FONDATION DE SÉVILLE (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
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FONDATION DE SÉVILLE (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
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À suivre…
FONDATION DE SÉVILLE.
Par Sainte Thérèse d’Avila.
(CHAPITRE 22)
1. La sainte ne parle dans ce chapitre que des vertus du père Jérôme Gratien de la Mère de Dieu carme déchaussé. Durant que j'attendais à Veas la permission du conseil des Ordres pour fonder le monastère de Caravantque, un religieux carme déchaussé nommé le père Jérôme Gratien de la Mère de Dieu qui peu d’années auparavant avait pris l’habit à Alcala, m’y vint voir. C'était un homme d'esprit, savant, modeste, et qui avait toujours été si vertueux qu'il paraissait que la Sainte Vierge l'avait choisi pour contribuer au rétablissement de l’ancienne règle de son Ordre
Lorsqu’il était encore jeune à Alcala, il ne pensait à rien moins, non seulement qu’à embrasser notre règle ; mais qu'à se faire religieux. Son père, qui était secrétaire du roi avait aussi pour lui un dessein bien différent. Car il voulait qu'il suivit sa profession. Et lui au contraire avait un si violent désir d’étudier en théologie, qu'enfin ses prières et ses larmes lui en obtinrent la permission. Il fut prêt d’entrer dans la compagnie des Jésuites qui lui avaient promis de le recevoir, et lui avaient dit d'attendre quelques jours pour de certaines considérations. J’ai su de lui-même, que le bon traitement qu’on lui faisait lui était pénible, parce qu'il lui semblait que ce n'était pas le chemin du Ciel. Il avait toujours pris quelques heures pour faire oraison : et son recueillement et son honnêteté étaient extrêmes. En ce même temps un de ses amis nommé le père Jean De Jésus docteur en théologie prit l' habit de notre Ordre dans le monastère de Pastrane.
Je ne sais si ce fut par cette occasion, ou par un livre qu’il avait fait de l’excellence et de l’antiquité de notre Ordre, qu'il s'y affectionna. Car il prenait tant de plaisir à lire les choses qui les regardaient et à les prouver par de grandes autorités, qu'il dit qu'il avait souvent du scrupule de ce que ne s'en pouvait tirer il quittait ses autres études : et il y employait même ses heures de recréation. Ô Sagesse et Puissance de Dieu, que vous êtes admirables, et qu'il est impossible aux hommes de ne pas accomplir ce que Vous voulez ! Vous saviez, Seigneur, le besoin que ce grand ouvrage que Vous aviez commencé dans Notre Ordre, avait de semblables personnes, et je ne saurais assez Vous remercier de la grâce que Vous nous fîtes en cette rencontre. Car si j’avais eu à choisir entre tous ceux qui étaient les plus capables de servir dans ces commencements notre congrégation, je vous aurais, mon Dieu, demandé ce saint religieux. Que soyez-Vous béni à jamais.
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(CHAPITRE 22)
2. Lorsque ce père n'avait ainsi aucune pensée d'entrer dans notre Ordre, il fut prié d’aller à Pastrane pour traiter de la réception d'une religieuse avec la prieure de celui de nos monastères qui subsistait encore en ce lieu-là. Sur quoi je ne saurais assez admirer les moyens dont il plaît à Dieu de se servir, puisque s'il y fut allé pour prendre lui-même l'habit de notre reforme, tant de personnes auraient travaillé à l'en détourner qu'il ne l'aurait peut-être jamais fait. Mais la glorieuse Vierge voulut le récompenser de son extrême dévotion pour Elle. Car je ne puis attribuer qu'à Son intercession qui ne manque jamais à ceux qui ont recours à Son assistance, la grâce que Dieu fit à ce bon religieux de l'engager ainsi dans son Ordre, afin qu'il put, par les services qu'il lui rend, lui témoigner l’ardeur de son zèle.
Étant encore fort jeune à Madrid, il allait souvent prier Dieu devant une image de cette bienheureuse Vierge qu' il nommait Sa maîtresse, et je ne doute point que ce ne soit Elle qui a obtenu pour lui de Notre-Seigneur cette grande pureté de cœur qu'il a toujours eu. Il m’a dit qu’il lui semblait quelquefois qu’il remarquait dans ses yeux qu'Elle avait beaucoup pleuré à cause de tant d’offenses que l’on commet contre son Fils. Il en conçût des sentiments si vifs pour ce qui regarde la gloire de ce Rédempteur du monde, et de si ardents désirs pour le bien des âmes, qu’il n'y a point de travaux qui ne lui paraissent légers quand il rencontre l’occasion de profiter à quelqu'une, comme je l'ai éprouvé en diverses fois.
Ne semble-t-il donc pas, mes filles, que la Sainte Vierge, par une heureuse tromperie, le fit aller à Pastrane pour y prendre lui-même l'habit de notre Ordre lorsqu'il ne pensait qu'à le faire donner à une autre. " Ô mon Sauveur, que les secrets de Votre conduite sont impénétrables d'avoir ainsi disposé les choses pour récompenser ce fidèle serviteur de ses bonnes oeuvres, du bon exemple qu'il avait toujours donné, et de son extrême affection pour Votre glorieuse Mère. " Lorsqu’il fut arrivé à Pastrane, il alla trouver la supérieure pour la prier de recevoir cette fille, sans savoir que Notre-Seigneur l'y conduisait afin d'obtenir par ses prières une semblable grâce pour lui-même.
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(CHAPITRE 22)
3. Comme par une faveur particulière de Dieu sa conversation est si agréable que l’on ne saurait Le voir sans l'aimer, ainsi qu'il l'est de toutes les personnes qu'Il gouverne, parce qu'encore que sa passion pour l'avancement des âmes ne Lui permette pas de dissimuler aucune faute, Il les reprend d'une manière si douce que l'on ne saurait s'en plaindre, cette prieure en fut si touchée qu'elle conçût un très grand désir de le voir entrer dans notre Ordre, elle représenta ensuite aux sœurs. que n'y ayant guère, ou peut-être point de si bon sujet, elles devaient toutes se mettre en prière pour demander à Dieu de ne le pas laisser aller qu'il n'eut pris l' habit.
Et comme cette supérieure est une si grande religieuse que je crois qu'elle aurait seule été capable d'obtenir cette grâce de Dieu : à combien plus forte raison devait-on l'espérer des prières que tant de bonnes âmes joignirent aux siennes ? Toutes lui promirent de s'y employer de tout leur pouvoir, et elles le firent par des jeûnes, des disciplines, et des oraisons continuelles. Leurs vœux furent exaucés. Car le père Gratien étant allé au monastère des pères Carmes déchaussés, l'extrême régularité qui s'y pratiquait, la ferveur avec laquelle on y servait Dieu, et ce que cet Ordre était consacré à la Sainte Vierge qu’il désirait si ardemment de servir, lui firent une telle impression qu'il résolut de ne point retourner au monde.
