondée sur un sacrement. C'est dire qu'il ne s'agit pas d'un simple contrat, d'une simple cérémonie ou d'un appareil extérieur destiné à marquer une date importante de la vie ; au contraire, il y a là, au sens vrai et propre du mot, un acte religieux de vie surnaturelle, d'où découle comme un droit permanent d'obtenir de Dieu toutes les grâces, tous les secours nécessaires et utiles pour sanctifier la vie du mariage, pour accomplir les devoirs de l'état conjugal, pour en surmonter les difficultés, en maintenir les résolutions et en atteindre l'idéal le plus élevé 2.
Par l'élévation du mariage chrétien à la dignité de symbole permanent de l'indissoluble union du Christ et de l'Eglise, Dieu s'est porté garant de ces grâces. Nous pouvons par conséquent affirmer que la famille chrétienne, chrétienne en vérité et en vitalité, est une garantie de sainteté. Pareil à une rosée rafraîchissante, ce bienfaisant influx sacramentel fait croître autour de la table comme de nouveaux plants d'oliviers (Ps 128,3). Dans la famille chrétienne régnent l'amour et le respect mutuels ; les enfants y sont attendus et reçus comme des dons de Dieu, comme des dépôts à garder avec un soin vigilant. Si la douleur et l'épreuve entrent au foyer, elles n'y apportent pas le désespoir ou la révolte, mais la confiance sereine qui, tout en adoucissant les inévitables souffrances, en fait un moyen providentiel de purification et de mérite. Ecce sic benedicetur homo qui timet Dominum, « voilà comment sera béni l'homme qui craint le Seigneur » (Ps 128,4).
Ces fruits, vous ne pouvez les récolter que dans le foyer chrétien. La famille dépouillée de son caractère sacré, éloignée de Dieu et partant privée de la bénédiction divine sans laquelle rien ne peut prospérer, cette famille-là est ébranlée jusque dans ses fondements et exposée à tomber, tôt ou tard, dans 'la décomposition et la ruine, comme Nous le montre une continuelle et douloureuse expérience.
C'est parce que vous avez compris ces vérités que vous êtes venus demander et recevoir la bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ. Vous voyez dans cette bénédiction comme le renouvellement et la confirmation de celle qui du ciel est descendue sur vous en la journée, récente encore, de vos noces. Vous en attendez un surcroît d'énergie et de secours, pour donner à vos familles ce caractère profondément chrétien qui est une garantie de vertu et de sainteté.
Lorsque vous tournez la pensée vers la maison qui vous vit naître et vers les premiers visages que vous avez rencontrés dans votre enfance, et lorsque de là vous remontez les années et repassez en esprit les vicissitudes de votre vie, tout ce que vous trouvez de bon en vous, vous sentez que vous le devez, pour une grande part, à un père sage, à une mère vertueuse, à une famille chrétienne.
Dans ces vifs et sincères sentiments de gratitude que vous éprouvez envers le Seigneur et envers vos parents, qui furent fidèles à leur mission, Nous aimons à voir un augure que vos familles, sur lesquelles Nous invoquons de tout cceur les bénédictions du ciel, seront, elles aussi, profondément chrétiennes.
Aux pèlerins de Terni :
A la piété des nouveaux époux, qui veulent que soit sanctifié par la bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ le début de leur vie conjugale, s'associe la piété de Nos bons fils de Terni qui, sous la direction de leur zélé pasteur — prompt aux belles initiatives comme à l'éloquente parole — demandent au Père commun de bien vouloir consacrer par sa bénédiction leur pieux pèlerinage au sanctuaire de Pompéi.
Si leur bref arrêt de Rome qui leur donne le réconfort de se prosterner devant la tombe des Princes des Apôtres leur est agréable, non moins agréable est pour Nous cette visite par la circonstance qui en donne le motif. Elle permet à Notre particulière piété envers la Vierge bénie d'être comme présent au milieu d'eux dans ce tendre hommage à la Mère céleste et de porter à ses pieds, avec la plus grande confiance qui vient de la foi de tous, leurs intentions et les Nôtres.
Oui, bien-aimés fils, il Nous est cher de faire Nôtres vos intimes désirs, vos secrètes douleurs, vos ardentes espérances, et de présenter tout cela à Dieu avec une affection paternelle, par les mains de Notre commune avocate. Par le coeur qui ne connaît pas les distances, Nous sommes avec vous pour Lui recommander vos personnes, vos familles, votre cité. Pour chacun d'entre vous, Nous demandons par-dessus tout la grâce inestimable d'une vie chrétienne fervente, conforme aux principes que vous professez et par suite resplendissante des vertus évangéliques aux yeux du monde. Pour vos familles, Nous demandons l'union et la concorde, fruits de la compréhension mutuelle, de l'humilité sincère et de la douceur, de fréquents et volontaires sacrifices de Pégoïsme et des intérêts propres.
Pour votre cité laborieuse et qui ne connaît pas le repos, Nous demandons la gloire de pouvoir mettre toujours ses multiples activités industrielles au service des oeuvres de civilisation et de paix.
Pour tous, Nous demandons à Dieu, par l'intercession de la Vierge, le don de ce vif sentiment religieux, de cette foi éveillée et active qui sont pour les individus, pour les familles, pour les peuples, les premiers facteurs d'élévation morale, de vraie civilisation, de grandeur sans apparence, et qui portent tous avec eux et toujours (même dans les maux de la vie) le secret du bonheur.
Cependant, alors qu'il Nous est agréable d'exprimer ces voeux paternels et ces prières pour Nos chers pèlerins de Pompéi, Nous avons un message à vous confier dans votre pieux pèlerinage. Nous aussi, vous ne l'ignorez pas, Nous avons des douleurs, des désirs, des espérances qui ne touchent pas tellement Notre personne que Notre grande famille chrétienne, mais aussi toute la famille humaine (parce que le Seigneur est mort pour tous) ; douleurs par lesquelles Nous apportons l'accomplissement dans l'Eglise à ce qui reste des souffrances du Christ ; désirs qui sont ceux de tous les honnêtes gens, mais aussi de toute l'humanité saine ; espérances qui sont fondées sur Dieu bien plus que sur les hommes.
De ces besoins et de ces sentiments, Nous voulons que vous soyez Nos fidèles messagers auprès de PAuxiliatrice des chrétiens, pleinement confiants en Celle qui, sous le signe du Rosaire, a obtenu autrefois pour le peuple de Dieu de triompher de ses ennemis. Qu'elle obtienne, la céleste Reine, à ses fidèles dévots mais aussi à tous les hommes de triompher d'eux-mêmes, et, vainqueurs de leurs propres cupidités, passions et ambitions, de retrouver ou de trouver finalement la confiance réciproque, le sens de la modération, l'inestimable bienfait de la paix.
C'est avec ces souhaits que Nous vous remercions de votre visite et plus encore des prières que vous ferez pour Nous dans votre pèlerinage à Pompéi. Et anticipant avec vous sur la joie dont vous remplira certainement votre visite à la Vierge du Rosaire, Nous donnons de tout coeur à Notre bien-aimé Frère, votre pasteur, et à vous tous en particulier et à vos familles, à vos travaux et entreprises la Bénédiction apostolique.
Aux prêtres jubilaires de Varchidiocèse de Milan :
Et Nous voici à vous, chers vétérans du sacerdoce, que les vingt-cinq années ou les quarante années écoulées depuis votre sainte ordination font penser au passé, font penser à l'avenir. Si les souvenirs joyeux ou tristes vous reviennent à l'esprit, ils vous invitent surtout à une vue plus sérieuse de vos pénibles devoirs et de vos responsabilités devant Dieu et devant les hommes.
C'est là une date, la vôtre, qui est aussi la Nôtre, à laquelle plus que la fête s'impose le recueillement de l'esprit ; et, dans le recueillement, voici monter du fond de votre mémoire, oh ! combien de paroles d'avertissement et quelles paroles ! Celle-ci, par exemple : « Qui travaille au service de Dieu doit éviter de se mêler d'affaires séculières, afin de plaire à celui à qui il s'est dévoué » (2Tm 2,4). Et cette autre du même apôtre, dans la même lettre : « Je t'adjure de faire revivre la grâce de Dieu qui est en toi par l'imposition de mes mains » (2Tm 1,6). Et encore : « Ne néglige pas la grâce qui est en toi... Veille sur ta personne et sur ton enseignement ; persévère en ces dispositions. En le faisant, tu te sauveras toi-même et tu sauveras ceux qui t'écoutent. » (1Tm 4,14-16).
Heureux êtes-vous, bien chers frères, si, à ces appels de la diane, votre conscience n'a aujourd'hui que d'heureuses réactions ! De toute façon, bienheureux si, quelle qu'en doive être la réaction, les paroles de l'apôtre que Nous venons de citer, et d'autres encore, suscitent en vous, au vingt-cinquième ou au quarantième anniversaire de votre première messe, la résolution d'une plus ardente manière de vivre sacerdotale, animée d'une foi active, dans la charité, dans l'apostolat, dans le dévouement, dans le sacrifice, de sorte que plus rien ne se perde de votre sacerdoce dans la phase dernière et plus solennelle de son ascension.
Puissiez-vous dans cette dernière phase jouir chaque jour des saints enthousiasmes des prémices de votre sacerdoce ! Puissiez-vous vous sentir toujours et jusqu'à la dernière heure prêtres, dans la jeunesse du coeur et la maturité de l'esprit, ardents de bonne volonté ! Quelle plus grande récompense pour le prêtre de Jésus-Christ que de pouvoir dire au dernier jour : « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai conservé la foi » (2Tm 4,7).
Pour que cette récompense unique et inestimable vous soit réservée à tous, Nous élevons ici avec vous Nos voeux et Nos prières vers le Seigneur, pendant que de tout coeur Nous vous donnons à tous, comme aussi à ceux qui vous sont chers et aux âmes qui vous sont confiées, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CHILIEN
(12 juillet 1939) 1
A un groupe de pèlerins du Chili venus à Rome lui présenter leurs hommages filiaux, le Saint-Père adressa ces paroles d'encouragement et d'exhortation :
Nous voulons aujourd'hui adresser un salut spécialement cordial à Nos fils et filles très aimés que Notre Vénérable et très estimé Frère, l'évêque de Puerto Montt, a conduits jusqu'à Nous depuis le lointain Chili. Vous venez effectivement de terres lointaines, fils très chers. Cependant, Nous pouvons dire avec raison que plus lointaine est votre patrie, plus grande est Notre joie de pouvoir vous saluer dans cette maison du Père commun.
Pour vous et pour tous les fils de l'Eglise catholique au Chili, Nous voulons adresser aujourd'hui une parole de spéciale exhortation : reconnaissez l'importance et le sérieux que le moment présent revêt en la vie religieuse et la vraie félicité de votre peuple. Maintenez ferme et vaillante votre foi catholique et votre union en les portant dans la vie quotidienne jusqu'à ses dernières conséquences, parmi lesquelles se trouve aussi la vie sociale et publique. Assurez à votre jeunesse des écoles catholiques. Quand il s'agira de porter remède aux misères des pauvres et d'ouvrir le chemin à la justice et à la charité, signalez-vous entre tous comme les premiers, les premiers en esprit d'initiative et en esprit de sacrifice. Tel est le chemin que Nous ont montré Nos prédécesseurs, depuis que, votre indépendance politique à peine acquise, vous avez été la première république de langue espagnole à se rapprocher du trône de Pie VII, de sainte mémoire. C'est à vous qu'il revient maintenant de mettre ces conseils en pratique au Chili. Ainsi vous vous libérerez vous-mêmes et vous libérerez votre peuple des fausses maximes que l'erreur répand et vous arriverez à ramener au bercail les brebis égarées.
Nos espérances, Notre amour et Nos prières suivent de très près les vicissitudes de l'Eglise catholique chilienne. Nous désirons aujourd'hui la placer et vous placer sous la protection maternelle et puissante de la Vierge immaculée. Et à vous-mêmes, à tous ceux que vous portez dans votre esprit et dans votre coeur et à tout le peuple chilien qui Nous est si cher, Nous donnons du plus intime de Notre coeur, comme le gage de la force, de la vertu et de l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Bénédiction apostolique.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE « PAX ROMANA »
(18 juillet 1939) 1
A l'occasion du Congrès international de « Pax Romana » tenu à fin juillet à Washington, le Souverain Pontife a fait parvenir ses encouragements par une lettre de S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à M. Rudi Salât, secrétaire administratif de l'association.
Il m'est bien agréable de transmettre aux dirigeants et aux membres de l'Association « Pax Romana », à l'occasion du Congrès international qui doit se tenir à Washington le mois prochain, les augustes encouragements du Saint-Père et ses voeux pour la réussite du Congrès et la réalisation toujours plus parfaite du programme que vous vous êtes tracé.
Sa Sainteté estime que votre activité peut procurer les meilleurs résultats dans le domaine de l'éducation chrétienne comme en ce qui concerne l'Action catholique dans les milieux universitaires.
Aussi est-ce avec les sentiments d'une toute paternelle complaisance que le Souverain Pontife accorde à l'Association, à son prochain congrès international, une grande et particulière Bénédiction apostolique, gage des divines grâces.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DE NOMBREUX AUTRES GROUPES DE PÈLERINS
(19 juillet 1939) 1
Accueillant de nombreux couples de jeunes époux, le Saint-Père leur exposa les trésors que procure l'union intime avec Dieu, l'un des plus précieux étant la vraie paix du foyer.
Le voeux que reçoivent les jeunes époux sont toujours et partout les mêmes : des voeux de bonheur. C'est l'expression première et entière des sentiments et des souhaits des parents, des amis, de tous ceux qui prennent part à leur joie.
C'est aussi la prière par laquelle l'Eglise termine la messe de mariage : Quos legitima societate connectis, longaeva pace custodias. « Dieu tout-puissant, conservez dans une longue paix ceux que vous unissez par un lien légitime. »
C'est également le voeu paternel que Nous adressons aux époux qui viennent à Rome implorer la bénédiction apostolique, gage de faveurs célestes, de paix, de bonheur pour tous ceux qui la reçoivent.
Pax vobis ! La paix soit avec vous ! Nous vous adressons aujourd'hui ce voeu profondément chrétien, précieux legs du divin Maître, et il Nous plaît d'en relever la haute signification.
La paix, source de vrai bonheur, ne peut venir que de Dieu, elle ne peut se trouver qu'en Dieu : « Seigneur, vous nous avez créés pour vous, et notre coeur est sans repos tant qu'il ne repose pas en vous ! » Aussi n'est-ce qu'au ciel, dans la vision de la divine essence, que l'homme connaîtra le bonheur absolu, le bonheur entier et parfait. Mais au milieu même de la vie terrestre, la condition fondamentale de la vraie paix et de la sainte joie est l'abandon amoureux et filial à la volonté divine. Tout ce qui relâche et affaiblit cette conformité, tout ce qui atténue et brise cette union, est en opposition avec la paix, avant tout et surtout le péché. Le péché est rupture et désunion, désordre et trouble, remords et crainte, et ceux qui résistent à la volonté de Dieu n'ont pas et ne peuvent pas avoir la paix : Quis restitit ei et pacem habuit ? « Qui lui a résisté et est demeuré en paix ? » (Jb 9,4). Au contraire la paix est l'heureux partage de ceux qui observent la loi de Dieu : Pax multa diligentibus legem tuam ! « Grande est la paix pour ceux qui aiment votre loi. » (Ps 118,165).
C'est sur ce solide fondement que les époux et parents chrétiens bâtissent le bonheur de leur foyer et qu'ils établissent la paix de leur famille. Tout imprégnée d'amour et de charité, la famille chrétienne fuit Pégoïsme et la recherche des propres satisfactions. Ainsi, alors même que disparaissent les fugaces attraits des sens, alors que se fanent et tombent, l'une après l'autre, les fleurs de la junévile beauté, alors que l'imagination voit s'évanouir ses illusions d'antan. même alors il reste toujours entre les deux époux, entre les parents et les enfants, il reste le lien des coeurs, il reste la grande âme de la vie domestique, l'immuable amour, et avec lui le bonheur et la paix.
Celui, au contraire, qui tient le rite sacré des noces chrétiennes pour une simple cérémonie extérieure qu'on accomplit pour suivre une coutume, celui qui y apporte une âme en état de péché grave, et par là profane le sacrement du Christ, celui-là tarit la source de grâces surnaturelles destinées, dans les admirables desseins de la Providence, à féconder le jardin de la famille, à faire éclore les fleurs des vertus chrétiennes et mûrir les fruits de la vraie paix et de la joie la plus pure.
Ces familles inaugurées dans le péché donneront contre les écueils à la première tempête, ou bien, comme un navire abandonné aux flots, elles iront à la dérive de doctrines qui, sous les apparences de liberté ou de licence, préparent l'esclavage le plus dur. Les profanateurs de la famille n'auront pas la paix. Seule la famille chrétienne, docile aux lois du Créateur et du Rédempteur et soutenue par la grâce, est une garantie de paix.
Telle est, jeunes époux, la portée de Notre ardent et sincère souhait paternel ; paix avec Dieu dans la dépendance de sa volonté, paix avec les hommes dans l'amour de la vérité, paix avec soi-même dans la maîtrise des passions : triple paix qui est le seul vrai bonheur dont puisse jouir notre pèlerinage terrestre. Que de ce grand bien vous soit un gage la paternelle bénédiction que Nous vous donnons de tout coeur.
A la même audience étaient reçus les enfants d'Action catholique lauréats du Prix de Rome de culture religieuse, les membres du Chapitre général de l'Institut de la Consolata, les directrices des écoles professionnelles pour infirmières, les religieuses probanistes de l'Institut du Sacré-Coeur et un groupe de pèlerins croates. Le Souverain Pontife s'adressa successivement à chacun des groupes.
Aux enfants de l'Action catholique, lauréats du Prix de Rome.
En parlant aux nouveaux époux, à ceux qui sont appelés par Dieu comme à présider aux sources mêmes de la vie et lui en ouvrent le cours, Notre pensée et Notre coeur allaient naturellement au groupe plein de vie des enfants venus de toutes les parties d'Italie pour Nous apporter les fruits de leur premier apostolat et recueillir la récompense de leurs victoires catéchistiques et de la fidélité à leurs devoirs. Ce sont les braves vainqueurs du Prix de Rome ; mais, derrière eux, il y a toute une armée d'enfants dévoués comme eux au Vicaire de Jésus-Christ, heureux de se sentir liés par lui, avec leurs compagnons qui les représentent, dans une pacifique croisade de prières et de bouquets spirituels, vivement désireux de lui offrir leurs dons et de se préparer à être dans le monde des hérauts de sa parole et des champions de vie chrétienne.
A ces chers enfants qui sont Nos espoirs comme ils le sont de la famille et de la société, Nous voulons ouvrir Notre coeur, plein de gratitude et d'affection, mais par-dessus tout rempli de ce désir que Jésus exprimait un jour, quand ayant placé un enfant au milieu de ses disciples, il dit cette parole : « Si vous ne devenez comme cet enfant, vous n'entrerez point dans le Royaume des Cieux » (Mt 18,3). L'enfant est donc le modèle de tous ceux qui suivent le Christ ; et le désir ardent de son coeur divin était que les vertus de l'enfant demeurent dans la vie de tous, sans distinction.
Ecoutez bien, chers petits, vous comme les autres, vous deviendrez adultes, progressant à travers les différents âges de l'homme, par les années, par la stature, par le savoir ; vous deviendrez cultivés, chacun dans le champ de sa vocation propre, pour donner à la société ce que vous en recevez aujourd'hui : vos forces physiques, vos forces intellectuelles, l'intelligence avec ses connaissances et sa doctrine, la volonté avec ses initiatives et ses hardiesses. Eh bien ! avec tout cela, vous ne serez pas vraiment chrétiens, sinon pour autant que vous ferez aussi vôtres les vertus particulièrement propres aux enfants et que vous ne les abandonnerez plus votre vie durant. Vous aimerez toujours l'obéissance et la discipline, même si on vous enseigne par ailleurs que l'homme est maître absolu de lui-même. Vous garderez précieusement votre simplicité, même si vous voyez autour de vous triompher l'astuce et la tromperie. Vous serez sincères avec tous, comme vous l'êtes maintenant avec votre maman, même si vous voyez honorés les hypocrites et les menteurs. Vous maintiendrez votre coeur ouvert comme aujourd'hui à la compassion, plein de douceur et d'amour pour tous, prompt à oublier les offenses, même s'il vous arrive d'entendre que le mal se paie par le mal. Par-dessus tout, vous garderez jalousement votre innocence, même si autour de vous vous voyez peut-être le péché dans ses plus pénibles manifestations et que, chez vous ou en dehors, vous entendez dire que le bonheur de l'homme est dans le plaisir. Voilà comment vous devez vous conserver toujours semblables aux petits pour entrer dans le Royaume des Cieux. Ainsi, vous serez en même temps dans la vie terrestre des hommes francs, purs, forts, utiles à vous-mêmes, à la famille, à la patrie, fidèles au devoir, rompus au sacrifice, capables de tous les héroïsmes. Ainsi vous veut Jésus-Christ. Ainsi voulez-vous être, chers enfants, comme le dit clairement votre présence ici et le confirme votre amour de la doctrine chrétienne, vos efforts pour vous signaler dans la science de la religion, vos bouquets spirituels, l'obole de votre charité.
Afin que vous restiez toujours tels, dignes fils de l'Eglise et de la société et que règne toujours dans votre coeur vive et pleine votre joie candide, Nous demandons pour vous l'assistance particulière de l'Esprit d'amour et, d'un amour paternel, Nous souvenant de ce Jésus qui vous préférait et vous imposait ses mains, en son Nom, Nous vous bénissons avec tous vos compagnons ici présents en esprit, avec vos familles et les leurs et avec tous ceux qui s'occupent de votre formation chrétienne : déléguées, prêtres, membres du Conseil supérieur, auxquels il Nous est extrêmement agréable d'exprimer ici Notre paternelle reconnaissance.
Ils remplissent, au nom de Jésus-Christ, une bien haute mission, hérissée de gênes, de renoncements, de sacrifices et pour cette raison non moins méritoire devant Dieu que celle à laquelle consacrent leur vie les pionniers de l'Evangile, les missionnaires proprement dits. Nous les associons volontiers à ceux-ci dans le remerciement et la prière et Nous sommes très heureux que le Chapitre général de l'Institut missionnaire de la Consolata Nous offre ici-même la sympathique opportunité de voir en présence l'un de l'autre comme les états-majors de deux armées qui, dans des champs différents et avec des armes diverses, combattent avec le même esprit la même bataille pour le même Auguste nom.
ux membres du Chapitre général de l'Institut de la Consolata.
Ayant salué et encouragé les uns, il Nous est agréable d'exprimer aux autres les sentiments de Notre particulière gratitude et de Notre affection. Dans le travail patiemment accompli pour donner une nouvelle impulsion à leurs missions selon les exigences modernes du temps et des lieux, les membres du Chapitre général de la Consolata Nous donnent la preuve tangible de la vitalité toujours accrue de leur Institut, de leur ferme volonté de proportionner leur action aux besoins et du contrôle toujours vigilant qu'il entend exercer sur toutes les formes de leur propre activité pour assurer à celle-ci, par une plus grande fidélité aux directives suprêmes, un meilleur rendement. En donnant impulsion à ses missions, où le bien qu'il a réalisé jusqu'à présent et continue à réaliser avec tant d'honneur est si grand, l'Institut de la Consolata, outre qu'il répond à merveille à ses saintes fins, pourvoit de la meilleure manière à son plus sûr développement et à la conservation de cet esprit d'apostolat qu'il porte en lui dès sa naissance et dans lequel se trouve la garantie assurée de son existence solidement établie qui a produit de larges fruits dans le champ mystique du père de famille.
Ainsi, fils bien-aimés, tout en vous remerciant de la résolution que vous avez renouvelée de travailler le terrain ardu qui vous est assigné par la Providence divine et en vous félicitant avec votre Supérieur général qui, confirmé dans sa charge, renouvelle lui-même son intelligent, amoureux et fécond dévouement à l'Institut, Nous adressons à Dieu louange et reconnaissance pour le grand bien qui s'accomplit par vous tous et qui se recueille dans les régions où les campagnes blanchissent pour la moisson et dans celles où la faux déjà récolte. Réconforté par la ferveur unanime qui a animé votre Chapitre général et par l'expérience d'un passé aussi fructueux, Nous avons raison d'attendre de très grands fruits de votre activité au service de l'Eglise et des âmes. Il Nous est agréable de former aujourd'hui pour cette activité tous Nos voeux, demandant à Dieu qu'il accroisse votre nombre, mais plus encore qu'il maintienne entier et pur votre esprit ; qu'il vous donne à tous une haute conscience de votre sublime vocation, qui fasse fleurir au milieu de vous dans les âmes, pour l'édification des hommes et la gloire de Dieu, les plus belles vertus de l'Evangile.
C'est dans ces sentiments que Nous saluons la nouvelle période de travail qui s'ouvre devant vous, pleine d'espoirs et de promesses ; et, dans la ferme confiance que, sous l'égide de la Mère de Dieu que vous honorez et faites honorer si tendrement, toutes vos oeuvres continueront à prospérer et votre famille religieuse à se sanctifier dans le bien, Nous vous accordons à tous, mais avec une affection particulière à vos dignes et valeureux évêques et préfets apostoliques ici présents, à votre Supérieur général, à vos confrères proches et lointains, par-dessus tout à tous ceux qui, dans les missions étrangères, consacrent généreusement leurs forces et leur vie, Notre paternelle et propitiatrice Bénédiction apostolique.
Aux directrices des écoles professionnelles pour infirmières.
Mais Nous devons Notre Bénédiction aussi à une troisième et spéciale classe de missionnaires conduits ici par l'aimable Providence. Ils sont les hérauts de l'Evangile dans celui de ces secteurs qui mérite tellement les recommandations du divin Maître : le secteur de la miséricorde corporelle (Mt 25,31 et suiv.). Celui qui, dans la ligne de la charité fraternelle, promet la récompense même à un verre d'eau donné en son nom (Mt 10,42), conclut sa prédication proprement dite par l'exaltation des oeuvres de miséricorde (Mt 26,1) et fait de l'assistance aux malades une des notes distinctives de l'admission au royaume éternel. « J'ai été malade, dira-t-il un jour aux élus, et vous êtes venus me visiter. » En lisant ces paroles, on ne peut pas ne pas être émus, tendrement émus, à la pensée que, dans la personne du malade, c'est Lui-même, Jésus, qui reçoit des frères le bienfait de l'assistance, en prend note, et s'en souvient pour régler au dernier jour tout compte avec munificence.
De tous ceux qui, à des titres particuliers, sont des messagers de la Bonne Nouvelle, Nous avons ici des représentants autorisés, les directrices de toutes les écoles-convicts professionnelles pour infirmières, venues de toutes les parties d'Italie pour des réunions de caractère technique et d'organisation. Sous l'habit religieux ou laïque, ces vaillantes femmes confirment ici la haute conscience charitable et religieuse dont elles entendent s'inspirer dans l'exercice de leurs devoirs secourables.
En parfaite harmonie aussi en ceci avec les directives particulières des autorités dont elles dépendent, sous la présidence de l'auguste et bienfaisante dame qu'est S. A. R. la princesse de Piémont, elles veulent faire de leur assistance aux malades une oeuvre de charité chrétienne. Animées en effet de la foi en Jésus-Christ et membres vivants de son corps mystique, elles veulent unir le sentiment à l'action, la compassion fraternelle au don matériel, et, s'efforçant d'appliquer à leur très noble profession les principes chrétiens, elles veulent en tout être digne de la divine mission à laquelle est élevée dans l'Evangile l'assistance aux plus petits de Jésus-Christ. A qui le comprend ainsi, il n'est pas difficile de rappeler sa dignité et sa responsabilité. Vous êtes, dirons-Nous volontiers à ces chères filles présentes ou lointaines, vous êtes les aides compatissantes du Christ dans ses membres mystiques. Malade, il est confié à vos mains maternelles, à votre délicatesse féminine, à votre compassion intelligente, à votre heureuse intuition des besoins de chaque maladie, à votre coeur qui sait et qui devine combien souffre dans son âme celui qui est malade dans son corps. Parce que Jésus est dans chaque malade, même mauvais, même ignorant de Lui, vous serez pour Lui ce que furent la bonne et accueillante Marthe, la compatissante Véronique, les pieuses femmes de Jérusalem. Ce qu'il ne vous est pas donné de faire pour Jésus dans les mystiques rencontres que vous avez avec Lui dans la sainte communion, il vous est donné de le faire dans les couloirs de vos hôpitaux, dans les chambres recueillies de vos cliniques. Les heures de votre service sont les meilleures vécues par votre foi et par votre piété ; c'est vraiment là, dans l'humble dévouement, dans les incommodités et les sacrifices que ce service comporte, c'est vraiment là que vous, religieuses, pouvez donner la mesure de votre zèle pour la perfection évangélique, et vous, laïques, du niveau de votre vie religieuse, de la sincérité de votre vie chrétienne. « Reconnais, ô chrétien, ta dignité », vous dirons-Nous spécialement avec saint Léon le Grand ; sachez reconnaître l'honneur qui vous est fait, le sacerdoce particulier auquel votre profession d'infirmière vous élève.
Et sachez aussi reconnaître votre responsabilité aux yeux du monde.
Parce que c'est dans les oeuvres de miséricorde qu'est l'essence de l'Evangile (et la preuve en est dans les paroles mêmes du Christ Juge qui n'admettra pas dans le royaume éternel celui qui n'aura pas eu le culte pratique de la miséricorde), vous, comme tous ceux qui sont plus directement appelés à soulager les afflictions du corps et de l'esprit, vous êtes les pages vivantes de ce grand Livre divin, destinées que vous êtes à montrer au monde que le message de
Jésus-Christ n'est pas lettre morte, mais substance de vie toujours actuelle et toujours en action ; cette vie qui vise à convertir le monde de l'égoïsme à l'amour et à donner — et non seulement à promettre — ce soulagement et cette paix dont Jésus a dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés de fardeaux et je vous réconforterai... et vous trouverez la paix dans vos âmes. »
Nous n'hésitons pas à le dire : la vraie, la vivante, la quotidienne apologie de l'Evangile, c'est vous qui l'êtes, vous, chères infirmières catholiques, aux yeux du monde qui voudrait parfois mettre cet Evangile hors de la réalité, au rang des rêves généreux, des généreuses utopies. Et vous, épouses du Christ, qui par votre habit invitez le monde à regarder comment passe en acte l'enseignement de Jésus, vous devez sentir vivement cette grande responsabilité ; par votre douceur imperturbable, par votre héroïque patience, par votre travail silencieux, vous voulez forcer tous les hommes à reconnaître, secrètement sinon toujours ouvertement, la vérité, la bonté, la beauté de notre profession chrétienne.
Que le Seigneur vous accorde à toutes de comprendre toujours ainsi, hautement, chrétiennement, votre mission.
Et pendant que dans ce but de l'intime de Notre coeur Nos voeux montent vers Dieu, Nous vous accordons à vous toutes qui êtes ici présentes, et à vos collègues de toute région, des dirigeantes aux plus humbles, dans un esprit reconnaissant et confiant la Bénédiction apostolique.
S'adressant au groupe de religieuses probanistes de l'Institut du Sacré-Coeur, le Souverain Pontife parla en français :2
Et maintenant Nous Nous adressons bien volontiers à vous, religieuses probanistes.
Votre famille religieuse est groupée sous le patronage et l'invocation du Sacré-Coeur. Ce serait assez pour vous assurer de Notre accueil bienveillant. Mais vous êtes spécialement bienvenues, à la fin de cette période de recueillement, destinée à raffermir et à développer en vous cet esprit de votre institut, que vous appelez avec une heureuse audace : « l'esprit du Sacré-Coeur ».
Aussi, en vous félicitant pour les grâces reçues jusqu'à ce jour et les mérites acquis avec ces grâces, Nous vous adressons Nos souhaits pour une longue et féconde continuation de votre apostolat.
Plus que jamais, le monde troublé a besoin de justice, de paix et de charité ; mais la plupart des hommes cherchent en vain cette triple félicité loin de sa vraie source, qui est le Sacré-Coeur de Jésus. Source de justice, puisque ce Coeur, par sa vue même et par le rappel de ses souffrances, apaise perpétuellement la colère vengeresse et justement irritée de son Père (Vindex reis irascitur Deus, sed ut Te respicit...). Source de paix, puisque jusque dans l'agonie de Gethsemani et dans son dernier battement au Calvaire, ce Coeur resta inaltérablement soumis aux volontés de son Père, règle suprême de tout ordre (Pater... fiat, non sicut ego volo...), et s'abandonna paisiblement en ses mains (Pater, in manus tuas...). Source de charité, puisque ce Coeur fut transpercé, vidé de tout son sang, pour nous prouver son amour (Maiorem caritatem nemo habet...).
Il faut donc, pour refaire une âme chrétienne à notre société moderne, la conduire à la connaissance et à l'amour de Jésus-Christ. Or, pour cela, le meilleur et le plus efficace moyen, c'est l'éducation chrétienne de la jeunesse, dans une dévotion éclairée et un don généreux de soi-même à ce Coeur divin.
Vous allez repartir de Rome, vers les contrées diverses et parfois bien lointaines, où vous appellent, par la voix de l'obéissance, les devoirs de votre apostolat. Emportez-y avec Notre Bénédiction apostolique, donnée d'un coeur tout paternel, cette parole que votre sainte fondatrice redisait si volontiers aux premières religieuses du Sacré-Coeur : « Allez ! apprenez à vos filles à aimer Jésus-Christ et les âmes — et à les aimer comme II les a aimées, jusqu'au sacrifice ».
L'audience se termina par ces paroles prononcées en allemand à l'adresse des pèlerins croates : 3
Nous avons la grande joie de pouvoir saluer dans Notre maison un groupe de pèlerins croates, venus ici, sous la conduite de méritants Pères dominicains. Chers fils et chères filles ! Vous vous êtes voués de manière toute particulière à la dévotion, au service et à l'imitation de la Reine du saint Rosaire. Devenez des catholiques à la foi fervente, à la vie sainte et étroitement unis au Christ par la Vierge Marie. Le catholique intérieur vivant parfaitement selon sa foi est le plus fort et finalement l'inébranlable appui dont l'Eglise catholique puisse disposer dans les difficultés religieuses actuelles.
Travaillez, priez et sacrifiez-vous, sous la conduite et la protection puissante de la Mère de Dieu, pour la défense de la justice, l'épanouissement intérieur et l'influence culturelle de la foi catholique au sein du vaillant peuple croate et dans toute votre patrie.
En gage de quoi, Nous vous accordons de tout coeur à vous tous, ici présents, à vos proches demeurés à la maison et, par-dessus tout aux enfants de vos familles, la Bénédiction apostolique.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Pie XII 1939
DISCOURS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES CHANOINESSES RÉGULIÈRES DE SAINT-AUGUSTIN
(21 juillet 1939) 1
Recevant en audience spéciale les religieuses venues à Rome pour participer au Chapitre général des chanoinesses régulières de Saint-Augustin de l'Union romaine, le Saint-Père leur adressa cette allocution :
Vous êtes les bienvenues auprès de Nous, chères filles de la Congrégation de Notre-Dame, à qui naguère encore Nous donnions si volontiers Notre protectorat personnel. Cette responsabilité immédiate Nous l'avons transmise à Notre cher fils le cardinal Tedeschini, que ses qualités d'esprit et de coeur désignaient spécialement pour veiller sur une congrégation enseignante comme la vôtre. Mais Nous n'avons rien perdu, pour cela, de Notre paternelle affection à votre égard.
Aussi saluons-Nous avec joie, dans ce Chapitre général, les religieuses venues de France, de Belgique, d'Angleterre et de Hollande, pour traiter les affaires de la congrégation et élire, comme elles l'ont déjà fait heureusement, celle que toutes appelleront désormais leur Mère — mot rempli de douce tendresse — en y ajoutant le titre de générale, où résonnent l'union qui fait la force, et l'obéissance qui assure les victoires.
Depuis trois siècles et demi, votre institut réalise le souhait de son fondateur, celui que l'on appelait de son vivant « le bon Père de Mattaincourt », et que l'Eglise appelle maintenant saint Pierre Fourier. S'il vous a groupées en congrégation religieuse — commençant son oeuvre avec cinq humbles filles, une nuit de Noël, à l'heure
où Jésus-Christ commença l'oeuvre rédemptrice — ce fut, selon le mot d'un historien du temps, « pour former à tout savoir utile, à toute excellente besogne, et d'abord à toutes vertus et bonne vie, les filles du monde, tant pauvres que riches ».
Cette consigne, vos devancières l'ont exécutée avec un rare courage et avec un succès auquel croyants et incroyants eux-mêmes ont rendu hommage. Les vicissitudes, par lesquelles votre famille religieuse passa, comme tant d'autres, durant la tourmente révolutionnaire et qui semblaient devoir en consommer la ruine, ont été suivies d'une vie nouvelle, plus active encore, dans laquelle il Nous plaît de discerner deux traits, en apparence contradictoires : l'un de continuité, l'autre d'innovation.
Vous restez et entendez bien rester fidèles à l'esprit de vos fondateurs : « Je veux, disait Notre Seigneur à sa servante Alix Le Clerc, je veux que les petites âmes, qui sont comme des enfants délaissés par leur mère, en aient une désormais en toi ». Or, combien de parents aujourd'hui, s'ils pensent encore à la santé et à l'avenir temporel de leurs enfants, délaissent réellement leurs âmes ! Pour ces âmes, vous travaillez — traitant, selon une autre parole que vous connaissez, « les filles pauvres comme vos soeurs, et vous appliquant à l'éducation des riches pour les rendre modestes ». Ces derniers mots ne suffiraient-ils pas à montrer que votre mission est toujours actuelle : élever chrétiennement les jeunes filles pauvres, pour leur donner des âmes de soeurs, étrangères aux haines de classes et aux antagonismes nationalistes ; élever chrétiennement les jeunes filles riches, pour leur donner la modestie des manières, des vêtements, des expressions et des sentiments eux-mêmes ?
Mais parce qu'une tradition trois fois séculaire risquerait d'être languissante ou déficiente dans ses applications, si un souffle de progrès et d'adaptation ne venait la vivifier, Nous sommes heureux de voir, avec la fidélité essentielle aux origines de l'institut, un autre trait, nouveau celui-là, dans la Congrégation de Notre-Dame au XXe siècle. Vous avez compris, dans un monde avide d'instruction et devant une jeunesse féminine menacée en bien des pays par l'éclat d'un enseignement athée, vous avez compris l'utilité de l'union entre vos diverses maisons, pour coordonner et mieux répartir ensuite, à l'aide d'une Supérieure générale, les ressources intellectuelles dont dispose l'ensemble. Et cette union, pour la rendre plus universelle et plus indestructible, vous l'avez placée sous la dépendance immédiate du Saint-Siège.
Plus que jamais, donc, vous serez filles de l'Eglise, puisque jusque dans votre nom, vous vous déclarez Romaines. Et sans doute est-ce la Providence aussi qui, par une délicate attention, vous a suggéré et permis de donner à votre maison de Rome ce surnom gracieux, illustré depuis bientôt cent cinquante ans par votre grand monastère de Paris : « la maison des Oiseaux ! » Votre saint et bon Père, dont le coeur séraphique saignait de voir capturer un oiselet, et qui, les jours de neige, faisait distribuer du grain aux moineaux transis du jardin, doit aimer ce nom des Oiseaux, avec tout le gracieux cortège de symboles qu'il éveille.
Nous souhaitons, très chères filles, que votre congrégation, comme ce nid qui figure dans vos armes, reste filialement blottie aux pieds de Notre-Dame ; et que, par cette Mère divine, descende sur vous la bénédiction promise au peuple de Dieu, selon le prophète Isaïe (Is 31,5) : « Comme les oiseaux déployant leurs ailes sur leur couvée, Jahvé Sabaoth protégera Jérusalem ».
Comme gage de ces faveurs divines, Nous vous accordons, d'un coeur tout paternel, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION AU NOUVEL AMBASSADEUR DE POLOGNE
(24 juillet 1939) 1
Après avoir reçu les lettres de créance que lui présentait S. Exc. le Dr Casimiro Papée, nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Pologne, le Souverain Pontife le remercia en ces termes :
Les paroles prononcées par Votre Excellence en Nous remettant les lettres qui l'accréditent comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Pologne — charge que remplissait déjà si dignement le regretté et inoubliable M. Wladislas Skrzynski — sont une preuve éloquente de la noblesse des sentiments avec lesquels elle assume, en un moment particulièrement important, sa haute mission. Le représentant d'une nation qui, à travers les siècles, au milieu de tant de vicissitudes, est restée unie au Saint-Siège par des liens si nombreux et si forts, peut déjà pour cela même être certain de recevoir dans la maison du Père commun de la chrétienté un accueil confiant et joyeux. Mais plus encore l'hommage ému que Votre Excellence a rendu à Notre prédécesseur Pie XI, d'immortelle mémoire, dont la figure vénérée restera toujours gravée dans l'histoire et qui fut aussi dans des temps agités un ami fidèle de la Polonia restituta a trouvé dans Notre coeur un écho reconnaissant et profond. Que Notre message au monde en faveur d'une paix vraie et solide, basée sur la justice, l'honneur et la liberté des nations, ait correspondu aux convictions intimes et aux vifs désirs du peuple polonais, et trouvé chez celui-ci une parfaite compréhension — un pareil témoignage recueilli sur des lèvres si autorisées Nous est précieux et constitue une adhésion si importante à la grande idée de la paix entre les peuples, que Nous n'hésitons pas à en exprimer ici toute Notre reconnaissance.
L'allusion faite à cette occasion par Votre Excellence au rôle prépondérant et décisif qui revient à la religion et à la morale dans les grands problèmes intéressant actuellement la vie des peuples, a aujourd'hui une importance capitale. Quand, jetant un regard en arrière sur les vicissitudes de son histoire, la nation polonaise se rappelle avec gratitude ce qu'elle a reçu dans le passé de la religion du Christ et de la civilisation occidentale grandie à l'ombre de celle-ci, elle fait une constatation, qui garde toute sa valeur pour le présent et pour l'avenir. Plus l'esprit matérialiste, qui s'éloigne des idéaux religieux du passé chrétien de l'Europe, gagne du terrain, plus l'âpre lutte pour vivre et exercer son activité induit les individus et les collectivités à la tentation d'attribuer aux facteurs de la force physique un primat immérité et destructif sur l'idée sacrée du droit, plus sont indispensables à la génération présente la sagesse édu-catrice et l'amour maternel de l'Eglise qui, au milieu des contestations et des tensions, inévitables sur terre, ne se lasse pas d'annoncer et de propager près de tous, sans distinction de nation ni de langue, l'Evangile et l'esprit de Celui dont la doctrine et la vie renferment pour toujours les fondements moraux de toute prospérité et de toute paix véritable.
L'intention exprimée par M. le président de la République de maintenir et de rendre toujours plus étroite, par le moyen de la mission confiée à Votre Excellence, les liens séculaires qui unissent la Pologne au Saint-Siège, trouvera toujours en Nous pleine compréhension et confiant appui. Aussi, en vous souhaitant, Monsieur l'ambassadeur, la plus cordiale bienvenue, Nous vous prions de vous faire l'interprète des voeux les plus ardents que Nous formons pour la personne du chef de l'Etat polonais, et, accueillant de tout coeur votre demande, Nous accordons, avec un sentiment de paternelle affection, à M. le président de la République, à toute la nation polonaise qui Nous est si chère, et d'une manière particulière à Votre Excellence, comme gage des faveurs divines, Notre Bénédiction apostolique.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA COMMISSION PONTIFICALE CENTRALE POUR L'ART SACRÉ
(30 juillet 1939) 1
Le Souverain Pontife par la lettre suivante de S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à la Commission pontificale centrale pour l'art sacré, a daigné exprimer ses voeux pour le succès de la Semaine d'art sacré organisée à Venise à l'occasion du XIIIe centenaire de la dédicace de la cathédrale de Torcello.
Le multiple et intelligent travail de préparation que déploie, en plein accord avec la Curie patriarcale de Venise, la Commission pontificale donne à l'auguste Pontife l'assurance que la VIIe Semaine d'art sacré portera aussi, comme les précédentes, la plus joyeuse abondance de fruits. Si vraiment l'art a toujours à accomplir son noble devoir en fonction de cette beauté qui trouve en Dieu son unique source, ce devoir ne sera jamais aussi noblement élevé que lorsqu'il tendra à la gloire de la Majesté divine, à l'embellissement de sa sainte maison et à l'édification du peuple fidèle.
C'est pour ce motif que Sa Sainteté est très heureuse d'adresser ses voeux augustes, en exprimant sa satisfaction que la Semaine se déroule dans un cadre de tant et de telles beautés surtout sacrées qui ne pourront pas ne pas être inspiratrices de dignes résolutions. Que l'antique basilique de Torcello, en son XIIIe centenaire, soit dans la sobre harmonie de ses lignes une voix providentielle qui rappelle les riches et admirables traditions de l'art sacré en Italie.
C'est dans cette espérance que l'auguste Pontife, pour témoigner sa satisfaction de l'union de tous ceux qui travaillent à la plus féconde réussite de la Semaine, leur envoie à tous de tout coeur, en gage de sa souveraine bienveillance, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A DES MEMBRES DE LA FAMILLE RÉGNANTE
DU MYSORE
(31 juillet 1939) 1
Son Altesse le Yuvaraja du Mysore est venu présenter à Sa Sainteté Pie XII l'hommage de dévotion du Prince régnant du Mysore. Le Saint-Père a remercié par l'allocution suivante :
C'est avec un véritable plaisir que Nous voyons auprès de Nous un membre si distingué de la maison régnante du Mysore, en la personne de Votre Altesse, accompagné de votre charmante épouse, du prince héritier et des princesses.
D'ores et déjà, Nous connaissons la bienveillance que Son Altesse le Maharajah témoigne aux catholiques de son royaume. Nous savons que ceux-ci peuvent toujours compter sur sa compréhension et sur sa sympathie à l'égard de toutes leurs entreprises dans le domaine de la religion, de l'éducation et de la charité.
Nous savons aussi à quel point Votre Altesse partage les généreux sentiments du Prince régnant et comment vous en avez donné la preuve par vos actes, en plus d'une occasion.
La réception d'aujourd'hui Nous apporte encore le témoignage et la confirmation de ce fait qui honore les gouvernants de votre pays et Nous remplit Nous-même, ainsi que les sujets catholiques de Son Altesse, de satisfaction et de joie.
Nous sommes heureux de profiter de cette insigne rencontre pour vous demander de bien vouloir vous faire, lors du retour en votre lointaine résidence, le bienveillant interprète de Notre vive gratitude envers Son Altesse le Maharajah. La magnifique séance musicale que Votre Altesse vient de Nous faire donner par de véritables maîtres de leur art, a constitué pour Nous un ravissant cadeau, choisi parmi les multiples richesses d'une culture et d'un peuple qui occupent une place éminente dans l'histoire de l'humanité et dont Nous suivrons les futurs développements avec un profond intérêt.
Tandis que Nous répandons sur les catholiques de cette distinguée délégation Notre paternelle bénédiction, Nous invoquons, sur toutes les personnes ici présentes, mais particulièrement sur Votre Altesse et sa noble famille, sur le souverain de votre pays, sur tous les habitants du Mysore, la protection du Tout-Puissant. Nous appelons enfin sur vous, du plus profond de Notre coeur, un avenir heureux et paisible et une félicité toujours grandissante.
ALLOCUTION POUR LE SOUVENIR DE SON BAPTÊME
(2 août 1939) 1
A l'hommage du chapitre des saints Celse et Julien in Urbe, l'église où Eugène Pacelli fut baptisé, le Saint-Père répondit en évoquant sa jeunesse et la grande grâce du saint baptême.
Nous vous sommes particulièrement reconnaissant, chers fils, de votre visite marquée d'une exquise délicatesse. Elle Nous procure une spéciale consolation parce qu'elle Nous atteste votre dévotion et votre souvenir et parce que, en même temps, elle Nous rappelle la grâce surnaturelle et miséricordieuse avec laquelle Dieu, pour employer les expressions du psaume (Ps 42,4), réjouit Notre jeunesse, c'est-à-dire Nous rappelle le saint baptême que Nous avons reçu dans votre église des saints Celse et Julien et par lequel Nous fûmes engendré dans le royaume de la vérité et de la grâce du Christ. Elle Nous rappelle Notre maison de famille heureuse et tranquille, située sur cette paroisse, des parents profondément pieux et des prêtres zélés, sous la conduite harmonieusement conjuguée desquels Nous fûmes élevé et Nous avons grandi dans la vivante foi catholique. Nous savons pour cela quel motif Nous avons de proclamer avec une âme reconnaissante : Quid retribuam Domino pro omnibus quae retribuit mihi f Et parce que la divine Providence, sans aucun mérite de Notre part, a voulu Nous confier la suprême charge apostolique, Nous voulons faire tout ce qui est en Notre pouvoir pour qu'en faveur de la jeunesse d'aujourd'hui exposée à tant de périls dans notre Rome, dans notre Italie et dans le monde entier, affluent aussi et en abondance les sources de la vraie foi, d'une piété vive et de la sainte joie qui débouchent dans la vie éternelle.
Aidez-Nous, chers fils, de vos prières, de vos sacrifices, de votre zèle dans cette oeuvre sainte, tandis que Nous vous accordons d'un coeur et d'une âme reconnaissants, à vous et à tous ceux qui visitent l'église qui Nous est particulièrement chère des saints Celse et Julien, la Bénédiction apostolique.
LETTRE A S. EM. LE CARDINAL PIAZZA PATRIARCHE DE VENISE POUR LE XIII\2e\0 CENTENAIRE DE LA FONDATION DE L'ÉGLISE DE TORCELLO
(9 août 1939)1
C'est un projet très opportun que Nous apprenons avec joie par votre lettre que celui de célébrer solennellement le XIIIe centenaire de la construction de l'église de Torcello située près de Venise dans l'île du même nom.
Ce temple très ancien, qui fut autrefois siège de l'église cathédrale, demeure un insigne monument de la foi et de l'art chrétien. Il est dû, en effet, à la piété des fidèles qui, fuyant les invasions barbares et l'hérésie, se sont réfugiés du littoral de l'Altinum dans l'île de Torcello et ont dédié avec un amour filial une église à la sainte Mère de Dieu. Ce même temple, aggrandi et restauré aux environs de l'an 1000, resplendit à l'heure actuelle de la majesté de sa basilique et de sa décoration de marbres et de mosaïques, et garde très religieusement, parmi d'autres reliques très vénérables, la dépouille de saint Héliodore, évêque d'Altinum et compagnon de saint Jérôme.
L'histoire tout entière de Torcello, dont la prospérité est venue du progrès de ses arts et de l'activité de son commerce, atteste la foi religieuse de ses citoyens et leur union avec l'Eglise romaine, en même temps que les hauts faits accomplis par eux.
C'est pourquoi Nous avons confiance que les solennités de ce XIIIe centenaire qui doivent être célébrées prochainement rappelle-
ront à la mémoire des habitants de Venise la religion si fervente de leurs ancêtres et apporteront des fruits salutaires et abondants au troupeau de ce patriarcat.
C'est pourquoi Nous, à qui tiennent tant à coeur le bien et le progrès des âmes, non seulement Nous honorons d'une louange méritée vos projets, mais encore nous désirons prendre part à la célébration de cet heureux événement par ces lettres que Nous vous adressons avec joie. Nous vous accordons, en outre, Notre cher fils, le pouvoir de bénir en Notre nom et en vertu de Notre autorité les fidèles présents après la célébration de la messe pontificale, et de leur accorder une indulgence plénière à gagner selon les prescriptions de l'Eglise. En présage des dons célestes et en gage de Notre particulière affection, très cher Fils, Nous vous accordons très affectueusement dans le Seigneur, à vous, au clergé et au peuple confiés à votre vigilance, la Bénédiction apostolique.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU R. P. ARCHAMBAULT, S. J. POUR LA XVII\2e\0 SEMAINE SOCIALE DU CANADA
(11 août 1939) '
Informé de la célébration de la XVIIe Semaine sociale du Canada, le Souverain Pontife a daigné encourager cette session par une lettre qu'il fit adresser par S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, au R. P. Archambault, s. j., président des Semaines sociales du Canada.
1 D'après le texte français des Actes de S. S. Pie 12, t. II, p. 318.
Le thème de la paix, par lequel l'Ecole sociale populaire annonce la célébration prochaine de la XVIIe Semaine sociale des catholiques franco-canadiens, est dicté par le moment actuel plutôt que choisi par le zèle éclairé des organisateurs d'une manifestation périodique si bien inspirée. Rien en effet n'occupe tant les esprits à l'heure présente et ne forme le sujet d'une plus grande préoccupation pour tous que le besoin de cette paix après laquelle les peuples aussi bien que les individus soupirent aujourd'hui plus que jamais.
Pleinement consciente des raisons profondes de ce trouble universel ayant ses racines dans les passions qui empêchent de voir la vérité et la justice et en sont les pires ennemis, l'Ecole sociale populaire se propose d'étudier le problème de la paix sociale aussi bien que de la paix nationale et internationale à la lumière des principes chrétiens, qui donnent la clé de la solution, et surtout à la lumière de cette grande réalité qui s'appelle l'amour, ou plutôt la charité, sans laquelle même la justice est un leurre dangereux et une cruelle duperie.
En remontant ainsi aux sources de la paix, dont la justice est la gardienne et la règle, une vérité, entre autres, apparaîtra dans toute sa lumière : la nécessité d'atteindre ces grands biens que sont la justice et la paix par la voie du sacrifice, qui vous porte tous à renoncer plutôt qu'à exiger. Ni le syndicalisme et la collaboration des classes, ni l'organisation corporative ni enfin un sain nationalisme et une parfaite éducation nationale ne peuvent réaliser, dans la justice, la paix sociale ou la paix des nations, tant que le sacrifice est exclu et que seul le droit strict cherche à triompher.
Mais s'il est vrai que la paix entre les peuples tient aujourd'hui le premier plan de l'actualité, il n'est pas moins vrai que toute paix extérieure prend sa source dans la paix intérieure de la conscience, et toute paix collective a sa racine première dans la paix individuelle, qui est le fruit spontané de la justice chrétienne. Aussi le Saint-Père voit-il avec plaisir la part très large qui est faite dans le programme de cette Semaine sociale à la paix dans l'individu et dans la famille. C'est là en effet que les valeurs morales des peuples ont leur origine ; et rien ne vaut pour le bonheur des nations comme la formation élevée de la personnalité chrétienne par l'exercice des vertus privées et familiales, et surtout par la culture profonde du sentiment religieux d'après les principes de l'Evangile. En insistant sur ce point, le travail de votre Semaine sociale va se développer sur un terrain absolument solide, puisqu'il aura surtout en vue le principe fondamental du bonheur de l'homme : « Cherchez avant tout le royaume de Dieu et sa justice », c'est-à-dire un principe dont l'oubli est la raison foncière de tous les malheurs de la société et dont la mise en pratique a toujours porté les individus et les collectivités à la possession de cette tranquillité dans l'ordre, qui est seule capable de dédommager les enfants de Dieu de beaucoup de leurs misères.
Organisé de la sorte, le travail de cette Semaine sociale vient bien à son heure pour rappeler une doctrine dont l'opportunité ne peut échapper à personne, et pour être le reflet de la pensée du Saint-Siège dans une affaire qui, à un tel degré, intéresse l'Eglise et le monde. Quels que puissent être les résultats pratiques de votre réunion solennelle, nul ne pourra l'empêcher de réveiller des idées, de susciter des réflexions, de contribuer à maintenir en toute sa vigueur dans les consciences l'enseignement de Jésus-Christ et de son représentant en une matière si grave dans toutes ses conséquences.
En attendant, Sa Sainteté élève de tout coeur sa prière à Dieu afin qu'il donne largement ses lumières aux dévoués soldats de sa parole et veuille rendre en tout point féconde, leur bonne volonté.
Elle vous remercie donc de vos généreux efforts, et formant les meilleurs voeux pour les plus heureux accroissements de l'Ecole sociale populaire, accorde volontiers à son digne directeur, à ses collaborateurs et à tous ceux qui prendront part à la XVIIe session annuelle des Semaines sociales du Canada, la Bénédiction apostolique.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DES LAURÉATS CATHOLIQUES
(12 août 1939)1
A l'occasion de la réunion à Camaldoli du Congrès des lauréats catholiques, S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, a adressé la lettre suivante à S. Exc. Mgr Bernareggi, évêque de Bergame et président de ce congrès :
Le Congrès des lauréats catholiques convoqué à Camaldoli pour le premier septembre fournit au Saint-Père l'agréable occasion de saluer avec affection cette si noble troupe qui, dans le silence ami des hauts monts consacrés par la prière et les vertus d'une austère famille religieuse, cherche l'ambiance favorable aux élévations de l'esprit et du coeur vers Dieu.
L'auguste pontife, se félicitant avec Votre Excellence révérendissime et avec le groupe qu'elle dirigera dans les voies des ascensions spirituelles d'une intention aussi louable et d'un choix aussi opportun, ne voudrait manquer de souhaiter que l'étude approfondie du beau thème, « L'Eglise », ouvrira aux âmes de lumineux horizons de vérité et leur infusera une saine douceur d'encouragements, d'où jailliront de généreuses résolutions d'apostolat.
Dans le moment historique actuel où l'Eglise est assaillie de dangereux ennemis et doit soutenir plus âprement le combat — — jamais interrompu — pour ses dogmes, pour sa doctrine morale et pour sa liberté, il est extrêmement utile que ses fils et ses militants connaissent d'une science sûre et détaillée sa nature, ses origines, sa fin, sa structure, sa vie, ses prérogatives, ses épreuves et ses triomphes.
De cela, dans les âmes des participants au congrès éclatera sincère la reconnaissance au Donateur de tous biens pour la gloire d'appartenir à la Cité et au Royaume de Dieu sur terre, comme aussi la promesse de contribuer par l'exemple et par les oeuvres à l'application toujours plus ample et plus féconde de la Rédemption opérée par le Christ.
« Mettez Jérusalem en tête de votre allégresse » (Ps 136,, telle est la parole par laquelle Sa Sainteté veut stimuler les lauréats catholiques à tirer de leur congrès le plus riche profit pour eux et pour les autres, les bénissant en même temps avec effusion et en particulier Votre Excellence.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU RECTEUR DU COLLÈGE SAINT-JÉRÔME DES ILLYRIENS
(16 août 1939)1
A l'occasion de l'agrandissement du collège de Saint-Jérôme des llly-riens, de la via Tomacelli, à Rome, et de la décision prise de l'ouvrir à tous les diocèses de Yougoslavie, le Saint-Père a fait adresser par S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, la lettre suivante au recteur de ce collège, Mgr Georges Magjierec.
L'auguste pontife, dans sa paternelle affection à l'égard de tous ses fils dispersés par le monde et, d'une manière particulière, à l'égard de ceux qui, dans les séminaires et les collèges, se préparent à la vie sacerdotale, ne pouvait pas ne pas s'intéresser avec un très vif plaisir à tout ce que Votre Seigneurie illustrissime et révérendissime lui a si louablement exposé au sujet du nouveau Collegium Hieronymia-num, de la via Tomacelli, qui est près d'être terminé.
Pour cette raison, il lui est bien agréable de faire parvenir ses paternels compliments à tous ceux qui, par leurs soins intelligents, ont mis en oeuvre l'amélioration aussi notable des conditions du cher collège de Saint-Jérôme des Illyriens.
La possibilité, non prévue dans la constitution originale, d'augmenter ainsi le nombre des élèves de ce collège, en en étendant l'accès à des prêtres venant d'autres diocèses de Yougoslavie, et pardessus tout leur formation romaine soignée, selon les normes si sagement réclamées par Sa Sainteté dans son allocution aux élèves du séminaire, ouvre le coeur du successeur de saint Pierre aux plus fécondes espérances.
C'est pourquoi il plaît à l'auguste pontife de tourner son regard vers cet Institut comme pour entrevoir dans un lointain avenir un nouveau et meilleur destin spirituel pour tout un pays qui lui est très cher, heureux de le voir procuré par tous ces jeunes prêtres qui, de leur collège de Rome, partiront illuminés de la vérité et enflammés de l'amour du Christ et dévoués au Saint-Siège, pour être les nouveaux apôtres de leurs compatriotes.
Dans ce but si heureux, Sa Sainteté invoque l'abondance des faveurs divines et envoie en même temps de grand coeur, en gage de particulière bienveillance, aux supérieurs et aux chers élèves la Bénédiction apostolique.
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU CONGRÈS DES UNIVERSITAIRES D'ACTION CATHOLIQUE
(18 août 1939)1
A l'occasion du Congrès des universitaires d'Action catholique, S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, a adressé la lettre suivante à S. Exc. Mgr Guido Anichini, assistant ecclésiastique central de ce groupement :
Le Saint-Père a reçu avec beaucoup de consolation le fervent hommage que, par l'agréable intermédiaire de Votre Seigneurie illustrissime et révérendissime, lui ont fait parvenir les universitaires d'Action catholique qui ont organisé leur congrès annuel à Rome pour déposer au pied de son auguste trône la fervente résolution de demeurer inconditionnellement et filialement fidèles à ses directives et de travailler avec un zèle renouvelé, sous la direction de leurs évêques, à la cause du royaume de Dieu dans le domaine de leurs études et de leur vie.
C'est là un travail qui paraît au Saint-Père très important et louable sous tous les aspects, et surtout par le but qui l'inspire qui est de faire rayonner les lumières des éternelles vérités de la foi où brillent celles des vérités scientifiques et de profiter de ce savoir humain pour mieux mettre en valeur et faire estimer le savoir qui vient de la Révélation.
Non moins dignes de considération et d'éloge paraissent les moyens qu'ils veulent employer à cette fin : en tout premier lieu celui de l'exemple d'une vie d'étudiant pure et pieuse, visant tout entière à assimiler par un effort docile et ardent les trésors de la sagesse ; puis celui de l'apostolat fraternel et joyeux de l'idée et des moeurs chrétiennes dans le milieu universitaire.
Importants par conséquent et aussi dignes de louanges sont les fruits individuels et sociaux qui peuvent légitimement être espérés d'un pareil témoignage catholique loyal et juvénile, par cette formation toujours plus élevée et plus consciente de professionnels et de croyants, qui est nécessaire à quiconque aspire aux écoles supérieures.
C'est pourquoi l'hommage qui est adressé à l'auguste pontife de la part des jeunes universitaires lui est certainement l'un des plus agréables et aussi parce qu'il lui révèle que dans le programme de leurs journées romaines d'étude et de prière apparaît leur besoin de se munir d'une connaissance toujours plus adéquate de la vérité chrétienne pour continuer et intensifier leur apostolat. Et, parce qu'ils ont récemment étudié l'Eglise en tant que Corps mystique du Christ, il est beau de voir comment en ces journées ils examineront la responsabilité et les devoirs qui leur incombent en tant que membres de ce Corps et en tireront ainsi argument et énergie pour s'occuper avec ferveur de la très noble cause des missions parmi les infidèles.
Sa Sainteté voit en outre avec satisfaction que, conformément à leur tradition, les universitaires d'Action catholique profiteront de ces journées pour appliquer leur attention à quelques questions d'actualité à la lumière de la philosophie perenne. Leur étude ne sera pas un vain exercice intellectuel, mais répondra à la profonde exigence spirituelle de mieux comprendre le problème de la vie et les invitera aussi à porter leur réflexion sur les vérités naturelles, sur leur place dans l'ordre surnaturel qui les suppose, les relève et les rend sublimes.
Le Saint-Père se félicite donc de la bonne préparation que les universitaires catholiques ont donnée à leur pèlerinage à Rome et à leur congrès national et fait des voeux pour que cette belle manifestation fortifie leur résolution de persévérer dans l'oeuvre entreprise et les prépare toujours mieux à être de vaillants collaborateurs de l'apostolat de la hiérarchie, les rendant heureux et fiers de mettre docilement au service de celle-ci les dons dont la Providence les a enrichis.
C'est dans ces sentiments que Sa Sainteté vous accorde à vous, aux autres assistants ecclésiastiques, aux braves dirigeants et à leurs collaborateurs, ainsi qu'à tous les membres de cette association la Bénédiction apostolique.
DISCOURS AUX PÈLERINS DES TROIS VÉNÉTIES A L'OCCASION DU XXV\2e\0 ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE PIE X
(19 août 1939)1
Un important pèlerinage de 2000 personnes environ, représentant tous les diocèses des Trois Vénéties, pour commémorer le 25e anniversaire de la mort du pape Pie X, a été reçu par le Saint-Père au palais de Castel-gandolfo. A cette occasion, Pie XII rappela aux pèlerins les aspects principaux de la grande figure de ce saint pontife :
Une grande pensée de vie religieuse se manifeste à Nous dans ce pèlerinage solennel du peuple, du clergé, des illustres et dignes pasteur des Trois Vénéties, conduits par Notre Vénérable Frère, l'évê-que de Trévise, sous la présidence honoraire de l'éminentissime cardinal Piazza, patriarche de la très noble reine de la lagune, eminent et éloquent interprète de l'épiscopat et des représentants rassemblés ici, pieuse manifestation à laquelle ont voulu s'unir deux autres nobles princes de la sainte Eglise romaine dont Nous sommes particulièrement heureux de saluer ici la présence : le cardinal Salotti, préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, ponent autorisé et très averti de la cause de béatification et de canonisation du serviteur de Dieu Pie X, et le cardinal Canali qui a maintenu si vive et si fervente la mémoire de ce pape et de son très fidèle premier ministre et collaborateur, le cardinal Merry dei Val. C'est une pensée de vie qui se dégage de l'accomplissement de ce quart de siècle qui nous sépare du pieux trépas de Notre vénéré prédécesseur, honneur et gloire de ces terres italiennes ; une pensée de vie qui exalte la mort que vous avez vue, très chers fils, sur la tombe où Pie X dort son dernier sommeil, en attendant la résurrection glorieuse, enveloppé dans l'ombre sacrée qui veille sur le sépulcre immobile du premier Pierre.
L'exemple donné par Pie X.
De cette tombe du grand fils de Riese qui fut parmi vous un très zélé prêtre, curé, évêque et patriarche, vous ressentirez cette vie et cet accroissement de vie spirituelle et religieuse qui vous ont attirés à Rome, et de Rome vous ont rassemblés ici autour de celui qui, par l'inscrutable dessein de la Providence, est l'humble et indigne héritier de son siège. A vos saints et salutaires souvenirs viennent s'unir aussi les Nôtres : il Nous semble revoir encore l'immortel pontife, rayonnant d'une bonté que ne diminuait pas l'autorité, d'une douceur imprégnée de fermeté et de force élevée jusqu'à l'universelle prudence du pasteur par trois grands amours : l'amour de la pureté de la doctrine catholique, l'amour de la liberté de l'Eglise et de la réforme du droit ecclésiastique, l'amour de la vie intérieure religieuse du clergé et du peuple chrétien.
Etant né et ayant vécu parmi le peuple, témoin des luttes modernes d'une pensée scientifique et sociale menaçant la pureté de la foi et de l'enseignement catholique, il n'hésita pas à condamner les prétentions orgueilleuses d'une science au faux nom, qui appelait progrès du savoir les errements inspirés par les songes de philoso-phies irréelles et par les métamorphoses d'une vérité variable au gré des vents, tandis qu'il ouvrait à ceux qui aspiraient à la véritable science et à l'étude de la parole inspirée les portes de l'Institut biblique.
Le défenseur de la liberté et des droits de l'Eglise.
Défenseur de la vérité, attaché à l'hommage rationnel à l'égard de la foi, Pie X apparut aussi sur le trône de Pierre comme le champion de la liberté et des droits de l'Eglise. Dans son humilité, il sentit la tiare peser sur son front ; il accepta au milieu des larmes comme une croix, ce grands poids, mais à partir de ce jour, aucune main étrangère n'osa plus intervenir dans le choix du Vicaire du Christ. Tel un géant qu'on ne renverse pas, il lutta dans la question contestée de l'élection des évêques et sacrifia à leur dignité et à la défense de l'oeuvre intangible de Jésus-Christ et de la hiérarchie divinement constituée par lui, jusqu'aux biens légitimes de l'Eglise, dons de la piété des siècles, montrant ainsi au monde par ce magnifique exemple « que l'homme doit nourrir ici-bas des préoccupations plus hautes que celles des contingences périssables de cette vie, et que la joie suprême, l'inviolable joie de l'âme humaine sur cette terre, c'est le devoir surnaturellement accompli, coûte que coûte, et, par là même, Dieu honoré, servi et aimé par-dessus tout » 2.
Il aima la justice et haït l'iniquité, c'est pourquoi il subit la contradiction, apanage des héros et des saints. Il aima l'Eglise et sa prudence juridique qui progresse avec la propagation de l'Evangile et selon les conditions changeantes des temps, et « il retira le superflu et l'inutile » (cf. 1Ch 6,12) du volume de ses lois, dont il précisa les termes pour les Congrégations, les Tribunaux et les Offices de la Curie romaine réorganisés.
2 Encyclique Une fois encore, 6 janvier 1907.
Préoccupé de la piété du peuple chrétien.
Il aima les pasteurs du troupeau du Christ, les encouragea, les réconforta dans les luttes ; il aima le clergé et les fidèles qu'il soulagea dans le malheur avec une charité inépuisable. Il infusa aux enfants sa piété eucharistique et la doctrine de la foi ; aux prêtres, la sainteté de vie, le zèle du culte divin, la sublime prière du psalmiste, les ineffables harmonies de la musique sacrée ; au peuple, la concorde des âmes et la pratique des vertus chrétiennes.
Pasteur universel du troupeau du Christ, il rechercha le bien de tous les peuples ; il aima la paix du monde, et quand il apprit l'horrible nouvelle que sur les champs de bataille de l'Europe les frères tuaient les frères, son amour se mua en douleur ; il leva les yeux vers le ciel ; il vit suspendue la balance de la justice divine ; dans son angoisse, il inclina le front résigné, et son grand coeur s'arrêta de battre.
Sa figure est grandie par les événements.
Victime de son ardent amour pour les peuples et les nations, le pieux pontife disparut à l'heure voulue de Dieu, au spectacle de l'immense et sanglante bourrasque qui bouleversait les frontières des nations, engloutissait les navires brisés au fond des mers et des océans et transformait en de nouveaux champs de carnages inhumains le domaine des vents. Depuis ce jour, un quart de siècle s'est écoulé, un quart de siècle plein d'événements et de changements qu'à d'autres époques l'oeuvre de plusieurs siècles n'aurait pas suffi à accomplir ; un quart de siècle dans lequel parmi les déroulements orageux et sombres des événements l'humanité spectatrice a facilement et vite oublié un grand nombre de ceux qui furent en première ligne dans la défense de ses intérêts et de ses biens. Aussi, pour tout coeur catholique n'est-ce pas une source de sainte joie de voir que l'ombre du rapide oubli, qui a recouvert tant d'autres souvenirs, loin d'accomplir son oeuvre de ténèbres, s'est plutôt transformée en une lumière nouvelle qui illumine celui dont la tombe est le but de votre voyage ? Non, les cinq lustres écoulés ne sont pas parvenus à rien enlever de sa force attirante et de son autorité resplendissante à la pure et lumineuse figure de Pie X. Au contraire, plus elle émerge de l'ombre et se détache enveloppée d'un éclat spirituel, plus le regard des fidèles se tourne vers elle avec ferveur, attiré par cet instinct de l'amour qui pénètre toujours davantage, devine et comprend quelle importance exceptionnelle et quelle mission extraordinaire elle revêt spécialement en un temps si orageux. A la lumière des transformations nées de la guerre mondiale et accélérées, propagées et développées par elle, en face de la marche des événements et de la fermentation des doctrines contenues dans ces changements et en jaillissant, la personne et l'oeuvre de Pie X prennent des aspects et des proportions qui seraient difficilement apparus avec autant de clarté dans une époque antérieure. Aujourd'hui, à l'heure où l'Eglise du Christ se trouve appelée à combattre contre les erreurs et les tendances condamnables du monde, luttes qu'on pourrait avec peine concevoir plus ardues et plus décisives, Nous sommes à même de mesurer plus exactement et de peser avec plus de précision la dette de reconnaissance que Nous avons envers celui qui s'employa avec une force et une sagesse constantes et vigilantes à préparer les membres du Corps mystique du Christ aux luttes futures, à aiguiser les armes spirituelles pour ces combats et à éduquer les sentiments et les coeurs des fidèles suivant l'esprit d'une sincère et ardente milice du Christ.
Aussi sa tombe est-elle particulièrement vénérée.
Quelle gloire, quelle sainte fierté pour vous, chers fils des Véné-ties, d'avoir donné à l'Eglise du Christ un pontife qui a irradié et irradie encore une telle plénitude de grâces, de rénovation et de sanctification ! Si la terre vénétienne et sa superbe métropole firent jadis un grand sacrifice, ressenti dans toutes les classes de la population, lorsqu'elles virent partir vers la Ville éternelle le patriarche aimé qu'elles ne devaient plus revoir sur la lagune de Saint-Marc , aujourd'hui que vous êtes venus déposer sur sa tombe le tribut de votre amour et de votre impérissable gratitude, vous avez vu cette tombe entourée de pieux visiteurs de diverses contrées, langues et nations, et vénérée et marquée de l'amour et de la reconnaissance d'un nombre incalculable d'âmes.
Dans ce tombeau repose le coeur du grand pontife, le coeur qui palpita pour vous, pour l'Eglise du Christ, pour le troupeau dispersé de Pierre, pour le monde sans paix.
Depuis vingt-cinq ans, ce coeur ne bat plus, mais l'amour qui l'animait est, comme son esprit, immortel devant Dieu. Cet esprit n'est pas enseveli dans les cryptes vaticanes ; la coupole de Michel-Ange ne l'emprisonne pas. Il vit en présence de Dieu, il vit dans Nos souvenirs, dans vos souvenirs et dans les souvenirs du monde entier. Ce sont des souvenirs d'amour et de piété, d'invocation et d'espérance, de désir et d'attente d'en revoir un jour l'image paternelle réapparaître resplendissante dans la lumière de la basilique vaticane. Ne sont-ce pas ces souvenirs qui vous ont amenés, Vénérables Frères et chers fils, au sépulcre qui renferme la dépouille mortelle du pontife Pie X ? Ces restes, muets et invisibles, n'ont-ils pas pour vous et des milliers d'autres coeurs, une parole qui nous donne comme l'écho des oeuvres et des vertus de l'âme d'élite qui les anima ? Ce tombeau ne vous semble-t-il pas attendre dans l'ombre une clarté de sainte prudence qui le livre à la vénération, et une main toute-puissante qui entoure d'une auréole le front du grand pontife ?
En attendant sa prochaine glorification.
Dieu seul glorifie ses serviteurs fidèles et prudents, comme il est le seul qui les choisit, les forme, les dirige, les conduit, les sanctifie et les exalte devant le monde, les anges et les hommes. Comme le triomphe des saints, Notre oeuvre aussi, Notre souhait et Notre désir sont dans ses mains ; il crée l'aube, aussi bien que l'aurore et le midi de l'honneur des autels, des grands héros de la foi et de la vertu, suscités par lui au cours des âges. Devant le regard de Dieu vit l'esprit immortel de Pie X, paré de ses vertus et de ses oeuvres qui l'ont suivi au-delà de cette vie qui n'est qu'une course vers la mort. Dieu, juste rémunérateur, aussi, s'il lui plaît, le glorifiera au sein de son Eglise militante, afin que l'exemple de son zèle sacerdotal et apostolique non seulement illustre les fastes du pontificat romain, mais encore soit un honneur et un stimulant au bien pour les fils de la lagune vénétienne, et un exemple de flamme chrétienne — ignis ardens — pour le monde entier. A cette fin, que Nos voeux et les vôtres s'élèvent vers Dieu. C'est dans la prière que résident toute Notre lumière et toute Notre force ; c'est par la prière aussi que vous traduisez également votre désir et votre affectueuse espérance. Dans de tels sentiments, Nous vous donnons à vous et à tous ceux pour lesquels vous l'avez demandée, comme une compagne secourable sur le chemin de la vie, la Bénédiction apostolique.
Son sacrifice et son appel ainsi que celui de ses successeurs en faveur la paix.
Cette bénédiction, Nous désirons, dans les circonstances actuelles, qu'elle implore avant toute chose la paix, la paix pour l'Italie, la paix pour l'Europe, la paix pour le monde. L'admirable pontife dont Nous avons évoqué ici, aujourd'hui, la sainte et chère mémoire, eut le coeur brisé par l'angoisse intime que lui causa la déclaration de guerre, comme s'il avait prévu et pressenti toutes les horreurs et les massacres du conflit mondial. Son successeur, Benoît XV, d'heureuse mémoire, aspira après la paix ; en sa faveur, il parla, pria, fit appel à cette modération des esprits qui fait oublier la lutte pour la concorde parmi les nations. Pour la paix, Notre prédécesseur immédiat, Pie XI, dont la vénérable figure se dresse en ce moment vivante devant les yeux de Notre esprit en même temps que celle de Pie X, fit à Dieu, il y a presque un an, dans un acte qui émut le monde, l'offrande de sa vie. A l'heure présente qui renouvelle avec acuité l'angoisse et la crainte des coeurs, Nous-même, dès le premier jour de Notre pontificat, Nous avons tenté et fait tout ce qui était en Notre pouvoir pour éloigner les dangers de la guerre et pour coopérer à l'obtention d'une paix solide, fondée sur la justice et qui sauvegarde la liberté et l'honneur des peuples. Nous avons même, dans les limites du possible, et pour autant que le permettaient les devoirs de Notre ministère apostolique, laissé en souffrance d'autres tâches et d'autres préoccupations qui Nous tenaient à coeur ; Nous Nous sommes imposé de prudentes réserves, afin de ne pas rendre, d'aucun côté, plus difficile ou impossible Notre action au profit de la paix, conscient de tout ce que dans ce domaine Nous devions et devons aux enfants de l'Eglise catholique et à l'humanité tout entière.
