FONDATION DE SORIA (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
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FONDATION DE SORIA (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
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à suivre...
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FONDATION DE SORIA
Par Sainte Thérèse d’Avila.
(CHAPITRE 29)
La sainte parle dans le récit de cette fondation des éminentes vertus de l’Évêque d'Osme qui la porta principalement à l'entreprendre. Lorsque j’étais encore à Palencia pour la fondation dont je viens de parler on m’apporta une lettre de l'Évêque d'Osme auparavant nommé le docteur Velasquez.
1. J'avais communiqué avec lui lorsqu'il était chanoine et théologien de la grande église de Tolède, parce que sachant qu'il était fort savant et grand serviteur de Dieu, et ayant toujours quelques craintes, je l'avais tant pressé de prendre soin de ma conduite, qu’encore qu'il fut extrêmement occupé, néanmoins voyant le besoin que j'en avais, il m’avait fait cette charité d’une manière très-obligeante. Ainsi il me confessa durant tout le temps que je demeurai à Tolède, qui fut assez long, et lui ayant découvert avec ma sincérité ordinaire le fond de mon âme, ses conseils me furent si utiles que ces craintes, qui me donnaient tant de peine, commencèrent à se dissiper, à cause qu'il me rassurait par des passages de l'Écriture Sainte qui est ce qui me touche le plus lorsque que je sais que celui qui les rapporte est capable et homme de bien.
Il m'écrivait cette lettre de Soria, et me mandait qu'une dame qu'il confessait lui avait parlé de faire une fondation de religieuses de notre Ordre; qu'il avait approuvé son dessein, et lui avait dit qu'il ferait en sorte que j'irais établir ce monastère. Il ajoutait que si j'entrais dans son sentiment je le lui fisse savoir afin qu'il m'envoyât quérir. Cette nouvelle me donna de la joie, parce qu'outre que cette fondation me paraissait avantageuse, j'avais un si grand respect et une si grande affection pour ce prélat et m'étais si bien trouvée de ses avis, que je désirais de le voir pour lui communiquer des choses qui regardaient ma conscience. Cette dame se nommait Béatrix De Valmont De Navarre à cause qu'elle descendait des rois de Navarre, et elle était fille de François De Valmont, illustre par le rang que lui donnait sa naissance. Après avoir passé quelques années dans le mariage, elle était demeurée veuve sans enfants, et avec beaucoup de bien ; et il y avait déjà longtemps qu'elle désirait de fonder un monastère de religieuses. En ayant parlé à ce bon Évêque, il lui apprit qu'il y avait des Carmélites de l'Ordre de la Sainte Vierge : et cette religion lui plût tellement qu'elle le pressa avec grande instance de lui donner moyen d'exécuter promptement son dessein.
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2. C’était une personne de fort douce humeur, généreuse, pénitente, et pour dire tout en un mot qui avait beaucoup de piété. Elle avait dans Soria une maison bien bâtie et en belle assiette. Elle promit de nous la donner avec ce qui serait nécessaire pour nous y établir. Et non seulement elle l'exécuta ; mais elle y ajouta une rente de cinq cents ducats rachetable au denier vingt. L’Évêque de son côté offrit de nous donner une assez belle église voûtée qui était une paroisse proche du logis de cette dame, d'où l'on pourrait y aller aisément en faisant un petit passage. Et il lui était facile de nous accorder cette grâce, parce que cette paroisse était fort pauvre, et qu'y en ayant plusieurs dans la ville, il la pouvait joindre à quelque autre. Sa lettre portait tout ce que je viens de dire : et notre Père Provincial s'étant rencontré à Palencia, je lui en parlai et à plusieurs de nos amis. Tous jugèrent à propos que puisque la fondation de Palencia était achevée, j'écrivisse que je me tenais prête pour partir : et j'avoue que cette affaire me donna beaucoup de joie pour les raisons que j'ai dites. On ne perdit point de temps à m'envoyer quérir par un homme qui était fort propre pour nous conduire.
Et comme cette dame désirait que l'on menât plutôt plus que moins de religieuses, j'en fis venir sept, et j'avais aussi ma compagne et une sœur Converse. Je menai aussi, ensuite de l’avis que j’en avais donné, deux religieux Carmes Déchaussés de notre Réforme, dont l'un était le Père Nicolas de Jésus Maria Genevois, qui est une personne très-sage. Il avait à mon avis plus de quarante ans lorsqu'il prit l'habit, ou au moins il les a à cette heure, et il n’y a pas longtemps qu’il l'a pris ; mais il a tant profité en ce peu de temps qu’il paraît que Dieu l'a choisi pour rendre de grands services à l’Ordre. Car il a extrêmement agi durant nos persécutions lorsque que les autres qui en auraient été capables ne le pouvaient; les uns étant exilés et les autres prisonniers, sans que l'on pensât à lui, parce que ne faisant presque que d'entrer dans l'Ordre, il n'avait point encore eu de charge : et Dieu le permettait ainsi sans doute, afin que ce secours me restât. Il est si discret, qu'étant à Madrid dans la maison des Mitigés comme pour d'autres affaires, il ne parlait jamais des nôtres : et ainsi on le laissait en repos.