Le démon ne manqua pas de lui représenter l'extrême douleur qu'il causerait à son père et à sa mère qui l'aimaient si tendrement, et qui dans le grand nombre d’enfants qu'ils avaient le considéraient comme le seul appui de leur famille. Mais il remit le soin de les assister entre les mains de Dieu pour l’amour duquel il abandonnait toutes choses et se consacrait à Sa sainte Mère. Ainsi ces bons pères lui donnèrent l'habit avec une grande joie. Et celle de la prieure et des religieuses fut telle, qu’elles ne pouvaient se lasser de remercier Dieu d'avoir accordé cette grâce à leurs prières. Il passa l'année de son noviciat avec la même humilité que le moindre des novices, et donna dans une occasion qui s’en offrit une preuve signalée de sa vertu.
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4. Car le prieur étant absent on mit en sa place un jeune Père qui n'était ni savant, ni habile, ni assez expérimenté pour exercer cette charge. Il ordonnait des mortifications si excessives, principalement pour de si bons religieux, que si Dieu ne les eut assisté ils n'auraient pu les pratiquer. On a reconnu depuis que ce père est si mélancolique que l'on a de la peine à vivre avec lui lors même que n'étant point en charge il n'a qu'à obéir ; et à plus forte raison quand il commande ; tant cette humeur, qui produit de si dangereux effets, domine en lui. Il est d'ailleurs bon religieux, et Dieu permet quelquefois de semblables choses pour perfectionner l'obéissance de ceux qui L'aiment, ainsi qu'il arrivait en cette rencontre.
Cela fut sans doute par le mérite d'une si parfaite obéissance du Père Jérôme Gratien, de la Mère de Dieu, que Notre Seigneur a voulu lui apprendre à conduire ceux qui lui sont soumis Après l'avoir pratiquée lui-même. Et afin qu’il ne lui manquât rien de ce qui est nécessaire pour bien gouverner, il soutint de très grandes tentations trois mois avant que de faire profession. Mais comme il devait être un généreux chef de tant de généreux combattants engagés dans le service de la Reine des Anges, il résista avec tant de courage à ces assauts, que plus cet esprit infernal le pressait de quitter l'habit, plus il se fortifiait dans la résolution de le porter toute sa vie. Il m’a donné un écrit qu’il fit dans le plus fort de ces tentations : et je l'ai lu avec grande dévotion, parce que l'on y voit clairement de quelle sorte Dieu le soutenait.
On trouvera peut-être étrange que ce saint religieux m'ait communiqué tant de particularités des choses les plus intérieures qui le concernent. Mais je veux croire que Dieu l’a permis afin que je les rapportasse ici, pour obliger ceux qui les liront d’admirer les faveurs qu'Il fait à Ses créatures, puisqu’Il sait que ce bon Père n'en a jamais tant dit à nul autre, ni même à ses confesseurs. Il s'y portait quelquefois à cause que mon âge et ce qu'on lui avait dit de moi lui faisait croire que j'avais quelque expérience de ces choses : et d'autres fois parce que la suite du discours l'engageait à me les confier, aussi bien que d'autres que je ne pourrais écrire sans me trop étendre : outre que je me retiens de peur de lui donner de la peine si ce papier tombait un jour entre ses mains. Mais quand cela arriverait, comme ce ne pourrait être que de longtemps, j’ai crû devoir rendre ce témoignage à l’obligation que lui a notre Ordre dans ce renouvellement de notre ancienne Règle.
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(CHAPITRE 22)
5. Car encore qu'il n'ait pas été le premier à y travailler, il y a eu des temps où j’aurais eu regret de ce que l'on avait commencé si je n'eusse mis mon espérance en la miséricorde de Dieu. En quoi je n’entends parler que des maisons des religieux ; celles des religieuses ayant par son infinie bonté toujours bien été jusqu’ici. Ce n’est pas que celles des religieux allassent mal ; mais il y avait sujet de craindre qu’elles ne déchussent bientôt, parce que n'ayant point de provincial particulier ils étaient soumis aux Pères de l'Observance mitigée, qui ne donnaient point de pouvoir sur eux au père Antoine De Jésus qui avait commencé la reforme, et aurait pu les conduire. Joint que Notre Révérendissime Père Général ne leur avait point donné de constitutions. Ainsi chaque maison se gouvernait comme elle pouvait, et dans ces différentes conduites, l'on souffrit beaucoup jusqu’à ce que le pouvoir passa entre les mains de ceux de la reforme. J'en étais souvent fort affligée. Mais Dieu y remédia par le moyen du Père Gratien de qui je parle quand il fut établi Commissaire Apostolique avec une entière autorité sur les Carmes Déchaussés et sur les Carmélites. Il fit alors des constitutions pour ses religieux, et Notre Révérendissime Père Général nous en avait déjà donné.
Dès la première fois qu’il visita ces Pères, il établit une si grande union entre eux qu’il parut que Dieu l'assistait, et que la Sainte Vierge l'avait choisi pour le rétablissement de son Ordre. Je La prie de tout mon cœur d'obtenir de Son divin Fils de continuer à le favoriser de ses grâces et le faire de plus en plus avancer dans son service. Ainsi soit-il.FIN. (... du chapitre 22)
suite de la Fondation de Séville: chapitre 23...
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(CHAPITRE 23)
6. La sainte part pour la fondation du monastère de Séville. Incroyables peines et grands périls qu’elle court en chemin, et difficultés qu’elle rencontre à cet établissement. Mais après qu’elle eut parlé à l‘archevêque, il lui en accorda enfin la permission. Lorsque ce bon Père Gratien vint me visiter à Veas, nous nous étions seulement écrit ; mais nous ne nous étions encore jamais vus, quoique je le souhaitasse extrêmement à cause du bien que l'on m'avait dit de lui. Son entretien me donna beaucoup de joie, et me fit voir que ceux qui me l'avaient tant loué ne connaissaient qu'une partie de ses vertus. Je me sentis dans nos conférences soulagée de mes peines. Dieu me fit comprendre ce me semblait que je tirerais de grands avantages de sa communication ; et je me trouvais si consolée et si contente que je ne me connaissais plus moi-même. Sa commission ne s'étendait pas plus loin que l'Andalousie. Mais le nonce l'ayant envoyé quérir à Veas, il lui donna aussi pouvoir sur les Carmes déchaussés et sur les Carmélites de la province de Castille ; et j'en eus une telle joie que je ne pouvais assez à mon gré en remercier Notre Seigneur.