Nous ne voulons pas, et Nous n'en avons pas le coeur, même maintenant, renoncer à l'espoir que des sentiments de modération et d'objectivité suffiront à éviter un conflit qui, selon toutes les prévisions, dépasserait encore le précédent en destructions et en ruines matérielles et spirituelles. Nous ne cessons pas d'avoir la confiance que les chefs des peuples, à l'heure de la décision, se refuseront à assumer l'indicible responsabilité d'un appel à la force.
Mais au-dessus de toutes les espérances humaines basées sur le fond de bonté et les lumières de la sagesse des hommes, Notre regard se lève vers le Tout-Puissant, le Père des miséricordes et le Dieu de toutes consolations. C'est lui, qui tient dans ses mains les coeurs comme les intelligences des gouvernants, que Nous voulons — unis en cette journée mémorable à vous, Vénérables Frères et chers fils, à tous les catholiques de la terre, et ayant par ailleurs, présentes dans la prière tant d'âmes de bonne volonté qui tout en vivant hors de l'Eglise n'aspirent pas moins à la paix — c'est lui que nous voulons implorer de nouveau pour que, dans sa bonté et dans sa miséricorde infinies envers le genre humain, il mette fin à la guerre, là où elle sévit actuellement, et qu'il daigne préserver tous les hommes du fléau de nouveaux conflits sanglants encore plus atroces. Au-dessus de ce monde inquiet et troublé comme une mer en proie à la tempête, que Dieu fasse apparaître et resplendir l'arc-en-ciel de l'accalmie, de la paix, de la concorde féconde entre les peuples et les nations, et qu'avec une ferveur redoublée elle ne cesse de monter vers lui l'instante prière : Da pacem, Domine, in diebus nostris !
Lucie- Nombre de messages : 1241
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Re: Pie XII 1939
LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE CONGRÈS DE L'OEUVRE DES COMMUNAUTÉS PAROISSIALES DE FRANCE
(19 août 1939)1
Le Saint-Père a fait parvenir, en une lettre adressée par S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à S. Em. le cardinal Verdier, archevêque de Paris, ses encouragements et ses voeux pour le Congrès de l'oeuvre des « Communautés paroissiales » pour les missions intérieures de France.
Les représentants des Communautés paroissiales de toute la France, qui vont se réunir prochainement sur la colline sacrée de Montmartre pour la célébration de leur dixième « Journée communautaire », pourront bien se réjouir de voir solidement affermie, après une expérience de dix ans, une oeuvre destinée à aider puissamment au travail urgent du relèvement religieux dans ce grand et cher pays.
En effet, ce qui est surtout nécessaire dans ce travail d'assainissement spirituel, au milieu de populations où toute préoccupation religieuse semble parfois à jamais éteinte, ce sont des apôtres à l'âme de feu, qui, étant animés de la flamme de l'évangélisation et abondamment nourris de vie intérieure puisée aux sources évangéliques, se consacrent au ministère pastoral sans calculs ni réserve, libres, autant qu'il est permis, des soucis encombrants de l'ordre temporel.
La « Communauté paroissiale », telle qu'elle a été établie dans plusieurs villes et centres ruraux de France, répond, paraît-il, à cette nécessité, puisqu'elle a rendu possible le recrutement et la formation de ces apôtres, et le rayonnement de son activité a eu comme résultat de faire revivre la foi et la piété chrétienne dans des régions d'où elles avaient été bannies.
Ce résultat est on ne peut plus encourageant. Aussi le Saint-Père aime-t-il à s'en réjouir avec tous ces chers prêtres missionnaires, et il est heureux d'élever à Dieu avec eux ses actions de grâces, pendant qu'il les engage à intensifier leur mission et à travailler de toutes leurs forces pour multiplier ces foyers providentiels de vie commune et apostolique.
En acceptant joyeusement les sacrifices qu'exige d'eux cette forme de ministère, ils assurent le meilleur rendement aux talents de leur vocation sacerdotale et ils trouvent en même temps les plus précieux moyens pour leur sanctification personnelle. C'est par celle-ci — personne ne l'ignore — que la vie du prêtre est surtout féconde ; et rien ne peut la remplacer dans l'exercice de l'apostolat pour en assurer les fruits.
Sa Sainteté se réjouit à la pensée que ceux-ci ne manqueront pas de stimuler toujours davantage le zèle de ces chers prêtres pour les porter à une action de plus en plus large et profonde. Elle implore dans ce but les plus abondantes lumières d'en haut ; et dans le ferme espoir que l'oeuvre des « Communautés paroissiales » ne cesse de progresser pour la plus grande gloire de Dieu à travers le travail, le sacrifice et la prière, envoie de tout coeur aux dirigeants des différentes « Communautés » et à chacun de leurs membres le réconfort de la Bénédiction apostolique.
RADIOMESSAGE AU MONDE ENTIER
(24 août 1939)1
Alors que les menaces d'un conflit mondial devenaient imminentes, le Pape lança par la Radio vaticane un message émouvant aux peuples du monde entier, en faveur de la paix. Les paroles vibrantes du Père commun furent diffusées en italien, en français, en allemand, en espagnol et en polonais.
Nouvel appel instant en faveur de la paix...
Une heure particulièrement grave vient de sonner pour la grande famille humaine : l'heure de délibérations redoutables dont Notre coeur ne peut se désintéresser, comme ne le doit pas l'autorité spirituelle qui Nous vient de Dieu pour conduire les âmes sur les voies de la justice et de la paix. Nous voici donc avec vous tous qui portez en ce moment le poids d'une si grande responsabilité, afin qu'à travers Notre voix vous écoutiez la voix de ce Christ de qui le monde a appris la plus haute école de vie, et dans lequel des millions et des millions d'âmes mettent leur confiance, dans une situation difficile où il n'y a que sa parole qui puisse dominer tous les bruits de la terre. Nous voici avec vous, chefs des peuples, hommes de la politique et des armes, écrivains, orateurs de la tribune et de la radio, et vous tous qui avez autorité sur les pensées et les actions de vos frères et qui répondez de leur sort.
N'ayant d'autre arme pour Nous que la parole de la vérité, étant au-dessus des contestations et des passions publiques, Nous vous parlons au nom de Dieu, « de qui procède toute paternité dans les cieux et sur la terre » (Ep 3,15) — au nom de Jésus-Christ, Notre-Seigneur, qui a voulu frères tous les hommes — au nom du Saint-Esprit, le Don du Très-Haut, source inépuisable d'amour dans les coeurs.
Aujourd'hui que, en dépit de Nos exhortations réitérées et de l'intérêt particulier que Nous portons à cette situation, les craintes d'un sanglant conflit international se font plus pressantes, aujourd'hui que la tension des esprits semble arrivée au point de faire considérer comme imminent le déchaînement du terrible ouragan de la guerre, Nous adressons d'un coeur paternel un nouvel et plus chaleureux appel aux gouvernants et aux peuples.
A ceux-là, pour qu'après avoir renoncé aux accusations, aux menaces et aux causes de la méfiance réciproque, ils tentent de résoudre les divergences actuelles par le seul moyen approprié, c'est-à-dire par des ententes loyales ; à ceux-ci, pour que, dans le calme et dans la sérénité, sans agitation désordonnée, ils encouragent les tentatives pacifiques de ceux qui les gouvernent. C'est par la force de la raison, et non pas par la force des armes, que la justice fera son chemin, et les empires qui ne sont pas fondés sur la justice ne sont pas bénis de Dieu. La politique affranchie de la morale trahit ceux-là mêmes qui veulent qu'elle soit ainsi.
...et de la négociation entre gouvernements.
Le danger est imminent, mais il est encore temps. Rien n'est perdu avec la paix. Tout peut l'être avec la guerre. Que les hommes recommencent à se comprendre. Qu'ils recommencent à négocier. En faisant ces pourparlers avec bonne volonté et dans le respect des droits réciproques, ils s'apercevront qu'un succès honorable n'est jamais exclu des négociations loyales et actives. Ils se sentiront grands — de la véritable grandeur — si, faisant taire les voix de la passion, aussi bien collective que privée, et faisant droit à la raison, ils épargnent le sang de leurs frères et soustraient leur patrie à la ruine.
Dieu veuille que la voix de ce Père de la famille chrétienne, de ce serviteur des serviteurs qui porte indignement, mais réellement, parmi les hommes la personne, les paroles, l'autorité de Jésus-Christ, trouve un accueil prompt et empressé dans les esprits et dans les coeurs. Que les forts Nous écoutent pour ne pas devenir faibles dans l'injustice. Que les puissants Nous écoutent s'ils veulent que leur puissance n'amène pas la destruction, mais qu'elle soit un appui pour les peuples et une protection pour la tranquilité de ceux-ci dans l'ordre et dans le travail.
Nous les supplions, par le sang du Christ dont la force qui vainquit le monde fut la douceur même dans la vie et dans la mort. Et en les suppliant, Nous savons et Nous sentons que Nous avons avec Nous tous les hommes au coeur droit, tous ceux qui ont faim et soif de justice, tous ceux qui souffrent déjà toutes sortes de douleurs par suite des maux de la vie. Nous avons avec Nous le coeur des mères qui bat avec le Nôtre ; les pères qui devraient abandonner leur famille ; tous ceux qui travaillent et ne savent pas ; les innocents sur lesquels pèse la terrible menace ; les jeunes, chevaliers généreux des idéaux les plus purs et les plus nobles.
L'âme de cette vieille Europe qui est l'oeuvre de la foi et du génie chrétien est aussi avec Nous, de même l'humanité tout entière qui attend la justice, la paix, la liberté, et non pas le fer qui tue et détruit. Avec nous est le Christ qui a fait de l'amour fraternel son commandement fondamental et solennel la substance de sa religion, la promesse du salut pour les individus et pour les nations.
Nous souvenant enfin que les oeuvres humaines n'aboutissent à rien sans le secours divin, Nous invitons tous les chrétiens à diriger leurs regards vers le très-Haut et à demander au Seigneur par des prières ferventes que sa grâce descende en abondance sur ce monde bouleversé, qu'il apaise les ressentiments, qu'il réconcilie les âmes et qu'il fasse resplendir l'aube d'un avenir plus serein. C'est dans cette attente et dans cet espoir que Nous donnons à tous, de tout coeur, Notre Bénédiction paternelle.
NOTE AUX GOUVERNEMENTS ANGLAIS, FRANÇAIS, ALLEMAND, ITALIEN ET POLONAIS
(31 août 1939) 1
Le jeudi 31 août, veille de l'agression allemande contre la Pologne, le Saint-Père fit encore de suprêmes efforts pour tenter d'enrayer le terrible fléau de la guerre. Après un long entretien avec S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, il lança un ultime appel à la paix et fit remettre aux ambassadeurs d'Allemagne, de France, d'Italie, de Pologne, et au ministre d'Angleterre, la note que voici :
Le Souverain Pontife ne veut pas renoncer à l'espoir que les négociations en cours puissent aboutir à une solution juste et pacifique, telle que le monde entier ne cesse de l'implorer.
Sa Sainteté supplie, par conséquent, au nom de Dieu, les Gouvernements d'Allemagne et de Pologne de faire ce qui leur est possible afin d'éviter tout incident, et de s'abstenir de prendre toute mesure susceptible d'aggraver la tension actuelle. Elle prie les Gouvernements d'Angleterre, de France et d'Italie d'appuyer sa demande.
LETTRE AUX ÉVÊQUES DE HOLLANDE A L'OCCASION DU XII\2e\0 CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT WILLIBROD
(9 septembre 1939) 1
A l'occasion des fêtes organisées par les êvêques de Hollande pour le douzième centenaire de la mort de saint Willibrod, le Saint-Père leur a adressé la lettre suivante :
C'est avec joie que Nous apprenons, Vénérables pasteurs de Hollande, que des solennités doivent être célébrées en l'honneur de saint Clément Willibrod par vous et par vos fidèles, à l'occasion du XIIe centenaire de sa mort au monastère d'Echternach. La piété de l'obéissance religieuse et le devoir d'un respect reconnaissant demandent que vous rappeliez le souvenir de l'apôtre de votre région par de nouvelles célébrations et une joie inhabituelles. Si, en effet, l'honneur des enfants est la dignité du père, c'est à bon droit que vous vous glorifiez de ce saint né dans la généreuse Bretagne qui, poussé par une inspiration de Dieu, traversa la mer avec onze disciples, et porta la lumière de l'Evangile et l'estime de l'humanité et de l'urbanité aux Frisons qu'il aimait beaucoup. Qui pourra raconter les travaux auxquels il s'est consacré, les peines qu'il a supportées, les combats qu'il a soutenus, afin de porter à vos ancêtres l'Evangile du Christ ?
Aimé de Dieu et des hommes, et dont la mémoire est en bénédiction (cf. Si 45,1), il est apparu sur cette terre comme père, maître, législateur, et a donné l'exemple des plus hautes vertus. C'est à lui que les Hollandais doivent le précieux héritage d'une foi sainte et vive, brûlante de charité, établie sur une sévère discipline, et qui les entraîne de façon exemplaire dans des entreprises missionnaires, afin que les signes vainqueurs de la croix salutaire soient portés aux régions infidèles et que la lumière de la vérité venue du ciel soit semée en long et en large.
Plût au ciel que ceux qui sont éloignés de l'Eglise et qui honorent avec vous saint Willibrod comme père et chef reconnaissent aussitôt que possible ce Siège apostolique, « racine et mère de l'Eglise catholique et maître incapable de se tromper » 2, avec lequel il était en relations très étroites.
Que tous ceux qui portent le nom de catholique, mus par le zèle de la religion et entraînés par vos exhortations et vos exemples, accordent un soin attentif et persévérant afin de ramener par un effort persuasif de doctrine, de charité et de probité, à l'unique bercail du Christ, à la plénitude de la foi immaculée et à l'heureuse restauration de la communauté fraternelle, ceux que l'Eglise déplore comme ayant été éloignés d'elle par le dérèglement d'une époque malheureuse.
Mû par cet espoir, Nous encourageons les fidèles par de paternelles exhortations à retirer des solennités qui seront célébrées à la mémoire et en l'honneur de saint Willibrod de nouveaux et vigoureux encouragements à pratiquer la vertu. Que dans leurs vies, nulle dissension ne s'élève, nulle discorde n'apparaisse ; qu'avec la simplicité qui s'épand par de purs sentiments ils reproduisent à l'extérieur les moeurs que la foi leur enseigne à l'intérieur. Qu'ils mènent le bon combat du Christ contre les subtiles embûches de la dissipation spirituelle et les séductions du monde par lesquelles beaucoup sont pris imprudemment et attendent la bienheureuse espérance du bonheur de l'éternité, à l'exemple de saint Willibrod, au patronage duquel vous avez grande confiance et dont vous avez expérimenté l'efficacité à travers tant de difficultés actuelles. « (En effet), l'immensité du ciel dilate les coeurs au lieu de les fermer, réjouit les esprits au lieu de les rendre insensibles ; elle ne contraint pas les affections, mais les étend ! Qu'à la lumière de Dieu, le souvenir soit rendu serein et non point obscur. » 3
Que les supplications et les prières de votre céleste patron intercèdent auprès de Dieu afin que la chère Hollande resplendisse de plus en plus de splendeur et de sagesse chrétienne ; qu'une ferme et durable concorde de ses citoyens permette d'entreprendre de grands projets, infuse les hauts principes de la justice et de l'honnêteté dans la société et garde ses frontières de toute attaque ennemie.
C'est en souhaitant du fond du coeur que les saintes célébrations qui vont commencer soient source de salut et de joie que Nous accordons volontiers aux fidèles de Hollande l'indulgence plénière du Jubilé dont Nous vous envoyons les lettres en forme brève comme la chose l'exige.
Il Nous reste, Vénérables Frères et évêques de Hollande, à vous accorder affectueusement dans le Seigneur, ainsi qu'à l'ensemble de vos fidèles au bien desquels vous consacrez vos soins et vos pensées, la Bénédiction apostolique, témoignage et messagère de Notre grande affection.
2 S. Cyprien, Ep. 48 ad Cornelium.
3 S. Bernard, In natali S. Victoris, Sermo II.
RÉPONSE AU FILIAL HOMMAGE DU SACRÉ COLLÈGE
(11 septembre 1939)1
S. Em. le cardinal Granito di Belmonte, doyen du Sacré Collège, a fait parvenir au Saint-Père, le 1er septembre, une adresse de filial hommage au nom de tous les cardinaux. Voici la réponse pontificale :
Dans les heures anxieuses que nous traversons du fait des très graves événements qui nous pressent et que n'ont pu conjuguer Nos implorations répétées, Nous ne pouvions pas ne pas sentir plus que jamais serré autour de Nous avec toute sa piété filiale, son absolu dévouement, la conscience élevée de ses devoirs, le bien-aimé Sacré-Collège, Notre principal réconfort et soutien dans les soucis du ministère apostolique.
Mais, le voir venir à Nous comme d'une façon sensible à travers votre parole vénérée et Nous ouvrir son âme émue pour mêler son amertume à la Nôtre et pour offrir avec un libre et fervent élan à Nos angoisses les richesses de ses talents, de ses énergies spirituelles, de son coeur enflammé d'amour pour les intérêts de Jésus-Christ et de son Eglise, est un acte qui remplit Notre âme de tendresse et Notre coeur de profonde gratitude envers le Seigneur, toujours prêt à adoucir les douleurs de ses fils par d'intimes consolations.
Nous sentant par cet hommage beaucoup plus fort dans l'accomplissement des devoirs délicats que les circonstances Nous imposent, Nous vous exprimons à vous, Vénérable Frère, et à chacun de vos collègues dont vous traduisez si bien la pensée et le sentiment, Notre paternelle et très vive satisfaction.
Particulièrement heureux de vous sentir unis à Nous dans la prière confiante, Nous la sollicitons par-dessus tout ardente et incessante de votre charité. En elle, vous le savez, est le motif le plus solide de Nos espérances. Et tandis que, appuyé sur la prière, Nous implorons avec instance de Dieu avec vous et avec tous les gens de bien la paix stable tant désirée par les hommes, Nous vous accordons de tout coeur à vous, Vénérable Frère, et au Sacré Collège tout entier la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BELGIQUE
(14 septembre 1939) 1
Le 14 septembre, le Souverain Pontife reçut en audience le nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Belgique, S. Exc. M. Adrien Nieuwenhuys, venu lui remettre ses lettres de créance. A l'adresse d'hommage, le Saint-Père répondit en exprimant à nouveau son désir de paix pour toute la famille humaine :
C'est une vive satisfaction pour Nous de recevoir des mains de Votre Excellence les lettres par lesquelles Sa Majesté le roi des Belges l'accrédite auprès de Nous comme son ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire. Nous voyons dans ces lettres une expression nouvelle de l'intérêt particulier que votre auguste souverain attache au maintien des étroites et confiantes relations unissant heureusement la nation belge à ce Siège apostolique : relations qui tournent à l'avantage tout ensemble de l'Eglise et de l'Etat. Les paroles, dont Votre Excellence a accompagné cet acte solennel, sont pour Nous une garantie (Nous l'attendions avec pleine certitude, mais Nous n'en sommes pas moins touché), que les intentions élevées de Sa Majesté trouveront en vous la plus entière et la plus fidèle correspondance. En retour, soyez assuré, Monsieur l'ambassadeur, que Nous, qui voici bien des années déjà avons eu l'occasion de connaître et d'apprécier vos belles qualités d'esprit et de coeur, Nous vous donnerons bien volontiers tout Notre appui dans l'accomplissement de la haute tâche qui vous est confiée.
Rappel des efforts tentés par le Saint-Père en faveur de la paix.
Les débuts de cette mission coïncident avec une heure de tension tragique, qui emplit Notre coeur d'une profonde tristesse. Ce qui depuis le dernier conflit mondial était l'angoisse et la terreur des peuples est à nouveau une réalité — la réalité d'une catastrophe incommensurable ! Car cette guerre nouvelle, qui déjà ébranle le sol de l'Europe, et particulièrement celui d'une nation catholique, aucune prévision humaine ne peut calculer ni quel effroyable potentiel de carnage elle porte en elle, ni quelles seront son extension et ses complications successives. Votre Excellence rappelle à bon droit les efforts accomplis par son souverain, jusqu'à la dernière minute, pour sauver la paix menacée et pour préserver les peuples d'Europe des plus graves calamités. Mais qui donc pouvait être plus ardemment disposé à aider ces généreuses tentatives que le Père commun de la chrétienté ? Placé par les devoirs de Notre ministère apostolique au-dessus des conflits particuliers, et soucieux, dans Notre sollicitude paternelle, du vrai bien de tous les peuples, Nous voyions, avec un douloureux serrement de coeur, s'approcher de jour en jour le cataclysme qui suivrait, comme une conséquence inéluctable, l'abandon du principe des négociations et le recours à la force des armes. Nous n'avons pas à redire Nous-même comment la prévision d'un si grand malheur Nous a accompagné sans cesse depuis le premier jour de Notre pontificat ; comment, jusqu'à l'instant suprême qui précéda l'explosion des hostilités, Nous n'avons rien omis de ce que Nous pouvions tenter — soit par des prières et des exhortations publiques, soit par des démarches confidentielles, réitérées et précises — pour éclairer les esprits sur la gravité du péril et pour les amener à de loyales et pacifiques négociations sur les bases, les seules solides et durables, de la justice et de l'amour : justice rendue au plus faible non moins qu'au plus fort ; amour qui se maintienne à l'abri des égarements de l’égoïsme, de sorte que la sauvegarde du droit de chacun ne dégénère pas en oubli, ou négation, ou violation positive, du droit des autres.
Nouvel appel.
Aujourd'hui, malheureusement, le grondement du canon, le tumulte des armées combattantes et la rapide succession des faits de guerre, sont sur le point de couvrir toutes les autres voix. Les hostilités déjà engagées, dans certains secteurs avec des effets foudroyants, semblent actuellement barrer aux champions de la paix les routes qui, hier encore, pouvaient paraître accessibles à une bonne volonté réciproque. Dans un tel état de choses, Nous élevons Nos prières vers Dieu, qui tient dans sa main les coeurs des hommes afin qu'il abrège les jours de l'épreuve, et qu'il ouvre aux peuples, menacés de malheurs indicibles, des voies nouvelles vers la paix avant que l'incendie actuel ne soit transformé en conflagration universelle.
Puisque Nous sommes, bien qu'indigne, le Vicaire de Celui qui est descendu sur la terre comme le Princeps pacis (le Prince de la paix) ; — Nous sentant soutenu en outre par les prières des fidèles et réconforté par l'intime certitude d'avoir avec Nous d'innombrables âmes de bonne volonté — Nous ne cesserons pas d'épier attentivement, pour les seconder de tout Notre pouvoir, les occasions qui s'offriraient, avant tout, d'acheminer à nouveau les peuples, aujourd'hui soulevés et divisés, vers la conclusion d'une paix honorable pour tous, en conformité avec la conscience humaine et chrétienne, une paix qui protège les droits vitaux de chacun et qui sauvegarde la sécurité et la tranquillité des nations ; — et puis, tant que cela n'est pas possible, tout au moins de soulager les terribles blessures déjà infligées ou celles qui le seront dans l'avenir. A ce propos, il Nous plaît de rappeler certaines déclarations, par lesquelles les puissances belligérantes au commencement du conflit ont publiquement affirmé leur volonté d'observer, dans la conduite de la guerre, les lois de l'humanité et de se conformer aux stipulations des accords internationaux. Nous voulons donc espérer d'une manière spéciale que les populations civiles seront préservées de toute opération militaire directe ; que, dans les territoires occupés, seront respectés la vie, la propriété, l'honneur et les sentiments religieux des habitants ; que les prisonniers de guerre seront traités humainement et pourront sans obstacles recevoir les réconforts de la religion ; que sera exclu l'usage des gaz asphyxiants et toxiques.
Chez un peuple qui a donné à l'Eglise de si admirables héros de la charité chrétienne, Nous sommes sûrs que Notre appel pour la paix du Christ, pour la justice et la charité dans les relations internationales, trouvera toujours des esprits attentifs et bien disposés, des coeurs prêts au sacrifice, des mains secourables. Animé de cette consolante confiance, Nous invoquons la toute-puissante protection de Dieu sur Sa Majesté le roi et sur toute la famille royale, sur le gouvernement et la nation belge ; et Nous implorons en particulier les bénédictions divines sur Votre Excellence, afin qu'elles l'accompagnent au cours de sa haute mission.
ALLOCUTION A DES PÈLERINS MEXICAINS
(20 septembre 1939)1
Recevant en audience un groupe de prêtres et de fidèles du Mexique, le Saint-Père leur adressa ces paroles de bienvenue et de remerciement pour l'initiative qu'ils ont prise de faire placer dans les jardins du Vatican une statue représentant l'apparition de Notre-Dame de Guadeloupe :
Il n'y a pas de mot qui puisse exprimer quelle joie et quelle consolation Nous donne la divine Providence en Nous accordant la possibilité de vous saluer en Notre maison, fils et filles du Mexique.
Vous venez d'une terre chère, dans laquelle les disciples fidèles de Jésus se sont trouvés dans la tribulation et la peine et où ils ont souffert la persécution pour la foi et pour le nom de Jésus.
Dites chez vous à vos frères et à vos soeurs que le Seigneur a dû récompenser avec surabondance votre fidèle constance en la foi. Les sacrifices qu'ils ont supportés pour le Christ-Roi sont la semence divine qui rend des fruits au centuple.
Vous avez élevé sur notre territoire un monument à la Très Sainte Vierge de Guadeloupe : Nous vous en remercions. Une confiance sans limites dans l'amour maternel et dans la puissante protection de la Vierge Immaculée Nous unira à vous.
Nous devons invoquer Marie pour qu'elle vienne à Notre aide dans toutes les menaces et les oppressions, pour qu'elle inspire le courage aux faibles, pour qu'elle intercède pour tout votre peuple et qu'elle obtienne de son divin Fils des prêtres saints, des hommes craignant Dieu, des mères pieuses, des jeunes fermes et constants dans la foi.
Comme gage de ceci, Nous vous accordons à vous et à tous vos parents, à tous ceux que vous portez dans l'esprit et dans le coeur, à tous Nos chers fils et filles de votre belle patrie, à tout votre peuple, une très spéciale et paternelle Bénédiction apostolique.
Nous bénissons en même temps et Nous enrichissons d'indulgences tous les objets religieux que vous avez apportés avec vous.
ALLOCUTION A DES PÈLERINS ALLEMANDS
(26 septembre 1939) 1
Le 26 septembre, le Saint-Père reçut en audience un groupe de pèlerins allemands auquel il adressa ces paternelles paroles :
Chers fils ! Nous vous souhaitons une cordiale bienvenue. Vous savez quel profond intérêt Nous vouons à toutes les causes et manifestations de la vie religieuse et du salut des âmes du peuple allemand.
Vous venez vers Nous dans une heure grave. Elle est si grave, et l'avenir paraît si sombre que nous autres hommes ne pouvons pour l'instant voir et dire qu'une seule chose : pour tous les peuples qui s'y trouveront entraînés, la guerre qui vient d'éclater est un terrible fléau de Dieu.
Pour le prêtre, il s'agira maintenant, plus que jamais, de savoir s'élever au-dessus des passions politiques et nationales, de réconforter, de rendre courage, de secourir, d'exhorter à la prière et à la pénitence et de prier lui-même et de faire pénitence. Priez, afin que Dieu dans sa miséricorde abrège le fléau de guerre, qu'il conduise à la paix, une paix qui soit pour les belligérants une paix dans l'honneur et dans la justice et une vraie réconciliation, qu'il accorde aussi à l'Eglise catholique dans votre chère patrie des jours plus heureux et une plus grande liberté.
En gage de l'amour, de la grâce, de la force et de la longanimité de Jésus-Christ, à vous chers fils et à tous ceux qui vous sont confiés, Nous accordons de tout coeur la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A S. EM. LE CARDINAL HLOND, ARCHEVÊQUE DE GNIEZNO ET POZNAN ET AUX POLONAIS RÉSIDANT A ROME
(30 septembre 1939) 1
Conduit par S. Em. le cardinal Hlond, archevêque de Gniezno et Poznan, un groupe de Polonais de Rome fut accueilli par le Saint-Père avec ces paroles de consolation et de confiance :
Vous êtes venus ici implorer Notre Bénédiction en un moment particulièrement douloureux pour votre patrie, à une heure tragique de votre vie nationale. Aussi avons-Nous bien rarement senti en Nous, intime et ardent autant qu'aujourd'hui, le désir de Nous montrer en fait et en paroles ce que, par un choix mystérieux de la Providence, Nous sommes appelé à être ici-bas : le Vicaire et le représentant de Jésus-Christ, l'image vivante de ce Dieu incarné, dont saint Paul a pu dire : * Apparuit benignitas et humanitas » (Tt 3,4). Oui, c'est la compassion infiniment tendre du Coeur divin lui-même que Nous voudrions en ce moment vous faire voir, entendre, sentir, à vous tous, enfants de la Pologne catholique.
Vous êtes venus sous la conduite de votre vénéré cardinal-primat et accompagnés de plusieurs de vos prêtres, comme pour témoigner que votre attachement traditionnel à vos pasteurs, gage de votre dévouement au Pasteur suprême, n'a rien perdu sous le coup des adversités qui vous frappent et ne se laissera pas ébranler par celles qui vous menaceraient encore.
Vous êtes venus, non pour formuler des revendications, ni pour exhaler des lamentations bruyantes ; mais pour demander à Notre coeur, à Nos lèvres, une parole de consolation et de réconfort dans la souffrance. Notre devoir de père est de vous la donner ; et personne assurément n'aurait le droit de s'en étonner. L'amour d'un père s'intéresse à tout ce qui touche ses enfants ; combien plus s'émeut-il de ce qui les blesse ! A chacun d'eux il voudrait dire le mot de saint Paul aux Corinthiens : « Qui de vous peut souffrir sans que je souffre avec lui ? » Quis infirmatur et ego non infirmor f (2Co 11,29).
Compassion du pape pour les victimes de la guerre.
Or, il y a des milliers déjà, des centaines de milliers de pauvres êtres humains qui souffrent, victimes atteintes dans leur chair ou dans leur âme par cette guerre, dont tous Nos efforts, vous le savez, ont si obstinément, si ardemment — mais si vainement, hélas ! — tâché de préserver l'Europe et le monde. Devant Nos yeux passe maintenant, vision d'épouvante affolée ou de morne désespoir, la multitude des fugitifs et des errants, tous ceux qui n'ont plus de patrie, plus de foyer. Jusqu'à Nous montent, déchirants, les sanglots des mères et des épouses, pleurant les êtres chers qui sont tombés sur le champ de bataille ; Nous entendons la plainte désolée de tant de vieillards et d'infirmes, qui restent trop souvent sans doute privés de toute assistance, de tout secours ; les vagissement et les pleurs des tout petits, qui n'ont plus de parents ; les cris des blessés et le râle des moribonds, qui n'étaient pas tous des combattants. Nous faisons Nôtres toutes leurs souffrances, toutes leurs misères, tous leurs deuils. Car l'amour du pape envers les enfants de Dieu ne connaît pas de limites, pas plus qu'il ne connaît de frontières. Tous les fils de l'Eglise sont chez eux quand ils se pressent autour de leur Père commun ; tous ont une place dans son coeur.
Mais cette tendresse paternelle, qui fait une part de choix aux affligés, qui voudrait s'arrêter sur chacun d'eux — et dont vous pouvez recevoir aujourd'hui l'immédiat témoignage — n'est pas l'unique bien qui vous reste. Aux yeux de Dieu, aux yeux de son Vicaire, aux yeux de tous les hommes de bonne foi, il vous reste d'autres richesses ; de celles qui ne se gardent pas dans les coffres de fer ou d'acier, mais dans les coeurs et dans les âmes. Il vous reste d'abord le rayonnement d'une bravoure militaire, qui a rempli d'admiration vos adversaires eux-mêmes, et à laquelle loyalement ils ont rendu hommage.
Appel à l'espoir pour la Pologne chrétienne...
Il vous reste, nuée lumineuse dans l'actuelle nuit, tous les grands souvenirs de votre histoire nationale, dont dix siècles bientôt révolus ont été consacrés au service du Christ et maintes fois à la magnanime défense de l'Europe chrétienne. Il vous reste surtout une foi qui ne veut pas se démentir, digne aujourd'hui de ce qu'elle fut jadis, de ce qu'elle était hier encore. Sur les chemins tour à tour tragiques et glorieux qu'a suivis la Pologne, il a coulé déjà bien des fleuves de larmes et des torrents de sang ; il y a eu des abîmes de douleur ; mais il y a eu aussi des cimes ensoleillées de victoire, des plaines et des vallées pacifiques, illuminées de toute les splendeurs de la religion, de la littérature et des arts. Dans sa vie mouvementée, ce peuple a connu des heures d'agonie et des périodes de mort apparente ; mais il a vu aussi des jours de relèvement et de résurrection. Il y a une chose qu'on n'a pas vue dans votre histoire, et votre présence ici Nous assure qu'on ne la verra jamais : c'est une Pologne infidèle ou séparée de Jésus-Christ et de son Eglise.
Le pays de saint Casimir et de sainte Hedwige, le pays des deux saints Stanislas, de saint Jean de Kenty et de saint André Bobola a pu perdre, au cours des âges, plus ou moins longtemps son territoire, ses biens, son indépendance ; jamais il n'a perdu sa foi. Jamais il n'a perdu sa tendre dévotion envers la Vierge Marie, cette « Reine » puissante et douce « de la Pologne » dont l'image miraculeuse est depuis des siècles, dans le sanctuaire de Czestochowa, la consolatrice des douleurs de toute une nation et la confidente de ses indestructibles espérances.
C'est pourquoi Nous sommes assuré, très chers fils et filles, que des sentiments si solidement ancrés dans vos âmes ne faibliront pas. Nous voulons d'ailleurs espérer que Dieu, dans sa miséricorde, ne permettra pas que l'exercice de la religion soit entravé dans votre pays ; Nous voulons même espérer malgré bien des raisons de craindre, inspirées par les desseins trop connus des ennemis de Dieu, que la vie catholique pourra continuer, profonde et féconde parmi vous ; que vous pourrez renouveler les cérémonies du culte, les manifestations de piété envers l'Eucharistie et d'hommage à la royauté du Christ dont vos villes et vos campagnes donnaient récemment encore le magnifique spectacle ; que la presse catholique, les institutions charitables, les oeuvres sociales, l'enseignement religieux jouiront de la liberté qui leur est due. C'est pourquoi Nous exhortons spécialement vos pasteurs spirituels à poursuivre, à accroître encore, leurs initiatives dans le champ qui, Dieu aidant, pourra rester ouvert à leur zèle. Quelles que soient les circonstances nouvelles où ce zèle s'emploiera, le premier devoir de tous, pasteurs et brebis, est de persévérer non seulement dans la prière mais courageusement aussi dans les oeuvres, avec une inébranlable confiance.
et confiance en la Providence.
Car c'est précisément aux heures où la Providence divine semble pour un temps se cacher, qu'il est beau, et méritoire, et bon, de croire en elle ! Dans les malheurs qui vous atteignent, dans ceux qui peut-être encore surviendraient, vous ne cesserez donc jamais de voir cette Providence, qui ordonne tout à ses fins, qui « ne se trompe jamais dans ses conseils, Deus cujus providentia in sui dispositione non fallitur2 » et qui, lorsqu'elle laisse peser sur ses enfants une lourde croix, n'a en vue que de les faire plus semblables à leur Sauveur bien-aimé, de les associer plus intimement à son oeuvre rédemptrice, et par conséquent de les rendre plus chers à son Coeur. Comme ces fleurs de vos pays, qui sous l'épaisse couche des neiges hivernales attendent les souffles tièdes du printemps, vous saurez attendre, dans une prière confiante, l'heure des consolations célestes.
Votre douleur, ainsi tempérée d'espérance, ne sera donc point mêlée de rancune, moins encore de haine. Que votre élan vers la justice reste conforme, car il peut et doit l'être, aux divines lois de la charité. C'est par la justice et la charité, en effet — et par elles seules, comme Nous ne cessons pas de le redire — que pourra être enfin rendue au monde aujourd'hui convulsé cette paix que, parmi le tumulte des armes, appelle si anxieusement la clameur des peuples, et pour laquelle, d'un bout du monde à l'autre, des millions d'âmes sincères, même de celles qui ne professent pas la foi catholique, élèvent leurs prières vers Dieu, seul Maître souverain des hommes et des choses.
Nous ne vous disons pas : « Séchez vos larmes ! » Le Christ, qui a pleuré sur la mort de Lazare et sur la ruine de sa patrie, recueille, pour les récompenser un jour, les larmes que vous répandez sur vos chers morts, et sur cette Pologne qui ne veut pas mourir. Pour le chrétien, qui sait le prix surnaturel de ces perles, les larmes elles-mêmes peuvent donc avoir leur douceur. Et n'y a-t-il pas d'ailleurs, en chacun de vous, un peu de l'âme de votre immortel Chopin, dont la musique a réalisé ce prodige, de faire de la joie profonde et intarissable avec nos pauvres larmes humaines ? Si l'art d'un homme a pu aller jusque-là, où n'iront-elles pas, dans l'art de bercer nos douleurs intimes, la sagesse et la bonté de Dieu ?
Comme gage des faveurs célestes, que Nous implorons pour vous, très chers fils et filles, Nous vous donnons, avec effusion de coeur, Notre Bénédiction apostolique. Nous étendons cette bénédiction à tous les enfants de la nation polonaise, et plus particulièrement aux personnes que chacun de vous a présentes dans ses intentions ou ses souvenirs.
Orat. Lit. Missae Dom. VII p. Pent.
DISCOURS POUR L'INAUGURATION DE LA NOUVELLE ANNÉE JUDICIAIRE DE LA SACRÉE ROTE ROMAINE
(2 octobre 1939)1
Recevant les auditeurs, officiers et avocats de la Sacrée Rote romaine au commencement de la nouvelle année judiciaire, le Saint-Père leur a adressé le discours suivant, riche de sagesse juridique et de sollicitude pastorale :
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 333.
Grandeur du sacerdoce des auditeurs...
Votre présence, chers fils, Nous est particulièrement agréable, ainsi que la voix grave et prudente de votre digne et si méritant doyen, dont les souhaits étaient associés aujourd'hui, avec l'inauguration de la nouvelle année, aux vastes soucis confiés à l'illustre Collège des auditeurs de la Sacrée Rote romaine pour le resplendissement de la justice dans le monde catholique. Dans cette inauguration, il Nous est agréable de vous accorder la bénédiction invoquée par vous avec la plénitude de Notre affection paternelle ; elle s'associe dans Notre esprit et dans Notre coeur avec la vision de l'année écoulée et le souvenir de la figure vénérable de Notre inoubliable et incomparable prédécesseur sous la bienveillante protection de bénédictions et d'autorité duquel elle avait commencé. Nous avons hérité de lui — et en même temps, réenflammé en Nous — l'affection qu'il nourrissait pour vous, cette affection de haute estime qui vous est due à un double titre : comme prêtres du tribunal de la justice et comme prêtres de l'autel de la foi. N'est-ce pas un très noble sacerdoce — comme on l'a déjà bien remarqué — itidem nobilissium sacerdotium 2, que de servir la justice et de la définir, comme pensaient aussi les grands jurisconsultes de Rome ? Vous approchez de ce sacerdoce revêtu du noble sacerdoce de l'autel ; et à l'autel, dans les rites des solennités pontificales, vous servez et vous êtes assis sur les gradins au pied du trône papal, comme des sentinelles qui répètent au Vicaire du Christ : la justice et le jugement sont la base de votre trône. Iustitia et iudicium praeparatio sedis tuae (Ps 88,14).
2 Const. apost. Ad incrementum, 15 août 1934.
... et de l'histoire de la Rote.
Dans vos nobles titres de prélats domestiques et de familiers du Souverain Pontife perdure et vit le double office que Nos prédécesseurs au cours des siècles vous ont assigné de chapelains auditeurs des causes du sacré Palais apostolique, quand l'antique sagesse romaine du droit, illuminée et soutenue par le flambeau de la justice chrétienne, sortit du fervent travail du moyen âge pour briller et resplendir dans les esprits autour du trône pontifical et des chaires élevées par les papes dans les nations. Une glorieuse histoire accompagne l'existence de la Sacrée Rote romaine, tribunal collégial ordinaire du Siège apostolique ; une histoire consignée dans de nombreux volumes pour l'étude des sages clercs et laïcs qui étudient ses décisions, fruit du mariage entre la raison juridique des Romains et la foi de l'Eglise. Ces souvenirs de votre haute dignité et de votre gloire passée sont réveillés aujourd'hui en Nous par votre présence comme aussi par l'éloquent discours dans lequel votre doyen, après avoir justement commémoré le trentième anniversaire du rétablissement de la Rote par les soins du grand pape Pie X, de sainte mémoire, nous a exposé les résultats importants obtenus par l'étude laborieuse que vous avez faite des nombreuses causes confiées à vos soins ; de cette manière vous ajoutez à l'ancien un nouveau lustre d'honneur et de louange.
Sagesse de ses décisions...
Vos décisions sont un hymne à la justice, à cette justice que tous invoquent, que tous louent, que tous exaltent, et qu'aussi Nous voyons si souvent et gravement foulée aux pieds dans la vie privée, dans la vie publique et dans les rapports entre les nations, à cette justice que « le Maître de ceux qui savent » compare aux astres et déclare plus admirable et plus brillante que l'aurore et le crépuscule ! 3 Si la justice est la fermeté des trônes humains (Pr 16,12), si caduques que soient leur puissance et leur stabilité, elle n'en est pas moins le fondement nécessaire du royaume de Dieu qui se tient à l'intérieur de l'homme, où la chair dresse des embûches à l'esprit, où les passions et la malice sont en lutte avec la raison et la foi et où on ne remporte la victoire que dans la soumission consciente et loyale à un jugement et à un conseil de vrai bien.
surtout en ce qui concerne le mariage.
Parmi les sentences émanées de la Rote romaine viennent en premier lieu, par le nombre, les sentences matrimoniales, qui regardent la dignité et l'inviolabilité de ce sacrement qui est grand dans le Christ et dans l'Eglise. L'amour et l'union du Christ avec l'Eglise est lien sublime de l'époux et de l'épouse, communauté de sainteté, fécondité des bienheureux, inséparabilité de la vie éternelle. Le Christ avec son Eglise militante est vainqueur jusqu'à la consommation des siècles ; avec l'Eglise souffrante il est miséricordieux et réconfortant par les mérites infinis de son sang divin ; avec l'Eglise triomphante il couronne ses victoires dans les luttes du monde. Ces noces mystiques du Christ et de l'Eglise, indissolubles à travers les routes du salut dans le monde et dans l'au-delà, impriment comme un sceau leur haute image sur le mariage chrétien ; elles l'élèvent dans la lumière du sacrement qui sanctifie dans le monde entier les affections, la communauté de vie et les berceaux de la famille catholique, partout où les hérauts de la foi plantent une croix et initient au bain de régénération. Nous ne pouvons toutefois dissimuler que si, d'une part, le nombre notable des causes matrimoniales atteste que la famille universelle du Christ et de l'Eglise s'accroît, se multiplie et s'étend de Rome aux extrémités du globe, où il y a des âmes à libérer, à réconforter, à pacifier, à sauver et à pousser à la confiance et au bien, d'autre part, il manifeste la décadence des saines traditions dans de nombreux pays, et la légèreté, parfois aussi — Nous le disons avec douleur — la malice avec laquelle certains contractent ou font semblant de contracter le saint mariage.
L'universalité, que l'affluence des causes venant de toutes les nations de la terre donne au Tribunal de la Rote romaine, est la gloire de sa sagesse et de sa prudence, et en même temps le sceau de l'unité de l'Eglise fondée sur Pierre, au nom de qui il rend la justice avec sa jurisprudence autorisée, qui s'est déjà acquise tant de louanges dans le monde ; ses sentences, de quelque côté qu'on les regarde, de près ou de loin, de bas ou de haut, ne distinguent pas, par rapport à la vérité et à la justice, entre les petits et les grands. La pauvreté et la richesse ne pèsent pas sur ses balances et ne la font pas trébucher. Riches et pauvres sont regardés avec un même regard face à la justice, aux passions ou aux artifices qui lui dressent des embûches ; et si dans le traitement des causes triomphe un privilège, ce n'est pas celui des riches et des puissants, mais celui des pauvres et des petits qui obtiennent la défense ou l'assistance gratuites, généreux devoir auquel sont tenus les avocats de ce tribunal. Supérieure à tout soupçon dans son appréciation et dans son jugement, la Sacrée Rote romaine, vengeresse de la justice, connaît aussi la variabilité des coeurs et des sentiments humains, la fraude d'une pensée qui diffère des mots prononcés par les lèvres ; pour élever les âmes au Christ elle élève haut le cri de la foi, de l'inviolabilité de la droite conscience et de la juste liberté humaine, de la sainteté et de l'unité des noces.
De cette manière le monde reconnaît, dans ce tribunal ordinaire, les réponses des jurisconsultes et les constitutions des Césars unies aux canons des succeseurs de Pierre ; et Rome, mère du droit, continue à en être la maîtresse des rives du Tibre aux extrémités de la terre, en enseignant et en promouvant un droit humano-divin, rayon émané du Verbe divin fait homme, dont la clarté est marquée dans notre raison et dont la lumière illumine tout homme qui vient dans ce monde. N'en est-ce pas aussi une preuve et une attestation le Studium annexé à ce tribunal, et le nombre croissant des jeunes gradués en droit canon et des prêtres qui de toutes les parties du monde y accourent sous la direction du Promoteur de justice ?
Heureux par conséquent, même en des temps aussi orageux, d'inaugurer la nouvelle année judiciaire de la Sacrée Rote romaine, Nous Nous réjouissons vivement de vous avoir pour la première fois autour de Nous. Le discours que Nous adressons à votre antique et très noble Collège n'est pas, comme vous le voyez bien, un avertissement, mais une louange méritée et fortifiée par le passé, par vos travaux récents et infatigables, par votre disposition d'esprit présente et future à procéder et à poursuivre dans le chemin fatigant et glorieux de la justice avec cette prudente expérience propre à votre Collège qui, tout en exaltant la justice, n'humilie pas mais exalte en même temps la miséricorde et la charité.
(19 août 1939)1
Le Saint-Père a fait parvenir, en une lettre adressée par S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, à S. Em. le cardinal Verdier, archevêque de Paris, ses encouragements et ses voeux pour le Congrès de l'oeuvre des « Communautés paroissiales » pour les missions intérieures de France.
Les représentants des Communautés paroissiales de toute la France, qui vont se réunir prochainement sur la colline sacrée de Montmartre pour la célébration de leur dixième « Journée communautaire », pourront bien se réjouir de voir solidement affermie, après une expérience de dix ans, une oeuvre destinée à aider puissamment au travail urgent du relèvement religieux dans ce grand et cher pays.
En effet, ce qui est surtout nécessaire dans ce travail d'assainissement spirituel, au milieu de populations où toute préoccupation religieuse semble parfois à jamais éteinte, ce sont des apôtres à l'âme de feu, qui, étant animés de la flamme de l'évangélisation et abondamment nourris de vie intérieure puisée aux sources évangéliques, se consacrent au ministère pastoral sans calculs ni réserve, libres, autant qu'il est permis, des soucis encombrants de l'ordre temporel.
La « Communauté paroissiale », telle qu'elle a été établie dans plusieurs villes et centres ruraux de France, répond, paraît-il, à cette nécessité, puisqu'elle a rendu possible le recrutement et la formation de ces apôtres, et le rayonnement de son activité a eu comme résultat de faire revivre la foi et la piété chrétienne dans des régions d'où elles avaient été bannies.
Ce résultat est on ne peut plus encourageant. Aussi le Saint-Père aime-t-il à s'en réjouir avec tous ces chers prêtres missionnaires, et il est heureux d'élever à Dieu avec eux ses actions de grâces, pendant qu'il les engage à intensifier leur mission et à travailler de toutes leurs forces pour multiplier ces foyers providentiels de vie commune et apostolique.
En acceptant joyeusement les sacrifices qu'exige d'eux cette forme de ministère, ils assurent le meilleur rendement aux talents de leur vocation sacerdotale et ils trouvent en même temps les plus précieux moyens pour leur sanctification personnelle. C'est par celle-ci — personne ne l'ignore — que la vie du prêtre est surtout féconde ; et rien ne peut la remplacer dans l'exercice de l'apostolat pour en assurer les fruits.
Sa Sainteté se réjouit à la pensée que ceux-ci ne manqueront pas de stimuler toujours davantage le zèle de ces chers prêtres pour les porter à une action de plus en plus large et profonde. Elle implore dans ce but les plus abondantes lumières d'en haut ; et dans le ferme espoir que l'oeuvre des « Communautés paroissiales » ne cesse de progresser pour la plus grande gloire de Dieu à travers le travail, le sacrifice et la prière, envoie de tout coeur aux dirigeants des différentes « Communautés » et à chacun de leurs membres le réconfort de la Bénédiction apostolique.
RADIOMESSAGE AU MONDE ENTIER
(24 août 1939)1
Alors que les menaces d'un conflit mondial devenaient imminentes, le Pape lança par la Radio vaticane un message émouvant aux peuples du monde entier, en faveur de la paix. Les paroles vibrantes du Père commun furent diffusées en italien, en français, en allemand, en espagnol et en polonais.
Nouvel appel instant en faveur de la paix...
Une heure particulièrement grave vient de sonner pour la grande famille humaine : l'heure de délibérations redoutables dont Notre coeur ne peut se désintéresser, comme ne le doit pas l'autorité spirituelle qui Nous vient de Dieu pour conduire les âmes sur les voies de la justice et de la paix. Nous voici donc avec vous tous qui portez en ce moment le poids d'une si grande responsabilité, afin qu'à travers Notre voix vous écoutiez la voix de ce Christ de qui le monde a appris la plus haute école de vie, et dans lequel des millions et des millions d'âmes mettent leur confiance, dans une situation difficile où il n'y a que sa parole qui puisse dominer tous les bruits de la terre. Nous voici avec vous, chefs des peuples, hommes de la politique et des armes, écrivains, orateurs de la tribune et de la radio, et vous tous qui avez autorité sur les pensées et les actions de vos frères et qui répondez de leur sort.
N'ayant d'autre arme pour Nous que la parole de la vérité, étant au-dessus des contestations et des passions publiques, Nous vous parlons au nom de Dieu, « de qui procède toute paternité dans les cieux et sur la terre » (Ep 3,15) — au nom de Jésus-Christ, Notre-Seigneur, qui a voulu frères tous les hommes — au nom du Saint-Esprit, le Don du Très-Haut, source inépuisable d'amour dans les coeurs.
Aujourd'hui que, en dépit de Nos exhortations réitérées et de l'intérêt particulier que Nous portons à cette situation, les craintes d'un sanglant conflit international se font plus pressantes, aujourd'hui que la tension des esprits semble arrivée au point de faire considérer comme imminent le déchaînement du terrible ouragan de la guerre, Nous adressons d'un coeur paternel un nouvel et plus chaleureux appel aux gouvernants et aux peuples.
A ceux-là, pour qu'après avoir renoncé aux accusations, aux menaces et aux causes de la méfiance réciproque, ils tentent de résoudre les divergences actuelles par le seul moyen approprié, c'est-à-dire par des ententes loyales ; à ceux-ci, pour que, dans le calme et dans la sérénité, sans agitation désordonnée, ils encouragent les tentatives pacifiques de ceux qui les gouvernent. C'est par la force de la raison, et non pas par la force des armes, que la justice fera son chemin, et les empires qui ne sont pas fondés sur la justice ne sont pas bénis de Dieu. La politique affranchie de la morale trahit ceux-là mêmes qui veulent qu'elle soit ainsi.
...et de la négociation entre gouvernements.
Le danger est imminent, mais il est encore temps. Rien n'est perdu avec la paix. Tout peut l'être avec la guerre. Que les hommes recommencent à se comprendre. Qu'ils recommencent à négocier. En faisant ces pourparlers avec bonne volonté et dans le respect des droits réciproques, ils s'apercevront qu'un succès honorable n'est jamais exclu des négociations loyales et actives. Ils se sentiront grands — de la véritable grandeur — si, faisant taire les voix de la passion, aussi bien collective que privée, et faisant droit à la raison, ils épargnent le sang de leurs frères et soustraient leur patrie à la ruine.
Dieu veuille que la voix de ce Père de la famille chrétienne, de ce serviteur des serviteurs qui porte indignement, mais réellement, parmi les hommes la personne, les paroles, l'autorité de Jésus-Christ, trouve un accueil prompt et empressé dans les esprits et dans les coeurs. Que les forts Nous écoutent pour ne pas devenir faibles dans l'injustice. Que les puissants Nous écoutent s'ils veulent que leur puissance n'amène pas la destruction, mais qu'elle soit un appui pour les peuples et une protection pour la tranquilité de ceux-ci dans l'ordre et dans le travail.
Nous les supplions, par le sang du Christ dont la force qui vainquit le monde fut la douceur même dans la vie et dans la mort. Et en les suppliant, Nous savons et Nous sentons que Nous avons avec Nous tous les hommes au coeur droit, tous ceux qui ont faim et soif de justice, tous ceux qui souffrent déjà toutes sortes de douleurs par suite des maux de la vie. Nous avons avec Nous le coeur des mères qui bat avec le Nôtre ; les pères qui devraient abandonner leur famille ; tous ceux qui travaillent et ne savent pas ; les innocents sur lesquels pèse la terrible menace ; les jeunes, chevaliers généreux des idéaux les plus purs et les plus nobles.
L'âme de cette vieille Europe qui est l'oeuvre de la foi et du génie chrétien est aussi avec Nous, de même l'humanité tout entière qui attend la justice, la paix, la liberté, et non pas le fer qui tue et détruit. Avec nous est le Christ qui a fait de l'amour fraternel son commandement fondamental et solennel la substance de sa religion, la promesse du salut pour les individus et pour les nations.
Nous souvenant enfin que les oeuvres humaines n'aboutissent à rien sans le secours divin, Nous invitons tous les chrétiens à diriger leurs regards vers le très-Haut et à demander au Seigneur par des prières ferventes que sa grâce descende en abondance sur ce monde bouleversé, qu'il apaise les ressentiments, qu'il réconcilie les âmes et qu'il fasse resplendir l'aube d'un avenir plus serein. C'est dans cette attente et dans cet espoir que Nous donnons à tous, de tout coeur, Notre Bénédiction paternelle.
NOTE AUX GOUVERNEMENTS ANGLAIS, FRANÇAIS, ALLEMAND, ITALIEN ET POLONAIS
(31 août 1939) 1
Le jeudi 31 août, veille de l'agression allemande contre la Pologne, le Saint-Père fit encore de suprêmes efforts pour tenter d'enrayer le terrible fléau de la guerre. Après un long entretien avec S. Em. le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat, il lança un ultime appel à la paix et fit remettre aux ambassadeurs d'Allemagne, de France, d'Italie, de Pologne, et au ministre d'Angleterre, la note que voici :
Le Souverain Pontife ne veut pas renoncer à l'espoir que les négociations en cours puissent aboutir à une solution juste et pacifique, telle que le monde entier ne cesse de l'implorer.
Sa Sainteté supplie, par conséquent, au nom de Dieu, les Gouvernements d'Allemagne et de Pologne de faire ce qui leur est possible afin d'éviter tout incident, et de s'abstenir de prendre toute mesure susceptible d'aggraver la tension actuelle. Elle prie les Gouvernements d'Angleterre, de France et d'Italie d'appuyer sa demande.
LETTRE AUX ÉVÊQUES DE HOLLANDE A L'OCCASION DU XII\2e\0 CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT WILLIBROD
(9 septembre 1939) 1
A l'occasion des fêtes organisées par les êvêques de Hollande pour le douzième centenaire de la mort de saint Willibrod, le Saint-Père leur a adressé la lettre suivante :
C'est avec joie que Nous apprenons, Vénérables pasteurs de Hollande, que des solennités doivent être célébrées en l'honneur de saint Clément Willibrod par vous et par vos fidèles, à l'occasion du XIIe centenaire de sa mort au monastère d'Echternach. La piété de l'obéissance religieuse et le devoir d'un respect reconnaissant demandent que vous rappeliez le souvenir de l'apôtre de votre région par de nouvelles célébrations et une joie inhabituelles. Si, en effet, l'honneur des enfants est la dignité du père, c'est à bon droit que vous vous glorifiez de ce saint né dans la généreuse Bretagne qui, poussé par une inspiration de Dieu, traversa la mer avec onze disciples, et porta la lumière de l'Evangile et l'estime de l'humanité et de l'urbanité aux Frisons qu'il aimait beaucoup. Qui pourra raconter les travaux auxquels il s'est consacré, les peines qu'il a supportées, les combats qu'il a soutenus, afin de porter à vos ancêtres l'Evangile du Christ ?
Aimé de Dieu et des hommes, et dont la mémoire est en bénédiction (cf. Si 45,1), il est apparu sur cette terre comme père, maître, législateur, et a donné l'exemple des plus hautes vertus. C'est à lui que les Hollandais doivent le précieux héritage d'une foi sainte et vive, brûlante de charité, établie sur une sévère discipline, et qui les entraîne de façon exemplaire dans des entreprises missionnaires, afin que les signes vainqueurs de la croix salutaire soient portés aux régions infidèles et que la lumière de la vérité venue du ciel soit semée en long et en large.
Plût au ciel que ceux qui sont éloignés de l'Eglise et qui honorent avec vous saint Willibrod comme père et chef reconnaissent aussitôt que possible ce Siège apostolique, « racine et mère de l'Eglise catholique et maître incapable de se tromper » 2, avec lequel il était en relations très étroites.
Que tous ceux qui portent le nom de catholique, mus par le zèle de la religion et entraînés par vos exhortations et vos exemples, accordent un soin attentif et persévérant afin de ramener par un effort persuasif de doctrine, de charité et de probité, à l'unique bercail du Christ, à la plénitude de la foi immaculée et à l'heureuse restauration de la communauté fraternelle, ceux que l'Eglise déplore comme ayant été éloignés d'elle par le dérèglement d'une époque malheureuse.
Mû par cet espoir, Nous encourageons les fidèles par de paternelles exhortations à retirer des solennités qui seront célébrées à la mémoire et en l'honneur de saint Willibrod de nouveaux et vigoureux encouragements à pratiquer la vertu. Que dans leurs vies, nulle dissension ne s'élève, nulle discorde n'apparaisse ; qu'avec la simplicité qui s'épand par de purs sentiments ils reproduisent à l'extérieur les moeurs que la foi leur enseigne à l'intérieur. Qu'ils mènent le bon combat du Christ contre les subtiles embûches de la dissipation spirituelle et les séductions du monde par lesquelles beaucoup sont pris imprudemment et attendent la bienheureuse espérance du bonheur de l'éternité, à l'exemple de saint Willibrod, au patronage duquel vous avez grande confiance et dont vous avez expérimenté l'efficacité à travers tant de difficultés actuelles. « (En effet), l'immensité du ciel dilate les coeurs au lieu de les fermer, réjouit les esprits au lieu de les rendre insensibles ; elle ne contraint pas les affections, mais les étend ! Qu'à la lumière de Dieu, le souvenir soit rendu serein et non point obscur. » 3
Que les supplications et les prières de votre céleste patron intercèdent auprès de Dieu afin que la chère Hollande resplendisse de plus en plus de splendeur et de sagesse chrétienne ; qu'une ferme et durable concorde de ses citoyens permette d'entreprendre de grands projets, infuse les hauts principes de la justice et de l'honnêteté dans la société et garde ses frontières de toute attaque ennemie.
C'est en souhaitant du fond du coeur que les saintes célébrations qui vont commencer soient source de salut et de joie que Nous accordons volontiers aux fidèles de Hollande l'indulgence plénière du Jubilé dont Nous vous envoyons les lettres en forme brève comme la chose l'exige.
Il Nous reste, Vénérables Frères et évêques de Hollande, à vous accorder affectueusement dans le Seigneur, ainsi qu'à l'ensemble de vos fidèles au bien desquels vous consacrez vos soins et vos pensées, la Bénédiction apostolique, témoignage et messagère de Notre grande affection.
2 S. Cyprien, Ep. 48 ad Cornelium.
3 S. Bernard, In natali S. Victoris, Sermo II.
RÉPONSE AU FILIAL HOMMAGE DU SACRÉ COLLÈGE
(11 septembre 1939)1
S. Em. le cardinal Granito di Belmonte, doyen du Sacré Collège, a fait parvenir au Saint-Père, le 1er septembre, une adresse de filial hommage au nom de tous les cardinaux. Voici la réponse pontificale :
Dans les heures anxieuses que nous traversons du fait des très graves événements qui nous pressent et que n'ont pu conjuguer Nos implorations répétées, Nous ne pouvions pas ne pas sentir plus que jamais serré autour de Nous avec toute sa piété filiale, son absolu dévouement, la conscience élevée de ses devoirs, le bien-aimé Sacré-Collège, Notre principal réconfort et soutien dans les soucis du ministère apostolique.
Mais, le voir venir à Nous comme d'une façon sensible à travers votre parole vénérée et Nous ouvrir son âme émue pour mêler son amertume à la Nôtre et pour offrir avec un libre et fervent élan à Nos angoisses les richesses de ses talents, de ses énergies spirituelles, de son coeur enflammé d'amour pour les intérêts de Jésus-Christ et de son Eglise, est un acte qui remplit Notre âme de tendresse et Notre coeur de profonde gratitude envers le Seigneur, toujours prêt à adoucir les douleurs de ses fils par d'intimes consolations.
Nous sentant par cet hommage beaucoup plus fort dans l'accomplissement des devoirs délicats que les circonstances Nous imposent, Nous vous exprimons à vous, Vénérable Frère, et à chacun de vos collègues dont vous traduisez si bien la pensée et le sentiment, Notre paternelle et très vive satisfaction.
Particulièrement heureux de vous sentir unis à Nous dans la prière confiante, Nous la sollicitons par-dessus tout ardente et incessante de votre charité. En elle, vous le savez, est le motif le plus solide de Nos espérances. Et tandis que, appuyé sur la prière, Nous implorons avec instance de Dieu avec vous et avec tous les gens de bien la paix stable tant désirée par les hommes, Nous vous accordons de tout coeur à vous, Vénérable Frère, et au Sacré Collège tout entier la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DE BELGIQUE
(14 septembre 1939) 1
Le 14 septembre, le Souverain Pontife reçut en audience le nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Belgique, S. Exc. M. Adrien Nieuwenhuys, venu lui remettre ses lettres de créance. A l'adresse d'hommage, le Saint-Père répondit en exprimant à nouveau son désir de paix pour toute la famille humaine :
C'est une vive satisfaction pour Nous de recevoir des mains de Votre Excellence les lettres par lesquelles Sa Majesté le roi des Belges l'accrédite auprès de Nous comme son ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire. Nous voyons dans ces lettres une expression nouvelle de l'intérêt particulier que votre auguste souverain attache au maintien des étroites et confiantes relations unissant heureusement la nation belge à ce Siège apostolique : relations qui tournent à l'avantage tout ensemble de l'Eglise et de l'Etat. Les paroles, dont Votre Excellence a accompagné cet acte solennel, sont pour Nous une garantie (Nous l'attendions avec pleine certitude, mais Nous n'en sommes pas moins touché), que les intentions élevées de Sa Majesté trouveront en vous la plus entière et la plus fidèle correspondance. En retour, soyez assuré, Monsieur l'ambassadeur, que Nous, qui voici bien des années déjà avons eu l'occasion de connaître et d'apprécier vos belles qualités d'esprit et de coeur, Nous vous donnerons bien volontiers tout Notre appui dans l'accomplissement de la haute tâche qui vous est confiée.
Rappel des efforts tentés par le Saint-Père en faveur de la paix.
Les débuts de cette mission coïncident avec une heure de tension tragique, qui emplit Notre coeur d'une profonde tristesse. Ce qui depuis le dernier conflit mondial était l'angoisse et la terreur des peuples est à nouveau une réalité — la réalité d'une catastrophe incommensurable ! Car cette guerre nouvelle, qui déjà ébranle le sol de l'Europe, et particulièrement celui d'une nation catholique, aucune prévision humaine ne peut calculer ni quel effroyable potentiel de carnage elle porte en elle, ni quelles seront son extension et ses complications successives. Votre Excellence rappelle à bon droit les efforts accomplis par son souverain, jusqu'à la dernière minute, pour sauver la paix menacée et pour préserver les peuples d'Europe des plus graves calamités. Mais qui donc pouvait être plus ardemment disposé à aider ces généreuses tentatives que le Père commun de la chrétienté ? Placé par les devoirs de Notre ministère apostolique au-dessus des conflits particuliers, et soucieux, dans Notre sollicitude paternelle, du vrai bien de tous les peuples, Nous voyions, avec un douloureux serrement de coeur, s'approcher de jour en jour le cataclysme qui suivrait, comme une conséquence inéluctable, l'abandon du principe des négociations et le recours à la force des armes. Nous n'avons pas à redire Nous-même comment la prévision d'un si grand malheur Nous a accompagné sans cesse depuis le premier jour de Notre pontificat ; comment, jusqu'à l'instant suprême qui précéda l'explosion des hostilités, Nous n'avons rien omis de ce que Nous pouvions tenter — soit par des prières et des exhortations publiques, soit par des démarches confidentielles, réitérées et précises — pour éclairer les esprits sur la gravité du péril et pour les amener à de loyales et pacifiques négociations sur les bases, les seules solides et durables, de la justice et de l'amour : justice rendue au plus faible non moins qu'au plus fort ; amour qui se maintienne à l'abri des égarements de l’égoïsme, de sorte que la sauvegarde du droit de chacun ne dégénère pas en oubli, ou négation, ou violation positive, du droit des autres.
Nouvel appel.
Aujourd'hui, malheureusement, le grondement du canon, le tumulte des armées combattantes et la rapide succession des faits de guerre, sont sur le point de couvrir toutes les autres voix. Les hostilités déjà engagées, dans certains secteurs avec des effets foudroyants, semblent actuellement barrer aux champions de la paix les routes qui, hier encore, pouvaient paraître accessibles à une bonne volonté réciproque. Dans un tel état de choses, Nous élevons Nos prières vers Dieu, qui tient dans sa main les coeurs des hommes afin qu'il abrège les jours de l'épreuve, et qu'il ouvre aux peuples, menacés de malheurs indicibles, des voies nouvelles vers la paix avant que l'incendie actuel ne soit transformé en conflagration universelle.
Puisque Nous sommes, bien qu'indigne, le Vicaire de Celui qui est descendu sur la terre comme le Princeps pacis (le Prince de la paix) ; — Nous sentant soutenu en outre par les prières des fidèles et réconforté par l'intime certitude d'avoir avec Nous d'innombrables âmes de bonne volonté — Nous ne cesserons pas d'épier attentivement, pour les seconder de tout Notre pouvoir, les occasions qui s'offriraient, avant tout, d'acheminer à nouveau les peuples, aujourd'hui soulevés et divisés, vers la conclusion d'une paix honorable pour tous, en conformité avec la conscience humaine et chrétienne, une paix qui protège les droits vitaux de chacun et qui sauvegarde la sécurité et la tranquillité des nations ; — et puis, tant que cela n'est pas possible, tout au moins de soulager les terribles blessures déjà infligées ou celles qui le seront dans l'avenir. A ce propos, il Nous plaît de rappeler certaines déclarations, par lesquelles les puissances belligérantes au commencement du conflit ont publiquement affirmé leur volonté d'observer, dans la conduite de la guerre, les lois de l'humanité et de se conformer aux stipulations des accords internationaux. Nous voulons donc espérer d'une manière spéciale que les populations civiles seront préservées de toute opération militaire directe ; que, dans les territoires occupés, seront respectés la vie, la propriété, l'honneur et les sentiments religieux des habitants ; que les prisonniers de guerre seront traités humainement et pourront sans obstacles recevoir les réconforts de la religion ; que sera exclu l'usage des gaz asphyxiants et toxiques.
Chez un peuple qui a donné à l'Eglise de si admirables héros de la charité chrétienne, Nous sommes sûrs que Notre appel pour la paix du Christ, pour la justice et la charité dans les relations internationales, trouvera toujours des esprits attentifs et bien disposés, des coeurs prêts au sacrifice, des mains secourables. Animé de cette consolante confiance, Nous invoquons la toute-puissante protection de Dieu sur Sa Majesté le roi et sur toute la famille royale, sur le gouvernement et la nation belge ; et Nous implorons en particulier les bénédictions divines sur Votre Excellence, afin qu'elles l'accompagnent au cours de sa haute mission.
ALLOCUTION A DES PÈLERINS MEXICAINS
(20 septembre 1939)1
Recevant en audience un groupe de prêtres et de fidèles du Mexique, le Saint-Père leur adressa ces paroles de bienvenue et de remerciement pour l'initiative qu'ils ont prise de faire placer dans les jardins du Vatican une statue représentant l'apparition de Notre-Dame de Guadeloupe :
Il n'y a pas de mot qui puisse exprimer quelle joie et quelle consolation Nous donne la divine Providence en Nous accordant la possibilité de vous saluer en Notre maison, fils et filles du Mexique.
Vous venez d'une terre chère, dans laquelle les disciples fidèles de Jésus se sont trouvés dans la tribulation et la peine et où ils ont souffert la persécution pour la foi et pour le nom de Jésus.
Dites chez vous à vos frères et à vos soeurs que le Seigneur a dû récompenser avec surabondance votre fidèle constance en la foi. Les sacrifices qu'ils ont supportés pour le Christ-Roi sont la semence divine qui rend des fruits au centuple.
Vous avez élevé sur notre territoire un monument à la Très Sainte Vierge de Guadeloupe : Nous vous en remercions. Une confiance sans limites dans l'amour maternel et dans la puissante protection de la Vierge Immaculée Nous unira à vous.
Nous devons invoquer Marie pour qu'elle vienne à Notre aide dans toutes les menaces et les oppressions, pour qu'elle inspire le courage aux faibles, pour qu'elle intercède pour tout votre peuple et qu'elle obtienne de son divin Fils des prêtres saints, des hommes craignant Dieu, des mères pieuses, des jeunes fermes et constants dans la foi.
Comme gage de ceci, Nous vous accordons à vous et à tous vos parents, à tous ceux que vous portez dans l'esprit et dans le coeur, à tous Nos chers fils et filles de votre belle patrie, à tout votre peuple, une très spéciale et paternelle Bénédiction apostolique.
Nous bénissons en même temps et Nous enrichissons d'indulgences tous les objets religieux que vous avez apportés avec vous.
ALLOCUTION A DES PÈLERINS ALLEMANDS
(26 septembre 1939) 1
Le 26 septembre, le Saint-Père reçut en audience un groupe de pèlerins allemands auquel il adressa ces paternelles paroles :
Chers fils ! Nous vous souhaitons une cordiale bienvenue. Vous savez quel profond intérêt Nous vouons à toutes les causes et manifestations de la vie religieuse et du salut des âmes du peuple allemand.
Vous venez vers Nous dans une heure grave. Elle est si grave, et l'avenir paraît si sombre que nous autres hommes ne pouvons pour l'instant voir et dire qu'une seule chose : pour tous les peuples qui s'y trouveront entraînés, la guerre qui vient d'éclater est un terrible fléau de Dieu.
Pour le prêtre, il s'agira maintenant, plus que jamais, de savoir s'élever au-dessus des passions politiques et nationales, de réconforter, de rendre courage, de secourir, d'exhorter à la prière et à la pénitence et de prier lui-même et de faire pénitence. Priez, afin que Dieu dans sa miséricorde abrège le fléau de guerre, qu'il conduise à la paix, une paix qui soit pour les belligérants une paix dans l'honneur et dans la justice et une vraie réconciliation, qu'il accorde aussi à l'Eglise catholique dans votre chère patrie des jours plus heureux et une plus grande liberté.
En gage de l'amour, de la grâce, de la force et de la longanimité de Jésus-Christ, à vous chers fils et à tous ceux qui vous sont confiés, Nous accordons de tout coeur la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A S. EM. LE CARDINAL HLOND, ARCHEVÊQUE DE GNIEZNO ET POZNAN ET AUX POLONAIS RÉSIDANT A ROME
(30 septembre 1939) 1
Conduit par S. Em. le cardinal Hlond, archevêque de Gniezno et Poznan, un groupe de Polonais de Rome fut accueilli par le Saint-Père avec ces paroles de consolation et de confiance :
Vous êtes venus ici implorer Notre Bénédiction en un moment particulièrement douloureux pour votre patrie, à une heure tragique de votre vie nationale. Aussi avons-Nous bien rarement senti en Nous, intime et ardent autant qu'aujourd'hui, le désir de Nous montrer en fait et en paroles ce que, par un choix mystérieux de la Providence, Nous sommes appelé à être ici-bas : le Vicaire et le représentant de Jésus-Christ, l'image vivante de ce Dieu incarné, dont saint Paul a pu dire : * Apparuit benignitas et humanitas » (Tt 3,4). Oui, c'est la compassion infiniment tendre du Coeur divin lui-même que Nous voudrions en ce moment vous faire voir, entendre, sentir, à vous tous, enfants de la Pologne catholique.
Vous êtes venus sous la conduite de votre vénéré cardinal-primat et accompagnés de plusieurs de vos prêtres, comme pour témoigner que votre attachement traditionnel à vos pasteurs, gage de votre dévouement au Pasteur suprême, n'a rien perdu sous le coup des adversités qui vous frappent et ne se laissera pas ébranler par celles qui vous menaceraient encore.
Vous êtes venus, non pour formuler des revendications, ni pour exhaler des lamentations bruyantes ; mais pour demander à Notre coeur, à Nos lèvres, une parole de consolation et de réconfort dans la souffrance. Notre devoir de père est de vous la donner ; et personne assurément n'aurait le droit de s'en étonner. L'amour d'un père s'intéresse à tout ce qui touche ses enfants ; combien plus s'émeut-il de ce qui les blesse ! A chacun d'eux il voudrait dire le mot de saint Paul aux Corinthiens : « Qui de vous peut souffrir sans que je souffre avec lui ? » Quis infirmatur et ego non infirmor f (2Co 11,29).
Compassion du pape pour les victimes de la guerre.
Or, il y a des milliers déjà, des centaines de milliers de pauvres êtres humains qui souffrent, victimes atteintes dans leur chair ou dans leur âme par cette guerre, dont tous Nos efforts, vous le savez, ont si obstinément, si ardemment — mais si vainement, hélas ! — tâché de préserver l'Europe et le monde. Devant Nos yeux passe maintenant, vision d'épouvante affolée ou de morne désespoir, la multitude des fugitifs et des errants, tous ceux qui n'ont plus de patrie, plus de foyer. Jusqu'à Nous montent, déchirants, les sanglots des mères et des épouses, pleurant les êtres chers qui sont tombés sur le champ de bataille ; Nous entendons la plainte désolée de tant de vieillards et d'infirmes, qui restent trop souvent sans doute privés de toute assistance, de tout secours ; les vagissement et les pleurs des tout petits, qui n'ont plus de parents ; les cris des blessés et le râle des moribonds, qui n'étaient pas tous des combattants. Nous faisons Nôtres toutes leurs souffrances, toutes leurs misères, tous leurs deuils. Car l'amour du pape envers les enfants de Dieu ne connaît pas de limites, pas plus qu'il ne connaît de frontières. Tous les fils de l'Eglise sont chez eux quand ils se pressent autour de leur Père commun ; tous ont une place dans son coeur.
Mais cette tendresse paternelle, qui fait une part de choix aux affligés, qui voudrait s'arrêter sur chacun d'eux — et dont vous pouvez recevoir aujourd'hui l'immédiat témoignage — n'est pas l'unique bien qui vous reste. Aux yeux de Dieu, aux yeux de son Vicaire, aux yeux de tous les hommes de bonne foi, il vous reste d'autres richesses ; de celles qui ne se gardent pas dans les coffres de fer ou d'acier, mais dans les coeurs et dans les âmes. Il vous reste d'abord le rayonnement d'une bravoure militaire, qui a rempli d'admiration vos adversaires eux-mêmes, et à laquelle loyalement ils ont rendu hommage.
Appel à l'espoir pour la Pologne chrétienne...
Il vous reste, nuée lumineuse dans l'actuelle nuit, tous les grands souvenirs de votre histoire nationale, dont dix siècles bientôt révolus ont été consacrés au service du Christ et maintes fois à la magnanime défense de l'Europe chrétienne. Il vous reste surtout une foi qui ne veut pas se démentir, digne aujourd'hui de ce qu'elle fut jadis, de ce qu'elle était hier encore. Sur les chemins tour à tour tragiques et glorieux qu'a suivis la Pologne, il a coulé déjà bien des fleuves de larmes et des torrents de sang ; il y a eu des abîmes de douleur ; mais il y a eu aussi des cimes ensoleillées de victoire, des plaines et des vallées pacifiques, illuminées de toute les splendeurs de la religion, de la littérature et des arts. Dans sa vie mouvementée, ce peuple a connu des heures d'agonie et des périodes de mort apparente ; mais il a vu aussi des jours de relèvement et de résurrection. Il y a une chose qu'on n'a pas vue dans votre histoire, et votre présence ici Nous assure qu'on ne la verra jamais : c'est une Pologne infidèle ou séparée de Jésus-Christ et de son Eglise.
Le pays de saint Casimir et de sainte Hedwige, le pays des deux saints Stanislas, de saint Jean de Kenty et de saint André Bobola a pu perdre, au cours des âges, plus ou moins longtemps son territoire, ses biens, son indépendance ; jamais il n'a perdu sa foi. Jamais il n'a perdu sa tendre dévotion envers la Vierge Marie, cette « Reine » puissante et douce « de la Pologne » dont l'image miraculeuse est depuis des siècles, dans le sanctuaire de Czestochowa, la consolatrice des douleurs de toute une nation et la confidente de ses indestructibles espérances.
