LES SOIRÉES DU VILLAGE ou ENTRETIENS SUR LE PROTESTANTISME.

Effrayé néanmoins du bruit que faisait partout son sermon, et craignant la colère des puissances, il écrivit, pour la prévenir, des lettres hypocritement soumises, et même basses et rampantes. (2) (Audin,T. 1, p, 191 et suivantes) Il parlait ainsi à l'archevêque de Mayence, prince de la maison de Brandebourg, électeur de l'empire: "Père vénérable en Jésus-Christ, pardonnez-moi, prince illustrissime, si j'ose, argile et poussière, lever les yeux sur votre Sublimité, et lui adresser cette lettre. Jésus, mon Sauveur, m'est témoin que, longtemps enchaîné par le témoignage de ma turpitude et de ma faiblesse, j'ai différé d'accomplir l'œuvre que j'entreprends aujourd'hui, et le front levé, poussé par la fidélité que je dois à mon père en Jésus-Christ: daigne donc Votre Grandeur jeter un regard sur ce grain de sable, et recevoir mes vœux dans sa paternelle clémence..." Il passe ensuite aux abus énormes, mais en grande partie imaginaires, où se laissaient aller les prédicateurs d'indulgences.


A l'abbé de Lehnin, que l'Évêque de Brandebourg, Jérôme Scultet, lui avait envoyé pour le conjurer de ne pas publier son sermon sur les indulgences, il répondit: "Je suis content; je ferai ce que sa Grâce demande ; car j'aime mieux obéir que d'opérer des miracles."

Or, ce frère, si docile et si humble en face de personnages dont il redoutait l'indignation, écrivait à peu près en même temps à son ami Spalatin : " Je ne veux pas qu'ils me croient assez faible, (assez hypocrite, je veux dire,) pour suivre leurs conseils et ne pas publier mon sermon : que la volonté de Dieu soit faite ! Arrière la prudence intéressée des hommes. "

En effet, la sermon fut publié quelques jours après son entrevue avec l'abbé do Lehnin. En outre, le 31 octobre 1517, à midi, le portier du couvent des Augustina affichait sur les piliers extérieurs de l'église de Tous-les-Saints, quatre-vingt-quinze thèses contre les indulgences.

La profession do soumission au jugement de l'église qui suit les quatre-vingt-quinze thèses, n'est qu'un jeu hypocrite, comme il apparaît clairement par ce passage d'une lettre à son ami Spalatin : " A vous, Spalatin, et à nos amis, je déclare que l'indulgence n'est qu'une momerie. Je sais bien que j'ameute contre moi six cents minotaures, rhamanthotaures." (1) ((1) Audin,T, 1, p. 204.) Mais qu'est-ce que cela lui fait ?

Les humanistes, classe de savants opposés aux Scholastiques, applaudirent aux thèses de Luther. Erasme personnage prodigieusement influent sur ses contemporains, et alors dans toute sa gloire, les loua, par aversion, pour les moines qui les combattaient chaudement. Ces suffrages valurent un immense succès, par toute l'Allemagne, aux propositions anti-catholiques de frère Martin.

Cité à Rome, pour y comparaître dans l'espace de soixante jours, devant des juges nommés parle Pape, il réussit enfin, par l'intervention de ses puissants protecteurs, notamment de Frédéric, électeur do Saxe, à obtenir que sa cause serait jugée on Allemagne.

Au reste, que ce jugement fût porté à Rome ou en Allemagne, Luther était bien résolu à ne pas s'y soumettre, s'il condamnait sa doctrine, car voici comment il s'en exprime : " Si Rome pense et enseigne, ce que je refuse de croire, comme Sylvestro Priérias (un de ses adversaires), je déclare ouvertement, que l'Antéchrist siège dans le temple de Dieu, Babylone règne dans Rome empourprée, et la cour de Rome est la synagogue de Satan. Si Rome soutient Priérias... Si le Pape et les Cardinaux ne ferment pas la bouche à ce Satan, je le confesse à la face du ciel, je me sépare de l'Eglise, je renie le Pape et les Cardinaux, et je tiens l'Eglise romaine pour l'abomination assise dans le lieu saint." "Si Rome et les Romanistes pensent comme Sylvestre Priérias, tout est dit, plus d'autres remèdes pour arrêter leurs fureurs impies, que de crier aux princes : Empereurs et rois, liguez-vous pour écraser ces pestes, non plus par la puissance de la parole, mais par celle du glaive." (1) (Audin, T. I, p. 2?5).

LE MÉDECIN.

Oh ! Oh ! Et les leçons d'humilité naguère données aux autres moines avec tant d'insistance, par frère Martin ! C'est un élève de la première classe du grand maître de la douceur, qui appelle ainsi l'extermination, non pas seulement sur ses frère, mais encore sur son père et sa mère!... Mais c'est un furieux que cet homme-là.


BOIRUDE.

Convenez, M. Constant, que ce jeune moine ne manquait pas de courage, et que, comme l'on dit, il ne devait pas avoir froid aux yeux.


TEISSIER.

Convenez, Boirude, que ce jeune moine ne ressemble guère aux Saints dont nous avons lu les vies quelquefois ensemble.