En ce même temps, on m'apporta la permission de fonder un monastère à Caravantque. Mais comme elle n'était pas telle que je la jugeais nécessaire, on fut obligé de la renvoyer à la cour. Il me faisait fort d'attendre là si longtemps, et je désirais de m'en retourner en Castille parce que j'avais écrit aux fondatrices que cet établissement ne se pouvait faire sans une certaine condition qui y manquait : et l’on ne put éviter d'aller à la cour. Comme le Père Gratien en qualité de commissaire de la province d'Andalousie était Supérieur de ce monastère, et qu'ainsi je ne pouvais agir sans son ordre, je lui communiquai l’affaire. Il jugea aussi que si j’abandonnais la fondation de Caravantque, elle serait ruinée, et que ce serait rendre un grand service à Dieu d'en faire une dans Séville. Elle lui paraissait facile à cause qu’elle était demandée par des personnes riches qui pouvaient présentement nous donner une maison, et que d'un autre côté l’Archevêque de cette grande ville avait tant d'affection pour notre Ordre qu'elle lui serait très agréable. Ainsi nous nous résolûmes que je mènerais à Séville la prieure et les religieuses que je croyais mener à Caravantque. J'avais toujours auparavant refusé pour de certaines raisons de faire des fondations dans l'Andalousie : et quand j'allai à Veas si j’eusse su qu'il en était, je n’y aurais point été. Mais ce qui me trompa fut qu’encore que le territoire de cette province ne commence qu'à quatre ou cinq lieues de là, il ne laisse pas d’être de son ressort. Je n’eus point néanmoins de peine à me rendre à la résolution prise par ce sage Supérieur, parce que Notre- Seigneur m’a fait la grâce de croire que ceux qu’Il élève sur moi en autorité ne font rien que bien à propos.
Nous nous préparâmes aussitôt pour partir à cause que la chaleur commençait d'être bien grande, et le Père Gratien commissaire apostolique ayant été mandé par le nonce, nous nous mîmes en chemin accompagnées du Père Julien D’Avila, et d'un religieux de notre réforme. Nous allions selon notre coutume dans des chariots couverts, et après être arrivées à l’hôtellerie, nous nous mettions toutes dans une chambre bonne ou mauvaise selon la rencontre, et une sœur, qui se tenait à la porte, recevait ce dont nous avions besoin, sans que ceux qui nous accompagnaient y entrassent. Quelque diligence que nous pussions faire nous n’arrivâmes à Séville que le jeudi de la semaine de la Très-Sainte Trinité ; et bien que nous ne marchassions pas dans la grande chaleur du jour, le soleil était si ardent que lorsqu'il avait donné sur nos chariots, on y était dans une espèce de purgatoire. Cela faisait quelquefois penser à ces bonnes sœurs combien les tourments de l’enfer doivent être grands, puisqu'une incommodité infiniment moindre donne tant de peine. Et d'autres fois, elles s’entretenaient du plaisir de souffrir pour Dieu.
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(CHAPITRE 23)
7. Ainsi elles continuaient leur voyage avec grande joie : et ces six religieuses étaient telles qu'il me semble que je n’appréhenderais point avec une si sainte compagnie de me trouver au milieu des turcs, parce qu'elles auraient la force, ou pour mieux dire, Dieu la leur donnerait, de souffrir pour Son amour, qui était le but de tous leurs désirs et le sujet de tous leurs entretiens, tant elles étaient exercées à l'oraison et à la mortification. Il est vrai que voyant qu'il les fallait mener si loin, j’avais choisi celles qui me paraissaient les plus propres pour cet établissement :et elles eurent besoin de toute leur vertu pour supporter tant de travaux.
Je ne dis rien des plus grands, à cause que quelques personnes pourraient s’en trouver blessées. La veille de la Pentecôte, Dieu les affligea extrêmement par une fièvre qu’Il m'envoya si violente que je n’en ai jamais eu de semblable : et je ne puis attribuer qu'à leurs prières ce que le mal ne passa pas plus avant. Je paraissais être en léthargie ; et le soleil avait tellement chauffé l’eau que mes compagnes me jetaient pour me faire revenir, que j'en recevais peu de soulagement.
En récompense nous arrivâmes le soir dans un si méchant logis que tout ce que l'on put faire fut de nous donner une petite chambre sans fenêtres, qui n'avait pour plancher que le toit de la maison, et que le soleil perçait de part en part lorsque l'on ouvrait la porte ; mais un soleil incomparablement plus ardent que celui de Castille. On me mit sur un lit qui était tel que j'aurais mieux aimé coucher par terre. Il était si haut d'un côté et si bas de l'autre que je ne m'y pouvais tenir, et il semblait n'être fait que de pierres pointues. Tout est supportable avec la santé : mais en vérité c'est une étrange chose que la maladie. Enfin je crus qu’il valait mieux me lever et partir, parce que le soleil de la campagne me paraissait plus supportable que celui de cette chambre.
Quel tourment doit donc être celui des damnés qui demeurent durant toute une éternité dans un même état, sans pouvoir jouir du soulagement de changer au moins de peine en passant d'une douleur à une autre, comme il m'arrivait une fois lors que j'en éprouvai une très grande. Mais quelque mal que je souffrisse dans cette dernière rencontre, il ne me souvient point d'en avoir été touchée. Mes sœurs l'étaient beaucoup : et il plût à Notre Seigneur que ces extrêmes douleurs ne continuèrent avec tant de violence que jusqu’à la nuit.
Deux jours auparavant, il nous était arrivé un accident qui nous donna une grande appréhension. Ayant à traverser dans un bac la rivière de Guadalquivir, les chariots ne purent passer au lieu où le câble était tendu. Il fallut prendre plus bas en se servant néanmoins de ce câble : et ceux qui le tenaient l'ayant lâché je ne sais comment, le bac dans lequel était notre chariot s'en alla sans rames au fil de l'eau. Dans un si pressant péril le désespoir du batelier me donnait plus de peine que le danger où nous étions. Nous nous mîmes toutes en prière, et les autres jetaient de grands cris.
Un gentilhomme voyant cela de son château qui en était proche avait envoyé pour nous secourir avant qu'on eut lâché le câble que nos religieux et les autres tenaient de toute leur force : mais la rapidité de l'eau en faisait tomber quelques-uns par terre, et les contraignit tous enfin de le lâcher comme je l'ai dit. Sur quoi je n'oublierai jamais l'incroyable douleur qu'un fils du batelier qui n'avait que dix ou onze ans témoignait avoir de celle de son père. Dieu qui a pitié des affligés, fit que le bac s'arrêta contre un banc de sable où l'eau était d’un côté assez basse, ce qui donna moyen de nous secourir. Et la nuit étant venue, celui qui avait été envoyé du château nous servit de guide pour nous remettre dans notre chemin, sans quoi nous nous serions trouvées dans une nouvelle peine.
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(CHAPITRE 23)
8. Ayant tant de choses à dire de ce que nous souffrîmes durant ce voyage je ne pensais pas rapporter celles-ci qui sont beaucoup moins importantes, et je me suis sans doute rendue ennuyeuse en m'étendant trop sur ces particularités. La dernière fête de la Pentecôte il nous arrivait un nouvel accident qui me fâcha plus que tous les autres Nous nous étions extrêmement pressées afin d’arriver à Cordoue d’assez matin pour y entendre la messe sans être vues dans une église qui est au-delà du pont où nous croyions trouver peu de monde. Mais les chariots ne pouvant passer ce pont sans une permission du gouverneur, il fallut l’envoyer demander, ce qui nous retarda plus de deux heures, parce qu'il n'était pas encore levé. Cependant quantité de gens s’approchaient de notre chariot pour voir qui était dedans : et comme il était bien fermé, cela ne nous donnait pas beaucoup de peine.