C'est pourquoi Nous sommes assuré, très chers fils et filles, que des sentiments si solidement ancrés dans vos âmes ne faibliront pas. Nous voulons d'ailleurs espérer que Dieu, dans sa miséricorde, ne permettra pas que l'exercice de la religion soit entravé dans votre pays ; Nous voulons même espérer malgré bien des raisons de craindre, inspirées par les desseins trop connus des ennemis de Dieu, que la vie catholique pourra continuer, profonde et féconde parmi vous ; que vous pourrez renouveler les cérémonies du culte, les manifestations de piété envers l'Eucharistie et d'hommage à la royauté du Christ dont vos villes et vos campagnes donnaient récemment encore le magnifique spectacle ; que la presse catholique, les institutions charitables, les oeuvres sociales, l'enseignement religieux jouiront de la liberté qui leur est due. C'est pourquoi Nous exhortons spécialement vos pasteurs spirituels à poursuivre, à accroître encore, leurs initiatives dans le champ qui, Dieu aidant, pourra rester ouvert à leur zèle. Quelles que soient les circonstances nouvelles où ce zèle s'emploiera, le premier devoir de tous, pasteurs et brebis, est de persévérer non seulement dans la prière mais courageusement aussi dans les oeuvres, avec une inébranlable confiance.
et confiance en la Providence.
Car c'est précisément aux heures où la Providence divine semble pour un temps se cacher, qu'il est beau, et méritoire, et bon, de croire en elle ! Dans les malheurs qui vous atteignent, dans ceux qui peut-être encore surviendraient, vous ne cesserez donc jamais de voir cette Providence, qui ordonne tout à ses fins, qui « ne se trompe jamais dans ses conseils, Deus cujus providentia in sui dispositione non fallitur2 » et qui, lorsqu'elle laisse peser sur ses enfants une lourde croix, n'a en vue que de les faire plus semblables à leur Sauveur bien-aimé, de les associer plus intimement à son oeuvre rédemptrice, et par conséquent de les rendre plus chers à son Coeur. Comme ces fleurs de vos pays, qui sous l'épaisse couche des neiges hivernales attendent les souffles tièdes du printemps, vous saurez attendre, dans une prière confiante, l'heure des consolations célestes.
Votre douleur, ainsi tempérée d'espérance, ne sera donc point mêlée de rancune, moins encore de haine. Que votre élan vers la justice reste conforme, car il peut et doit l'être, aux divines lois de la charité. C'est par la justice et la charité, en effet — et par elles seules, comme Nous ne cessons pas de le redire — que pourra être enfin rendue au monde aujourd'hui convulsé cette paix que, parmi le tumulte des armes, appelle si anxieusement la clameur des peuples, et pour laquelle, d'un bout du monde à l'autre, des millions d'âmes sincères, même de celles qui ne professent pas la foi catholique, élèvent leurs prières vers Dieu, seul Maître souverain des hommes et des choses.
Nous ne vous disons pas : « Séchez vos larmes ! » Le Christ, qui a pleuré sur la mort de Lazare et sur la ruine de sa patrie, recueille, pour les récompenser un jour, les larmes que vous répandez sur vos chers morts, et sur cette Pologne qui ne veut pas mourir. Pour le chrétien, qui sait le prix surnaturel de ces perles, les larmes elles-mêmes peuvent donc avoir leur douceur. Et n'y a-t-il pas d'ailleurs, en chacun de vous, un peu de l'âme de votre immortel Chopin, dont la musique a réalisé ce prodige, de faire de la joie profonde et intarissable avec nos pauvres larmes humaines ? Si l'art d'un homme a pu aller jusque-là, où n'iront-elles pas, dans l'art de bercer nos douleurs intimes, la sagesse et la bonté de Dieu ?
Comme gage des faveurs célestes, que Nous implorons pour vous, très chers fils et filles, Nous vous donnons, avec effusion de coeur, Notre Bénédiction apostolique. Nous étendons cette bénédiction à tous les enfants de la nation polonaise, et plus particulièrement aux personnes que chacun de vous a présentes dans ses intentions ou ses souvenirs.
Orat. Lit. Missae Dom. VII p. Pent.
DISCOURS POUR L'INAUGURATION DE LA NOUVELLE ANNÉE JUDICIAIRE DE LA SACRÉE ROTE ROMAINE
(2 octobre 1939)1
Recevant les auditeurs, officiers et avocats de la Sacrée Rote romaine au commencement de la nouvelle année judiciaire, le Saint-Père leur a adressé le discours suivant, riche de sagesse juridique et de sollicitude pastorale :
1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 333.
Grandeur du sacerdoce des auditeurs...
Votre présence, chers fils, Nous est particulièrement agréable, ainsi que la voix grave et prudente de votre digne et si méritant doyen, dont les souhaits étaient associés aujourd'hui, avec l'inauguration de la nouvelle année, aux vastes soucis confiés à l'illustre Collège des auditeurs de la Sacrée Rote romaine pour le resplendissement de la justice dans le monde catholique. Dans cette inauguration, il Nous est agréable de vous accorder la bénédiction invoquée par vous avec la plénitude de Notre affection paternelle ; elle s'associe dans Notre esprit et dans Notre coeur avec la vision de l'année écoulée et le souvenir de la figure vénérable de Notre inoubliable et incomparable prédécesseur sous la bienveillante protection de bénédictions et d'autorité duquel elle avait commencé. Nous avons hérité de lui — et en même temps, réenflammé en Nous — l'affection qu'il nourrissait pour vous, cette affection de haute estime qui vous est due à un double titre : comme prêtres du tribunal de la justice et comme prêtres de l'autel de la foi. N'est-ce pas un très noble sacerdoce — comme on l'a déjà bien remarqué — itidem nobilissium sacerdotium 2, que de servir la justice et de la définir, comme pensaient aussi les grands jurisconsultes de Rome ? Vous approchez de ce sacerdoce revêtu du noble sacerdoce de l'autel ; et à l'autel, dans les rites des solennités pontificales, vous servez et vous êtes assis sur les gradins au pied du trône papal, comme des sentinelles qui répètent au Vicaire du Christ : la justice et le jugement sont la base de votre trône. Iustitia et iudicium praeparatio sedis tuae (Ps 88,14).
2 Const. apost. Ad incrementum, 15 août 1934.
... et de l'histoire de la Rote.
Dans vos nobles titres de prélats domestiques et de familiers du Souverain Pontife perdure et vit le double office que Nos prédécesseurs au cours des siècles vous ont assigné de chapelains auditeurs des causes du sacré Palais apostolique, quand l'antique sagesse romaine du droit, illuminée et soutenue par le flambeau de la justice chrétienne, sortit du fervent travail du moyen âge pour briller et resplendir dans les esprits autour du trône pontifical et des chaires élevées par les papes dans les nations. Une glorieuse histoire accompagne l'existence de la Sacrée Rote romaine, tribunal collégial ordinaire du Siège apostolique ; une histoire consignée dans de nombreux volumes pour l'étude des sages clercs et laïcs qui étudient ses décisions, fruit du mariage entre la raison juridique des Romains et la foi de l'Eglise. Ces souvenirs de votre haute dignité et de votre gloire passée sont réveillés aujourd'hui en Nous par votre présence comme aussi par l'éloquent discours dans lequel votre doyen, après avoir justement commémoré le trentième anniversaire du rétablissement de la Rote par les soins du grand pape Pie X, de sainte mémoire, nous a exposé les résultats importants obtenus par l'étude laborieuse que vous avez faite des nombreuses causes confiées à vos soins ; de cette manière vous ajoutez à l'ancien un nouveau lustre d'honneur et de louange.
Sagesse de ses décisions...
Vos décisions sont un hymne à la justice, à cette justice que tous invoquent, que tous louent, que tous exaltent, et qu'aussi Nous voyons si souvent et gravement foulée aux pieds dans la vie privée, dans la vie publique et dans les rapports entre les nations, à cette justice que « le Maître de ceux qui savent » compare aux astres et déclare plus admirable et plus brillante que l'aurore et le crépuscule ! 3 Si la justice est la fermeté des trônes humains (Pr 16,12), si caduques que soient leur puissance et leur stabilité, elle n'en est pas moins le fondement nécessaire du royaume de Dieu qui se tient à l'intérieur de l'homme, où la chair dresse des embûches à l'esprit, où les passions et la malice sont en lutte avec la raison et la foi et où on ne remporte la victoire que dans la soumission consciente et loyale à un jugement et à un conseil de vrai bien.
surtout en ce qui concerne le mariage.
Parmi les sentences émanées de la Rote romaine viennent en premier lieu, par le nombre, les sentences matrimoniales, qui regardent la dignité et l'inviolabilité de ce sacrement qui est grand dans le Christ et dans l'Eglise. L'amour et l'union du Christ avec l'Eglise est lien sublime de l'époux et de l'épouse, communauté de sainteté, fécondité des bienheureux, inséparabilité de la vie éternelle. Le Christ avec son Eglise militante est vainqueur jusqu'à la consommation des siècles ; avec l'Eglise souffrante il est miséricordieux et réconfortant par les mérites infinis de son sang divin ; avec l'Eglise triomphante il couronne ses victoires dans les luttes du monde. Ces noces mystiques du Christ et de l'Eglise, indissolubles à travers les routes du salut dans le monde et dans l'au-delà, impriment comme un sceau leur haute image sur le mariage chrétien ; elles l'élèvent dans la lumière du sacrement qui sanctifie dans le monde entier les affections, la communauté de vie et les berceaux de la famille catholique, partout où les hérauts de la foi plantent une croix et initient au bain de régénération. Nous ne pouvons toutefois dissimuler que si, d'une part, le nombre notable des causes matrimoniales atteste que la famille universelle du Christ et de l'Eglise s'accroît, se multiplie et s'étend de Rome aux extrémités du globe, où il y a des âmes à libérer, à réconforter, à pacifier, à sauver et à pousser à la confiance et au bien, d'autre part, il manifeste la décadence des saines traditions dans de nombreux pays, et la légèreté, parfois aussi — Nous le disons avec douleur — la malice avec laquelle certains contractent ou font semblant de contracter le saint mariage.
L'universalité, que l'affluence des causes venant de toutes les nations de la terre donne au Tribunal de la Rote romaine, est la gloire de sa sagesse et de sa prudence, et en même temps le sceau de l'unité de l'Eglise fondée sur Pierre, au nom de qui il rend la justice avec sa jurisprudence autorisée, qui s'est déjà acquise tant de louanges dans le monde ; ses sentences, de quelque côté qu'on les regarde, de près ou de loin, de bas ou de haut, ne distinguent pas, par rapport à la vérité et à la justice, entre les petits et les grands. La pauvreté et la richesse ne pèsent pas sur ses balances et ne la font pas trébucher. Riches et pauvres sont regardés avec un même regard face à la justice, aux passions ou aux artifices qui lui dressent des embûches ; et si dans le traitement des causes triomphe un privilège, ce n'est pas celui des riches et des puissants, mais celui des pauvres et des petits qui obtiennent la défense ou l'assistance gratuites, généreux devoir auquel sont tenus les avocats de ce tribunal. Supérieure à tout soupçon dans son appréciation et dans son jugement, la Sacrée Rote romaine, vengeresse de la justice, connaît aussi la variabilité des coeurs et des sentiments humains, la fraude d'une pensée qui diffère des mots prononcés par les lèvres ; pour élever les âmes au Christ elle élève haut le cri de la foi, de l'inviolabilité de la droite conscience et de la juste liberté humaine, de la sainteté et de l'unité des noces.
De cette manière le monde reconnaît, dans ce tribunal ordinaire, les réponses des jurisconsultes et les constitutions des Césars unies aux canons des succeseurs de Pierre ; et Rome, mère du droit, continue à en être la maîtresse des rives du Tibre aux extrémités de la terre, en enseignant et en promouvant un droit humano-divin, rayon émané du Verbe divin fait homme, dont la clarté est marquée dans notre raison et dont la lumière illumine tout homme qui vient dans ce monde. N'en est-ce pas aussi une preuve et une attestation le Studium annexé à ce tribunal, et le nombre croissant des jeunes gradués en droit canon et des prêtres qui de toutes les parties du monde y accourent sous la direction du Promoteur de justice ?
Heureux par conséquent, même en des temps aussi orageux, d'inaugurer la nouvelle année judiciaire de la Sacrée Rote romaine, Nous Nous réjouissons vivement de vous avoir pour la première fois autour de Nous. Le discours que Nous adressons à votre antique et très noble Collège n'est pas, comme vous le voyez bien, un avertissement, mais une louange méritée et fortifiée par le passé, par vos travaux récents et infatigables, par votre disposition d'esprit présente et future à procéder et à poursuivre dans le chemin fatigant et glorieux de la justice avec cette prudente expérience propre à votre Collège qui, tout en exaltant la justice, n'humilie pas mais exalte en même temps la miséricorde et la charité.
Lucie- Nombre de messages : 1241
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Re: Pie XII 1939
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LITHUANIE
(18 octobre 1939) 1
Voici le texte de l'allocution que le Souverain Pontife prononça, le 18 octobre, répondant à S. Exc. le Dr Stanislas Girdvainis, nouvel envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Lithuanie, lors de la présentation de ses lettres de créance :
Heureux est pour Nous ce jour qui voit, après une période d'interruption, un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République lithuanienne présenter ici ses lettres de créance. Nous ne doutons pas que les catholiques de votre pays saluent cet événement avec une joie sincère et une intime adhésion de coeur.
Tandis que des changements dramatiques se produisent dans la structure politique de l'Europe et dans l'état d'âme des nations à l'égard les unes des autres, le peuple lithuanien vient au centre de la chrétienté affirmer son attachement résolu aux devoirs et aux buts que lui assignent sa volonté nationale de vivre et sa tradition religieuse.
Ce peuple catholique, toujours si présent à Notre amour paternel et à Notre sollicitude pastorale, voit dans l'acte qui s'accomplit aujourd'hui un heureux gage d'avenir : le signe que les relations du gouvernement lithuanien avec le Saint-Siège entrent dans une phase nouvelle, durant laquelle les questions encore pendantes quant aux rapports de l'Eglise et de l'Etat pourront bientôt trouver, dans un esprit de sagesse et d'équité, une harmonieuse solution, favorable au libre développement de la vie religieuse dans la nation.
Veuillez, Monsieur le ministre, vous faire auprès de S. Exc. M. le président de la République l'interprète de la profonde satisfaction avec laquelle Nous avons accueilli les pensées et les intentions exprimées en son nom — lui donnant l'assurance que Nous Nous estimerons heureux d'aboutir, sur tous les terrains et dans tous les sujets concernant la situation respective de l'Eglise et de l'Etat, à ces justes arrangements qui naissent d'une loyale confiance et qui permettent de part et d'autre, à chacun des deux pouvoirs, l'exercice normal et tranquille de son action.
« Avant-poste septentrional de la catholicité », ainsi avez-vous désigné, Monsieur le ministre, le pays dont vous êtes le fils, et, dans un rang si élevé, le serviteur. Ces mots jaillis de vos lèvres montent du coeur même de votre peuple, traditionnellement dévoué au Saint-Siège ; ils sont pour la Lithuanie un titre d'honneur. En eux vibre l'accent d'une volonté décidée à toujours rester intimement et se montrer extérieurement, par ses oeuvres, digne de ce titre et du rôle qu'il exprime — même si le sacrifice devenait la rançon nécessaire à l'affirmation et à la réalisation d'un tel idéal.
Conscient des devoirs propres à Notre charge de Pasteur suprême, Nous ne laisserons pas — sans en être requis — Notre action toujours orientée vers le salut des âmes s'engager dans les controverses purement temporelles et les compétitions territoriales entre les Etats. Mais le devoir même de cette charge ne Nous permet pas de fermer les yeux ; lorsque, précisément pour le salut des âmes, surgissent de nouveaux et incommensurables dangers ; lorsque sur la face de l'Europe, chrétienne dans tous ses traits fondamentaux, s'allonge, chaque jour plus menaçante et plus proche, l'ombre sinistre de la pensée et de l'oeuvre des ennemis de Dieu. En pareilles circonstances, plus qu'à aucune autre période de son histoire, la préservation, la culture et au besoin la défense de l'héritage chrétien acquièrent, pour les destinées futures de l'Europe et la prospérité de chacun de ses peuples, grand ou petit, une importance décisive.
L'Etat, qui avec une noble hauteur de vues, reconnaît la liberté convenable à l'expansion et à la pratique de la doctrine du Christ, se prépare ainsi des réserves de force spirituelle, sur lesquelles il pourra compter en toute assurance, quand viendront les heures troubles et difficiles. Partout où pleine liberté est laissée à la doctrine évangélique, le sentiment chrétien pénétrera non seulement l'âme des citoyens, mais les multiples et diverses activités de la vie publique. Et plus la justice chrétienne, la fraternité chrétienne, la charité chrétienne, animent et dirigent les particuliers et les collectivités, plus aussi s'établit au sein des nations et entre elles une atmosphère spirituelle rendant possible, facile même, la solution de bien des problèmes qui, aujourd'hui, paraissent ou sont réellement insolubles.
Si, au milieu des événements actuels, les nations chrétiennes ont un titre particulier à Notre sollicitude et à Notre vigilance pastorale, Nos fils et filles de Lithuanie peuvent comprendre à quel point Nous sommes auprès d'eux. Nous leur sommes uni aussi par Notre inébranlable assurance de leur fidélité et par la confiance en Dieu, dont le secours tout-puissant peut ouvrir à une Europe pacifiée, rendue au sens de la justice, de la fraternité et de sa vocation chrétienne, des routes nouvelles vers le progrès et la prospérité.
Animé de cet espoir, Nous adressons à la nation lithuanienne — gouvernants et gouvernés — Notre salutation émue ; et sur tous ses enfants, spécialement sur Votre Excellence, Nous implorons du fond du coeur les plus abondantes faveurs divines.
ALLOCUTION A LA POPULATION DE CASTELGANDOLFO
(22 octobre 1939)1
Recevant en audience spéciale la population de Castelgandolfo, le Saint-Père lui a adressé les paroles suivantes d'invitation à une prière intense pour la paix dans le monde :
L'accueil plein de dévotion que vous Nous avez fait dès le premier jour où Nous sommes arrivé parmi vous, chers fils et chères filles, Nous a rendu plus doux le séjour dans ce lieu agréable, assuré comme Nous l'étions de Nous trouver entouré de votre piété fervente. Aujourd'hui vous avez voulu accroître la filiale manifestation de votre foi et de votre fidélité au Vicaire du Christ en vous rassemblant autour de Nous. Votre présence, chers fils, guidés par votre zélé archiprêtre et par votre distingué vice-podestà (représentant le podestà absent par suite d'une indisposition imprévue), Nous dit votre affection, Nous manifeste les sentiments de votre vénération. Votre charitable offrande pour les besoins des saintes missions et vos dons exquis, fruit de votre terre et de votre travail, donnent à vos agréables déclarations un témoignage doux, joyeux et charmant, qui en fait éclater ouvertement aux regards l'intime profondeur spirituelle et filiale. Comment ne pourrions-Nous pas et ne devrions-Nous pas les accueillir non seulement avec une satisfaction paternelle, mais aussi avec gratitude, reconnaissance et joie ? Ne sont-ils pas les signes et les symboles des fruits et des fleurs de vos vertus familiales, religieuses et civiles ? Et l'exemple de votre affectueuse dévotion n'est-il pas pour Nous un réconfort et un encouragement pour tous ceux qui viennent d'autres cités et d'autres pays ?
C'est à vous tous, chers fils, que s'adressent Notre esprit et Notre parole reconnaissante. Notre séjour au milieu de vous, qui êtes si pieux et si dévoués, si travailleurs et si paisibles, dans un air si agréable à respirer et si frais, dans ces paysages riants de la nature proche et lointaine, Notre séjour Nous a apporté un intime délassement et cette tranquillité extérieure dont est généreuse la paix des champs pour un esprit plongé dans de graves soucis et des fatigues pastorales.
Cette colline du Latium est pour Nous comme une nouvelle colline vaticane ; ici se transportent avec Nous Nos pensées et Nos craintes, Nos affections et Notre sollicitude de toutes les Eglises. Ici aussi le passé Nous parle de Rome, des restes de la grandeur et de la gloire des Césars. Ici aussi le sol et l'oeuvre de la nature et de l'homme recouvrent un monde disparu ; mais la contemplation du présent ne Nous rend pas oublieux des souvenirs antiques. Nous n'oublions pas qu'ici aussi les pontifes romains ont cherché repos, paix et réconfort ; que Notre vénéré prédécesseur s'est plu à rétablir son esprit et à fortifier sa santé au milieu de vous, à honorer et à réjouir de sa présence ces collines fameuses. En Nous, qui sommes devenu par Notre séjour comme votre concitoyen, est née une affection nouvelle pour vous, une affection de père à l'égard d'une nouvelle famille plus proche qu'il a retrouvée en vous.
Ici est la paix ; tranquille est la terre, tranquille le ciel d'Italie, tranquille le lac tout proche que Nous contemplons. Mais loin d'ici Nous voyons les flots inquiets de la mer refléter les lueurs du soleil, des flots qui sont des images de la tribulation et des tempêtes humaines déchaînées en Europe et dans le monde. Un monde sans paix, un monde qui a besoin de paix, non pas de cette paix qui n'est pas la paix : pax, pax, et non erat pax (Jr 6,14), mais de cette paix qui est, comme le dit le grand père de l'Eglise, saint Augustin : pax hominum, ordinata concordia 2, la concorde ordonnée parmi les hommes ; de cette paix apportée par le Rédempteur naissant aux hommes de bonne volonté, dompteurs et dominateurs d'eux-mêmes dans la vie commune des peuples. Dans l'heure présente de bourrasques et de tempêtes des nations, elle est l'aurore de la paix que l'Eglise du Christ invoque de Dieu dans les litanies : ut regibus et principibus christianis pacem et veram concordiam donare... ut cuncto populo christiano pacem et unitatem largiri digneris.
2 De civ. Dei, lib. XIX, cap. 13.
Chers fils, unissez à la prière si nécessaire et si vivante de l'Eglise vos supplications toujours plus ardentes ; qu'elles s'unissent et montent vers le ciel afin que le Seigneur, auteur et ami de la paix, qui commande aux vagues de la mer et veille sur les conseils des hommes, dissipe dans sa miséricorde le trouble de la guerre, réconcilie les peuples et les nations, protège son Eglise qu'il a faite son épouse avec son sang et, le calme revenu, étende ses pacifiques tentes et ses divins tabernacles sur la face de la terre pour le salut du genre humain. Tel est le saint souvenir que Nous vous laissons à la veille de Nous éloigner de vous et de cette terre de repos salutaire et vivifiant, en accueillant le doux hommage de votre affection, en vous remerciant avec une paternelle complaisance de votre dévotion et de votre piété. Et Nous vous accordons de tout coeur la Bénédiction apostolique, à vos familles, à toutes les personnes proches ou lointaines que vous avez dans le coeur, à toutes vos saintes aspirations et à tous vos travaux, et tout spécialement à cette chère et brave jeunesse que Nous voyons avec joie rassemblée ici.
ALLOCUTION A DES CARABINIERS ROYAUX ET A DES GARDES MÉTROPOLITAINS EN SERVICE A CASTELGANDOLFO
(26 octobre 1939) 1
A l'hommage de respectueux dévouement qui lui fut présenté par les carabiniers royaux et par les gardes métropolitains en service à Castel-gandolfo durant son séjour d'été, le Saint-Père a répondu par les paroles suivantes :
Sur cette colline ensoleillée et aérée, au moment où Nous sommes arrivé à la fin de Notre séjour d'été chargé d'un poids considérable de pensées et d'anxiétés provoquées par la paix troublée des peuples, Notre esprit trouve une consolation dans votre présence, chers fils, troupes choisies des carabiniers royaux et des gardes métropolitains rassemblés autour de Nous, les premiers conduits par le colonel commandant la légion accompagné de ses officiers, les autres par le major commandant la compagnie avec son adjoint et par le commissaire de la sécurité publique. Notre esprit, disions-Nous, trouve consolation en vous parce qu'en vous se trouve la paix des esprits d'Italie, parce que vous êtes les témoins, les gardes de cette paix que Nous voudrions voir resplendir et rasséréner les esprits sur toute la face de la terre.
Ne vous étonnez pas, chers fils, si Nous accueillons vos deux troupes distinctes unies autour de Nous. Ce n'est pas que Nous ayons l'intention de méconnaître la prééminence de l'office, du grade ou du nombre. Mais dans Notre coeur une seule et ardente affection de Père commun vous égalise en vous donnant le doux nom de fils très chers ; votre affection ne vous distingue pas dans Notre esprit et dans la gratitude que Nous vous devons pour la garde extérieure de Notre résidence que vous assurez avec un soin assidu, vigilant et noble. Si un mur vous sépare de la garde plus proche de Notre personne, si ce mur a deux côtés, Notre affection n'a cependant qu'un seul fondement dans lequel vous Nous permettrez de reconnaître non pas un symbole de division, mais un lien d'union avec l'Italie et le monde entier. Notre affection n'a pas de limite ; elle ne connaît ni rancoeur ni haine ; elle palpite pour tous à l'imitation de l'amour infini de notre Maître divin ; elle participe de ce feu apporté par lui en terre, qui se diffuse de façon plus expansive et chaude à l'égard des proches qui l'entourent, des fidèles qui le servent.
Ce voisinage et cette fidélité, Nous les avons retrouvés en vous, voisinage de garde dévouée, fidélité du sentiment religieux. Votre corps, chers carabiniers royaux, le premier de l'armée qui se fait gloire d'un dévouement ancien et sans tache et de l'honneur d'être la garde de l'auguste Souverain d'Italie, Nous a entouré aussi de son renom durant Notre séjour, avec une vigilance qui témoigne d'un grand dévouement et dont votre très agréable présence d'aujourd'hui Nous est un vif témoignage. A vos services et à l'escorte d'honneur que vous faites auprès de Sa Majesté le roi et empereur, vous ajoutez ainsi les mérites du service auprès du Vicaire du Christ, souverain des âmes croyantes parmi lesquelles comptent aussi les vôtres. Qui ne connaît vos sacrifices de jour et de nuit ? Votre promptitude et votre sagacité de protecteurs et de gardiens du bien commun ? Votre regard scrutateur attentif des mouvements d'autrui ? Nous connaissons votre intime et austère sentiment du devoir auquel vous ont formé l'enseignement de vos instructeurs compétents et la foi chrétienne qui vous anime et est la compagne de vos pas.
A cette garde dévouée et à cette religieuse fidélité vous avez aussi pris une grande part, très chers gardes métropolitains, tuteurs et défenseurs de l'ordre public, vous qui dans les chemins du château avez fait preuve de cette surveillance avertie et toujours prête, dont Rome vous loue et dont la sagesse de vos sages supérieurs est la maîtresse.
Vous tous, chers fils, vous avez été les gardiens fidèles de Notre séjour sur la rive de ce fameux lac romain, dans la fraîcheur de cette terre réconfortante qui déjà rétablissait les Césars et les Papes, d'où le regard tourné vers Rome contemple la coupole aérienne de Michel-Ange, couronne sublime du tombeau du prince des apôtres ; vous tous qui vous trouvez autour de Nous, vous sentez qu'un monde nouveau succède au monde antique, qu'aux dieux de marbre sans voix et sans vie a succédé le Dieu qui a fait le ciel et la terre et les beautés vivantes, qui Nous restaure extérieurement afin qu'intérieurement nous allions à Lui, qui sait nous garder exterius et interius 2 ; à Lui qui est le Sauveur, Pllluminateur et le réconfort de nos âmes dans la joie et dans la douleur, dans l'espérance et dans la crainte, dans la paix et dans la lutte, dans la tempête et dans le calme. Il vit et commande à l'extérieur et à l'intérieur de nous. Appliquez-vous, chers fils, à le garder dans votre coeur, à faire de l'amour de son amitié, au milieu des fatigues difficiles de votre grave devoir, votre premier et votre plus élevé devoir de chrétiens vigilants pour les autres et pour vous. De la garde des autres et du bien public, faites la garde de vous-mêmes devant Dieu ; changez votre vie extérieure, votre courage et votre honneur extérieur en honneur, en courage et en vie intérieure dominée par la foi et une religieuse morale ; parce que la religion et la foi n'abaissent pas et n'humilient pas le soldat et le garde, mais exalte sa vertu et sa valeur et en font dans le péril des héros courageux qui ne craignent ni le présent ni l'avenir. Travaillez aussi, comme le recommande l'apôtre Paul à son Timothee (2Tm 2,3) comme des soldats du Christ Jésus, puisque la vie d'ici-bas est un combat extérieur et intérieur et bien plus intérieur qu'extérieur.
Nous vous laissons, chers fils, ce souvenir en prenant congé de vous, souvenir d'un père qui tient du Christ tout son devoir et toute son affection pour vous ; et dans la vive gratitude que Nous vous gardons pour votre garde et pour votre dévouement, Nos remerciements et le désir ardent de votre bien s'élèvent plus haut que la nature, pour redescendre sur vous comme l'invocation des grâces les plus choisies du ciel qui vous réconfortent dans l'accomplissement de vos nobles devoirs, dans les événements variés qui tressent et vont tresser le fil de vos journées.
2 Cf. Secr. Fer. VI post Dom. Sec. Quaâra%.
HOMÉLIE LORS DE LA CONSÉCRATION DE DOUZE ÉVÊQUES MISSIONNAIRES
(29 octobre 1939) 1
D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 595. Cf. Encycl. Quas primas ; A. A. S., 1925, p. 599.
Vous avez entendu, Vénérables Frères et chers Fils, la lecture de l'Evangile. Alors que Pilate, gouverneur romain, demandait au très bon Sauveur s'il était vraiment roi, la Vérité n'hésita pas à s'attribuer la dignité et la puissance royale. Ce n'est pas sans le dessein d'une admirable sagesse que le Sauveur du genre humain, à qui les siècles sont soumis par une obéissance docile, manifesta alors publiquement ce qu'il avait tu alors qu'il comparaissait au prétoire, alors qu'il souffrait, alors qu'il était méprisé. Car le Fils de Dieu, splendeur de la gloire du Père et image de sa substance, Dieu vrai de Dieu vrai, lumière de lumière, né avant le commencement des siècles, est roi par sa nature divine, puisque lui-même a créé tout ce qui est et le gouverne selon sa volonté et sa puissance. Lui-même, comme le Fils de l'homme paré du même honneur légitime, se distingue par le nom royal. Ce qu'il possédait par droit de naissance, il le promulgua et le revendiqua au moment même où, nous libérant de la servitude des démons, il l'eut obtenu et acquis de droit par l'oeuvre divine de la Rédemption humaine 2.
Le Christ règne donc entouré de la gloire de ses élus ; et le roseau méprisable qu'ils lui avaient donné par dérision s'est changé en verge de fer qui détruit les empires rebelles comme des vases d'argile ; sa tête que les épines blessèrent brille maintenant par la suprématie qu'elle exerce dans tout l'univers visible et invisible ; ses plaies sacrées, gages de notre salut, étincellent comme le soleil ; son coeur blessé par la pointe cruelle ouvre le sanctuaire de la miséricorde divine ; la croix s'offre à la vénération par toute la terre, cause de toutes les grâces, source de toutes les bénédictions.
Il est à jamais impossible que le Christ ne règne pas. Il règne, s'il est présent, par la magnificence de ses bienfaits. Il règne, s'il est absent par suite de la perte de la grâce divine chez les hommes, par la sévérité de sa justice inéluctable. Bienheureux l'homme qui obéit à la loi du Christ, il ordonne avec le plus grand soin selon sa grâce et sa volonté tout ce qu'il pense et tout ce quil fait. Son esprit, humble dans la réussite, serein dans l'échec, rayonne de la pure lumière de la foi et se réjouit dans une paisible allégresse ; sa volonté brûlante de charité envers Dieu et les hommes s'élance vers les oeuvres nobles et les membres mêmes de son corps, devenus armure de justice, obéissent à l'esprit qui les gouverne.
Bienheureuses les familles où le sceptre de justice du Christ-Roi est vénéré. Parce qu'elles grandissent dans l'amour mutuel, elles se haussent à un noble rang, elles jouissent de la paix, elles sont florissantes de prospérité, elles s'agrandissent d'une noble descendance, espoir le plus sûr de la patrie en qui les exemples de la vertu ancestrale renaissent par une imitation attentive.
Trois et quatre fois bienheureuses les cités où l'on promulgue les lois sous les auspices de l'Evangile, où l'on rend hommage public à la majesté du Christ-Roi. Là en effet on dispose en vue de l'idéal de la plus haute vertu et de la justice les affaires et les intérêts des citoyens. Là on ignore les rigueurs du pouvoir et la fidélité dans le respect envers les gouvernants n'est pas absente. Là enfin, grâce à la concorde qui accroît les forces, on mène à leur terme de grandes entreprises et on met en oeuvre chaque jour tout ce qu'il y a de mieux pour des développements plus féconds.
Si donc reconnaître à Jésus-Christ la dignité royale, embrasser ses préceptes volontiers et de bon gré, les mettre en pratique dans la vie privée et publique apportent de si nombreux et si grands bienfaits tant aux individus qu'aux familles et à la société, il est absolument nécessaire, Vénérables Frères et chers Fils, que tous les chrétiens s'efforcent, chacun pour sa part, de tout mettre en oeuvre pour soutenir une cause aussi importante. Et cela particulièrement à notre époque où les hommes, de partout envahis par un attachement excessif aux biens de ce monde, s'écartent de la poursuite des biens célestes et vont jusqu'à négliger par oubli ou bien rejeter complètement par mépris « le royaume de vérité et de vie, le royaume de sainteté et de grâce, le royaume de justice, d'amour et de paix. » 3
3 Préface de la messe du Christ-Roi.
Si Nous vous encourageons paternellement, vous tous qui êtes ici, dans la poursuite de ce but très saint, Nous vous encourageons particulièrement vous, qu'aujourd'hui dans la majesté de ce temple de pierre près du tombeau du Prince des apôtres, Nous avons élevés à la dignité de l'épiscopat. Autrefois le divin Rédempteur envoya à l'univers tout entier la modeste troupe des apôtres qu'aucune aide humaine n'appuyait pour le soumettre non pas par la force des armes, mais par la vertu de la vérité et de la charité ; aujourd'hui de même, Nous qui tenons sa place sur terre, Nous vous envoyons, comme douze semeurs de la parole de Dieu qui ne s'appuient pas sur leurs forces ou sur celles des autres, mais qui se confient à la grâce de Dieu qui touche les coeurs, à tant de nations, surtout les plus lointaines mais cependant si chères pour Nous, pour que vous leur communiquiez les préceptes évangéliques et le culte chrétien sans ménager votre peine.
Cet heureux événement d'aujourd'hui ouvre à Notre esprit de vastes perspectives, émeut vivement Notre âme et fait naître l'espoir de futures et abondantes moissons. Tandis que s'écoulent les années et qu'au milieu des vicissitudes diverses, des choses naissent, se développent, disparaissent, ou bien renaissent transformées et rénovées, ou bien se détériorent et s'anéantissent complètement, l'Eglise catholique cependant n'est pas frappée par les tempêtes du siècle, elle n'est pas vaincue par les difficultés, elle n'est pas enfin bouleversée par la poussée des changements, mais elle avance d'un pas plein d'assurance ; ce qu'elle fait depuis vingt siècles, aujourd'hui poussée par une inspiration divine et remplissant sa divine fonction, elle l'accomplit aussi pour le progrès du genre humain. Mais tandis que les convoitises des biens extérieurs, les haines internes et les rivalités partagent et divisent trop souvent les esprits des mortels, l'Eglise de Dieu, en mère très aimante de tous les peuples, embrasse par l'excellence de sa charité toute la famille humaine, quelles que soient la race ou la classe auxquelles les hommes appartiennent ; elle veille par sa prière et son action au salut de tous et à leur véritable bonheur.
Voilà ce dont maintenant, nouveaux évêques, Nous attendons de votre zèle empressé et agissant l'heureuse venue. Les peuples qui se réjouissent de votre surcroît de dignité vous attendent avec un très grand désir. Vous allez aborder une tâche immense et des plus lourdes ; des hommes innombrables abandonnés à leur erreur, anxieux de la divine lumière et assoiffés de la suprême vérité attendent votre ministère sacré pour puiser en Jésus-Christ le salut et la paix. Des combats difficiles vous sont réservés, mais la charité chrétienne n'est jamais vaincue et les promesses divines ne trompent jamais. Ayez, puisque vous avez reçu les sept dons du Saint-Esprit, ce zèle apostolique qui, par sa douceur, attire les coeurs à embrasser la loi de Dieu ; ayez le courage qui brise toutes les oppositions par une force invicible et sort victorieux de la lutte ; ayez enfin le secours céleste pour que le champ du Seigneur, confié à votre direction, se dore de la moisson évangélique chaque jour plus abondante.
L'Eglise entière vous accompagne par les prières et les voeux qu'elle adresse à Dieu et comme Nous avons confiance en la générosité et la charité des fidèles, les secours de l'aumône demandés ne vous manqueront pas, pour que, grâce à eux, vous puissiez poursuivre plus facilement la prise en charge de cette oeuvre très sainte. Notre coeur de père vous accompagne particulièrement tandis que tous Nos souhaits vous escortent ; Nous demandons avec insistance au suprême Prince des pasteurs que dans vos voyages apostoliques il vous soutienne et vous seconde par sa grâce céleste et qu'enfin par votre action commence à luire le jour où le divin roi « régnera d'une mer à l'autre et du fleuve jusqu'aux extrémités de la terre » (Ps 71,. Amen.
ALLOCUTION AUX DOUZE NOUVEAUX ÉVÊQUES MISSIONNAIRES
(30 octobre 1939) 1
Hier, après la cérémonie solennelle où, dans la splendeur de la basilique vaticane, Nous vous avons élevés à la dignité de l'épiscopat, Notre ardent souhait était de vous voir ici en personne dans la maison du Père commun pour vous montrer l'attachement bienveillant que Nous vous portons, et pour vous donner d'une voix paternelle le courage d'aborder avec force les tâches que réclame la charge qui vous est confiée. Aussi Nous vous témoignons une très grande reconnaissance, Vénérables Frères, d'être venus à Nous, tous ensemble, guidés par l'amour filial, et surtout à Notre cher Fils, le cardinal Pierre Fumasoni Biondi, votre très éloquent interprète, qui, en vos personnes, Nous a montré comme les pierres les plus précieuses de son trésor — Nous voulons dire la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi — et les récompenses les plus illustres de son zèle.
Nous vous disons aussi Notre gratitude pour le grand réconfort que vous avez donné à Notre coeur en venant à Nous ; grâce à votre présence en effet, les nuages de tristesse qui obscurcissent le ciel en ces jours que nous vivons Nous paraissent s'entrouvrir pour laisser pleuvoir une grande joie.
Une charge éminente vous est confiée, Vénérables Frères. Hâtez-vous donc vers ces pays que, sous l'inspiration de Dieu, Nous vous avons destinés. Là, efforcez-vous de ramener tous les hommes dans les bras du Christ, qui a promis de tout attirer à lui (cf. Jn 12,32). Quand poussés par la charité du Christ, vous serez parvenus auprès des troupeaux qui vous sont confiés, ayez un coeur viril pour accepter ou susciter les oeuvres et les entreprises que vous conseilleront l'exercice de votre charge et votre souci pastoral ; mais surtout, appliquez-vous avec une inlassable fermeté à former, pour partager votre ministère, des prêtres issus de ces peuples que vous aurez instruits de la foi chrétienne. En effet, les prêtres indigènes qui, institués et formés selon les rites, brillent de toutes les parures de la science et de la vertu, non seulement vous apporteront un secours d'une grande utilité, mais encore poursuivront les tâches que vous aurez commencées, en sorte que l'on pourra dire des peuples que vous aurez formés à la doctrine évangélique cela même que Léon XIII, Notre prédécesseur d'illustre mémoire, fit graver au sujet des populations des Indes sur la façade du séminaire pour les clercs indigènes récemment élevé à Kandy : « Inde, tes fils, pour toi ministres du salut. »
Allez donc, Vénérables Frères, vers les troupeaux qui vous sont confiés. Tous les chrétiens vous accompagnent des voeux et des prières qu'ils adressent à Dieu ; il en est de même des chefs de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la foi, dont l'esprit est tendu vers l'espérance de moissons abondantes ; et Nous plus particulièrement, après avoir imploré du Prince suprême des pasteurs l'abondance des dons célestes, Nous vous accompagnons de Notre paternelle bienveillance, tandis qu'avec ferveur Nous vous bénissons dans le Seigneur, vous et tous les vôtres.
Nous souhaitons enfin remettre très affectueusement à chacun d'entre vous un souvenir de ces jours de fête en même temps qu'un gage de notre particulière bienveillance.
ENCYCLIQUE « SERTUM LAETITIAE » AUX ÉVÊQUES DES ÉTATS-UNIS
(1er novembre 1939) 1
La deuxième encyclique de Pie XII est adressée aux évëques des Etats-Unis, à l'occasion du 150e anniversaire de l'établissement de la hiérarchie catholique dans leur pays. Après avoir félicité les catholiques des Etats-Unis pour la vitalité de leur catholicisme, le Pape recommande comme remèdes aux maux actuels la sainteté de la famille, l'unité et la justice sociale. Voici la traduction de cet important document :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 635 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XLI, col. 111.
Désireux d'accroître encore une guirlande de sainte joie, Nous franchissons, par la pensée, l'interminable étendue de la mer, et Nous venons, en esprit, au milieu de vous, qui célébrez avec tous vos fidèles l'heureux achèvement de ce siècle et demi qui Nous sépare du jour où la hiérarchie ecclésiastique fut établie aux Etats-Unis. Et Nous le faisons très volontiers, parce que, en ce début de Notre souverain pontificat, ce Nous est une occasion solennelle — qui Nous est d'autant plus agréable — d'attester publiquement quelle estime et quelle affection Nous éprouvons pour le peuple américain si illustre et débordant de jeunesse.
A ceux qui parcourent les annales de votre nation et qui recherchent les causes profondes des événements qui en sont la trame, il apparaît avec évidence que le développement triomphal de la religion divine n'a pas peu contribué à conduire votre patrie vers la gloire et la prospérité dont elle jouit. Il est bien vrai que, si cette religion, née du ciel par ses institutions et ses lois, est destinée à conduire les hommes à la félicité éternelle, elle n'en comble pas moins la vie d'ici-bas de tant de bienfaits qu'elle n'en pourrait distribuer davantage, dans l'hypothèse où sa principale raison d'être serait de rendre heureux les hommes durant leur courte existence terrestre.
Le premier évêque des Etats-Unis. 2
Il Nous est agréable de rappeler des faits bien connus. Quand Pie VI donna à vos compatriotes leur premier évêque dans la personne d'un citoyen américain, John Carroll, en le nommant au siège de Baltimore, il y avait là un nombre de catholiques si restreint et de si petite importance, et la situation des Etats-Unis était si précaire, que leur groupement et leur unité politique elle-même étaient menacés d'une crise profonde. En effet, à cause d'une longue guerre épuisante, le Trésor était gravement endetté, les industries languissaient, et la population, exaspérée par les calamités, s'était divisée en partis opposés. Ce fut le très célèbre George Washington, homme au caractère ferme et à l'esprit sagace, qui redressa cette situation douloureuse et même critique. Il était lié d'une solide amitié avec le vénéré évêque de Baltimore. Ainsi le père de la patrie et le premier pasteur de l'Eglise sur cette terre qui Nous est si chère, unis par des liens de bienveillance réciproque — exemple permanent pour la postérité et leçon pour tous les temps à venir — se tenant en quelque façon par la main, indiquaient au peuple américain qu'il devait avoir pour règle sacrée de vie le respect de la foi chrétienne, qui, renfermant les suprêmes principes de la morale et leur donnant toute leur valeur, est la sauvegarde du bien public et contient la source du véritable progrès.
2 Mgr John Carroll (1735-1815) prit possession du siège de Baltimore en 1789.
Prospérité de l'Eglise catholique aux Etats-Unis.
Nombreuses furent les causes auxquelles on doit attribuer l'épanouissement de l'Eglise catholique dans votre pays. Nous voulons en relever une, particulièrement digne d'attention. Des groupes de prêtres, chassés par la persécution vers votre pays, vinrent apporter à votre premier pasteur une aide très désirée et répandirent, par leur collaboration active au ministère des âmes, une semence précieuse, qui leva en une abondante moisson de vertus. Quelques-uns d'entre-eux devinrent ensuite évêques, et ainsi participèrent encore davantage aux progrès de la cause catholique. Il arriva donc ce qui arrive toujours, comme l'histoire le démontre : les orages de la persécution n'éteignent pas, mais étendent au contraire sur de plus vastes espaces la flamme apostolique qui, alimentée par une foi loyale et une charité sincère, embrase les coeurs généreux.
Un siècle après cet événement qui vous remplit maintenant d'une joie si légitime, le pape Léon XIII, d'heureuse mémoire, voulut, dans sa lettre Longinqua oceani 3, mesurer le chemin parcouru là-bas par l'Eglise depuis ses débuts et donner des recommandations et des directives où la bienveillance le disputait à la sagesse. Ce qui fut si bien écrit alors par Notre auguste prédécesseur devra rester toujours digne d'attention. Dans ces cinquante années écoulées, les progrès de l'Eglise ne se sont pas arrêtés là-bas, mais ils ont pris une extension plus vaste et une intensité plus forte.
La vie, que la grâce du Saint-Esprit entretient dans le sanctuaire de l'âme, est, en effet, là-bas, florissante ; bien fournie, Paffluence dans les églises ; à la Table sainte, où l'on reçoit le Pain des anges, la nourriture des forts, les fidèles viennent nombreux ; les retraites fermées sont suivies avec une sainte ardeur ; beaucoup d'âmes, dociles à la voix divine qui les appelle à un idéal de vie plus haute, reçoivent le sacerdoce ou embrassent l'état religieux. Actuellement, il y a chez vous dix-neuf provinces ecclésiastiques, cent quinze diocèses, près de deux cents séminaires, d'innombrables églises, écoles élémentaires et supérieures, collèges, hôpitaux, hospices, monastères. Non sans raison, l'étranger admire l'organisation et le fonctionnement de vos différentes catégories d'écoles, soutenues par la générosité des fidèles, protégées par les soins assidus des autorités ecclésiastiques ; c'est d'elles, en effet, que sortent ces foules de citoyens bien formés et éduqués qui, respectueux des lois divines et humaines, sont considérés à bon droit comme la force, la fleur et l'honneur de l'Eglise et de la patrie.
3 6 janvier 1895. Cf. Actes des Papes, Lettres apostoliques de Léon XIII, t. IV.
Vitalité des oeuvres missionnaires...
Les oeuvres missionnaires, ensuite — notamment l'OEuvre pontificale de la Propagation de la Foi — solidement établies et d'une activité exemplaire, viennent aider par la prière, l'aumône et divers autres moyens, les hérauts de l'Evangile qui portent l'étendard de la croix salvatrice dans les terres infidèles. Nous éprouvons le besoin, en cette circonstance, de louer publiquement les oeuvres missionnaires particulières de votre nation, qui travaillent avec un zèle infatigable à l'expansion du catholicisme. Elles sont connues sous les noms de Catholic Church Extension Society, société entourée d'une auréole de gloire pour sa pieuse bienfaisance ; Catholic Near East Welfare Association, qui fournit une aide providentielle aux nécessités du christianisme en Orient, où il y a de si grands besoins ; Indian and Negroes Mission, oeuvre approuvée par le IIIe concile de Baltimore 4, que Nous confirmons et encourageons, parce qu'elle semble exigée par la remarquable charité envers vos concitoyens. Nous vous avouons que Nous Nous sentons pénétré d'un amour particulier — inspiré certainement du ciel — pour les nègres habitant parmi vous, parce que Nous savons que, dans le domaine de la religion et de l'instruction, ils ont besoin de soins spéciaux et de réconfort qu'ils méritent bien d'ailleurs. Nous appelons donc d'abondantes bénédictions divines et Nous souhaitons toutes sortes de succès à ceux qui, mus par un zèle généreux, se consacrent à l'assistance spirituelle des Noirs.
En outre, vos compatriotes rendent grâce à Dieu de façon très opportune, pour le don inestimable d'une foi véritable et complète ; remplis d'une sainte ardeur, ils envoient d'importants renforts à l'armée des missionnaires qui, au prix de fatigues, par une patience inlassable et une énergie féconde en nobles initiatives pour promouvoir le règne du Christ, récoltent des mérites que la terre admire et qui seront couronnés au ciel par de justes récompenses.
4 Cf. chap. II des Actes de ce concile.
... et des oeuvres destinées aux fidèles du pays.
Et elles sont également florissantes les oeuvres qui s'adressent aux membres de l'Eglise à l'intérieur de votre patrie : les offices diocésains de charité dont l'organisation et le fonctionnement sage et pratique par l'intermédiaire des curés et le concours des familles religieuses, portent aux pauvres, aux besogneux, aux malades, les dons de la charité chrétienne et soulagent les misères ; dans l'accomplissement d'un ministère de si grande importance, le chrétien voit des yeux de la foi doux et perçants le Christ lui-même présent dans les indigents et les affligés, qui sont les membres mystiques souffrants du très aimé Rédempteur.
Parmi vos associations laïques — les énumérer toutes serait trop long — les lauriers d'une gloire durable reviennent à l'Action catholique, aux congrégations mariales, à la Confraternité de la doctrine chrétienne, heureuses des fruits recueillis et assurées d'une moisson encore plus belle dans l'avenir, sans oublier l'Association du Saint-Nom, excellent guide pour promouvoir le culte et la piété chrétienne. A la tête de cette activité multiple des catholiques, activité qui s'exerce en diverses provinces, suivant les exigences du moment, se trouve ce comité qui s'appelle la National Catholic Welfare Conférence et qui procure à votre ministère épiscopal des moyens adaptés.
Les principales de ces institutions, Nous avons pu les voir en partie, en octobre 1936, lorsqu'au cours de Notre voyage au-delà de l'Océan, Nous avons eu la joie de vous connaître directement, vous et votre champ d'activité. De tout ce que Nous avons alors admiré de Nos yeux, Nous garderons toujours dans Notre coeur l'inoubliable et joyeux souvenir.
Il convient donc qu'avec des sentiments d'adoration, Nous rendions grâces à Dieu de tout cela, et que Nous fassions monter vers lui l'hymne de la reconnaissance : « Rendez gloire au Dieu du ciel, parce que sa miséricorde est éternelle » (Ps 135,26). Le Seigneur dont la bonté ne comporte aucune limite, n'a pas seulement rempli votre terre de la libéralité de ses dons, mais il a aussi donné à vos églises l'ardeur au travail et a rendu très fructueux leur labeur inlassable. Mais une fois offert à Dieu le tribut de reconnaissance qui est dû à Celui d'où proviennent tous les biens, reconnaissons, Nos très chers fils, que cette prospérité féconde que Nous admirons aujourd'hui avec vous est le résultat de l'esprit d'initiative et de la constante activité des vénérés pasteurs et des fidèles qui forment cette portion du troupeau du Christ ; reconnaissons qu'elle est due aussi à votre clergé qui, porté à une action énergique, exécute avec un zèle généreux vos décisions ; aux membres de tous les ordres et de toutes les congrégations qui, remarquables par leurs vertus, rivalisent de dévouement en cultivant le champ du Seigneur ; aux religieuses innombrables qui, souvent silencieuses et ignorées des hommes, poussées par une flamme intérieure de charité, se consacrent avec un dévouement exemplaire à la cause de l'Evangile, véritables lis du jardin du Christ et délices des saints.
Le chrétien est toujours apôtre.
Mais Nous voulons que Nos louanges aient des fruits salutaires. La considération du bien réalisé ne doit pas amener un relâchement qui conduirait à la paresse ; elle ne doit pas engendrer la vaine gloire qui chatouille agréablement l'esprit, mais, au contraire, agir comme un stimulant, pour que des énergies nouvelles s'efforcent d'empêcher les maux et pour qu'on voie croître, plus solides et puissantes, les oeuvres utiles, prudentes et dignes d'éloges. Le chrétien qui fait honneur à son nom est toujours apôtre ; il ne convient pas au soldat du Christ d'abondonner le combat, car seule la mort met fin à son temps de service.
Vous savez bien où il faut faire preuve d'une vigilance toute spéciale et quel programme d'action il faut tracer aux prêtres et aux fidèles, pour que la religion du Christ, ayant surmonté les obstacles, soit le guide lumineux des esprits, la règle des moeurs et, pour que, cause unique de salut, elle pénètre tous les organes et artères de la société humaine. Certes, l'accroissement des biens extérieurs et matériels, doit être grandement estimé pour les multiples et opportunes facilités qu'il apporte à l'existence, mais il ne suffit pas à l'homme qui est né pour de plus hauts et splendides destins. L'homme, en effet, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, cherche Dieu avec une incoercible aspiration, et souffre, en poussant de secrètes plaintes, si, dans le choix de son amour, il repousse la souveraine Vérité et le Bien infini.
Source des maux présents : méconnaissance de la majesté de Dieu, oubli de la loi divine, inconstance de la volonté humaine.
Cependant, ce n'est pas en traversant les espaces corporels qu'on accède à Dieu — à ce Dieu dont on sait que ceux qui s'écartent de lui sont condamnés à mourir, ceux qui se convertissent à lui vivent, ceux qui s'arrêtent en lui s'éclairent — mais on accède à Dieu, sous la conduite du Christ, par la plénitude d'une foi sincère, par la conscience sans tache d'une volonté droite, par la sainteté des oeuvres, par l'acquisition et l'usage de cette authentique liberté, dont les normes sacrées se trouvent promulguées dans l'Evangile. Si, au contraire, les divins commandements sont méprisés, non seulement l'on ne peut atteindre la félicité éternelle placée au-delà du bref espace de temps assigné à l'existence terrestre, mais la vraie civilisation humaine elle-même vacille sur ses bases, et l'on ne peut s'attendre qu'à des ruines, sur lesquelles il faudra verser des larmes tardives, car ce qui conduit aux biens éternelles est aussi principe de force solide et sûr appui dans les choses d'ici-bas. Comment, en effet, pourraient bien trouver une garantie de stabilité le bien public et la gloire de la civilisation, lorsque les droits sont renversés et que les vertus sont abandonnées et méprisées ? Mais, de même que Dieu est la source et le soutien du droit, il est aussi l'inspirateur et la récompense de la vertu : personne ne l'égale parmi les législateurs (cf. Jb 36,22). Telle est, au témoignage de tous les hommes de bon sens, la racine amère et prolifique des maux du monde : la méconnaissance de la divine Majesté, l'abandon des lois divines ou une détestable inconstance, qui fait balancer entre le licite et l'illicite, entre la justice et l'iniquité. De là découlent l'égoïsme aveugle et effréné, la soif de plaisirs, l'alcoolisme, la mode impudique et dispendieuse, la criminalité qui n'est pas rare même chez les mineurs, l'ambition d'arriver au pouvoir, l'incurie à l'égard des pauvres, les désirs d'iniques richesses, la désertion des campagnes, la légèreté dans la conclusion des mariages, les divorces, la désagrégation des familles, le refroidissement du mutuel amour entre parents et enfants, la limitation des naissances, l'affaiblissement de la race, la baisse du respect dû aux autorités, ou le servilisme, ou la rébellion, l'abandon des devoirs envers la patrie et l'humanité. En outre, Nos plaintes se font plus vives encore, de ce que souvent dans tant d'écoles, on méprise ou on ignore le Christ, on ramène toute l'explication de l'univers et du genre humain au domaine du naturalisme et du rationalisme, et de ce que l'on cherche à établir de nouveaux systèmes d'éducation, qui dans la vie intellectuelle et morale de la nation ne pourront pas ne pas porter de tristes fruits.
famille chrétienne. Les enfants, heureux gages d'amour.
Il en est ainsi de la vie domestique. De même que, dans l'observation de la loi du Christ, elle s'épanouit en une vraie félicité, de même, en répudiant l'Evangile, elle dépérit misérablement, ravagée par le vice : « Celui qui scrute la loi en est rassasié, mais pour l'hypocrite, elle est un scandale » (Si 32,15). Que peut-il y avoir sur la terre de plus agréable et de plus heureux que la famille chrétienne ? Prenant son origine devant l'autel du Seigneur, où l'amour a été proclamé un lien sacré indissoluble, elle se consolide et s'accroît dans ce même amour, qu'entretient la grâce d'en haut. Là « le mariage est honoré de tous et le lit conjugal exempt de souillures » (He 13,4) ; les murs de ces foyers tranquilles ne retentissent pas de querelles ; ils ne sont pas témoins de secrets martyres causés par la révélation d'hypocrites manoeuvres d'infidélité. Une solide confiance éloigne l'aiguillon du soupçon ; dans un mutuel amour de bienveillance s'apaisent les douleurs, s'accroissent les joies. Là, les enfants ne sont pas considérés comme de pesants fardeaux, mais comme de doux objets de tendresse.
Là, ni de honteux motifs utilitaires ni la recherche de voluptés stériles ne font que soit empêché le don de la vie et que ne tombent en désuétude les doux noms de frères et soeurs. Avec quel zèle les parents ne mettent-ils pas toute leur sollicitude pour que leurs enfants ne grandissent pas seulement en vigueur physique, mais qu'ils suivent aussi les traces de leurs aïeux fréquemment évoqués, afin d'être auréolés de cette lumière que procurent la profession d'une foi très pure et l'honnêteté morale. Touchés de tant de bienfaits, les enfants regardent comme leur suprême devoir d'honorer leurs parents, de seconder leurs désirs, de les soutenir d'une aide fidèle dans leur âge avancé, de charmer leur vieillesse par une affection qui, survivant à la mort, sera rendue encore plus glorieuse et plus complète dans le royaume du ciel. Les membres de la famille chrétienne, sans murmure dans l'adversité, sans ingratitude dans la prospérité, sont toujours remplis de confiance en Dieu, ils obéissent à son autorité suprême, se reposent sur sa volonté et n'attendent pas en vain son secours.
Indissolubilité du mariage. Maux causés par le divorce.
Pour constituer et maintenir les familles conformément aux sages enseignements de l'Evangile, les fidèles doivent être souvent exhortés à cet égard par ceux qui, dans les églises, assument une charge d'enseignement ou de direction. Qu'ainsi leurs soins assidus s'ingénient à préparer au Seigneur un peuple parfait. Pour ce même motif, il est souverainement important de veiller à ce que le dogme de l'unité et de l'indissolubilité de droit divin du lien matrimonial soit religieusement considéré et saintement sauvegardé par ceux qui contractent mariage. Que ce point capital de la doctrine catholique ait une puissante efficacité pour une forte cohésion de la famille, pour le progrès et la prospérité de la société civile, pour la vie saine du peuple, pour une civilisation dont la lumière ne soit pas fausse et vaine, de nombreux esprits même éloignés de notre foi le reconnaissent, grâce à leur remarquable sens politique. Oh ! si votre patrie avait pu seulement connaître, par l'expérience des autres et non point par des exemples personnels, la grande quantité de maux engendrés par l'autorisation du divorce ! Que l'attachement à la religion, l'amour pour le noble peuple américain, poussent à combattre et à extirper ce mal funeste et grandissant dont les conséquences ont été décrites par le pape Léon XIII en des termes énergiques et exacts : « Par le divorce, les engagements du mariage deviennent révocables ; l'affection réciproque est affaiblie ; l'infidélité reçoit de pernicieux stimulants ; la protection et l'éducation des enfants sont compromises ; il donne occasion à la dissolution de la société domestique ; il sème des germes de discorde entre les familles ; il amoindrit et avilit la dignité de la femme qui court le risque d'être abandonnée après avoir servi aux passions de l'homme. Et comme rien ne contribue davantage à détruire les familles et à affaiblir les Etats que la corruption des moeurs, il est facile de reconnaître que le divorce est extrêmement nuisible à la prospérité des familles et des peuples » 5.
Nous ne doutons pas le moins du monde que l'on observe chez vous avec soin les prescriptions du Code de Droit canonique quand il s'agit d'unir, par le mariage, des contractants dont l'un n'est pas catholique ou n'a pas été baptisé. Ces mariages, vous l'avez vous-même constaté par de nombreux exemples, apportent rarement un bonheur de longue durée et causent d'ordinaire des pertes graves à l'Eglise catholique.
5 Lettre encyclique Arcanum.
L'étude des sciences divines et humaines, moyen de lutter contre ces maux.
Un moyen très efficace de faire disparaître de si grand maux est d'enseigner à tous les catholiques la vérité divine dans sa plénitude et de montrer clairement aux peuples le chemin qui conduit au salut. C'est pourquoi Nous exhortons instamment les prêtres à faire en sorte que soit vaste leur science des choses divines et humaines ; qu'ils ne se contentent pas des connaissances intellectuelles acquises dans leur jeunesse ; qu'ils méditent avec attention la loi du Seigneur dont les oracles sont plus purs que l'argent ; que sans cesse ils se délectent, après les avoir goûtées, des chastes délices de la Sainte Ecriture ; que tout le long de leur vie ils étudient plus profondément l'histoire de l'Eglise, ses dogmes, ses sacrements, ses droits, ses prescriptions, sa liturgie, sa langue, de manière à ce que, chez eux, le progrès intellectuel, la façon de parler, aillent de pair avec le progrès moral. Qu'ils cultivent aussi l'étude des lettres et des sciences profanes, surtout de celles qui sont spécialement en connexion avec la religion, afin qu'ils puissent exposer avec éloquence et clarté les vérités qui apportent le salut et imposer aux intelligences savantes le fardeau léger et le joug du Christ. O combien heureuse l'Eglise qui ainsi « sera fondée sur des saphirs » ! (cf. Is 54,11).
En outre, les besoins des temps actuels requièrent que même les laïques, spécialement ceux qui collaborent avec la hiérarchie ecclésiastique, se procurent un trésor de connaissances religieuses, non pas maigre et léger, mais riche et solide, au moyen des bibliothèques, des discussions, des cercles d'études. Ainsi, ils en retireront un grand profit pour eux-mêmes, ils pourront enseigner les ignorants, réfuter les adversaires obstinés et aider leurs bons coreligionnaires.
La presse, la radio, l'Université catholique de Washington.
Nous avons appris avec beaucoup de joie que votre presse défend avec intrépidité la cause catholique et que la radio marconienne, dont la voix se fait entendre instantanément dans le monde entier (merveilleuse invention, image de la foi apostolique embrassant tout le genre humain), est souvent utilisée et avec avantage pour assurer la plus grande diffusion possible à tout ce qui concerne l'Eglise.
Nous louons le bien ainsi accompli. Mais que ceux qui remplissent ces fonctions prennent garde, même lorsqu'ils exposent ou développent ce qui a trait au problème social, de suivre les directives et organes du magistère ecclésiastique ; qu'oublieux de leur avantage personnel et non désireux de la gloriole, ne suivant pas les factions partisanes, ils parlent « comme au nom de Dieu, devant Dieu, en Jésus-Christ » (2Co 2,17).
Dans Notre désir que la culture des arts et des sciences les meilleurs s'affermisse de plus en plus chez vous, Nous désirons, profitant de cette heureuse occasion, vous assurer de Notre très cordial intérêt pour l'Université catholique de Washington. Vous savez de quels souhaits ardents le pape Léon XIII saluait cet illustre temple de la science, quand il surgit, et de quels témoignages répétés de particulière affection le combla Notre prédécesseur immédiat. Ce dernier était intimement persuadé que si ce grand institut, ayant déjà récolté d'abondants mérites, se fortifiait encore davantage et obtenait une renommée plus grande, cela contribuerait non seulement aux développements de l'Eglise, mais aussi à la gloire et à la prospérité civile de vos compatriotes. Partageant cette même espérance, Nous venons à vous pour vous recommander très fortement cette Université. N'épargnez aucun effort, afin que, protégée par votre bienveillance, elle triomphe de ses difficultés et que, par ses progrès toujours plus heureux, elle justifie pleinement les grands espoirs fondés sur elle.
En outre, Nous approuvons vivement votre désir de rendre plus spacieux et mieux adapté le Collège pontifical qui accueille à Rome, pour leur éducation ecclésiastique, les jeunes gens de l'Amérique du Nord. Si c'est chose avantageuse que des jeunes gens d'une intelligence remarquable se rendent dans les pays lointains pour affiner leurs connaissances, une longue et heureuse expérience prouve qu'il y a le plus grand avantage pour les aspirants au sacerdoce à faire leur éducation cléricale ici près du Siège de Pierre où l'on peut boire à la source très pure de la foi, où tant de monuments de l'antiquité chrétienne et tant de vestiges de saints poussent les coeurs généreux aux grandes entreprises.
Pour une heureuse solution de la question sociale.
Nous abordons un autre sujet d'une très grande importance, à savoir la question sociale. Non résolue, elle agite fortement depuis longtemps les Etats et répand dans les diverses classes de citoyens des germes de haines et de lutte réciproque. Point n'est besoin de vous parler longuement de l'aspect qu'elle revêt chez vous ni des difficultés et des agitations qu'elle suscite ; vous les connaissez. Son article fondamental réclame que les biens créés par Dieu pour tous les hommes parviennent à tous équitablement, la justice accompagnée de la charité dirigeant cette répartition. L'histoire de tous les siècles atteste qu'il y a toujours eu des pauvres et des riches ; l'inflexible condition des choses humaines fait prévoir qu'il en sera toujours ainsi. Ils sont honorés les pauvres qui craignent Dieu ; le royaume des cieux leur appartient et facilement ils ont en abondance les biens spirituels. Quant aux riches, s'ils sont loyaux et honnêtes, ils sont les dispensateurs et les gérants des biens terrestres de Dieu ; ministres de la Providence divine, ils aident les indigents, par les mains desquels souvent ils reçoivent les faveurs spirituelles et sous leur conduite ils espèrent pouvoir atteindre la vie éternelle. Dieu, qui pourvoit à tout de la façon la meilleure, a établi, en vue de faire pratiquer les vertus et d'éprouver les mérites, qu'il y aurait en même temps dans le monde des riches et des pauvres ; mais il ne veut pas que les uns possèdent les biens terrestres à l'excès et que d'autres soient dans une pauvreté extrême à tel point qu'ils manquent des choses nécessaires à la vie. C'est une bonne source de vertus qu'une honnête pauvreté qui vit du travail de chaque jour, selon cette parole de l'Ecriture : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse ; accorde-moi seulement les choses nécessaires à l'existence » (Pr 30,.
Si les riches et ceux qui ont abondance de biens doivent, mus par une miséricorde naturelle, agir avec libéralité envers les miséreux, a fortiori doivent-ils leur donner ce que la justice exige. En conséquence, que les salaires des ouvriers soient tels qu'ils suffisent à leur subsistance et à celle de leur famille. Importantes sont, à propos de cette obligation, les paroles de Notre prédécesseur Pie XI : « On n'épargnera donc aucun effort en vue d'assurer aux pères de famille une rétribution suffisamment abondante pour faire face aux charges normales du ménage. Si l'état présent de la vie industrielle ne permet pas toujours de satisfaire à cette exigence, la justice sociale demande que l'on procède le plus tôt possible à des réformes qui garantiront à tout ouvrier adulte un salaire répondant à ces conditions. A cet égard, il convient de louer ici comme ils le méritent tous ceux qui, dans un très sage et très utile dessein, ont imaginé et expérimenté des formules diverses selon lesquelles la rémunération du travail est proportionnée aux charges familiales de telle manière que l'accroissement de celles-ci s'accompagne d'un relèvement parallèle du salaire ; bien plus, il est pourvu, le cas échéant, à des nécessités extraordinaires» 6. En outre, il faut que celui qui a la force de travailler pour se procurer, ainsi qu'aux siens, la nourriture de chaque jour, trouve suffisamment de travail. Nous plaignons vivement le sort et la situation de ceux, très nombreux chez vous, qui malgré leur santé robuste et leur volonté de travailler, ne peuvent avoir les emplois qu'ils cherchent ; que la sagesse des gouvernements civils, la libéralité prévoyante des patrons, l'avènement rapide de temps plus tranquilles, permettent de satisfaire de si justes désirs pour le profit de tous !
g Lettre encyclique Quadragesimo anno.
Syndicats et corporations.
En outre, puisque naturellement les hommes sont portés à vivre en société et qu'il est licite, en unissant ses forces, d'accroître ce qui est honnêtement utile, on ne peut, sans injustice, refuser ou restreindre, pour les patrons comme pour les ouvriers et les paysans, la libre faculté de former des associations ou sociétés, par lesquelles ils défendront leurs droits et obtiendront, d'une façon plus complète, des avantages relatifs aux biens de l'âme et du corps et au confort légitime de la vie. Aux corporations de ce genre qui, dans les siècles passés, ont procuré à la chrétienté une gloire immortelle et aux métiers un éclat merveilleux, on ne peut imposer partout la même discipline, la même organisation ; elles sont susceptibles de varier selon le tempérament des peuples et les circonstances de temps et de faits. Pourtant, il faut que ces sociétés puisent toujours leur vitalité dans les principes de saine liberté, qu'elles soient modelées d'après les grandes normes de la justice et de l'honnêteté et que sous leur conduite et leurs auspices, tout en cherchant à améliorer les intérêts de la classe, elles agissent de façon à ne léser personne, à maintenir les efforts de concorde, à respecter le bien commun de la société civile.
Il nous est agréable de savoir que le document du magistère pontifical mentionné plus haut comme aussi la lettre-encyclique du même genre, Rerum novarum, du pape Léon XIII où se trouve traitée la question sociale selon les préceptes de l'Evangile et de la philosophie éternelle, sont chez vous l'objet d'un examen attentif et prolongé de la part de certains esprits très distingués qu'une volonté généreuse pousse à rétablir parmi les hommes la charité et l'union. Même quelques patrons ont voulu aplanir, selon les prescriptions de ces encycliques, en tenant compte de l'utilité commune et de la dignité de la personne humaine, les désaccords sans cesse renaissants avec les ouvriers.
Appel à l'union...
Quelle gloire pour la nation américaine naturellement portée à la générosité de sentiments et à la libéralité, si elle jette les bases d'une ère plus heureuse par la solution adéquate et complète de la vieille et rocailleuse question sociale selon les voies sûres éclairées par les rayons de l'Evangile. Pour que cela se réalise sous de favorables auspices, les forces ne doivent pas être brisées par la dispersion, mais accrues le plus possible par l'union. A cette salutaire unité de pensées, à cet accord, générateur de grandes actions, nous invitons aussi, mû par la charité, ceux que l'Eglise maternelle pleure de voir séparés d'elle. La plupart d'entre eux, lorsque Notre prédécesseur s'endormit du sommeil des justes et que Nous-même, peu de temps après sa mort, montâmes par une disposition insondable de la bonté divine sur le trône de saint Pierre — cela ne Nous a pas échappé — ont manifesté de vive voix et dans leurs écrits des sentiments pleins de respect et de noblesse. C'est pourquoi — Nous le disons ouvertement — ces choses Nous ont fait concevoir une espérance que le temps n'emporte pas, que l'âme qui pressent nourrit, qui Nous console dans une situation difficile et pénible.
... et au service du règne du Christ.
La grandeur des travaux à entreprendre avec sagacité pour la gloire du très doux Rédempteur et pour préparer le salut des âmes ne doit pas vous épouvanter, fils très chers, mais, munis du secours divin, vous stimuler ; à la vérité, les oeuvres ardues engendrent des vertus plus robustes, produisent des mérites plus éclatants. Que les efforts des ennemis qui, en rang serrés, visent à détruire le règne du Christ, nous poussent à établir, à affermir, à développer ce même règne, en parfait accord de volonté ! Rien de plus heureux ne peut arriver aux individus, aux familles, aux nations que d'obéir à l'Auteur du salut, de se conformer à ses préceptes, d'accepter son règne par lequel nous devenons libres et riches de bonnes oeuvres : « règne de vérité et de vie, règne de sainteté et de grâce, règne de justice, d'amour et de paix » 7. Souhaitant le plus possible que vous et les brebis au bien desquelles vous veillez en pasteurs attentifs vous marchiez chaque jour vers des buts meilleurs et plus élevés et que vous recueilliez, des solennités fixées, une abondante moisson de vertus, Nous vous donnons dans le Seigneur, en témoignage de Notre bienveillance, la Bénédiction apostolique.
7 Préface de la messe du Christ-Roi.
(18 octobre 1939) 1
Voici le texte de l'allocution que le Souverain Pontife prononça, le 18 octobre, répondant à S. Exc. le Dr Stanislas Girdvainis, nouvel envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Lithuanie, lors de la présentation de ses lettres de créance :
Heureux est pour Nous ce jour qui voit, après une période d'interruption, un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République lithuanienne présenter ici ses lettres de créance. Nous ne doutons pas que les catholiques de votre pays saluent cet événement avec une joie sincère et une intime adhésion de coeur.
Tandis que des changements dramatiques se produisent dans la structure politique de l'Europe et dans l'état d'âme des nations à l'égard les unes des autres, le peuple lithuanien vient au centre de la chrétienté affirmer son attachement résolu aux devoirs et aux buts que lui assignent sa volonté nationale de vivre et sa tradition religieuse.
Ce peuple catholique, toujours si présent à Notre amour paternel et à Notre sollicitude pastorale, voit dans l'acte qui s'accomplit aujourd'hui un heureux gage d'avenir : le signe que les relations du gouvernement lithuanien avec le Saint-Siège entrent dans une phase nouvelle, durant laquelle les questions encore pendantes quant aux rapports de l'Eglise et de l'Etat pourront bientôt trouver, dans un esprit de sagesse et d'équité, une harmonieuse solution, favorable au libre développement de la vie religieuse dans la nation.
Veuillez, Monsieur le ministre, vous faire auprès de S. Exc. M. le président de la République l'interprète de la profonde satisfaction avec laquelle Nous avons accueilli les pensées et les intentions exprimées en son nom — lui donnant l'assurance que Nous Nous estimerons heureux d'aboutir, sur tous les terrains et dans tous les sujets concernant la situation respective de l'Eglise et de l'Etat, à ces justes arrangements qui naissent d'une loyale confiance et qui permettent de part et d'autre, à chacun des deux pouvoirs, l'exercice normal et tranquille de son action.
« Avant-poste septentrional de la catholicité », ainsi avez-vous désigné, Monsieur le ministre, le pays dont vous êtes le fils, et, dans un rang si élevé, le serviteur. Ces mots jaillis de vos lèvres montent du coeur même de votre peuple, traditionnellement dévoué au Saint-Siège ; ils sont pour la Lithuanie un titre d'honneur. En eux vibre l'accent d'une volonté décidée à toujours rester intimement et se montrer extérieurement, par ses oeuvres, digne de ce titre et du rôle qu'il exprime — même si le sacrifice devenait la rançon nécessaire à l'affirmation et à la réalisation d'un tel idéal.
Conscient des devoirs propres à Notre charge de Pasteur suprême, Nous ne laisserons pas — sans en être requis — Notre action toujours orientée vers le salut des âmes s'engager dans les controverses purement temporelles et les compétitions territoriales entre les Etats. Mais le devoir même de cette charge ne Nous permet pas de fermer les yeux ; lorsque, précisément pour le salut des âmes, surgissent de nouveaux et incommensurables dangers ; lorsque sur la face de l'Europe, chrétienne dans tous ses traits fondamentaux, s'allonge, chaque jour plus menaçante et plus proche, l'ombre sinistre de la pensée et de l'oeuvre des ennemis de Dieu. En pareilles circonstances, plus qu'à aucune autre période de son histoire, la préservation, la culture et au besoin la défense de l'héritage chrétien acquièrent, pour les destinées futures de l'Europe et la prospérité de chacun de ses peuples, grand ou petit, une importance décisive.
L'Etat, qui avec une noble hauteur de vues, reconnaît la liberté convenable à l'expansion et à la pratique de la doctrine du Christ, se prépare ainsi des réserves de force spirituelle, sur lesquelles il pourra compter en toute assurance, quand viendront les heures troubles et difficiles. Partout où pleine liberté est laissée à la doctrine évangélique, le sentiment chrétien pénétrera non seulement l'âme des citoyens, mais les multiples et diverses activités de la vie publique. Et plus la justice chrétienne, la fraternité chrétienne, la charité chrétienne, animent et dirigent les particuliers et les collectivités, plus aussi s'établit au sein des nations et entre elles une atmosphère spirituelle rendant possible, facile même, la solution de bien des problèmes qui, aujourd'hui, paraissent ou sont réellement insolubles.
Si, au milieu des événements actuels, les nations chrétiennes ont un titre particulier à Notre sollicitude et à Notre vigilance pastorale, Nos fils et filles de Lithuanie peuvent comprendre à quel point Nous sommes auprès d'eux. Nous leur sommes uni aussi par Notre inébranlable assurance de leur fidélité et par la confiance en Dieu, dont le secours tout-puissant peut ouvrir à une Europe pacifiée, rendue au sens de la justice, de la fraternité et de sa vocation chrétienne, des routes nouvelles vers le progrès et la prospérité.
Animé de cet espoir, Nous adressons à la nation lithuanienne — gouvernants et gouvernés — Notre salutation émue ; et sur tous ses enfants, spécialement sur Votre Excellence, Nous implorons du fond du coeur les plus abondantes faveurs divines.
ALLOCUTION A LA POPULATION DE CASTELGANDOLFO
(22 octobre 1939)1
Recevant en audience spéciale la population de Castelgandolfo, le Saint-Père lui a adressé les paroles suivantes d'invitation à une prière intense pour la paix dans le monde :
L'accueil plein de dévotion que vous Nous avez fait dès le premier jour où Nous sommes arrivé parmi vous, chers fils et chères filles, Nous a rendu plus doux le séjour dans ce lieu agréable, assuré comme Nous l'étions de Nous trouver entouré de votre piété fervente. Aujourd'hui vous avez voulu accroître la filiale manifestation de votre foi et de votre fidélité au Vicaire du Christ en vous rassemblant autour de Nous. Votre présence, chers fils, guidés par votre zélé archiprêtre et par votre distingué vice-podestà (représentant le podestà absent par suite d'une indisposition imprévue), Nous dit votre affection, Nous manifeste les sentiments de votre vénération. Votre charitable offrande pour les besoins des saintes missions et vos dons exquis, fruit de votre terre et de votre travail, donnent à vos agréables déclarations un témoignage doux, joyeux et charmant, qui en fait éclater ouvertement aux regards l'intime profondeur spirituelle et filiale. Comment ne pourrions-Nous pas et ne devrions-Nous pas les accueillir non seulement avec une satisfaction paternelle, mais aussi avec gratitude, reconnaissance et joie ? Ne sont-ils pas les signes et les symboles des fruits et des fleurs de vos vertus familiales, religieuses et civiles ? Et l'exemple de votre affectueuse dévotion n'est-il pas pour Nous un réconfort et un encouragement pour tous ceux qui viennent d'autres cités et d'autres pays ?
