PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
L’Église
27. Nous voici à l'Eglise, où leurs fantaisies vont nous offrir plus ample matière.
L'Eglise est née d'un double besoin: du besoin qu'éprouve tout fidèle, surtout s'il a eu quelque expérience originale, de communiquer sa foi; ensuite, quand la foi est devenue commune, ou, comme on dit, collective, du besoin de s'organiser en société, pour conserver, accroître, propager le trésor commun.
Alors, qu'est-ce donc que l'Eglise ?
Le fruit de la conscience collective, autrement dit de la collection des consciences individuelles: consciences qui, en vertu de la permanence vitale, dérivent d'un premier croyant — pour les catholiques, de Jésus-Christ.
Or, toute société a besoin d'une autorité dirigeante, qui guide ses membres à la fin commune, qui, en même temps, par une action prudemment conservatrice, sauvegarde ses éléments essentiels, c'est-à-dire, dans la société religieuse, le dogme et le culte. De là, dans l'Eglise catholique, le triple pouvoir: disciplinaire, doctrinal, liturgique. De l'origine de cette autorité se déduit sa nature; comme de sa nature ensuite, ses droits et ses devoirs. Aux temps passés, c'était une erreur commune que l'autorité fût venue à l'Eglise du dehors, savoir de Dieu immédiatement : en ce temps-là, on pouvait à bon droit la regarder comme autocratique. Mais on en est bien revenu aujourd'hui. De même que l'Eglise est une émanation vitale de la conscience collective, de même, à son tour, l'autorité est un produit vital de l'Eglise.
La conscience religieuse, tel est donc le principe d'où l'autorité procède, tout comme l'Eglise, et, s'il en est ainsi, elle en dépend. Vient-elle à oublier ou méconnaître cette dépendance, elle tourne en tyrannie. Nous sommes à une époque où le sentiment de la liberté est en plein épanouissement dans l'ordre civil, la conscience publique a créé le régime populaire. Or il n'y a pas deux consciences dans l'homme, non plus que deux vies. Si l'autorité ecclésiastique ne veut pas, au plus intime des consciences, provoquer et fomenter un conflit, à elle de se plier aux formes démocratiques. Au surplus, à ne le point faire, c'est la ruine. Car il y aurait folie à s'imaginer que le sentiment de la liberté, au point où il en est, puisse reculer. Enchaîné de force et contraint, terrible serait son explosion; elle emporterait tout, Eglise et religion. — Telles sont, en cette matière, les idées des modernistes, dont c'est, par suite, le grand souci de chercher une voie de conciliation entre l'autorité de l'Eglise et la liberté des croyants.
Église et État
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
Église et État
28. Mais l'Eglise n'a pas seulement à s'entendre amicalement avec les siens; ses rapports ne se bornent pas au dedans; elle en a encore avec le dehors. Car, elle n'occupe pas seule le monde; en regard, il y a d'autres sociétés, avec qui elle ne peut se dispenser de communiquer et d'avoir commerce. Vis-à-vis de celles-ci, quels sont donc ses droits et ses devoirs; c'est ce qu'il s'agit de déterminer, et non pas sur d'autre principe, bien entendu, que sa nature même, telle qu'ils l'ont décrite.
— Les règles qu'ils appliquent sont les mêmes que pour la science et la foi, sauf que là il s'agissait d'objet, ici de fins. De même donc que la foi et la science sont étrangères l'une à l'autre, à raison de la diversité des objets; de même, l'Eglise et l'Etat, à raison de la diversité des fins, spirituelle pour l'Eglise, temporelle pour l'Etat.