Lorsque la permission fut venue la porte du pont se trouvait trop étroite pour passer Notre chariot. Il fallut y travailler, et cela consuma encore du temps. Enfin nous arrivâmes à l’église où le Père Julien d'Avila devait dire la messe. Nous la trouvâmes pleine de monde à cause que l’on y faisait une grande solennité et que l'on devait y prêcher, parce qu’elle porte le nom du Saint-Esprit, ce que nous ne savions pas. J’en fus si fâchée qu’il me semblait que nous ferions mieux de nous en aller sans entendre la messe que de nous engager dans une si grande presse. Mais le Père Julien ne fut pas de cet avis. Et comme il est théologien nous fûmes obligées de le croire, quoique les autres seraient peut-être entrées dans mon sentiment. Nous descendîmes donc à l’église sans que l’on put nous voir au visage parce que nous avions nos voiles baissés : mais il leur suffisait pour être surpris de nous voir avec ces voiles, des manteaux blancs de gros drap, et des sandales. L’émotion que cette rencontre me donna aussi bien qu' ux autres personnes qui nous accompagnaient fut si grande, qu’elle fut cause à mon avis que la fièvre me quitta Lors que nous entrâmes dans l'église un bon homme eut la charité d'écarter le peuple pour nous faire place ; et je le priai de nous mener dans quelque chapelle. Il le fit : il en ferma la porte, et nous y laissa jusqu’à ce qu'il vint nous en retirer pour nous mener hors de l' église. Peu de jours après il arrivait à Séville et dit à un Père de Notre ordre, qu’il croyait que Dieu pour le récompenser de cette action lui avait donné du bien qu'il n'espérait point.
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9. Je vous avoue, mes filles, qu'encore que la peine que je souffris ce jour-là ne vous paraisse peut-être pas grande, ce fut pour moi l'une des plus rudes mortifications que j'aie éprouvées en toute ma vie, parce que l'étonnement et l'émotion de tout ce peuple ne furent pas moindres que s'ils eussent vu entrer plusieurs taureaux dans l'église, ce qui me donnait une étrange impatience d'en sortir, quoique nous ne sussions où nous retirer durant le reste du jour. Nous le passâmes comme nous pûmes dessous un pont. Étant arrivées à Séville, nous allâmes loger dans une maison que le Père Marian à qui j'avais donné avis de tout nous avait louée. Et bien que je crusse ne rencontrer plus de difficultés parce comme je l’ai dit, que l'Archevêque affectionnait fort les Carmes Déchaussés et m’avait même quelquefois écrit avec beaucoup de bonté, Dieu permit que j'eus assez de peine, à cause que ce prélat ne pouvait approuver des monastères de filles sans revenu, et avec raison.
De là vint notre mal, ou pour mieux dire notre bien. Car si on le lui eut fait savoir avant que je me fusse mise en chemin je crois certainement qu'il n'y aurait jamais consenti. Mais le Père commissaire et le Père Marian croyant qu’il serait bien aise de ma venue, comme en effet il en témoigna de la joie, et qu’ils lui rendraient un grand service, ne voulurent point lui en parler : et s'ils en eussent usé autrement, ils auraient fait une grande faute en pensant bien faire. Ainsi quoique dans toutes les autres fondations nous commencions toujours par obtenir la permission de l'Ordinaire, selon le saint Concile de Trente, nous ne l'avions point demandée pour celle-ci, à cause que nous croyions comme il était vrai et que ce prélat l'a reconnu depuis, que cette fondation lui était fort agréable. En quoi il paraît que Dieu ne veut pas qu'aucun de ces nouveaux monastères s'établisse sans que j'en souffre de grandes peines d'une manière ou d'une autre.
Alors que nous fûmes dans la maison je pensais prendre possession ainsi que j’avais accoutumé, et commencer d'y dire l'Office. Mais le Père Marian qui conduisait cette affaire n'osant, de peur de m'affliger, me dire la difficulté qui s’y rencontrait m'alléguait des raisons pour différer ; et comme elles étaient assez faibles, je n'eus pas de peine à juger qu'il n'avait pu obtenir la permission. Il me proposa ensuite de fonder le monastère avec du revenu, et quelque autre expédient dont il ne me souvient pas : et enfin il me déclara nettement que ce prélat, quoique fort homme de bien, n'ayant jamais depuis tant d'années qu'il était Archevêque de Séville. Après avoir été Évêque de Cordoue, donné aucune permission pour établir des monastères de religieuses, il n'y avait pas lieu d’espérer de l'obtenir pour celui-ci, principalement n'ayant point de revenu.
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10. Ainsi c’était me dire nettement qu’il ne fallait plus penser à cette affaire puisque quand même je l'aurais pu, j'aurais eu une très grande peine à me résoudre de fonder un monastère avec du revenu dans une ville telle que Séville, n'en ayant jamais établi avec cette condition qu'en des lieux si pauvres que l’on n'aurait su autrement y subsister. à quoi il faut ajouter que ne nous étant rien de l'argent que nous avions apporté pour la dépense de notre voyage, et n'ayant pour toute chose que nos habits, quelques tuniques, quelques coiffes, et ce qui avait servi à couvrir nos chariots, nous fûmes même contraintes d'emprunter d'un ami d'Antoine Gaétan ce qu' il fallait pour le retour de ceux qui nous avaient accompagnées, et le Père Marian s'employa pour chercher les moyens d'accommoder le logis. Outre que n'ayant point de maison en propre, je trouvais de l’impossibilité à faire une fondation en ce lieu.
Ensuite de plusieurs importunités de ce Père, l’Archevêque permit qu'on nous dise la messe le jour de la Très-Sainte-Trinité, et défendit en même temps de sonner les cloches, ni seulement d'en attacher : mais elles étaient déjà attachées. Nous passâmes ainsi plus de quinze jours ou un mois, je ne saurais dire lequel tant j'ai mauvaise mémoire, et j’étais toute résolue, si le Père commissaire et le Père Marian me l'eussent permis, de m'en retourner à Veas avec mes religieuses pour travailler à la fondation de Caravantque ; ce voyage me paraissant moins fâcheux que d'avoir publié comme on avait fait que nous étions venues pour nous établir à Séville. Mais le Père Marian ne voulut jamais me permettre d’en écrire à l'Archevêque. Il jugea plus à propos de tâcher, comme il fit, à gagner peu à peu son esprit, tant par lui--même que par les lettres que le Père commissaire lui écrivit de Madrid. Ce qui m'ôtait tout scrupule et me mettait l’esprit en repos, était que nous continuions toujours à dire l’Office dans le chœur ; que l'on ne nous avait dit la première messe que par la permission de ce Prélat ; que c'était un des siens qui l'avait dite, et qu’il ne laissait pas d’envoyer quelquefois me visiter et m'assurer qu'il me viendrait voir. Toutes ces circonstances me faisaient croire que je n'avais pas sujet d’être si en peine : et ma peine ne procédait pas aussi de ce qui me regardait et mes religieuses ; mais de celle qu'avait le Père commissaire de m'avoir engagée à ce voyage et de penser à l'affliction que ce lui serait si tout venait à être renversé, comme il n'y avait que trop de sujet de l'appréhender.