C'est à vous tous, chers fils, que s'adressent Notre esprit et Notre parole reconnaissante. Notre séjour au milieu de vous, qui êtes si pieux et si dévoués, si travailleurs et si paisibles, dans un air si agréable à respirer et si frais, dans ces paysages riants de la nature proche et lointaine, Notre séjour Nous a apporté un intime délassement et cette tranquillité extérieure dont est généreuse la paix des champs pour un esprit plongé dans de graves soucis et des fatigues pastorales.
Cette colline du Latium est pour Nous comme une nouvelle colline vaticane ; ici se transportent avec Nous Nos pensées et Nos craintes, Nos affections et Notre sollicitude de toutes les Eglises. Ici aussi le passé Nous parle de Rome, des restes de la grandeur et de la gloire des Césars. Ici aussi le sol et l'oeuvre de la nature et de l'homme recouvrent un monde disparu ; mais la contemplation du présent ne Nous rend pas oublieux des souvenirs antiques. Nous n'oublions pas qu'ici aussi les pontifes romains ont cherché repos, paix et réconfort ; que Notre vénéré prédécesseur s'est plu à rétablir son esprit et à fortifier sa santé au milieu de vous, à honorer et à réjouir de sa présence ces collines fameuses. En Nous, qui sommes devenu par Notre séjour comme votre concitoyen, est née une affection nouvelle pour vous, une affection de père à l'égard d'une nouvelle famille plus proche qu'il a retrouvée en vous.
Ici est la paix ; tranquille est la terre, tranquille le ciel d'Italie, tranquille le lac tout proche que Nous contemplons. Mais loin d'ici Nous voyons les flots inquiets de la mer refléter les lueurs du soleil, des flots qui sont des images de la tribulation et des tempêtes humaines déchaînées en Europe et dans le monde. Un monde sans paix, un monde qui a besoin de paix, non pas de cette paix qui n'est pas la paix : pax, pax, et non erat pax (Jr 6,14), mais de cette paix qui est, comme le dit le grand père de l'Eglise, saint Augustin : pax hominum, ordinata concordia 2, la concorde ordonnée parmi les hommes ; de cette paix apportée par le Rédempteur naissant aux hommes de bonne volonté, dompteurs et dominateurs d'eux-mêmes dans la vie commune des peuples. Dans l'heure présente de bourrasques et de tempêtes des nations, elle est l'aurore de la paix que l'Eglise du Christ invoque de Dieu dans les litanies : ut regibus et principibus christianis pacem et veram concordiam donare... ut cuncto populo christiano pacem et unitatem largiri digneris.
2 De civ. Dei, lib. XIX, cap. 13.
Chers fils, unissez à la prière si nécessaire et si vivante de l'Eglise vos supplications toujours plus ardentes ; qu'elles s'unissent et montent vers le ciel afin que le Seigneur, auteur et ami de la paix, qui commande aux vagues de la mer et veille sur les conseils des hommes, dissipe dans sa miséricorde le trouble de la guerre, réconcilie les peuples et les nations, protège son Eglise qu'il a faite son épouse avec son sang et, le calme revenu, étende ses pacifiques tentes et ses divins tabernacles sur la face de la terre pour le salut du genre humain. Tel est le saint souvenir que Nous vous laissons à la veille de Nous éloigner de vous et de cette terre de repos salutaire et vivifiant, en accueillant le doux hommage de votre affection, en vous remerciant avec une paternelle complaisance de votre dévotion et de votre piété. Et Nous vous accordons de tout coeur la Bénédiction apostolique, à vos familles, à toutes les personnes proches ou lointaines que vous avez dans le coeur, à toutes vos saintes aspirations et à tous vos travaux, et tout spécialement à cette chère et brave jeunesse que Nous voyons avec joie rassemblée ici.
ALLOCUTION A DES CARABINIERS ROYAUX ET A DES GARDES MÉTROPOLITAINS EN SERVICE A CASTELGANDOLFO
(26 octobre 1939) 1
A l'hommage de respectueux dévouement qui lui fut présenté par les carabiniers royaux et par les gardes métropolitains en service à Castel-gandolfo durant son séjour d'été, le Saint-Père a répondu par les paroles suivantes :
Sur cette colline ensoleillée et aérée, au moment où Nous sommes arrivé à la fin de Notre séjour d'été chargé d'un poids considérable de pensées et d'anxiétés provoquées par la paix troublée des peuples, Notre esprit trouve une consolation dans votre présence, chers fils, troupes choisies des carabiniers royaux et des gardes métropolitains rassemblés autour de Nous, les premiers conduits par le colonel commandant la légion accompagné de ses officiers, les autres par le major commandant la compagnie avec son adjoint et par le commissaire de la sécurité publique. Notre esprit, disions-Nous, trouve consolation en vous parce qu'en vous se trouve la paix des esprits d'Italie, parce que vous êtes les témoins, les gardes de cette paix que Nous voudrions voir resplendir et rasséréner les esprits sur toute la face de la terre.
Ne vous étonnez pas, chers fils, si Nous accueillons vos deux troupes distinctes unies autour de Nous. Ce n'est pas que Nous ayons l'intention de méconnaître la prééminence de l'office, du grade ou du nombre. Mais dans Notre coeur une seule et ardente affection de Père commun vous égalise en vous donnant le doux nom de fils très chers ; votre affection ne vous distingue pas dans Notre esprit et dans la gratitude que Nous vous devons pour la garde extérieure de Notre résidence que vous assurez avec un soin assidu, vigilant et noble. Si un mur vous sépare de la garde plus proche de Notre personne, si ce mur a deux côtés, Notre affection n'a cependant qu'un seul fondement dans lequel vous Nous permettrez de reconnaître non pas un symbole de division, mais un lien d'union avec l'Italie et le monde entier. Notre affection n'a pas de limite ; elle ne connaît ni rancoeur ni haine ; elle palpite pour tous à l'imitation de l'amour infini de notre Maître divin ; elle participe de ce feu apporté par lui en terre, qui se diffuse de façon plus expansive et chaude à l'égard des proches qui l'entourent, des fidèles qui le servent.
Ce voisinage et cette fidélité, Nous les avons retrouvés en vous, voisinage de garde dévouée, fidélité du sentiment religieux. Votre corps, chers carabiniers royaux, le premier de l'armée qui se fait gloire d'un dévouement ancien et sans tache et de l'honneur d'être la garde de l'auguste Souverain d'Italie, Nous a entouré aussi de son renom durant Notre séjour, avec une vigilance qui témoigne d'un grand dévouement et dont votre très agréable présence d'aujourd'hui Nous est un vif témoignage. A vos services et à l'escorte d'honneur que vous faites auprès de Sa Majesté le roi et empereur, vous ajoutez ainsi les mérites du service auprès du Vicaire du Christ, souverain des âmes croyantes parmi lesquelles comptent aussi les vôtres. Qui ne connaît vos sacrifices de jour et de nuit ? Votre promptitude et votre sagacité de protecteurs et de gardiens du bien commun ? Votre regard scrutateur attentif des mouvements d'autrui ? Nous connaissons votre intime et austère sentiment du devoir auquel vous ont formé l'enseignement de vos instructeurs compétents et la foi chrétienne qui vous anime et est la compagne de vos pas.
A cette garde dévouée et à cette religieuse fidélité vous avez aussi pris une grande part, très chers gardes métropolitains, tuteurs et défenseurs de l'ordre public, vous qui dans les chemins du château avez fait preuve de cette surveillance avertie et toujours prête, dont Rome vous loue et dont la sagesse de vos sages supérieurs est la maîtresse.
Vous tous, chers fils, vous avez été les gardiens fidèles de Notre séjour sur la rive de ce fameux lac romain, dans la fraîcheur de cette terre réconfortante qui déjà rétablissait les Césars et les Papes, d'où le regard tourné vers Rome contemple la coupole aérienne de Michel-Ange, couronne sublime du tombeau du prince des apôtres ; vous tous qui vous trouvez autour de Nous, vous sentez qu'un monde nouveau succède au monde antique, qu'aux dieux de marbre sans voix et sans vie a succédé le Dieu qui a fait le ciel et la terre et les beautés vivantes, qui Nous restaure extérieurement afin qu'intérieurement nous allions à Lui, qui sait nous garder exterius et interius 2 ; à Lui qui est le Sauveur, Pllluminateur et le réconfort de nos âmes dans la joie et dans la douleur, dans l'espérance et dans la crainte, dans la paix et dans la lutte, dans la tempête et dans le calme. Il vit et commande à l'extérieur et à l'intérieur de nous. Appliquez-vous, chers fils, à le garder dans votre coeur, à faire de l'amour de son amitié, au milieu des fatigues difficiles de votre grave devoir, votre premier et votre plus élevé devoir de chrétiens vigilants pour les autres et pour vous. De la garde des autres et du bien public, faites la garde de vous-mêmes devant Dieu ; changez votre vie extérieure, votre courage et votre honneur extérieur en honneur, en courage et en vie intérieure dominée par la foi et une religieuse morale ; parce que la religion et la foi n'abaissent pas et n'humilient pas le soldat et le garde, mais exalte sa vertu et sa valeur et en font dans le péril des héros courageux qui ne craignent ni le présent ni l'avenir. Travaillez aussi, comme le recommande l'apôtre Paul à son Timothee (2Tm 2,3) comme des soldats du Christ Jésus, puisque la vie d'ici-bas est un combat extérieur et intérieur et bien plus intérieur qu'extérieur.
Nous vous laissons, chers fils, ce souvenir en prenant congé de vous, souvenir d'un père qui tient du Christ tout son devoir et toute son affection pour vous ; et dans la vive gratitude que Nous vous gardons pour votre garde et pour votre dévouement, Nos remerciements et le désir ardent de votre bien s'élèvent plus haut que la nature, pour redescendre sur vous comme l'invocation des grâces les plus choisies du ciel qui vous réconfortent dans l'accomplissement de vos nobles devoirs, dans les événements variés qui tressent et vont tresser le fil de vos journées.
2 Cf. Secr. Fer. VI post Dom. Sec. Quaâra%.
HOMÉLIE LORS DE LA CONSÉCRATION DE DOUZE ÉVÊQUES MISSIONNAIRES
(29 octobre 1939) 1
D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 595. Cf. Encycl. Quas primas ; A. A. S., 1925, p. 599.
Vous avez entendu, Vénérables Frères et chers Fils, la lecture de l'Evangile. Alors que Pilate, gouverneur romain, demandait au très bon Sauveur s'il était vraiment roi, la Vérité n'hésita pas à s'attribuer la dignité et la puissance royale. Ce n'est pas sans le dessein d'une admirable sagesse que le Sauveur du genre humain, à qui les siècles sont soumis par une obéissance docile, manifesta alors publiquement ce qu'il avait tu alors qu'il comparaissait au prétoire, alors qu'il souffrait, alors qu'il était méprisé. Car le Fils de Dieu, splendeur de la gloire du Père et image de sa substance, Dieu vrai de Dieu vrai, lumière de lumière, né avant le commencement des siècles, est roi par sa nature divine, puisque lui-même a créé tout ce qui est et le gouverne selon sa volonté et sa puissance. Lui-même, comme le Fils de l'homme paré du même honneur légitime, se distingue par le nom royal. Ce qu'il possédait par droit de naissance, il le promulgua et le revendiqua au moment même où, nous libérant de la servitude des démons, il l'eut obtenu et acquis de droit par l'oeuvre divine de la Rédemption humaine 2.
Le Christ règne donc entouré de la gloire de ses élus ; et le roseau méprisable qu'ils lui avaient donné par dérision s'est changé en verge de fer qui détruit les empires rebelles comme des vases d'argile ; sa tête que les épines blessèrent brille maintenant par la suprématie qu'elle exerce dans tout l'univers visible et invisible ; ses plaies sacrées, gages de notre salut, étincellent comme le soleil ; son coeur blessé par la pointe cruelle ouvre le sanctuaire de la miséricorde divine ; la croix s'offre à la vénération par toute la terre, cause de toutes les grâces, source de toutes les bénédictions.
Il est à jamais impossible que le Christ ne règne pas. Il règne, s'il est présent, par la magnificence de ses bienfaits. Il règne, s'il est absent par suite de la perte de la grâce divine chez les hommes, par la sévérité de sa justice inéluctable. Bienheureux l'homme qui obéit à la loi du Christ, il ordonne avec le plus grand soin selon sa grâce et sa volonté tout ce qu'il pense et tout ce quil fait. Son esprit, humble dans la réussite, serein dans l'échec, rayonne de la pure lumière de la foi et se réjouit dans une paisible allégresse ; sa volonté brûlante de charité envers Dieu et les hommes s'élance vers les oeuvres nobles et les membres mêmes de son corps, devenus armure de justice, obéissent à l'esprit qui les gouverne.
Bienheureuses les familles où le sceptre de justice du Christ-Roi est vénéré. Parce qu'elles grandissent dans l'amour mutuel, elles se haussent à un noble rang, elles jouissent de la paix, elles sont florissantes de prospérité, elles s'agrandissent d'une noble descendance, espoir le plus sûr de la patrie en qui les exemples de la vertu ancestrale renaissent par une imitation attentive.
Trois et quatre fois bienheureuses les cités où l'on promulgue les lois sous les auspices de l'Evangile, où l'on rend hommage public à la majesté du Christ-Roi. Là en effet on dispose en vue de l'idéal de la plus haute vertu et de la justice les affaires et les intérêts des citoyens. Là on ignore les rigueurs du pouvoir et la fidélité dans le respect envers les gouvernants n'est pas absente. Là enfin, grâce à la concorde qui accroît les forces, on mène à leur terme de grandes entreprises et on met en oeuvre chaque jour tout ce qu'il y a de mieux pour des développements plus féconds.
Si donc reconnaître à Jésus-Christ la dignité royale, embrasser ses préceptes volontiers et de bon gré, les mettre en pratique dans la vie privée et publique apportent de si nombreux et si grands bienfaits tant aux individus qu'aux familles et à la société, il est absolument nécessaire, Vénérables Frères et chers Fils, que tous les chrétiens s'efforcent, chacun pour sa part, de tout mettre en oeuvre pour soutenir une cause aussi importante. Et cela particulièrement à notre époque où les hommes, de partout envahis par un attachement excessif aux biens de ce monde, s'écartent de la poursuite des biens célestes et vont jusqu'à négliger par oubli ou bien rejeter complètement par mépris « le royaume de vérité et de vie, le royaume de sainteté et de grâce, le royaume de justice, d'amour et de paix. » 3
3 Préface de la messe du Christ-Roi.
Si Nous vous encourageons paternellement, vous tous qui êtes ici, dans la poursuite de ce but très saint, Nous vous encourageons particulièrement vous, qu'aujourd'hui dans la majesté de ce temple de pierre près du tombeau du Prince des apôtres, Nous avons élevés à la dignité de l'épiscopat. Autrefois le divin Rédempteur envoya à l'univers tout entier la modeste troupe des apôtres qu'aucune aide humaine n'appuyait pour le soumettre non pas par la force des armes, mais par la vertu de la vérité et de la charité ; aujourd'hui de même, Nous qui tenons sa place sur terre, Nous vous envoyons, comme douze semeurs de la parole de Dieu qui ne s'appuient pas sur leurs forces ou sur celles des autres, mais qui se confient à la grâce de Dieu qui touche les coeurs, à tant de nations, surtout les plus lointaines mais cependant si chères pour Nous, pour que vous leur communiquiez les préceptes évangéliques et le culte chrétien sans ménager votre peine.
Cet heureux événement d'aujourd'hui ouvre à Notre esprit de vastes perspectives, émeut vivement Notre âme et fait naître l'espoir de futures et abondantes moissons. Tandis que s'écoulent les années et qu'au milieu des vicissitudes diverses, des choses naissent, se développent, disparaissent, ou bien renaissent transformées et rénovées, ou bien se détériorent et s'anéantissent complètement, l'Eglise catholique cependant n'est pas frappée par les tempêtes du siècle, elle n'est pas vaincue par les difficultés, elle n'est pas enfin bouleversée par la poussée des changements, mais elle avance d'un pas plein d'assurance ; ce qu'elle fait depuis vingt siècles, aujourd'hui poussée par une inspiration divine et remplissant sa divine fonction, elle l'accomplit aussi pour le progrès du genre humain. Mais tandis que les convoitises des biens extérieurs, les haines internes et les rivalités partagent et divisent trop souvent les esprits des mortels, l'Eglise de Dieu, en mère très aimante de tous les peuples, embrasse par l'excellence de sa charité toute la famille humaine, quelles que soient la race ou la classe auxquelles les hommes appartiennent ; elle veille par sa prière et son action au salut de tous et à leur véritable bonheur.
Voilà ce dont maintenant, nouveaux évêques, Nous attendons de votre zèle empressé et agissant l'heureuse venue. Les peuples qui se réjouissent de votre surcroît de dignité vous attendent avec un très grand désir. Vous allez aborder une tâche immense et des plus lourdes ; des hommes innombrables abandonnés à leur erreur, anxieux de la divine lumière et assoiffés de la suprême vérité attendent votre ministère sacré pour puiser en Jésus-Christ le salut et la paix. Des combats difficiles vous sont réservés, mais la charité chrétienne n'est jamais vaincue et les promesses divines ne trompent jamais. Ayez, puisque vous avez reçu les sept dons du Saint-Esprit, ce zèle apostolique qui, par sa douceur, attire les coeurs à embrasser la loi de Dieu ; ayez le courage qui brise toutes les oppositions par une force invicible et sort victorieux de la lutte ; ayez enfin le secours céleste pour que le champ du Seigneur, confié à votre direction, se dore de la moisson évangélique chaque jour plus abondante.
L'Eglise entière vous accompagne par les prières et les voeux qu'elle adresse à Dieu et comme Nous avons confiance en la générosité et la charité des fidèles, les secours de l'aumône demandés ne vous manqueront pas, pour que, grâce à eux, vous puissiez poursuivre plus facilement la prise en charge de cette oeuvre très sainte. Notre coeur de père vous accompagne particulièrement tandis que tous Nos souhaits vous escortent ; Nous demandons avec insistance au suprême Prince des pasteurs que dans vos voyages apostoliques il vous soutienne et vous seconde par sa grâce céleste et qu'enfin par votre action commence à luire le jour où le divin roi « régnera d'une mer à l'autre et du fleuve jusqu'aux extrémités de la terre » (Ps 71,. Amen.
ALLOCUTION AUX DOUZE NOUVEAUX ÉVÊQUES MISSIONNAIRES
(30 octobre 1939) 1
Hier, après la cérémonie solennelle où, dans la splendeur de la basilique vaticane, Nous vous avons élevés à la dignité de l'épiscopat, Notre ardent souhait était de vous voir ici en personne dans la maison du Père commun pour vous montrer l'attachement bienveillant que Nous vous portons, et pour vous donner d'une voix paternelle le courage d'aborder avec force les tâches que réclame la charge qui vous est confiée. Aussi Nous vous témoignons une très grande reconnaissance, Vénérables Frères, d'être venus à Nous, tous ensemble, guidés par l'amour filial, et surtout à Notre cher Fils, le cardinal Pierre Fumasoni Biondi, votre très éloquent interprète, qui, en vos personnes, Nous a montré comme les pierres les plus précieuses de son trésor — Nous voulons dire la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi — et les récompenses les plus illustres de son zèle.
Nous vous disons aussi Notre gratitude pour le grand réconfort que vous avez donné à Notre coeur en venant à Nous ; grâce à votre présence en effet, les nuages de tristesse qui obscurcissent le ciel en ces jours que nous vivons Nous paraissent s'entrouvrir pour laisser pleuvoir une grande joie.
Une charge éminente vous est confiée, Vénérables Frères. Hâtez-vous donc vers ces pays que, sous l'inspiration de Dieu, Nous vous avons destinés. Là, efforcez-vous de ramener tous les hommes dans les bras du Christ, qui a promis de tout attirer à lui (cf. Jn 12,32). Quand poussés par la charité du Christ, vous serez parvenus auprès des troupeaux qui vous sont confiés, ayez un coeur viril pour accepter ou susciter les oeuvres et les entreprises que vous conseilleront l'exercice de votre charge et votre souci pastoral ; mais surtout, appliquez-vous avec une inlassable fermeté à former, pour partager votre ministère, des prêtres issus de ces peuples que vous aurez instruits de la foi chrétienne. En effet, les prêtres indigènes qui, institués et formés selon les rites, brillent de toutes les parures de la science et de la vertu, non seulement vous apporteront un secours d'une grande utilité, mais encore poursuivront les tâches que vous aurez commencées, en sorte que l'on pourra dire des peuples que vous aurez formés à la doctrine évangélique cela même que Léon XIII, Notre prédécesseur d'illustre mémoire, fit graver au sujet des populations des Indes sur la façade du séminaire pour les clercs indigènes récemment élevé à Kandy : « Inde, tes fils, pour toi ministres du salut. »
Allez donc, Vénérables Frères, vers les troupeaux qui vous sont confiés. Tous les chrétiens vous accompagnent des voeux et des prières qu'ils adressent à Dieu ; il en est de même des chefs de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la foi, dont l'esprit est tendu vers l'espérance de moissons abondantes ; et Nous plus particulièrement, après avoir imploré du Prince suprême des pasteurs l'abondance des dons célestes, Nous vous accompagnons de Notre paternelle bienveillance, tandis qu'avec ferveur Nous vous bénissons dans le Seigneur, vous et tous les vôtres.
Nous souhaitons enfin remettre très affectueusement à chacun d'entre vous un souvenir de ces jours de fête en même temps qu'un gage de notre particulière bienveillance.
ENCYCLIQUE « SERTUM LAETITIAE » AUX ÉVÊQUES DES ÉTATS-UNIS
(1er novembre 1939) 1
La deuxième encyclique de Pie XII est adressée aux évëques des Etats-Unis, à l'occasion du 150e anniversaire de l'établissement de la hiérarchie catholique dans leur pays. Après avoir félicité les catholiques des Etats-Unis pour la vitalité de leur catholicisme, le Pape recommande comme remèdes aux maux actuels la sainteté de la famille, l'unité et la justice sociale. Voici la traduction de cet important document :
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 635 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XLI, col. 111.
Désireux d'accroître encore une guirlande de sainte joie, Nous franchissons, par la pensée, l'interminable étendue de la mer, et Nous venons, en esprit, au milieu de vous, qui célébrez avec tous vos fidèles l'heureux achèvement de ce siècle et demi qui Nous sépare du jour où la hiérarchie ecclésiastique fut établie aux Etats-Unis. Et Nous le faisons très volontiers, parce que, en ce début de Notre souverain pontificat, ce Nous est une occasion solennelle — qui Nous est d'autant plus agréable — d'attester publiquement quelle estime et quelle affection Nous éprouvons pour le peuple américain si illustre et débordant de jeunesse.
A ceux qui parcourent les annales de votre nation et qui recherchent les causes profondes des événements qui en sont la trame, il apparaît avec évidence que le développement triomphal de la religion divine n'a pas peu contribué à conduire votre patrie vers la gloire et la prospérité dont elle jouit. Il est bien vrai que, si cette religion, née du ciel par ses institutions et ses lois, est destinée à conduire les hommes à la félicité éternelle, elle n'en comble pas moins la vie d'ici-bas de tant de bienfaits qu'elle n'en pourrait distribuer davantage, dans l'hypothèse où sa principale raison d'être serait de rendre heureux les hommes durant leur courte existence terrestre.
Le premier évêque des Etats-Unis. 2
Il Nous est agréable de rappeler des faits bien connus. Quand Pie VI donna à vos compatriotes leur premier évêque dans la personne d'un citoyen américain, John Carroll, en le nommant au siège de Baltimore, il y avait là un nombre de catholiques si restreint et de si petite importance, et la situation des Etats-Unis était si précaire, que leur groupement et leur unité politique elle-même étaient menacés d'une crise profonde. En effet, à cause d'une longue guerre épuisante, le Trésor était gravement endetté, les industries languissaient, et la population, exaspérée par les calamités, s'était divisée en partis opposés. Ce fut le très célèbre George Washington, homme au caractère ferme et à l'esprit sagace, qui redressa cette situation douloureuse et même critique. Il était lié d'une solide amitié avec le vénéré évêque de Baltimore. Ainsi le père de la patrie et le premier pasteur de l'Eglise sur cette terre qui Nous est si chère, unis par des liens de bienveillance réciproque — exemple permanent pour la postérité et leçon pour tous les temps à venir — se tenant en quelque façon par la main, indiquaient au peuple américain qu'il devait avoir pour règle sacrée de vie le respect de la foi chrétienne, qui, renfermant les suprêmes principes de la morale et leur donnant toute leur valeur, est la sauvegarde du bien public et contient la source du véritable progrès.
2 Mgr John Carroll (1735-1815) prit possession du siège de Baltimore en 1789.
Prospérité de l'Eglise catholique aux Etats-Unis.
Nombreuses furent les causes auxquelles on doit attribuer l'épanouissement de l'Eglise catholique dans votre pays. Nous voulons en relever une, particulièrement digne d'attention. Des groupes de prêtres, chassés par la persécution vers votre pays, vinrent apporter à votre premier pasteur une aide très désirée et répandirent, par leur collaboration active au ministère des âmes, une semence précieuse, qui leva en une abondante moisson de vertus. Quelques-uns d'entre-eux devinrent ensuite évêques, et ainsi participèrent encore davantage aux progrès de la cause catholique. Il arriva donc ce qui arrive toujours, comme l'histoire le démontre : les orages de la persécution n'éteignent pas, mais étendent au contraire sur de plus vastes espaces la flamme apostolique qui, alimentée par une foi loyale et une charité sincère, embrase les coeurs généreux.
Un siècle après cet événement qui vous remplit maintenant d'une joie si légitime, le pape Léon XIII, d'heureuse mémoire, voulut, dans sa lettre Longinqua oceani 3, mesurer le chemin parcouru là-bas par l'Eglise depuis ses débuts et donner des recommandations et des directives où la bienveillance le disputait à la sagesse. Ce qui fut si bien écrit alors par Notre auguste prédécesseur devra rester toujours digne d'attention. Dans ces cinquante années écoulées, les progrès de l'Eglise ne se sont pas arrêtés là-bas, mais ils ont pris une extension plus vaste et une intensité plus forte.
La vie, que la grâce du Saint-Esprit entretient dans le sanctuaire de l'âme, est, en effet, là-bas, florissante ; bien fournie, Paffluence dans les églises ; à la Table sainte, où l'on reçoit le Pain des anges, la nourriture des forts, les fidèles viennent nombreux ; les retraites fermées sont suivies avec une sainte ardeur ; beaucoup d'âmes, dociles à la voix divine qui les appelle à un idéal de vie plus haute, reçoivent le sacerdoce ou embrassent l'état religieux. Actuellement, il y a chez vous dix-neuf provinces ecclésiastiques, cent quinze diocèses, près de deux cents séminaires, d'innombrables églises, écoles élémentaires et supérieures, collèges, hôpitaux, hospices, monastères. Non sans raison, l'étranger admire l'organisation et le fonctionnement de vos différentes catégories d'écoles, soutenues par la générosité des fidèles, protégées par les soins assidus des autorités ecclésiastiques ; c'est d'elles, en effet, que sortent ces foules de citoyens bien formés et éduqués qui, respectueux des lois divines et humaines, sont considérés à bon droit comme la force, la fleur et l'honneur de l'Eglise et de la patrie.
3 6 janvier 1895. Cf. Actes des Papes, Lettres apostoliques de Léon XIII, t. IV.
Vitalité des oeuvres missionnaires...
Les oeuvres missionnaires, ensuite — notamment l'OEuvre pontificale de la Propagation de la Foi — solidement établies et d'une activité exemplaire, viennent aider par la prière, l'aumône et divers autres moyens, les hérauts de l'Evangile qui portent l'étendard de la croix salvatrice dans les terres infidèles. Nous éprouvons le besoin, en cette circonstance, de louer publiquement les oeuvres missionnaires particulières de votre nation, qui travaillent avec un zèle infatigable à l'expansion du catholicisme. Elles sont connues sous les noms de Catholic Church Extension Society, société entourée d'une auréole de gloire pour sa pieuse bienfaisance ; Catholic Near East Welfare Association, qui fournit une aide providentielle aux nécessités du christianisme en Orient, où il y a de si grands besoins ; Indian and Negroes Mission, oeuvre approuvée par le IIIe concile de Baltimore 4, que Nous confirmons et encourageons, parce qu'elle semble exigée par la remarquable charité envers vos concitoyens. Nous vous avouons que Nous Nous sentons pénétré d'un amour particulier — inspiré certainement du ciel — pour les nègres habitant parmi vous, parce que Nous savons que, dans le domaine de la religion et de l'instruction, ils ont besoin de soins spéciaux et de réconfort qu'ils méritent bien d'ailleurs. Nous appelons donc d'abondantes bénédictions divines et Nous souhaitons toutes sortes de succès à ceux qui, mus par un zèle généreux, se consacrent à l'assistance spirituelle des Noirs.
En outre, vos compatriotes rendent grâce à Dieu de façon très opportune, pour le don inestimable d'une foi véritable et complète ; remplis d'une sainte ardeur, ils envoient d'importants renforts à l'armée des missionnaires qui, au prix de fatigues, par une patience inlassable et une énergie féconde en nobles initiatives pour promouvoir le règne du Christ, récoltent des mérites que la terre admire et qui seront couronnés au ciel par de justes récompenses.
4 Cf. chap. II des Actes de ce concile.
... et des oeuvres destinées aux fidèles du pays.
Et elles sont également florissantes les oeuvres qui s'adressent aux membres de l'Eglise à l'intérieur de votre patrie : les offices diocésains de charité dont l'organisation et le fonctionnement sage et pratique par l'intermédiaire des curés et le concours des familles religieuses, portent aux pauvres, aux besogneux, aux malades, les dons de la charité chrétienne et soulagent les misères ; dans l'accomplissement d'un ministère de si grande importance, le chrétien voit des yeux de la foi doux et perçants le Christ lui-même présent dans les indigents et les affligés, qui sont les membres mystiques souffrants du très aimé Rédempteur.
Parmi vos associations laïques — les énumérer toutes serait trop long — les lauriers d'une gloire durable reviennent à l'Action catholique, aux congrégations mariales, à la Confraternité de la doctrine chrétienne, heureuses des fruits recueillis et assurées d'une moisson encore plus belle dans l'avenir, sans oublier l'Association du Saint-Nom, excellent guide pour promouvoir le culte et la piété chrétienne. A la tête de cette activité multiple des catholiques, activité qui s'exerce en diverses provinces, suivant les exigences du moment, se trouve ce comité qui s'appelle la National Catholic Welfare Conférence et qui procure à votre ministère épiscopal des moyens adaptés.
Les principales de ces institutions, Nous avons pu les voir en partie, en octobre 1936, lorsqu'au cours de Notre voyage au-delà de l'Océan, Nous avons eu la joie de vous connaître directement, vous et votre champ d'activité. De tout ce que Nous avons alors admiré de Nos yeux, Nous garderons toujours dans Notre coeur l'inoubliable et joyeux souvenir.
Il convient donc qu'avec des sentiments d'adoration, Nous rendions grâces à Dieu de tout cela, et que Nous fassions monter vers lui l'hymne de la reconnaissance : « Rendez gloire au Dieu du ciel, parce que sa miséricorde est éternelle » (Ps 135,26). Le Seigneur dont la bonté ne comporte aucune limite, n'a pas seulement rempli votre terre de la libéralité de ses dons, mais il a aussi donné à vos églises l'ardeur au travail et a rendu très fructueux leur labeur inlassable. Mais une fois offert à Dieu le tribut de reconnaissance qui est dû à Celui d'où proviennent tous les biens, reconnaissons, Nos très chers fils, que cette prospérité féconde que Nous admirons aujourd'hui avec vous est le résultat de l'esprit d'initiative et de la constante activité des vénérés pasteurs et des fidèles qui forment cette portion du troupeau du Christ ; reconnaissons qu'elle est due aussi à votre clergé qui, porté à une action énergique, exécute avec un zèle généreux vos décisions ; aux membres de tous les ordres et de toutes les congrégations qui, remarquables par leurs vertus, rivalisent de dévouement en cultivant le champ du Seigneur ; aux religieuses innombrables qui, souvent silencieuses et ignorées des hommes, poussées par une flamme intérieure de charité, se consacrent avec un dévouement exemplaire à la cause de l'Evangile, véritables lis du jardin du Christ et délices des saints.
Le chrétien est toujours apôtre.
Mais Nous voulons que Nos louanges aient des fruits salutaires. La considération du bien réalisé ne doit pas amener un relâchement qui conduirait à la paresse ; elle ne doit pas engendrer la vaine gloire qui chatouille agréablement l'esprit, mais, au contraire, agir comme un stimulant, pour que des énergies nouvelles s'efforcent d'empêcher les maux et pour qu'on voie croître, plus solides et puissantes, les oeuvres utiles, prudentes et dignes d'éloges. Le chrétien qui fait honneur à son nom est toujours apôtre ; il ne convient pas au soldat du Christ d'abondonner le combat, car seule la mort met fin à son temps de service.
Vous savez bien où il faut faire preuve d'une vigilance toute spéciale et quel programme d'action il faut tracer aux prêtres et aux fidèles, pour que la religion du Christ, ayant surmonté les obstacles, soit le guide lumineux des esprits, la règle des moeurs et, pour que, cause unique de salut, elle pénètre tous les organes et artères de la société humaine. Certes, l'accroissement des biens extérieurs et matériels, doit être grandement estimé pour les multiples et opportunes facilités qu'il apporte à l'existence, mais il ne suffit pas à l'homme qui est né pour de plus hauts et splendides destins. L'homme, en effet, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, cherche Dieu avec une incoercible aspiration, et souffre, en poussant de secrètes plaintes, si, dans le choix de son amour, il repousse la souveraine Vérité et le Bien infini.
Source des maux présents : méconnaissance de la majesté de Dieu, oubli de la loi divine, inconstance de la volonté humaine.
Cependant, ce n'est pas en traversant les espaces corporels qu'on accède à Dieu — à ce Dieu dont on sait que ceux qui s'écartent de lui sont condamnés à mourir, ceux qui se convertissent à lui vivent, ceux qui s'arrêtent en lui s'éclairent — mais on accède à Dieu, sous la conduite du Christ, par la plénitude d'une foi sincère, par la conscience sans tache d'une volonté droite, par la sainteté des oeuvres, par l'acquisition et l'usage de cette authentique liberté, dont les normes sacrées se trouvent promulguées dans l'Evangile. Si, au contraire, les divins commandements sont méprisés, non seulement l'on ne peut atteindre la félicité éternelle placée au-delà du bref espace de temps assigné à l'existence terrestre, mais la vraie civilisation humaine elle-même vacille sur ses bases, et l'on ne peut s'attendre qu'à des ruines, sur lesquelles il faudra verser des larmes tardives, car ce qui conduit aux biens éternelles est aussi principe de force solide et sûr appui dans les choses d'ici-bas. Comment, en effet, pourraient bien trouver une garantie de stabilité le bien public et la gloire de la civilisation, lorsque les droits sont renversés et que les vertus sont abandonnées et méprisées ? Mais, de même que Dieu est la source et le soutien du droit, il est aussi l'inspirateur et la récompense de la vertu : personne ne l'égale parmi les législateurs (cf. Jb 36,22). Telle est, au témoignage de tous les hommes de bon sens, la racine amère et prolifique des maux du monde : la méconnaissance de la divine Majesté, l'abandon des lois divines ou une détestable inconstance, qui fait balancer entre le licite et l'illicite, entre la justice et l'iniquité. De là découlent l'égoïsme aveugle et effréné, la soif de plaisirs, l'alcoolisme, la mode impudique et dispendieuse, la criminalité qui n'est pas rare même chez les mineurs, l'ambition d'arriver au pouvoir, l'incurie à l'égard des pauvres, les désirs d'iniques richesses, la désertion des campagnes, la légèreté dans la conclusion des mariages, les divorces, la désagrégation des familles, le refroidissement du mutuel amour entre parents et enfants, la limitation des naissances, l'affaiblissement de la race, la baisse du respect dû aux autorités, ou le servilisme, ou la rébellion, l'abandon des devoirs envers la patrie et l'humanité. En outre, Nos plaintes se font plus vives encore, de ce que souvent dans tant d'écoles, on méprise ou on ignore le Christ, on ramène toute l'explication de l'univers et du genre humain au domaine du naturalisme et du rationalisme, et de ce que l'on cherche à établir de nouveaux systèmes d'éducation, qui dans la vie intellectuelle et morale de la nation ne pourront pas ne pas porter de tristes fruits.
famille chrétienne. Les enfants, heureux gages d'amour.
Il en est ainsi de la vie domestique. De même que, dans l'observation de la loi du Christ, elle s'épanouit en une vraie félicité, de même, en répudiant l'Evangile, elle dépérit misérablement, ravagée par le vice : « Celui qui scrute la loi en est rassasié, mais pour l'hypocrite, elle est un scandale » (Si 32,15). Que peut-il y avoir sur la terre de plus agréable et de plus heureux que la famille chrétienne ? Prenant son origine devant l'autel du Seigneur, où l'amour a été proclamé un lien sacré indissoluble, elle se consolide et s'accroît dans ce même amour, qu'entretient la grâce d'en haut. Là « le mariage est honoré de tous et le lit conjugal exempt de souillures » (He 13,4) ; les murs de ces foyers tranquilles ne retentissent pas de querelles ; ils ne sont pas témoins de secrets martyres causés par la révélation d'hypocrites manoeuvres d'infidélité. Une solide confiance éloigne l'aiguillon du soupçon ; dans un mutuel amour de bienveillance s'apaisent les douleurs, s'accroissent les joies. Là, les enfants ne sont pas considérés comme de pesants fardeaux, mais comme de doux objets de tendresse.
Là, ni de honteux motifs utilitaires ni la recherche de voluptés stériles ne font que soit empêché le don de la vie et que ne tombent en désuétude les doux noms de frères et soeurs. Avec quel zèle les parents ne mettent-ils pas toute leur sollicitude pour que leurs enfants ne grandissent pas seulement en vigueur physique, mais qu'ils suivent aussi les traces de leurs aïeux fréquemment évoqués, afin d'être auréolés de cette lumière que procurent la profession d'une foi très pure et l'honnêteté morale. Touchés de tant de bienfaits, les enfants regardent comme leur suprême devoir d'honorer leurs parents, de seconder leurs désirs, de les soutenir d'une aide fidèle dans leur âge avancé, de charmer leur vieillesse par une affection qui, survivant à la mort, sera rendue encore plus glorieuse et plus complète dans le royaume du ciel. Les membres de la famille chrétienne, sans murmure dans l'adversité, sans ingratitude dans la prospérité, sont toujours remplis de confiance en Dieu, ils obéissent à son autorité suprême, se reposent sur sa volonté et n'attendent pas en vain son secours.
Indissolubilité du mariage. Maux causés par le divorce.
Pour constituer et maintenir les familles conformément aux sages enseignements de l'Evangile, les fidèles doivent être souvent exhortés à cet égard par ceux qui, dans les églises, assument une charge d'enseignement ou de direction. Qu'ainsi leurs soins assidus s'ingénient à préparer au Seigneur un peuple parfait. Pour ce même motif, il est souverainement important de veiller à ce que le dogme de l'unité et de l'indissolubilité de droit divin du lien matrimonial soit religieusement considéré et saintement sauvegardé par ceux qui contractent mariage. Que ce point capital de la doctrine catholique ait une puissante efficacité pour une forte cohésion de la famille, pour le progrès et la prospérité de la société civile, pour la vie saine du peuple, pour une civilisation dont la lumière ne soit pas fausse et vaine, de nombreux esprits même éloignés de notre foi le reconnaissent, grâce à leur remarquable sens politique. Oh ! si votre patrie avait pu seulement connaître, par l'expérience des autres et non point par des exemples personnels, la grande quantité de maux engendrés par l'autorisation du divorce ! Que l'attachement à la religion, l'amour pour le noble peuple américain, poussent à combattre et à extirper ce mal funeste et grandissant dont les conséquences ont été décrites par le pape Léon XIII en des termes énergiques et exacts : « Par le divorce, les engagements du mariage deviennent révocables ; l'affection réciproque est affaiblie ; l'infidélité reçoit de pernicieux stimulants ; la protection et l'éducation des enfants sont compromises ; il donne occasion à la dissolution de la société domestique ; il sème des germes de discorde entre les familles ; il amoindrit et avilit la dignité de la femme qui court le risque d'être abandonnée après avoir servi aux passions de l'homme. Et comme rien ne contribue davantage à détruire les familles et à affaiblir les Etats que la corruption des moeurs, il est facile de reconnaître que le divorce est extrêmement nuisible à la prospérité des familles et des peuples » 5.
Nous ne doutons pas le moins du monde que l'on observe chez vous avec soin les prescriptions du Code de Droit canonique quand il s'agit d'unir, par le mariage, des contractants dont l'un n'est pas catholique ou n'a pas été baptisé. Ces mariages, vous l'avez vous-même constaté par de nombreux exemples, apportent rarement un bonheur de longue durée et causent d'ordinaire des pertes graves à l'Eglise catholique.
5 Lettre encyclique Arcanum.
L'étude des sciences divines et humaines, moyen de lutter contre ces maux.
Un moyen très efficace de faire disparaître de si grand maux est d'enseigner à tous les catholiques la vérité divine dans sa plénitude et de montrer clairement aux peuples le chemin qui conduit au salut. C'est pourquoi Nous exhortons instamment les prêtres à faire en sorte que soit vaste leur science des choses divines et humaines ; qu'ils ne se contentent pas des connaissances intellectuelles acquises dans leur jeunesse ; qu'ils méditent avec attention la loi du Seigneur dont les oracles sont plus purs que l'argent ; que sans cesse ils se délectent, après les avoir goûtées, des chastes délices de la Sainte Ecriture ; que tout le long de leur vie ils étudient plus profondément l'histoire de l'Eglise, ses dogmes, ses sacrements, ses droits, ses prescriptions, sa liturgie, sa langue, de manière à ce que, chez eux, le progrès intellectuel, la façon de parler, aillent de pair avec le progrès moral. Qu'ils cultivent aussi l'étude des lettres et des sciences profanes, surtout de celles qui sont spécialement en connexion avec la religion, afin qu'ils puissent exposer avec éloquence et clarté les vérités qui apportent le salut et imposer aux intelligences savantes le fardeau léger et le joug du Christ. O combien heureuse l'Eglise qui ainsi « sera fondée sur des saphirs » ! (cf. Is 54,11).
En outre, les besoins des temps actuels requièrent que même les laïques, spécialement ceux qui collaborent avec la hiérarchie ecclésiastique, se procurent un trésor de connaissances religieuses, non pas maigre et léger, mais riche et solide, au moyen des bibliothèques, des discussions, des cercles d'études. Ainsi, ils en retireront un grand profit pour eux-mêmes, ils pourront enseigner les ignorants, réfuter les adversaires obstinés et aider leurs bons coreligionnaires.
La presse, la radio, l'Université catholique de Washington.
Nous avons appris avec beaucoup de joie que votre presse défend avec intrépidité la cause catholique et que la radio marconienne, dont la voix se fait entendre instantanément dans le monde entier (merveilleuse invention, image de la foi apostolique embrassant tout le genre humain), est souvent utilisée et avec avantage pour assurer la plus grande diffusion possible à tout ce qui concerne l'Eglise.
Nous louons le bien ainsi accompli. Mais que ceux qui remplissent ces fonctions prennent garde, même lorsqu'ils exposent ou développent ce qui a trait au problème social, de suivre les directives et organes du magistère ecclésiastique ; qu'oublieux de leur avantage personnel et non désireux de la gloriole, ne suivant pas les factions partisanes, ils parlent « comme au nom de Dieu, devant Dieu, en Jésus-Christ » (2Co 2,17).
Dans Notre désir que la culture des arts et des sciences les meilleurs s'affermisse de plus en plus chez vous, Nous désirons, profitant de cette heureuse occasion, vous assurer de Notre très cordial intérêt pour l'Université catholique de Washington. Vous savez de quels souhaits ardents le pape Léon XIII saluait cet illustre temple de la science, quand il surgit, et de quels témoignages répétés de particulière affection le combla Notre prédécesseur immédiat. Ce dernier était intimement persuadé que si ce grand institut, ayant déjà récolté d'abondants mérites, se fortifiait encore davantage et obtenait une renommée plus grande, cela contribuerait non seulement aux développements de l'Eglise, mais aussi à la gloire et à la prospérité civile de vos compatriotes. Partageant cette même espérance, Nous venons à vous pour vous recommander très fortement cette Université. N'épargnez aucun effort, afin que, protégée par votre bienveillance, elle triomphe de ses difficultés et que, par ses progrès toujours plus heureux, elle justifie pleinement les grands espoirs fondés sur elle.
En outre, Nous approuvons vivement votre désir de rendre plus spacieux et mieux adapté le Collège pontifical qui accueille à Rome, pour leur éducation ecclésiastique, les jeunes gens de l'Amérique du Nord. Si c'est chose avantageuse que des jeunes gens d'une intelligence remarquable se rendent dans les pays lointains pour affiner leurs connaissances, une longue et heureuse expérience prouve qu'il y a le plus grand avantage pour les aspirants au sacerdoce à faire leur éducation cléricale ici près du Siège de Pierre où l'on peut boire à la source très pure de la foi, où tant de monuments de l'antiquité chrétienne et tant de vestiges de saints poussent les coeurs généreux aux grandes entreprises.
Pour une heureuse solution de la question sociale.
Nous abordons un autre sujet d'une très grande importance, à savoir la question sociale. Non résolue, elle agite fortement depuis longtemps les Etats et répand dans les diverses classes de citoyens des germes de haines et de lutte réciproque. Point n'est besoin de vous parler longuement de l'aspect qu'elle revêt chez vous ni des difficultés et des agitations qu'elle suscite ; vous les connaissez. Son article fondamental réclame que les biens créés par Dieu pour tous les hommes parviennent à tous équitablement, la justice accompagnée de la charité dirigeant cette répartition. L'histoire de tous les siècles atteste qu'il y a toujours eu des pauvres et des riches ; l'inflexible condition des choses humaines fait prévoir qu'il en sera toujours ainsi. Ils sont honorés les pauvres qui craignent Dieu ; le royaume des cieux leur appartient et facilement ils ont en abondance les biens spirituels. Quant aux riches, s'ils sont loyaux et honnêtes, ils sont les dispensateurs et les gérants des biens terrestres de Dieu ; ministres de la Providence divine, ils aident les indigents, par les mains desquels souvent ils reçoivent les faveurs spirituelles et sous leur conduite ils espèrent pouvoir atteindre la vie éternelle. Dieu, qui pourvoit à tout de la façon la meilleure, a établi, en vue de faire pratiquer les vertus et d'éprouver les mérites, qu'il y aurait en même temps dans le monde des riches et des pauvres ; mais il ne veut pas que les uns possèdent les biens terrestres à l'excès et que d'autres soient dans une pauvreté extrême à tel point qu'ils manquent des choses nécessaires à la vie. C'est une bonne source de vertus qu'une honnête pauvreté qui vit du travail de chaque jour, selon cette parole de l'Ecriture : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse ; accorde-moi seulement les choses nécessaires à l'existence » (Pr 30,.
Si les riches et ceux qui ont abondance de biens doivent, mus par une miséricorde naturelle, agir avec libéralité envers les miséreux, a fortiori doivent-ils leur donner ce que la justice exige. En conséquence, que les salaires des ouvriers soient tels qu'ils suffisent à leur subsistance et à celle de leur famille. Importantes sont, à propos de cette obligation, les paroles de Notre prédécesseur Pie XI : « On n'épargnera donc aucun effort en vue d'assurer aux pères de famille une rétribution suffisamment abondante pour faire face aux charges normales du ménage. Si l'état présent de la vie industrielle ne permet pas toujours de satisfaire à cette exigence, la justice sociale demande que l'on procède le plus tôt possible à des réformes qui garantiront à tout ouvrier adulte un salaire répondant à ces conditions. A cet égard, il convient de louer ici comme ils le méritent tous ceux qui, dans un très sage et très utile dessein, ont imaginé et expérimenté des formules diverses selon lesquelles la rémunération du travail est proportionnée aux charges familiales de telle manière que l'accroissement de celles-ci s'accompagne d'un relèvement parallèle du salaire ; bien plus, il est pourvu, le cas échéant, à des nécessités extraordinaires» 6. En outre, il faut que celui qui a la force de travailler pour se procurer, ainsi qu'aux siens, la nourriture de chaque jour, trouve suffisamment de travail. Nous plaignons vivement le sort et la situation de ceux, très nombreux chez vous, qui malgré leur santé robuste et leur volonté de travailler, ne peuvent avoir les emplois qu'ils cherchent ; que la sagesse des gouvernements civils, la libéralité prévoyante des patrons, l'avènement rapide de temps plus tranquilles, permettent de satisfaire de si justes désirs pour le profit de tous !
g Lettre encyclique Quadragesimo anno.
Syndicats et corporations.
En outre, puisque naturellement les hommes sont portés à vivre en société et qu'il est licite, en unissant ses forces, d'accroître ce qui est honnêtement utile, on ne peut, sans injustice, refuser ou restreindre, pour les patrons comme pour les ouvriers et les paysans, la libre faculté de former des associations ou sociétés, par lesquelles ils défendront leurs droits et obtiendront, d'une façon plus complète, des avantages relatifs aux biens de l'âme et du corps et au confort légitime de la vie. Aux corporations de ce genre qui, dans les siècles passés, ont procuré à la chrétienté une gloire immortelle et aux métiers un éclat merveilleux, on ne peut imposer partout la même discipline, la même organisation ; elles sont susceptibles de varier selon le tempérament des peuples et les circonstances de temps et de faits. Pourtant, il faut que ces sociétés puisent toujours leur vitalité dans les principes de saine liberté, qu'elles soient modelées d'après les grandes normes de la justice et de l'honnêteté et que sous leur conduite et leurs auspices, tout en cherchant à améliorer les intérêts de la classe, elles agissent de façon à ne léser personne, à maintenir les efforts de concorde, à respecter le bien commun de la société civile.
Il nous est agréable de savoir que le document du magistère pontifical mentionné plus haut comme aussi la lettre-encyclique du même genre, Rerum novarum, du pape Léon XIII où se trouve traitée la question sociale selon les préceptes de l'Evangile et de la philosophie éternelle, sont chez vous l'objet d'un examen attentif et prolongé de la part de certains esprits très distingués qu'une volonté généreuse pousse à rétablir parmi les hommes la charité et l'union. Même quelques patrons ont voulu aplanir, selon les prescriptions de ces encycliques, en tenant compte de l'utilité commune et de la dignité de la personne humaine, les désaccords sans cesse renaissants avec les ouvriers.
Appel à l'union...
Quelle gloire pour la nation américaine naturellement portée à la générosité de sentiments et à la libéralité, si elle jette les bases d'une ère plus heureuse par la solution adéquate et complète de la vieille et rocailleuse question sociale selon les voies sûres éclairées par les rayons de l'Evangile. Pour que cela se réalise sous de favorables auspices, les forces ne doivent pas être brisées par la dispersion, mais accrues le plus possible par l'union. A cette salutaire unité de pensées, à cet accord, générateur de grandes actions, nous invitons aussi, mû par la charité, ceux que l'Eglise maternelle pleure de voir séparés d'elle. La plupart d'entre eux, lorsque Notre prédécesseur s'endormit du sommeil des justes et que Nous-même, peu de temps après sa mort, montâmes par une disposition insondable de la bonté divine sur le trône de saint Pierre — cela ne Nous a pas échappé — ont manifesté de vive voix et dans leurs écrits des sentiments pleins de respect et de noblesse. C'est pourquoi — Nous le disons ouvertement — ces choses Nous ont fait concevoir une espérance que le temps n'emporte pas, que l'âme qui pressent nourrit, qui Nous console dans une situation difficile et pénible.
... et au service du règne du Christ.
La grandeur des travaux à entreprendre avec sagacité pour la gloire du très doux Rédempteur et pour préparer le salut des âmes ne doit pas vous épouvanter, fils très chers, mais, munis du secours divin, vous stimuler ; à la vérité, les oeuvres ardues engendrent des vertus plus robustes, produisent des mérites plus éclatants. Que les efforts des ennemis qui, en rang serrés, visent à détruire le règne du Christ, nous poussent à établir, à affermir, à développer ce même règne, en parfait accord de volonté ! Rien de plus heureux ne peut arriver aux individus, aux familles, aux nations que d'obéir à l'Auteur du salut, de se conformer à ses préceptes, d'accepter son règne par lequel nous devenons libres et riches de bonnes oeuvres : « règne de vérité et de vie, règne de sainteté et de grâce, règne de justice, d'amour et de paix » 7. Souhaitant le plus possible que vous et les brebis au bien desquelles vous veillez en pasteurs attentifs vous marchiez chaque jour vers des buts meilleurs et plus élevés et que vous recueilliez, des solennités fixées, une abondante moisson de vertus, Nous vous donnons dans le Seigneur, en témoignage de Notre bienveillance, la Bénédiction apostolique.
7 Préface de la messe du Christ-Roi.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Pie XII 1939
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX ET A DES JEUNES DE L'ACTION CATHOLIQUE
(8 novembre 1939) 1
Ce jour, le Souverain Pontife reçut en audience générale les jeunes époux et de nombreux jeunes de l'Action catholique italienne ayant participé au concours de culture religieuse. Parlant d'abord aux jeunes époux, le Saint-Père leur rappela leurs nouveaux devoirs et leurs responsabilités personnelles.
C'est avec une bienveillance toute particulière que Nous vous saluons, chers jeunes époux, vous que votre esprit de foi a conduits aux pieds du Père commun pour recevoir sa bénédiction à un moment pour vous si important, et par les obligations que vous avez assumées, et par les grâces que vous avez reçues.
Le mariage vous impose en effet des devoirs nouveaux. Jusqu'ici bon nombre d'entre vous ont vécu sous le toit paternel, sans responsabilités personnelles, et leur tâche se bornait à aider, selon leur âge et leurs forces, un père et une mère bien-aimés, qui leur assurait une place au foyer et à la table de famille. Mais voilà que vous avez fondé une nouvelle famille, dont vous-mêmes serez responsables devant Dieu et les hommes. Faites que votre foyer, dès les premiers jours, soit chrétien et se montre franchement tel. Qu'il ait le Sacré-Coeur de Jésus pour Roi ; que les images du Sauveur crucifié et de la très douce Vierge Marie y tiennent une place d'honneur. Cela pour témoigner aux yeux de tous que votre foyer sert Dieu et que les amis et visites doivent, comme vous-mêmes, en bannir tout ce qui peut violer sa sainte loi : propos impudiques, mensonges ou coupables faiblesses ; mais aussi et surtout pour vous rappeler à vous-mêmes que Jésus et Marie sont les témoins les plus fidèles, les plus aimants, les compagnons pour ainsi dire des événements de votre famille, les compagnons des joies, que Nous vous souhaitons nombreuses, les compagnons des douleurs et des épreuves, qui, elles non plus, ne manqueront point. Oui, vous aurez, comme tout le monde ici-bas, vos heures de tristesse. Vous vivez peut-être maintenant dans un doux rêve ; mais quel rêve résiste à la réalité quotidienne ? La grâce du sacrement vous prémunira contre les inévitables désillusions, contre les difficultés inséparables de la vie conjugale. En toute circonstance joyeuse ou triste de votre vie, le grand devoir du mariage chrétien demeure pour vous ferme et inébranlable. Le mariage n'est pas pour vous, chrétiens, un pacte seulement humain ; il est un contrat où Dieu tient une place, la seule qui lui convienne, c'est-à-dire la première. Vous vous êtes unis devant son autel non seulement pour vous alléger le poids de la vie, mais pour collaborer avec Dieu à la continuation de son oeuvre créatrice, conservatrice et rédemptrice. En même temps qu'il recevait et bénissait vos promesses, Dieu vous a conféré une grâce spéciale pour vous rendre toujours plus facile l'accomplissement de vos devoirs nouveaux.
C'est avec ces sentiments et ces voeux que Nous vous accordons de tout coeur, en gage des grâces célestes les plus abondantes, Notre Bénédiction apostolique.
Après les exhortations adressées aux jeunes époux, le Saint-Père s'adressa aux jeunes gens d'Action catholique qui ont reçu des prix dans le concours de culture religieuse.
A côté des jeunes époux, Nous avons la joie de voir aujourd'hui une troupe d'élite de la Jeunesse catholique italienne. En ces jours d'automne qui, au moment où tant d'arbres rendent leurs feuilles à la terre, nous rappellent la caducité des choses, votre présence, très chers fils conduits par Nos Vénérables Frères les évêques d'Avel-lino et de Segni, par vos maîtres zélés et savants et par vos assistants ecclésiastiques, Nous apparaît, par contraste, comme une vision du printemps qui a fleuri en vous au souffle vivifiant de la famille chrétienne, aux zéphyrs de la piété et de l'instruction religieuse, à l'ombre sainte des tours et des campaniles de vos paroisses. Au milieu de votre couronne de frais et souriants visages, Notre âme paternelle semble rajeunir avec vous, parce que vous n'êtes pas une lugubre couronne de fleurs d'automne, mais une guirlande de fleurs en bourgeons croissant à la douce saison dans le jardin de l'Eglise du Christ, de ce Jésus que vous avez appris à connaître, à adorer, à aimer, à servir, à invoquer, de ce Jésus dont il est écrit qu'« il croissait en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes. »
Croître en âge, ce que vous faites maintenant, très chers jeunes gens, est une bénédiction et un don de Dieu ; mais croître en âge seulement dans son corps serait une croissance digne des plantes et des animaux sans raison, si l'homme, élevé au-dessus des animaux sans raison et des plantes et de toute la nature par l'image et la ressemblance divine qui sont imprimées sur son front par le Créateur, ne croissait pas aussi en âge dans son âme devant Dieu et devant les hommes. Bienheureux êtes-vous, si vous croissez en cette sagesse qui imprime dans votre esprit comme un sceau indélébile et précieux et comme un rayon lumineux de vos vertes années, la foi en Dieu, l'espérance en Dieu, l'amour de Dieu, avec la prière et les vertus chrétiennes, avec l'attachement filial à l'Eglise, votre Mère, avec ce courage qui ne craint pas le respect humain, qui procède de l'adhésion intime à son appel, de la vénération et de la conviction aux enseignements reçus d'elle, de cette profondeur du coeur où dans le cours de votre jeunesse vous êtes en train de poser les fondements de votre caractère de fils de Dieu et de l'Eglise conscients et dévoués.
Voilà la très haute sagesse de la culture religieuse : sagesse qui vous rend plus sages que les plus grands philosophes de l'antiquité païenne et que les philosophes et chercheurs aux opinions discordantes de l'âge moderne. Une vieille petite femme, écrivait le prince des théologiens, saint Thomas d'Aquin, en sait plus long aujourd'hui des choses de la foi que tous les philosophes en sauront un jour.
C'est dans cette sagesse chrétienne, chers fils, que vous êtes en train de croître grâce au concours annuel de culture religieuse. C'est un concours saint, une émulation sacrée, une course religieuse qui vous fait avancer vers la connaissance des mystères divins, de la vie du Rédempteur, des saints sacrements, de la maternité et de l'autorité de l'Eglise, de la paternité du Vicaire du Christ, des vertus et de la morale catholique, du chant sacré. C'est un concours et une course pour la couronne incorruptible de la vie éternelle du Ciel. Le grand Apôtre des gentils vous l'enseigne : « Ne savez-vous pas, s'écrie-t-il, que ceux qui courent dans le stade, courent vraiment tous, mais un seul remporte le prix ? Courez de manière à ce qu'il soit vôtre. Mais tous ceux qui luttent dans l'arène s'abstiennent de tout ; et eux c'est pour obtenir une couronne corruptible ; mais nous, pour une couronne incorruptible. » Dans le stade des cours d'instruction catéchistique, toutes les associations paroissiales ont rivalisé et concouru par diocèses et par régions ; et Nous avons la joie de voir rassemblés autour de Nous les plus valeureux parmi les valeureux qui dans cette sainte course et dans ce concours de sagesse chrétienne se sont tellement mis en avant qu'ils ont cueilli la palme et ont pu se présenter à Nous, honorés du prix.
Ce privilège qui vous est échu, ô très chers fils, exalte les nombreuses légions de vos compagnons des paroisses, des diocèses ou des régions où le Seigneur vous a fait la grâce d'obtenir la première place, mais sans humilier aucun de ceux qui ont pris part au concours parce que le concours est une course d'émulation qui met sur le même rang sur le terrain de la lutte tous les concurrents et honore la valeur et l'audace de tous.
C'est pourquoi Notre parole, en s'adressant à vous ici présents, vise toutes les jeunes troupes de vos associations et étend jusqu'à elles Notre éloge, Notre paternel applaudissement ; parce que ce prix, qui fut pour vous l'éperon qui vous a poussés à la victoire, est aussi pour eux un honneur pour leur émulation. Nous visons aussi à vos côtés vos émules d'une culture religieuse plus développée, les vainqueurs des associations internes d'étudiants dans les collèges, qui, dans un concours à un degré plus élevé sur le Nouveau Testament, ont démontré avec éloge quelle puissance peut avoir sur les coeurs et les esprits d'une jeunesse gentille et cultivée, le progrès dans l'acquisition de la sagesse religieuse et dans l'amour de la connaissance du Christ.
Dans cet accroissement de science et d'instruction religieuse, les aspirants que vous comptez parmi vous, dans le cours de l'année qui se termine, ont visé à l'étude de la prière et de la vertu. Oh ! très chers fils, la prière n'est pas seulement le devoir des aspirants, mais de tous, jeunes et anciens, petits et grands. Voir un enfant qui prie, c'est voir un ange qui supplie en adoration près du saint Tabernacle. Priez, ô jeunes gens bien-aimés, priez pour vous, pour ceux qui vous sont chers, pour l'Eglise, pour Nous, pour votre patrie, pour la paix du monde. Le ciel écoute les innocents ; le ciel prend la défense des innocents. Quand vous retournerez chez vous, au milieu de vos compagnons, portez-leur le souvenir que Nous vous laissons, celui de la prière ; dites-leur à eux et à vos familles qu'à Rome vous avez vu un Père vêtu de blanc qui vous aime, qui les invite tous à prier, qui les bénit tous et qui invoque sur tous la protection et les faveurs divines.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LA RÉPUBLIQUE D'HAÏTI
(10 novembre 1939) 1
A S. Exc. M. Abel Nicolas Léger, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République d'Haïti, qui lui remettait ses lettres de créance, le Saint-Père répondit :
D'une nation lointaine par sa situation, mais proche de Nous par son attachement à l'Eglise, d'une île restreinte en étendue, mais célèbre devant l'histoire pour avoir la première, entre les terres d'un nouveau monde, reçu de l'illustre navigateur génois et de son équipage espagnol les éléments de la civilisation latine et de la foi romaine, Votre Excellence vient aujourd'hui, avec l'autorité d'une mission officielle, affirmer et affermir encore le traditionnel dévouement du peuple haïtien à la religion du Christ.
L'âme de ce peuple, comme le notait Votre Excellence, est profondément pénétrée d'esprit chrétien. Aussi le gouvernement qu'il s'est donné se fait-il sagement un devoir de reconnaître à l'Eglise dans la prédication de la doctrine évangélique, dans l'éducation de la jeunesse, dans l'exercice de son activité bienfaisante pour le progrès religieux, moral et social de toutes les classes de la nation, cette liberté d'action qui tourne finalement à l'avantage de la société, non moins que de l'Eglise elle-même.
Avec la joie que Nous éprouvons de vous accueillir, forment un douloureux contraste les événements extérieurs, source universelle de préoccupations, dont les conséquences économiques se font sentir jusque par-delà les continents et les mers. L'unité de la grande famille humaine, celle surtout des fidèles dans le Christ font aux peuples heureusement préservés de la guerre une obligation de s'intéresser à ceux qui souffrent et de multiplier leurs appels à la miséricorde de Dieu, afin que sa main toute-puissante rende au monde l'ordre et la paix.
Mais, comme Nous l'avons souvent dit, cette paix désirée et l'ordre qui en est la condition indispensable, le monde n'en jouira que si les hommes responsables du gouvernement des peuples et de leurs relations mutuelles renoncent au culte de la force employée contre le droit ; si, reconnaissant pour insuffisante et précaire une morale aux fondements purement humains, ils acceptent l'autorité suprême du Créateur comme base de toute morale individuelle ou collective ; s'ils rendent à ce Père qui est dans les cieux l'hommage voulu par lui d'une fraternelle concorde entre ses fils de tout pays et de toute langue. Alors seulement ils arriveront à réaliser et à parfaire une organisation internationale stable et féconde, telle que la souhaitent les hommes de bonne volonté : organisation qui, parce qu'elle respectera les droits de Dieu, puisse assurer l'indépendance mutuelle des peuples grands et petits, imposer la fidélité aux accords loyalement consentis et sauvegarder, dans l'effort de chacun vers la prospérité de tous, la saine liberté et la dignité de la personne humaine.
Que ces pensées soient les vôtres, Monsieur le ministre ; qu'elles inspirent votre action diplomatique, Nous en avons l'assurance dans les lettres par lesquelles S. Exc. M. le président de la République a bien voulu vous accréditer près le Saint-Siège. En outre, la personnalité de Votre Excellence, qui Nous était déjà connue par les hautes fonctions qu'elle a remplies, Nous donne, pour la continuation des bons rapports entre ce Siège apostolique et la République d'Haïti, la plus confiante espérance.
L'Eglise, de son côté, tendre Mère de toutes les âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ et gardienne attentive de la vie spirituelle parmi les peuples, non moins que dans les individus, a manifesté en plusieurs occasions déjà l'intérêt particulier qu'elle portait à la nation dont Votre Excellence est le digne représentant. Nous serons heureux de pouvoir toujours montrer les mêmes dispositions bienveillantes. Aussi Nous est-il agréable de déclarer que Nous faciliterons, par tous les moyens en Notre pouvoir, l'accomplissement de la mission qui vous est dévolue.
Nous vous prions, Monsieur le ministre, d'en donner l'assurance à S. Exc. M. le président de la République, en lui offrant aussi l'expression des souhaits très cordiaux que Nous formons pour le bonheur de sa personne et pour la prospérité de la République haïtienne. Enfin, Nous appelons, du plus intime de Notre coeur, sur la nation tout entière, sur ses chefs et spécialement sur Votre Excellence, l'abondance des bénédictions divines.
LETTRE APOSTOLIQUE ABOLISSANT LES PRIVILÈGES DE L'ORDRE « PIANUS »
(11 novembre 1939) 1
Par la lettre apostolique scellée sous l'anneau du Pêcheur le 17 juin 1847 et de même par décret du palais du Quirinal daté du 11 novembre 1856, Notre prédécesseur le pape Pie IX créa et institua l'ordre des chevaliers, appelé « Pianus », qui comprenait trois classes de chevaliers. Or par cette lettre apostolique les statuts prévoyaient que les chevaliers cooptés dans la première classe de cet ordre jouiraient du privilège de transmettre leur noblesse à leurs fils, tandis que ceux qui, appartenant à la seconde classe, étaient de condition honorable, jouiraient seulement de leur noblesse à titre personnel. Or cette disposition, compte tenu surtout de notre époque, paraît moins opportune, alors que les autres ordres de chevaliers même les plus élevés dont les insignes sont conférés par les pontifes romains, ne jouissent d'aucun titre de noblesse. C'est pourquoi, après avoir mesuré attentivement toute l'importance de la situation, pour mettre cet ordre « Pianus » sur le même plan que les autres ordres de chevaliers pontificaux, Nous décidons motu proprio que, les dispositions prises par la lettre apostolique déjà citées étant abolies, à partir d'aujourd'hui et à l'avenir les chevaliers, en général et en particulier, appartenant à n'importe laquelle des trois classes de l'ordre « Pianus» précité, ont le pouvoir et la possibilité d'user licitement et de jouir des insignes et du titre propre de leur classe sans aucun droit et privilège de noblesse. Nonobstant toutes choses contraires, Nous décrétons que la présente lettre soit et demeure ferme, valide et efficace, qu'elle sorte et obtienne son effet plein et entier et qu'en conséquence il faut penser et juger qu'à partir d'aujourd'hui sera nulle et non avenue toute disposition qui pourrait être faite à son encontre par qui que ce soit, par n'importe quelle autorité, sciemment ou par ignorance.
RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES DES ETATS-UNIS POUR LE 50e ANNIVERSAIRE DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE WASHINGTON
(13 novembre 1939) 1
Voici la traduction du radiomessage que le Souverain Pontife adressa, en anglais, aux catholiques des Etats-Unis d'Amérique, à l'occasion du 50e anniversaire de la fondation de l'Université catholique de Washington :
1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXI, 1939, p. 678 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie 12, t. I, p. 19.
Nos lèvres s'ouvrent à votre adresse, ô chers fils des Etats-Unis d'Amérique, Notre coeur se dilate pour vous dire avec quelle paternelle affection Nous voulons être présent à la célébration du cinquantenaire de votre belle Université catholique.
Notre satisfaction est d'autant plus profonde et directe que Nous avons eu la bonne fortune de voir personnellement — bien que trop brièvement — l'oeuvre admirable construite par vous, pour la gloire de Dieu et le salut de votre pays.
Depuis que, en 1889, elle fut fondée par les évêques des Etats-Unis, sous le pontificat de ce grand mécène des études que fut le pape Léon XIII, votre jeune Université s'inséra, pleine de vigueur et de promesse, dans la longue série des glorieux et anciens instituts chrétiens. Sur leur exemple, en adhérant de la plus heureuse façon aux pures traditions de la pensée chrétienne, elle produisit des fruits si consolants qu'elle mérita des éloges de Notre prédécesseur immédiat d'heureuse mémoire, comme un centre fécond de la culture catholique aux Etats-Unis.
Nous sommes vraiment heureux de prendre à Notre compte cet éloge afin que soit encouragée, en des temps aussi difficiles et pour que soit continuée avec ardeur, la mission honorable mais ardue qui fait partie des buts de l'Université.
Jamais comme aujourd'hui l'éducation de la jeunesse chrétienne n'a revêtu une importance plus décisive et plus vitale, se trouvant, comme elle l'est, en face des erreurs déconcertantes du naturalisme et du matérialisme, qui sont en train de précipiter le monde dans une épouvantable guerre, preuve cruelle de la fausseté d'une philosophie reposant sur des bases essentiellement humaines.
On pourrait perdre la confiance en Dieu en considérant l'aggravation de ces maux, si l'on n'était pas secouru par le sentiment de Notre confiance en l'aimable providence de Dieu, qui est d'autant plus sûre et consolante que les trahisons du monde sont plus nombreuses.
Mais, après Dieu, Notre espoir repose largement sur les anciennes et modernes institutions de culture chrétienne, parmi lesquelles votre Université catholique tient une place exemplaire, parce que, toute adonnée au service de la vérité, elle sait dans son enseignement accorder justement la place qui leur est due aux sciences naturelles et à la métaphysique, à l'intelligence et au coeur, au passé et au présent, à la raison et à la Révélation.
C'est pour cette raison que, dans l'austère méditation de vos salles de travail, alternant le silence de vos réflexions et de vos études avec la voix de vos prières, vous préparez les jeunes gens de demain à être — contre la fausse science et ses funestes conséquences — les généreux paladins de ces principes de civilisation qui, conservés dans l'Evangile du Christ et enseignés par l'Eglise infaillible, sont vraiment l'esprit et la vie.
En face de ces abondantes promesses, les catholiques des Etats-Unis et tous ceux qui sont régis par un esprit droit ne peuvent pas ne pas sentir la singulière signification que revêt aujourd'hui l'anniversaire de leur Université ; de même ils ne peuvent pas ne pas penser que cette dernière est confiée pour ses meilleurs succès à leur coeur, à leurs prières et à leur zèle.
Votre Université, comme d'ailleurs, tous les autres instituts culturels bien connus des Etats-Unis d'Amérique, est votre gloire dans le présent et un gage de succès pour l'avenir.
Quant à Nous, tandis que Nous formulons Nos voeux les plus chaleureux pour les développements de votre Université et que Nous invoquons sur elle l'abondance des faveurs divines, Nous bénissons de tout coeur l'épiscopat des Etats-Unis — dont l'Université est le fruit qu'a produit leur zèle éclairé — les professeurs, les élèves et tout le peuple fidèle, et spécialement ceux qui, d'une façon ou d'une autre, contribueront au développement fécond de cette noble institution.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(15 novembre 1939) 1
Penant occasion de la fête de la Dédicace des basiliques des saints apôtres Pierre et Paul, le Saint-Père parla aux jeunes époux de la maison chrétienne, temple familial.
Vous êtes venus à Rome, chers jeunes époux, précisément dans la semaine où l'Eglise fête la Dédicace des basiliques des saints apôtres Pierre et Paul, que vous avez sans doute visitées ou que vous ne manquerez pas de visiter. Le terme de basilique signifie d'après son origine, la « maison du roi », et la dédicace est le rite solennel par lequel on consacre un temple à Dieu, Roi et Seigneur suprême, pour en faire sa demeure ; chaque temple reçoit alors pour titre le nom du mystère ou du saint à la mémoire ou en l'honneur duquel il a été construit.
Certes, les basiliques elles-mêmes les plus merveilleuses ne sont pas dignes d'accueillir le Roi des rois. Et pourtant — vous le savez — Il ne dédaigne pas de demeurer parfois dans de pauvres chapelles, dans les misérables cabanes des pays de missions ! Songez à cette condescendance et à cet amour, vous qui êtes venus recevoir du Vicaire du Christ une bénédiction spéciale pour vous-mêmes et pour votre nouveau foyer domestique. Rappelez-vous ce que dès votre enfance disait à votre coeur cette parole : la maison ! Là était tout votre amour, concentré sur un père, sur une mère, sur des frères et soeurs. Un des plus grands sacrifices que Dieu demande à une âme, lorsqu'il l'appelle à un état supérieur de perfection, c'est de quitter la maison : « Ecoute, ma fille..., oublie la maison de ton père. » (Ps 54,10). « Quiconque aura quitté sa maison... à cause de mon nom... aura la vie éternelle. (Mt 19,29).
Or voici qu'à vous aussi, qui cheminez dans la voie ordinaire des commandements, un amour nouveau et impérieux a fait entendre un jour son appel : Quitte — a-t-il dit à chacun de vous — la maison de ton père, parce que tu dois en fonder une autre qui sera la « tienne ». Et dès lors votre ardent désir a été de trouver, d'établir ce qui pour vous sera « la maison ».
C'est que, selon l'Ecriture Sainte, « l'essentiel pour la vie de l'homme, c'est l'eau, le pain, le vêtement et la maison » (Si 29,28). N'avoir pas de maison, être sans toit ni feu, comme cela arrive à trop de malheureux, n'est-ce pas le symbole de la gêne et de la misère ? Et pourtant vous vous rappelez certainement que Jésus, Notre Sauveur, s'il connut sous l'humble toit de Nazareth les douceurs de la vie de famille, voulut être dans la suite, durant sa vie apostolique, comme un homme sans maison : « Les renards ont leur tanière et les oiseaux du ciel leur nid ; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête » (Mt 8,20).
En considérant cet exemple du divin Rédempteur vous accepterez plus facilement les conditions de votre vie nouvelle, même si elles ne correspondaient pas tout de suite ou tout à fait à ce que vous avez rêvé.
Quoi qu'il en soit, vous vous appliquerez, vous surtout, jeunes épouses, à rendre aimable et intime votre foyer, à y faire régner la paix, dans l'harmonie de deux coeurs loyalement fidèles à leurs promesses, et, si Dieu le veut, dans une joyeuse et glorieuse couronne d'enfants. Il y a longtemps déjà que Salomon a dit, conscient de la vanité des richesses terrestres et désabusé : « Mieux vaut un morceau de pain sec avec la paix qu'une maison pleine de viande avec la discorde » (Pr 17,1).
Mais, ne l'oubliez pas, tous vos efforts seraient vains et vous ne trouveriez pas le bonheur à votre foyer, si Dieu ne construisait la maison avec vous (cf. Ps 126,1) pour y demeurer avec sa grâce. Vous aussi, vous devez faire, pour ainsi dire, la « dédicace » de cette « basilique », vous devez consacrer à Dieu, sous l'invocation de la Vierge Très Sainte et de vos saints patrons, votre petit temple familial où, dans la fidèle observation des commandements de Dieu, l'amour mutuel sera le roi pacifique.
Avec ces voeux de bonheur vrai et chrétien et en gage des grâces de Dieu, Nous vous donnons de tout coeur, chers jeunes époux, Notre paternelle Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CROATE
(15 novembre 1939) 1
1 D'après le texte latin de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 385.
Plus de dix siècles se sont écoulés depuis que Notre prédécesseur Jean VIII, en 979, adressa par lettre les mots suivants à la nation croate : « Les bras étendus Nous vous embrassons, Nous vous accueillons en père aimant et Nous voulons toujours vous réchauffer de Notre bienveillance apostolique »2. A cet instant, tandis qu'aujourd'hui il Nous est permis d'avoir la très grande joie, fils et filles très chers dans le Christ, de vous accueillir ici en personne dans la maison paternelle, Nous ne pouvons vous saluer d'aucune autre façon qui puisse exprimer plus exactement les sentiments de Notre coeur ; vous, disons-Nous, qui, descendance de cette souche très ancienne, représentez d'une certaine mesure le peuple croate, plein de forces et de solides vertus.
Conduits par Nos Vénérables Frères, vos métropolitains et vos évêques, poussés par votre attachement au Siège apostolique, vous êtes venus ici pour témoigner votre fidélité qui ne s'est jamais relâchée pendant treize siècles — depuis le temps du pape Jean IV d'heureuse mémoire, d'origine dalmate — au siège du bienheureux Pierre et à l'Eglise romaine que vous avez célébrée par ces louanges : « interprète infaillible de l'éternelle vérité, puissante protectrice de la justice sociale, auxiliaire infatigable de la concorde entre les nations » ; ainsi vous vous êtes montrés dignes de l'éloge que Notre immortel prédécesseur Léon X décerna à votre peuple quand il l'appelait à bon droit : « rempart de la chrétienté ». Peu après que ce Souverain Pontife eut ainsi décerné ce magnifique éloge, non seulement votre foi catholique mais aussi celle des Hongrois furent menacées des plus graves périls par les violentes attaques de l'Islam.