J'étais alors au monastère de Saint Joseph D’Avila. Nous nous écrivions souvent dans le besoin qu'il y avait de se communiquer l'état des choses, et je lui donnais, à ce qu'il disait, beaucoup de consolation. On peut juger par là dans quelle extrémité notre ordre se trouvait réduit, manque de bons sujets qui pussent agir, puisque l'on me contait pour quelque chose. Je reconnus en tant de rencontres dans ces temps si fâcheux la grande vertu et la prudence de ce bon Père, que c'est l'un de tous ceux de notre Ordre que j'estime et aime le plus en Notre Seigneur.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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3. Lui et un frère laï nous accompagnèrent dans ce voyage, et nous n’y souffrîmes pas de grandes incommodités, parce que celui que l'Évêque avait envoyé pour nous conduire prenait un grand soin de nous bien loger, et qu'il ne nous manquait rien. Joint que ce prélat est tellement aimé dans son diocèse, que pour être bien reçu par tout, il suffisait que l'on sut l'affection qu'il nous porte. Le temps était aussi fort favorable, les journées petites, et je ne pouvais sans en ressentir une extrême joie d’entendre de quelle manière chacun parlait de la sainteté de leur Évêque.
Nous arrivâmes à Burgos le mercredi, veille de l'Octave du Saint-Sacrement. Nous y communiasses le lendemain, et fûmes contraintes de nous y arrêter le reste du jour, parce qu'il n'en restait pas assez pour pouvoir arriver à Soria. Comme il n’y avait point de logement, nous passâmes la nuit dans une église : et cela ne nous fut point pénible. Le lendemain, après avoir entendu la messe nous continuâmes notre voyage, et arrivâmes à Soria sur les cinq heures du soir. Le logis du saint Évêque se rencontrant sur notre chemin, il nous donna sa bénédiction de sa fenêtre, d'où il nous voyait passer, et cette bénédiction venant d'un si excellent prélat j'en reçus une grande joie. Notre fondatrice nous attendait à la porte de son logis qu'elle destinait pour la fondation du monastère ; et la multitude du peuple était si grande qu'à peine pûmes-nous y entrer. Mais cette incommodité nous est ordinaire, parce que le monde est si curieux de voir des choses nouvelles, qu’en quelque lieu que nous allions, il s'assemble tant de gens pour nous regarder, que si nous n'avions nos voiles baissés cela nous serait fort pénible.
Cette dame avait très-bien fait préparer une grande salle pour y dire la messe en attendant qu'on eut fait le passage qui nous donnerait moyen de l’aller entendre à l’église que l'Évêque nous avait accordée. Et dès le lendemain qui était le jour de la fête de notre saint Père Élisée, on la dit dans cette salle. Cette même dame avait aussi tellement pourvût à tout ce qui nous était nécessaire que nous ne manquions de rien, et elle nous donna un appartement séparé où nous demeurâmes retirées jusqu’à la fête de la Transfiguration que le passage fut fait. Ce même jour on dit la première messe dans l'église avec beaucoup de solennité. Il y eut un grand concours de peuple, et un Père de la Compagnie de Jésus y prêcha. L'Évêque ne s'y trouvait pas, parce que, ne se passant pas un seul jour qu’il n'emploie dans les fonctions de sa charge, il avait été obligé d'aller à Burgos quoiqu'il ne se portât pas bien et qu'il vint de perdre un œil. Cet accident me fut très-sensible considérants combien précieuse est une vé toute employée comme la sienne au service de l’église.
Mais ce sont de ces secrets jugements de Dieu qu'il ne nous appartient pas d'approfondir, par lesquels Il augmente le mérite de Ses serviteurs en leur donnant des occasions de conformer leur volonté à la Sienne. Ainsi ce saint prélat ne laissait pas de continuer à travailler de même comme auparavant. Il m’a dit qu’il n’avait pas été plus touché de la perte de cet œil qu'il l'aurait été d'avoir vu arriver cet accident à un autre, et qu'il pensait quelquefois que quand il serait aveugle, il ne s'en affligerait point, parce qu'il se retirerait dans quelque ermitage où rien ne le pourrait détourner de servir Dieu. Il avait une si grande inclination pour cette sorte de vie, qu'avant qu'il fut Évêque je le voyais souvent presque résolue de tout quitter pour l'embrasser ; et j'en avais de la peine, à cause que le croyant capable de rendre de grands services à l'église je le souhaitais dans la dignité où il est aujourd’hui. Néanmoins, lorsque j’appris qu'il avait été fait Évêque, cette nouvelle me troubla si fort dans la vue de la pesanteur d'une telle charge, que je ne pouvais m'en consoler. Je m'en allai dans le chœur recommander l'affaire à Dieu. Il rendit le calme à mon esprit en me disant : qu'II serait très-utilement servi de lui : et les effets ont fait connaître la vérité de ces paroles.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: FONDATION DE SORIA (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
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(CHAPITRE 29)
4. Cette incommodité de la vue et d’autres forts pénibles jointes à un travail continuel et à une très-grande simplicité dans sa nourriture, n’empêchent pas ce saint prélat de jeuner quatre fois la semaine et d'y ajouter plusieurs autres pénitences. Il fait ses visites à pied, et va si vite que quelques-uns de ses domestiques m'ont dit ne le pouvoir suivre. Il ne souffre dans sa maison que des personnes vertueuses. Il ne commet guère d'affaires importantes à ses proviseurs ; et je crois qu'il n'y en a point dans lesquelles il n'agisse lui-même. Durant les deux premières années de son épiscopat, il s'élevait contre lui de très-grandes persécutions, et je ne pouvais assez m'étonner que l'on osât l'accuser si faussement, sachant avec quelle exactitude il rend la justice. Cet orage est maintenant cessé. Car encore qu'il n'y ait rien que ses ennemis n’aient dit contre lui dans les voyages qu'ils ont faits exprès à la cour, sa vertu est si connue dans tout son diocèses, que l'on n'a point eu d'égard à leurs calomnies. Il les a souffertes d'une manière si chrétienne qu'il les a couverts de confusion en leur rendant le bien pour le mal. Et je ne dois pas oublier que ses occupations continuelles ne l'empêchent pas de prendre toujours du temps pour faire oraison.