Autrefois, on a pu subordonner le temporel au spirituel; on a pu parler de questions mixtes, où l'Eglise apparaissait comme reine, maîtresse. La raison en est que l'on tenait alors l'Eglise comme instituée directement de Dieu, en tant qu'il est auteur de l'ordre surnaturel. Mais cette doctrine, aujourd'hui, philosophie et histoire s'accordent à la répudier. Donc séparation de l'Eglise et de l'Etat, du catholique et du citoyen. Tout catholique, car il est en même temps citoyen, a le droit et le devoir, sans se préoccuper de l'autorité de l'Eglise, sans tenir compte de ses désirs, de ses conseils, de ses commandements, au mépris même de ses réprimandes, de poursuivre le bien public en la manière qu'il estime la meilleure. Tracer et prescrire au citoyen une ligne de conduite, sous un prétexte quelconque, est un abus de la puissance ecclésiastique, contre lequel c'est un devoir de réagir de toutes ses forces.
29. Les principes dont toutes ces doctrines dérivent ont été solennellement condamnés par Pie VI, Notre prédécesseur, dans sa Constitution Auctorem fidei (13).
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(13) Prop. 2. La proposition qui établit que le pouvoir a été donné par Dieu à l'Eglise pour être communiqué aux pasteurs, qui sont ses ministres, pour le salut des âmes, ainsi comprise que le pouvoir de ministère et de gouvernement dérive de la communauté des fidèles aux pasteurs : hérétique.
Prop. 3. De plus, celle qui établit que le Pontife Romain est chef ministériel, ainsi expliquée que le Pontife Romain reçoit non pas du Christ, en la personne du bienheureux Pierre, mais de l'Eglise, le pouvoir de ministère dont il est investi dans toute l'Eglise, comme successeur de Pierre, vrai Vicaire du Christ et Chef de toute l'Eglise : hérétique.
A suivre.
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Louis- Admin
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Église et État (suite)
30. Il ne suffit pas à l'écoute moderniste que l'Etat soit séparé de l'Eglise. De même que la foi doit se subordonner à la science, quant aux éléments phénoménaux, ainsi faut-il que dans les affaires temporelles l'Eglise s'assujettisse à l'Etat. Cela, ils ne le disent peut-être pas encore ouvertement, ils le diront quand sur ce point ils seront logiques. Posé, en effet, que dans les choses temporelles l'Etat est maître, s'il arrive que le croyant, aux actes intérieurs de religion, dont il ne se contente pas d'aventure, en veuille ajouter d'extérieurs, comme serait l'administration des sacrements, la conséquence nécessaire, c'est qu'ils tombent sous la domination de l'Etat.
Et que dire alors de l'autorité ecclésiastique, dont justement il n'est pas un seul acte qui ne se traduise à l'extérieur? Il faudra donc qu'elle lui soit totalement assujettie. C'est l'évidence de ces conclusions qui a amené bon nombre de protestants libéraux à rejeter tout culte extérieur, même toute société religieuse extérieure, et à essayer de faire prévaloir une religion purement individuelle. Si les modernistes n'en sont point encore arrivés là, ce qu'ils demandent, en attendant, c'est que l'Eglise veuille, sans trop se faire prier, suivre leurs directions, et qu'elle en vienne enfin à s'harmoniser avec les formes civiles.
L’autorité ecclésiastique
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Louis- Admin
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L’autorité ecclésiastique
31. Telles sont leurs idées sur l'autorité disciplinaire. — Quant à l'autorité doctrinale et dogmatique, bien plus avancées, bien plus pernicieuses sont sur ce point leurs doctrines. Veut-on savoir comment ils imaginent le magistère ecclésiastique? Nulle société religieuse disent-ils, n'a de véritable unité que si la conscience religieuse de ses membres est une, et une aussi la formule qu'ils adoptent.
Or, cette double unité requiert une espèce d'intelligence universelle, dont ce soit l'office de chercher et de déterminer la formule répondant le mieux à la conscience commune, qui ait en outre suffisamment d'autorité, cette formule une fois arrêtée, pour l'imposer à la communauté. De la combinaison et comme de la fusion de ces deux éléments, intelligence qui choisit la formule, autorité qui l'impose, résulte, pour les modernistes, la notion du magistère ecclésiastique. Et comme ce magistère a sa première origine dans les consciences individuelles, et qu'il remplit un service public pour leur plus grande utilité, il est de toute évidence qu'il s'y doit subordonner, par là même se plier aux formes populaires. Interdire aux consciences individuelles de proclamer ouvertement et hautement leurs besoins, bâillonner la critique, l'empêcher de pousser aux évolutions nécessaires, ce n'est donc plus l'usage d'une puissance commise pour des fins utiles, c'est un abus d'autorité.