2 Mon. Germ. Hist., Ep. VII, 165-167.
Et Nous savons qu'à la fin de cette période où la puissance turque vous dominait et où vous aviez combattu pour vous en affranchir, vous aviez surmonté magnifiquement et heureusement cette situation critique. Ceci donc nourrit Notre espoir ferme et assuré que vous aussi, au moment où d'âpres discussions sur la religion et les règles naturelles de la vertu en même temps qu'une lutte acharnée à propos de la foi chrétienne et des richesses de la vie éternelle, qui concourent à la béatitude éternelle, troublent tellement l'ensemble des peuples et toutes les classes sociales, par la fidélité et la constance de vos coeurs, vous ne vous écarterez jamais ni de la doctrine catholique et des lois chrétiennes, ni de l'Eglise et de son chef suprême. Ainsi que les exemples du bienheureux Nicolas Tavilik renaissent en vous chez qui la foi catholique brûla comme une flamme sacrée et que la consécration de sa sainteté, si elle est le fruit du mystérieux dessein de Dieu, Nous comble de joie autant que vous.
Votre caractère et votre génie rappellent et reproduisent d'une certaine manière la rude et solide fermeté de vos montagnes. Que ce caractère d'une ténacité absolument indomptable vous tienne attachés à la foi ancestrale. Que cette même foi soit ferme et fidèle à elle-même et, comme vos montagnes de Velebith, qu'elle ne soit pas troublée ni par les pluies ni par les tempêtes.
La foi chrétienne et l'union la plus étroite avec le Vicaire de Jésus-Christ doivent être considérées comme le fondement et le sol nourricier d'où la vie s'épanouit pour nourrir et modeler l'action sociale, les oeuvres de charité et enfin la sainteté personnelle. Utilisez vos instituts et associations ecclésiastiques et particulièrement l'Action catholique pour faire affluer les bienfaits de la foi chrétienne dans tous les domaines de la vie publique. Nous vous encourageons d'autant plus aujourd'hui à poursuivre ce but que brille l'espoir qu'à l'avenir l'Eglise et l'Etat puissent être dans votre patrie plus convenablement unies et avec profit par une action commune et pour l'utilité de tous.
Après avoir posé ces fondements dont Nous venons de parler, Nous vous exhortons avant tout de tout Notre pouvoir à faire fleurir et prospérer chez tous la sainteté de la vie intérieure. Par des prières quotidiennes adressées à Dieu et des supplications faites en commun à l'intérieur des familles devant l'image de Jésus-Christ mis en croix, ouvrez et facilitez l'accès des préceptes divins et de la perfection chrétienne dans vos âmes. Faites-le et par la simplicité d'une vie honnête « en toute piété et chasteté » (1Tm 2,2) et par une union plus étroite avec le divin Rédempteur, principalement dans l'Eucharistie, pour modeler sur lui vos pensées et en même temps vos paroles et vos actes, et enfin par une dévotion ardente envers la Vierge Mère de Dieu, dévotion à nourrir d'un esprit d'amour filial.
Instruisez et éduquez votre jeunesse pour qu'elle grandisse bien formée et distinguée par son respect de Dieu ; pour elle expressément préservez l'intégrité des écoles catholiques. Ce sera alors la seule façon pour vous de voir la paix pénétrer dans les foyers et l'astre de votre patrie briller d'un vrai et durable bonheur.
Nous estimons en outre que Nous ne pouvons pas terminer Notre allocution d'une façon plus convenable qu'en renouvelant le salut et la bénédiction donnés par Notre prédécesseur Jean VIII dans la lettre déjà citée : « Nous faisons mémoire de vous continuellement devant Dieu par nos saintes prières, et par nos mains élevées vers le Seigneur nous vous confions à Dieu et nous vous bénissons de toutes les bénédictions spirituelles dans le Christ Jésus Notre-Seigneur pour que vous soyez bénis pour l'éternité dans vos corps et dans vos âmes et que vous soyez toujours dans la joie en présence du Seigneur. » Poussé par ces sentiments, Nous accordons paternellement et du fond du coeur la Bénédiction apostolique à vous, à vos familles, et à toute la nation croate, et particulièrement à votre jeunesse.
LETTRE AUTOGRAPHE A S. EM. LE CARDINAL SUHARD, ARCHEVÊQUE DE REIMS
(21 novembre 1939) 1
1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XLI, col. 121.
Au filial message que lui a envoyé S. Em. le cardinal Suhard, archevêque de Reims, après la parution de l'encyclique « Summi Pontificatus » 20 octobre, le Saint-Père a daigné répondre par une lettre autographe un intérêt particulier pour la France et dont voici le texte :
Comme vous l'avez très bien compris, Nous ne pouvons voir sans être ému avec quel empressement et quelle docilité est accueillie Notre première encyclique. En elle et par elle, Nous voulions, disions-Nous, « rendre témoignage à la vérité » pour accomplir le devoir de Notre charge. Parce que Nous étions affligé et effrayé de voir se répandre chaque jour davantage parmi les nations des doctrines et des manières de faire contraires aux droits souverains de Dieu et à la grande loi de la charité chrétienne. Nous avons voulu remettre en lumière, pour qu'elles fussent remises en honneur, les simples mais sublimes leçons du Décalogue et de l'Evangile ; car Nous croyons, d'accord avec l'enseignement de l'Eglise et le témoignage de l'histoire, que seul le retour à une morale foncièrement chrétienne est encore capable d'arrêter le monde dans sa descente vers un abîme de calamités.
Ce devoir, Nous l'avons accompli « sans nous laisser influencer par des considérations terrestres, ni arrêter par des défiances et des oppositions, par des refus et des incompréhensions ». Il Nous est donc d'autant plus agréable de rencontrer dans le peuple fidèle, avec une totale et filiale adhésion des esprits, une généreuse disposition des coeurs à marcher résolument dans les voies que Nous traçons. Bien plus, Nous avons la satisfaction d'apprendre que des multitudes d'âmes droites, même étrangères à la foi catholique, rendent spontanément hommage à la loyauté de Nos intentions et à la sincérité de Nos efforts, en vue de l'apaisement universel.
Mais, ce qui surtout Nous console, c'est de constater que les évêques « établis par l'Esprit Saint pour régir l'Eglise de Dieu » s'accordent à reconnaître le bien-fondé de Nos admonitions et la franche netteté de Nos déclarations, remarquant en même temps l'accent d'une charité profondément paternelle, dont Nous avons en effet voulu imprégner, jusque dans ses moindres paroles, l'expression de Nos graves mais nécessaires avertissements.
Entre tous ces témoignages de clairvoyante compréhension, votre lettre, cher fils, Nous a particulièrement touché. Elle vient d'un pays qui Nous est cher, et d'un siège métropolitain illustré, depuis saint Remi, par une si longue série d'évêques insignes et méritants ! Elle vient surtout d'un pasteur dont Nous avons déjà souvent apprécié l'attachement aux saines doctrines et le dévouement à son troupeau.
Avec vous encore, Nous pensons que si, d'une part, les Français peuvent à bon droit se réjouir de voir affirmés dans l'encyclique certains principes qui leur sont légitimement chers — d'y voir réprouvées certaines idées qu'ils réprouvent, et blâmés certains procédés qu'ils condamnent comme la principale source des maux actuels — ils sauront aussi, avec leur esprit habituel de logique et de franchise, avec leur coeur si épris d'équité, discerner dans les lumineux enseignements de l'Eglise ce qui peut leur être utile à eux-mêmes pour favoriser l'oeuvre courageusement entreprise par eux de redressement moral et d'union nationale.
Enfin, Nous accueillons avec joie l'espoir que vous exprimez de venir à Rome l'année prochaine, souhaitant vivement avec vous que d'ici là soit rendu aux nations, par la miséricorde de Dieu et la sagesse des gouvernants, un état de choses plus favorable aux fraternelles relations des peuples entre eux, parce que plus conforme aux éternels principes de la justice et du droit.
Dans cette espérance, Nous vous accordons de grand coeur, pour vous-même, pour votre clergé et pour vos ouailles, Notre Bénédiction apostolique.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(22 novembre 1939) 1
Continuant ses instructions de vie chrétienne aux nouveaux époux, le Souverain Pontife leur donne ici ses conseils pour la sauvegarde et l'approfondissement de l'harmonie et de l'union de leurs âmes.
Tandis que vos coeurs chantent l'hymne éternel et toujours nouveau de l'amour chrétien, l'Eglise célèbre aujourd'hui la fête d'une jeune Romaine, sainte Cécile, traditionnelle patronne de la musique. Une occasion pour Nous de vous adresser quelques paroles sur l'importance d'une profonde et constante harmonie entre époux.
Peut-être penserez-vous qu'il est inutile de vous recommander l'harmonie en ces jours où l'accord parfait de vos coeurs ignore jusqu'aux dissonances. Mais ne savez-vous pas que l'usage désaccorde bientôt le meilleur instrument de musique et qu'il faut souvent le remettre au diapason ? Il en va de même des volontés humaines, dont les bonnes intentions sont sujettes au relâchement.
La condition première de l'harmonie entre époux et de la paix domestique est une constante bonne volonté de part et d'autre. L'expérience de chaque jour enseigne que dans les discussions, selon le mot du grand Manzoni, « la raison et le tort ne sont jamais tranchés par une coupe si nette que chaque partie ait le tout de l'un ou de l'autre ». Si la Sainte Ecriture compare la femme méchante à une paire de boeufs en désaccord (Si 26,10), et la femme querelleuse à un toit d'où l'eau dégoutte sans cesse durant l'hiver (Pr 27,15), elle relève également que l'homme emporté allume les querelles (Si 28,11). Regardez autour de vous : l'exemple d'autrui vous apprendra que les discordes conjugales naissent le plus souvent du manque réciproque de confiance, de condescendance et de pardon.
Vous connaîtrez ainsi la douceur de l'accord entre époux. « Trois choses, disent les Livres saints, plaisent à mon esprit et sont estimées de Dieu et des hommes : des frères qui sont unis, des proches qui s'aiment, un mari et une femme qui s'accordent bien » (Si 25,1). Cette précieuse harmonie, chers époux, vous la garderez avec soin à l'abri des dangers intérieurs ou extérieurs de discorde. Nous en relevons deux : les méfiances trop promptes à naîtres, les ressentiments trop lents à mourir.
Voici un autre péril : la jalouse méchanceté de tierces personnes, mère de la calomnie, introduit parfois dans la paisible harmonie conjugale la note troublante du soupçon : « La langue calomniatrice a chassé de leur foyer des femmes fortes, et les a dépouillées du fruit de leur travaux. Celui qui l'écoute ne jouira pas de la paix » (Si 28,19-20). La vibration fausse d'un seul instrument ne suffit-elle pas à détruire toute l'harmonie d'un concert ?
Mais les brèves dissonances, qui dans une exécution musicale blessent ou du moins surprennent l'oreille, deviennent un élément de beauté, quand par une habile modulation elles se résolvent en l'accord attendu. Il en doit être ainsi des heurts ou dissensions passagères, toujours possibles entre époux, en raison de la faiblesse humaine. Il faut résoudre sans tarder ces dissonances, il faut faire résonner les modulations bienveillantes de coeurs prompts au pardon, et retrouver ainsi l'accord, pour un instant compromis, dans la tonalité de paix et d'amour chrétien qui aujourd'hui enchante vos coeurs.
Le grand apôtre saint Paul vous révélera le secret de cette harmonie conservée ou du moins chaque jour renouvelée en votre foyer domestique : « Etes-vous en colère, dit-il, ne cédez point à vos suggestions ; que le soleil ne se couche point sur votre irritation » (Ep 4,26). Quant les premières ombres du soir vous invitent à la réflexion et à la prière, agenouillez-vous, l'un près de l'autre, devant le Crucifié qui veille la nuit sur votre repos, et répétez ensemble d'un coeur sincère : « Notre Père, qui êtes aux cieux... pardonnez-nous... comme nous pardonnons... ! » Alors les notes fausses de la mauvaise humeur se tairont, les dissonances se résoudront en une parfaite harmonie, et vos âmes reprendront ensemble leur cantique de reconnaissance envers Dieu qui vous a donnés l'un à l'autre.
(8 novembre 1939) 1
Ce jour, le Souverain Pontife reçut en audience générale les jeunes époux et de nombreux jeunes de l'Action catholique italienne ayant participé au concours de culture religieuse. Parlant d'abord aux jeunes époux, le Saint-Père leur rappela leurs nouveaux devoirs et leurs responsabilités personnelles.
C'est avec une bienveillance toute particulière que Nous vous saluons, chers jeunes époux, vous que votre esprit de foi a conduits aux pieds du Père commun pour recevoir sa bénédiction à un moment pour vous si important, et par les obligations que vous avez assumées, et par les grâces que vous avez reçues.
Le mariage vous impose en effet des devoirs nouveaux. Jusqu'ici bon nombre d'entre vous ont vécu sous le toit paternel, sans responsabilités personnelles, et leur tâche se bornait à aider, selon leur âge et leurs forces, un père et une mère bien-aimés, qui leur assurait une place au foyer et à la table de famille. Mais voilà que vous avez fondé une nouvelle famille, dont vous-mêmes serez responsables devant Dieu et les hommes. Faites que votre foyer, dès les premiers jours, soit chrétien et se montre franchement tel. Qu'il ait le Sacré-Coeur de Jésus pour Roi ; que les images du Sauveur crucifié et de la très douce Vierge Marie y tiennent une place d'honneur. Cela pour témoigner aux yeux de tous que votre foyer sert Dieu et que les amis et visites doivent, comme vous-mêmes, en bannir tout ce qui peut violer sa sainte loi : propos impudiques, mensonges ou coupables faiblesses ; mais aussi et surtout pour vous rappeler à vous-mêmes que Jésus et Marie sont les témoins les plus fidèles, les plus aimants, les compagnons pour ainsi dire des événements de votre famille, les compagnons des joies, que Nous vous souhaitons nombreuses, les compagnons des douleurs et des épreuves, qui, elles non plus, ne manqueront point. Oui, vous aurez, comme tout le monde ici-bas, vos heures de tristesse. Vous vivez peut-être maintenant dans un doux rêve ; mais quel rêve résiste à la réalité quotidienne ? La grâce du sacrement vous prémunira contre les inévitables désillusions, contre les difficultés inséparables de la vie conjugale. En toute circonstance joyeuse ou triste de votre vie, le grand devoir du mariage chrétien demeure pour vous ferme et inébranlable. Le mariage n'est pas pour vous, chrétiens, un pacte seulement humain ; il est un contrat où Dieu tient une place, la seule qui lui convienne, c'est-à-dire la première. Vous vous êtes unis devant son autel non seulement pour vous alléger le poids de la vie, mais pour collaborer avec Dieu à la continuation de son oeuvre créatrice, conservatrice et rédemptrice. En même temps qu'il recevait et bénissait vos promesses, Dieu vous a conféré une grâce spéciale pour vous rendre toujours plus facile l'accomplissement de vos devoirs nouveaux.
C'est avec ces sentiments et ces voeux que Nous vous accordons de tout coeur, en gage des grâces célestes les plus abondantes, Notre Bénédiction apostolique.
Après les exhortations adressées aux jeunes époux, le Saint-Père s'adressa aux jeunes gens d'Action catholique qui ont reçu des prix dans le concours de culture religieuse.
A côté des jeunes époux, Nous avons la joie de voir aujourd'hui une troupe d'élite de la Jeunesse catholique italienne. En ces jours d'automne qui, au moment où tant d'arbres rendent leurs feuilles à la terre, nous rappellent la caducité des choses, votre présence, très chers fils conduits par Nos Vénérables Frères les évêques d'Avel-lino et de Segni, par vos maîtres zélés et savants et par vos assistants ecclésiastiques, Nous apparaît, par contraste, comme une vision du printemps qui a fleuri en vous au souffle vivifiant de la famille chrétienne, aux zéphyrs de la piété et de l'instruction religieuse, à l'ombre sainte des tours et des campaniles de vos paroisses. Au milieu de votre couronne de frais et souriants visages, Notre âme paternelle semble rajeunir avec vous, parce que vous n'êtes pas une lugubre couronne de fleurs d'automne, mais une guirlande de fleurs en bourgeons croissant à la douce saison dans le jardin de l'Eglise du Christ, de ce Jésus que vous avez appris à connaître, à adorer, à aimer, à servir, à invoquer, de ce Jésus dont il est écrit qu'« il croissait en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes. »
Croître en âge, ce que vous faites maintenant, très chers jeunes gens, est une bénédiction et un don de Dieu ; mais croître en âge seulement dans son corps serait une croissance digne des plantes et des animaux sans raison, si l'homme, élevé au-dessus des animaux sans raison et des plantes et de toute la nature par l'image et la ressemblance divine qui sont imprimées sur son front par le Créateur, ne croissait pas aussi en âge dans son âme devant Dieu et devant les hommes. Bienheureux êtes-vous, si vous croissez en cette sagesse qui imprime dans votre esprit comme un sceau indélébile et précieux et comme un rayon lumineux de vos vertes années, la foi en Dieu, l'espérance en Dieu, l'amour de Dieu, avec la prière et les vertus chrétiennes, avec l'attachement filial à l'Eglise, votre Mère, avec ce courage qui ne craint pas le respect humain, qui procède de l'adhésion intime à son appel, de la vénération et de la conviction aux enseignements reçus d'elle, de cette profondeur du coeur où dans le cours de votre jeunesse vous êtes en train de poser les fondements de votre caractère de fils de Dieu et de l'Eglise conscients et dévoués.
Voilà la très haute sagesse de la culture religieuse : sagesse qui vous rend plus sages que les plus grands philosophes de l'antiquité païenne et que les philosophes et chercheurs aux opinions discordantes de l'âge moderne. Une vieille petite femme, écrivait le prince des théologiens, saint Thomas d'Aquin, en sait plus long aujourd'hui des choses de la foi que tous les philosophes en sauront un jour.
C'est dans cette sagesse chrétienne, chers fils, que vous êtes en train de croître grâce au concours annuel de culture religieuse. C'est un concours saint, une émulation sacrée, une course religieuse qui vous fait avancer vers la connaissance des mystères divins, de la vie du Rédempteur, des saints sacrements, de la maternité et de l'autorité de l'Eglise, de la paternité du Vicaire du Christ, des vertus et de la morale catholique, du chant sacré. C'est un concours et une course pour la couronne incorruptible de la vie éternelle du Ciel. Le grand Apôtre des gentils vous l'enseigne : « Ne savez-vous pas, s'écrie-t-il, que ceux qui courent dans le stade, courent vraiment tous, mais un seul remporte le prix ? Courez de manière à ce qu'il soit vôtre. Mais tous ceux qui luttent dans l'arène s'abstiennent de tout ; et eux c'est pour obtenir une couronne corruptible ; mais nous, pour une couronne incorruptible. » Dans le stade des cours d'instruction catéchistique, toutes les associations paroissiales ont rivalisé et concouru par diocèses et par régions ; et Nous avons la joie de voir rassemblés autour de Nous les plus valeureux parmi les valeureux qui dans cette sainte course et dans ce concours de sagesse chrétienne se sont tellement mis en avant qu'ils ont cueilli la palme et ont pu se présenter à Nous, honorés du prix.
Ce privilège qui vous est échu, ô très chers fils, exalte les nombreuses légions de vos compagnons des paroisses, des diocèses ou des régions où le Seigneur vous a fait la grâce d'obtenir la première place, mais sans humilier aucun de ceux qui ont pris part au concours parce que le concours est une course d'émulation qui met sur le même rang sur le terrain de la lutte tous les concurrents et honore la valeur et l'audace de tous.
C'est pourquoi Notre parole, en s'adressant à vous ici présents, vise toutes les jeunes troupes de vos associations et étend jusqu'à elles Notre éloge, Notre paternel applaudissement ; parce que ce prix, qui fut pour vous l'éperon qui vous a poussés à la victoire, est aussi pour eux un honneur pour leur émulation. Nous visons aussi à vos côtés vos émules d'une culture religieuse plus développée, les vainqueurs des associations internes d'étudiants dans les collèges, qui, dans un concours à un degré plus élevé sur le Nouveau Testament, ont démontré avec éloge quelle puissance peut avoir sur les coeurs et les esprits d'une jeunesse gentille et cultivée, le progrès dans l'acquisition de la sagesse religieuse et dans l'amour de la connaissance du Christ.
Dans cet accroissement de science et d'instruction religieuse, les aspirants que vous comptez parmi vous, dans le cours de l'année qui se termine, ont visé à l'étude de la prière et de la vertu. Oh ! très chers fils, la prière n'est pas seulement le devoir des aspirants, mais de tous, jeunes et anciens, petits et grands. Voir un enfant qui prie, c'est voir un ange qui supplie en adoration près du saint Tabernacle. Priez, ô jeunes gens bien-aimés, priez pour vous, pour ceux qui vous sont chers, pour l'Eglise, pour Nous, pour votre patrie, pour la paix du monde. Le ciel écoute les innocents ; le ciel prend la défense des innocents. Quand vous retournerez chez vous, au milieu de vos compagnons, portez-leur le souvenir que Nous vous laissons, celui de la prière ; dites-leur à eux et à vos familles qu'à Rome vous avez vu un Père vêtu de blanc qui vous aime, qui les invite tous à prier, qui les bénit tous et qui invoque sur tous la protection et les faveurs divines.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE DE LA RÉPUBLIQUE D'HAÏTI
(10 novembre 1939) 1
A S. Exc. M. Abel Nicolas Léger, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la République d'Haïti, qui lui remettait ses lettres de créance, le Saint-Père répondit :
D'une nation lointaine par sa situation, mais proche de Nous par son attachement à l'Eglise, d'une île restreinte en étendue, mais célèbre devant l'histoire pour avoir la première, entre les terres d'un nouveau monde, reçu de l'illustre navigateur génois et de son équipage espagnol les éléments de la civilisation latine et de la foi romaine, Votre Excellence vient aujourd'hui, avec l'autorité d'une mission officielle, affirmer et affermir encore le traditionnel dévouement du peuple haïtien à la religion du Christ.
L'âme de ce peuple, comme le notait Votre Excellence, est profondément pénétrée d'esprit chrétien. Aussi le gouvernement qu'il s'est donné se fait-il sagement un devoir de reconnaître à l'Eglise dans la prédication de la doctrine évangélique, dans l'éducation de la jeunesse, dans l'exercice de son activité bienfaisante pour le progrès religieux, moral et social de toutes les classes de la nation, cette liberté d'action qui tourne finalement à l'avantage de la société, non moins que de l'Eglise elle-même.
Avec la joie que Nous éprouvons de vous accueillir, forment un douloureux contraste les événements extérieurs, source universelle de préoccupations, dont les conséquences économiques se font sentir jusque par-delà les continents et les mers. L'unité de la grande famille humaine, celle surtout des fidèles dans le Christ font aux peuples heureusement préservés de la guerre une obligation de s'intéresser à ceux qui souffrent et de multiplier leurs appels à la miséricorde de Dieu, afin que sa main toute-puissante rende au monde l'ordre et la paix.
Mais, comme Nous l'avons souvent dit, cette paix désirée et l'ordre qui en est la condition indispensable, le monde n'en jouira que si les hommes responsables du gouvernement des peuples et de leurs relations mutuelles renoncent au culte de la force employée contre le droit ; si, reconnaissant pour insuffisante et précaire une morale aux fondements purement humains, ils acceptent l'autorité suprême du Créateur comme base de toute morale individuelle ou collective ; s'ils rendent à ce Père qui est dans les cieux l'hommage voulu par lui d'une fraternelle concorde entre ses fils de tout pays et de toute langue. Alors seulement ils arriveront à réaliser et à parfaire une organisation internationale stable et féconde, telle que la souhaitent les hommes de bonne volonté : organisation qui, parce qu'elle respectera les droits de Dieu, puisse assurer l'indépendance mutuelle des peuples grands et petits, imposer la fidélité aux accords loyalement consentis et sauvegarder, dans l'effort de chacun vers la prospérité de tous, la saine liberté et la dignité de la personne humaine.
Que ces pensées soient les vôtres, Monsieur le ministre ; qu'elles inspirent votre action diplomatique, Nous en avons l'assurance dans les lettres par lesquelles S. Exc. M. le président de la République a bien voulu vous accréditer près le Saint-Siège. En outre, la personnalité de Votre Excellence, qui Nous était déjà connue par les hautes fonctions qu'elle a remplies, Nous donne, pour la continuation des bons rapports entre ce Siège apostolique et la République d'Haïti, la plus confiante espérance.
L'Eglise, de son côté, tendre Mère de toutes les âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ et gardienne attentive de la vie spirituelle parmi les peuples, non moins que dans les individus, a manifesté en plusieurs occasions déjà l'intérêt particulier qu'elle portait à la nation dont Votre Excellence est le digne représentant. Nous serons heureux de pouvoir toujours montrer les mêmes dispositions bienveillantes. Aussi Nous est-il agréable de déclarer que Nous faciliterons, par tous les moyens en Notre pouvoir, l'accomplissement de la mission qui vous est dévolue.
Nous vous prions, Monsieur le ministre, d'en donner l'assurance à S. Exc. M. le président de la République, en lui offrant aussi l'expression des souhaits très cordiaux que Nous formons pour le bonheur de sa personne et pour la prospérité de la République haïtienne. Enfin, Nous appelons, du plus intime de Notre coeur, sur la nation tout entière, sur ses chefs et spécialement sur Votre Excellence, l'abondance des bénédictions divines.
LETTRE APOSTOLIQUE ABOLISSANT LES PRIVILÈGES DE L'ORDRE « PIANUS »
(11 novembre 1939) 1
Par la lettre apostolique scellée sous l'anneau du Pêcheur le 17 juin 1847 et de même par décret du palais du Quirinal daté du 11 novembre 1856, Notre prédécesseur le pape Pie IX créa et institua l'ordre des chevaliers, appelé « Pianus », qui comprenait trois classes de chevaliers. Or par cette lettre apostolique les statuts prévoyaient que les chevaliers cooptés dans la première classe de cet ordre jouiraient du privilège de transmettre leur noblesse à leurs fils, tandis que ceux qui, appartenant à la seconde classe, étaient de condition honorable, jouiraient seulement de leur noblesse à titre personnel. Or cette disposition, compte tenu surtout de notre époque, paraît moins opportune, alors que les autres ordres de chevaliers même les plus élevés dont les insignes sont conférés par les pontifes romains, ne jouissent d'aucun titre de noblesse. C'est pourquoi, après avoir mesuré attentivement toute l'importance de la situation, pour mettre cet ordre « Pianus » sur le même plan que les autres ordres de chevaliers pontificaux, Nous décidons motu proprio que, les dispositions prises par la lettre apostolique déjà citées étant abolies, à partir d'aujourd'hui et à l'avenir les chevaliers, en général et en particulier, appartenant à n'importe laquelle des trois classes de l'ordre « Pianus» précité, ont le pouvoir et la possibilité d'user licitement et de jouir des insignes et du titre propre de leur classe sans aucun droit et privilège de noblesse. Nonobstant toutes choses contraires, Nous décrétons que la présente lettre soit et demeure ferme, valide et efficace, qu'elle sorte et obtienne son effet plein et entier et qu'en conséquence il faut penser et juger qu'à partir d'aujourd'hui sera nulle et non avenue toute disposition qui pourrait être faite à son encontre par qui que ce soit, par n'importe quelle autorité, sciemment ou par ignorance.
RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES DES ETATS-UNIS POUR LE 50e ANNIVERSAIRE DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE WASHINGTON
(13 novembre 1939) 1
Voici la traduction du radiomessage que le Souverain Pontife adressa, en anglais, aux catholiques des Etats-Unis d'Amérique, à l'occasion du 50e anniversaire de la fondation de l'Université catholique de Washington :
1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXI, 1939, p. 678 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie 12, t. I, p. 19.
Nos lèvres s'ouvrent à votre adresse, ô chers fils des Etats-Unis d'Amérique, Notre coeur se dilate pour vous dire avec quelle paternelle affection Nous voulons être présent à la célébration du cinquantenaire de votre belle Université catholique.
Notre satisfaction est d'autant plus profonde et directe que Nous avons eu la bonne fortune de voir personnellement — bien que trop brièvement — l'oeuvre admirable construite par vous, pour la gloire de Dieu et le salut de votre pays.
Depuis que, en 1889, elle fut fondée par les évêques des Etats-Unis, sous le pontificat de ce grand mécène des études que fut le pape Léon XIII, votre jeune Université s'inséra, pleine de vigueur et de promesse, dans la longue série des glorieux et anciens instituts chrétiens. Sur leur exemple, en adhérant de la plus heureuse façon aux pures traditions de la pensée chrétienne, elle produisit des fruits si consolants qu'elle mérita des éloges de Notre prédécesseur immédiat d'heureuse mémoire, comme un centre fécond de la culture catholique aux Etats-Unis.
Nous sommes vraiment heureux de prendre à Notre compte cet éloge afin que soit encouragée, en des temps aussi difficiles et pour que soit continuée avec ardeur, la mission honorable mais ardue qui fait partie des buts de l'Université.
Jamais comme aujourd'hui l'éducation de la jeunesse chrétienne n'a revêtu une importance plus décisive et plus vitale, se trouvant, comme elle l'est, en face des erreurs déconcertantes du naturalisme et du matérialisme, qui sont en train de précipiter le monde dans une épouvantable guerre, preuve cruelle de la fausseté d'une philosophie reposant sur des bases essentiellement humaines.
On pourrait perdre la confiance en Dieu en considérant l'aggravation de ces maux, si l'on n'était pas secouru par le sentiment de Notre confiance en l'aimable providence de Dieu, qui est d'autant plus sûre et consolante que les trahisons du monde sont plus nombreuses.
Mais, après Dieu, Notre espoir repose largement sur les anciennes et modernes institutions de culture chrétienne, parmi lesquelles votre Université catholique tient une place exemplaire, parce que, toute adonnée au service de la vérité, elle sait dans son enseignement accorder justement la place qui leur est due aux sciences naturelles et à la métaphysique, à l'intelligence et au coeur, au passé et au présent, à la raison et à la Révélation.
C'est pour cette raison que, dans l'austère méditation de vos salles de travail, alternant le silence de vos réflexions et de vos études avec la voix de vos prières, vous préparez les jeunes gens de demain à être — contre la fausse science et ses funestes conséquences — les généreux paladins de ces principes de civilisation qui, conservés dans l'Evangile du Christ et enseignés par l'Eglise infaillible, sont vraiment l'esprit et la vie.
En face de ces abondantes promesses, les catholiques des Etats-Unis et tous ceux qui sont régis par un esprit droit ne peuvent pas ne pas sentir la singulière signification que revêt aujourd'hui l'anniversaire de leur Université ; de même ils ne peuvent pas ne pas penser que cette dernière est confiée pour ses meilleurs succès à leur coeur, à leurs prières et à leur zèle.
Votre Université, comme d'ailleurs, tous les autres instituts culturels bien connus des Etats-Unis d'Amérique, est votre gloire dans le présent et un gage de succès pour l'avenir.
Quant à Nous, tandis que Nous formulons Nos voeux les plus chaleureux pour les développements de votre Université et que Nous invoquons sur elle l'abondance des faveurs divines, Nous bénissons de tout coeur l'épiscopat des Etats-Unis — dont l'Université est le fruit qu'a produit leur zèle éclairé — les professeurs, les élèves et tout le peuple fidèle, et spécialement ceux qui, d'une façon ou d'une autre, contribueront au développement fécond de cette noble institution.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(15 novembre 1939) 1
Penant occasion de la fête de la Dédicace des basiliques des saints apôtres Pierre et Paul, le Saint-Père parla aux jeunes époux de la maison chrétienne, temple familial.
Vous êtes venus à Rome, chers jeunes époux, précisément dans la semaine où l'Eglise fête la Dédicace des basiliques des saints apôtres Pierre et Paul, que vous avez sans doute visitées ou que vous ne manquerez pas de visiter. Le terme de basilique signifie d'après son origine, la « maison du roi », et la dédicace est le rite solennel par lequel on consacre un temple à Dieu, Roi et Seigneur suprême, pour en faire sa demeure ; chaque temple reçoit alors pour titre le nom du mystère ou du saint à la mémoire ou en l'honneur duquel il a été construit.
Certes, les basiliques elles-mêmes les plus merveilleuses ne sont pas dignes d'accueillir le Roi des rois. Et pourtant — vous le savez — Il ne dédaigne pas de demeurer parfois dans de pauvres chapelles, dans les misérables cabanes des pays de missions ! Songez à cette condescendance et à cet amour, vous qui êtes venus recevoir du Vicaire du Christ une bénédiction spéciale pour vous-mêmes et pour votre nouveau foyer domestique. Rappelez-vous ce que dès votre enfance disait à votre coeur cette parole : la maison ! Là était tout votre amour, concentré sur un père, sur une mère, sur des frères et soeurs. Un des plus grands sacrifices que Dieu demande à une âme, lorsqu'il l'appelle à un état supérieur de perfection, c'est de quitter la maison : « Ecoute, ma fille..., oublie la maison de ton père. » (Ps 54,10). « Quiconque aura quitté sa maison... à cause de mon nom... aura la vie éternelle. (Mt 19,29).
Or voici qu'à vous aussi, qui cheminez dans la voie ordinaire des commandements, un amour nouveau et impérieux a fait entendre un jour son appel : Quitte — a-t-il dit à chacun de vous — la maison de ton père, parce que tu dois en fonder une autre qui sera la « tienne ». Et dès lors votre ardent désir a été de trouver, d'établir ce qui pour vous sera « la maison ».
C'est que, selon l'Ecriture Sainte, « l'essentiel pour la vie de l'homme, c'est l'eau, le pain, le vêtement et la maison » (Si 29,28). N'avoir pas de maison, être sans toit ni feu, comme cela arrive à trop de malheureux, n'est-ce pas le symbole de la gêne et de la misère ? Et pourtant vous vous rappelez certainement que Jésus, Notre Sauveur, s'il connut sous l'humble toit de Nazareth les douceurs de la vie de famille, voulut être dans la suite, durant sa vie apostolique, comme un homme sans maison : « Les renards ont leur tanière et les oiseaux du ciel leur nid ; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête » (Mt 8,20).
En considérant cet exemple du divin Rédempteur vous accepterez plus facilement les conditions de votre vie nouvelle, même si elles ne correspondaient pas tout de suite ou tout à fait à ce que vous avez rêvé.
Quoi qu'il en soit, vous vous appliquerez, vous surtout, jeunes épouses, à rendre aimable et intime votre foyer, à y faire régner la paix, dans l'harmonie de deux coeurs loyalement fidèles à leurs promesses, et, si Dieu le veut, dans une joyeuse et glorieuse couronne d'enfants. Il y a longtemps déjà que Salomon a dit, conscient de la vanité des richesses terrestres et désabusé : « Mieux vaut un morceau de pain sec avec la paix qu'une maison pleine de viande avec la discorde » (Pr 17,1).
Mais, ne l'oubliez pas, tous vos efforts seraient vains et vous ne trouveriez pas le bonheur à votre foyer, si Dieu ne construisait la maison avec vous (cf. Ps 126,1) pour y demeurer avec sa grâce. Vous aussi, vous devez faire, pour ainsi dire, la « dédicace » de cette « basilique », vous devez consacrer à Dieu, sous l'invocation de la Vierge Très Sainte et de vos saints patrons, votre petit temple familial où, dans la fidèle observation des commandements de Dieu, l'amour mutuel sera le roi pacifique.
Avec ces voeux de bonheur vrai et chrétien et en gage des grâces de Dieu, Nous vous donnons de tout coeur, chers jeunes époux, Notre paternelle Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE CROATE
(15 novembre 1939) 1
1 D'après le texte latin de Discorsi e Radiomessaggi, t. I, p. 385.
Plus de dix siècles se sont écoulés depuis que Notre prédécesseur Jean VIII, en 979, adressa par lettre les mots suivants à la nation croate : « Les bras étendus Nous vous embrassons, Nous vous accueillons en père aimant et Nous voulons toujours vous réchauffer de Notre bienveillance apostolique »2. A cet instant, tandis qu'aujourd'hui il Nous est permis d'avoir la très grande joie, fils et filles très chers dans le Christ, de vous accueillir ici en personne dans la maison paternelle, Nous ne pouvons vous saluer d'aucune autre façon qui puisse exprimer plus exactement les sentiments de Notre coeur ; vous, disons-Nous, qui, descendance de cette souche très ancienne, représentez d'une certaine mesure le peuple croate, plein de forces et de solides vertus.
Conduits par Nos Vénérables Frères, vos métropolitains et vos évêques, poussés par votre attachement au Siège apostolique, vous êtes venus ici pour témoigner votre fidélité qui ne s'est jamais relâchée pendant treize siècles — depuis le temps du pape Jean IV d'heureuse mémoire, d'origine dalmate — au siège du bienheureux Pierre et à l'Eglise romaine que vous avez célébrée par ces louanges : « interprète infaillible de l'éternelle vérité, puissante protectrice de la justice sociale, auxiliaire infatigable de la concorde entre les nations » ; ainsi vous vous êtes montrés dignes de l'éloge que Notre immortel prédécesseur Léon X décerna à votre peuple quand il l'appelait à bon droit : « rempart de la chrétienté ». Peu après que ce Souverain Pontife eut ainsi décerné ce magnifique éloge, non seulement votre foi catholique mais aussi celle des Hongrois furent menacées des plus graves périls par les violentes attaques de l'Islam.
2 Mon. Germ. Hist., Ep. VII, 165-167.
Et Nous savons qu'à la fin de cette période où la puissance turque vous dominait et où vous aviez combattu pour vous en affranchir, vous aviez surmonté magnifiquement et heureusement cette situation critique. Ceci donc nourrit Notre espoir ferme et assuré que vous aussi, au moment où d'âpres discussions sur la religion et les règles naturelles de la vertu en même temps qu'une lutte acharnée à propos de la foi chrétienne et des richesses de la vie éternelle, qui concourent à la béatitude éternelle, troublent tellement l'ensemble des peuples et toutes les classes sociales, par la fidélité et la constance de vos coeurs, vous ne vous écarterez jamais ni de la doctrine catholique et des lois chrétiennes, ni de l'Eglise et de son chef suprême. Ainsi que les exemples du bienheureux Nicolas Tavilik renaissent en vous chez qui la foi catholique brûla comme une flamme sacrée et que la consécration de sa sainteté, si elle est le fruit du mystérieux dessein de Dieu, Nous comble de joie autant que vous.
Votre caractère et votre génie rappellent et reproduisent d'une certaine manière la rude et solide fermeté de vos montagnes. Que ce caractère d'une ténacité absolument indomptable vous tienne attachés à la foi ancestrale. Que cette même foi soit ferme et fidèle à elle-même et, comme vos montagnes de Velebith, qu'elle ne soit pas troublée ni par les pluies ni par les tempêtes.
La foi chrétienne et l'union la plus étroite avec le Vicaire de Jésus-Christ doivent être considérées comme le fondement et le sol nourricier d'où la vie s'épanouit pour nourrir et modeler l'action sociale, les oeuvres de charité et enfin la sainteté personnelle. Utilisez vos instituts et associations ecclésiastiques et particulièrement l'Action catholique pour faire affluer les bienfaits de la foi chrétienne dans tous les domaines de la vie publique. Nous vous encourageons d'autant plus aujourd'hui à poursuivre ce but que brille l'espoir qu'à l'avenir l'Eglise et l'Etat puissent être dans votre patrie plus convenablement unies et avec profit par une action commune et pour l'utilité de tous.
Après avoir posé ces fondements dont Nous venons de parler, Nous vous exhortons avant tout de tout Notre pouvoir à faire fleurir et prospérer chez tous la sainteté de la vie intérieure. Par des prières quotidiennes adressées à Dieu et des supplications faites en commun à l'intérieur des familles devant l'image de Jésus-Christ mis en croix, ouvrez et facilitez l'accès des préceptes divins et de la perfection chrétienne dans vos âmes. Faites-le et par la simplicité d'une vie honnête « en toute piété et chasteté » (1Tm 2,2) et par une union plus étroite avec le divin Rédempteur, principalement dans l'Eucharistie, pour modeler sur lui vos pensées et en même temps vos paroles et vos actes, et enfin par une dévotion ardente envers la Vierge Mère de Dieu, dévotion à nourrir d'un esprit d'amour filial.
Instruisez et éduquez votre jeunesse pour qu'elle grandisse bien formée et distinguée par son respect de Dieu ; pour elle expressément préservez l'intégrité des écoles catholiques. Ce sera alors la seule façon pour vous de voir la paix pénétrer dans les foyers et l'astre de votre patrie briller d'un vrai et durable bonheur.
Nous estimons en outre que Nous ne pouvons pas terminer Notre allocution d'une façon plus convenable qu'en renouvelant le salut et la bénédiction donnés par Notre prédécesseur Jean VIII dans la lettre déjà citée : « Nous faisons mémoire de vous continuellement devant Dieu par nos saintes prières, et par nos mains élevées vers le Seigneur nous vous confions à Dieu et nous vous bénissons de toutes les bénédictions spirituelles dans le Christ Jésus Notre-Seigneur pour que vous soyez bénis pour l'éternité dans vos corps et dans vos âmes et que vous soyez toujours dans la joie en présence du Seigneur. » Poussé par ces sentiments, Nous accordons paternellement et du fond du coeur la Bénédiction apostolique à vous, à vos familles, et à toute la nation croate, et particulièrement à votre jeunesse.
LETTRE AUTOGRAPHE A S. EM. LE CARDINAL SUHARD, ARCHEVÊQUE DE REIMS
(21 novembre 1939) 1
1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. XLI, col. 121.
Au filial message que lui a envoyé S. Em. le cardinal Suhard, archevêque de Reims, après la parution de l'encyclique « Summi Pontificatus » 20 octobre, le Saint-Père a daigné répondre par une lettre autographe un intérêt particulier pour la France et dont voici le texte :
Comme vous l'avez très bien compris, Nous ne pouvons voir sans être ému avec quel empressement et quelle docilité est accueillie Notre première encyclique. En elle et par elle, Nous voulions, disions-Nous, « rendre témoignage à la vérité » pour accomplir le devoir de Notre charge. Parce que Nous étions affligé et effrayé de voir se répandre chaque jour davantage parmi les nations des doctrines et des manières de faire contraires aux droits souverains de Dieu et à la grande loi de la charité chrétienne. Nous avons voulu remettre en lumière, pour qu'elles fussent remises en honneur, les simples mais sublimes leçons du Décalogue et de l'Evangile ; car Nous croyons, d'accord avec l'enseignement de l'Eglise et le témoignage de l'histoire, que seul le retour à une morale foncièrement chrétienne est encore capable d'arrêter le monde dans sa descente vers un abîme de calamités.
Ce devoir, Nous l'avons accompli « sans nous laisser influencer par des considérations terrestres, ni arrêter par des défiances et des oppositions, par des refus et des incompréhensions ». Il Nous est donc d'autant plus agréable de rencontrer dans le peuple fidèle, avec une totale et filiale adhésion des esprits, une généreuse disposition des coeurs à marcher résolument dans les voies que Nous traçons. Bien plus, Nous avons la satisfaction d'apprendre que des multitudes d'âmes droites, même étrangères à la foi catholique, rendent spontanément hommage à la loyauté de Nos intentions et à la sincérité de Nos efforts, en vue de l'apaisement universel.
Mais, ce qui surtout Nous console, c'est de constater que les évêques « établis par l'Esprit Saint pour régir l'Eglise de Dieu » s'accordent à reconnaître le bien-fondé de Nos admonitions et la franche netteté de Nos déclarations, remarquant en même temps l'accent d'une charité profondément paternelle, dont Nous avons en effet voulu imprégner, jusque dans ses moindres paroles, l'expression de Nos graves mais nécessaires avertissements.
Entre tous ces témoignages de clairvoyante compréhension, votre lettre, cher fils, Nous a particulièrement touché. Elle vient d'un pays qui Nous est cher, et d'un siège métropolitain illustré, depuis saint Remi, par une si longue série d'évêques insignes et méritants ! Elle vient surtout d'un pasteur dont Nous avons déjà souvent apprécié l'attachement aux saines doctrines et le dévouement à son troupeau.
Avec vous encore, Nous pensons que si, d'une part, les Français peuvent à bon droit se réjouir de voir affirmés dans l'encyclique certains principes qui leur sont légitimement chers — d'y voir réprouvées certaines idées qu'ils réprouvent, et blâmés certains procédés qu'ils condamnent comme la principale source des maux actuels — ils sauront aussi, avec leur esprit habituel de logique et de franchise, avec leur coeur si épris d'équité, discerner dans les lumineux enseignements de l'Eglise ce qui peut leur être utile à eux-mêmes pour favoriser l'oeuvre courageusement entreprise par eux de redressement moral et d'union nationale.
Enfin, Nous accueillons avec joie l'espoir que vous exprimez de venir à Rome l'année prochaine, souhaitant vivement avec vous que d'ici là soit rendu aux nations, par la miséricorde de Dieu et la sagesse des gouvernants, un état de choses plus favorable aux fraternelles relations des peuples entre eux, parce que plus conforme aux éternels principes de la justice et du droit.
Dans cette espérance, Nous vous accordons de grand coeur, pour vous-même, pour votre clergé et pour vos ouailles, Notre Bénédiction apostolique.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(22 novembre 1939) 1
Continuant ses instructions de vie chrétienne aux nouveaux époux, le Souverain Pontife leur donne ici ses conseils pour la sauvegarde et l'approfondissement de l'harmonie et de l'union de leurs âmes.
Tandis que vos coeurs chantent l'hymne éternel et toujours nouveau de l'amour chrétien, l'Eglise célèbre aujourd'hui la fête d'une jeune Romaine, sainte Cécile, traditionnelle patronne de la musique. Une occasion pour Nous de vous adresser quelques paroles sur l'importance d'une profonde et constante harmonie entre époux.
Peut-être penserez-vous qu'il est inutile de vous recommander l'harmonie en ces jours où l'accord parfait de vos coeurs ignore jusqu'aux dissonances. Mais ne savez-vous pas que l'usage désaccorde bientôt le meilleur instrument de musique et qu'il faut souvent le remettre au diapason ? Il en va de même des volontés humaines, dont les bonnes intentions sont sujettes au relâchement.
La condition première de l'harmonie entre époux et de la paix domestique est une constante bonne volonté de part et d'autre. L'expérience de chaque jour enseigne que dans les discussions, selon le mot du grand Manzoni, « la raison et le tort ne sont jamais tranchés par une coupe si nette que chaque partie ait le tout de l'un ou de l'autre ». Si la Sainte Ecriture compare la femme méchante à une paire de boeufs en désaccord (Si 26,10), et la femme querelleuse à un toit d'où l'eau dégoutte sans cesse durant l'hiver (Pr 27,15), elle relève également que l'homme emporté allume les querelles (Si 28,11). Regardez autour de vous : l'exemple d'autrui vous apprendra que les discordes conjugales naissent le plus souvent du manque réciproque de confiance, de condescendance et de pardon.
Vous connaîtrez ainsi la douceur de l'accord entre époux. « Trois choses, disent les Livres saints, plaisent à mon esprit et sont estimées de Dieu et des hommes : des frères qui sont unis, des proches qui s'aiment, un mari et une femme qui s'accordent bien » (Si 25,1). Cette précieuse harmonie, chers époux, vous la garderez avec soin à l'abri des dangers intérieurs ou extérieurs de discorde. Nous en relevons deux : les méfiances trop promptes à naîtres, les ressentiments trop lents à mourir.
Voici un autre péril : la jalouse méchanceté de tierces personnes, mère de la calomnie, introduit parfois dans la paisible harmonie conjugale la note troublante du soupçon : « La langue calomniatrice a chassé de leur foyer des femmes fortes, et les a dépouillées du fruit de leur travaux. Celui qui l'écoute ne jouira pas de la paix » (Si 28,19-20). La vibration fausse d'un seul instrument ne suffit-elle pas à détruire toute l'harmonie d'un concert ?
Mais les brèves dissonances, qui dans une exécution musicale blessent ou du moins surprennent l'oreille, deviennent un élément de beauté, quand par une habile modulation elles se résolvent en l'accord attendu. Il en doit être ainsi des heurts ou dissensions passagères, toujours possibles entre époux, en raison de la faiblesse humaine. Il faut résoudre sans tarder ces dissonances, il faut faire résonner les modulations bienveillantes de coeurs prompts au pardon, et retrouver ainsi l'accord, pour un instant compromis, dans la tonalité de paix et d'amour chrétien qui aujourd'hui enchante vos coeurs.
Le grand apôtre saint Paul vous révélera le secret de cette harmonie conservée ou du moins chaque jour renouvelée en votre foyer domestique : « Etes-vous en colère, dit-il, ne cédez point à vos suggestions ; que le soleil ne se couche point sur votre irritation » (Ep 4,26). Quant les premières ombres du soir vous invitent à la réflexion et à la prière, agenouillez-vous, l'un près de l'autre, devant le Crucifié qui veille la nuit sur votre repos, et répétez ensemble d'un coeur sincère : « Notre Père, qui êtes aux cieux... pardonnez-nous... comme nous pardonnons... ! » Alors les notes fausses de la mauvaise humeur se tairont, les dissonances se résoudront en une parfaite harmonie, et vos âmes reprendront ensemble leur cantique de reconnaissance envers Dieu qui vous a donnés l'un à l'autre.
Lucie- Nombre de messages : 1241
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Re: Pie XII 1939
DISCOURS A L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES
(3 décembre 1939) 1
Le 3 décembre, le Souverain Pontife a daigné honorer de sa présence l'inauguration de la quatrième année académique de l'Académie pontificale des sciences, dont le président est le R. P. Gemelli, O. F. M. Après avoir écouté le rapport sur l'activité de l'Académie durant l'année écoulée, le Saint-Père adressa à l'illustre assemblée un long et pénétrant discours sur les trois degrés de notre connaissance de Dieu : connaissance par la raison, par la foi, par la vision intuitive. En voici la traduction :
A l'agrément et à la complaisance que Nous prenons à inaugurer la nouvelle année scientifique de l'Académie pontificale des sciences, répond Notre satisfaction de Nous trouver au milieu de cette noble assemblée de cardinaux, de diplomates, de personnages distingués, d'illustres maîtres qui font des recherches sur les sciences physiques, mathématiques et naturelles et sur leur histoire. Dans une séance pareille, et dans cette même salle, déjà vous avez entendu une autre fois Notre modeste parole, messagère de Notre incomparable prédécesseur Pie XI, lorsque, pour remédier à la diminution des forces, non point de son âme ardente, mais de son corps affaibli, il soumit sa volonté au conseil de celui qui veillait sur sa précieuse existence. Son nom glorieux est désormais inscrit en caractères indélébiles dans les fastes de l'histoire, non moins qu'à la première page de cette Académie des sciences par lui constituée et qui, si sa structure et son titre rendent un son nouveau, ne fait en réalité, dans ses développements, ses desseins et son but, que reconstituer et relever à un plus moderne et universel niveau scientifique l'antique et illustre Académie dei Lincei (des lynx), déjà renouvelée par le grand pontife Pie IX, Notre prédécesseur d'impérissable mémoire.
Ce que l'Académie pontificale des sciences doit à Pie XI.
Vers Pie XI, assis lui-même, il y a un an, dans cette salle, laquelle maintenant se pare de son portrait vénéré, Notre souvenir se tourne, triste et déférent, ainsi que la gratitude de Notre âme, qui admirait dans son esprit et dans son coeur ces ascensions puissantes, ces hardiesses d'un esprit tout occupé du passé, du présent et de l'avenir ; elles entourèrent son trône des rayons de la plus haute piété, du sacrifice le plus continuel, de la plus vigilante sollicitude, de la plus ample dilatation de la foi, du plus ardent progrès de la science ecclésiastique, de l'accroissement et des fruits les plus modernes de l'investigation scientifique. Cette Académie, que lui-même avait déjà confiée aux soins du méritant et infatigable président, le P. Gemelli, vous proclame son plus vaillant titre de gloire.
Elle est une ascension alpestre, accomplie par lui sur le haut et vaste cirque des Alpes de la science, où la vérité lève altièrement la tête au-dessus des vallées et des plaines qui séparent régions et pays ; où la vérité, qui monte des abîmes de la terre et des mers et descend de la profondeur des cieux, réunit, ô illustres savants, votre génie scrutateur et votre docte voix pour chanter l'hymne de la raison humaine aux vestiges laissés dans l'univers par le Créateur, quand il eu achevé les cieux et la terre, avec tous leurs ornements (Gn 2,1-2).
Dieu se reposant de ses nouvelles oeuvres, dit saint Augustin, ne partit point pour autant, en abandonnant le monde à lui-même 2 ; mais il conserva dans son éternel dessein la prévoyante pensée de l'homme et, soutenant sur le néant avec le doigt de sa toute-puissance l'univers en mouvement, il laissa celui-ci aux disputes des hommes sans que l'homme puisse comprendre l'oeuvre que Dieu fait, du commencement jusqu'à la fin (Qo 3,11). C'est une grande énigme que Dieu a proposée au genre humain déchu ; sa solution est épuisante (Qo 1,13) ; cette énigme du Dieu inconnu opérant dans la création, que l'apôtre saint Paul désignait aux philosophes stoïciens et épicuriens de l'aréopage d'Athènes, disant que ce Dieu inconnu avait répandu la race des hommes sur toute la terre, à travers les temps, afin qu'ils cherchassent Dieu, en admettant qu'ils le puissent trouver, encore qu'il ne soit pas loin de chacun de nous (Ac 17,18-27).
2 S. Augustin, De Genesi ad litteram, 1. 4, c. 12, n. 22 — Migne, P.L., t. XXXIV, col. 304.
L'énigme de l'univers, objet d'admiration, des recherches, des travaux des savants, dans tous les siècles.
L'énigme de la création a tenu en haleine, depuis des siècles, l'admiration et l'intelligence de toutes les nations ; de ses multiples solutions ont résonné les portiques et les écoles d'Académus, du Lycée et de Stoa ; ses volumes ont rempli les bibliothèques antiques et modernes ; les divergences sur les moyens de déchiffrer cette énigme ont suscité des luttes entre les savants investigateurs de la nature, de la matière et de l'esprit. Ces travaux, ces leçons, ces volumes, ces luttes ne sont pas autre chose que des recherches de la vérité cachée dans les replis de l'énigme. Qu'y a-t-il, s'écrie le génie d'Hippone, qu'y a-t-il que l'âme humaine désire le plus, sinon la vérité 3 ?
Oui, vos âmes, illustres académiciens, appellent et cherchent la vérité qui palpite dans l'enveloppe de ce que nous voyons, écoutons, sentons, goûtons, touchons, éprouvons de mille manières et suivons de notre pensée dans la complexité des poids, des nombres, des mesures, des mouvements visibles et invisibles où cette vérité se meut, se transforme, se montre et se cache pour apparaître plus voisine ou plus lointaine ; où elle défie notre perspicacité, nos machines, nos expériences, et souvent nous menace de la terreur d'une force plus puissante que nos instruments et que nos appareils qui sont pourtant de merveilleux prodiges de notre main et de notre art industrieux. Telle est la vigueur, la séduction, la beauté, la vie impalpable de la vérité, qui se dégage de l'aspect et de l'investigation de l'immense réalité qui nous entoure. Voix et parole, que la réalité des choses envoie à notre esprit par l'intermédiaire des sens admirables de notre nature formée de chair et d'esprit, telle est la vérité recherchée par nous par les immenses voies de l'univers.
3 S. Augustin, In Joannis Evang. tract. XXVI, n. 6. — Migne, P. L., t. XXXV, col. 1609.
Notre art est enfant de Dieu.
De même que nous ne créons pas la nature, nous ne créons pas davantage la vérité : nos doutes, nos opinions, nos négligences ou nos négations ne la changent pas. Nous ne sommes pas la mesure de la vérité du monde, ni de nous-mêmes, ni de la haute fin à laquelle nous sommes destinés. Notre art sagace mesure la vérité de nos appareils et de nos instruments, de nos outils et de nos machines ; il transforme, enchaîne et dompte la matière que la nature nous présente, mais il ne la crée pas. Et notre art doit se contenter de suivre la nature, comme le disciple son maître, dont il imite l'oeuvre. Quand notre intelligence ne se conforme pas à la réalité des choses et veut rester sourde à la voix de la nature, elle s'égare dans l'illusion des songes et s'attache à de fallacieuses et trompeuses vanités. Aussi, affirmait-il avec raison le plus grand poète italien, que « la nature prend son cours de la divine intelligence et de son art... » et que « votre art, autant qu'il le peut, suit celle-là, comme le disciple son maître, de sorte que votre art est à Dieu comme un petit-fils » 4.
4 Dante, La Divine Comédie, Enfer, 11, 99-105.
La vérité scientifique est fille de la nature et petite-fille de Dieu.
Mais non seulement notre art est enfant de Dieu, mais plus encore la vérité de notre intellect, parce que, dans l'échelle de la vérité connue, il se trouve tout en bas, pour ainsi dire, au troisième degré dans la descente, en dessous de la nature et en dessous de Dieu. Entre Dieu et nous, il y a la nature. Or, la vérité de la nature est inséparable au regard de l'art infaillible de l'intelligence créatrice qui la soutient dans l'être et dans l'agir et qui en mesure ainsi la vérité dans la réalité des choses. Au contraire, elle est accidentelle à la nature et aux choses, la relation de la vérité, dont les revêt, comme effet de sa contemplation et investigation, notre débile intelligence, qui ne possède pas, comme certains le croyaient, d'idées innées dès la naissance, mais qui, par la voie des sens, entreprend la connaissance des choses perçues dans leur accidentalité et qualité extérieures, qui par elles-mêmes sont sensibles ; tellement que notre intelligence peut à peine, par le moyen de ces phénomènes extérieurs, arriver à la connaissance interne des choses, même de celles dont les caractères accidentels sont parfaitement perçus par les sensB. Aussi, l'esprit humain, non obnubilé par les préjugés et les erreurs, comprend-il que comme la nature est fille de Dieu, mesurée dans sa vérité par l'intelligence divine, de même, mesurant elle-même la connaissance de notre esprit, qui l'apprend par le canal des sens, elle fait en sorte que la vérité de notre science soit fille de cette nature et donc petite-fille de Dieu.
5 Contra Gentes, 1. 4, c. I.
Image de Dieu par son âme, l'homme monte jusqu'à Lui par l'échelle de l'univers.
Ne vous étonnez d'ailleurs p!s, ô savants investigateurs de la nature et des choses sensibles, si Nous voyons en vous les puissants et profonds évocateurs des vérités les plus cachées au sein de la nature, selon le grand principe du philosophe de Stagire, à savoir que cognitio nostra incipit a sensu, principe qui nous fait connaître la place que Dieu donne ici-bas à ce divin étranger qu'est l'homme ; étranger, qui est « des choses créées la plus belle », et dont « le front regarde le ciel et tend au ciel », et dont « la main peut tout atteindre et tout saisir, et s'endurcissant au travail, hardiment et promptement élève des cités et, à l'opposé, rase les montagnes », et dont l'esprit, image de l'Eternel, esprit dont chacun de vous qui en connaît l'admirable prison de muscles, d'os, de nerfs, de veines, de sang, de fibres, doit sentir en soi la noblesse et la grandeur, en s'exclamant devant tout enfant d'Adam déchu, qui parmi le tumulte des passions conserve encore sur le visage les traces de l'antique beauté : « Je reconnais encore les signes sacrés de la haute origine divine ; jusque dans ta ruine, tu es encore beau et grand ! » 6
L'homme, par l'échelle de l'univers, monte jusqu'à Dieu ; l'astronome, en parvenant jusqu'au ciel, ne peut êXcchs0 tre incrT'e9dule à la voix du firmament ; la pensée suivie par l'amour et l'adoration dépasse les soleils et les nébuleuses astrales et cingle vers un Soleil qui illumine et réchauffe, non l'argile de l'homme, mais biel l'esprit, qui l'avive.
Voilà la joie de savoir, de connaître, ne fût-ce qu'un peu, l'immense océan de vérité qui nous environne, nous qui naviguons dans la nacelle de notre vie avec la boussole de notre esprit. Mais dans cette croisière intellectuelle, « plus qu'inutilement, il s'éloigne de la rive, parce qu'il ne revient pas tel qu'il en était parti, celui qui va à la recherche du vrai sans avoir l'art de le trouver » 7.
Monti, La bellezza deWuniverso. 7 Divine Comédie, Paradis, 13, 121
Les recherches et les découvertes scientifiques révèlent les secrets de la nature et permettent des applications utiles à l'humanité.
A la joie de connaître, ô illustres savants, vous joignez l'art de la recherche du vrai, et vous retournez dans la retraite silencieuse de vos études et de vos laboratoires, non tels que vous en étiez sortis, mais enrichis d'une pensée qui est la conquête d'une énigme pour accroître le merveilleux patrimoine de la science. Telle est la voie du progrès humain, voie rude, voie marquée des traces des plus audacieux héros des découvertes, de Thaïes, d'Aristote, d'Archimède, de Ptolémée, de Galien à Bacon, à Léonard de Vinci, à Copernic, à Galilée, à Kepler, à Newton, à Volta, à Pasteur, à Curie, à Hertz, à Edison, à Marconi, à cent autres ; à vous enfin, qui recevant de leurs mains le flambeau de la recherche et de la science, le transmettez plus lumineux à de plus jeunes héros que ne découragent pas les traverses et les épreuves de la route et que n'effrayent pas les monuments funéraires de leurs glorieux devanciers tombés en chemin. L'enseignement est le père de l'invention : « petite étincelle engendre grande flamme. » Aux découvertes des prédécesseurs s'ajoutent, développant et corrigeant, les nouveaux résultats des inventions des continuateurs, des prodiges de science physique, mathématique et industrielle, dont notre époque reste étonnée, dans son pressentiment et son avidité de plus ravissantes merveilles. Le secret de la vérité, caché depuis des siècles et enseveli dans l'univers, vous nous le révélez ; vous êtes sur le point de décomposer l'atome lui-même, pour tenter d'arriver à une connaissance plus intime de la constitution des corps ; vous éveillez et révélez des forces inconnues de nos aïeux, vous les maîtrisez et les dirigez comme il vous agrée, vous en propagez la voix et la multipliez jusqu'aux extrémités de la terre et, conjointement à la parole, vous vous préparez à faire resplendir devant notre regard l'image vivante de nos frères et du monde des antipodes, tandis que d'une aile vrombissante vous vous élevez du sol pour disputer aux aigles le royaume des vents et pour les vaincre en vitesse et en altitude.
Comme l'aviateur, l'homme doit monter utilisant la création pour aller plus avant dans la connaissance de Dieu.
Ce merveilleux élan que prend l'homme vers le ciel, au-dessus des cités, des plaines et des monts du globe, il Nous semble que Dieu l'a accordé à l'esprit humain en ce siècle, pour lui rappeler une fois de plus comment de « la petite aire qui nous rend si fiers » 8, l'homme peut monter vers Dieu par la voie même par laquelle descendent les choses créées ; et ainsi, alors que toutes les perfections des choses descendent en bon ordre de Dieu, qui domine comme d'un sommet toute l'échelle des êtres, l'homme, au contraire, en commençant par les créatures les plus inférieures et montant de degré en degré, peut avancer dans la connaissance de Dieu, cause première, toujours plus ennoblie de chacune de ses créations. La vérité que vous apprennent les choses inférieures dans leur variété et leur diversité n'est pas celle qui « produit la haine », mais bien cette vérité qui plane au-dessus des divisions et des dissensions entre les âmes, qui rapproche fraternellement les intelligences et les esprits dans l'amour du vrai, parce qu'une vérité aime l'autre et, comme des soeurs, filles d'une même mère, la sagesse divine, elles s'embrassent sous le regard de Dieu. En vous, qui avec un regard perspicace et scrutateur étudiez la nature, Notre prédécesseur, de vénérée mémoire, reconnut les grands amis de la vérité, dans cet amour commun, votre science vous rapproche et vous fait donner, au milieu des luttes qui ensanglantent le monde, un exemple insigne de cette union pour des buts pacifiques, que ne troublent pas les frontières des montagnes et des fleuves, des mers et des océans.
8 Ibid. Paradis, 22, 151.
L'Eglise, progrès divin dans le monde et mère de la civilisation la plus parfaite.
Amie de la vérité, l'Eglise admire et aime le progrès du savoir humain à l'égal de celui des arts et de tout ce qu'elle sait être apte par sa beauté et sa bonté à exalter l'esprit et à promouvoir le bien. Est-ce que l'Eglise n'est pas elle-même le progrès divin dans le monde et la mère du plus haut progrès intellectuel et moral de l'humanité et de la vie civile des peuples ? Elle s'avance à travers les siècles, maîtresse de vérité et de vertu, luttant contre les erreurs, non contre les hommes qui errent, ne détruisant pas, mais édifiant, plantant des roses et des lis sans déraciner les oliviers et les lauriers. Elle garde, et souvent elle sanctifie les monuments et les temples de la grandeur païenne de Rome et de la Grèce. Si, dans ses musées, Mars et Minerve n'ont plus d'adorateurs, dans ses monastères et ses bibliothèques, Homère et Virgile, Démosthène et Cicéron parlent encore ; et sans hésiter, à côté de l'aigle d'Hippone et du soleil d'Aquin, elle place Platon et Aristote. Elle invite toutes les sciences dans les Universités qu'elle a fondées ; elle appelle autour d'elle l'astronomie et les mathématiques pour corriger l'antique mesure du temps ; elle appelle tous les arts, illuminés par la splendeur du vrai, à rivaliser en l'honneur du Christ avec les basiliques des Césars et à les dépasser même par leurs coupoles vertigineuses, leurs ornements, leurs images, leurs statues qui immortalisent le nom de ceux qui les exécutent.
Les deux livres d'études de l'homme : l'univers et la Bible.
Comme tous les arts, toute science sert Dieu, parce que Dieu est le « Maître des sciences et enseigne à l'homme la science » (Ps 93,10). Dans ses études profondes, l'homme a deux livres : celui de l'univers, où la raison humaine étudie, cherchant la vérité des choses bonnes faites par Dieu ; celui de la Bible et de l'Evangile, où l'intelligence étudie à côté de la volonté, en quête d'une vérité supérieure à la raison, sublime comme le mystère intime de Dieu, connu de lui seul. A l'école de Dieu, se rencontrent philosophie et théologie, parole divine et paléontologie, la séparation de la lumière des ténèbres et l'astronomie, la terre subsistant toujours (Qo 1,4) et son mouvement autour du soleil, le regard de Dieu et le regard de l'homme. La bonté de Dieu, semblable à celle d'une mère, balbutie en quelque sorte le langage humain (cf. 1Th 2,7) pour faire retenir à l'homme la vérité sublime qu'elle lui manifeste dans une école de vérités amies, qui l’élèvent et font de lui, dans l'étude de la nature et de la foi, le disciple de Dieu. Cette école, l'Eglise la fait sienne et elle en fait son magistère.
La raison et la foi, rapports réciproques.
La raison n'est-elle pas au service de la foi, à laquelle elle rend — en précisant ses fondements et en la défendant — ce rationabile obsequium (Rm 12,1), cet hommage qui provient de la marque de la ressemblance divine d'où la raison tire sa beauté ? Et la foi, à son tour, n'exalte-t-elle pas la raison et la nature, conviant à bénir le Seigneur toute la multitude variée des créatures de l'univers, du ciel et de la terre, dans le cantique des trois enfants dans la fournaise de Babylone? Et vous voyez l'Eglise, en son Rituel, bénir les oeuvres de la raison et du génie humain, les presses des imprimeries et les bibliothèques, les écoles et les laboratoires, les télégraphes et les voies ferrées, les centrales électriques et les aéroplanes, les voitures et les navires, les fours et les ponts, et tout ce que l'esprit et le talent de l'homme apportent au véritable et sain progrès de la vie et de la société humaines.
La foi et la raison s'aident l'une l'autre.
Non, l'hommage de la raison à la foi n'humilie pas la raison, mais l'honore et l'élève, parce qu'il est tout à la gloire du progrès et de la civilisation humaine d'aider la foi dans sa marche évangéli-que à travers le monde. La foi n'est pas orgueilleuse, ce n'est pas une maîtresse qui tyrannise la raison ou la contredit ; le sceau de la vérité n'est pas diversement imprimé par Dieu dans la foi et dans la raison. Bien plutôt, au lieu de s'opposer, elles s'aident l'une l'autre, comme Nous l'avons déjà dit, puisque la droite raison démontre les fondements de la foi et, à sa lumière, en éclaire les termes, et que la foi préserve la raison de l'erreur, qu'elle l'en sauve lorsqu'elle y est tombée, et l'instruit par ses connaissances de tous genres. C'est pourquoi Nous ne doutons pas qu'il soit tout à l'honneur de cette Académie pontificale des sciences de rappeler devant vous ce que définissait le grand Concile du Vatican quand il affirmait : « Tant s'en faut que l'Eglise s'oppose au développement des sciences et des arts, au contraire elle le favorise et le fait progresser de multiples manières. Elle n'ignore pas, en effet, ni ne méprise les avantages qui en dérivent pour la vie humaine ; bien plus, de même que les sciences viennent de Dieu, Maître des sciences, c'est un fait reconnu qu'elles conduisent à Dieu, avec l'aide de sa grâce, ceux qui les étudient selon les règles. » 9
9 Conc. Vatic, Sess. lit, can. IV.
Liberté de la méthode et des recherches scientifiques.
Et dès lors, nobles champions des sciences et des arts humains, l'Eglise vous reconnaît la juste liberté de la méthode et des recherches, liberté sur laquelle Notre immortel prédécesseur Pie XI fondait cette Académie, sachant bien ce qu'enseigne le même Concile du Vatican, que l'Eglise « ne défend nullement que les disciplines de ce genre se servent chacune dans son domaine de principes qui leur sont particuliers et d'une méthode propre ; mais, reconnaissant cette juste liberté, elle veut éviter avec soin qu'elles acceptent des erreurs contraires à la divine doctrine, ou que, franchissant leurs limites propres, elles s'occupent de choses touchant à la foi et y jettent le désordre. » 10
Dans ces paroles du Sénat universel et sacré de l'Eglise catholique, se trouve sanctionnée toute votre juste liberté scientifique et exprimé le plus haut éloge qui vous puisse être adressé pour les avantages procurés par vous à la civilisation et dont l'Eglise elle-même tire profit pour sa mission dans le monde. C'est, en effet, tout à la louange des sciences et de leurs admirables inventions, si le héraut du Christ devance les saisons, prévoit les ouragans et les tempêtes, vole au-dessus des plaines et des montagnes, visite rapidement mille lieux déserts et glacés, multiplie sa voix et ses bienfaits, abrège la durée de ses voyages, se fait médecin et soigne les corps pour régénérer les âmes. C'est tout à l'éloge de votre incomparable collègue, le regretté Marconi, si Notre parole paternelle et Notre Bénédiction résonnent au-delà des mers et des océans et portent aux peuples lointains l'affection et les espérances de Notre coeur, tandis que les obélisques de Rome répercutent puissamment Notre voix. Les sciences ne sont-elles donc pas dignes à juste titre de toute Notre estime et de Notre louange ?
10 Conc. Vatic, Sess. III, can. IV.
« L'école d'Athènes », peinture saisissante du portique que la science et les arts dressent à l'entrée du temple de la foi.
De cet admirable et légitime lien entre les sciences et la foi, de ce portique que la science et les arts dressent à l'entrée du temple de la foi, il est dans les Chambres de la Signature au Vatican une composition qui, depuis des siècles déjà, étonne le monde : la science et la foi s'y contemplent et s'illuminent l'une l'autre dans la lumière sublime de la pensée, sous le pinceau de l'incomparable peintre d'Urbino 11. Certainement, vous vous êtes arrêtés, remplis d'admiration, devant la scène connue sous le nom d'« école d'Athènes ». Dans ces personnages, vous avez reconnu vos plus anciens prédécesseurs dans les recherches scientifiques sur la matière et sur la vie, dans la contemplation et la mensuration des cieux, dans l'étude de la nature et de l'homme, dans les calculs mathématiques et les discussions savantes. La recherche du vrai anime et colore ces visages et les mouvements de ces images qui semblent parler de l'une ou de l'autre des sciences spéculatives ou pratiques, de leurs veilles, de leur esprit concentré et comme ravi hors de lui-même dans une discussion intérieure, vérifiant et vérifiant encore, pour arriver à trouver un peu de vérité vraie au milieu d'un amas de prétendues vérités, afin d'édifier un monde de mondes divers qui, évidemment, ne peuvent être tous réels ! Ainsi vous voyez en ce temple de la science Platon placer la source du savoir dans le ciel, Aristote sur la terre, et s'opposer l'un à l'autre, d'ailleurs incomplètement satisfaits de leurs hautes conclusions. Ils conservent inapaisée la soif quasi infinie de l'intelligence humaine qui veut tout embrasser ; ils sentent qu'au-delà de la nature d'ici-bas, vit et domine une puissance suprême en un monde caché. Ils sentent en eux un esprit immortel qui les pousse en haut, mais ils ne sentent pas l'esprit qui pourrait les vivifier et leur donner des ailes pour voler.
H Raphaël est né à Urbino, ville de la province de Pesaro (Italie).
Les trois degrés de notre connaissance de Dieu : connaissance par la raison, par la foi, par la vision intuitive. « La dispute du Saint Sacrement ».
Devant cette scène et cette assemblée de « grands esprits »12 qu'un art admirable représente à notre regard, nous inclinons la tête et demeurons troublés, en pensant à la difficulté de la marche dans les sentiers de la science et en songeant que toute la science acquise au prix de grandes fatigues n'apaise pas dans le bonheur les espérances et les aspirations de l'âme humaine. Nous sommes immortels, nous sommes nés destinés à un autre monde, à ce monde caché à la raison qu'en face de « l'école d'Athènes » nous révèle et nous représente la grande composition à laquelle fut donné le nom de « Dispute du Saint Sacrement ». Il semble que dans le dessin de ces deux scènes vivantes, le génie de Thomas d'Aquin a guidé la main de Raphaël, lui indiquant les trois degrés de la connaissance par rapport à Dieu : le premier représenté dans l'assemblée des sciences par lesquelles l'homme monte des créatures jusqu'à Dieu par la seule lumière de sa raison ; le second, symbolisé dans l'autel du Saint Sacrement, synthèse et centre de la vérité divine transcendante à l'intelligence humaine et descendant vers nous ici-bas par une révélation présentée à notre croyance ; et le troisième, exprimé dans l'apparition de la cour céleste entourant Dieu visible au regard de l'esprit humain surélevé jusqu'à voir parfaitement les vérités révélées 13. De la science à la foi ; de la foi à la vision intuitive de la première et suprême Vérité, source de toute vérité.
" Dante, Enfer, 4, 19.
Les trois écoles où l'esprit humain trouvera complète satisfaction. Dans l'école de la nature, le monde visible est notre maître.
Il y a trois écoles hiérarchisées par lesquelles, en s'élevant de l'une à l'autre, on atteint par degrés le plein apaisement de l'intelligence humaine. Dans l'école de la nature, pendant que les cieux racontent la gloire de Dieu, nous avons pour maîtres les corps qui cachent leurs causes dernières,mais qui par leurs formes et leurs mouvements permettent à nos sens de les découvrir, désireux qu'ils sont, semblerait-il, eux qui ne peuvent connaître, de se faire du moins connaître. Ils nous parlent par leur beauté, par leur ordre, par leur force et leur grandeur démesurée. Si vous interrogez les astres, le soleil, la lune, la terre, la mer, les abîmes, et tous les vivants qui s'y meuvent, ils vous répondront comme à Augustin de Tagaste : « Nous ne sommes pas ton Dieu ; cherche au-dessus de nous » 14. Oh ! homme, effrayé en présence du monde, ne fais pas avec les débris de la nature, selon les paroles de la sagesse divine, un dieu à ton image et qu'il te faudrait fixer avec du fer à la muraille, pour qu'il ne tombe pas (Sg 13,15-16) ; ne demande pas la santé à un malade, la vie à un mort, l'aide à un être inutile, protection pour un voyage à qui ne peut marcher (Sg 13,18).
13 Contra Centes, I. 4, c. 1. « Confessions, 1. X, c. VI, n. 9.
A l'école de la foi, le Maître infaillible est le Dieu de l'Eucharistie.
Au-dessus de l'école de la nature se trouve l'école de la foi, dont le Maître infaillible est le Dieu présent et caché dans le sacrement de l'autel, Sagesse divine incarnée, Verbe du Père. Sa voix toute-puissante qui enseigne aux philosophes anciens et modernes l'origine de l'univers à partir du néant envoie aussi ses apôtres apprendre à toutes les nations une science plus haute que la raison, à laquelle aucun de ses adversaires ne peut résister ni contredire (Lc 21,15) ; et il enrôle parmi ses disciples, à côté des grands pontifes romains et de la cohorte des Pères et des Docteurs, les plus hauts génies de la poésie, des sciences et des arts, et, mêlées aux princes de la terre, les âmes extasiées et priantes des simples fidèles. Dans cet ostensoir se concentre toute la foi chrétienne ; là se trouve le même Dieu, Voie, Vérité et Vie, que désigne du doigt dans le ciel le Docteur qui se tient près de l'autel.
Le ciel, école divine la plus sublime.
Contemplation du Christ, le Maître des maîtres, et, dans la lumière divine, connaissance de Dieu et de ses oeuvres.