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(CHAPITRE 23)
11. En ce même-temps les Pères Carmes Mitigés apprirent que cette fondation se faisait. Ils me vinrent voir, et je leur montrai les patentes que j'avais de Notre révérendissime Père général. Elles leur fermèrent la bouche, et ils ne se seraient pas à mon avis si aisément adoucis s'ils eussent été informés de la difficulté que faisait l’Archevêque ; mais on ne la savait point ; et l'on croyait au contraire que cette fondation lui était fort agréable. Dieu permit enfin qu'il me vint voir. Je lui représentai le tort qu’il nous faisait. Il m’accorda tout ce que je pouvais désirer : et depuis ce jour il n'y a point de faveurs que nous n'ayons reçues de lui en toutes occasions.
Dans les extrêmes difficultés de trouver une maison pour l’établissement de ce monastère, Dieu assure la sainte qu’Il y pourvoirait. Assistance qu’elle reçoit d’un de ses frères qui revenait des Indes. Enfin elle achète une maison très-commode, et l'on y porte le Très-Saint sacrement avec une très-grande solennité. Qui pourrait s'imaginer que dans une ville aussi grande et aussi riche qu'est Séville, j'eusse trouvé moins d'assistance pour fonder un monastère qu'en tous les autres lieux où j'en avais établi ? J’y en rencontrai néanmoins si peu que je crus souvent qu’il valait mieux abandonner ce dessein. Je ne sais si l'air du pays y contribuait. Car j’ai entendu dire que Dieu y donne au démon plus de pouvoir de tenter qu'ailleurs ; et il est vrai que je n’avais de ma vie été si lâche qu'alors. Je ne perdais pas toutefois la confiance que j’avais en Dieu. Mais je me trouvais si différente de ce que j'avais toujours été, et si éloignée des dispositions où je m'étais vue en de pareilles rencontres, qu'il me semblait que Notre-Seigneur se retirait en quelque sorte de moi pour me laisser à moi-même, afin de me faire connaître que le courage que j'avais auparavant venait de Lui, et non pas de moi.
Nous demeurâmes en cet état dans Séville depuis le temps que j’ai dit jusqu’un peu avant le Carême sans avoir moyen d'acheter une maison, ni que personne voulut être notre caution comme nous en avions trouvé ailleurs, parce que celles qui avaient tant pressé le Père commissaire de nous faire venir, ayant su quelle était l'austérité de notre règle ne se jugèrent pas capables de la supporter. Une seule dont je parlerai dans la suite vint avec nous et prit l'habit. Cependant je me voyais pressée de quitter l’Andalousie à cause que d'autres affaires m'appelaient ailleurs, et ce m’était une très-grande peine de laisser ces religieuses sans maison, quoique je connusse que je leur étais inutile parce que Dieu ne me faisait pas la faveur de me donner comme dans les provinces de deçà, quelqu'un qui m'assistât en cette entreprise.
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(CHAPITRE 23)
12. Les choses étaient en cet état lorsque Laurent Zepida, l'un de mes frères, revint des Indes où il avait passé plus de trente-quatre ans : il eut encore plus de peine que moi de voir que ces bonnes religieuses n'eussent point de maison en propre. Il nous assista beaucoup, et particulièrement pour nous faire avoir celle où elles sont à présent. De mon côté, je priais instamment Notre-Seigneur et Le faisais prier par mes sœurs de ne pas permettre que je partisse sans les laisser dans un logis qui leur appartînt. Nous recourions aussi à l’assistance du glorieux Saint Joseph et de la Très-Sainte Vierge, en l’honneur de laquelle nous faisions plusieurs processions. Voyant donc mon frère si disposé à nous aider. je traitai de l'achat de quelques maisons. Mais lors que le marché paraissait conclu, il se rompit. M’étant ensuite mise en prière pour demander à Dieu que puisqu'Il honorait ces religieuses de la qualité de ses épouses, et qu elles avaient un si grand désir de Le servir, il Lui plût de leur donner une maison. Il me dit : J’ai déjà exaucé votre prière, laissez-Moi faire.
Ces paroles me donnèrent la joie que l'on peut s'imaginer : et je tins la chose pour faite, comme en effet elle se fit. Il nous empêcha ensuite par Son extrême bonté d'en acheter une dont chacun approuvait l'acquisition à cause qu'elle était en très-belle assiette; mais si mal bâtie et si vieille que ce n'était qu'une place qui ne nous aurait guère moins coûté que la maison toute entière que nous avons maintenant. Aussi n'en étais-je pas contente, parce que cela ne me paraissait pas s’accorder avec ce que Dieu m'avait dit dans l'oraison, qu'Il nous donnerait une maison très-commode. Il accomplit Sa promesse. Car ne restant plus qu'à passer le contrat de celle dont je viens de parler, celui qui nous la vendait à un prix excessif remit pour quelques considérations à le signer dans le temps dont nous étions convenus ; et nous dégagea ainsi de notre parole. Je l’attribuai à une singulière faveur de Dieu, à cause qu'il y avait tant à travailler à cette maison qu'elle n'aurait pu être entièrement rétablie durant la vie des religieuses qui y étaient, quand même elles auraient trouvé moyen de faire une si grande dépense, ce qui leur aurait été fort difficile.
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(CHAPITRE 23)
13. Un ecclésiastique grand serviteur de Dieu nommé Garcia Alvarez très-estimé dans la ville à cause de ses bonnes oeuvres qui faisaient toute son occupation, fut principalement cause de nous faire changer d'avis. Il avait tant de bonté pour nous que depuis que nous eûmes la permission de faire dire la messe, il ne manquait jamais de venir nous la dire tous les jours, quoique la chaleur fut extrême : et s'il eût eu plus de bien, rien ne nous aurait manqué. Comme il connaissait fort cette maison, il ne voyait point d'apparence de l’acheter si chèrement, et nous le représenta tant de fois qu'enfin il nous fit résoudre à n’y plus penser. Lui et mon frère allèrent ensuite voir celle que nous avons aujourd'hui, et en revinrent avec raison si satisfaits, Notre-Seigneur le voulant ainsi, que l’affaire fut terminée en deux ou trois jours, et le contrat signé.
Mais nous n'eûmes pas peu de peine à y entrer, parce que celui qui l'avait louée ne voulait point en sortir, et que les religieux de Saint-François qui en étaient proches nous prièrent instamment de ne nous y point établir. Pour moi j’y aurais consenti si le contrat n'eut pas encore été signé, et en eusse remercié Dieu pour n'être point obligées de payer six mille ducats que nous coûtait la maison sans pouvoir en jouir présentement. La Mère prieure au contraire louait Dieu de ce que le marché était fait, à cause qu'elle avait en cela comme en toute autre chose plus de foi que moi et qu'elle est beaucoup meilleure. Après avoir demeuré plus d’un mois en cet état, enfin cette bonne Mère, les autres religieuses, et moi allâmes de nuit nous mettre dans la maison, ne voulant pas que ces religieux le sussent avant que nous en eussions pris possession. Mais ce ne fut pas sans crainte que nous toutes et ceux qui nous accompagnaient fîmes ce chemin. Autant d'ombres que nous voyions nous paraissaient autant de ces religieux.