Quoiqu'il semble, mes sœurs, que je me sois laissée emporter au plaisir de parler des vertus de ce saint Évêque, j'en aurais pu dire avec vérité beaucoup davantage. Ce que j’en ai rapporté n’est que pour faire connaître quelle a été la principale cause de la fondation du monastère de la Très-Sainte Trinité de Soria, et afin que comme les religieuses qui y sont maintenant en ont de la joie, celles qui leur succéderont en aient aussi. Ce grand prélat si vertueux en toutes manières n'a pu donner la rente qu'il nous avait promise. Mais il nous a donné notre église, et a inspiré à cette dame le désir de faire cette fondation.
Après avoir pris possession de l'église, et que nous eûmes achevé ce qui était nécessaire pour notre Clôture, je me trouvais obligée d'aller en diligence au monastère d'Avila, quoique la chaleur fut très-grande et le chemin fort mauvais pour des chariots. Un prébendier de Palencia nommé Ribera, qui m'avait extrêmement assistée dans le passage pour aller à l'église et en d'autres choses, vint avec nous, parce que le Père Nicolas De Jésus Maria s'en était retourné aussitôt que tous les actes nécessaires pour la fondation que nous venions de faire furent passés, et que l’on avait ailleurs grand besoin de lui. Ce prébendier avait quelques affaires à Sorie qui furent cause qu'il nous y accompagna, et Dieu lui donna depuis tant d'affection pour nous qu'elle nous oblige de le mettre au nombre des bienfaiteurs de notre Ordre, et de le recommander à Sa divine Majesté. Je ne voulus être accompagnée à mon retour que de lui et de ma compagne, parce qu'il est si soigneux que cela me suffisait, et que je ne me trouve jamais mieux dans les voyages que lorsqu'on les fait avec peu de gens, et par conséquent avec peu de bruit. Je payai bien à ce retour la facilité que j'avais trouvée en allant. Car encore que celui qui nous conduisit sût assez bien le chemin ordinaire de Ségovie, il ignorait celui des chariots.
Ainsi il nous menait par des lieux où nous étions souvent contraintes de descendre, et par des précipices où notre chariot était quelquefois comme suspendu en l'air. Que si nous prenions des guides, lorsqu'ils nous avaient conduits jusqu'au lieu dont ils savaient le chemin, pour peu qu’ils en rencontrassent de mauvais, ils nous quittaient en disant qu'ils avaient affaire ailleurs. La chaleur était si violente que nous avions beaucoup à souffrir avant que d'arriver où nous devions nous arrêter ; et souvent après avoir bien marché, il nous fallait retourner sur nos pas, parce que nous nous étions égarées. Tant de traverses me donnaient une grande peine pour le bon Ribera. Mais quant à lui il ne me parut jamais en avoir. Je ne pouvais assez m’en étonner, assez louer Dieu de faire ainsi voir en ce vertueux ecclésiastique, que lorsque la vertu a jeté de fortes racines dans une âme, elle ne trouve rien de difficile; ni assez remercier son éternelle Majesté de nous avoir tirées de ces mauvais chemins. Nous arrivâmes la veille de Saint Barthelemy à Saint Joseph De Ségovie où nos sœurs nous attendaient et étaient en grande peine de notre retardement. Il ne se peut rien ajouter à la joie avec laquelle elles nous reçurent ; Dieu ne me faisant jamais rien souffrir qu'Il ne m'en récompense aussitôt. Je m’y reposai plus de huit jours : et cette fondation se fit avec toute la facilité imaginable. Ainsi j’en revins très-contente, parce que Dieu y est bien servi, et qu’il y a sujet d'espérer de Son assistance que ce bonheur continuera. Qu'Il en soit béni et loué à jamais. Ainsi soit-il.FIN.
à suivre: Prochaine fondation: Palencia. .
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