Puis, l'usage de cette autorité ou puissance a besoin de se tempérer.
Condamner et proscrire un ouvrage à l'insu de l'auteur sans explication de sa part, sans discussion, cela véritablement confine à la tyrannie.
En somme, ici encore, il faut trouver une voie moyenne où soient assurés tout ensemble les droits de l'autorité et ceux de la liberté. En attendant, que fera le catholique? Il se proclamera hautement très respectueux de l'autorité mais sans se démentir le moins du monde, sans rien abdiquer de son caractère ni de ses idées.
Généralement, voici ce qu'ils imposent à l'Eglise.
Du moment que sa fin est toute spirituelle, l'autorité religieuse doit se dépouiller de tout cet appareil extérieur, de tous ces ornements pompeux par lesquels elle se donne comme en spectacle. En quoi ils oublient que la religion, si elle appartient à l'âme proprement, n'y est pourtant pas confinée, et que l'honneur rendu à l'autorité rejaillit sur Jésus-Christ, qui l'a instituée.
32. Pour épuiser toute cette matière de la foi et de ses rejetons, il nous reste à voir comment les modernistes entendent leur développement. — Ils posent tout d'abord ce principe général que, dans une religion vivante, il n'est rien qui ne soit variable, rien qui ne doive varier. D'où ils passent à ce que l'on peut regarder comme le point capital de leur système, savoir l'évolution.
L’évolution
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Louis- Admin
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L’évolution
Des lois de l'évolution, dogme, Eglise, culte, Livres Saints, foi même, tout est tributaire, sous peine de mort. Que l'on reprenne sur chacune de ces choses en particulier les enseignements des modernistes, et ce principe ne pourra surprendre. Quant à son application, quant à la mise en acte des lois de l'évolution, voici leur doctrine.
33. Et d'abord pour la foi. Commune à tous les hommes et obscure, disent-ils,, fut la forme primitive de la foi: parce que précisément elle prit naissance dans la nature même et dans la vie de l'homme. Ensuite elle progressa, et ce fut par évolution vitale, c'est-à-dire non pas par adjonction de nouvelles formes venues du dehors et purement adventices, mais par pénétration croissante du sentiment religieux dans la conscience. Et ce progrès fut de deux sortes: négatif, par élimination de tout élément étranger, tel que le sentiment familial ou national; positif, par solidarité avec le perfectionnement intellectuel et moral de l'homme, ce perfectionnement ayant pour effet d'élargir et d'éclairer de plus en plus la notion du divin, en même temps que d'élever et d'affiner le sentiment religieux.
Pour expliquer ce progrès de la foi, il n'y a pas à recourir à d'autres causes qu'à celles-là mêmes qui lui donnèrent origine, si ce n'est qu'il faut y ajouter l'action de certains hommes extraordinaires, ceux que nous appelons prophètes, et dont le plus illustre a été Jésus-Christ. Ils concourent au progrès de la foi soit parce qu'ils offrent dans leur vie et dans leur discours quelque chose de mystérieux dont la foi s'empare et qu'elle finit par attribuer à la divinité, soit parce qu'ils sont favorisés d'expériences originales, en harmonie avec les besoins des temps où ils vivent. — Le progrès du dogme est dû surtout aux obstacles que la foi doit surmonter, aux ennemis qu'elle doit vaincre, aux contradictions qu'elle doit écarter. Ajoutez-y un effort perpétuel pour pénétrer toujours plus profondément ses propres mystères.