Dès le point du jour, Garcia Alvarez, ce bon prêtre qui était venu avec nous, dit la première messe ; et depuis nous n'eûmes plus rien à appréhender. Jésus Mon Sauveur, quelles frayeurs n'ai-je point eues dans ces prises de possession? Et si l’on en a tant lorsque l'on n'a autre dessein que de travailler pour Votre service ; combien grandes doivent être celles des personnes qui ne pensent qu'à Vous offenser et à nuire à leur prochain ? Et comment est-il possible qu'ils y trouvent du plaisir et de l'avantage ?
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(CHAPITRE 23)
14. Mon frère n'était pas présent, parce qu'il avait été obligé de se retirer à cause que la précipitation avec laquelle on avait passé le contrat, lui avait fait commettre une erreur qui nous aurait été préjudiciable, et qu'étant notre caution, on voulait pour ce sujet le mettre en prison. Ce qu'il n'avait point d'habitude dans Séville où il passait pour étranger, nous causa ainsi beaucoup de peine jusqu’à ce qu'il donna pour assurance à nos parties des effets dont ils se contentèrent. Ensuite, tout alla bien, quoique pour nous faire mériter davantage nous eûmes durant quelque temps un procès à soutenir. Nous nous étions renfermées dans un étage bas, et mon frère passait les jours entiers à faire travailler les ouvriers. Il continua aussi à nous nourrir ainsi qu'il avait commencé de faire quelque temps auparavant, parce que notre maison n'était pas encore considérée comme un monastère, mais comme un logis particulier, excepté par un saint prieur des Chartreux de Las Cuevas de la famille des pantois d'Avila, à qui Dieu avait dès notre arrivée donné tant d'affection pour nous qu'il nous assistait en toutes manières, et il continuera sans doute jusqu’à la fin de sa vie.
Je rapporte ceci, mes sœurs, à cause qu'étant juste de recommander à Dieu nos bienfaiteurs tant morts ou vivants, je crois devoir engager celles qui liront cette relation à prier pour ce saint religieux à qui nous sommes si obligées. Si je m'en souviens bien, il se passa de cette sorte plus d'un mois, durant lequel mon frère travaillait avec tant d'affection à faire de quelques chambres, une chapelle, et à tout accommoder, qu'il ne nous laissait rien à faire. Quand cela fut achevé, je désirais fort que le Très-Saint-Sacrement y fut mis sans bruit, parce que j’appréhende toujours de causer de la peine aux autres lorsqu’on le peut éviter. Je le proposai à Garcia Alvarez ce bon prêtre : et il en conféra avec le Père prieur des Chartreux ; l'un et l'autre n'affectionnant pas moins que nous-mêmes ce qui nous touchait. Ils jugèrent, qu'afin de rendre le monastère connu de tout le monde, il fallait que cette action se fit avec grande solennité, et allèrent ensuite trouver l’Archevêque. Après avoir agité l'affaire, il fut résolu que l'on irait prendre le Très-Saint-Sacrement dans une paroisse pour le porter en procession dans notre monastère. Ce prélat ordonna aussi que le clergé avec quelques confréries y assisteraient, et que l'on tapisserait les rues.
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(CHAPITRE 23)
15. Le bon Garcia Alvarez para notre cloître par où l’on entra, et orna extrêmement l’église et les autels. Il y avait même une fontaine qui jetait de l'eau de naphta sans que nous y eussions aucune part ni que nous l’eussions désiré. Mais il est vrai que nous ne pûmes voir qu'avec beaucoup de dévotion et de plaisir cette cérémonie se faire avec tant de solennité, les rues si bien tendues, et une si bonne musique de voix et d’instruments que ce saint prieur des Chartreux me dit qu’il n’avait jamais rien vu de semblable à Séville. Ainsi on pouvait juger que c’était un ouvrage de Dieu. Ce bon Père contre sa coutume assista à la procession. L’Archevêque posa lui-même le Très-Saint-Sacrement : et la multitude du peuple qui se trouvait à cette fête était incroyable.
Vous voyez, mes filles, par ce récit quels étaient les honneurs que l’on faisait à ces pauvres Carmélites auparavant si méprisées de tout le monde qu’il ne semblait pas qu’on leur voulut seulement donner un verre d'eau, quoiqu’il n'en manque pas dans la rivière de cette grande ville. Il arrivait une chose que tous ceux qui la virent trouvèrent fort remarquable. Après que la procession fut achevée on tira tant de coups de canon et tant de fusées que cela dura presque jusqu’à la nuit : et il leur prit encore alors envie d'en tirer. Sur quoi le feu s’étant mis à de la poudre qu’un homme portait, l’on considéra comme un miracle qu’il n’en fut pas brûlé. Il s’élevait une si grande flamme qu'elle alla jusqu’au haut de notre cloître qui était tapissé de taffetas jaune et cramoisi, et personne ne doutait que ce taffetas ne dut être réduit en cendre : mais il ne parut pas seulement que le feu s'en fut approché, quoique les pierres de ces voûtes en fussent toutes noircies. Nous en remerciâmes Dieu, parce que nous n’avions pas moyen de payer cette étoffe ; et il y a grande apparence que le démon à qui cette cérémonie ne plaisait point, non plus que de voir une nouvelle maison consacrée à Dieu, avait voulu s'en venger en quelque manière. Notre-Seigneur ne le permit pas : qu'Il soit béni et glorifié à jamais.Fin du chapitre 23
à suivre: chapitre 24...
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(CHAPITRE 24)
16. La sainte ne parle presque dans tout ce chapitre que d’une excellente fille qui se rendit religieuse dans ce monastère nommée Béatrix de la Mère de Dieu. Vous pouvez juger, mes sœurs, quelle fut ce jour là notre joie, et j'avoue que la mienne fut très-grande de voir que je laissais ces bonnes filles dans une maison bien assise, fort commode, connue de toute la ville, où étaient entrées des filles qui pouvaient en payer la plus grande partie du prix, et que pour peu que celles qui achèveraient de remplir leur nombre y apportassent, elle se trouverait entièrement quitte. Surtout je ressentais une grande consolation de ce que mes travaux n’avaient pas été inutiles. Mais lorsque je pouvais jouir de quelque repos, je fus obligée de partir le lundi d'après le dimanche qui précédait la Pentecôte de l’année 1576, à cause que la chaleur commençait d'être excessive, comme aussi pour tâcher, s'il était possible, de ne point marcher le jour de la fête, et de la passer à Malagon, où je dus demeurer quelques jours.