Et dans le ciel, Raphaël élève au sublime sa propre foi, essayant avec son pinceau de représenter le Christ siégeant au-dessus des nuées de la foi, dans la splendeur manifestée de l'éclatante lumière éternelle, sur le trône de l'amphithéâtre céleste, entouré de la couronne des saints et des anges, avec le Père et le Saint-Esprit. Ce ciel est la plus haute école divine ; ce trône est la chaire du Maître des maîtres, « en qui se trouvent tous les trésors de la sagesse et de la science » (Col 2,3). Il possède la sagesse de toutes choses et des mystères divins ; il a la science de toutes les choses créées, parce qu'il est le Verbe par qui tout a été fait et sans lequel rien de ce qui existe n'a été fait (Jn 1,3). Oh ! quand nous sera-t-il donné d'aller là-haut nous faire les disciples d'un tel Maître, de le contempler et de l'écouter ; et à son école ineffable et dans sa lumière divine, par l'oeil de l'âme, de connaître les sciences spéculatives et pratiques, les causes et les effets, la matière, la formation et l'ordre de tout ce qui est dispersé et contenu dans le ciel et la terre, de tout ce qui forme le monde et la nature ; et enfin, dans le livre des idées éternelles et infinies du Verbe divin, de tout comprendre, en un seul regard, beaucoup plus que nous ne le ferions au cours de mille années d'études, et mieux que si nous possédions la pénétration d'esprit de tous les plus grands génies de la terre, et plus parfaitement que si nous contempliions les choses en elles-mêmes. « Quand donc irai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu ? » (Ps 41,2).
Voeux et prières du Vicaire du Christ.
Là-haut, à cette école béatifiante et la plus sublime, à cette connaissance en Dieu de toutes les sciences humaines et divines, où trouve sa satisfaction notre insatiable désir de comprendre et de pénétrer tous les genres et les espèces, les forces et l'ordre de l'univers, par quoi se complète la perfection même naturelle de notre nature spirituelle ; à ce festin de sagesse et de science, inépuisable et perpétuel où s'effacent toutes les erreurs passées ; Nous demandons à Dieu — en élevant vers le ciel des voeux jaillis de la profondeur de Notre affection de Vicaire de Jésus-Christ et de Père commun — qu'il nous accorde à tous un jour d'aller recevoir la récompense impérissable de nos fatigues terrestres, dans ces parvis de gloire. Oubliant alors jusqu'à la splendide fresque de Raphaël, fruit de concepts mortels, nous verrons vraiment se consommer en nous l'ardeur de notre désir, et avec la divine vision de Dante, arrivé à l'Empyrée lors de son voyage dans l'autre monde, et entrant en « la sublime lumière, qui est vraie par elle-même » 15, nous verrons comment « dans sa profondeur... est contenu, lié par l'amour en un volume, ce qui est dispersé en feuillets dans l'univers » 16.
15 Paradis, XXXIII, 54. 18 Paradis, XXXIII, 85-88.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(6 décembre 1939)1
Ce discours a pour thème la splendeur de l'Immaculée Conception et la chasteté conjugale.
Vous venez de vous unir par de saintes promesses qui entraînent de nouveaux et graves devoirs, chers jeunes époux, et vous voilà en présence du Père commun des fidèles, pour recevoir ses exhortations et sa bénédiction.
Nous souhaitons que vous tourniez aujourd'hui vos regards vers la très douce Vierge Marie, dont l'Eglise après-demain célébrera la fête sous le titre de l'Immaculée Conception. Titre suave, prélude de toutes les autres gloires de Marie, privilège unique, au point de sembler quasi identifié avec sa personne même : « Je suis, dit-elle à sainte Bernadette dans la grotte de Massabielle, je suis l'Immaculée Conception ».
Une âme immaculée ! Lequel d'entre vous, au moins en ses meilleurs moments, n'a pas désiré l'être ? Qui n'aime point ce qui est pur et sans tache ? Qui n'admire la blancheur des lys qui se mirent dans le cristal d'un lac limpide, ou les cimes neigeuses qui reflètent l'azur du firmament ? Qui n'envie l'âme candide d'une Agnès, d'un Louis de Gonzague, d'une Thérèse de l'Enfant-Jésus ?
L'homme et la femme étaient immaculés lorsqu'ils sortirent des mains créatrices de Dieu. Souillés par le péché, ils durent commencer par le sacrifice expiatoire de victimes sans tache l'oeuvre de purification que seul « le précieux Sang du Christ, celui de l'Agneau sans défaut et sans tache » (1P 1,19), rendit efficacement rédemptrice. Et pour continuer son oeuvre, Jésus-Christ voulut que l'Eglise, sa mystique épouse, « fut sans tache, sans ride... sainte et immaculée » (Ep 5,27). Chers époux, tel est précisément le modèle que le grand apôtre Paul vous propose : « Maris, écrit-il, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise » (Ep 5,25), car ce qui fait la grandeur du sacrement de mariage, c'est son rapport avec l'union du Christ et de l'Eglise (Ep 3,32).
Vous penserez peut-être que l'idée d'une pureté sans tache s'applique exclusivement à la virginité, idéal sublime auquel Dieu appelle non pas tous les chrétiens, mais seulement des âmes d'élite. Vous connaissez de ces âmes, mais, tout en les admirant, vous n'avez pas cru que telle fût votre vocation. Sans tendre vers le sommet du renoncement total aux joies terrestres, vous avez, en suivant la voie ordinaire des commandements, le légitime désir de vous voir entourés d'une glorieuse couronne d'enfants, fruits de votre union. Et pourtant l'état de mariage, voulu par Dieu pour le commun des hommes, peut et doit avoir sa pureté sans tache.
Est immaculé devant Dieu quiconque accomplit ses devoirs d'état avec fidélité et sans faiblesse. Dieu n'appelle pas tous ses enfants à l'état de perfection, mais Il invite chacun d'eux à la perfection de son état. « Soyez parfaits, disait Jésus, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48). Vous connaissez les devoirs de la chasteté conjugale. Ils exigent un réel courage, héroïque parfois, et une confiance filiale en la Providence ; mais la grâce du sacrement vous a été donnée précisément pour faire face à vos devoirs. Ne vous laissez donc pas dérouter par des prétextes trop en vogue et des exemples malheureusement trop fréquents.
Ecoutez plutôt les conseils de l'ange Raphaël au jeune Tobie qui hésitait à prendre pour épouse la vertueuse Sara : « Ecoutez-moi, et je vous apprendrai quels sont ceux sur qui le démon peut prévaloir : ce sont ceux qui entrent dans le mariage en bannissant Dieu de leur coeur et de leur pensée » (Tb 6,16-17). Et Tobie éclairé par cette exhortation angélique dit à sa jeune épouse : « Nous sommes les enfants des saints et nous ne pouvons pas nous unir comme les païens qui ignorent Dieu » (Tb 8,5). N'oubliez jamais que l'amour chrétien a un but bien supérieur à une fugitive satisfaction.
Ecoutez enfin la voix de votre conscience, qui répète au fond de vous-mêmes l'ordre donné par Dieu au premier couple humain : « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1,22). Alors, selon l'expression de saint Paul, « le mariage sera honoré de tous et le lit conjugal exempt de souillure » (He 13,4). Demandez cette grâce spéciale à la Sainte Vierge au jour de sa prochaine fête.
Pour devenir la digne Mère de Dieu, Marie fut immaculée dès sa conception. Aussi l'Eglise prie-t-elle dans sa liturgie, où résonne l'écho de ses dogmes : « Dieu, qui par la conception immaculée de la Vierge avez préparé à votre Fils une demeure digne de Lui... » 2. Cette Vierge Immaculée, devenue Mère par un autre unique et divin privilège, saura donc comprendre vos désirs de pureté intérieure et les joies familiales auxquelles vous aspirez. Plus votre union sera sainte et exempte de péché, plus Dieu et sa Mère très pure vous béniront, jusqu'au jour où la Bonté suprême unira à jamais dans le ciel ceux qui se seront chrétiennement aimés sur la terre.
C'est en formant ces voeux que Nous vous accordons de tout coeur, chers époux, à vous et à tous les fidèles ici présents, la Bénédiction apostolique, gage des grâces divines les plus abondantes.
2 Collecte de la messe de l'Immaculée Conception.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR D'ITALIE
(7 décembre 1939) 1
Le 7 décembre, S. Exc. le Dr Dino Alfieri, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Italie, remettant ses lettres de créance, rappelait au Saint-Père les bienfaits procurés à l'Italie par les accords du Latran : unité spirituelle, paix intérieure et union des esprits. Sa Sainteté répondit ainsi :
La présentation solennelle des lettres de créance par lesquelles S. M. le roi-empereur accrédite près de Nous Votre Excellence comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, haute charge où vous succédez à d'illustres personnages, dont les remarquables qualités et l'activité féconde laisseront toujours ici un reconnaissant souvenir, a lieu en une période historique de singulière importance, comme Votre Excellence elle-même le relevait fort bien à l'instant, en soulignant les divers aspects de la situation.
Avant toute autre considération, se présente cette heureuse circonstance que, cette année même, s'achève le dixième anniversaire de la conclusion de ces accords de Latran qui, dans la conscience du peuple italien, signifièrent et apportèrent la réalisation providentielle d'une paix anxieusement attendue pendant les nombreuses années de la douloureuse dissension qui troublait les âmes et entravait pratiquement les énergies d'un grand nombre des meilleurs fils de cette terre glorieuse et privilégiée d'Italie, tandis que dans la conscience du monde catholique ces mêmes accords, tant souhaités, signifièrent la reconnaissance nouvelle, solennelle et déclarée de la souveraineté réelle et effective et de l'indépendance du Chef suprême de l'Eglise.
Dès lors, si Nous entendons avec plaisir le voeu, ou mieux la certitude joyeuse, exprimée par Votre Excellence, que les rapports
1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXI, 1939, p. 704 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XLI, 1940, col. 449.
AMBASSADEUR D'ITALIE
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de cordiale et confiante entente entre l'Eglise et l'Etat en Italie, fondés sur l'oeuvre de paix du Latran, continueront à se développer dans un esprit de fidèle respect, ainsi également de Notre côté, Nous donnerons à ces hautes intentions de votre auguste souverain et de son gouvernement tout ce bienveillant appui que requièrent l'élévation d'un tel but et ses effets bienfaisants pour le développement pacifique et la prospérité du peuple italien.
Dans les difficultés de l'heure présente, quand les autorités des Etats, dans le cadre de leur activité intérieure et extérieure, se trouvent en face de tâches qui imposent d'extraordinaires efforts à leurs énergies de décision et d'action ; quand l'accomplissement de si lourdes charges de gouvernement, en raison du poids des sacrifices exceptionnels qui y sont inséparablement unis, rend plus que jamais nécessaire la confiance profonde et la loyale adhésion de la masse du peuple, masse populaire qui, aujourd'hui comme toujours, est constituée surtout par ceux qui portent la croix le long de la voie douloureuse que l'humanité doit de nouveau parcourir ; en de telles circonstances, disons-Nous, l'harmonie entre les deux pouvoirs et la paix intérieure qui en découle comme son fruit sont le remède le plus efficace pour alléger les difficultés, et en même temps le meilleur présent que l'Etat puisse faire à lui-même et à ses citoyens.
En ce moment où Votre Excellence inaugure son honorable mission, l'action du Saint-Siège en faveur de la paix et de l'entente entre les peuples apparaît comme un devoir urgent, certes, mais non moins difficile et épineux. Difficile surtout parce que les idées fondamentales de justice et d'amour, qui font non seulement le bonheur des individus, mais aussi la noblesse et le progrès de la vie sociale, sont tombées, sous bien des aspects — par un faux processus de pensée et d'action qui humanise le divin et divinise l'humain — dans un oubli et un mépris qui, en certains endroits, se manifestent dans une mesure toujours plus préoccupante. Un si faux développement, ou plutôt un tel renversement des principes de la justice et des devoirs de la morale a entendu et voulu substituer à la conception chrétienne de la vie, de la communauté et de l'Etat, des doctrines et des pratiques dissolvantes et destructrices qui placent le progrès civil et humain dans le rejet des obligations du droit naturel et de la révélation divine, dont la lumière éblouissante resplendit de cette Rome sacrée sur le monde entier.
Chacune de ces erreurs, comme en général toute erreur, a ses périodes : son temps de croissance et son temps de décadence ; son midi et son crépuscule ou son couchant précipité. Deux périodes : l'une, quand l'enivrant poison des doctrines séductrices emporte et rend folles les masses et les enchaîne à son pouvoir ; l'autre, quand les fruits amers mûrissent, quand les yeux des masses, ou du moins des hommes plus sensés et réfléchis les considèrent, atterrés, se souvenant des calculs et des promesses, qui s'avèrent fallacieux, par lesquels ils ont été attirés dans l'erreur. Aujourd'hui combien de regards s'ouvrent et se rouvrent, jusqu'ici demeurés fermés !
Mais d'une façon spéciale, l'assentiment que Votre Excellence, en des paroles élevées, a manifesté à l'égard des pensées fondamentales de Notre récente encyclique pour la tranquille et fraternelle union des âmes et pour la paix dans la justice, Nous donne l'heureuse espérance que Nos sollicitudes ultérieures pour un but si élevé trouveront toujours un écho fidèle dans le vaillant, fort et laborieux peuple italien, que la sagesse des gouvernants et sa propre impulsion intime ont jusqu'ici heureusement préservé de se trouver impliqué dans la guerre, le plaçant ainsi même dans la situation la plus favorable pour mieux collaborer à l'avènement et au rétablissement d'une vraie paix, fondée sur les nobles principes de la justice et de l'humanité.
Et tandis que du fond de Notre coeur Nous supplions le Tout-Puissant d'assister de ses lumières et de sa protection l'Italie et ses gouvernants, Nous accordons très volontiers à S. M. le roi-empereur et à toute la famille royale, à S. Exc. le chef du gouvernement, à tout le peuple italien, qui Nous est si voisin et si cher, et en particulier à Votre Excellence la Bénédiction apostolique implorée.
EXHORTATION APOSTOLIQUE AUX PRÊTRES ET AUX CLERCS APPELÉS AUX ARMÉES
(8 décembre 1939) 1
Conscient de certaines circonstances tragiques, conséquences de la guerre, le Souverain Pontife adressa aux prêtres et aux clercs appelés aux armées ses recommandations et conseils pour la nouvelle vie à laquelle ils sont astreints :
Parmi les dures angoisses et préoccupations qui émeuvent Notre âme, à la suite de cette guerre que Nous avons vainement tenté de conjurer par tous les moyens, votre sort et la situation qui vous est faite Nous affligent plus profondément, très aimés prêtres et clercs, vous que la tempête a soudainement saisis et obligés à quitter votre ministère sacré et vos paisibles maisons d'études pour vous mobiliser et jeter au milieu des armées.
Non habitués au genre de vie que vous menez maintenant à l'improviste, vous avez été amenés à servir dans les casernes, dans les hôpitaux, dans les ambulances et même parmi les unités combattantes, les uns en qualité d'aumôniers militaires, les autres — et c'est le grand nombre — pour remplir des fonctions auxquelles votre vocation ne vous destine point.
Partout où vous vous trouvez, les Vicaires aux armées ou aumôniers en chef vous accompagnent de leur sollicitude attentive, vigilante, paternelle. Nous avons pleinement confiance dans leur travail parce qu'il est sagement organisé, incessant, appuyé sur de salutaires conseils. Aussi, il n'est pas douteux qu'ils n'accomplissent, chacun dans sa patrie, une oeuvre qu'on doit regarder comme importante à tous égards et riche en fruits de salut, du fait que, mus par
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 696 : cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XLI, 1940, col. 161.
le sentiment de leur devoir, ils sont prêts à remplir les tâches les plus ardues. Cette sollicitude toujours agissante leur vaut Notre pleine confiance, et Nous vous la rappelons volontiers pour que vous soyez reconnaissants envers ceux qui s'occupent de vous et que vous leur obéissiez avec docilité : les supérieurs peuvent, en effet, s'acquitter aisément des charges qui leur sont confiées si leurs subordonnés exécutent de bon gré leurs ordres.
Afin que les réconforts spirituels ne manquent ni à vous ni aux hommes confiés à votre ministère, Nous avons l'intention d'ajouter à tous les pouvoirs déjà accordés par Nous aux Vicaires aux armées ou aumôniers en chef dans les nations ou régions où existe ou bien existera soit l'état de guerre, soit la mobilisation, d'autres pouvoirs extraordinaires. Cela vous manifestera plus ouvertement l'amour paternel que Nous vous gardons dans ces souffrances et ces angoisses où vous avez été jetés 2.
Mais cette charge que Nous avons confiée aux Vicaires aux armées ou aux aumôniers en chef ne Nous dispense pas de l'obligation qui Nous incombe de vous faire connaître directement Nos sentiments, de vous exhorter en ce moment si grave à regarder attentivement et à remplir avec ardeur, entraînés par la conscience et l'esprit de votre vocation, ce qu'exige votre nouveau genre de vie.
Garder l'esprit sacerdotal.
Encore que vous ayez changé de costume, vous ne devez pas vous dépouiller de l'esprit qui présidait à votre activité habituelle. Qu'il vous inspire au milieu des camps, comme il vous inspirait lorsque chez vous vous accomplissiez les fonctions sacerdotales. Le même Père céleste qui vous a appelés à l'autel a permis que vos habitudes d'étude et de labeur sacré soient interrompues. Il vous a appelés à lui, souvenez-vous-en, non pas seulement pour le service du culte divin dont l'accomplissement n'est certainement pas le seul but du sacerdoce de l'Eglise catholique, mais aussi pour que vous soyez des hérauts de la parole de Dieu, des semeurs de l'Evangile, des ambassadeurs du Christ que vous devez faire connaître, faire désirer, faire aimer le mieux possible. Qu'il soit vôtre le programme du bienheureux apôtre Paul qui se glorifiait de ne rien savoir d'autre, de ne rien porter d'autre aux nations que le
2 Cf. ci-après, p. 401, le document de la Sacrée Congrégation Consistoriale, accordant aux. Ordinaires aux armées de nouveaux pouvoirs.
Christ et le Christ crucifié. Le Christ, il le portait autant par le témoignage de sa vie que par sa prédication, en tout lieu, en tout temps, en public et en privé, aussi bien lorsqu'il pouvait regarder la voûte azurée du ciel que lorsqu'il était en captivité. C'est de sa prison, où il recevait ceux qui venaient à lui et prêchait librement le royaume de Dieu, qu'il écrit aux Philippiens : « Frères, je désire que vous sachiez que ce qui m'est arrivé a plutôt tourné au progrès de l'Evangile » (Ph 1,12).
Demeurer apôtres sous l'uniforme.
Aujourd'hui, Dieu a permis que vous quittiez vos occupations ordinaires, qu'à l'armée vous soyez mis en contact avec des hommes qui diffèrent par l'éducation, les moeurs, la science, la profession, la foi religieuse, souvent éloignés de Dieu, ne connaissant ni Jésus-Christ ni l'Evangile, dépourvus même des rudiments de la foi, préoccupés par toutes sortes d'affaires plus que par ce qui regarde leur âme et leur salut éternel. Voici que la miséricorde de Dieu vous envoie vers ceux qui peut-être vous méprisaient, qui refusaient de recevoir de vous la parole du salut et la grâce de Jésus-Christ notre Sauveur ! Elle les amène à vous, en les rendant compagnons de vos occupations et de vos dangers, de vos peines et de vos souffrances.
Sachez apprécier à sa juste valeur ce qu'apporte l'heure qui passe. Ne jugez pas d'après des vues et des normes humaines les circonstances auxquelles est due la situation pénible d'aujourd'hui ; mais voyez-y la volonté toujours excellente et adorable du Père céleste qui tire le bien du mal et qui, en vous appelant sous les armes, désire par votre moyen au milieu de tant de ruines conduire les égarés, ceux qui font fausse route, au chemin de la vraie foi et à la pratique d'une vie chrétienne. Si vous travaillez, tout peut vous venir en aide, car plus le zèle apostolique pousse le prêtre à agir avec vaillance, plus aussi ce prêtre profite des occasions propices qui s'offrent plus fréquentes, plus il trouve de voies plus largement ouvertes à son ministère.
Mais, avant tout, en servant votre patrie sous l'uniforme militaire, servez aussi l'Eglise de telle sorte que resplendisse sous une forme vivante l'apostolat du Christ. Et tels vous serez, même sans parler, si d'abord par la pratique fidèle de vos devoirs et par la conduite la plus irréprochable vous faites honneur à votre vocation.
Nous vous adressons donc l'exhortation par laquelle l'apôtre saint Paul poussait les Philippiens, encore mêlés aux païens par leur communauté de vie sociale, à honorer, par l'éclat des vertus, la foi qu'ils professaient : « Conduisez-vous d'une manière digne de l'Evangile du Christ » (Ph 1,27). Et encore : « Agissez en tout sans murmures ni hésitations afin que vous soyez sans reproche, sincères, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu de ce peuple pervers et corrompu, au sein duquel vous brillez comme des flambeaux dans le monde » (Ph 2,14-15).
Donner l'exemple.
Que toujours transparaisse en vous le caractère de ministres de Dieu. Puisque vous êtes cela, soyez très attachés à votre devoir ; dans l'obéissance à vos chefs, en sauvegardant bien entendu la loi divine, soyez des modèles ; supportez joyeusement les choses pénibles, mais en aucune façon, à aucun moment, ne prenez part à ce qui vous apparaît léger, corrompu, blâmable dans le milieu où vous êtes. Avec une conduite morale austère, n'admettant avec le mal ni compromis, ni flatterie, ni concessions, votre exemple sera la condamnation des fautes d'autrui. Cette austérité de vie, en parfait accord d'ailleurs avec la discipline militaire dont le courage sans peur est la note caractéristique, ne vous empêche nullement, avec la douceur évangélique comme associée, de vous faire tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ. A la vérité, vous devez l'emporter sur tous les autres par le courage, afin de montrer partout ouvertement que vous êtes prêtres ou candidats au sacerdoce.
Si donc, sous l'impulsion de l'esprit de l'Evangile, qui est un esprit de liberté, vous vous faites, comme l'Apôtre des gentils, serviteurs de tous, quoique libres à l'égard de tous, afin d'en gagner un grand nombre (1Co 9,19), il faut également vous rappeler fréquemment, car ils doivent diriger votre conduite et votre activité, les conseils salutaires et pleins de sagesse du même apôtre : « Tout m'est permis, mais tout n'est pas expédient ; tout m'est permis, mais tout n'édifie pas » (1Co 10,22-23).
Vivant de ces pensées, vous exercerez une autorité salutaire sur les hommes de votre milieu et — consciemment ou à votre insu — vous introduirez dans l'intime des âmes un peu de cette bonne semence qui, jetée en terre, comme l'atteste le Seigneur, germe et grandit, même si le semeur ne s'en occupe plus (Mc 4,26 sq.). Vous aurez ainsi conscience de n'avoir point négligé la mission confiée à votre foi et d'avoir, selon vos forces, rendu témoignage à Jésus-Christ, votre divin Maître, devant les diverses classes de la société.
Grâce à vous, les hommes de toutes les classes sociales, ceux qui ont une profession libérale, aussi bien que les ouvriers, les savants et les ignorants, les esprits dociles et les caractères difficiles, tous connaîtront, dans le tumulte des camps, le message évangélique de rédemption et de salut, et vous ne commettrez pas la faute d'amener vos compagnons d'armes à penser que chez les disciples du Christ, et même chez ceux qui guident les autres pour qu'ils arrivent à la vie éternelle, la conduite est en désaccord avec l'enseignement. Vous gagnerez à l'Eglise l'estime et la sympathie de beaucoup d'hommes, et vous-mêmes, tout en servant dignement votre pays, vous vous ferez de nombreux amis qu'il vous sera facile d'amener dans le chemin de la foi ou d'enrôler parmi vos collaborateurs.
Enfin, n'oubliez jamais l'exhortation adressée par l'apôtre saint Paul aux fidèles dans ce siècle glorieux où le triomphe de l'Eglise s'affirmait grâce aux souffrances et aux tortures : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien » (Rm 12,21).
Tirer profit de l'expérience présente.
Voyez donc, chers fils, quel immense champ de travail la divine Providence réserve à votre apostolat généreux, après vous avoir éloignés de l'accomplissement paisible de votre ministère sacerdotal et des saints séminaires ecclésiastiques. Il y a là une raison de vous en glorifier en toute sincérité et de puiser en votre mission actuelle de nobles consolations capables sinon de supprimer complètement, du moins d'adoucir les épreuves et les sacrifices que la guerre vous impose.
Du reste, n'est-ce pas la souffrance qui donne à nos paroles, à notre enseignement, à notre action, la fécondité ? En souffrant, certes, bien plus qu'en agissant, nous rendons à la Vérité le bon témoignage.
En outre, considérable est le profit personnel que vous retirerez pour vos âmes de la situation présente. Quelle expérience des hommes et des choses vous pouvez acquérir à travers les vicissitudes variées et pénibles de la vie militaire ! Cette expérience rendra votre conduite plus riche de sagesse et apportera une certaine maturité de force virile dans votre labeur apostolique. Cette période qui, dans le cours de votre vie, semble être dangereuse, sera pour votre sacerdoce non pas nuisible, mais avantageuse, à la condition toutefois que vous restiez prudents, que vous marchiez en la présence du Seigneur, que jamais vous n'abandonniez sa main toujours digne d'être bénie qui vous conduit à travers une terre déserte, aride, impraticable, vers les sommets et les biens meilleurs.
Cependant, marcher en la présence de Dieu et ne jamais quitter la main du Guide divin, ce n'est pas autre chose — vous le savez bien — que pratiquer avec soin la piété chrétienne, grâce à laquelle l'âme s'élève et s'enflamme du désir continuel de bien agir. Est-il possible que la fleur de la piété évangélique répande ses parfums au milieu des armes et des camps ? Il en est cependant ainsi. Sans en donner d'autres preuves, rappelez-vous ces hommes auréolés de sainteté et qui appartenaient à l'état militaire. Astreints à une discipline semblable à la vôtre, ils ont vécu pour Dieu et très unis à lui, ne cherchant par-dessus tout qu'une chose : accomplir la volonté de Dieu en satisfaisant à tous leurs devoirs. Appliquez-vous partout et toujours à chercher avec soin le bon plaisir de Dieu et à y adhérer de toutes vos forces, malgré les répugnances de la nature. Que ce soit votre travail de chaque jour ; que par cette voie courte, facile et sûre, vous arriviez à cette piété qui, dans la situation et la condition présentes, servira de rempart assuré à votre vocation sacerdotale et sera un stimulant puissant, tout le long de votre vie, pour vous pousser aux plus saintes entreprises.
Sauvegarder les exercices de piété.
Mais pour que vous soyez remplis de ce désir continuel et généreux d'accomplir la volonté divine, il faut — qui peut en douter ? — que l'esprit de prière, loin de languir et de s'engourdir en vous, entravés par l'accomplissement de nouveaux devoirs, grandisse sous l'action du feu intérieur bien enflammé. Vous le nourrirez assidûment tant par la pieuse célébration du sacrifice eucharistique et par la fervente réception du Pain des forts, que par tout ce que la constante expérience des fidèles, sous l'impulsion de la grâce du Saint-Esprit, a montré comme éminemment efficace pour éloigner les âmes du péché et leur faire chercher toujours des vertus plus solides. Il peut difficilement arriver que les fidèles et surtout les prêtres soient, en raison des affaires, dans une situation telle qu'ils soient empêchés, en rentrant en quelque sorte en eux-mêmes, de se livrer fréquemment à de pieuses méditations, de faire attentivement leur examen de conscience, de venir dans l'ardeur de leur amour adorer, devant le tabernacle souvent, hélas ! délaissé, le Maître et le Seigneur divin qui a -coutume, par la grâce qu'il donne, d'éclairer et de réconforter ceux qui viennent à lui.
Dans la mesure du possible, très chers fils, tâchez d'acquérir cette piété et de vous en enrichir. Avec elle comme compagne, vous obtiendrez une grande abondance de mérites en sachant bien accepter les dangers où vous vous trouvez par la permission de Dieu, et vos frères, compagnons d'armes, recueilleront de nombreux fruits de salut, car le ministre de l'Evangile, soit par l'aide de son travail, soit par la miséricordieuse indulgence de son âme, est toujours disposé à tout donner à son prochain.
De partout les hommes vous observent avec des regards attentifs et curieux ; honorez votre sacerdoce, honorez l'Eglise dont vous portez un si grand poids de responsabilités. Ainsi vous aurez bien mérité de votre patrie en réconfortant par la très grande valeur de votre exemple vos concitoyens à l'heure grave du danger, en calmant leur esprit, en les poussant à agir avec intrépidité et à remplir les tâches plus ardues qui leur sont imposées. Elles vous remercieront à l'envi, les mères et les épouses que vous aurez consolées, en venant nombre de fois au secours de ceux qui leur sont chers. Vous aurez pour récompense la conscience du bien accompli ; elle vous dira tout bas, à l'intime de votre âme, que votre sacerdoce, loin de s'amoindrir dans cette tempête, se sera enrichi, par l'action du Saint-Esprit, d'un apostolat plus efficace, d'une piété plus développée. Et par-dessus tout — ce qui doit être le plus apprécié — vous aurez l'approbation de Dieu qui ne sait pas tromper, et, dans votre humilité, vous tressaillirez d'une joie sans mélange en entendant, comme un prélude de votre couronnement futur, les paroles de la promesse évangélique de Jésus : « Celui donc qui m'aura confessé devant les hommes, moi aussi je le confesserai devant mon Père qui est dans les cieux » (Mt 10,32).
Dans la ferme confiance que Notre désir et Notre attente seront réalisés, Nous vous accompagnons, chers fils, de Nos voeux paternels, souhaitant ardemment pour vous une parfaite santé de corps et d'âme et que vous échappiez toujours aux dangers. Et en priant Dieu d'abréger pour vous et pour tous les hommes ce temps cala-miteux de la guerre et, la paix internationale rapidement restaurée, de vous rendre aux postes tranquilles de votre ministère sacerdotal ou à vos chères études des sciences sacrées, Nous vous accordons de tout coeur et volontiers, comme gage de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.
(3 décembre 1939) 1
Le 3 décembre, le Souverain Pontife a daigné honorer de sa présence l'inauguration de la quatrième année académique de l'Académie pontificale des sciences, dont le président est le R. P. Gemelli, O. F. M. Après avoir écouté le rapport sur l'activité de l'Académie durant l'année écoulée, le Saint-Père adressa à l'illustre assemblée un long et pénétrant discours sur les trois degrés de notre connaissance de Dieu : connaissance par la raison, par la foi, par la vision intuitive. En voici la traduction :
A l'agrément et à la complaisance que Nous prenons à inaugurer la nouvelle année scientifique de l'Académie pontificale des sciences, répond Notre satisfaction de Nous trouver au milieu de cette noble assemblée de cardinaux, de diplomates, de personnages distingués, d'illustres maîtres qui font des recherches sur les sciences physiques, mathématiques et naturelles et sur leur histoire. Dans une séance pareille, et dans cette même salle, déjà vous avez entendu une autre fois Notre modeste parole, messagère de Notre incomparable prédécesseur Pie XI, lorsque, pour remédier à la diminution des forces, non point de son âme ardente, mais de son corps affaibli, il soumit sa volonté au conseil de celui qui veillait sur sa précieuse existence. Son nom glorieux est désormais inscrit en caractères indélébiles dans les fastes de l'histoire, non moins qu'à la première page de cette Académie des sciences par lui constituée et qui, si sa structure et son titre rendent un son nouveau, ne fait en réalité, dans ses développements, ses desseins et son but, que reconstituer et relever à un plus moderne et universel niveau scientifique l'antique et illustre Académie dei Lincei (des lynx), déjà renouvelée par le grand pontife Pie IX, Notre prédécesseur d'impérissable mémoire.
Ce que l'Académie pontificale des sciences doit à Pie XI.
Vers Pie XI, assis lui-même, il y a un an, dans cette salle, laquelle maintenant se pare de son portrait vénéré, Notre souvenir se tourne, triste et déférent, ainsi que la gratitude de Notre âme, qui admirait dans son esprit et dans son coeur ces ascensions puissantes, ces hardiesses d'un esprit tout occupé du passé, du présent et de l'avenir ; elles entourèrent son trône des rayons de la plus haute piété, du sacrifice le plus continuel, de la plus vigilante sollicitude, de la plus ample dilatation de la foi, du plus ardent progrès de la science ecclésiastique, de l'accroissement et des fruits les plus modernes de l'investigation scientifique. Cette Académie, que lui-même avait déjà confiée aux soins du méritant et infatigable président, le P. Gemelli, vous proclame son plus vaillant titre de gloire.
Elle est une ascension alpestre, accomplie par lui sur le haut et vaste cirque des Alpes de la science, où la vérité lève altièrement la tête au-dessus des vallées et des plaines qui séparent régions et pays ; où la vérité, qui monte des abîmes de la terre et des mers et descend de la profondeur des cieux, réunit, ô illustres savants, votre génie scrutateur et votre docte voix pour chanter l'hymne de la raison humaine aux vestiges laissés dans l'univers par le Créateur, quand il eu achevé les cieux et la terre, avec tous leurs ornements (Gn 2,1-2).
Dieu se reposant de ses nouvelles oeuvres, dit saint Augustin, ne partit point pour autant, en abandonnant le monde à lui-même 2 ; mais il conserva dans son éternel dessein la prévoyante pensée de l'homme et, soutenant sur le néant avec le doigt de sa toute-puissance l'univers en mouvement, il laissa celui-ci aux disputes des hommes sans que l'homme puisse comprendre l'oeuvre que Dieu fait, du commencement jusqu'à la fin (Qo 3,11). C'est une grande énigme que Dieu a proposée au genre humain déchu ; sa solution est épuisante (Qo 1,13) ; cette énigme du Dieu inconnu opérant dans la création, que l'apôtre saint Paul désignait aux philosophes stoïciens et épicuriens de l'aréopage d'Athènes, disant que ce Dieu inconnu avait répandu la race des hommes sur toute la terre, à travers les temps, afin qu'ils cherchassent Dieu, en admettant qu'ils le puissent trouver, encore qu'il ne soit pas loin de chacun de nous (Ac 17,18-27).
2 S. Augustin, De Genesi ad litteram, 1. 4, c. 12, n. 22 — Migne, P.L., t. XXXIV, col. 304.
L'énigme de l'univers, objet d'admiration, des recherches, des travaux des savants, dans tous les siècles.
L'énigme de la création a tenu en haleine, depuis des siècles, l'admiration et l'intelligence de toutes les nations ; de ses multiples solutions ont résonné les portiques et les écoles d'Académus, du Lycée et de Stoa ; ses volumes ont rempli les bibliothèques antiques et modernes ; les divergences sur les moyens de déchiffrer cette énigme ont suscité des luttes entre les savants investigateurs de la nature, de la matière et de l'esprit. Ces travaux, ces leçons, ces volumes, ces luttes ne sont pas autre chose que des recherches de la vérité cachée dans les replis de l'énigme. Qu'y a-t-il, s'écrie le génie d'Hippone, qu'y a-t-il que l'âme humaine désire le plus, sinon la vérité 3 ?
Oui, vos âmes, illustres académiciens, appellent et cherchent la vérité qui palpite dans l'enveloppe de ce que nous voyons, écoutons, sentons, goûtons, touchons, éprouvons de mille manières et suivons de notre pensée dans la complexité des poids, des nombres, des mesures, des mouvements visibles et invisibles où cette vérité se meut, se transforme, se montre et se cache pour apparaître plus voisine ou plus lointaine ; où elle défie notre perspicacité, nos machines, nos expériences, et souvent nous menace de la terreur d'une force plus puissante que nos instruments et que nos appareils qui sont pourtant de merveilleux prodiges de notre main et de notre art industrieux. Telle est la vigueur, la séduction, la beauté, la vie impalpable de la vérité, qui se dégage de l'aspect et de l'investigation de l'immense réalité qui nous entoure. Voix et parole, que la réalité des choses envoie à notre esprit par l'intermédiaire des sens admirables de notre nature formée de chair et d'esprit, telle est la vérité recherchée par nous par les immenses voies de l'univers.
3 S. Augustin, In Joannis Evang. tract. XXVI, n. 6. — Migne, P. L., t. XXXV, col. 1609.
Notre art est enfant de Dieu.
De même que nous ne créons pas la nature, nous ne créons pas davantage la vérité : nos doutes, nos opinions, nos négligences ou nos négations ne la changent pas. Nous ne sommes pas la mesure de la vérité du monde, ni de nous-mêmes, ni de la haute fin à laquelle nous sommes destinés. Notre art sagace mesure la vérité de nos appareils et de nos instruments, de nos outils et de nos machines ; il transforme, enchaîne et dompte la matière que la nature nous présente, mais il ne la crée pas. Et notre art doit se contenter de suivre la nature, comme le disciple son maître, dont il imite l'oeuvre. Quand notre intelligence ne se conforme pas à la réalité des choses et veut rester sourde à la voix de la nature, elle s'égare dans l'illusion des songes et s'attache à de fallacieuses et trompeuses vanités. Aussi, affirmait-il avec raison le plus grand poète italien, que « la nature prend son cours de la divine intelligence et de son art... » et que « votre art, autant qu'il le peut, suit celle-là, comme le disciple son maître, de sorte que votre art est à Dieu comme un petit-fils » 4.
4 Dante, La Divine Comédie, Enfer, 11, 99-105.
La vérité scientifique est fille de la nature et petite-fille de Dieu.
Mais non seulement notre art est enfant de Dieu, mais plus encore la vérité de notre intellect, parce que, dans l'échelle de la vérité connue, il se trouve tout en bas, pour ainsi dire, au troisième degré dans la descente, en dessous de la nature et en dessous de Dieu. Entre Dieu et nous, il y a la nature. Or, la vérité de la nature est inséparable au regard de l'art infaillible de l'intelligence créatrice qui la soutient dans l'être et dans l'agir et qui en mesure ainsi la vérité dans la réalité des choses. Au contraire, elle est accidentelle à la nature et aux choses, la relation de la vérité, dont les revêt, comme effet de sa contemplation et investigation, notre débile intelligence, qui ne possède pas, comme certains le croyaient, d'idées innées dès la naissance, mais qui, par la voie des sens, entreprend la connaissance des choses perçues dans leur accidentalité et qualité extérieures, qui par elles-mêmes sont sensibles ; tellement que notre intelligence peut à peine, par le moyen de ces phénomènes extérieurs, arriver à la connaissance interne des choses, même de celles dont les caractères accidentels sont parfaitement perçus par les sensB. Aussi, l'esprit humain, non obnubilé par les préjugés et les erreurs, comprend-il que comme la nature est fille de Dieu, mesurée dans sa vérité par l'intelligence divine, de même, mesurant elle-même la connaissance de notre esprit, qui l'apprend par le canal des sens, elle fait en sorte que la vérité de notre science soit fille de cette nature et donc petite-fille de Dieu.
5 Contra Gentes, 1. 4, c. I.
Image de Dieu par son âme, l'homme monte jusqu'à Lui par l'échelle de l'univers.
Ne vous étonnez d'ailleurs p!s, ô savants investigateurs de la nature et des choses sensibles, si Nous voyons en vous les puissants et profonds évocateurs des vérités les plus cachées au sein de la nature, selon le grand principe du philosophe de Stagire, à savoir que cognitio nostra incipit a sensu, principe qui nous fait connaître la place que Dieu donne ici-bas à ce divin étranger qu'est l'homme ; étranger, qui est « des choses créées la plus belle », et dont « le front regarde le ciel et tend au ciel », et dont « la main peut tout atteindre et tout saisir, et s'endurcissant au travail, hardiment et promptement élève des cités et, à l'opposé, rase les montagnes », et dont l'esprit, image de l'Eternel, esprit dont chacun de vous qui en connaît l'admirable prison de muscles, d'os, de nerfs, de veines, de sang, de fibres, doit sentir en soi la noblesse et la grandeur, en s'exclamant devant tout enfant d'Adam déchu, qui parmi le tumulte des passions conserve encore sur le visage les traces de l'antique beauté : « Je reconnais encore les signes sacrés de la haute origine divine ; jusque dans ta ruine, tu es encore beau et grand ! » 6
L'homme, par l'échelle de l'univers, monte jusqu'à Dieu ; l'astronome, en parvenant jusqu'au ciel, ne peut êXcchs0 tre incrT'e9dule à la voix du firmament ; la pensée suivie par l'amour et l'adoration dépasse les soleils et les nébuleuses astrales et cingle vers un Soleil qui illumine et réchauffe, non l'argile de l'homme, mais biel l'esprit, qui l'avive.
Voilà la joie de savoir, de connaître, ne fût-ce qu'un peu, l'immense océan de vérité qui nous environne, nous qui naviguons dans la nacelle de notre vie avec la boussole de notre esprit. Mais dans cette croisière intellectuelle, « plus qu'inutilement, il s'éloigne de la rive, parce qu'il ne revient pas tel qu'il en était parti, celui qui va à la recherche du vrai sans avoir l'art de le trouver » 7.
Monti, La bellezza deWuniverso. 7 Divine Comédie, Paradis, 13, 121
Les recherches et les découvertes scientifiques révèlent les secrets de la nature et permettent des applications utiles à l'humanité.
A la joie de connaître, ô illustres savants, vous joignez l'art de la recherche du vrai, et vous retournez dans la retraite silencieuse de vos études et de vos laboratoires, non tels que vous en étiez sortis, mais enrichis d'une pensée qui est la conquête d'une énigme pour accroître le merveilleux patrimoine de la science. Telle est la voie du progrès humain, voie rude, voie marquée des traces des plus audacieux héros des découvertes, de Thaïes, d'Aristote, d'Archimède, de Ptolémée, de Galien à Bacon, à Léonard de Vinci, à Copernic, à Galilée, à Kepler, à Newton, à Volta, à Pasteur, à Curie, à Hertz, à Edison, à Marconi, à cent autres ; à vous enfin, qui recevant de leurs mains le flambeau de la recherche et de la science, le transmettez plus lumineux à de plus jeunes héros que ne découragent pas les traverses et les épreuves de la route et que n'effrayent pas les monuments funéraires de leurs glorieux devanciers tombés en chemin. L'enseignement est le père de l'invention : « petite étincelle engendre grande flamme. » Aux découvertes des prédécesseurs s'ajoutent, développant et corrigeant, les nouveaux résultats des inventions des continuateurs, des prodiges de science physique, mathématique et industrielle, dont notre époque reste étonnée, dans son pressentiment et son avidité de plus ravissantes merveilles. Le secret de la vérité, caché depuis des siècles et enseveli dans l'univers, vous nous le révélez ; vous êtes sur le point de décomposer l'atome lui-même, pour tenter d'arriver à une connaissance plus intime de la constitution des corps ; vous éveillez et révélez des forces inconnues de nos aïeux, vous les maîtrisez et les dirigez comme il vous agrée, vous en propagez la voix et la multipliez jusqu'aux extrémités de la terre et, conjointement à la parole, vous vous préparez à faire resplendir devant notre regard l'image vivante de nos frères et du monde des antipodes, tandis que d'une aile vrombissante vous vous élevez du sol pour disputer aux aigles le royaume des vents et pour les vaincre en vitesse et en altitude.
Comme l'aviateur, l'homme doit monter utilisant la création pour aller plus avant dans la connaissance de Dieu.
Ce merveilleux élan que prend l'homme vers le ciel, au-dessus des cités, des plaines et des monts du globe, il Nous semble que Dieu l'a accordé à l'esprit humain en ce siècle, pour lui rappeler une fois de plus comment de « la petite aire qui nous rend si fiers » 8, l'homme peut monter vers Dieu par la voie même par laquelle descendent les choses créées ; et ainsi, alors que toutes les perfections des choses descendent en bon ordre de Dieu, qui domine comme d'un sommet toute l'échelle des êtres, l'homme, au contraire, en commençant par les créatures les plus inférieures et montant de degré en degré, peut avancer dans la connaissance de Dieu, cause première, toujours plus ennoblie de chacune de ses créations. La vérité que vous apprennent les choses inférieures dans leur variété et leur diversité n'est pas celle qui « produit la haine », mais bien cette vérité qui plane au-dessus des divisions et des dissensions entre les âmes, qui rapproche fraternellement les intelligences et les esprits dans l'amour du vrai, parce qu'une vérité aime l'autre et, comme des soeurs, filles d'une même mère, la sagesse divine, elles s'embrassent sous le regard de Dieu. En vous, qui avec un regard perspicace et scrutateur étudiez la nature, Notre prédécesseur, de vénérée mémoire, reconnut les grands amis de la vérité, dans cet amour commun, votre science vous rapproche et vous fait donner, au milieu des luttes qui ensanglantent le monde, un exemple insigne de cette union pour des buts pacifiques, que ne troublent pas les frontières des montagnes et des fleuves, des mers et des océans.
8 Ibid. Paradis, 22, 151.
L'Eglise, progrès divin dans le monde et mère de la civilisation la plus parfaite.
Amie de la vérité, l'Eglise admire et aime le progrès du savoir humain à l'égal de celui des arts et de tout ce qu'elle sait être apte par sa beauté et sa bonté à exalter l'esprit et à promouvoir le bien. Est-ce que l'Eglise n'est pas elle-même le progrès divin dans le monde et la mère du plus haut progrès intellectuel et moral de l'humanité et de la vie civile des peuples ? Elle s'avance à travers les siècles, maîtresse de vérité et de vertu, luttant contre les erreurs, non contre les hommes qui errent, ne détruisant pas, mais édifiant, plantant des roses et des lis sans déraciner les oliviers et les lauriers. Elle garde, et souvent elle sanctifie les monuments et les temples de la grandeur païenne de Rome et de la Grèce. Si, dans ses musées, Mars et Minerve n'ont plus d'adorateurs, dans ses monastères et ses bibliothèques, Homère et Virgile, Démosthène et Cicéron parlent encore ; et sans hésiter, à côté de l'aigle d'Hippone et du soleil d'Aquin, elle place Platon et Aristote. Elle invite toutes les sciences dans les Universités qu'elle a fondées ; elle appelle autour d'elle l'astronomie et les mathématiques pour corriger l'antique mesure du temps ; elle appelle tous les arts, illuminés par la splendeur du vrai, à rivaliser en l'honneur du Christ avec les basiliques des Césars et à les dépasser même par leurs coupoles vertigineuses, leurs ornements, leurs images, leurs statues qui immortalisent le nom de ceux qui les exécutent.
Les deux livres d'études de l'homme : l'univers et la Bible.
Comme tous les arts, toute science sert Dieu, parce que Dieu est le « Maître des sciences et enseigne à l'homme la science » (Ps 93,10). Dans ses études profondes, l'homme a deux livres : celui de l'univers, où la raison humaine étudie, cherchant la vérité des choses bonnes faites par Dieu ; celui de la Bible et de l'Evangile, où l'intelligence étudie à côté de la volonté, en quête d'une vérité supérieure à la raison, sublime comme le mystère intime de Dieu, connu de lui seul. A l'école de Dieu, se rencontrent philosophie et théologie, parole divine et paléontologie, la séparation de la lumière des ténèbres et l'astronomie, la terre subsistant toujours (Qo 1,4) et son mouvement autour du soleil, le regard de Dieu et le regard de l'homme. La bonté de Dieu, semblable à celle d'une mère, balbutie en quelque sorte le langage humain (cf. 1Th 2,7) pour faire retenir à l'homme la vérité sublime qu'elle lui manifeste dans une école de vérités amies, qui l’élèvent et font de lui, dans l'étude de la nature et de la foi, le disciple de Dieu. Cette école, l'Eglise la fait sienne et elle en fait son magistère.
La raison et la foi, rapports réciproques.
La raison n'est-elle pas au service de la foi, à laquelle elle rend — en précisant ses fondements et en la défendant — ce rationabile obsequium (Rm 12,1), cet hommage qui provient de la marque de la ressemblance divine d'où la raison tire sa beauté ? Et la foi, à son tour, n'exalte-t-elle pas la raison et la nature, conviant à bénir le Seigneur toute la multitude variée des créatures de l'univers, du ciel et de la terre, dans le cantique des trois enfants dans la fournaise de Babylone? Et vous voyez l'Eglise, en son Rituel, bénir les oeuvres de la raison et du génie humain, les presses des imprimeries et les bibliothèques, les écoles et les laboratoires, les télégraphes et les voies ferrées, les centrales électriques et les aéroplanes, les voitures et les navires, les fours et les ponts, et tout ce que l'esprit et le talent de l'homme apportent au véritable et sain progrès de la vie et de la société humaines.
La foi et la raison s'aident l'une l'autre.
Non, l'hommage de la raison à la foi n'humilie pas la raison, mais l'honore et l'élève, parce qu'il est tout à la gloire du progrès et de la civilisation humaine d'aider la foi dans sa marche évangéli-que à travers le monde. La foi n'est pas orgueilleuse, ce n'est pas une maîtresse qui tyrannise la raison ou la contredit ; le sceau de la vérité n'est pas diversement imprimé par Dieu dans la foi et dans la raison. Bien plutôt, au lieu de s'opposer, elles s'aident l'une l'autre, comme Nous l'avons déjà dit, puisque la droite raison démontre les fondements de la foi et, à sa lumière, en éclaire les termes, et que la foi préserve la raison de l'erreur, qu'elle l'en sauve lorsqu'elle y est tombée, et l'instruit par ses connaissances de tous genres. C'est pourquoi Nous ne doutons pas qu'il soit tout à l'honneur de cette Académie pontificale des sciences de rappeler devant vous ce que définissait le grand Concile du Vatican quand il affirmait : « Tant s'en faut que l'Eglise s'oppose au développement des sciences et des arts, au contraire elle le favorise et le fait progresser de multiples manières. Elle n'ignore pas, en effet, ni ne méprise les avantages qui en dérivent pour la vie humaine ; bien plus, de même que les sciences viennent de Dieu, Maître des sciences, c'est un fait reconnu qu'elles conduisent à Dieu, avec l'aide de sa grâce, ceux qui les étudient selon les règles. » 9
9 Conc. Vatic, Sess. lit, can. IV.
Liberté de la méthode et des recherches scientifiques.
Et dès lors, nobles champions des sciences et des arts humains, l'Eglise vous reconnaît la juste liberté de la méthode et des recherches, liberté sur laquelle Notre immortel prédécesseur Pie XI fondait cette Académie, sachant bien ce qu'enseigne le même Concile du Vatican, que l'Eglise « ne défend nullement que les disciplines de ce genre se servent chacune dans son domaine de principes qui leur sont particuliers et d'une méthode propre ; mais, reconnaissant cette juste liberté, elle veut éviter avec soin qu'elles acceptent des erreurs contraires à la divine doctrine, ou que, franchissant leurs limites propres, elles s'occupent de choses touchant à la foi et y jettent le désordre. » 10
Dans ces paroles du Sénat universel et sacré de l'Eglise catholique, se trouve sanctionnée toute votre juste liberté scientifique et exprimé le plus haut éloge qui vous puisse être adressé pour les avantages procurés par vous à la civilisation et dont l'Eglise elle-même tire profit pour sa mission dans le monde. C'est, en effet, tout à la louange des sciences et de leurs admirables inventions, si le héraut du Christ devance les saisons, prévoit les ouragans et les tempêtes, vole au-dessus des plaines et des montagnes, visite rapidement mille lieux déserts et glacés, multiplie sa voix et ses bienfaits, abrège la durée de ses voyages, se fait médecin et soigne les corps pour régénérer les âmes. C'est tout à l'éloge de votre incomparable collègue, le regretté Marconi, si Notre parole paternelle et Notre Bénédiction résonnent au-delà des mers et des océans et portent aux peuples lointains l'affection et les espérances de Notre coeur, tandis que les obélisques de Rome répercutent puissamment Notre voix. Les sciences ne sont-elles donc pas dignes à juste titre de toute Notre estime et de Notre louange ?
10 Conc. Vatic, Sess. III, can. IV.
« L'école d'Athènes », peinture saisissante du portique que la science et les arts dressent à l'entrée du temple de la foi.
De cet admirable et légitime lien entre les sciences et la foi, de ce portique que la science et les arts dressent à l'entrée du temple de la foi, il est dans les Chambres de la Signature au Vatican une composition qui, depuis des siècles déjà, étonne le monde : la science et la foi s'y contemplent et s'illuminent l'une l'autre dans la lumière sublime de la pensée, sous le pinceau de l'incomparable peintre d'Urbino 11. Certainement, vous vous êtes arrêtés, remplis d'admiration, devant la scène connue sous le nom d'« école d'Athènes ». Dans ces personnages, vous avez reconnu vos plus anciens prédécesseurs dans les recherches scientifiques sur la matière et sur la vie, dans la contemplation et la mensuration des cieux, dans l'étude de la nature et de l'homme, dans les calculs mathématiques et les discussions savantes. La recherche du vrai anime et colore ces visages et les mouvements de ces images qui semblent parler de l'une ou de l'autre des sciences spéculatives ou pratiques, de leurs veilles, de leur esprit concentré et comme ravi hors de lui-même dans une discussion intérieure, vérifiant et vérifiant encore, pour arriver à trouver un peu de vérité vraie au milieu d'un amas de prétendues vérités, afin d'édifier un monde de mondes divers qui, évidemment, ne peuvent être tous réels ! Ainsi vous voyez en ce temple de la science Platon placer la source du savoir dans le ciel, Aristote sur la terre, et s'opposer l'un à l'autre, d'ailleurs incomplètement satisfaits de leurs hautes conclusions. Ils conservent inapaisée la soif quasi infinie de l'intelligence humaine qui veut tout embrasser ; ils sentent qu'au-delà de la nature d'ici-bas, vit et domine une puissance suprême en un monde caché. Ils sentent en eux un esprit immortel qui les pousse en haut, mais ils ne sentent pas l'esprit qui pourrait les vivifier et leur donner des ailes pour voler.
H Raphaël est né à Urbino, ville de la province de Pesaro (Italie).
Les trois degrés de notre connaissance de Dieu : connaissance par la raison, par la foi, par la vision intuitive. « La dispute du Saint Sacrement ».
Devant cette scène et cette assemblée de « grands esprits »12 qu'un art admirable représente à notre regard, nous inclinons la tête et demeurons troublés, en pensant à la difficulté de la marche dans les sentiers de la science et en songeant que toute la science acquise au prix de grandes fatigues n'apaise pas dans le bonheur les espérances et les aspirations de l'âme humaine. Nous sommes immortels, nous sommes nés destinés à un autre monde, à ce monde caché à la raison qu'en face de « l'école d'Athènes » nous révèle et nous représente la grande composition à laquelle fut donné le nom de « Dispute du Saint Sacrement ». Il semble que dans le dessin de ces deux scènes vivantes, le génie de Thomas d'Aquin a guidé la main de Raphaël, lui indiquant les trois degrés de la connaissance par rapport à Dieu : le premier représenté dans l'assemblée des sciences par lesquelles l'homme monte des créatures jusqu'à Dieu par la seule lumière de sa raison ; le second, symbolisé dans l'autel du Saint Sacrement, synthèse et centre de la vérité divine transcendante à l'intelligence humaine et descendant vers nous ici-bas par une révélation présentée à notre croyance ; et le troisième, exprimé dans l'apparition de la cour céleste entourant Dieu visible au regard de l'esprit humain surélevé jusqu'à voir parfaitement les vérités révélées 13. De la science à la foi ; de la foi à la vision intuitive de la première et suprême Vérité, source de toute vérité.
" Dante, Enfer, 4, 19.
Les trois écoles où l'esprit humain trouvera complète satisfaction. Dans l'école de la nature, le monde visible est notre maître.
Il y a trois écoles hiérarchisées par lesquelles, en s'élevant de l'une à l'autre, on atteint par degrés le plein apaisement de l'intelligence humaine. Dans l'école de la nature, pendant que les cieux racontent la gloire de Dieu, nous avons pour maîtres les corps qui cachent leurs causes dernières,mais qui par leurs formes et leurs mouvements permettent à nos sens de les découvrir, désireux qu'ils sont, semblerait-il, eux qui ne peuvent connaître, de se faire du moins connaître. Ils nous parlent par leur beauté, par leur ordre, par leur force et leur grandeur démesurée. Si vous interrogez les astres, le soleil, la lune, la terre, la mer, les abîmes, et tous les vivants qui s'y meuvent, ils vous répondront comme à Augustin de Tagaste : « Nous ne sommes pas ton Dieu ; cherche au-dessus de nous » 14. Oh ! homme, effrayé en présence du monde, ne fais pas avec les débris de la nature, selon les paroles de la sagesse divine, un dieu à ton image et qu'il te faudrait fixer avec du fer à la muraille, pour qu'il ne tombe pas (Sg 13,15-16) ; ne demande pas la santé à un malade, la vie à un mort, l'aide à un être inutile, protection pour un voyage à qui ne peut marcher (Sg 13,18).
13 Contra Centes, I. 4, c. 1. « Confessions, 1. X, c. VI, n. 9.
A l'école de la foi, le Maître infaillible est le Dieu de l'Eucharistie.
Au-dessus de l'école de la nature se trouve l'école de la foi, dont le Maître infaillible est le Dieu présent et caché dans le sacrement de l'autel, Sagesse divine incarnée, Verbe du Père. Sa voix toute-puissante qui enseigne aux philosophes anciens et modernes l'origine de l'univers à partir du néant envoie aussi ses apôtres apprendre à toutes les nations une science plus haute que la raison, à laquelle aucun de ses adversaires ne peut résister ni contredire (Lc 21,15) ; et il enrôle parmi ses disciples, à côté des grands pontifes romains et de la cohorte des Pères et des Docteurs, les plus hauts génies de la poésie, des sciences et des arts, et, mêlées aux princes de la terre, les âmes extasiées et priantes des simples fidèles. Dans cet ostensoir se concentre toute la foi chrétienne ; là se trouve le même Dieu, Voie, Vérité et Vie, que désigne du doigt dans le ciel le Docteur qui se tient près de l'autel.
Le ciel, école divine la plus sublime.
Contemplation du Christ, le Maître des maîtres, et, dans la lumière divine, connaissance de Dieu et de ses oeuvres.
Et dans le ciel, Raphaël élève au sublime sa propre foi, essayant avec son pinceau de représenter le Christ siégeant au-dessus des nuées de la foi, dans la splendeur manifestée de l'éclatante lumière éternelle, sur le trône de l'amphithéâtre céleste, entouré de la couronne des saints et des anges, avec le Père et le Saint-Esprit. Ce ciel est la plus haute école divine ; ce trône est la chaire du Maître des maîtres, « en qui se trouvent tous les trésors de la sagesse et de la science » (Col 2,3). Il possède la sagesse de toutes choses et des mystères divins ; il a la science de toutes les choses créées, parce qu'il est le Verbe par qui tout a été fait et sans lequel rien de ce qui existe n'a été fait (Jn 1,3). Oh ! quand nous sera-t-il donné d'aller là-haut nous faire les disciples d'un tel Maître, de le contempler et de l'écouter ; et à son école ineffable et dans sa lumière divine, par l'oeil de l'âme, de connaître les sciences spéculatives et pratiques, les causes et les effets, la matière, la formation et l'ordre de tout ce qui est dispersé et contenu dans le ciel et la terre, de tout ce qui forme le monde et la nature ; et enfin, dans le livre des idées éternelles et infinies du Verbe divin, de tout comprendre, en un seul regard, beaucoup plus que nous ne le ferions au cours de mille années d'études, et mieux que si nous possédions la pénétration d'esprit de tous les plus grands génies de la terre, et plus parfaitement que si nous contempliions les choses en elles-mêmes. « Quand donc irai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu ? » (Ps 41,2).
Voeux et prières du Vicaire du Christ.
Là-haut, à cette école béatifiante et la plus sublime, à cette connaissance en Dieu de toutes les sciences humaines et divines, où trouve sa satisfaction notre insatiable désir de comprendre et de pénétrer tous les genres et les espèces, les forces et l'ordre de l'univers, par quoi se complète la perfection même naturelle de notre nature spirituelle ; à ce festin de sagesse et de science, inépuisable et perpétuel où s'effacent toutes les erreurs passées ; Nous demandons à Dieu — en élevant vers le ciel des voeux jaillis de la profondeur de Notre affection de Vicaire de Jésus-Christ et de Père commun — qu'il nous accorde à tous un jour d'aller recevoir la récompense impérissable de nos fatigues terrestres, dans ces parvis de gloire. Oubliant alors jusqu'à la splendide fresque de Raphaël, fruit de concepts mortels, nous verrons vraiment se consommer en nous l'ardeur de notre désir, et avec la divine vision de Dante, arrivé à l'Empyrée lors de son voyage dans l'autre monde, et entrant en « la sublime lumière, qui est vraie par elle-même » 15, nous verrons comment « dans sa profondeur... est contenu, lié par l'amour en un volume, ce qui est dispersé en feuillets dans l'univers » 16.
15 Paradis, XXXIII, 54. 18 Paradis, XXXIII, 85-88.
DISCOURS AUX JEUNES ÉPOUX
(6 décembre 1939)1
Ce discours a pour thème la splendeur de l'Immaculée Conception et la chasteté conjugale.
Vous venez de vous unir par de saintes promesses qui entraînent de nouveaux et graves devoirs, chers jeunes époux, et vous voilà en présence du Père commun des fidèles, pour recevoir ses exhortations et sa bénédiction.
Nous souhaitons que vous tourniez aujourd'hui vos regards vers la très douce Vierge Marie, dont l'Eglise après-demain célébrera la fête sous le titre de l'Immaculée Conception. Titre suave, prélude de toutes les autres gloires de Marie, privilège unique, au point de sembler quasi identifié avec sa personne même : « Je suis, dit-elle à sainte Bernadette dans la grotte de Massabielle, je suis l'Immaculée Conception ».
Une âme immaculée ! Lequel d'entre vous, au moins en ses meilleurs moments, n'a pas désiré l'être ? Qui n'aime point ce qui est pur et sans tache ? Qui n'admire la blancheur des lys qui se mirent dans le cristal d'un lac limpide, ou les cimes neigeuses qui reflètent l'azur du firmament ? Qui n'envie l'âme candide d'une Agnès, d'un Louis de Gonzague, d'une Thérèse de l'Enfant-Jésus ?
L'homme et la femme étaient immaculés lorsqu'ils sortirent des mains créatrices de Dieu. Souillés par le péché, ils durent commencer par le sacrifice expiatoire de victimes sans tache l'oeuvre de purification que seul « le précieux Sang du Christ, celui de l'Agneau sans défaut et sans tache » (1P 1,19), rendit efficacement rédemptrice. Et pour continuer son oeuvre, Jésus-Christ voulut que l'Eglise, sa mystique épouse, « fut sans tache, sans ride... sainte et immaculée » (Ep 5,27). Chers époux, tel est précisément le modèle que le grand apôtre Paul vous propose : « Maris, écrit-il, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise » (Ep 5,25), car ce qui fait la grandeur du sacrement de mariage, c'est son rapport avec l'union du Christ et de l'Eglise (Ep 3,32).
Vous penserez peut-être que l'idée d'une pureté sans tache s'applique exclusivement à la virginité, idéal sublime auquel Dieu appelle non pas tous les chrétiens, mais seulement des âmes d'élite. Vous connaissez de ces âmes, mais, tout en les admirant, vous n'avez pas cru que telle fût votre vocation. Sans tendre vers le sommet du renoncement total aux joies terrestres, vous avez, en suivant la voie ordinaire des commandements, le légitime désir de vous voir entourés d'une glorieuse couronne d'enfants, fruits de votre union. Et pourtant l'état de mariage, voulu par Dieu pour le commun des hommes, peut et doit avoir sa pureté sans tache.
Est immaculé devant Dieu quiconque accomplit ses devoirs d'état avec fidélité et sans faiblesse. Dieu n'appelle pas tous ses enfants à l'état de perfection, mais Il invite chacun d'eux à la perfection de son état. « Soyez parfaits, disait Jésus, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48). Vous connaissez les devoirs de la chasteté conjugale. Ils exigent un réel courage, héroïque parfois, et une confiance filiale en la Providence ; mais la grâce du sacrement vous a été donnée précisément pour faire face à vos devoirs. Ne vous laissez donc pas dérouter par des prétextes trop en vogue et des exemples malheureusement trop fréquents.
Ecoutez plutôt les conseils de l'ange Raphaël au jeune Tobie qui hésitait à prendre pour épouse la vertueuse Sara : « Ecoutez-moi, et je vous apprendrai quels sont ceux sur qui le démon peut prévaloir : ce sont ceux qui entrent dans le mariage en bannissant Dieu de leur coeur et de leur pensée » (Tb 6,16-17). Et Tobie éclairé par cette exhortation angélique dit à sa jeune épouse : « Nous sommes les enfants des saints et nous ne pouvons pas nous unir comme les païens qui ignorent Dieu » (Tb 8,5). N'oubliez jamais que l'amour chrétien a un but bien supérieur à une fugitive satisfaction.
Ecoutez enfin la voix de votre conscience, qui répète au fond de vous-mêmes l'ordre donné par Dieu au premier couple humain : « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1,22). Alors, selon l'expression de saint Paul, « le mariage sera honoré de tous et le lit conjugal exempt de souillure » (He 13,4). Demandez cette grâce spéciale à la Sainte Vierge au jour de sa prochaine fête.
Pour devenir la digne Mère de Dieu, Marie fut immaculée dès sa conception. Aussi l'Eglise prie-t-elle dans sa liturgie, où résonne l'écho de ses dogmes : « Dieu, qui par la conception immaculée de la Vierge avez préparé à votre Fils une demeure digne de Lui... » 2. Cette Vierge Immaculée, devenue Mère par un autre unique et divin privilège, saura donc comprendre vos désirs de pureté intérieure et les joies familiales auxquelles vous aspirez. Plus votre union sera sainte et exempte de péché, plus Dieu et sa Mère très pure vous béniront, jusqu'au jour où la Bonté suprême unira à jamais dans le ciel ceux qui se seront chrétiennement aimés sur la terre.
C'est en formant ces voeux que Nous vous accordons de tout coeur, chers époux, à vous et à tous les fidèles ici présents, la Bénédiction apostolique, gage des grâces divines les plus abondantes.
2 Collecte de la messe de l'Immaculée Conception.
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR D'ITALIE
(7 décembre 1939) 1
Le 7 décembre, S. Exc. le Dr Dino Alfieri, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Italie, remettant ses lettres de créance, rappelait au Saint-Père les bienfaits procurés à l'Italie par les accords du Latran : unité spirituelle, paix intérieure et union des esprits. Sa Sainteté répondit ainsi :
La présentation solennelle des lettres de créance par lesquelles S. M. le roi-empereur accrédite près de Nous Votre Excellence comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, haute charge où vous succédez à d'illustres personnages, dont les remarquables qualités et l'activité féconde laisseront toujours ici un reconnaissant souvenir, a lieu en une période historique de singulière importance, comme Votre Excellence elle-même le relevait fort bien à l'instant, en soulignant les divers aspects de la situation.
Avant toute autre considération, se présente cette heureuse circonstance que, cette année même, s'achève le dixième anniversaire de la conclusion de ces accords de Latran qui, dans la conscience du peuple italien, signifièrent et apportèrent la réalisation providentielle d'une paix anxieusement attendue pendant les nombreuses années de la douloureuse dissension qui troublait les âmes et entravait pratiquement les énergies d'un grand nombre des meilleurs fils de cette terre glorieuse et privilégiée d'Italie, tandis que dans la conscience du monde catholique ces mêmes accords, tant souhaités, signifièrent la reconnaissance nouvelle, solennelle et déclarée de la souveraineté réelle et effective et de l'indépendance du Chef suprême de l'Eglise.
Dès lors, si Nous entendons avec plaisir le voeu, ou mieux la certitude joyeuse, exprimée par Votre Excellence, que les rapports
1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXI, 1939, p. 704 ; cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XLI, 1940, col. 449.
AMBASSADEUR D'ITALIE
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de cordiale et confiante entente entre l'Eglise et l'Etat en Italie, fondés sur l'oeuvre de paix du Latran, continueront à se développer dans un esprit de fidèle respect, ainsi également de Notre côté, Nous donnerons à ces hautes intentions de votre auguste souverain et de son gouvernement tout ce bienveillant appui que requièrent l'élévation d'un tel but et ses effets bienfaisants pour le développement pacifique et la prospérité du peuple italien.
Dans les difficultés de l'heure présente, quand les autorités des Etats, dans le cadre de leur activité intérieure et extérieure, se trouvent en face de tâches qui imposent d'extraordinaires efforts à leurs énergies de décision et d'action ; quand l'accomplissement de si lourdes charges de gouvernement, en raison du poids des sacrifices exceptionnels qui y sont inséparablement unis, rend plus que jamais nécessaire la confiance profonde et la loyale adhésion de la masse du peuple, masse populaire qui, aujourd'hui comme toujours, est constituée surtout par ceux qui portent la croix le long de la voie douloureuse que l'humanité doit de nouveau parcourir ; en de telles circonstances, disons-Nous, l'harmonie entre les deux pouvoirs et la paix intérieure qui en découle comme son fruit sont le remède le plus efficace pour alléger les difficultés, et en même temps le meilleur présent que l'Etat puisse faire à lui-même et à ses citoyens.
En ce moment où Votre Excellence inaugure son honorable mission, l'action du Saint-Siège en faveur de la paix et de l'entente entre les peuples apparaît comme un devoir urgent, certes, mais non moins difficile et épineux. Difficile surtout parce que les idées fondamentales de justice et d'amour, qui font non seulement le bonheur des individus, mais aussi la noblesse et le progrès de la vie sociale, sont tombées, sous bien des aspects — par un faux processus de pensée et d'action qui humanise le divin et divinise l'humain — dans un oubli et un mépris qui, en certains endroits, se manifestent dans une mesure toujours plus préoccupante. Un si faux développement, ou plutôt un tel renversement des principes de la justice et des devoirs de la morale a entendu et voulu substituer à la conception chrétienne de la vie, de la communauté et de l'Etat, des doctrines et des pratiques dissolvantes et destructrices qui placent le progrès civil et humain dans le rejet des obligations du droit naturel et de la révélation divine, dont la lumière éblouissante resplendit de cette Rome sacrée sur le monde entier.
Chacune de ces erreurs, comme en général toute erreur, a ses périodes : son temps de croissance et son temps de décadence ; son midi et son crépuscule ou son couchant précipité. Deux périodes : l'une, quand l'enivrant poison des doctrines séductrices emporte et rend folles les masses et les enchaîne à son pouvoir ; l'autre, quand les fruits amers mûrissent, quand les yeux des masses, ou du moins des hommes plus sensés et réfléchis les considèrent, atterrés, se souvenant des calculs et des promesses, qui s'avèrent fallacieux, par lesquels ils ont été attirés dans l'erreur. Aujourd'hui combien de regards s'ouvrent et se rouvrent, jusqu'ici demeurés fermés !
Mais d'une façon spéciale, l'assentiment que Votre Excellence, en des paroles élevées, a manifesté à l'égard des pensées fondamentales de Notre récente encyclique pour la tranquille et fraternelle union des âmes et pour la paix dans la justice, Nous donne l'heureuse espérance que Nos sollicitudes ultérieures pour un but si élevé trouveront toujours un écho fidèle dans le vaillant, fort et laborieux peuple italien, que la sagesse des gouvernants et sa propre impulsion intime ont jusqu'ici heureusement préservé de se trouver impliqué dans la guerre, le plaçant ainsi même dans la situation la plus favorable pour mieux collaborer à l'avènement et au rétablissement d'une vraie paix, fondée sur les nobles principes de la justice et de l'humanité.
Et tandis que du fond de Notre coeur Nous supplions le Tout-Puissant d'assister de ses lumières et de sa protection l'Italie et ses gouvernants, Nous accordons très volontiers à S. M. le roi-empereur et à toute la famille royale, à S. Exc. le chef du gouvernement, à tout le peuple italien, qui Nous est si voisin et si cher, et en particulier à Votre Excellence la Bénédiction apostolique implorée.
EXHORTATION APOSTOLIQUE AUX PRÊTRES ET AUX CLERCS APPELÉS AUX ARMÉES
(8 décembre 1939) 1
Conscient de certaines circonstances tragiques, conséquences de la guerre, le Souverain Pontife adressa aux prêtres et aux clercs appelés aux armées ses recommandations et conseils pour la nouvelle vie à laquelle ils sont astreints :
Parmi les dures angoisses et préoccupations qui émeuvent Notre âme, à la suite de cette guerre que Nous avons vainement tenté de conjurer par tous les moyens, votre sort et la situation qui vous est faite Nous affligent plus profondément, très aimés prêtres et clercs, vous que la tempête a soudainement saisis et obligés à quitter votre ministère sacré et vos paisibles maisons d'études pour vous mobiliser et jeter au milieu des armées.
Non habitués au genre de vie que vous menez maintenant à l'improviste, vous avez été amenés à servir dans les casernes, dans les hôpitaux, dans les ambulances et même parmi les unités combattantes, les uns en qualité d'aumôniers militaires, les autres — et c'est le grand nombre — pour remplir des fonctions auxquelles votre vocation ne vous destine point.
Partout où vous vous trouvez, les Vicaires aux armées ou aumôniers en chef vous accompagnent de leur sollicitude attentive, vigilante, paternelle. Nous avons pleinement confiance dans leur travail parce qu'il est sagement organisé, incessant, appuyé sur de salutaires conseils. Aussi, il n'est pas douteux qu'ils n'accomplissent, chacun dans sa patrie, une oeuvre qu'on doit regarder comme importante à tous égards et riche en fruits de salut, du fait que, mus par
1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 696 : cf. la traduction française de la Documentation Catholique, t. XLI, 1940, col. 161.
le sentiment de leur devoir, ils sont prêts à remplir les tâches les plus ardues. Cette sollicitude toujours agissante leur vaut Notre pleine confiance, et Nous vous la rappelons volontiers pour que vous soyez reconnaissants envers ceux qui s'occupent de vous et que vous leur obéissiez avec docilité : les supérieurs peuvent, en effet, s'acquitter aisément des charges qui leur sont confiées si leurs subordonnés exécutent de bon gré leurs ordres.
Afin que les réconforts spirituels ne manquent ni à vous ni aux hommes confiés à votre ministère, Nous avons l'intention d'ajouter à tous les pouvoirs déjà accordés par Nous aux Vicaires aux armées ou aumôniers en chef dans les nations ou régions où existe ou bien existera soit l'état de guerre, soit la mobilisation, d'autres pouvoirs extraordinaires. Cela vous manifestera plus ouvertement l'amour paternel que Nous vous gardons dans ces souffrances et ces angoisses où vous avez été jetés 2.
Mais cette charge que Nous avons confiée aux Vicaires aux armées ou aux aumôniers en chef ne Nous dispense pas de l'obligation qui Nous incombe de vous faire connaître directement Nos sentiments, de vous exhorter en ce moment si grave à regarder attentivement et à remplir avec ardeur, entraînés par la conscience et l'esprit de votre vocation, ce qu'exige votre nouveau genre de vie.
Garder l'esprit sacerdotal.
Encore que vous ayez changé de costume, vous ne devez pas vous dépouiller de l'esprit qui présidait à votre activité habituelle. Qu'il vous inspire au milieu des camps, comme il vous inspirait lorsque chez vous vous accomplissiez les fonctions sacerdotales. Le même Père céleste qui vous a appelés à l'autel a permis que vos habitudes d'étude et de labeur sacré soient interrompues. Il vous a appelés à lui, souvenez-vous-en, non pas seulement pour le service du culte divin dont l'accomplissement n'est certainement pas le seul but du sacerdoce de l'Eglise catholique, mais aussi pour que vous soyez des hérauts de la parole de Dieu, des semeurs de l'Evangile, des ambassadeurs du Christ que vous devez faire connaître, faire désirer, faire aimer le mieux possible. Qu'il soit vôtre le programme du bienheureux apôtre Paul qui se glorifiait de ne rien savoir d'autre, de ne rien porter d'autre aux nations que le
2 Cf. ci-après, p. 401, le document de la Sacrée Congrégation Consistoriale, accordant aux. Ordinaires aux armées de nouveaux pouvoirs.
Christ et le Christ crucifié. Le Christ, il le portait autant par le témoignage de sa vie que par sa prédication, en tout lieu, en tout temps, en public et en privé, aussi bien lorsqu'il pouvait regarder la voûte azurée du ciel que lorsqu'il était en captivité. C'est de sa prison, où il recevait ceux qui venaient à lui et prêchait librement le royaume de Dieu, qu'il écrit aux Philippiens : « Frères, je désire que vous sachiez que ce qui m'est arrivé a plutôt tourné au progrès de l'Evangile » (Ph 1,12).
Demeurer apôtres sous l'uniforme.
Aujourd'hui, Dieu a permis que vous quittiez vos occupations ordinaires, qu'à l'armée vous soyez mis en contact avec des hommes qui diffèrent par l'éducation, les moeurs, la science, la profession, la foi religieuse, souvent éloignés de Dieu, ne connaissant ni Jésus-Christ ni l'Evangile, dépourvus même des rudiments de la foi, préoccupés par toutes sortes d'affaires plus que par ce qui regarde leur âme et leur salut éternel. Voici que la miséricorde de Dieu vous envoie vers ceux qui peut-être vous méprisaient, qui refusaient de recevoir de vous la parole du salut et la grâce de Jésus-Christ notre Sauveur ! Elle les amène à vous, en les rendant compagnons de vos occupations et de vos dangers, de vos peines et de vos souffrances.
Sachez apprécier à sa juste valeur ce qu'apporte l'heure qui passe. Ne jugez pas d'après des vues et des normes humaines les circonstances auxquelles est due la situation pénible d'aujourd'hui ; mais voyez-y la volonté toujours excellente et adorable du Père céleste qui tire le bien du mal et qui, en vous appelant sous les armes, désire par votre moyen au milieu de tant de ruines conduire les égarés, ceux qui font fausse route, au chemin de la vraie foi et à la pratique d'une vie chrétienne. Si vous travaillez, tout peut vous venir en aide, car plus le zèle apostolique pousse le prêtre à agir avec vaillance, plus aussi ce prêtre profite des occasions propices qui s'offrent plus fréquentes, plus il trouve de voies plus largement ouvertes à son ministère.
Mais, avant tout, en servant votre patrie sous l'uniforme militaire, servez aussi l'Eglise de telle sorte que resplendisse sous une forme vivante l'apostolat du Christ. Et tels vous serez, même sans parler, si d'abord par la pratique fidèle de vos devoirs et par la conduite la plus irréprochable vous faites honneur à votre vocation.
Nous vous adressons donc l'exhortation par laquelle l'apôtre saint Paul poussait les Philippiens, encore mêlés aux païens par leur communauté de vie sociale, à honorer, par l'éclat des vertus, la foi qu'ils professaient : « Conduisez-vous d'une manière digne de l'Evangile du Christ » (Ph 1,27). Et encore : « Agissez en tout sans murmures ni hésitations afin que vous soyez sans reproche, sincères, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu de ce peuple pervers et corrompu, au sein duquel vous brillez comme des flambeaux dans le monde » (Ph 2,14-15).