Ainsi est-il arrivé, pour nous borner à un seul exemple — que, ce quelque chose de divin que la foi reconnaissait en Jésus-Christ, elle est allée l'élevant et l'élargissant peu à peu et par degrés, jusqu'à ce que de lui finalement elle a fait un Dieu. — Le facteur principal de l'évolution du culte est la nécessité d'adaptation aux coutumes et traditions populaires, comme aussi le besoin de mettre à profit la valeur que certains actes tirent de l'accoutumance. Pour l'Eglise enfin, c'est le besoin de se plier aux conjonctures historiques, de s'harmoniser avec les formes existantes des sociétés civiles.
34. Telle est l'évolution dans le détail.
A suivre
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L’évolution (suite)
35. Ce que Nous voulons y faire noter d'une façon toute spéciale, c'est la théorie des nécessités ou besoins; elle a d'ailleurs été jusqu'ici la base de tout; et c'est là-dessus que portera cette fameuse méthode qu'ils appellent historique.
36. Nous n'en avons pas fini avec l'évolution. L'évolution est due, sans doute, à ces stimulants, les besoins; mais sous leur seule action, entraînée hors de la ligne traditionnelle, en rupture avec le germe initial, elle conduirait à la ruine plutôt qu'au progrès.
Disons donc, pour rendre pleinement la pensée des modernistes, que l'évolution résulte du conflit de deux forces, dont l'une pousse au progrès, tandis que l'autre tend à la conservation.
La force conservatrice, dans l'Eglise, c'est la tradition, et la tradition y est représentée par l'autorité religieuse. Ceci, et en droit et en fait: en droit, parce que la défense de la tradition est comme un instinct naturel de l'autorité; en fait, parce que, planant au-dessus des contingences de la vie, l'autorité ne sent pas, ou que très peu, les stimulants du progrès. La force progressive, au contraire, qui est celle qui répond aux besoins, couve et fermente dans les consciences individuelles, et dans celles-là surtout qui sont en contact plus intime avec la vie.
Voyez-vous poindre ici, Vénérables Frères, cette doctrine pernicieuse qui veut faire des laïques, dans l'Eglise, un facteur de progrès? Or, c'est en vertu d'une sorte de compromis et de transaction entre la force conservatrice et la force progressive que les changements et les progrès se réalisent. Il arrive que les consciences individuelles, certaines du moins, réagissent sur la conscience collective: celle-ci, à son tour, fait pression sur les dépositaires de l'autorité jusqu'à ce qu'enfin ils viennent à composition ; et, le pacte fait, elle veille à son maintien.
Rester dans l’Église et la faire évoluer.
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
Rester dans l’Église et la faire évoluer
37. On comprend maintenant l'étonnement des modernistes quand ils sont réprimandés et frappés. Ce qu'on leur reproche comme une faute, mais c'est ce qu'ils regardent au contraire comme un devoir sacré. En contact intime avec les consciences, mieux que personne, sûrement mieux que l'autorité ecclésiastique, ils en connaissent les besoins: ils les incarnent, pour ainsi dire, en eux. Dès lors, ayant une parole et une plume, ils en usent publiquement, c'est un devoir. Que l'autorité les réprimande tant qu'il lui plaira : ils ont pour eux leur conscience et une expérience intime qui leur dit avec certitude que ce qu'on leur doit, ce sont des louanges, non des reproches. Puis ils réfléchissent que, après tout, les progrès ne vont pas sans crises, ni les crises sans victimes. Victimes, soit ! ils le seront après les prophètes, après Jésus-Christ. Contre l'autorité qui les maltraite ils n'ont point d'amertume : après tout, elle fait son devoir d'autorité. Seulement ils déplorent qu'elle reste sourde à leurs objurgations, parce qu'en attendant, les obstacles se multiplient devant les âmes en marche vers l'idéal. Mais l'heure viendra, elle viendra sûrement, où il faudra ne plus tergiverser, parce qu'on peut bien contrarier l'évolution, on ne la force pas. Et ils vont leur route : réprimandés et condamnés, ils vont toujours, dissimulant sous des dehors menteurs de soumission une audace sans bornes. Ils courbent hypocritement la tête, pendant que, de toutes leurs pensées, de toutes leurs énergies, ils poursuivent plus audacieusement que jamais le plan tracé.