Ainsi Dieu ne permit pas que j’eusse la consolation d’entendre au moins une messe dans notre église. Mon départ troubla la joie de ces bonnes religieuses. Elles sentirent vivement cette séparation, à cause que nous avions durant un an souffert ensemble tant de travaux que ceux que j’ai rapportés ne sont que les moindres. Je n’en ai jamais tant éprouvé dans aucune autre fondation, si l’on en excepte celle d’Avila, qui les surpassaient encore parce qu’ils étaient intérieurs. Je souhaite de tout mon cœur que Dieu soit bien servi dans cette maison. C’est la seule chose qui importe ; j’ai sujet de l’espérer lorsque je vois qu’Il y attire de si bonnes âmes, et que les cinq que j'y ai menées avec moi, de la vertu desquelles j’ai parlé ; mais beaucoup moins que je ne l’aurais pu faire, y sont demeurées.
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(CHAPITRE 24)
17. Je veux, mes filles, vous dire quelque chose de la première qui prit l’habit dans ce monastère, ne doutant point que vous ne l’appreniez avec plaisir. C’était une jeune demoiselle fille de parents très-vertueux qui demeurent dans le haut pays. Elle n’avait encore que sept ans quand une de ses tantes qui n’avait point d'enfants voulut l'avoir auprès d'elle, et la prit en affection. Alors, trois servantes de cette tante qui se flattaient auparavant de l'espérance qu'elle leur donnerait son bien, ne doutant point qu'elle ne déclarât cet enfant son héritière, conspirèrent ensemble pour la perdre, et, inspirées du démon, supposèrent qu'elle voulait faire mourir sa tante, et qu'elle avait pour ce sujet donné de l’argent à l’une d’elles pour acheter de l’arsenic. Celle-là le dit à sa maîtresse, et les deux autres confirmèrent son témoignage. Ainsi la tante le crut : la mère même de l'enfant en demeura persuadée, et elle retira sa fille qui passait dans son esprit pour aussi coupable qu'elle était innocente.
Cette fille, dont le nom est Beatrix de la Mère de Dieu, m'a dit, que durant plus d'une année, sa Mère la faisait coucher sur la terre ; qu’il ne se passait point de jour qu'elle ne lui donna le fouet pour lui faire confesser le crime dont elle était accusée, et que plus elle assurait qu'elle ne l'avait pas commis, ni ne savait pas seulement ce que c'était que de l'arsenic, plus elle lui paraissait méchante de s'opiniâtrer à le dénier, et la croyait incorrigible. Il lui eut été facile de se délivrer d'un si cruel traitement en avouant ce qu'on lui imposait : et il y a sujet de s'étonner qu'elle ne le fit pas. Mais Dieu lui donna la force de soutenir toujours la vérité ; et comme Il est le protecteur des innocents, Il envoya à deux de ces trois femmes de si cruelles maladies qu'elles paraissaient avoir la rage. Se voyant en cet état et prêtes à mourir, elles confessèrent leur crime, et firent demander pardon à l'enfant. La troisième mourut en couche, et fit la même déclaration. Ainsi toutes trois expirèrent dans les tourments pour punition d'une si horrible méchanceté. Je n'ai pas seulement su cela de la fille, mais aussi de la propre bouche de la mère qui la voyant religieuse et ayant peine à se consoler des maux qu'elle lui avait faits, me l'a raconté avec d'autres particularités qui faisaient voir quelles avaient été ses souffrances, Dieu ayant permis qu'encore qu'elle n'eut point d'autre enfant et qu'elle l'aimait tendrement, elle l'eut traitée d'une manière si horrible qu'on pouvait dire qu'elle avait été son bourreau.
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(CHAPITRE 24)
18. Et c’est une femme si véritable et si vertueuse que l’on ne saurait refuser d'ajouter foi à ses paroles. Lorsque cette fille eut prés de douze ans, elle fut touchée en lisant la vie de Sainte Anne d’une grande dévotion pour les saints du mont Carmel, parce qu’elle voyait dans cette vie que la Mère de Sainte Anne qui se nommait, ce me semble, Émérentienne, allait souvent les visiter. Ainsi elle s’affectionna de telle sorte à cet ordre de la Sainte Vierge qu’elle résolut de se faire religieuse, et fit vœu de chasteté. Elle passait le plus de temps qu'elle pouvait en solitude et en oraison, et y recevait des grâces très particulières de Notre-Seigneur et de Sa Bienheureuse Mère. Mais quelque impatience qu'elle eût d'entrer en religion, elle n'osait s'en déclarer à son père et à sa mère, et ne savait comment apprendre des nouvelles de cet ordre.
Sur quoi il est assez remarquable, qu’y ayant dans Séville même une maison de la règle mitigée, elle n'en eut point de connaissance qu'après avoir plusieurs années depuis été informée du nouvel établissement de nos monastères. Elle était restée seule de plusieurs enfants dont elle était durant leur vie la moins chérie : et celui de ses frères qui était mort le dernier avait défendu son innocence lorsqu’on lui avait supposé ce crime. Aussitôt qu'elle fut en âge d'être mariée, son père et sa mère lui proposèrent un parti si avantageux qu’ils ne doutaient point qu'elle ne l’accepta: mais elle leur répondit qu'elle avait fait vœu de chasteté, et qu'elle mourrait plutôt que de le violer. Ce refus les irrita de telle sorte, soit par un aveuglement causé par le démon, ou que Dieu le permit afin de faire souffrir à cette vertueuse fille une espèce de martyre, que s'étant imaginée qu'il fallait qu'elle eut commis quelque grand crime pour avoir pu se résoudre de faire un si grand affront à celui à qui ils avaient donné leur parole ; ils la traiteront d'une manière si barbare qu'il lui en aurait coûté la vie si Dieu ne la lui eût conservée, et elle demeura trois mois au lit sans se pouvoir remuer. Sur quoi elle m'a dit que dans l'excès de ses tourments, s'étant souvenue de ce que Sainte Agnès avait souffert, elle ne les sentit presque plus, tant elle aurait désiré de mourir martyre comme elle.
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(CHAPITRE 24)
19. Il faut avouer qu’il est bien étrange qu’une fille qui ne quittait jamais sa mère et était continuellement éclairée par un père si habile, ait pu être soupçonnée par eux d'avoir commis un si étrange péché, elle qui avait toujours vécu saintement, et était si honnête, si sage, et si charitable envers les pauvres qu'elle leur donnait tout ce qu'elle avait : mais lorsque Dieu, par un excès de Son amour pour une personne, la fait souffrir, Il se sert de divers moyens pour lui accorder cette grâce. Quelques années après, ce père et cette mère ayant connu la vertu de leur fille, changèrent en caresses le mauvais traitement qu'ils lui faisaient. Ils ne lui refusaient rien de ce qu’elle désirait d’eux pour faire l'aumône, sans que, néanmoins, ils se pussent résoudre à consentir qu'elle fut religieuse : ce qui lui donnait, à ce qu'elle m'a dit, beaucoup de peine.