Donner l'exemple.
Que toujours transparaisse en vous le caractère de ministres de Dieu. Puisque vous êtes cela, soyez très attachés à votre devoir ; dans l'obéissance à vos chefs, en sauvegardant bien entendu la loi divine, soyez des modèles ; supportez joyeusement les choses pénibles, mais en aucune façon, à aucun moment, ne prenez part à ce qui vous apparaît léger, corrompu, blâmable dans le milieu où vous êtes. Avec une conduite morale austère, n'admettant avec le mal ni compromis, ni flatterie, ni concessions, votre exemple sera la condamnation des fautes d'autrui. Cette austérité de vie, en parfait accord d'ailleurs avec la discipline militaire dont le courage sans peur est la note caractéristique, ne vous empêche nullement, avec la douceur évangélique comme associée, de vous faire tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ. A la vérité, vous devez l'emporter sur tous les autres par le courage, afin de montrer partout ouvertement que vous êtes prêtres ou candidats au sacerdoce.
Si donc, sous l'impulsion de l'esprit de l'Evangile, qui est un esprit de liberté, vous vous faites, comme l'Apôtre des gentils, serviteurs de tous, quoique libres à l'égard de tous, afin d'en gagner un grand nombre (1Co 9,19), il faut également vous rappeler fréquemment, car ils doivent diriger votre conduite et votre activité, les conseils salutaires et pleins de sagesse du même apôtre : « Tout m'est permis, mais tout n'est pas expédient ; tout m'est permis, mais tout n'édifie pas » (1Co 10,22-23).
Vivant de ces pensées, vous exercerez une autorité salutaire sur les hommes de votre milieu et — consciemment ou à votre insu — vous introduirez dans l'intime des âmes un peu de cette bonne semence qui, jetée en terre, comme l'atteste le Seigneur, germe et grandit, même si le semeur ne s'en occupe plus (Mc 4,26 sq.). Vous aurez ainsi conscience de n'avoir point négligé la mission confiée à votre foi et d'avoir, selon vos forces, rendu témoignage à Jésus-Christ, votre divin Maître, devant les diverses classes de la société.
Grâce à vous, les hommes de toutes les classes sociales, ceux qui ont une profession libérale, aussi bien que les ouvriers, les savants et les ignorants, les esprits dociles et les caractères difficiles, tous connaîtront, dans le tumulte des camps, le message évangélique de rédemption et de salut, et vous ne commettrez pas la faute d'amener vos compagnons d'armes à penser que chez les disciples du Christ, et même chez ceux qui guident les autres pour qu'ils arrivent à la vie éternelle, la conduite est en désaccord avec l'enseignement. Vous gagnerez à l'Eglise l'estime et la sympathie de beaucoup d'hommes, et vous-mêmes, tout en servant dignement votre pays, vous vous ferez de nombreux amis qu'il vous sera facile d'amener dans le chemin de la foi ou d'enrôler parmi vos collaborateurs.
Enfin, n'oubliez jamais l'exhortation adressée par l'apôtre saint Paul aux fidèles dans ce siècle glorieux où le triomphe de l'Eglise s'affirmait grâce aux souffrances et aux tortures : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien » (Rm 12,21).
Tirer profit de l'expérience présente.
Voyez donc, chers fils, quel immense champ de travail la divine Providence réserve à votre apostolat généreux, après vous avoir éloignés de l'accomplissement paisible de votre ministère sacerdotal et des saints séminaires ecclésiastiques. Il y a là une raison de vous en glorifier en toute sincérité et de puiser en votre mission actuelle de nobles consolations capables sinon de supprimer complètement, du moins d'adoucir les épreuves et les sacrifices que la guerre vous impose.
Du reste, n'est-ce pas la souffrance qui donne à nos paroles, à notre enseignement, à notre action, la fécondité ? En souffrant, certes, bien plus qu'en agissant, nous rendons à la Vérité le bon témoignage.
En outre, considérable est le profit personnel que vous retirerez pour vos âmes de la situation présente. Quelle expérience des hommes et des choses vous pouvez acquérir à travers les vicissitudes variées et pénibles de la vie militaire ! Cette expérience rendra votre conduite plus riche de sagesse et apportera une certaine maturité de force virile dans votre labeur apostolique. Cette période qui, dans le cours de votre vie, semble être dangereuse, sera pour votre sacerdoce non pas nuisible, mais avantageuse, à la condition toutefois que vous restiez prudents, que vous marchiez en la présence du Seigneur, que jamais vous n'abandonniez sa main toujours digne d'être bénie qui vous conduit à travers une terre déserte, aride, impraticable, vers les sommets et les biens meilleurs.
Cependant, marcher en la présence de Dieu et ne jamais quitter la main du Guide divin, ce n'est pas autre chose — vous le savez bien — que pratiquer avec soin la piété chrétienne, grâce à laquelle l'âme s'élève et s'enflamme du désir continuel de bien agir. Est-il possible que la fleur de la piété évangélique répande ses parfums au milieu des armes et des camps ? Il en est cependant ainsi. Sans en donner d'autres preuves, rappelez-vous ces hommes auréolés de sainteté et qui appartenaient à l'état militaire. Astreints à une discipline semblable à la vôtre, ils ont vécu pour Dieu et très unis à lui, ne cherchant par-dessus tout qu'une chose : accomplir la volonté de Dieu en satisfaisant à tous leurs devoirs. Appliquez-vous partout et toujours à chercher avec soin le bon plaisir de Dieu et à y adhérer de toutes vos forces, malgré les répugnances de la nature. Que ce soit votre travail de chaque jour ; que par cette voie courte, facile et sûre, vous arriviez à cette piété qui, dans la situation et la condition présentes, servira de rempart assuré à votre vocation sacerdotale et sera un stimulant puissant, tout le long de votre vie, pour vous pousser aux plus saintes entreprises.
Sauvegarder les exercices de piété.
Mais pour que vous soyez remplis de ce désir continuel et généreux d'accomplir la volonté divine, il faut — qui peut en douter ? — que l'esprit de prière, loin de languir et de s'engourdir en vous, entravés par l'accomplissement de nouveaux devoirs, grandisse sous l'action du feu intérieur bien enflammé. Vous le nourrirez assidûment tant par la pieuse célébration du sacrifice eucharistique et par la fervente réception du Pain des forts, que par tout ce que la constante expérience des fidèles, sous l'impulsion de la grâce du Saint-Esprit, a montré comme éminemment efficace pour éloigner les âmes du péché et leur faire chercher toujours des vertus plus solides. Il peut difficilement arriver que les fidèles et surtout les prêtres soient, en raison des affaires, dans une situation telle qu'ils soient empêchés, en rentrant en quelque sorte en eux-mêmes, de se livrer fréquemment à de pieuses méditations, de faire attentivement leur examen de conscience, de venir dans l'ardeur de leur amour adorer, devant le tabernacle souvent, hélas ! délaissé, le Maître et le Seigneur divin qui a -coutume, par la grâce qu'il donne, d'éclairer et de réconforter ceux qui viennent à lui.
Dans la mesure du possible, très chers fils, tâchez d'acquérir cette piété et de vous en enrichir. Avec elle comme compagne, vous obtiendrez une grande abondance de mérites en sachant bien accepter les dangers où vous vous trouvez par la permission de Dieu, et vos frères, compagnons d'armes, recueilleront de nombreux fruits de salut, car le ministre de l'Evangile, soit par l'aide de son travail, soit par la miséricordieuse indulgence de son âme, est toujours disposé à tout donner à son prochain.
De partout les hommes vous observent avec des regards attentifs et curieux ; honorez votre sacerdoce, honorez l'Eglise dont vous portez un si grand poids de responsabilités. Ainsi vous aurez bien mérité de votre patrie en réconfortant par la très grande valeur de votre exemple vos concitoyens à l'heure grave du danger, en calmant leur esprit, en les poussant à agir avec intrépidité et à remplir les tâches plus ardues qui leur sont imposées. Elles vous remercieront à l'envi, les mères et les épouses que vous aurez consolées, en venant nombre de fois au secours de ceux qui leur sont chers. Vous aurez pour récompense la conscience du bien accompli ; elle vous dira tout bas, à l'intime de votre âme, que votre sacerdoce, loin de s'amoindrir dans cette tempête, se sera enrichi, par l'action du Saint-Esprit, d'un apostolat plus efficace, d'une piété plus développée. Et par-dessus tout — ce qui doit être le plus apprécié — vous aurez l'approbation de Dieu qui ne sait pas tromper, et, dans votre humilité, vous tressaillirez d'une joie sans mélange en entendant, comme un prélude de votre couronnement futur, les paroles de la promesse évangélique de Jésus : « Celui donc qui m'aura confessé devant les hommes, moi aussi je le confesserai devant mon Père qui est dans les cieux » (Mt 10,32).
Dans la ferme confiance que Notre désir et Notre attente seront réalisés, Nous vous accompagnons, chers fils, de Nos voeux paternels, souhaitant ardemment pour vous une parfaite santé de corps et d'âme et que vous échappiez toujours aux dangers. Et en priant Dieu d'abréger pour vous et pour tous les hommes ce temps cala-miteux de la guerre et, la paix internationale rapidement restaurée, de vous rendre aux postes tranquilles de votre ministère sacerdotal ou à vos chères études des sciences sacrées, Nous vous accordons de tout coeur et volontiers, comme gage de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.
Lucie- Nombre de messages : 1241
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Re: Pie XII 1939
ALLOCUTION AU CHAPITRE DE LA BASILIQUE SAINTE-MARIE-MAJEURE
(8 décembre 1939) i
Nous éprouvons une grande reconnaissance envers vous, chers fils, pour la parfaite courtoisie de votre accueil à Notre entrée dans le temple de la Vierge et pour vos compliments respectueux. Nous disons aussi Notre gratitude aux Vénérables Frères et à Nos autres Fils bien-aimés pour avoir rendu cette heure plus solennelle par la majesté de leur pourpre romaine. Nous disons aussi la reconnaissance que Nous devons au collège des chanoines et au clergé de cette basilique patriarcale et à tous les chrétiens ici présents dont l'assistance et Paffluence aimées sont pour Nous une cause de grande joie. Mais Nous voulons dire d'une manière particulière Notre sentiment de reconnaissance à vous qui avez voulu Nous offrir en présent l'image, à Nos yeux si précieuse, de la Très Sainte Vierge peinte en cinabre avec art en souvenir de Notre première célébration du sacrifice eucharistique.
C'est toujours pour Nous un rayon de joie que le jour sacré de la conception de la Mère de Dieu sans la tache de la faute originelle, ce jour qui amène par la merveille d'un mystère reconnu l'aurore de la rédemption des hommes et apporte en plénitude les prémices d'une joie universelle. Cette année il se fait plus joyeux parce qu'ici avec vous Nous célébrons la mémoire de Notre entrée dans le sacerdoce il y a huit lustres. Nous avons aimé dès Notre enfance ce temple magnifique de la Vierge bienheureuse ; il Nous a charmé en effet parce qu'au milieu de Notre ville natale, il s'ouvre comme une maison maternelle où la Reine qui règne sur les anges et les hommes règne par sa miséricorde, commande avec douceur, accorde
BASILIQUE SAINTE-MARIE-MAJEURE
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ses grâces, donne son secours ; il Nous a charmé parce qu'il protège l'aimable logis où, selon une pieuse tradition, le Sauveur enfant a vagi, parce qu'il garde le culte de la dépouille du Souverain Pontife cinquième de Notre nom, parce qu'il l'emporte par la sainteté qu'on y respire, la magnificence, le charme, la grâce. Voilà pourquoi, après Notre entrée dans le collège des prêtres et pour offrir la première fois le saint sacrifice, Nous avons choisi ce temple et dans la chapelle des Borghèse Nous avons célébré les divins mystères pour Nos parents, Nos proches et Nos amis tressaillants d'une sainte allégresse. Le doux souvenir de cet heureux événement pénètre souvent Notre esprit. En témoignage agréable et sincère de cet acte Nous reconnaissons que Notre sacerdoce, reçu sous les auspices de la Mère de Dieu, a progressé grâce à elle. En effet, si Nous avons fait tout au long de Notre vie le bien, la justice et ce qui est utile à la foi catholique, ce n'est pas en Nous mais en Dieu et en Notre-Dame que Nous Nous en glorifions et voilà pourquoi la juste joie de cette cérémonie Nous anime. Quand Nous Nous sommes réfugié dans la foi à Marie et sous sa protection, dans les doutes et les angoisses, où bien souvent Nous Nous sommes trouvé, Nous avons fait appel à Notre Mère très douce, et sans que jamais n'ait été déçu l'espoir confiant que Nous avions placé en Elle, c'est d'Elle que Nous avons reçu lumière, secours, consolation.
Puisse cette très fidèle protectrice continuer par sa bonté et son indulgence de protéger son enfant ; chargé du fardeau du ministère apostolique, il a besoin de son plus puissant secours. Qu'il invoque la Mère de Dieu dans la prière, lui qui, à son autel, a sacrifié pour la première fois au Dieu immortel. Qu'Elle accorde à son adorateur et fidèle pour la gloire de la divinité céleste et la sienne et pour le salut de l'Eglise d'acquérir la sagesse dans les décisions, l'habileté dans le travail, un amour de Dieu tel qu'il ne soit atteint par aucune opposition et une foi invincible telle qu'elle ne vacille pas dans les combats et qu'elle ne s'attiédisse pas dans les victoires. Puisse-t-elle, elle qui se réjouit d'être appelée le Salut du Peuple romain, regarder, Nous l'en supplions, cette ville très chère qui grâce à Elle s'est acquise tant de gloire et de beauté ; que par sa faveur le génie de ses enfants se dresse et brille de pureté et d'innocence comme la neige, qui selon la tradition pendant la chaleur brûlante dessina les plans de la construction de sa résidence ; que sous sa conduite les desseins des Romains deviennent fermes, clairs et purs comme les colonnes de marbre de ce temple, et que leur charité brille sans interruption comme la mosaïque qui en décore l'abside avec un art si consommé et comme l'or de ce magnifique plafond ; enfin que les affaires privées et publiques de tout genre soient florissantes et prospères.
Mais Notre esprit, s'arrachant à la joie présente, s'envole là où sur des terres chrétiennes se déchaîne une guerre qui fauche tant de jeunes et engendre ruines et larmes. Nous sommes frappé de tant de deuils et Nous souffrons d'une tristesse profonde et sans mesure. Les annales de l'histoire chrétienne rapportent que la Mère de clémence et de miséricorde a souvent écarté tous les malheurs qui fondaient sur ses fils. Que son regard miséricordieux fasse disparaître les tristesses des combats et, la haine déposée, de la concorde renouée revienne la bonne paix qui unisse les hommes par des liens réciproques et solides et la soumission à Dieu et que la fidélité dans la garde des commandements de Dieu l'affermisse. Apaise la mer, Etoile de la mer.
Au milieu des solennités pontificales, Nous offrons à Dieu ces voeux suppliants pour que par l'entremise de la Vierge bienheureuse soient chassées les nuées obscures et que le bonheur d'un âge meilleur sourie bientôt. Nous le souhaitons à tous ardemment, mais à vous qui maintenant Nous entourez d'une couronne de fête et de joie, en vous bénissant avec une ardente charité, Nous vous souhaitons avec ferveur l'indulgence et la faveur de la Vierge immaculée pour que vous ayez en surabondance la justice, la confiance, la joie : « Que l'âme de Marie soit en chacun pour qu'il glorifie le Seigneur, que l'esprit de Marie soit en chacun pour qu'il exulte en Dieu. » 2
ALLOCUTION A S. M. LE ROI-EMPEREUR
VICTOR-EMMANUEL III ET A S. M. LA REINE HÉLÈNE D'ITALIE
(21 décembre 1939) 1
Le 21 décembre, le Saint-Père reçut en audience solennelle, dans la salle du Tronetto, le roi-empereur Victor-Emmanuel III et la reine Hélène d'Italie. La première visite des souverains d'Italie au pape Pie XI datait du 5 décembre 1929. Voici la traduction du discours que Pie XII prononça à cette occasion :
La visite solennelle que le roi-empereur et son auguste épouse, la reine-impératrice — éclatant exemple de bonté pour les femmes italiennes — accompagnés d'une si brillante et si noble suite, ont voulu Nous faire, comme ils le firent déjà il y a dix ans à Notre prédécesseur — lequel sut sagement avec Votre Majesté réconcilier l'Eglise et l'Etat en Italie — Nous est d'autant plus agréable qu'elle est toute rayonnante de la splendeur de la très prochaine fête de Noël, fête de la paix, de la charité qui a racheté et transformé le monde.
Cette visite a lieu au moment où, tandis que d'autres peuples sont entraînés dans la guerre ou menacés par elle, et qu'un grand nombre de coeurs ont perdu la tranquillité et la paix, l'Italie, au contraire, néanmoins toujours vigilante et forte, sous la main auguste et sage de son roi-empereur et la clairvoyante direction de ses gouvernants, garde une attitude calme dans la vie nationale, dans la concorde des esprits, le culte des lettres, des sciences et des arts, dans les travaux des champs et des usines, sur les routes du ciel et des mers, dans les rites solennels de l'Eglise catholique.
La foi, qui anima au cours des siècles l'illustre maison de Savoie et l'a placée aussi sur les autels, a prouvé aujourd'hui devant Nous avec quelle intensité elle vit dans la royale et impériale dynastie dont la gloire s'élève dans l'emblème de la croix blanche. Sur vos Majestés, sur toute la famille royale, sur le chef et les membres du gouvernement, sur les personnes ici présentes, Nous invoquons, à l'approche des fêtes de Noël, les plus abondantes bénédictions célestes.
Puisse la main toute-puissante de Dieu guider les destinées du peuple italien, qui Nous est si proche et si cher, et inspirer les décisions de ses gouvernants, de façon qu'il lui soit donné la possibilité d'assurer dans une vigilance prévoyante et une sagesse conciliante, non seulement sa paix intérieure et extérieure, mais aussi le rétablissement d'une paix honorable et durable entre les peuples.
MESSAGE DE NOËL
(24 décembre 1939) 1
Le Saint-Père reçut en audience, dans la matinée du dimanche 24 décembre, les membres du Sacré Collège présents à Rome et les hautes personnalités de la Prélature romaine, venus lui offrir leurs voeux à l'occasion de Noël et du Nouvel-An qu'exprima en leur nom S. Em. le cardinal Granito Pignatelli di Belmonte, doyen du Sacré Collège. Le Souverain Pontife répondit par ce long message dans lequel il évoque les malheurs de la guerre et définit les principes fondamentaux d'une paix vraie et juste entre les peuples.
En ce jour d'un saint et suave bonheur, Vénérables Frères et chers Fils, où le désir ardent de Notre esprit, tendu par l'attente de l'avènement divin, va s'apaiser dans la très douce contemplation du mystère de la naissance du Rédempteur, Nous discernons comme un prélude de cette allégresse dans la joie intime de voir réunis autour de Nous les membres du Sacré Collège et de la Prélature romaine, et de recevoir des lèvres éloquentes de l'éminent cardinal doyen, aimé et vénéré de tous, les sentiments si délicatement affectueux et les souhaits qui — accompagnés et rendus sublimes par l'élan des prières ferventes adressées au divin Enfant — Nous sont offerts par tant de coeurs fidèles et dévoués, en cette heureuse solennité de la Nativité, première du cycle de l'année liturgique, et premier Noël de Notre pontificat.
La joie de Noël.
Notre esprit s'élève avec vous de ce monde vers les sphères spirituelles vivifiées par la grande lumière de la foi ; avec vous il s'exalte ; avec vous il se réjouit ; avec vous il s'absorbe dans le souvenir sacré du mystère et du sacrement des siècles, caché et manifesté dans la grotte de Bethléem, berceau de la Rédemption de tous les peuples, révélation de la paix entre le ciel et la terre, de la gloire de Dieu au plus haut des cieux et de la paix sur terre aux hommes de bonne volonté, début d'un cours nouveau des siècles, qui adoreront ce divin mystère, grand don de Dieu et félicité de la terre tout entière. Nous exultons, vous dirons-Nous en empruntant les paroles de Notre grand prédécesseur, le saint pontife Léon le Grand : « Nous exultons dans le Seigneur, très chers fils, et Nous sommes heureux d'une joie toute spirituelle, parce que brille sur nous le jour de notre rédemption nouvelle, de l'antique réparation, de la félicité éternelle. Voici, en effet, que revient pour nous par le retour de l'année le sacrement de notre salut, promis dès l'origine, accompli à la fin, perdurable sans fin, dans lequel il est digne que nous adorions ce divin mystère d'un coeur appliqué aux choses célestes, pour que l'Eglise célèbre dans une grande joie ce qui fut produit par un don magnanime de Dieu » 2.
Dans la célébration de ce divin mystère, la joie de nos coeurs s'élève, se fait spirituelle, s'enracine dans le surnaturel et tend vers lui, volant vers Dieu avec la magnifique expression de la prière de l'Eglise : ut inter mundanas varietates ibi nostra fixa sint corda, ubi vera sunt gaudia 3. Au milieu des heurts et du tumulte des divers événements de ce monde, la vraie joie se réfugie dans le domaine imperturbable de l'esprit, dans lequel, comme d'une tour que les bourrasques ne peuvent ébranler, on regarde avec confiance vers Dieu, on s'unit au Christ, principe et cause de toute joie et de toute grâce. N'est-ce pas là le sacrement du Roi de nos âmes, du Dieu Enfant de la crèche de Bethléem ? Quand ce secret royal passe et se fixe dans les âmes, alors la foi, l'espérance et l'amour se subli-misent dans l'extase de l'Apôtre des gentils, qui crie au monde : « Je vis, mais ce n'est pas moi ; c'est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).
Dans la transformation de l'homme dans le Christ, le Christ en personne revêt l'homme de lui-même, s'humiliant jusqu'à l'homme pour l'élever jusqu'à soi, dans cette joie de sa propre naissance qui forme un Noël continu, auquel la liturgie de l'Eglise ne cesse de nous
appeler en toute saison, nous invitant et nous exhortant à ce que se vérifie en nous la promesse qu'il nous fit, que notre coeur serait dans la joie, et que personne ne nous enlèverait notre allégresse (Jn 16,22).
Source de réconfort et de confiance.
La lumière céleste de cette joie et de ce réconfort soutient la confiance de ceux qui l'ont au coeur, vivante et resplendissante, et elle ne peut être assombrie ni troublée, quel que soit l'ennui ou la fatigue, l'inquiétude ou la souffrance qui monte ou murmure d'en bas, semblable à « l'alouette qui dans l'air s'élance d'abord en chantant, et puis se tait contente de sa dernière mélodie, qui la satisfait »4.
Là où d'autres s'effrayent, là où les eaux amères de l'affliction et du désespoir submergent les pusillanimes, les âmes dans lesquelles vit le Christ peuvent tout, et s'élèvent au-dessus des désordres et des bourrasques du monde, avec un courage et une ardeur toujours égaux, jusqu'à chanter l'ordre, la justice et les magnificences de Dieu. Sous les tempêtes, ils se sentent plus grands que les tourbillons, que la terre qu'ils foulent et que la mer qu'ils sillonnent — plus encore que par leur âme immortelle — par l'élévation de leurs coeurs vers Dieu, Sursum corda, par leurs prières et leur union à Dieu, Habemus ad Dominum.
Vers Dieu, miséricordieux et tout-puissant, Vénérables Frères et chers Fils, Nous élevons Notre regard et Notre supplication, comme la meilleure expression, et la plus efficace, de Notre gratitude pour vos voeux fervents de Noël, qui sont aussi une prière adressée au Père qui est dans les cieux et « de qui viennent toute grâce parfaite et tout don excellent » (Jc 1,17). Qu'il fasse que, dans cette union de prières, chacun de vous obtienne près de la crèche de son Fils unique fait homme au milieu de nous cette « mesure pleine, tassée, abondante et débordante » de joie de Noël que lui seul peut donner ; de telle sorte que, encouragés et soutenus par une si grande joie, vous puissiez poursuivre courageusement et virilement, comme des soldats du Christ, votre chemin à travers le désert de la vie sur terre jusqu'à ce couchant, où dans l'aurore de l'éternité resplendira à votre regard haletant la montagne du Seigneur ; et en chacun de vous, ressuscité à une nouvelle vie de bonheur indéfectible, s'accomplira la prière de l'Eglise pour Noël : « Contempler avec
* Dante, Paradis, 20, 73.
confiance, comme juge, ce Fils unique que nous accueillons maintenant avec joie comme Rédempteur » 5.
Evocation de Pie XI.
Mais en cette heure où la vigile de la sainte fête de Noël Nous procure la douce joie de votre présence, à l'allégresse vient se mêler bien vivant en Nous — et sans doute non moins en vous — le souvenir mélancolique de Notre glorieux prédécesseur de sainte mémoire (si pieusement évoqué par Notre Vénérable Frère le cardinal doyen) et des paroles — il y a seulement une année — paroles inoubliables, solennelles et graves, jaillies des profondeurs de son coeur paternel que vous écoutiez, avec Nous, remplis d'une vive douleur, comme le Nunc dimittis du vieillard Simeon ; paroles proférées dans cette salle, en cette même vigile, comme remplies du poids du pressentiment, pour ne pas dire de la vision prophétique, des malheurs prochains ; paroles d'avertissement suppliant, de sacrifice héroïque de sa personne, dont les accents enflammés émeuvent nos âmes aujourd'hui encore.
Le pape et la guerre.
L'indicible malheur de la guerre que Pie XI prévoyait avec une douleur profonde et extrême et qu'il voulait, de toute l'indomptable énergie de sa grande âme, éloigner des différends entre les nations, est maintenant déchaîné, et se présente comme une réalité tragique. Son fracas remplit d'une immense amertume Notre âme attristée par la pensée que la sainte naissance du Seigneur, du Prince de la paix, doive se célébrer aujourd'hui au milieu des grondements funestes et funèbres des canons, sous la terreur des armes aériennes, parmi les menaces et les pièges des navires de guerre. Et parce que le monde paraît avoir oublié le message pacifique du Christ, la voix de la raison, la fraternité chrétienne, Nous avons dû malheureusement assister à une série d'actes aussi inconciliables avec les prescriptions du droit international positif, qu'avec les prescriptions du droit naturel et même avec les sentiments d'humanité les plus élémentaires ; actes qui Nous montrent en quel cercle vicieux chaotique s'enlise le sens juridique dévoyé par des considérations purement utilitaires. C'est dans cette catégorie qu'entrent l'agression préméditée contre un petit peuple laborieux et pacifique sous le prétexte d'une menace inexistante, ni voulue ni même possible ; les atrocités (de quelque côté qu'elles aient été commises) et l'usage illicite de moyens de destruction, même contre des non-combattants et des fugitifs, contre des vieillards, des femmes, des enfants ; le mépris de la dignité, de la liberté et de la vie humaine, d'où découlent des actes qui crient vengeance devant Dieu : « La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi » (Gn 4,10) ; la propagande antichrétienne et même athée, toujours plus étendue et méthodique, surtout parmi la jeunesse.
Notre devoir, qui est aussi Notre volonté intime et sacrée de Père et de Maître de la vérité, Nous pousse à préserver l'Eglise et sa mission parmi les hommes de tout contact avec un tel esprit antichrétien ; c'est pourquoi Nous adressons une chaleureuse et instante exhortation surtout aux ministres du sanctuaire et aux « dispensateurs des mystères de Dieu » pour qu'ils soient toujours attentifs et exemplaires dans l'enseignement et dans la pratique de l'amour et pour qu'ils n'oublient jamais que dans le royaume du Christ il n'y a pas de précepte plus inviolable et plus fondamental et sacré que le service de la vérité et le lien de l'amour.
Les causes qui l'ont provoquée.
C'est avec une vive, une angoissante anxiété, qu'il Nous faut contempler de force, sous Nos yeux, les ruines spirituelles qui vont s'accumulant à cause d'une foule d'idées qui, d'une façon plus ou moins voulue ou voilée, obscurcissent et déforment la vérité dans les âmes de tant d'individus, de tant de peuples, entraînés ou non dans la guerre ; aussi Nous pensons au travail immense qui sera nécessaire — quand le monde fatigué de guerroyer voudra rétablir la paix — pour abattre les murs cyclopéens de l'aversion et de la haine qui ont été élevés dans la chaleur de la lutte.
Conscient des excès auxquels ouvrent la voie et poussent inéluctablement les doctrines et les oeuvres d'une politique qui ne tient pas compte de la loi de Dieu, Nous Nous sommes efforcé, comme vous le savez, lorsqu'éclatèrent les menaces de conflits, avec toute l'ardeur de Notre âme et jusqu'à l'extrême, d'éviter le pire et de persuader aux hommes qui avaient la force entre le mains et, sur les épaules, une lourde responsabilité, de reculer devant un conflit armé et d'épargner au monde des malheurs imprévisibles.
Nos efforts et ceux qui étaient venus, d'ailleurs, de personnalités influentes et respectées ne purent obtenir l'effet attendu, surtout à cause de l'inébranlable et profonde défiance, démesurément accrue dans les âmes au cours des dernières années, laquelle avait élevé des barrières insurmontables entre les peuples.
Ils n'étaient pas insolubles les problèmes qu'on agitait entre les nations, mais cette défiance, produite par une série de circonstances particulières, empêchait avec une force presque irrésistible d'ajouter foi encore à l'efficacité des promesses éventuelles, à la durée et à la vitalité des conventions possibles. Le souvenir de la durée éphémère et contestée de pareilles négociations ou accords finit par paralyser tous les efforts capables d'amener une solution pacifique.
Le pape songe à alléger les malheurs découlant de la guerre.
Il ne Nous resta plus, Vénérables Frères et Fils bien-aimés, qu'à répéter avec le prophète : « Nous attendions la paix, et il ne vient rien de bon ; le temps de la guérison, et voici l'épouvante » (Jr 14,19) et à Nous employer en attendant, autant que Nous le pouvions, à alléger les malheurs découlant de la guerre, bien que cela fût très difficile à cause de l'impossibilité, non surmontée encore, de porter le secours de la charité chrétienne dans les régions où le besoin en est plus urgent et plus grand. Depuis quatre mois, Nous voyons avec une angoisse indicible cette guerre, qui commença et se poursuit dans des conditions si insolites, accumuler des ruines tragiques. Et si jusqu'ici — excepté sur le sol ensanglanté de la Pologne et de la Finlande — le nombre des victimes peut paraître inférieur à celui qu'on craignait, la somme de douleurs et de sacrifices est arrivée au point d'inspirer une vive anxiété à ceux qui se préoccupent du futur état économique, social et spirituel de l'Europe, et non de l'Europe seulement. Plus le monstre de la guerre se procure, engloutit et s'adjuge les ressources matérielles qui sont toutes mises inexorablement au service des besoins de la guerre, sans cesse croissants, et plus aussi les nations, directement ou indirectement frappées par le conflit, sont en danger de tomber, dirions-Nous, dans une anémie pernicieuse ; une question se pose alors, pressante : comment une économie épuisée ou exténuée pourra-t-elle trouver, après la guerre, les moyens nécessaires à la reconstruction économique et sociale, au milieu de difficultés qui seront énormément accrues de toutes parts et dont les forces et les artifices des ennemis de l'ordre, toujours aux aguets, essayeront de profiter dans l'espoir d'asséner à l'Europe chrétienne le coup décisif ?
Même dans la fièvre du combat, de pareilles considérations du présent et de l'avenir doivent retenir l'attention des gouvernants et de la partie saine de chaque peuple, et les presser d'examiner les effets et de réfléchir sur les buts et finalités qui justifierait la guerre. Et Nous pensons que ceux qui, d'un oeil vigilant, regardent ces graves perspectives et considèrent d'un esprit apaisé les symptômes qui dans de nombreuses parties du monde indiquent cette évolution des événements, se trouveront, nonobstant la guerre et ses dures nécessités, intérieurement disposés à définir, au moment opportun et propice, clairement, en ce qui les regarde, les points fondamentaux d'une paix juste et honorable, et très simplement ne refuseront pas les négociations, si l'occasion s'en présente, avec les précautions et garanties nécessaires.
Points fondamentaux d'une paix juste et honorable :
1° Un postulat fondamental d'une paix juste et honorable est d'assurer le droit à la vie et à l'indépendance de toutes les nations, grandes et petites, puissantes et faibles. La volonté de vivre d'une nation ne doit jamais équivaloir à la sentence de mort pour une autre. Quand cette égalité de droits a été lésée ou détruite ou mise en danger, l'ordre juridique exige une réparation, dont la mesure et l'extension ne sont pas déterminés par l'épée, ni par un égoïsme arbitraire, mais par des normes de justice et d'équité réciproques.
2° Afin que l'ordre, ainsi établi, puisse avoir une tranquillité et une durée, qui sont les pivots d'une vraie paix, les nations doivent être libérées du pesant esclavage de la course aux armements et du danger que la force matérielle, au lieu de servir à garantir le droit, n'en soit au contraire un tyrannique instrument de violence. Des conclusions de paix qui n'attribueraient pas une fondamentale importance à un désarmement mutuellement consenti, organisé, progressif, dans l'ordre pratique comme dans l'ordre spirituel et qui ne s'emploieraient pas à le réaliser loyalement, révéleraient tôt ou tard leur inconsistance et leur précarité.
3° En toute réorganisation de communauté internationale, il serait conforme aux maximes de l'humaine sagesse que toutes les parties en cause déduisissent les conséquences provenant des déficiences et des lacunes du passé. Et dans la création ou la reconstruction des institutions internationales (lesquelles ont une mission si haute, mais en même temps si difficile et si pleine de très graves responsabilités), on devrait faire état des expériences qui découlèrent de l'inefficacité ou du défectueux fonctionnement de semblables initiatives antérieures. Et comme il est si difficile à la nature humaine, on serait tenté de dire presque impossible, de tout prévoir et de tout assurer au moment des négociations de paix, alors qu'il est fort malaisé de se dépouiller de toute passion et de toute amertume, l'établissement d'institutions juridiques, qui servent à garantir la loyale et fidèle application des conventions et, en cas de besoin reconnu, à les revoir et corriger, est d'une importance décisive pour une honorable acceptation d'un traité de paix et pour éviter d'arbitraires et unilatérales atteintes et interprétations en ce qui regarde les conditions des traités eux-mêmes.
4° Il est un point, en particulier, auquel il faudrait être spécialement attentif, si l'on veut une meilleure organisation de l'Europe : c'est celui qui concerne les vrais besoins et les justes requêtes des nations et des peuples, comme aussi des minorités ethniques. Si elles ne suffisent pas toujours à fonder un droit strict, quand se trouvent en vigueur des traités reconnus ou sanctionnés ou d'autres titres juridiques qui s'y opposent, ces requêtes méritent toutefois un bienveillant examen, pour aller au-devant d'elles par des voies pacifiques et même, là où cela apparaît nécessaire, par le moyen d'une équitable, sage et concordante révision des traités. En reconstituant les bases d'une mutuelle confiance, on éloignerait ainsi beaucoup d'incitations à recourir à la violence.
5° En outre, ces règlements meilleurs et plus complets seraient pourtant imparfaits et condamnés en définitive à l'insuccès, si ceux qui dirigent les destinées des peuples et les peuples eux-mêmes ne se laissaient pas toujours pénétrer davantage de cet esprit, qui seul peut donner vie, autorité et force d'obligation à la lettre morte des paragraphes dans les règlements internationaux ; de ce sentiment d'intime et vive responsabilité, qui pèse et mesure les constitutions humaines selon les saintes et inébranlables normes du droit divin ; de cette faim et soif de justice, proclamée béatitude dans le Sermon sur la montagne, et qui a comme présupposé naturel la justice morale ; de cet amour universel, qui est le résumé et le terme le plus élevé de l'idéal chrétien, et qui par là jette un pont même vers ceux qui n'ont pas le bonheur de participer à notre foi.
La paix est une cause qui doit réunir les efforts de toutes les âmes nobles et généreuses.
Nous ne méconnaissons pas les graves difficultés, qui s'opposent à la réalisation des buts, dont Nous venons de tracer les grandes lignes, pour fonder, mettre en acte et conserver une juste paix internationale. Mais s'il fût jamais un objet digne du concours de toutes les âmes nobles et généreuses, et qui pût susciter un élan de croisade spirituelle, où résonnât réellement de nouveau le cri de « Dieu le veut », c'est en vérité ce très noble objet, cette croisade, cette lutte des coeurs purs et magnanimes, pour tirer les peuples des eaux troubles des intérêts matériels et égoïstes et les reconduire aux sources vives du droit divin, lequel seul peut conférer cette moralité, cette grandeur, cette stabilité dont trop et trop longtemps on a senti la carence et le besoin pour le plus grand dommage des nations et de l'humanité.
Vers cet idéal, où gisent en même temps les fins réelles d'une vraie paix dans la justice et dans l'amour, Nous attendons et espérons que tous ceux qui Nous sont unis par les liens de la foi tendent leur esprit et leur coeur, grands ouverts, chacun à sa place et dans les limites de sa mission, afin que, quand l'ouragan de la guerre sera sur le point de cesser et de se dissiper, surgissent, au sein de tous les peuples et de toutes les nations, des esprits prévoyants et purs, animés d'un courage qui sache et puisse opposer au ténébreux instinct de basse vengeance la sévère et noble majesté de la justice, soeur de l'amour et compagne de toute vraie sagesse.
Bethléem et son message de paix.
De cette justice, qui seule est capable de créer la paix et de l'assurer, Nous, et avec Nous tous ceux qui écoutent Notre voix, n'ignorons pas où il nous est donné de trouver le sublime exemplaire, l'impulsion intime et la promesse assurée. « Allons jusqu'à Bethléem, et voyons » (Lc 2,15). Allons à Bethléem où nous trouverons, étendu sur la crèche, le Nouveau-né, « Soleil de justice, le Christ notre Dieu », et auprès de lui la Vierge-Mère, « Miroir de justice » et « Reine de la paix », avec le saint gardien Joseph, « l'homme juste ». Jésus est le Désiré des nations. Les prophètes le désignèrent et chantèrent ses futurs triomphes : « Et il sera nommé Admirable, Conseiller, Dieu, Fort, Père du siècle à venir, Prince de la paix » (Is 9,6).
A la naissance de ce divin Enfant, un autre prince de la paix était assis sur les rives du Tibre et avait dédié avec solennité un Autel de la Paix d'Auguste, dont les merveilleux restes, encore que morcelés, ensevelis sous les ruines de Rome, ont été relevés de nos jours. Sur cet autel, Auguste sacrifiait à des dieux qui ne sauvent pas. Mais il est permis de penser que le vrai Dieu et l'éternel Prince de la paix, qui, quelques années après, descendait parmi les hommes, exauça les soupirs de cette époque pour la paix, et que la paix d'Auguste fut comme une figure de cette paix surnaturelle, que lui seul peut donner et où toute vraie paix terrestre se trouve nécessairement comprise ; de cette paix conquise non par le fer, mais par le bois de la crèche de cet Enfant Seigneur de la paix, et par le bois de sa future croix, où il mourait, en l'arrosant de son sang, sang non point de haine et de rancoeur, mais sang d'amour et de pardon.
Allons donc à Bethléem, à la grotte du Roi de la paix, qui vient de naître apportant une paix chantée par les légions d'anges au-dessus de sa crèche. Agenouillés devant lui, au nom de cette humanité inquiète et bouleversée, au nom des êtres innombrables, sans distinction de peuples et de nations, qui saignent et meurent, ou qui sont jetés dans la douleur et dans la misère, ou qui ont perdu leur patrie, Nous adressons à ce Roi notre prière de paix et de concorde, de secours et de salut, avec les paroles que l'Eglise met, ces jours-ci, sur les lèvres de ses enfants : « O Emmanuel, notre Roi et Législateur, attente des gentils et leur Sauveur, venez nous sauver, Seigneur notre Dieu » 6.
Appel au sacrifice et à la prière.
Tandis que dans cette prière Nous répandons Notre insatiable aspiration à une paix dans l'esprit du Christ, Médiateur de paix entre le ciel et la terre, avec sa bénignité et son humanité apparues parmi nous, et tandis que Nous exhortons tous les fidèles à offrir aussi à Nos intentions leurs sacrifices et leurs prières, Nous vous donnons, ainsi qu'à tous ceux que vous portez dans votre esprit, à tous les hommes de bonne volonté, qui se trouvent sur la face de la terre, spécialement à ceux qui souffrent, qui sont tourmentés, persécutés, incarcérés, terrorisés en tous lieux et en tous pays, la Bénédiction apostolique, avec une affection qui n'a pas changé, comme gage de grâces, de consolations et de réconforts célestes.
Le Saint-Père annonce la nomination d'un représentant des Etats-Unis auprès du Saint-Siège.
A la fin de ce discours, Nous ne voulons pas Nous priver de la joie de vous annoncer, Vénérables Frères et chers Fils, qu'il Nous est parvenu ce matin de la délégation apostolique de Washington un télégramme, dont Nous tenons à vous lire l'introduction et la partie essentielle.
« Monsieur le président a appelé ce matin Monseigneur Spellman, archevêque de New York ; après un entretien avec lui, il l'a envoyé chez moi en même temps que M. Berle, secrétaire adjoint, remettant une lettre pour Sa Sainteté, que je transcris ici littéralement, selon le désir de Monsieur le président lui-même. Par elle, Monsieur le président déclare nommer un représentant du président, avec rang d'ambassadeur extraordinaire, mais sans le titre formel, près le Saint-Siège. Ce représentant sera Son Excellence Monsieur Myron Taylor, qui partira pour Rome dans un mois environ. La nouvelle sera publiée officiellement demain. »
Suit le texte de la lettre, en langue anglaise, qui sera publiée dans l'Osservatore Romano.
Aucune nouvelle ne pouvait Nous être plus agréable pour Noël étant donné qu'elle manifeste, de la part du chef eminent d'une nation aussi grande et puissante, une contribution importante et encourageante à Nos efforts pour l'établissement d'une paix juste et honorable, comme pour une action plus efficace et étendue, en vue de soulager les souffrances des victimes de la guerre. Aussi tenons-Nous à exprimer ici aussi, pour ce geste noble et généreux de M. le président Roosevelt, Nos félicitations et Notre reconnaissance.
ALLOCUTION A LA GARDE NOBLE PONTIFICALE
(26 décembre 1939) 1
Recevant ce jour dans la salle du Trône les membres de la Garde Noble, le Saint-Père a répondu par les paroles suivantes à l'adresse d'hommage que lui avait lue le prince Chigi délia Rovere, leur commandant :
Nous vous sommes vivement reconnaissant, chers fils, pour les souhaits dévoués de Noël que vous êtes venus Nous offrir et dont votre illustre commandant récemment nommé à ce haut grade a été l'éloquent interprète. L'absolu dévouement au pape, dont vous Nous donnez par votre présence une nouvelle et si noble preuve, est une tradition glorieuse de votre corps. Dans l'année qui va se clore et qui a été marquée par de grandes luttes de l'Eglise, il semble que votre regretté commandant ait voulu en donner un suprême témoignage quand, après une vie de fidélité à tous ses devoirs de chrétien et de gentilhomme, il quitta ce monde peu après Notre incomparable prédécesseur Pie XI de sainte mémoire, comme pour escorter, selon la sainte consigne, la personne sacrée du pape jusqu'à son dernier voyage — celui qui ne connaît pas de retour.
Au nouveau pontife que malgré son indignité l'Esprit-Saint dans ses conseils inscrutables a placé à la tête de l'Eglise, un nouveau commandant apporte aujourd'hui ses bons et loyaux services, un commandant qui unit à ses vertus personnelles l'hérédité des deux grandes familles patriciennes et papales, les Chigi et les délia Rovere. Votre garde a reçu de la même manière, comme un legs précieux, des mains de son fondateur Pie VII les fonctions et les mérites de deux grandes milices pontificales, les Cavalleggeri et les Lance Spezzate.
Comment ne pourrions-Nous pas attendre de vous que vous resterez toujours fidèles à de tels exemples du passé et aux consignes données à votre corps par Notre glorieux prédécesseur : la « garde immédiate de la personne du pontife », « l'honneur et l'ornement » du souverain ?
Ce vceu, du reste, Nous le considérons comme déjà accompli. L'histoire des milices pontificales, et la vôtre en particulier, montre avec quelle valeur vos ancêtres ont gardé et défendu la personne des papes ; et beaucoup d'entre vous pourraient en outre rappeler les prouesses de leurs aïeux sur plus d'un champ de bataille de l'histoire. Mais Nous avons confiance que vous n'aurez plus jamais à intervenir pour Nous défendre par la force et Nous aimons à penser, comme le saint archevêque de Cantorbéry, dont on célébrera prochainement la fête, que l'Eglise de Dieu n'a pas besoin d'être gardée comme un camp fortifié : Non est Dei Ecclesia custodienda more castrorum. Nous formons par conséquent le voeu que ces armes dont l'acier brille entre vos mains symbolisent plutôt par la splendeur de leurs lames l'ardeur et la fermeté de votre foi.
Votre autre devoir que rappelle le nom même de votre garde, Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, Grégoire XVI, le définissait en disant, comme Nous l'avons déjà rappelé, que vous avez à l'égard du pape une charge « non seulement de garde fidèle mais encore de decorum et d'ornement ». Vous êtes non seulement des gardes, mais des gardes nobles.
Nobles vous l'étiez déjà même avant d'entrer au service de Dieu et de son Vicaire sous le drapeau blanc et or. L'Eglise aux yeux de qui l'ordre de la société humaine repose fondamentalement sur la famille, pour humble qu'elle soit, ne mésestime pas ce trésor familial qu'est la noblesse héréditaire. On peut dire aussi que Jésus-Christ lui-même ne l'a pas dédaignée : l'homme à qui il a confié la charge de protéger son adorable humanité et sa Vierge Mère était de souche royale : Joseph, de domo David (Lc 1,27).
C'est pourquoi Notre prédécesseur Léon 12, dans l'acte du 17 février 1824 qui réformait votre corps, attestait que la garde noble est « destinée à fournir le service le plus proche et immédiat de Notre personne même et constitue, tant par le but de son institution que par la qualité des hommes qui la composent, le premier et le plus respectable de tous les corps de Notre pontificat ».
Mais vous avez bien compris que cette hérédité ancestrale, si elle confère des honneurs, apporte aussi des devoirs. C'est à ce propos qu'il Nous plaît de vous proposer pour modèle l'aimable sainte
Thérèse de Lisieux qui, dans la petite sacristie du Carmel, apportait un soin plein d'amour pour conserver sans tache, pour rendre tou-jour plus resplendissants les vases sacrés qui devaient garder le corps très saint de Jésus. De la même manière, vous aussi, gardes du corps et gardes d'honneur du Vicaire du Christ, vous conserverez, vous accroîtrez toujours en vous cette pureté de coeur et cette élévation d'âme qui sont le plus beau de vos titres, afin de transmettre à vos descendants ce glorieux patrimoine encore enrichi.
C'est avec ce souhait et en témoignage de la particulière bienveillance que Nous nourrissons pour votre corps et pour chacun de ses membres, que Nous vous accordons à vous, à vos chères familles, comme aussi à toutes les personnes que vous portez dans votre esprit et dans votre coeur, en gage des faveurs célestes, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A S. M. LE ROI-EMPEREUR
VICTOR-EMMANUEL III ET A S. M. LA REINE HÉLÈNE D'ITALIE
(28 décembre 1939) 1
Pour protester contre l'injuste spoliation des Etats pontificaux achevée par la prise de Rome en 1870, les papes s'interdirent, jusqu'aux accords du Latran en 1929, de sortir du palais du Vatican. La conciliation de l'Italie et de la Papauté une fois réalisée, des rapports s'établirent entre les deux pouvoirs.
Ce fut donc un événement historique que la visite que fit Pie 12, le 28 décembre, aux souverains d'Italie au Palais du Quirinal. En effet, la dernière visite personnelle d'un pape à un chef d'Etat datait de soixante-dix ans ; ce fut celle qu'accomplit Pie IX, le 13 décembre 1869, en allant saluer l'impératrice Elisabeth d'Autriche au Palais Farnèse.
Voici l'allocution que prononça le Souverain Pontife en cette circonstance :
En ce jour fortuné, dans cet auguste palais royal, devant S. M. le sage roi et empereur et S. M. la reine-impératrice, suave modèle de maternité et de vertus familiales pour le peuple italien, et en présence, non seulement des cardinaux et de Notre suite, mais d'une assemblée aussi distinguée de princes et princesses royaux, de personnages de la cour et du gouvernement, Nous renouvelons l'expression de Notre vive satisfaction pour la visite solennelle que Leurs Majestés Nous ont faite au palais apostolique du Vatican, avec ce sentiment de vénération envers le Siège de Pierre, qui exalte à Nos yeux et à ceux de Rome qui applaudit et du monde l'esprit catho-
Iique plusieurs fois séculaire de la dynastie de Savoie, si glorieuse par sa phalange de saints et de bienheureux.
Dans ce palais, après dix ans, se scelle à nouveau l'heureuse réconciliation entre l'Eglise et l'Etat, laquelle éclaire du même rayon de gloire les noms de Notre prédécesseur vénéré Pie XI et de S. M. Victor-Emmanuel III.
Le Vatican et le Quirinal, que le Tibre sépare, sont réunis par le lien de la paix, avec les souvenirs de la religion des pères et des aïeux. Les eaux du fleuve ont emporté et enseveli dans les abîmes de la mer Tyrrhénienne les flots troubles des discordes du passé pour faire fleurir, sur les deux rives, des rameaux d'olivier.
Aujourd'hui que, pour la première fois depuis dix années, la main du Pontife romain s'élève bénissante, dans cette salle splendide, en signe de paix, l'Italie contemple et exulte et de même le monde catholique et les deux princes des apôtres dont l'effigie surmonte l'entrée de ce palais, et qui semblent heureux, eux aussi, de voir poindre l'aurore d'une ère nouvelle.
Et c'est avec une prodigalité particulière que la Vierge de l'Annonciation, à laquelle est consacré un pieux oratoire, se plaît à répandre les trésors de ses grâces sur la famille royale dont la lignée s'honore de la vénérer comme la plus haute décoration de son ordre équestre.
C'est pourquoi Nous supplions Dieu et sa très sainte Mère d'étendre leur protection sur les augustes souverains, sur les princes et princesses de la famille royale, sur l'illustre chef et sur les membres du gouvernement, ainsi que sur toutes les personnes présentes, afin que la paix qui, sauvegardée par la sagesse des gouvernants, fait de l'Italie une nation grande, forte et respectée devant le monde, serve d'éperon et de stimulant aux ententes futures entre les peuples qui, tels des frères devenus ennemis, se battent aujourd'hui sur terre, sur mer et dans les airs ; ententes qui, par leur contenu et leur esprit, soient la promesse certaine d'un ordre nouveau, pacifique et durable, que l'on chercherait en vain en dehors des voies royales de la justice et de la charité chrétienne.
A l'adresse d'hommage de S. Exc. le Dr Luigi Cruz-Ocampo venu présenter les lettres qui l'accréditent comme nouvel ambassadeur du Chili auprès du Saint-Siège, le Souverain Pontife a répondu par l'allocution suivante :
Les liens d'affection qui unissent le Siège apostolique au peuple du Chili, la réciproque confiance qui les caractérise et qui s'est manifestée même dans des circonstances difficiles, assurent à Votre Excellence un accueil cordial et bienveillant, en harmonie avec les sentiments de votre noble nation et avec l'importance de la noble mission que S. Exc. M. le président de la République vous a confiée.
Votre Excellence, parlant au nom de son gouvernement, a trouvé des paroles élevées pour reconnaître les valeurs spirituelles que l'Eglise catholique a proclamées dans le monde et que, depuis presque deux mille ans, elle maintient et s'efforce de promouvoir au prix de grandes difficultés et oppositions, de même qu'aussi la portée extraordinaire de l'application de ces valeurs en accord avec les nécessités de notre temps dans le domaine immense et discuté du progrès social. Ces paroles sont pour Nous sujet de satisfaction et un gage qu'à l'avenir les relations entre le Saint-Siège et la République du Chili iront en se développant dans l'harmonie, à l'avantage des vrais intérêts de votre pays et du bien spirituel et culturel de votre peuple.
L'Eglise, dont la main maternelle tâte avec un soin inquiet le pouls fébrile de l'humanité de notre temps ; l'Eglise, dont l'oeil perspicace découvre les besoins, les souffrances et les aspirations qui sont cachés à d'autres ; l'Eglise, dont l'oreille ausculte dans les confi
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DU CHILI
(30 décembre 1939) 1
dences des coeurs ces abîmes dans lesquels sont plongées les âmes de ceux qui se croient victimes d'injustices conscientes ou inconscientes ; l'Eglise, disons-Nous, voit avec une claire évidence et seconde avec un zèle infatigable l'impérieux devoir de cette « rédemption des prolétaires » qui a commencé dans la crèche de Bethléem et dont Notre grand prédécesseur parlait avec une science si éclairée et si apostolique.
Rien ne Nous sera plus agréable, Monsieur l'ambassadeur, que de procurer de plus en plus au peuple chilien qui Nous est si cher — sur le territoire duquel Nous venons d'augmenter les moyens de Notre assistance spirituelle efficace par l'érection de deux nouveaux archidiocèses — ces secours précieux et irremplaçables sur le chemin de la vraie prospérité, qui proviennent de la doctrine et de la loi de Jésus-Christ et d'une formation individuelle et sociale en pleine conformité avec elle.
La confiance qu'a fait naître en Nous les paroles de Votre Excellence, que l'Eglise, dans l'exercice de sa mission de vérité et d'amour, pourra jouir au Chili de la liberté qui lui convient comme à une société parfaite et qui est si profondément enracinée dans la conscience catholique du peuple chilien, Nous autorise à nourrir l'espoir d'un avenir tranquille et serein.
C'est dans l'espérance de cet heureux avenir que Nous répondons cordialement aux voeux courtois que, par votre intermédiaire, Nous a adressés S. Exc. M. le président de la République, et que Nous offrons à Votre Excellence Notre bienveillant appui dans l'accomplissement de sa haute charge, tandis que Nous envoyons avec une affection paternelle, à travers l'immensité de l'Océan et par-dessus les Andes, à tous Nos chers fils et filles du lointain Chili, Nos plus abondantes bénédictions.
CONGRÉGATIONS ROMAINES
•à
SUPRÊME SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE
DÉCRETS ET COMMUNICATIONS 28 juin 1939
Décret condamnant et mettant à l'Index le livre suivant de Gabriele D'An-nunzio : Solus ad Solam.
A. A. S., XXXI, 1939, p. 260 ; cf. Documentation Catholique, t. XL, col. 893.
10 juillet 1939 1
Levée d'interdiction du journal * L'Action Française » :
Par décret de cette Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office en date du 29 décembre 1926 2, le journal L'Action Française, tel qu'il était alors publié, fut condamné et mis à l'Index des livres prohibés, attendu ce qui s'écrivait dans ledit journal, surtout à cette époque-là, contre le Siège apostolique et contre le Souverain Pontife lui-même.
Or, par une lettre adressée à la date du 20 novembre 1938 au Souverain Pontife Pie XI, de sainte mémoire, le comité directeur de ce journal fit sa soumission et présenta, pour obtenir que fût levée la prohibition du journal, une pétition qui fut soumise à l'examen de cette Sacrée Congrégation.
De plus, récemment, ce même comité, réitérant la pétition, fit une profession ouverte et louable de vénération envers le Saint-Siège, réprouva ses erreurs et donna des garanties sur le respect du magistère de l'Eglise par une lettre adressée le 19 juin 1939 au Pape Pie 12, glorieusement régnant, lettre dont le texte est rapporté ci-après à l'annexe N° I.
C'est pourquoi, dans la séance plénière de la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office tenue le mercredi 5 juillet 1939, les éminentissimes cardinaux préposés à la sauvegarde de la foi et des moeurs, après avoir consulté les éminentissimes et révérendissimes cardinaux de France, ont décrété :
A dater du jour de la promulgation du présent décret, la défense de lire et de conserver le journal L'Action Française est levée, restant prohibés les numéros mis jusqu'à ce jour à l'Index des livres prohibés, sans toutefois que cette Suprême Sacrée Congrégation entende porter aucun jugement sur ce qui regarde les choses purement politiques et sur les buts poursuivis par le journal dans ce domaine — pourvu, bien entendu, qu'ils ne soient pas contre la morale — et ad mentem à savoir : conformément à ce qui a été, à maintes reprises, inculqué par le Saint-Siège, concernant soit la distinction entre les choses religieuses et les choses purement politiques, soit la dépendance de la politique par rapport à la loi morale, soit les principes et les devoirs établis en vue de promouvoir et de défendre l'Action catholique, cette Suprême Sacrée Congrégation recommande instamment aux Ordinaires de France la vigilance en vue d'assurer l'observation de ce qui a été déjà statué en la matière par l'assemblée des cardinaux et archevêques de France en l'année 1936 et qui est rapporté dans l'annexe N° II ci-après.
Annexe N" I
Lettre du comité directeur de L'Action Française adressée à S. S. le Pape Pie XII le 19 juin 1939 3 :
Très Saint-Père,
Nous soussignés, membres du comité directeur du journal L'Action Française unis dans les sentiments de la plus profonde vénération pour Votre Sainteté.
Mettons à Ses pieds, au début de Son pontificat, marqué déjà des signes universellement reconnus de la justice et de la paix, la sincère et loyale déclaration de nos intentions et des assurances par lesquelles nous voulons renouveler l'expression des sentiments que nous avons déjà soumis au très regretté et vénéré Pontife Pie XI, de sainte mémoire, dans notre lettre du 20 novembre 1938, pour obtenir le retrait de la mise à l'Index, prononcée par la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office contre le journal L'Action Française.
1. Pour ce qui concerne le passé, nous exprimons la plus sincère tristesse de ce qui, dans les polémiques et controverses antérieures et postérieures au décret de condamnation du Saint-Office, le 29 décembre 1926, a paru et a été de notre part irrespectueux, injurieux et même injuste envers la personne du Pape, envers le Saint-Siège et la hiérarchie ecclésiastique, et contraire au respect que tous doivent avoir pour toute autorité dans l'Eglise.
2. Pour tout ce qui regarde en particulier la doctrine, tous ceux d'entre nous qui sont catholiques, en réprouvant tout ce qu'ils ont pu écrire d'erroné, rejettent complètement tout principe et toute théorie qui soient contraires aux enseignements de l'Eglise catholique, enseignements pour lesquels nous professons unanimement le plus profond respect.
3. Nous déclarons et assurons en outre que nous voulons être très attentifs à rédiger le journal, de telle manière que, ni les collaborateurs, ni les lecteurs n'y trouvent rien qui, directement ou indirectement, trouble leur conscience et qui s'oppose à l'adhésion due aux enseignements et aux directives d'ordre religieux et moral de l'Eglise.
3 Les deux annexes sont en français et ont été publiées à la suite du texte latin du décret ; cf. A. A. S., XXXI, 1939, p. 303 ; cf. Documentation Catholique, t. XL, col. 985.
S. CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE
399
Nous affirmons formellement notre volonté unanime de développer notre activité de journalistes, même dans le domaine social et politique, de façon à ne jamais manquer, pour ce qui est des catholiques, à la soumission et, pour nous tous, au respect dû aux directives de l'autorité ecclésiastique dans les problèmes qui, en ce domaine social et politique, intéressent l'Eglise par leurs rapports avec sa fin surnaturelle.
Depuis longtemps, Très Saint-Père, les violences, attaques et toute autre attitude du journal qui ont motivé la condamnation de 1926, ont cessé et sont désavouées.
C'est pourquoi nous osons demander au Père qui tient les clefs de la miséricorde et de la justice, de daigner considérer, en terminant l'examen déjà commencé par Sa Sainteté Pie XI, si, selon Son jugement souverain, les justes motifs de prohibition ayant, ce nous semble, cessé d'exister, celle-ci ne pourrait légitimement tomber à son tour.
Et nous mettons aux pieds de Votre Sainteté, avec l'hommage de notre profonde vénération, celui de notre dévouement inaltérable, en sollicitant de tout coeur les bénédictions du Père commun sur chacune de nos personnes et, par-delà, sur toute notre France, fille aînée de l'Eglise, à laquelle nous avons dévoué notre vie.
Paris, le 19 juin 1939.
Léon Daudet, co-directeur de « L'Action Française » ; Ch. Mauras, co-directeur de «• L'Action Française » ; Maurice Pujo, rédacteur en chef de «• L'Action Française » ; Paul Robain ; Jacques Delebecque ; F. de Lassus ; Robert de Boisfleury, administrateur délégué de * L'Action Française » ; Général de Partouneaux, président du Conseil d'administration ; M. de Roux, avocat, leur défenseur et conseil.
Annexe N° II
Décisions de l'assemblée des cardinaux et archevêques de France de 1936 :
a) Le clergé
1. Le clergé ne doit pas négliger de faire son devoir civique, mais il évitera soigneusement de s'inféoder aux partis politiques.
2. Il est tenu d'exposer, en dehors de toute considération de parti, la doctrine catholique qui concerne les droits de l'Eglise, de la famille, de l'école et généralement le bien commun.
b) Les catholiques
1. Les catholiques auront le souci constant de maintenir l'Eglise et l'Action catholique en dehors et au-dessus des partis.
2. Ils sont tenus de s'intéresser à l'action civique et, pour cela, seront instruits des principes catholiques d'action civique.
3. Les dirigeants et militants d'Action catholique ne seront pas en même temps directeurs, représentants ou propagandistes d'un parti politique.
4. Ils pratiqueront loyalement les vertus du citoyen et notamment le respect du pouvoir établi.
10 novembre 1939
Décret condamnant et portant à l'Index deux livres de Petro Ubaldi :
1. L'ascesi misttca (L'ascèse mystique)
2. La grande sintesi (La grande synthèse)
A. A. S., XXXI, 1939, p. 680 ; cf. Documentation Catholique, c. XLI, col. 153.
12 décembre 1939* Décret condamnant certaines formes de dévotion :
Est-il permis de répandre parmi les fidèles les formes de dévotion appelées : « Dévotion à l'Amour anéanti de Jésus » et « Rosaire des très saintes Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ » ?
Les éminentissimes cardinaux préposés au maintien des choses de foi et de moeurs, ayant aussi sous les yeux le décret du 26 mai 1937 « Des nouvelles formes de culte ou de dévotion à ne pas introduire et des abus malsonnants à enlever » (A, A. S., 1937, p. 304) ont décidé de répondre : cela n'est pas permis.
SACRÉE CONGRÉGATION CONSISTORIALE
é? décembre 1939 1
POUVOIRS ACCORDÉS AUX ORDINAIRES MILITAIRES
S. S. Pie XII a accordé les pouvoirs suivants aux Ordinaires militaires ou aumôniers en chef, de quelque nom qu'on les désigne, dans toutes les nations ou régions où l'état de guerre, ou bien la mobilisation existe ou bien pourra exister, avec autorisation pour les Ordinaires militaires ou aumôniers en chef de déléguer ces pouvoirs d'une façon habituelle aux aumôniers militaires qui dépendent d'eux et aussi, s'ils le veulent, à d'autres prêtres séculiers ou religieux, mais idoines et dignes, qui leur sont soumis en raison du service militaire. Ces pouvoirs qui ne vaudront que pour la durée de la présente guerre, sont en faveur tant des prêtres et des clercs eux-mêmes que des soldats et des autres fidèles qui accompagnent les armées de terre, de mer ou de l'air.
1. De célébrer deux messes les dimanches ou autres fêtes de précepte, et, en cas de nécessité urgente, de consacrer la sainte Eucharistie pour l'utilité commune ; ils peuvent aussi biner les jours ordinaires en observant les rubriques et en gardant le jeûne.
2. De célébrer la messe dans un lieu convenable et décent, même en plein air et sur un navire, pour un juste motif et tout danger d'irrévérence étant écarté. Chaque fois que la messe est célébrée en plein air, on doit prendre des précautions pour empêcher le vent de disperser les parcelles ou fragments de la très sainte Eucharistie ; dans ce but on emploiera une tente ou une étoffe enveloppant les trois côtés de l'autel.
3. De jouir de l'induit personnel de l'autel privilégié chaque fois qu'ils célèbrent la messe pour le repos des âmes de ceux qui sont morts à la guerre.
4. De dire, les dimanches et fêtes du Seigneur, la messe de la Très Sainte Trinité ; pendant l'octave de Pâques, la messe du jour de la Résurrection ; aux autres fêtes doubles de lre et de 2e classes, la messe De Beata Maria Virgine qui est indiquée selon la diversité du temps liturgique ; en chaque cas, on dira le Gloria et le Credo, et on ajoutera la collecte pro tempore belli. Aux autres jours, ils diront ou bien la messe indiquée De Beata Maria Virgine avec la collecte tempore belli, ou bien la messe Pro tempore belli avec l'oraison de Sancta Maria, ou bien la messe de Requiem.
S'ils préfèrent dire la messe de la fête ou de la férié courante, sans avoir à
leur disposition des ornements de la couleur correspondante, ils peuvent se servir d'ornements blancs.
5. De bénir les ornements et aussi les objets nécessaires au saint sacrifice si l'onction sacrée n'est pas requise.
6. D'employer une formule plus courte quand il s'agit de renouveler la consécration d'un autel portatif.
7. De célébrer la messe sans servant si on ne peut en avoir.
8. D'omettre la Passion les jours où on doit la lire, en récitant, à la place de l'Evangile, la dernière partie seulement de la Passion, et le dimanche des Rameaux, l'Evangile de la bénédiction des rameaux.
9. D'employer une formule plus courte pour la bénédiction des rameaux, c'est-à-dire de réciter seulement les oraisons Petimus, Deus qui dispersa, Deus qui olivae ramum (en ce moment on bénit et on distribue les rameaux), et à la fin de la cérémonie, l'oraison Omnipotens.
10. De célébrer la messe le jeudi saint.
11. D'accomplir le vendredi saint les rites sacrés, en commençant cependant au moment où l'on découvre la croix et, les saintes Espèces ayant été apportées sur l'autel, en continuant la messe sans encensements.
12. De permettre de conserver le Saint Sacrement dans les chapelles destinées aux soldats, même sur les navires, en un endroit convenable et décent, sous la surveillance particulière de l'aumônier militaire. Il faudra que l'autel sur lequel le tabernacle sera placé soit établi d'une façon convenable et suffisamment fourni du mobilier sacré. On y célébrera au moins une fois par semaine la messe ; la clé du tabernacle sera soigneusement gardée ; une lampe brûlera sans cesse devant le Saint Sacrement et les saintes Espèces seront fréquemment renouvelées selon les rubriques.
13. D'entendre les confessions de tous les fidèles combattants ou attachés à n'importe quel titre à l'armée, des prisonniers (si par hasard les Ordinaires militaires sont eux-mêmes prisonniers), et de tous les fideles qui se présentent, mais seulement dans les zones d'armée. Tous ceux-là ils peuvent les absoudre de tous péchés et censures de quelque manière qu'ils soient réservés, mais en imposant aux pénitents ce que le droit commande de leur imposer, avec l'obligation de recourir pro mandatis à la Sacrée Pénitencerie, dans les six mois qui suivront la fin de la guerre, sous peine d'encourir de nouveau la censure, s'il s'agit des censures réservées specialissimo modo au Siège apostolique et de la censure dont il est question dans le décret Lex sacri caelibatus de la Sacrée Pénitencerie du 18 avril 1936. Ces choses valent aussi pour les absolutions à donner dont parle le numero suivant, N" 14.
14. Dans une bataille imminente ou engagée,
a) les prêtres se souviendront que, même s'ils n'ont pas été approuves pour les confessions, ils ont le pouvoir d'absoudre tous les soldats immédiatement avant le combat ou déjà engagés dans le combat, comme étant en danger de mort, par une absolution particulière de n'importe quels pèches et censures, en leur imposant ce que le droit prescrit ;
b) il est permis à ces mêmes prêtres d'absoudre de toutes les censures et de tous les péchés, si réservés et si notoires qu'ils puissent être, par une formule générale ou absolution collective, sans accusation orale préalable, mais cependant après un acte de contribution produit dans les conditions
S. CONGRÉGATION CONSISTORIALE
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requises, lorsque le manque de temps ou le grand nombre de soldats empêche de les entendre individuellement en confession. Les soldats ainsi absous collectivement peuvent être admis à communier en viatique. Que les prêtres n'oublient pas de faire savoir aux pénitents que l'absolution ainsi reçue ne leur sera profitable que s'ils sont dans les dispositions requises et qu'ils restent dans l'obligation de faire, en temps opportun, une accusation complète de leurs fautes graves ; c) il leur est permis de donner la Bénédiction apostolique avec l'indulgence plénière avec cette formule : Ego, facultate mihi ab Apostolica Sede tributa, indulgentiam plenarium et remissionem omnium peccatorum vobis concedo in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Amen.
Mais comme à l'occasion de la guerre, les villes ou localités dites ouvertes, se trouvent exposées aux attaques aériennes, pour ne pas priver les fidèles en danger de mort des secours de la religion, il est permis aux prêtres, à cause du prochain danger de mort durant ces attaques, d'absoudre les fidèles de n'importe quels péchés et censures réservés et notoires, même par la formule générale d'absolution de la façon indiquée plus haut (N° 14) et de leur donner la Bénédiction apostolique avec l'indulgence plénière dont il a été parlé ci-dessus.
15. D'employer, dans le baptême à donner aux adultes, la formule établie pour les enfants.
16. De permettre aux malades de communier chaque jour, même après avoir pris avant la communion un médicament ou quelque chose par mode de boisson.
17. D'abréger l'office divin ou d'en remplacer la récitation, lorsque quelque empêchement légitime y met obstacle, par d'autres prières à prescrire selon les circonstances du moment.
18. De dispenser de la loi du jeûne et de l'abstinence.
19. De permettre que l'on puisse accomplir le précepte pascal en tout temps de l'année.
20. De bénir d'un seul signe de croix et gratis, à n'importe quel titre :
a) les objets de piété, et de leur appliquer les indulgences dites de sainte Brigitte ;
b) les chapelets dans le genre de celui du rosaire, et de leur appliquer les indulgences dites des Pères Croisiers ;
c) les crucifix, et de leur appliquer soit les indulgences du chemin de la croix pour ceux qui légitimement seraient empêchés de parcourir les stations du chemin de la croix, soit l'indulgence plénière que tout fidèle se trouvant à l'article de la mort peut gagner.
21. De donner aux médailles remplissant les conditions prescrites les bénédictions attachées à chaque scapulaire, de sorte que ceux qui porteront ces médailles pourront gagner les indulgences et bénéficier des privilèges des scapu-laires, sans que ces derniers leur aient été imposés.
Afin de porter secours et consolation également aux fidèles en captivité, soit au milieu des armées, soit dans une localité, tout ce qui a été opportunément décrété par le pape Benoît XV, d'heureuse mémoire, lors de la dernière grande guerre, est de nouveau décrété par l'auguste pontife régnant, qui ordonne de le mettre fidèlement à exécution. En conséquence :
1. Les Ordinaires des diocèses et les Ordinaires des forces armées ou les aumôniers en chef, sous la juridiction de qui se trouvent les prisonniers, doivent choisir le plus tôt possible des prêtres qui seront chargés du soin des captifs ; il faudra qu'un de ces prêtres, ou plusieurs selon les besoins, connaisse assez bien la langue parlée par les prisonniers ; si on ne peut en trouver dans le diocèse, on les demandera aux autres Ordinaires qui devront fournir de bonne grâce des prêtres capables.
2. Les prêtres choisis pour ce ministère ne négligeront rien de ce qui regarde l'intérêt des prisonniers, leur âme, leur vie, leur corps : ils les consoleront, demeureront auprès d'eux, les soulageront dans leurs divers besoins
(8 décembre 1939) i
Nous éprouvons une grande reconnaissance envers vous, chers fils, pour la parfaite courtoisie de votre accueil à Notre entrée dans le temple de la Vierge et pour vos compliments respectueux. Nous disons aussi Notre gratitude aux Vénérables Frères et à Nos autres Fils bien-aimés pour avoir rendu cette heure plus solennelle par la majesté de leur pourpre romaine. Nous disons aussi la reconnaissance que Nous devons au collège des chanoines et au clergé de cette basilique patriarcale et à tous les chrétiens ici présents dont l'assistance et Paffluence aimées sont pour Nous une cause de grande joie. Mais Nous voulons dire d'une manière particulière Notre sentiment de reconnaissance à vous qui avez voulu Nous offrir en présent l'image, à Nos yeux si précieuse, de la Très Sainte Vierge peinte en cinabre avec art en souvenir de Notre première célébration du sacrifice eucharistique.
C'est toujours pour Nous un rayon de joie que le jour sacré de la conception de la Mère de Dieu sans la tache de la faute originelle, ce jour qui amène par la merveille d'un mystère reconnu l'aurore de la rédemption des hommes et apporte en plénitude les prémices d'une joie universelle. Cette année il se fait plus joyeux parce qu'ici avec vous Nous célébrons la mémoire de Notre entrée dans le sacerdoce il y a huit lustres. Nous avons aimé dès Notre enfance ce temple magnifique de la Vierge bienheureuse ; il Nous a charmé en effet parce qu'au milieu de Notre ville natale, il s'ouvre comme une maison maternelle où la Reine qui règne sur les anges et les hommes règne par sa miséricorde, commande avec douceur, accorde
BASILIQUE SAINTE-MARIE-MAJEURE
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ses grâces, donne son secours ; il Nous a charmé parce qu'il protège l'aimable logis où, selon une pieuse tradition, le Sauveur enfant a vagi, parce qu'il garde le culte de la dépouille du Souverain Pontife cinquième de Notre nom, parce qu'il l'emporte par la sainteté qu'on y respire, la magnificence, le charme, la grâce. Voilà pourquoi, après Notre entrée dans le collège des prêtres et pour offrir la première fois le saint sacrifice, Nous avons choisi ce temple et dans la chapelle des Borghèse Nous avons célébré les divins mystères pour Nos parents, Nos proches et Nos amis tressaillants d'une sainte allégresse. Le doux souvenir de cet heureux événement pénètre souvent Notre esprit. En témoignage agréable et sincère de cet acte Nous reconnaissons que Notre sacerdoce, reçu sous les auspices de la Mère de Dieu, a progressé grâce à elle. En effet, si Nous avons fait tout au long de Notre vie le bien, la justice et ce qui est utile à la foi catholique, ce n'est pas en Nous mais en Dieu et en Notre-Dame que Nous Nous en glorifions et voilà pourquoi la juste joie de cette cérémonie Nous anime. Quand Nous Nous sommes réfugié dans la foi à Marie et sous sa protection, dans les doutes et les angoisses, où bien souvent Nous Nous sommes trouvé, Nous avons fait appel à Notre Mère très douce, et sans que jamais n'ait été déçu l'espoir confiant que Nous avions placé en Elle, c'est d'Elle que Nous avons reçu lumière, secours, consolation.
Puisse cette très fidèle protectrice continuer par sa bonté et son indulgence de protéger son enfant ; chargé du fardeau du ministère apostolique, il a besoin de son plus puissant secours. Qu'il invoque la Mère de Dieu dans la prière, lui qui, à son autel, a sacrifié pour la première fois au Dieu immortel. Qu'Elle accorde à son adorateur et fidèle pour la gloire de la divinité céleste et la sienne et pour le salut de l'Eglise d'acquérir la sagesse dans les décisions, l'habileté dans le travail, un amour de Dieu tel qu'il ne soit atteint par aucune opposition et une foi invincible telle qu'elle ne vacille pas dans les combats et qu'elle ne s'attiédisse pas dans les victoires. Puisse-t-elle, elle qui se réjouit d'être appelée le Salut du Peuple romain, regarder, Nous l'en supplions, cette ville très chère qui grâce à Elle s'est acquise tant de gloire et de beauté ; que par sa faveur le génie de ses enfants se dresse et brille de pureté et d'innocence comme la neige, qui selon la tradition pendant la chaleur brûlante dessina les plans de la construction de sa résidence ; que sous sa conduite les desseins des Romains deviennent fermes, clairs et purs comme les colonnes de marbre de ce temple, et que leur charité brille sans interruption comme la mosaïque qui en décore l'abside avec un art si consommé et comme l'or de ce magnifique plafond ; enfin que les affaires privées et publiques de tout genre soient florissantes et prospères.
Mais Notre esprit, s'arrachant à la joie présente, s'envole là où sur des terres chrétiennes se déchaîne une guerre qui fauche tant de jeunes et engendre ruines et larmes. Nous sommes frappé de tant de deuils et Nous souffrons d'une tristesse profonde et sans mesure. Les annales de l'histoire chrétienne rapportent que la Mère de clémence et de miséricorde a souvent écarté tous les malheurs qui fondaient sur ses fils. Que son regard miséricordieux fasse disparaître les tristesses des combats et, la haine déposée, de la concorde renouée revienne la bonne paix qui unisse les hommes par des liens réciproques et solides et la soumission à Dieu et que la fidélité dans la garde des commandements de Dieu l'affermisse. Apaise la mer, Etoile de la mer.
Au milieu des solennités pontificales, Nous offrons à Dieu ces voeux suppliants pour que par l'entremise de la Vierge bienheureuse soient chassées les nuées obscures et que le bonheur d'un âge meilleur sourie bientôt. Nous le souhaitons à tous ardemment, mais à vous qui maintenant Nous entourez d'une couronne de fête et de joie, en vous bénissant avec une ardente charité, Nous vous souhaitons avec ferveur l'indulgence et la faveur de la Vierge immaculée pour que vous ayez en surabondance la justice, la confiance, la joie : « Que l'âme de Marie soit en chacun pour qu'il glorifie le Seigneur, que l'esprit de Marie soit en chacun pour qu'il exulte en Dieu. » 2
ALLOCUTION A S. M. LE ROI-EMPEREUR
VICTOR-EMMANUEL III ET A S. M. LA REINE HÉLÈNE D'ITALIE
(21 décembre 1939) 1
Le 21 décembre, le Saint-Père reçut en audience solennelle, dans la salle du Tronetto, le roi-empereur Victor-Emmanuel III et la reine Hélène d'Italie. La première visite des souverains d'Italie au pape Pie XI datait du 5 décembre 1929. Voici la traduction du discours que Pie XII prononça à cette occasion :
La visite solennelle que le roi-empereur et son auguste épouse, la reine-impératrice — éclatant exemple de bonté pour les femmes italiennes — accompagnés d'une si brillante et si noble suite, ont voulu Nous faire, comme ils le firent déjà il y a dix ans à Notre prédécesseur — lequel sut sagement avec Votre Majesté réconcilier l'Eglise et l'Etat en Italie — Nous est d'autant plus agréable qu'elle est toute rayonnante de la splendeur de la très prochaine fête de Noël, fête de la paix, de la charité qui a racheté et transformé le monde.