Ceci est chez eux une volonté et une tactique: et parce qu'ils tiennent qu'il faut stimuler l'autorité, non la détruire ; et parce qu'il leur importe de rester au sein de l'Eglise pour y travailler et y modifier peu à peu la conscience commune: avouant par là, mais sans s'en apercevoir, que la conscience commune n'est donc pas avec eux, et que c'est contre tout droit qu'ils s'en prétendent les interprètes.
Condamnations antérieures.
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
A suivre : IV. — L’HISTORIEN MODERNISTECondamnations antérieures
38. Ainsi, Vénérables Frères, la doctrine des modernistes, comme l'objet de leurs efforts, c'est qu'il n'y ait rien de stable, rien d'immuable dans l'Église. Ils ont eu des précurseurs, ceux dont Pie IX, Notre prédécesseur, écrivait: « Ces ennemis de la révélation divine exaltent le progrès humain et prétendent, avec une témérité et une audace vraiment sacrilèges, l'introduire dans la religion catholique, comme si cette religion n'était pas l'œuvre de Dieu, mais l'œuvre des hommes, une invention philosophique quelconque, susceptible de perfectionnements humains (14). — Sur la révélation et le dogme, en particulier, la doctrine des modernistes n'offre rien de nouveau: nous la trouvons condamnée dans le Syllabus de Pie IX, où elle est énoncée en ces termes: La révélation divine est imparfaite, sujette par conséquent à un progrès continu et indéfini, en rapport avec le progrès de la raison humaine (15); plus solennellement encore, dans le Concile du Vatican : La doctrine de loi que Dieu a révélée n'a pas été proposée aux intelligences comme une intention philosophique qu'elles eussent à perfectionner, mais elle a été confiée comme un dépôt divin à l'Epouse de Jésus-Christ pour être par elle fidèlement gardée et infailliblement interprétée. C'est pourquoi aussi le sens des dogmes doit être retenu tel que notre Sainte Mère l'Eglise l'a une fois défini, et il ne faut jamais s'écarter de ce sens, sous le prétexte et le nom d'une plus profonde intelligence (16). Par là, et même en matière de foi, le développement de nos connaissances, loin d'être contrarié, est secondé au contraire et favorisé. C'est pourquoi le Concile du Vatican poursuit: Que l'intelligence, que la science, que la sagesse croisse et progresse, d'un mouvement vigoureux et intense, en chacun comme en tous, dans le fidèle comme dans toute l'Eglise, d'âge en âge, de siècle en siècle: mais seulement dans son genre, c'est-à-dire selon le même dogme, le même sens, la même acception (17).
39. Après avoir étudié chez les modernistes le philosophe, le croyant, le théologien, il Nous reste à considérer l'historien, le critique, l'apologiste, le réformateur.
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(14) Encycl. Qui pluribus, 9 Nov. 1846.
(15) Syllabus Prop. 5.
(16) Const. Dei Filius, cap. IV.
(17) Loc. cit.
Dernière édition par Louis le Mer 10 Nov 2010, 6:12 am, édité 1 fois (Raison : balises)
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
IV. — L’HISTORIEN MODERNISTE
40. Certains d'entre les modernistes, adonnés aux études historiques, paraissent redouter très fort qu'on les prenne pour des philosophes; de philosophie ils n'en savent pas le premier mot. Astuce profonde. Ce qu'ils craignent, c'est qu'on ne les soupçonne d'apporter en histoire des idées toutes faites, de provenance philosophique, qu'on ne les tienne pas pour assez objectifs, comme on dit aujourd'hui. Et pourtant, que leur histoire, que leur critique soient pure oeuvre de philosophie, que leurs conclusions historico-critiques viennent en droite ligne de leurs principes philosophiques, rien de plus facile à démontrer.