Treize ou quatorze ans avant que le Père Gratien alla à Séville lorsque l’on ne savait encore ce que c’était que de Carmes Déchaussés, cette fille étant avec son père, sa mère et quelques-unes de ses voisines, un religieux très-vénérable et vêtu de gros drap comme nos Pères de la réforme le sont maintenant, entra dans la chambre : et quoiqu'il semblât être fort âgé, et que sa barbe qui était fort grande fut aussi blanche que de l'argent, il paraissait beaucoup de fraîcheur sur son visage. Il s’approcha de cette fille, et après lui avoir parlé en une langue que ni elle ni aucun de ceux qui étaient présents n’entendait point, il fit trois fois le signe de la croix sur elle en disant ces propres mots : Béatrix, Dieu te rende forte : et puis s'en alla. Leur étonnement à tous fut si grand qu’à peine aucun d’eux pouvait respirer tandis qu'il fut là. Quand il fut parti, le père demanda à sa fille qui était ce vénérable vieillard. Elle de son côté croyait qu’il le connaissait, et ils se levèrent tous aussitôt pour l’aller chercher ; mais inutilement. Cette apparition donna une grande consolation à cette sainte fille, et tous ceux qui la virent ne pouvaient douter qu’elle ne vint de Dieu, en furent extrêmement surpris, et conçurent encore une plus grande estime de sa vertu. Durant les quatorze années suivantes, elle continua de s’employer à servir Dieu, et à Lui demander qu’il Lui plût d'accomplir Son dessein sur elle.
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(CHAPITRE 24)
20. Un si long retardement l'ennuyait beaucoup, lors qu’allant entendre le sermon dans l’église de Triane qui est le quartier de Séville où son père demeurait, sans savoir qui y prêchait, il se trouvait que c'était le Père Jérôme Gratien. Et quand elle alla recevoir la bénédiction, elle se ressouvint de celui qui lui était apparu autrefois vêtu et déchaussé de la même sorte, mais différent de visage ; le Père Gratien n’ayant pas trente ans. Elle m'a raconté que sa joie fut si grande qu'elle pensa s'évanouir, parce qu'encore qu’elle eut appris que l'on avait établi en ce quartier-là un monastère de religieux, elle ne savait point que ce fut des Carmes Déchaussés.
Elle fit dès ce moment tout ce qu'elle put pour aller à confesse à lui, et ne put qu'avec beaucoup de peine l'obtenir, à cause qu'étant si réservé et si retiré, et la voyant jeune et fort belle, il évite autant qu'il peut de confesser de semblables personnes. Comme elle était de son côté fort retenue, un jour qu'elle pleurait dans l'église, une femme lui demanda ce qu'elle avait. Elle lui répondit qu'elle aurait désiré de parler au Père Gratien, mais qu'elle ne savait comment l'aborder, parce qu'il confessait alors. Cette femme la prit par la main, la mena à ce Père, le pria de l'entendre, et elle lui fit une confession générale. Il fut également touché et consolé des grâces que Dieu avait répandues dans cette âme, et la consola beaucoup en lui apprenant qu’il pourrait bien venir des Carmélites; et qu'étant satisfait de sa vocation, il ferait en sorte qu'elle serait la première qu'elles recevraient. Il lui confirma la même chose.
Après que nous fûmes arrivées, elle prit un grand soin d’empêcher que son père et sa mère ne le sussent, parce qu'ils n'auraient pu se résoudre à lui permettre d’entrer. Comme lorsqu’elle allait se confesser au monastère des Carmes Déchaussés qui était fort éloigné de son logis et où elle faisait plusieurs aumônes, sa mère ne la menait point ; mais la faisait seulement accompagner par des servantes, cette vertueuse fille leur dit le jour de la Fête de la Très-Sainte Trinité de demeurer, et qu'une femme qui était révérée de tout le monde dans Séville à cause de son extrême piété et de ses occupations continuelles en de bonnes œuvres, viendrait la prendre.
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(CHAPITRE 24)
21. Ainsi elles ne l'accompagnèrent point ; et selon qu'elle l'avait concerté avec cette femme, elle prit un manteau de gros drap si pesant, que sans la joie qu'elle avait de le porter, je ne sais comment elle l'aurait pu. Sa seule crainte était de rencontrer quelqu'un qui la reconnut, et qui la voyant dans un habit si différent de son habit ordinaire ne la traversa dans son dessein. Car qu’est-ce qu’un véritable amour pour Dieu ne fait point faire ? Nous lui ouvrîmes la porte, et j'envoyai en donner avis à sa mère. Elle vint aussitôt, et paraissait être hors d'elle-même. Mais après avoir repris ses esprits, au lieu de passer à ces extrémités auxquelles d'autres mères se laissent emporter, elle connut la grâce que Dieu faisait à sa fille, et malgré la résistance de la nature elle se soumit à sa volonté, et nous fit ensuite de grandes aumônes. Il ne se pouvait rien ajouter à la joie que témoignait cette nouvelle épouse de Jésus-Christ de jouir du bonheur qu’elle avait si ardemment souhaité. Son humilité était si grande, et elle prenait tant de plaisir dans le travail, que nous avions peine à lui arracher le balai des mains ; les exercices les plus bas et les plus pénibles lui étant les plus agréables, quoiqu’elle eut été élevée avec beaucoup de délicatesse. Le corps se ressentit de la joie de l'âme. Elle reprit aussitôt son embonpoint ; et son père et sa mère la voyant en cet état en furent si consolés qu'ils n'auraient pas alors voulu qu'elle n'eut point été avec nous.
Comme il n’était pas raisonnable que cette vertueuse novice jouisse d'un si grand bonheur sans qu’il lui en coutât des souffrances, elle fut extrêmement tentée deux ou trois mois avant sa profession, non pas jusqu’à se résoudre de ne la point faire ; mais parce que le démon effaçait de son souvenir tout le temps qu'elle avait soupiré après un tel bien, et lui faisant envisager mille difficultés, agitait sans cesse son esprit. Il se trouvait néanmoins vaincu au lieu de la vaincre. Elle s’élevait par son courage au-dessus de tant de peines dont il tâchait de l'accabler; et malgré tous ses efforts, elle résolut de faire profession. Notre-Seigneur qui n'attendait pour la couronner que d’éprouver sa constance lui fit trois jours auparavant des grâces extraordinaires, et mit en fuite cet irréconciliable ennemi des hommes. Elle se trouvait dans une telle consolation qu'elle en était toute transportée ; et certes avec sujet, puisque c’était l'effet d'une preuve si signalée de l'amour que lui portait son Divin Époux. Peu de jours après son père étant mort, sa mère prit l'habit, et nous fit une aumône de tout son bien. Il ne se peut rien ajouter au contentement dont elle et sa fille jouissent, et à l'édification qu'elles donnent à toutes les sœurs par la fidélité avec laquelle elles répondent à la faveur que Dieu leur a faite de les appeler à Son service.
L’année n'était pas encore passée qu'une autre demoiselle vint aussi se mettre avec nous, quoique son père et sa mère ne pussent se résoudre à le lui permettre. Ainsi Dieu remplit cette maison d’âmes choisies qui se consacrent à Lui avec tant d'ardeur, qu'il n'y a ni clôture, ni austérités, ni travaux qui soient capables de les étonner, et qu'elles ne surmontent par Son assistance. Qu'Il soit béni dans tous les siècles.
à suivre sur un prochain fil: Fondation de Ségovie.
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