Cette visite a lieu au moment où, tandis que d'autres peuples sont entraînés dans la guerre ou menacés par elle, et qu'un grand nombre de coeurs ont perdu la tranquillité et la paix, l'Italie, au contraire, néanmoins toujours vigilante et forte, sous la main auguste et sage de son roi-empereur et la clairvoyante direction de ses gouvernants, garde une attitude calme dans la vie nationale, dans la concorde des esprits, le culte des lettres, des sciences et des arts, dans les travaux des champs et des usines, sur les routes du ciel et des mers, dans les rites solennels de l'Eglise catholique.
La foi, qui anima au cours des siècles l'illustre maison de Savoie et l'a placée aussi sur les autels, a prouvé aujourd'hui devant Nous avec quelle intensité elle vit dans la royale et impériale dynastie dont la gloire s'élève dans l'emblème de la croix blanche. Sur vos Majestés, sur toute la famille royale, sur le chef et les membres du gouvernement, sur les personnes ici présentes, Nous invoquons, à l'approche des fêtes de Noël, les plus abondantes bénédictions célestes.
Puisse la main toute-puissante de Dieu guider les destinées du peuple italien, qui Nous est si proche et si cher, et inspirer les décisions de ses gouvernants, de façon qu'il lui soit donné la possibilité d'assurer dans une vigilance prévoyante et une sagesse conciliante, non seulement sa paix intérieure et extérieure, mais aussi le rétablissement d'une paix honorable et durable entre les peuples.
MESSAGE DE NOËL
(24 décembre 1939) 1
Le Saint-Père reçut en audience, dans la matinée du dimanche 24 décembre, les membres du Sacré Collège présents à Rome et les hautes personnalités de la Prélature romaine, venus lui offrir leurs voeux à l'occasion de Noël et du Nouvel-An qu'exprima en leur nom S. Em. le cardinal Granito Pignatelli di Belmonte, doyen du Sacré Collège. Le Souverain Pontife répondit par ce long message dans lequel il évoque les malheurs de la guerre et définit les principes fondamentaux d'une paix vraie et juste entre les peuples.
En ce jour d'un saint et suave bonheur, Vénérables Frères et chers Fils, où le désir ardent de Notre esprit, tendu par l'attente de l'avènement divin, va s'apaiser dans la très douce contemplation du mystère de la naissance du Rédempteur, Nous discernons comme un prélude de cette allégresse dans la joie intime de voir réunis autour de Nous les membres du Sacré Collège et de la Prélature romaine, et de recevoir des lèvres éloquentes de l'éminent cardinal doyen, aimé et vénéré de tous, les sentiments si délicatement affectueux et les souhaits qui — accompagnés et rendus sublimes par l'élan des prières ferventes adressées au divin Enfant — Nous sont offerts par tant de coeurs fidèles et dévoués, en cette heureuse solennité de la Nativité, première du cycle de l'année liturgique, et premier Noël de Notre pontificat.
La joie de Noël.
Notre esprit s'élève avec vous de ce monde vers les sphères spirituelles vivifiées par la grande lumière de la foi ; avec vous il s'exalte ; avec vous il se réjouit ; avec vous il s'absorbe dans le souvenir sacré du mystère et du sacrement des siècles, caché et manifesté dans la grotte de Bethléem, berceau de la Rédemption de tous les peuples, révélation de la paix entre le ciel et la terre, de la gloire de Dieu au plus haut des cieux et de la paix sur terre aux hommes de bonne volonté, début d'un cours nouveau des siècles, qui adoreront ce divin mystère, grand don de Dieu et félicité de la terre tout entière. Nous exultons, vous dirons-Nous en empruntant les paroles de Notre grand prédécesseur, le saint pontife Léon le Grand : « Nous exultons dans le Seigneur, très chers fils, et Nous sommes heureux d'une joie toute spirituelle, parce que brille sur nous le jour de notre rédemption nouvelle, de l'antique réparation, de la félicité éternelle. Voici, en effet, que revient pour nous par le retour de l'année le sacrement de notre salut, promis dès l'origine, accompli à la fin, perdurable sans fin, dans lequel il est digne que nous adorions ce divin mystère d'un coeur appliqué aux choses célestes, pour que l'Eglise célèbre dans une grande joie ce qui fut produit par un don magnanime de Dieu » 2.
Dans la célébration de ce divin mystère, la joie de nos coeurs s'élève, se fait spirituelle, s'enracine dans le surnaturel et tend vers lui, volant vers Dieu avec la magnifique expression de la prière de l'Eglise : ut inter mundanas varietates ibi nostra fixa sint corda, ubi vera sunt gaudia 3. Au milieu des heurts et du tumulte des divers événements de ce monde, la vraie joie se réfugie dans le domaine imperturbable de l'esprit, dans lequel, comme d'une tour que les bourrasques ne peuvent ébranler, on regarde avec confiance vers Dieu, on s'unit au Christ, principe et cause de toute joie et de toute grâce. N'est-ce pas là le sacrement du Roi de nos âmes, du Dieu Enfant de la crèche de Bethléem ? Quand ce secret royal passe et se fixe dans les âmes, alors la foi, l'espérance et l'amour se subli-misent dans l'extase de l'Apôtre des gentils, qui crie au monde : « Je vis, mais ce n'est pas moi ; c'est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).
Dans la transformation de l'homme dans le Christ, le Christ en personne revêt l'homme de lui-même, s'humiliant jusqu'à l'homme pour l'élever jusqu'à soi, dans cette joie de sa propre naissance qui forme un Noël continu, auquel la liturgie de l'Eglise ne cesse de nous
appeler en toute saison, nous invitant et nous exhortant à ce que se vérifie en nous la promesse qu'il nous fit, que notre coeur serait dans la joie, et que personne ne nous enlèverait notre allégresse (Jn 16,22).
Source de réconfort et de confiance.
La lumière céleste de cette joie et de ce réconfort soutient la confiance de ceux qui l'ont au coeur, vivante et resplendissante, et elle ne peut être assombrie ni troublée, quel que soit l'ennui ou la fatigue, l'inquiétude ou la souffrance qui monte ou murmure d'en bas, semblable à « l'alouette qui dans l'air s'élance d'abord en chantant, et puis se tait contente de sa dernière mélodie, qui la satisfait »4.
Là où d'autres s'effrayent, là où les eaux amères de l'affliction et du désespoir submergent les pusillanimes, les âmes dans lesquelles vit le Christ peuvent tout, et s'élèvent au-dessus des désordres et des bourrasques du monde, avec un courage et une ardeur toujours égaux, jusqu'à chanter l'ordre, la justice et les magnificences de Dieu. Sous les tempêtes, ils se sentent plus grands que les tourbillons, que la terre qu'ils foulent et que la mer qu'ils sillonnent — plus encore que par leur âme immortelle — par l'élévation de leurs coeurs vers Dieu, Sursum corda, par leurs prières et leur union à Dieu, Habemus ad Dominum.
Vers Dieu, miséricordieux et tout-puissant, Vénérables Frères et chers Fils, Nous élevons Notre regard et Notre supplication, comme la meilleure expression, et la plus efficace, de Notre gratitude pour vos voeux fervents de Noël, qui sont aussi une prière adressée au Père qui est dans les cieux et « de qui viennent toute grâce parfaite et tout don excellent » (Jc 1,17). Qu'il fasse que, dans cette union de prières, chacun de vous obtienne près de la crèche de son Fils unique fait homme au milieu de nous cette « mesure pleine, tassée, abondante et débordante » de joie de Noël que lui seul peut donner ; de telle sorte que, encouragés et soutenus par une si grande joie, vous puissiez poursuivre courageusement et virilement, comme des soldats du Christ, votre chemin à travers le désert de la vie sur terre jusqu'à ce couchant, où dans l'aurore de l'éternité resplendira à votre regard haletant la montagne du Seigneur ; et en chacun de vous, ressuscité à une nouvelle vie de bonheur indéfectible, s'accomplira la prière de l'Eglise pour Noël : « Contempler avec
* Dante, Paradis, 20, 73.
confiance, comme juge, ce Fils unique que nous accueillons maintenant avec joie comme Rédempteur » 5.
Evocation de Pie XI.
Mais en cette heure où la vigile de la sainte fête de Noël Nous procure la douce joie de votre présence, à l'allégresse vient se mêler bien vivant en Nous — et sans doute non moins en vous — le souvenir mélancolique de Notre glorieux prédécesseur de sainte mémoire (si pieusement évoqué par Notre Vénérable Frère le cardinal doyen) et des paroles — il y a seulement une année — paroles inoubliables, solennelles et graves, jaillies des profondeurs de son coeur paternel que vous écoutiez, avec Nous, remplis d'une vive douleur, comme le Nunc dimittis du vieillard Simeon ; paroles proférées dans cette salle, en cette même vigile, comme remplies du poids du pressentiment, pour ne pas dire de la vision prophétique, des malheurs prochains ; paroles d'avertissement suppliant, de sacrifice héroïque de sa personne, dont les accents enflammés émeuvent nos âmes aujourd'hui encore.
Le pape et la guerre.
L'indicible malheur de la guerre que Pie XI prévoyait avec une douleur profonde et extrême et qu'il voulait, de toute l'indomptable énergie de sa grande âme, éloigner des différends entre les nations, est maintenant déchaîné, et se présente comme une réalité tragique. Son fracas remplit d'une immense amertume Notre âme attristée par la pensée que la sainte naissance du Seigneur, du Prince de la paix, doive se célébrer aujourd'hui au milieu des grondements funestes et funèbres des canons, sous la terreur des armes aériennes, parmi les menaces et les pièges des navires de guerre. Et parce que le monde paraît avoir oublié le message pacifique du Christ, la voix de la raison, la fraternité chrétienne, Nous avons dû malheureusement assister à une série d'actes aussi inconciliables avec les prescriptions du droit international positif, qu'avec les prescriptions du droit naturel et même avec les sentiments d'humanité les plus élémentaires ; actes qui Nous montrent en quel cercle vicieux chaotique s'enlise le sens juridique dévoyé par des considérations purement utilitaires. C'est dans cette catégorie qu'entrent l'agression préméditée contre un petit peuple laborieux et pacifique sous le prétexte d'une menace inexistante, ni voulue ni même possible ; les atrocités (de quelque côté qu'elles aient été commises) et l'usage illicite de moyens de destruction, même contre des non-combattants et des fugitifs, contre des vieillards, des femmes, des enfants ; le mépris de la dignité, de la liberté et de la vie humaine, d'où découlent des actes qui crient vengeance devant Dieu : « La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi » (Gn 4,10) ; la propagande antichrétienne et même athée, toujours plus étendue et méthodique, surtout parmi la jeunesse.
Notre devoir, qui est aussi Notre volonté intime et sacrée de Père et de Maître de la vérité, Nous pousse à préserver l'Eglise et sa mission parmi les hommes de tout contact avec un tel esprit antichrétien ; c'est pourquoi Nous adressons une chaleureuse et instante exhortation surtout aux ministres du sanctuaire et aux « dispensateurs des mystères de Dieu » pour qu'ils soient toujours attentifs et exemplaires dans l'enseignement et dans la pratique de l'amour et pour qu'ils n'oublient jamais que dans le royaume du Christ il n'y a pas de précepte plus inviolable et plus fondamental et sacré que le service de la vérité et le lien de l'amour.
Les causes qui l'ont provoquée.
C'est avec une vive, une angoissante anxiété, qu'il Nous faut contempler de force, sous Nos yeux, les ruines spirituelles qui vont s'accumulant à cause d'une foule d'idées qui, d'une façon plus ou moins voulue ou voilée, obscurcissent et déforment la vérité dans les âmes de tant d'individus, de tant de peuples, entraînés ou non dans la guerre ; aussi Nous pensons au travail immense qui sera nécessaire — quand le monde fatigué de guerroyer voudra rétablir la paix — pour abattre les murs cyclopéens de l'aversion et de la haine qui ont été élevés dans la chaleur de la lutte.
Conscient des excès auxquels ouvrent la voie et poussent inéluctablement les doctrines et les oeuvres d'une politique qui ne tient pas compte de la loi de Dieu, Nous Nous sommes efforcé, comme vous le savez, lorsqu'éclatèrent les menaces de conflits, avec toute l'ardeur de Notre âme et jusqu'à l'extrême, d'éviter le pire et de persuader aux hommes qui avaient la force entre le mains et, sur les épaules, une lourde responsabilité, de reculer devant un conflit armé et d'épargner au monde des malheurs imprévisibles.
Nos efforts et ceux qui étaient venus, d'ailleurs, de personnalités influentes et respectées ne purent obtenir l'effet attendu, surtout à cause de l'inébranlable et profonde défiance, démesurément accrue dans les âmes au cours des dernières années, laquelle avait élevé des barrières insurmontables entre les peuples.
Ils n'étaient pas insolubles les problèmes qu'on agitait entre les nations, mais cette défiance, produite par une série de circonstances particulières, empêchait avec une force presque irrésistible d'ajouter foi encore à l'efficacité des promesses éventuelles, à la durée et à la vitalité des conventions possibles. Le souvenir de la durée éphémère et contestée de pareilles négociations ou accords finit par paralyser tous les efforts capables d'amener une solution pacifique.
Le pape songe à alléger les malheurs découlant de la guerre.
Il ne Nous resta plus, Vénérables Frères et Fils bien-aimés, qu'à répéter avec le prophète : « Nous attendions la paix, et il ne vient rien de bon ; le temps de la guérison, et voici l'épouvante » (Jr 14,19) et à Nous employer en attendant, autant que Nous le pouvions, à alléger les malheurs découlant de la guerre, bien que cela fût très difficile à cause de l'impossibilité, non surmontée encore, de porter le secours de la charité chrétienne dans les régions où le besoin en est plus urgent et plus grand. Depuis quatre mois, Nous voyons avec une angoisse indicible cette guerre, qui commença et se poursuit dans des conditions si insolites, accumuler des ruines tragiques. Et si jusqu'ici — excepté sur le sol ensanglanté de la Pologne et de la Finlande — le nombre des victimes peut paraître inférieur à celui qu'on craignait, la somme de douleurs et de sacrifices est arrivée au point d'inspirer une vive anxiété à ceux qui se préoccupent du futur état économique, social et spirituel de l'Europe, et non de l'Europe seulement. Plus le monstre de la guerre se procure, engloutit et s'adjuge les ressources matérielles qui sont toutes mises inexorablement au service des besoins de la guerre, sans cesse croissants, et plus aussi les nations, directement ou indirectement frappées par le conflit, sont en danger de tomber, dirions-Nous, dans une anémie pernicieuse ; une question se pose alors, pressante : comment une économie épuisée ou exténuée pourra-t-elle trouver, après la guerre, les moyens nécessaires à la reconstruction économique et sociale, au milieu de difficultés qui seront énormément accrues de toutes parts et dont les forces et les artifices des ennemis de l'ordre, toujours aux aguets, essayeront de profiter dans l'espoir d'asséner à l'Europe chrétienne le coup décisif ?
Même dans la fièvre du combat, de pareilles considérations du présent et de l'avenir doivent retenir l'attention des gouvernants et de la partie saine de chaque peuple, et les presser d'examiner les effets et de réfléchir sur les buts et finalités qui justifierait la guerre. Et Nous pensons que ceux qui, d'un oeil vigilant, regardent ces graves perspectives et considèrent d'un esprit apaisé les symptômes qui dans de nombreuses parties du monde indiquent cette évolution des événements, se trouveront, nonobstant la guerre et ses dures nécessités, intérieurement disposés à définir, au moment opportun et propice, clairement, en ce qui les regarde, les points fondamentaux d'une paix juste et honorable, et très simplement ne refuseront pas les négociations, si l'occasion s'en présente, avec les précautions et garanties nécessaires.
Points fondamentaux d'une paix juste et honorable :
1° Un postulat fondamental d'une paix juste et honorable est d'assurer le droit à la vie et à l'indépendance de toutes les nations, grandes et petites, puissantes et faibles. La volonté de vivre d'une nation ne doit jamais équivaloir à la sentence de mort pour une autre. Quand cette égalité de droits a été lésée ou détruite ou mise en danger, l'ordre juridique exige une réparation, dont la mesure et l'extension ne sont pas déterminés par l'épée, ni par un égoïsme arbitraire, mais par des normes de justice et d'équité réciproques.
2° Afin que l'ordre, ainsi établi, puisse avoir une tranquillité et une durée, qui sont les pivots d'une vraie paix, les nations doivent être libérées du pesant esclavage de la course aux armements et du danger que la force matérielle, au lieu de servir à garantir le droit, n'en soit au contraire un tyrannique instrument de violence. Des conclusions de paix qui n'attribueraient pas une fondamentale importance à un désarmement mutuellement consenti, organisé, progressif, dans l'ordre pratique comme dans l'ordre spirituel et qui ne s'emploieraient pas à le réaliser loyalement, révéleraient tôt ou tard leur inconsistance et leur précarité.
3° En toute réorganisation de communauté internationale, il serait conforme aux maximes de l'humaine sagesse que toutes les parties en cause déduisissent les conséquences provenant des déficiences et des lacunes du passé. Et dans la création ou la reconstruction des institutions internationales (lesquelles ont une mission si haute, mais en même temps si difficile et si pleine de très graves responsabilités), on devrait faire état des expériences qui découlèrent de l'inefficacité ou du défectueux fonctionnement de semblables initiatives antérieures. Et comme il est si difficile à la nature humaine, on serait tenté de dire presque impossible, de tout prévoir et de tout assurer au moment des négociations de paix, alors qu'il est fort malaisé de se dépouiller de toute passion et de toute amertume, l'établissement d'institutions juridiques, qui servent à garantir la loyale et fidèle application des conventions et, en cas de besoin reconnu, à les revoir et corriger, est d'une importance décisive pour une honorable acceptation d'un traité de paix et pour éviter d'arbitraires et unilatérales atteintes et interprétations en ce qui regarde les conditions des traités eux-mêmes.
4° Il est un point, en particulier, auquel il faudrait être spécialement attentif, si l'on veut une meilleure organisation de l'Europe : c'est celui qui concerne les vrais besoins et les justes requêtes des nations et des peuples, comme aussi des minorités ethniques. Si elles ne suffisent pas toujours à fonder un droit strict, quand se trouvent en vigueur des traités reconnus ou sanctionnés ou d'autres titres juridiques qui s'y opposent, ces requêtes méritent toutefois un bienveillant examen, pour aller au-devant d'elles par des voies pacifiques et même, là où cela apparaît nécessaire, par le moyen d'une équitable, sage et concordante révision des traités. En reconstituant les bases d'une mutuelle confiance, on éloignerait ainsi beaucoup d'incitations à recourir à la violence.
5° En outre, ces règlements meilleurs et plus complets seraient pourtant imparfaits et condamnés en définitive à l'insuccès, si ceux qui dirigent les destinées des peuples et les peuples eux-mêmes ne se laissaient pas toujours pénétrer davantage de cet esprit, qui seul peut donner vie, autorité et force d'obligation à la lettre morte des paragraphes dans les règlements internationaux ; de ce sentiment d'intime et vive responsabilité, qui pèse et mesure les constitutions humaines selon les saintes et inébranlables normes du droit divin ; de cette faim et soif de justice, proclamée béatitude dans le Sermon sur la montagne, et qui a comme présupposé naturel la justice morale ; de cet amour universel, qui est le résumé et le terme le plus élevé de l'idéal chrétien, et qui par là jette un pont même vers ceux qui n'ont pas le bonheur de participer à notre foi.
La paix est une cause qui doit réunir les efforts de toutes les âmes nobles et généreuses.
Nous ne méconnaissons pas les graves difficultés, qui s'opposent à la réalisation des buts, dont Nous venons de tracer les grandes lignes, pour fonder, mettre en acte et conserver une juste paix internationale. Mais s'il fût jamais un objet digne du concours de toutes les âmes nobles et généreuses, et qui pût susciter un élan de croisade spirituelle, où résonnât réellement de nouveau le cri de « Dieu le veut », c'est en vérité ce très noble objet, cette croisade, cette lutte des coeurs purs et magnanimes, pour tirer les peuples des eaux troubles des intérêts matériels et égoïstes et les reconduire aux sources vives du droit divin, lequel seul peut conférer cette moralité, cette grandeur, cette stabilité dont trop et trop longtemps on a senti la carence et le besoin pour le plus grand dommage des nations et de l'humanité.
Vers cet idéal, où gisent en même temps les fins réelles d'une vraie paix dans la justice et dans l'amour, Nous attendons et espérons que tous ceux qui Nous sont unis par les liens de la foi tendent leur esprit et leur coeur, grands ouverts, chacun à sa place et dans les limites de sa mission, afin que, quand l'ouragan de la guerre sera sur le point de cesser et de se dissiper, surgissent, au sein de tous les peuples et de toutes les nations, des esprits prévoyants et purs, animés d'un courage qui sache et puisse opposer au ténébreux instinct de basse vengeance la sévère et noble majesté de la justice, soeur de l'amour et compagne de toute vraie sagesse.
Bethléem et son message de paix.
De cette justice, qui seule est capable de créer la paix et de l'assurer, Nous, et avec Nous tous ceux qui écoutent Notre voix, n'ignorons pas où il nous est donné de trouver le sublime exemplaire, l'impulsion intime et la promesse assurée. « Allons jusqu'à Bethléem, et voyons » (Lc 2,15). Allons à Bethléem où nous trouverons, étendu sur la crèche, le Nouveau-né, « Soleil de justice, le Christ notre Dieu », et auprès de lui la Vierge-Mère, « Miroir de justice » et « Reine de la paix », avec le saint gardien Joseph, « l'homme juste ». Jésus est le Désiré des nations. Les prophètes le désignèrent et chantèrent ses futurs triomphes : « Et il sera nommé Admirable, Conseiller, Dieu, Fort, Père du siècle à venir, Prince de la paix » (Is 9,6).
A la naissance de ce divin Enfant, un autre prince de la paix était assis sur les rives du Tibre et avait dédié avec solennité un Autel de la Paix d'Auguste, dont les merveilleux restes, encore que morcelés, ensevelis sous les ruines de Rome, ont été relevés de nos jours. Sur cet autel, Auguste sacrifiait à des dieux qui ne sauvent pas. Mais il est permis de penser que le vrai Dieu et l'éternel Prince de la paix, qui, quelques années après, descendait parmi les hommes, exauça les soupirs de cette époque pour la paix, et que la paix d'Auguste fut comme une figure de cette paix surnaturelle, que lui seul peut donner et où toute vraie paix terrestre se trouve nécessairement comprise ; de cette paix conquise non par le fer, mais par le bois de la crèche de cet Enfant Seigneur de la paix, et par le bois de sa future croix, où il mourait, en l'arrosant de son sang, sang non point de haine et de rancoeur, mais sang d'amour et de pardon.
Allons donc à Bethléem, à la grotte du Roi de la paix, qui vient de naître apportant une paix chantée par les légions d'anges au-dessus de sa crèche. Agenouillés devant lui, au nom de cette humanité inquiète et bouleversée, au nom des êtres innombrables, sans distinction de peuples et de nations, qui saignent et meurent, ou qui sont jetés dans la douleur et dans la misère, ou qui ont perdu leur patrie, Nous adressons à ce Roi notre prière de paix et de concorde, de secours et de salut, avec les paroles que l'Eglise met, ces jours-ci, sur les lèvres de ses enfants : « O Emmanuel, notre Roi et Législateur, attente des gentils et leur Sauveur, venez nous sauver, Seigneur notre Dieu » 6.
Appel au sacrifice et à la prière.
Tandis que dans cette prière Nous répandons Notre insatiable aspiration à une paix dans l'esprit du Christ, Médiateur de paix entre le ciel et la terre, avec sa bénignité et son humanité apparues parmi nous, et tandis que Nous exhortons tous les fidèles à offrir aussi à Nos intentions leurs sacrifices et leurs prières, Nous vous donnons, ainsi qu'à tous ceux que vous portez dans votre esprit, à tous les hommes de bonne volonté, qui se trouvent sur la face de la terre, spécialement à ceux qui souffrent, qui sont tourmentés, persécutés, incarcérés, terrorisés en tous lieux et en tous pays, la Bénédiction apostolique, avec une affection qui n'a pas changé, comme gage de grâces, de consolations et de réconforts célestes.
Le Saint-Père annonce la nomination d'un représentant des Etats-Unis auprès du Saint-Siège.
A la fin de ce discours, Nous ne voulons pas Nous priver de la joie de vous annoncer, Vénérables Frères et chers Fils, qu'il Nous est parvenu ce matin de la délégation apostolique de Washington un télégramme, dont Nous tenons à vous lire l'introduction et la partie essentielle.
« Monsieur le président a appelé ce matin Monseigneur Spellman, archevêque de New York ; après un entretien avec lui, il l'a envoyé chez moi en même temps que M. Berle, secrétaire adjoint, remettant une lettre pour Sa Sainteté, que je transcris ici littéralement, selon le désir de Monsieur le président lui-même. Par elle, Monsieur le président déclare nommer un représentant du président, avec rang d'ambassadeur extraordinaire, mais sans le titre formel, près le Saint-Siège. Ce représentant sera Son Excellence Monsieur Myron Taylor, qui partira pour Rome dans un mois environ. La nouvelle sera publiée officiellement demain. »
Suit le texte de la lettre, en langue anglaise, qui sera publiée dans l'Osservatore Romano.
Aucune nouvelle ne pouvait Nous être plus agréable pour Noël étant donné qu'elle manifeste, de la part du chef eminent d'une nation aussi grande et puissante, une contribution importante et encourageante à Nos efforts pour l'établissement d'une paix juste et honorable, comme pour une action plus efficace et étendue, en vue de soulager les souffrances des victimes de la guerre. Aussi tenons-Nous à exprimer ici aussi, pour ce geste noble et généreux de M. le président Roosevelt, Nos félicitations et Notre reconnaissance.
ALLOCUTION A LA GARDE NOBLE PONTIFICALE
(26 décembre 1939) 1
Recevant ce jour dans la salle du Trône les membres de la Garde Noble, le Saint-Père a répondu par les paroles suivantes à l'adresse d'hommage que lui avait lue le prince Chigi délia Rovere, leur commandant :
Nous vous sommes vivement reconnaissant, chers fils, pour les souhaits dévoués de Noël que vous êtes venus Nous offrir et dont votre illustre commandant récemment nommé à ce haut grade a été l'éloquent interprète. L'absolu dévouement au pape, dont vous Nous donnez par votre présence une nouvelle et si noble preuve, est une tradition glorieuse de votre corps. Dans l'année qui va se clore et qui a été marquée par de grandes luttes de l'Eglise, il semble que votre regretté commandant ait voulu en donner un suprême témoignage quand, après une vie de fidélité à tous ses devoirs de chrétien et de gentilhomme, il quitta ce monde peu après Notre incomparable prédécesseur Pie XI de sainte mémoire, comme pour escorter, selon la sainte consigne, la personne sacrée du pape jusqu'à son dernier voyage — celui qui ne connaît pas de retour.
Au nouveau pontife que malgré son indignité l'Esprit-Saint dans ses conseils inscrutables a placé à la tête de l'Eglise, un nouveau commandant apporte aujourd'hui ses bons et loyaux services, un commandant qui unit à ses vertus personnelles l'hérédité des deux grandes familles patriciennes et papales, les Chigi et les délia Rovere. Votre garde a reçu de la même manière, comme un legs précieux, des mains de son fondateur Pie VII les fonctions et les mérites de deux grandes milices pontificales, les Cavalleggeri et les Lance Spezzate.
Comment ne pourrions-Nous pas attendre de vous que vous resterez toujours fidèles à de tels exemples du passé et aux consignes données à votre corps par Notre glorieux prédécesseur : la « garde immédiate de la personne du pontife », « l'honneur et l'ornement » du souverain ?
Ce vceu, du reste, Nous le considérons comme déjà accompli. L'histoire des milices pontificales, et la vôtre en particulier, montre avec quelle valeur vos ancêtres ont gardé et défendu la personne des papes ; et beaucoup d'entre vous pourraient en outre rappeler les prouesses de leurs aïeux sur plus d'un champ de bataille de l'histoire. Mais Nous avons confiance que vous n'aurez plus jamais à intervenir pour Nous défendre par la force et Nous aimons à penser, comme le saint archevêque de Cantorbéry, dont on célébrera prochainement la fête, que l'Eglise de Dieu n'a pas besoin d'être gardée comme un camp fortifié : Non est Dei Ecclesia custodienda more castrorum. Nous formons par conséquent le voeu que ces armes dont l'acier brille entre vos mains symbolisent plutôt par la splendeur de leurs lames l'ardeur et la fermeté de votre foi.
Votre autre devoir que rappelle le nom même de votre garde, Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, Grégoire XVI, le définissait en disant, comme Nous l'avons déjà rappelé, que vous avez à l'égard du pape une charge « non seulement de garde fidèle mais encore de decorum et d'ornement ». Vous êtes non seulement des gardes, mais des gardes nobles.
Nobles vous l'étiez déjà même avant d'entrer au service de Dieu et de son Vicaire sous le drapeau blanc et or. L'Eglise aux yeux de qui l'ordre de la société humaine repose fondamentalement sur la famille, pour humble qu'elle soit, ne mésestime pas ce trésor familial qu'est la noblesse héréditaire. On peut dire aussi que Jésus-Christ lui-même ne l'a pas dédaignée : l'homme à qui il a confié la charge de protéger son adorable humanité et sa Vierge Mère était de souche royale : Joseph, de domo David (Lc 1,27).
C'est pourquoi Notre prédécesseur Léon 12, dans l'acte du 17 février 1824 qui réformait votre corps, attestait que la garde noble est « destinée à fournir le service le plus proche et immédiat de Notre personne même et constitue, tant par le but de son institution que par la qualité des hommes qui la composent, le premier et le plus respectable de tous les corps de Notre pontificat ».
Mais vous avez bien compris que cette hérédité ancestrale, si elle confère des honneurs, apporte aussi des devoirs. C'est à ce propos qu'il Nous plaît de vous proposer pour modèle l'aimable sainte
Thérèse de Lisieux qui, dans la petite sacristie du Carmel, apportait un soin plein d'amour pour conserver sans tache, pour rendre tou-jour plus resplendissants les vases sacrés qui devaient garder le corps très saint de Jésus. De la même manière, vous aussi, gardes du corps et gardes d'honneur du Vicaire du Christ, vous conserverez, vous accroîtrez toujours en vous cette pureté de coeur et cette élévation d'âme qui sont le plus beau de vos titres, afin de transmettre à vos descendants ce glorieux patrimoine encore enrichi.
C'est avec ce souhait et en témoignage de la particulière bienveillance que Nous nourrissons pour votre corps et pour chacun de ses membres, que Nous vous accordons à vous, à vos chères familles, comme aussi à toutes les personnes que vous portez dans votre esprit et dans votre coeur, en gage des faveurs célestes, la Bénédiction apostolique.
ALLOCUTION A S. M. LE ROI-EMPEREUR
VICTOR-EMMANUEL III ET A S. M. LA REINE HÉLÈNE D'ITALIE
(28 décembre 1939) 1
Pour protester contre l'injuste spoliation des Etats pontificaux achevée par la prise de Rome en 1870, les papes s'interdirent, jusqu'aux accords du Latran en 1929, de sortir du palais du Vatican. La conciliation de l'Italie et de la Papauté une fois réalisée, des rapports s'établirent entre les deux pouvoirs.
Ce fut donc un événement historique que la visite que fit Pie 12, le 28 décembre, aux souverains d'Italie au Palais du Quirinal. En effet, la dernière visite personnelle d'un pape à un chef d'Etat datait de soixante-dix ans ; ce fut celle qu'accomplit Pie IX, le 13 décembre 1869, en allant saluer l'impératrice Elisabeth d'Autriche au Palais Farnèse.
Voici l'allocution que prononça le Souverain Pontife en cette circonstance :
En ce jour fortuné, dans cet auguste palais royal, devant S. M. le sage roi et empereur et S. M. la reine-impératrice, suave modèle de maternité et de vertus familiales pour le peuple italien, et en présence, non seulement des cardinaux et de Notre suite, mais d'une assemblée aussi distinguée de princes et princesses royaux, de personnages de la cour et du gouvernement, Nous renouvelons l'expression de Notre vive satisfaction pour la visite solennelle que Leurs Majestés Nous ont faite au palais apostolique du Vatican, avec ce sentiment de vénération envers le Siège de Pierre, qui exalte à Nos yeux et à ceux de Rome qui applaudit et du monde l'esprit catho-
Iique plusieurs fois séculaire de la dynastie de Savoie, si glorieuse par sa phalange de saints et de bienheureux.
Dans ce palais, après dix ans, se scelle à nouveau l'heureuse réconciliation entre l'Eglise et l'Etat, laquelle éclaire du même rayon de gloire les noms de Notre prédécesseur vénéré Pie XI et de S. M. Victor-Emmanuel III.
Le Vatican et le Quirinal, que le Tibre sépare, sont réunis par le lien de la paix, avec les souvenirs de la religion des pères et des aïeux. Les eaux du fleuve ont emporté et enseveli dans les abîmes de la mer Tyrrhénienne les flots troubles des discordes du passé pour faire fleurir, sur les deux rives, des rameaux d'olivier.
Aujourd'hui que, pour la première fois depuis dix années, la main du Pontife romain s'élève bénissante, dans cette salle splendide, en signe de paix, l'Italie contemple et exulte et de même le monde catholique et les deux princes des apôtres dont l'effigie surmonte l'entrée de ce palais, et qui semblent heureux, eux aussi, de voir poindre l'aurore d'une ère nouvelle.
Et c'est avec une prodigalité particulière que la Vierge de l'Annonciation, à laquelle est consacré un pieux oratoire, se plaît à répandre les trésors de ses grâces sur la famille royale dont la lignée s'honore de la vénérer comme la plus haute décoration de son ordre équestre.
C'est pourquoi Nous supplions Dieu et sa très sainte Mère d'étendre leur protection sur les augustes souverains, sur les princes et princesses de la famille royale, sur l'illustre chef et sur les membres du gouvernement, ainsi que sur toutes les personnes présentes, afin que la paix qui, sauvegardée par la sagesse des gouvernants, fait de l'Italie une nation grande, forte et respectée devant le monde, serve d'éperon et de stimulant aux ententes futures entre les peuples qui, tels des frères devenus ennemis, se battent aujourd'hui sur terre, sur mer et dans les airs ; ententes qui, par leur contenu et leur esprit, soient la promesse certaine d'un ordre nouveau, pacifique et durable, que l'on chercherait en vain en dehors des voies royales de la justice et de la charité chrétienne.
A l'adresse d'hommage de S. Exc. le Dr Luigi Cruz-Ocampo venu présenter les lettres qui l'accréditent comme nouvel ambassadeur du Chili auprès du Saint-Siège, le Souverain Pontife a répondu par l'allocution suivante :
Les liens d'affection qui unissent le Siège apostolique au peuple du Chili, la réciproque confiance qui les caractérise et qui s'est manifestée même dans des circonstances difficiles, assurent à Votre Excellence un accueil cordial et bienveillant, en harmonie avec les sentiments de votre noble nation et avec l'importance de la noble mission que S. Exc. M. le président de la République vous a confiée.
Votre Excellence, parlant au nom de son gouvernement, a trouvé des paroles élevées pour reconnaître les valeurs spirituelles que l'Eglise catholique a proclamées dans le monde et que, depuis presque deux mille ans, elle maintient et s'efforce de promouvoir au prix de grandes difficultés et oppositions, de même qu'aussi la portée extraordinaire de l'application de ces valeurs en accord avec les nécessités de notre temps dans le domaine immense et discuté du progrès social. Ces paroles sont pour Nous sujet de satisfaction et un gage qu'à l'avenir les relations entre le Saint-Siège et la République du Chili iront en se développant dans l'harmonie, à l'avantage des vrais intérêts de votre pays et du bien spirituel et culturel de votre peuple.
L'Eglise, dont la main maternelle tâte avec un soin inquiet le pouls fébrile de l'humanité de notre temps ; l'Eglise, dont l'oeil perspicace découvre les besoins, les souffrances et les aspirations qui sont cachés à d'autres ; l'Eglise, dont l'oreille ausculte dans les confi
ALLOCUTION A L'AMBASSADEUR DU CHILI
(30 décembre 1939) 1
dences des coeurs ces abîmes dans lesquels sont plongées les âmes de ceux qui se croient victimes d'injustices conscientes ou inconscientes ; l'Eglise, disons-Nous, voit avec une claire évidence et seconde avec un zèle infatigable l'impérieux devoir de cette « rédemption des prolétaires » qui a commencé dans la crèche de Bethléem et dont Notre grand prédécesseur parlait avec une science si éclairée et si apostolique.
Rien ne Nous sera plus agréable, Monsieur l'ambassadeur, que de procurer de plus en plus au peuple chilien qui Nous est si cher — sur le territoire duquel Nous venons d'augmenter les moyens de Notre assistance spirituelle efficace par l'érection de deux nouveaux archidiocèses — ces secours précieux et irremplaçables sur le chemin de la vraie prospérité, qui proviennent de la doctrine et de la loi de Jésus-Christ et d'une formation individuelle et sociale en pleine conformité avec elle.
La confiance qu'a fait naître en Nous les paroles de Votre Excellence, que l'Eglise, dans l'exercice de sa mission de vérité et d'amour, pourra jouir au Chili de la liberté qui lui convient comme à une société parfaite et qui est si profondément enracinée dans la conscience catholique du peuple chilien, Nous autorise à nourrir l'espoir d'un avenir tranquille et serein.
C'est dans l'espérance de cet heureux avenir que Nous répondons cordialement aux voeux courtois que, par votre intermédiaire, Nous a adressés S. Exc. M. le président de la République, et que Nous offrons à Votre Excellence Notre bienveillant appui dans l'accomplissement de sa haute charge, tandis que Nous envoyons avec une affection paternelle, à travers l'immensité de l'Océan et par-dessus les Andes, à tous Nos chers fils et filles du lointain Chili, Nos plus abondantes bénédictions.
CONGRÉGATIONS ROMAINES
•à
SUPRÊME SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE
DÉCRETS ET COMMUNICATIONS 28 juin 1939
Décret condamnant et mettant à l'Index le livre suivant de Gabriele D'An-nunzio : Solus ad Solam.
A. A. S., XXXI, 1939, p. 260 ; cf. Documentation Catholique, t. XL, col. 893.
10 juillet 1939 1
Levée d'interdiction du journal * L'Action Française » :
Par décret de cette Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office en date du 29 décembre 1926 2, le journal L'Action Française, tel qu'il était alors publié, fut condamné et mis à l'Index des livres prohibés, attendu ce qui s'écrivait dans ledit journal, surtout à cette époque-là, contre le Siège apostolique et contre le Souverain Pontife lui-même.
Or, par une lettre adressée à la date du 20 novembre 1938 au Souverain Pontife Pie XI, de sainte mémoire, le comité directeur de ce journal fit sa soumission et présenta, pour obtenir que fût levée la prohibition du journal, une pétition qui fut soumise à l'examen de cette Sacrée Congrégation.
De plus, récemment, ce même comité, réitérant la pétition, fit une profession ouverte et louable de vénération envers le Saint-Siège, réprouva ses erreurs et donna des garanties sur le respect du magistère de l'Eglise par une lettre adressée le 19 juin 1939 au Pape Pie 12, glorieusement régnant, lettre dont le texte est rapporté ci-après à l'annexe N° I.
C'est pourquoi, dans la séance plénière de la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office tenue le mercredi 5 juillet 1939, les éminentissimes cardinaux préposés à la sauvegarde de la foi et des moeurs, après avoir consulté les éminentissimes et révérendissimes cardinaux de France, ont décrété :
A dater du jour de la promulgation du présent décret, la défense de lire et de conserver le journal L'Action Française est levée, restant prohibés les numéros mis jusqu'à ce jour à l'Index des livres prohibés, sans toutefois que cette Suprême Sacrée Congrégation entende porter aucun jugement sur ce qui regarde les choses purement politiques et sur les buts poursuivis par le journal dans ce domaine — pourvu, bien entendu, qu'ils ne soient pas contre la morale — et ad mentem à savoir : conformément à ce qui a été, à maintes reprises, inculqué par le Saint-Siège, concernant soit la distinction entre les choses religieuses et les choses purement politiques, soit la dépendance de la politique par rapport à la loi morale, soit les principes et les devoirs établis en vue de promouvoir et de défendre l'Action catholique, cette Suprême Sacrée Congrégation recommande instamment aux Ordinaires de France la vigilance en vue d'assurer l'observation de ce qui a été déjà statué en la matière par l'assemblée des cardinaux et archevêques de France en l'année 1936 et qui est rapporté dans l'annexe N° II ci-après.
Annexe N" I
Lettre du comité directeur de L'Action Française adressée à S. S. le Pape Pie XII le 19 juin 1939 3 :
Très Saint-Père,
Nous soussignés, membres du comité directeur du journal L'Action Française unis dans les sentiments de la plus profonde vénération pour Votre Sainteté.
Mettons à Ses pieds, au début de Son pontificat, marqué déjà des signes universellement reconnus de la justice et de la paix, la sincère et loyale déclaration de nos intentions et des assurances par lesquelles nous voulons renouveler l'expression des sentiments que nous avons déjà soumis au très regretté et vénéré Pontife Pie XI, de sainte mémoire, dans notre lettre du 20 novembre 1938, pour obtenir le retrait de la mise à l'Index, prononcée par la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office contre le journal L'Action Française.
1. Pour ce qui concerne le passé, nous exprimons la plus sincère tristesse de ce qui, dans les polémiques et controverses antérieures et postérieures au décret de condamnation du Saint-Office, le 29 décembre 1926, a paru et a été de notre part irrespectueux, injurieux et même injuste envers la personne du Pape, envers le Saint-Siège et la hiérarchie ecclésiastique, et contraire au respect que tous doivent avoir pour toute autorité dans l'Eglise.
2. Pour tout ce qui regarde en particulier la doctrine, tous ceux d'entre nous qui sont catholiques, en réprouvant tout ce qu'ils ont pu écrire d'erroné, rejettent complètement tout principe et toute théorie qui soient contraires aux enseignements de l'Eglise catholique, enseignements pour lesquels nous professons unanimement le plus profond respect.
3. Nous déclarons et assurons en outre que nous voulons être très attentifs à rédiger le journal, de telle manière que, ni les collaborateurs, ni les lecteurs n'y trouvent rien qui, directement ou indirectement, trouble leur conscience et qui s'oppose à l'adhésion due aux enseignements et aux directives d'ordre religieux et moral de l'Eglise.
3 Les deux annexes sont en français et ont été publiées à la suite du texte latin du décret ; cf. A. A. S., XXXI, 1939, p. 303 ; cf. Documentation Catholique, t. XL, col. 985.
S. CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE
399
Nous affirmons formellement notre volonté unanime de développer notre activité de journalistes, même dans le domaine social et politique, de façon à ne jamais manquer, pour ce qui est des catholiques, à la soumission et, pour nous tous, au respect dû aux directives de l'autorité ecclésiastique dans les problèmes qui, en ce domaine social et politique, intéressent l'Eglise par leurs rapports avec sa fin surnaturelle.
Depuis longtemps, Très Saint-Père, les violences, attaques et toute autre attitude du journal qui ont motivé la condamnation de 1926, ont cessé et sont désavouées.
C'est pourquoi nous osons demander au Père qui tient les clefs de la miséricorde et de la justice, de daigner considérer, en terminant l'examen déjà commencé par Sa Sainteté Pie XI, si, selon Son jugement souverain, les justes motifs de prohibition ayant, ce nous semble, cessé d'exister, celle-ci ne pourrait légitimement tomber à son tour.
Et nous mettons aux pieds de Votre Sainteté, avec l'hommage de notre profonde vénération, celui de notre dévouement inaltérable, en sollicitant de tout coeur les bénédictions du Père commun sur chacune de nos personnes et, par-delà, sur toute notre France, fille aînée de l'Eglise, à laquelle nous avons dévoué notre vie.
Paris, le 19 juin 1939.
Léon Daudet, co-directeur de « L'Action Française » ; Ch. Mauras, co-directeur de «• L'Action Française » ; Maurice Pujo, rédacteur en chef de «• L'Action Française » ; Paul Robain ; Jacques Delebecque ; F. de Lassus ; Robert de Boisfleury, administrateur délégué de * L'Action Française » ; Général de Partouneaux, président du Conseil d'administration ; M. de Roux, avocat, leur défenseur et conseil.
Annexe N° II
Décisions de l'assemblée des cardinaux et archevêques de France de 1936 :
a) Le clergé
1. Le clergé ne doit pas négliger de faire son devoir civique, mais il évitera soigneusement de s'inféoder aux partis politiques.
2. Il est tenu d'exposer, en dehors de toute considération de parti, la doctrine catholique qui concerne les droits de l'Eglise, de la famille, de l'école et généralement le bien commun.
b) Les catholiques
1. Les catholiques auront le souci constant de maintenir l'Eglise et l'Action catholique en dehors et au-dessus des partis.
2. Ils sont tenus de s'intéresser à l'action civique et, pour cela, seront instruits des principes catholiques d'action civique.
3. Les dirigeants et militants d'Action catholique ne seront pas en même temps directeurs, représentants ou propagandistes d'un parti politique.
4. Ils pratiqueront loyalement les vertus du citoyen et notamment le respect du pouvoir établi.
10 novembre 1939
Décret condamnant et portant à l'Index deux livres de Petro Ubaldi :
1. L'ascesi misttca (L'ascèse mystique)
2. La grande sintesi (La grande synthèse)
A. A. S., XXXI, 1939, p. 680 ; cf. Documentation Catholique, c. XLI, col. 153.
12 décembre 1939* Décret condamnant certaines formes de dévotion :
Est-il permis de répandre parmi les fidèles les formes de dévotion appelées : « Dévotion à l'Amour anéanti de Jésus » et « Rosaire des très saintes Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ » ?
Les éminentissimes cardinaux préposés au maintien des choses de foi et de moeurs, ayant aussi sous les yeux le décret du 26 mai 1937 « Des nouvelles formes de culte ou de dévotion à ne pas introduire et des abus malsonnants à enlever » (A, A. S., 1937, p. 304) ont décidé de répondre : cela n'est pas permis.
SACRÉE CONGRÉGATION CONSISTORIALE
é? décembre 1939 1
POUVOIRS ACCORDÉS AUX ORDINAIRES MILITAIRES
S. S. Pie XII a accordé les pouvoirs suivants aux Ordinaires militaires ou aumôniers en chef, de quelque nom qu'on les désigne, dans toutes les nations ou régions où l'état de guerre, ou bien la mobilisation existe ou bien pourra exister, avec autorisation pour les Ordinaires militaires ou aumôniers en chef de déléguer ces pouvoirs d'une façon habituelle aux aumôniers militaires qui dépendent d'eux et aussi, s'ils le veulent, à d'autres prêtres séculiers ou religieux, mais idoines et dignes, qui leur sont soumis en raison du service militaire. Ces pouvoirs qui ne vaudront que pour la durée de la présente guerre, sont en faveur tant des prêtres et des clercs eux-mêmes que des soldats et des autres fidèles qui accompagnent les armées de terre, de mer ou de l'air.
1. De célébrer deux messes les dimanches ou autres fêtes de précepte, et, en cas de nécessité urgente, de consacrer la sainte Eucharistie pour l'utilité commune ; ils peuvent aussi biner les jours ordinaires en observant les rubriques et en gardant le jeûne.
2. De célébrer la messe dans un lieu convenable et décent, même en plein air et sur un navire, pour un juste motif et tout danger d'irrévérence étant écarté. Chaque fois que la messe est célébrée en plein air, on doit prendre des précautions pour empêcher le vent de disperser les parcelles ou fragments de la très sainte Eucharistie ; dans ce but on emploiera une tente ou une étoffe enveloppant les trois côtés de l'autel.
3. De jouir de l'induit personnel de l'autel privilégié chaque fois qu'ils célèbrent la messe pour le repos des âmes de ceux qui sont morts à la guerre.
4. De dire, les dimanches et fêtes du Seigneur, la messe de la Très Sainte Trinité ; pendant l'octave de Pâques, la messe du jour de la Résurrection ; aux autres fêtes doubles de lre et de 2e classes, la messe De Beata Maria Virgine qui est indiquée selon la diversité du temps liturgique ; en chaque cas, on dira le Gloria et le Credo, et on ajoutera la collecte pro tempore belli. Aux autres jours, ils diront ou bien la messe indiquée De Beata Maria Virgine avec la collecte tempore belli, ou bien la messe Pro tempore belli avec l'oraison de Sancta Maria, ou bien la messe de Requiem.
S'ils préfèrent dire la messe de la fête ou de la férié courante, sans avoir à
leur disposition des ornements de la couleur correspondante, ils peuvent se servir d'ornements blancs.
5. De bénir les ornements et aussi les objets nécessaires au saint sacrifice si l'onction sacrée n'est pas requise.
6. D'employer une formule plus courte quand il s'agit de renouveler la consécration d'un autel portatif.
7. De célébrer la messe sans servant si on ne peut en avoir.
8. D'omettre la Passion les jours où on doit la lire, en récitant, à la place de l'Evangile, la dernière partie seulement de la Passion, et le dimanche des Rameaux, l'Evangile de la bénédiction des rameaux.
9. D'employer une formule plus courte pour la bénédiction des rameaux, c'est-à-dire de réciter seulement les oraisons Petimus, Deus qui dispersa, Deus qui olivae ramum (en ce moment on bénit et on distribue les rameaux), et à la fin de la cérémonie, l'oraison Omnipotens.
10. De célébrer la messe le jeudi saint.
11. D'accomplir le vendredi saint les rites sacrés, en commençant cependant au moment où l'on découvre la croix et, les saintes Espèces ayant été apportées sur l'autel, en continuant la messe sans encensements.
12. De permettre de conserver le Saint Sacrement dans les chapelles destinées aux soldats, même sur les navires, en un endroit convenable et décent, sous la surveillance particulière de l'aumônier militaire. Il faudra que l'autel sur lequel le tabernacle sera placé soit établi d'une façon convenable et suffisamment fourni du mobilier sacré. On y célébrera au moins une fois par semaine la messe ; la clé du tabernacle sera soigneusement gardée ; une lampe brûlera sans cesse devant le Saint Sacrement et les saintes Espèces seront fréquemment renouvelées selon les rubriques.
13. D'entendre les confessions de tous les fidèles combattants ou attachés à n'importe quel titre à l'armée, des prisonniers (si par hasard les Ordinaires militaires sont eux-mêmes prisonniers), et de tous les fideles qui se présentent, mais seulement dans les zones d'armée. Tous ceux-là ils peuvent les absoudre de tous péchés et censures de quelque manière qu'ils soient réservés, mais en imposant aux pénitents ce que le droit commande de leur imposer, avec l'obligation de recourir pro mandatis à la Sacrée Pénitencerie, dans les six mois qui suivront la fin de la guerre, sous peine d'encourir de nouveau la censure, s'il s'agit des censures réservées specialissimo modo au Siège apostolique et de la censure dont il est question dans le décret Lex sacri caelibatus de la Sacrée Pénitencerie du 18 avril 1936. Ces choses valent aussi pour les absolutions à donner dont parle le numero suivant, N" 14.
14. Dans une bataille imminente ou engagée,
a) les prêtres se souviendront que, même s'ils n'ont pas été approuves pour les confessions, ils ont le pouvoir d'absoudre tous les soldats immédiatement avant le combat ou déjà engagés dans le combat, comme étant en danger de mort, par une absolution particulière de n'importe quels pèches et censures, en leur imposant ce que le droit prescrit ;
b) il est permis à ces mêmes prêtres d'absoudre de toutes les censures et de tous les péchés, si réservés et si notoires qu'ils puissent être, par une formule générale ou absolution collective, sans accusation orale préalable, mais cependant après un acte de contribution produit dans les conditions
S. CONGRÉGATION CONSISTORIALE
403
requises, lorsque le manque de temps ou le grand nombre de soldats empêche de les entendre individuellement en confession. Les soldats ainsi absous collectivement peuvent être admis à communier en viatique. Que les prêtres n'oublient pas de faire savoir aux pénitents que l'absolution ainsi reçue ne leur sera profitable que s'ils sont dans les dispositions requises et qu'ils restent dans l'obligation de faire, en temps opportun, une accusation complète de leurs fautes graves ; c) il leur est permis de donner la Bénédiction apostolique avec l'indulgence plénière avec cette formule : Ego, facultate mihi ab Apostolica Sede tributa, indulgentiam plenarium et remissionem omnium peccatorum vobis concedo in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Amen.
Mais comme à l'occasion de la guerre, les villes ou localités dites ouvertes, se trouvent exposées aux attaques aériennes, pour ne pas priver les fidèles en danger de mort des secours de la religion, il est permis aux prêtres, à cause du prochain danger de mort durant ces attaques, d'absoudre les fidèles de n'importe quels péchés et censures réservés et notoires, même par la formule générale d'absolution de la façon indiquée plus haut (N° 14) et de leur donner la Bénédiction apostolique avec l'indulgence plénière dont il a été parlé ci-dessus.
15. D'employer, dans le baptême à donner aux adultes, la formule établie pour les enfants.
16. De permettre aux malades de communier chaque jour, même après avoir pris avant la communion un médicament ou quelque chose par mode de boisson.
17. D'abréger l'office divin ou d'en remplacer la récitation, lorsque quelque empêchement légitime y met obstacle, par d'autres prières à prescrire selon les circonstances du moment.
18. De dispenser de la loi du jeûne et de l'abstinence.
19. De permettre que l'on puisse accomplir le précepte pascal en tout temps de l'année.
20. De bénir d'un seul signe de croix et gratis, à n'importe quel titre :
a) les objets de piété, et de leur appliquer les indulgences dites de sainte Brigitte ;
b) les chapelets dans le genre de celui du rosaire, et de leur appliquer les indulgences dites des Pères Croisiers ;
c) les crucifix, et de leur appliquer soit les indulgences du chemin de la croix pour ceux qui légitimement seraient empêchés de parcourir les stations du chemin de la croix, soit l'indulgence plénière que tout fidèle se trouvant à l'article de la mort peut gagner.
21. De donner aux médailles remplissant les conditions prescrites les bénédictions attachées à chaque scapulaire, de sorte que ceux qui porteront ces médailles pourront gagner les indulgences et bénéficier des privilèges des scapu-laires, sans que ces derniers leur aient été imposés.
Afin de porter secours et consolation également aux fidèles en captivité, soit au milieu des armées, soit dans une localité, tout ce qui a été opportunément décrété par le pape Benoît XV, d'heureuse mémoire, lors de la dernière grande guerre, est de nouveau décrété par l'auguste pontife régnant, qui ordonne de le mettre fidèlement à exécution. En conséquence :
1. Les Ordinaires des diocèses et les Ordinaires des forces armées ou les aumôniers en chef, sous la juridiction de qui se trouvent les prisonniers, doivent choisir le plus tôt possible des prêtres qui seront chargés du soin des captifs ; il faudra qu'un de ces prêtres, ou plusieurs selon les besoins, connaisse assez bien la langue parlée par les prisonniers ; si on ne peut en trouver dans le diocèse, on les demandera aux autres Ordinaires qui devront fournir de bonne grâce des prêtres capables.
2. Les prêtres choisis pour ce ministère ne négligeront rien de ce qui regarde l'intérêt des prisonniers, leur âme, leur vie, leur corps : ils les consoleront, demeureront auprès d'eux, les soulageront dans leurs divers besoins
Lucie- Nombre de messages : 1241
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Re: Pie XII 1939
SACRÉE CONGRÉGATION DE LA PROPAGANDE
9 juin 1939 1
INSTRUCTION SUR LA FAÇON DE TRAITER AVEC PLUS DE PRUDENCE DES QUESTIONS MISSIONNAIRES
La Sacrée Congrégation de la Propagande a souvent noté que dans des journaux ou des revues, dans des livres ou des discours publics qui traitent des questions missionnaires, on décrit parfois les coutumes, les cultes, le caractère et les conditions de vie des peuples auxquels ont doit porter la foi catholique, d'une manière qui met en relief plutôt les mauvais côtés que les qualités. Certes, on agit ainsi sans mauvaises intentions ; au contraire, on voudrait exciter un plus vif amour envers ces frères qui ne jouissent pas encore de la lumière du Christ et obtenir de plus larges secours en faveur des oeuvres religieuses et charitables ; mais combien une telle attitude s'écarte de la politesse réciproque qui doit commander les rapports entre les peuples, combien elle blesse l'équité et la justice, enfin quelle juste indignation elle suscite dans les peuples dont on parle ainsi, cela apparaît clairement à toute personne qui, faisant un retour sur elle-même, essaye de s'imaginer ce qu'elle ressentirait si elle savait que des étrangers ont usé d'un langage semblable en parlant de sa patrie.
Il faut d'autant plus éviter une telle attitude qu'elle peut faire naître une idée fausse et offensante des missionnaires, opinion qui nuirait à la réussite de leur apostolat ; on pourrait croire que les missionnaires ne s'approchent pas des peuples avec cette cordiale charité qui empêche de juger les autres selon sa propre conception et qu'ils n'essayent pas, avec un esprit ouvert et bien disposé, de les comprendre, de les estimer et de les aimer.
C'est pourquoi la Sacrée Congrégation de la Propagande recommande vivement à tous ceux qui traitent de questions missionnaires, par écrit, de vive voix, de parler des autres nations avec le même respect dont ils désirent qu'on use pour leur propre pays.
Qu'ils n'oublient pas, en outre, que beaucoup de peuples chez lesquels s'exerce l'apostolat missionnaire se distinguent par une ancienne et noble culture et civilisation, et qu'ils ne supporteraient pas et s'indigneraient d'être classés sans discernement parmi les peuples qu'on tient ici et là pour moins évolués. Il n'est pas juste, enfin, de tirer de cas particuliers un jugement général injurieux et faux sur tout un peuple.
Nous devons toujours avoir sous les yeux et observer scrupuleusement les très sages avis de saint Paul : « Ne donnons aucun sujet de scandale en quoi que ce soit, afin que notre ministère ne soit pas un objet de blâme. Mais rendons-nous recommandables en toutes choses, comme des ministres de Dieu. » (2Co 6,3-4)
8 décembre 1939 2
INSTRUCTION VISANT CERTAINES CÉRÉMONIES PRATIQUÉES EN CHINE
L'on sait parfaitement qu'en Extrême-Orient, certaines cérémonies autrefois liées à des rites païens n'ont plus aujourd'hui, par suite des changements apportés par les siècles dans les moeurs et les idées, qu'une signification purement civile de piété envers les ancêtres, d'amour pour la patrie, ou de politesse dans les rapports sociaux.
C'est pourquoi cette Sacrée Congrégation de la Propagande a donné en 1935 et en 1936, avec l'approbation du Souverain Pontife Pie XI d'heureuse mémoire, aux Ordinaires de Mandchourie et de l'empire japonais, conformément au canon CIS 22 du Code de droit canonique, de nouvelles règles mieux adaptées à la situation actuelle.
Récemment, dans leur réunion plénière du 4 de ce mois de décembre, les éminentissimes Pères, membres de cette même Congrégation de la Propagande, ont examiné la question de savoir s'il n'y avait pas lieu d'adopter la même façon d'agir dans les pays où l'on constatait que le temps avait produit les mêmes changements de situation.
Après avoir pesé attentivement le pour et le contre et demandé l'avis des personnes prudentes et expertes, les éminentissimes Pères ont décidé de faire les déclarations suivantes :
1. Etant donné qu'à plusieurs reprises le gouvernement chinois a explicitement proclamé que chacun est libre de professer la religion de son choix et qu'il n'a aucunement l'intention de porter des lois ou des ordonnances en matière religieuse et que, par conséquent, les cérémonies prescrites ou accomplies par les autorites publiques en l'honneur de Confucius n'ont pas pour but de rendre un culte religieux, mais uniquement de promouvoir et de rendre l'honneur qui convient à un personnage illustre, ainsi que l'hommage dû aux traditions des ancêtres, il est permis aux catholiques d'assister aux cérémonies qui s'accomplissent devant l'image ou la tablette de Confucius, dans les monuments élevés en son honneur ou dans les écoles.
2. C'est pourquoi il n'est pas défendu de placer dans les écoles catholiques, surtout si les autorités l'ordonnent, l'image de Confucius ou la tablette qui porte son nom, ni de la saluer d'une inclination de tête. Si jamais l'on craignait le scandale, le catholique aura soin de déclarer la droiture de son intention.
3. On peut admettre que les fonctionnaires et les élèves catholiques, ayant reçu l'ordre d'assister à des cérémonies publiques qui paraissent être des actes de superstition, y assistent pourvu que, conformément au canon 1258, ils se comportent d'une manière passive et ne participent qu'à l'hommage qu'on peut, à bon droit, regarder comme purement civil. Ils déclareront, comme plus haut, leur intention, chaque fois que la chose paraîtra nécessaire pour écarter toute fausse interprétation de leur geste.
4. On tiendra pour licites et honnêtes les inclinations de tête et autres manifestations de respect civil devant les défunts ou les images des défunts et même devant la tablette qui porte le nom du défunt.
D'autre part, les éminentissimes cardinaux considérant que le serment sur les rites chinois imposé par la constitution Ex quo singulari (11 juillet 1742) du pape Benoît XIV, à tous les prêtres « dans l'empire chinois, les royaumes et les provinces proches ou limitrophes » ne concorde pas parfaitement avec les normes récentes édictées par cette Sacrée Congrégation, et qu'en outre ce serment est devenu aujourd'hui, comme moyen disciplinaire, absolument superflu, du fait qu'ont cessé, comme chacun sait, les vieilles controverses sur les rites chinois et que du reste les missionnaires et les autres prêtres n'ont nullement besoin de la contrainte d'un serment pour obéir promptement et filialement au Saint-Siège, ont décidé de supprimer l'obligation de ce serment, partout où il était en usage soit en Chine, soit ailleurs. Les autres prescriptions du Souverain Pontife Benoît XIV qui n'ont pas été modifées par des instructions plus récentes, par-dessus tout celle qui défend de discuter la question des rites chinois, restent en vigueur.
A l'audience du 7 décembre 1939, ces décisions des éminentissimes cardinaux ont été soumises, par le cardinal soussigné préfet de la Propagande, à notre Saint-Père le pape Pie XII. Sa Sainteté a daigné les approuver toutes et les ratifier.
SACRÉE CONGRÉGATION DES RITES
DÉCRETS CONCERNANT LES BÉATIFICATIONS ET CANONISATIONS
21 juin
Décret de reprise de la cause de canonisation de la bienheureuse Françoise Xavier Cabrini, fondatrice de l'Institut des missionnaires du Sacré-Coeur de Jésus.
2 juillet
Décret de virtutibus pour la béatification de la servante de Dieu Paula Elisabeth, fondatrice de l'Institut de la Sainte Famille.
22 novembre
Introduction de la cause de béatification de la servante de Dieu Marie du Sacré-Coeur de Jésus, fondatrice des Servantes du Très Sacré-Coeur de Jésus.
A.A.S., XXXII, 1940, pp. 26, 54 et 122.
SACRÉE PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE
mars 1939 1
LISTE DES INDULGENCES APOSTOLIQUES ACCORDÉES PAR PIE XII 2 :
1. Tout fidèle qui a l'habitude de réciter, au moins une fois par semaine, soit la couronne de Notre-Seigneur s, soit l'une ou l'autre des couronnes (chapelets) de la bienheureuse Vierge Marie, soit le rosaire ou au moins le tiers du rosaire (un chapelet), soit le petit office de la Sainte Vierge, soit au moins les vêpres ou un nocturne avec les laudes de l'office des défunts, soit les psaumes de la pénitence ou les psaumes graduels *, ou qui, une fois au moins par semaine, a l'habitude d'accomplir une des oeuvres appelées « oeuvres de miséricorde », ou encore d'assister à la messe5 gagne une indulgence plénière (supposé qu'il remplisse les conditions requises : confession sacramentelle, communion, prière aux intentions du Souverain Pontife) les jours suivants : Noël, Epiphanie, Pâques, Ascension, Pentecôte, dimanche de la très Sainte Trinité, Fête-Dieu, fête du Sacré-Coeur, Purification, Annonciation, Assomption, Nativité de la Sainte Vierge, Immaculée Conception, Nativité de saint Jean-Baptiste ; fête de saint Joseph, fête de la solennité de son patronage ; fête des saints apôtres Pierre et Paul, André, Jacques, Jean, Thomas, Philippe et Jacques, Barthélémy, Mathieu, Simon et Jude, Mathias, ainsi que le jour de la Toussaint.
Si l'on n'a pas reçu les sacrements de pénitence et d'Eucharistie, on gagne, à chacun des jours indiqués ci-dessus, au lieu de l'indulgence plénière, une indul-
3 Les diverses couronnes doivent être distinguées du chapelet ; aujourd'hui, dans le langage courant, ce mot, employé sans aucune épithète, désigne le tiers du rosaire, soit cinq dizaines. Par « couronne » il faut entendre toute forme de prière répétée en un nombre de fois déterminé au moyen de grains enchaînés ou enfilés. Sur la couronne de Notre-Seigneur, se composant de 33 petits grains et de 5 gros grains, sur lesquels on récite 33 Pater (en souvenir des trente-trois ans que vécut le Sauveur) et 5 Ave (en l'honneur des cinq Plaies), voir Beringer, Les Indulgences, t. I, N° 865. On trouvera dans ce même ouvrage des renseignements sur la couronne des cinq Plaies (I, N° 879), sur la couronne ou chapelet de sainte Brigitte (I, No 880), sur la couronne ou chapelet de Notre-Dame des sept Douleurs (I, N° 887), etc.
4 On trouve dans le bréviaire, à la suite de l'office des morts, l'indication des psaumes dits graduels et des psaumes de la pénitence.
gence partielle de 7 ans, pourvu qu'on fasse quelque prière, d'un coeur contrit, aux intentions du Souverain Pontife.
De plus, chaque fois que l'on accomplira une des oeuvres de piété ou de charité déjà mentionnées, on gagnera une indulgence partielle de 3 ans.
2. Les prêtres qui, n'étant retenus par aucun empêchement légitime, ont l'habitude de célébrer chaque jour la sainte messe, gagnent, à chacune des fêtes susdites, une indulgence plénière (conditions : confession et prière aux intentions du pape).
Mais chaque fois qu'ils célèbrent la messe, ils gagnent une indulgence partielle de 5 ans.
3. Ceux qui sont tenus à la récitation de l'office divin gagnent à chacune des fêtes susdites (N° 1) en s'acquittant de cette obligation une indulgence plénière, pourvu qu'ils se soient confessés, aient communié et prié aux intentions du pape. S'ils n'accomplissent pas ces conditions, ils gagnent en récitant, le coeur contrit, l'office divin, une indulgence partielle de 5 ans, chaque fois.
4. Quiconque récite matin, midi et soir (ou bien au premier moment qui suit) la prière appelée Angelus — au temps pascal le Regina coeli — ou si, ignorant ces deux prières, il récite 5 Ave Maria, gagne une indulgence partielle de 500 jours. Il en est de même pour quiconque récite, vers la première heure de la nuit, le psaume De profundis (ou si l'on ignore ce psaume, un Pater, un Ave et le verset Requiem) pour les défunts.
5. La même indulgence (de 500 jours) est accordée à ceux qui, n'importe quel vendredi, méditeront quelques instants sur la Passion et la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en ajoutant 3 Pater et 3 Ave récités pieusement.
6. Lorsqu'on fait son examen de conscience et qu'on a le sincère regret de ses péchés, joint au ferme propos de se corriger, si, de plus, on récite avec dévotion un Pater, Ave et Gloria en l'honneur de la très Sainte Trinité ou 5 Gloria Patri en souvenir des cinq Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ, on gagne une indulgence partielle de 300 jours.
7. Quiconque priera pour les agonisants en récitant au moins un Pater et un Ave, gagne une indulgence partielle de 100 jours.
8. Enfin, quiconque, à l'article de la mort, recommande dévotement son âme à Dieu et, ayant reçu les sacrements de pénitence et d'Eucharistie ou du moins, étant sincèrement contrit, invoque pieusement de bouche s'il le peut et, s'il ne le peut, de coeur, le très saint Nom de Jésus, acceptant patiemment de la main du Seigneur la mort comme rançon du péché, gagne une indulgence plénière.
Avis
1. Les objets auxquels peuvent être attachées par la bénédiction papale les indulgences apostoliques indiquées ci-dessus sont exclusivement : les chapelets ou couronnes, les rosaires, les croix, les crucifix, les petites statues, les médailles, pourvu que ces objets ne soient pas en étain, plomb, verre soufflé et creux ou en d'autres matières de ce genre, qui se brise ou se détériore facilement.
2. Les images des saints ne représenteront que les saints dûment canonisés ou inscrits dans les martyrologes approuvés.
3. Pour pouvoir gagner les indulgences apostoliques, il est nécessaire de porter sur soi ou de conserver décemment chez soi un objet béni par le Souverain Pontife lui-même ou par un prêtre qui en a le pouvoir.
S. PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE
411
4. Le Souverain Pontife déclare expressément qu'en accordant les indulgences apostoliques il n'entend en aucune manière supprimer ou modifier les indulgences déjà éventuellement attachées par les papes aux prières, exercices de piété ou oeuvres pieuses mentionnées ci-dessus.
DÉCRETS ET COMMUNICATIONS 1" mai 1939 6
Décret sur l'indulgence de la Portioncule 7 :
Le Siège apostolique, surtout à notre époque, tant pour accorder des indulgences que pour en faciliter le gain ou l'acquisition, a coutume de se montrer chaque jour plus large.
C'est pourquoi notre Très Saint-Père Pie 12, pape par la divine Providence, désirant vivement que le peuple chrétien prenne toujours plus abondante sa part du précieux trésor de l'Eglise, et que les âmes qui expient dans les flammes du purgatoire soient de jour en jour davantage soulagées par ce moyen, a daigné, en raison de Sa très grande piété, dans l'audience du 22 avril 1939 qu'il a accordée au cardinal Grand Pénitencier soussigné, abroger, en ce qui concerne le gain de l'indulgence plénière dite de la Portioncule, l'article 5 du décret Ut septimi pleni publié le 10 juillet 1924 par ce tribunal sacré ; et décider que toutes les églises cathédrales et paroissiales, et en outre les autres églises et les autres oratoires — pour lesquels, surtout dans les paroisses plus étendues la commodité des fidèles le demandera, d'après le jugement prudent de l'Ordinaire du lieu — pourront obtenir de la Sacrée Pénitencerie, par une supplique appuyée par l'Ordinaire, le privilège de la Portioncule. Nonobstant toutes choses contraires.
15 juin 1939 8 Décret sur la Bénédiction papale par radiodiffusion :
Depuis longtemps et de beaucoup d'endroits sont parvenues au Saint-Siège des suppliques où l'on demandait que ceux qui ne peuvent, n'étant pas physiquement présents (à Rome), jouir de la Bénédiction apostolique donnée Vrbi et Orbi par le pape en certaines circonstances solennelles, avec la pleine rémission des péchés, puissent cependant gagner l'indulgence plénière, s'ils recevaient pieusement et dévotement, par radiodiffusion, cette même Bénédiction.
C'est pourquoi, après avoir mûrement et attentivement examiné la chose, le cardinal Grand Pénitencier soussigné, dans l'audience du 10 juin, a soumis l'affaire au Très Saint-Père, en vue d'une décision. L'auguste Pontife, après avoir entendu le rapport de ce même cardinal sur la question, très désireux de voir les découvertes, faites à notre époque de progrès grâce aux études scientifiques, servir à procurer le salut des âmes, a daigné décider et régler ce qui suit : tous ceux qui, présents ou éloignés, quelle que soit la distance, reçoivent par radiodiffusion, avec piété et dévotion, la Bénédiction donnée Urbi et Orbi par le pape peuvent gagner, aux conditions ordinaires, l'indulgence plénière (attachée à cette Bénédiction) 9.
Sa Sainteté a ordonné de publier le présent décret.
Nonobstant toutes choses contraires, même dignes de mention spéciale.
24 juillet 1939 10
Réponse à un doute à propos de l'absolution à donner aux membres de la Ligue d'Action Française :
Le doute suivant a été soumis à la Sacrée Pénitencerie en vue d'une solution opportune : « Vu le décret promulgué le 10 juillet 1939 par la Suprême Congrégation du Saint-Office, au sujet du journal L'Action Française, un confesseur peut-il absoudre un pénitent, membre de la Ligue d'Action française, qui assure ne vouloir appartenir à cette Ligue qu'autant que le Comité directeur de celle-ci conformera son attitude aux déclarations et garanties contenues dans le décret précité et dans ses annexes ? »
La Sacrée Pénitencerie apostolique a prescrit de répondre : Affirmativement.
24 novembre 1939 11
Notification de l'absolution des censures et dispense des irrégularités : Eu égard à la situation spéciale dans laquelle la France se trouve actuellement et dans le but de remédier à la gêne et aux obstacles qui se présentent quand il s'agit de transmettre des documents, la Sacrée Pénitencerie, se conformant aux ordres qu'elle a reçus du Souverain Pontife, accorde à tout confesseur légitimement approuvé le pouvoir d'absoudre de toutes les censures, exception faite seulement de celle dont il est question dans le décret Lex sacri caelibatus du 18 avril 193612 ; de même, elle accorde le pouvoir de dispenser des irrégularités, mais seulement s'il s'agit d'exercer les ordres sacrés déjà reçus, et ces concessions valent pour les cas occultes qui exigeraient le recours à la Sacrée Pénitencerie elle-même.
Pour ce qui concerne les mandata qui se rapportent soit aux censures déjà absoutes, soit à l'irrégularité dont dispense a été donnée (conformément à ce qui a été fixé, pour l'irrégularité, dans les concessions quinquennales faites aux Ordinaires des lieux), les intéressés doivent être opportunément avertis de l'obligation qui leur incombe à chacun de recourir le plus tôt possible à la Sacrée Pénitencerie, quand la situation, dont il a été question plus haut, se sera améliorée 13.
COMMISSION PONTIFICALE POUR L'INTERPRÉTATION AUTHENTIQUE DU CODE DE DROIT CANONIQUE
RÉPONSES AUX QUESTIONS POSÉES 24 juillet 1939 1
I. — Du propre êvêque pour l'ordination aux ordres Doute I : Est-ce qu'un laïque qui a été tonsuré par son évêque propre pour le service d'un autre diocèse, avec le consentement préalable de l'évêque de cet autre diocèse, est incardiné à ce diocèse (pour lequel il a été tonsuré) conformément au canon 111, § 2 ? Réponse : Oui.
Doute II : Est-ce que l'évêque du diocèse pour le service duquel un laïque a été tonsuré par son évêque propre peut, en vertu d'un droit propre et exclusif, lui conférer les ordres ou lui donner les lettres dimissoriales conformément au canon 955 § 1, bien que le tonsuré n'ait pas encore acquis domicile dans ce même diocèse ?
Réponse : Oui 2.
II. — De la sécularisation des religieux
Doute : Est-ce que les mots Ordinaire du lieu qu'on lit dans le canon 638 désignent l'Ordinaire du lieu où habite le religieux ou bien l'Ordinaire du lieu où se trouve la maison principale (maison-mère) ?
Réponse : Oui pour la première question, non pour la seconde 3.
III. — Habits et insignes des confréries
Doute : Est-ce qu'en vertu du canon 714 avec la permission de l'Ordinaire du lieu une confrérie peut modifier son habit ou ses insignes particuliers, sans perdre ses droits et privilèges, surtout de préséance et d'indulgences ?
Réponse : Oui, mais en respectant les lois liturgiques.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Pie XII 1939
.
Un grand merci Lucie pour ce travail gigantesque...
Un grand merci Lucie pour ce travail gigantesque...
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Pie XII 1939
Lucie a écrit:ALLOCUTION A DES PÈLERINS MEXICAINS [S.S. Pie XII]
(20 septembre 1939)
Recevant en audience un groupe de prêtres et de fidèles du Mexique, le Saint-Père leur adressa ces paroles de bienvenue et de remerciement pour l'initiative qu'ils ont prise de faire placer dans les jardins du Vatican une statue représentant l'apparition de Notre-Dame de Guadeloupe :
Il n'y a pas de mot qui puisse exprimer quelle joie et quelle consolation Nous donne la divine Providence en Nous accordant la possibilité de vous saluer en Notre maison, fils et filles du Mexique.
Vous venez d'une terre chère, dans laquelle les disciples fidèles de Jésus se sont trouvés dans la tribulation et la peine et où ils ont souffert la persécution pour la foi et pour le nom de Jésus.
Dites chez vous à vos frères et à vos soeurs que le Seigneur a dû récompenser avec surabondance votre fidèle constance en la foi. Les sacrifices qu'ils ont supportés pour le Christ-Roi sont la semence divine qui rend des fruits au centuple.
Vous avez élevé sur notre territoire un monument à la Très Sainte Vierge de Guadeloupe : Nous vous en remercions. Une confiance sans limites dans l'amour maternel et dans la puissante protection de la Vierge Immaculée Nous unira à vous.
Nous devons invoquer Marie pour qu'elle vienne à Notre aide dans toutes les menaces et les oppressions, pour qu'elle inspire le courage aux faibles, pour qu'elle intercède pour tout votre peuple et qu'elle obtienne de son divin Fils des prêtres saints, des hommes craignant Dieu, des mères pieuses, des jeunes fermes et constants dans la foi.
Comme gage de ceci, Nous vous accordons à vous et à tous vos parents, à tous ceux que vous portez dans l'esprit et dans le coeur, à tous Nos chers fils et filles de votre belle patrie, à tout votre peuple, une très spéciale et paternelle Bénédiction apostolique.
Nous bénissons en même temps et Nous enrichissons d'indulgences tous les objets religieux que vous avez apportés avec vous.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
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