Leurs trois premières lois sont contenues dans trois principes philosophiques déjà vus : savoir, le principe de l'agnosticisme, le principe de la transfiguration des choses par la foi, le principe, enfin, que Nous avons cru pouvoir nommer de défiguration.— De par l'agnosticisme, l'histoire, non plus que la science, ne roule que sur des phénomènes. Conclusion: Dieu, toute intervention de Dieu dans les choses humaines, doivent être renvoyées à la foi, comme de son ressort exclusif. Que s'il se présente une chose où le divin et l'humain se mélangent, Jésus-Christ, par exemple, l'Eglise, les sacrements, il y aura donc à scinder ce composé et à en dissocier les éléments: l'humain restera à l'histoire, le divin ira à la foi. De là, fort courante chez les modernistes, la distinction du Christ de l'histoire et du Christ de la foi, de l'Eglise de l'histoire et de l'Eglise de la foi, des sacrements de l'histoire et des sacrements de la foi, et ainsi de suite.
Puis, tel qu'il apparaît dans les documents, cet élément humain retenu pour l'histoire a été lui-même transfiguré manifestement par la foi, c'est-à-dire élevé au-dessus des conditions historiques. Il faut donc en éliminer encore toutes les adjonctions que la foi y a faites, et les renvoyer à la foi elle-même et à l'histoire de la foi; ainsi, en ce qui regarde Jésus-Christ: tout ce qui dépasse l'homme selon sa condition naturelle et selon la conception que s'en fait la psychologie, l'homme aussi de telle région et de telle époque.
— Enfin, au nom du troisième principe philosophique, les choses mêmes qui ne dépassent pas la sphère historique sont passées au crible: tout ce qui, au jugement des modernistes, n'est pas dans la logique des faits, comme ils disent, tout ce qui n'est pas assorti aux personnes, est encore écarté de l'histoire et renvoyé à la foi. Ainsi ils prétendent que notre Seigneur n'a jamais proféré de parole qui ne pût être comprise des multitudes qui l'environnaient. D'où ils infèrent que toutes les allégories que l'on rencontre dans ses discours doivent être rayées de son histoire réelle, et transférées à la foi. Demande-t-on peut-être au nom de quel critérium s'opèrent de tels discernements ? Mais c'est en étudiant le caractère de l'homme, sa condition sociale, son éducation, l'ensemble des circonstances où se déroulent ses actes: toutes choses, si Nous l'entendons bien, qui se résolvent en un critérium purement subjectif. Car voici le procédé: ils cherchent à se revêtir de la personnalité de Jésus-Christ, puis tout ce qu'ils eussent fait eux-mêmes en semblables conjonctures, ils n'hésitent pas à le lui attribuer.
— Ainsi, absolument a priori, et au nom de certains principes philosophiques qu'ils affectent d'ignorer mais qui sont les bases de leur système, ils dénient au Christ de l'histoire réelle la divinité, comme à ses actes tout caractère divin; quant à l'homme, il n'a fait ni dit que ce qu'ils lui permettent, eux, en se reportant aux temps où il a vécu, de faire ou de dire. .
A suivre : V. — LE CRITIQUE MODERNISTE
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
V. — LE CRITIQUE MODERNISTE41. Or, de même que l'histoire reçoit de la philosophie ses conclusions toutes faites, ainsi de l'histoire, la critique. En effet, sur les données fournies par l'historien, le critique fait deux parts dans les documents. Ceux qui répondent à la triple élimination vont à l'histoire de la foi ou à l'histoire intérieure; le résidu reste à l'histoire réelle. Car ils distinguent soigneusement cette double histoire ; et ce qui est à noter, c'est que l'histoire de la foi, ils l'opposent à l'histoire réelle, précisément en tant que réelle: d'où il suit que des deux Christs que Nous avons mentionnés, l'un est réel; l'autre, celui de la foi, n'a jamais existé dans la réalité; l'un a vécu en un point du temps et de l'espace, l'autre n'a jamais vécu ailleurs que dans les pieuses méditations du croyant. Tel, par exemple, le Christ que nous offre l'Evangile de saint Jean: cet Evangile n'est, d'un bout à l'autre, qu'une pure contemplation.
Les a priori du philosophe appliqués à la critique et à l’histoire.
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
Les a priori du philosophe appliqués à la critique et à l’histoire.
42. Là ne se borne pas la tutelle exercée par la philosophie sur l'histoire. Les documents partagés en deux lots, comme il a été dit, voici reparaître le philosophe avec son principe de l'immanence vitale. L'immanence vitale, déclare-t-il, est ce qui explique tout dans l'histoire de l'Eglise, et puisque la cause ou condition de toute émanation vitale réside dans quelque besoin, il s'ensuit que nul fait n'anticipe sur le besoin correspondant ; historiquement, il ne peut que lui être postérieur. Là-dessus, voici comment l'historien opère.
S'aidant des documents qu'il peut recueillir, contenus dans les Livres Saints ou pris d'ailleurs, il dresse une sorte de nomenclature des besoins successifs par où est passée l'Eglise; et une fois dressée, il la remet au critique. Celui-ci la recevant d'une main, prenant, de l'autre, le lot de documents assignés à l'histoire de la foi, échelonne ceux-ci le long des âges, dans un ordre et à des époques qui répondent exactement à celle-là, guidé par ce principe que la narration ne peut que suivre le fait, comme le fait, le besoin. Il est vrai, d'ailleurs, que certaines parties des Livres Saints, les Epîtres, par exemple, constituent le fait même créé par le besoin. Mais, quoi qu'il en soit, c'est une loi que la date des documents ne saurait autrement se déterminer que par la date des besoins auxquels successivement l'Eglise a été sujette.
Suit une autre opération, car il y a à distinguer entre l'origine d'un fait et son développement : ce qui naît en un jour ne prend des accroissements qu'avec le temps.
Le critique reviendra donc aux documents échelonnés déjà par lui à travers les âges, et en fera encore deux parts, l'une se rapportant à l'origine, l'autre au développement. Puis, la dernière, il la répartira à diverses époques, dans un ordre déterminé.
A suivre.
Dernière édition par Louis le Mar 15 Mar 2011, 9:11 am, édité 1 fois
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
A suivre : La critique textuelle.Les a priori du philosophe appliqués à la critique et à l’histoire. (suite)
43. Le principe qui le dirigera dans cette opération lui sera fourni, une fois de plus, par le philosophe. Car, d'après le philosophe, une loi domine et régit l'histoire, c'est l'évolution. A l'historien donc de scruter à nouveau les documents, d'y rechercher attentivement les conjonctures ou conditions que l'Église a traversées au cours de sa vie, d'évaluer sa force conservatrice, les nécessités intérieures et extérieures qui l'ont stimulée au progrès, les obstacles qui ont essayé de lui barrer la route, en un mot, tout ce qui peut renseigner sur la manière dont se sont appliquées en elle les lois de l'évolution. Cela fait, et comme conclusion de cette étude, il trace une sorte d'esquisse de l'histoire de l'Eglise; le critique y adapte son dernier lot de documents, la plume court, l'histoire est écrite.
— Nous demandons : qui en sera dit l'auteur? L'historien? Le critique? A coup sûr ni l'un ni l'autre, mais bien le philosophe. Du commencement à la fin, n'est-ce pas l'a priori? Sans contredit, et un a priori où l'hérésie foisonne. Ces hommes-là nous font véritablement compassion; d'eux l'Apôtre dirait: Ils se sont évanouis dans leurs pensées...; se disant sages, ils sont tombés en démence (18). Mais où ils soulèvent le coeur d'indignation, c'est quand ils accusent l'Eglise de torturer les textes, de les arranger et de les amalgamer à sa guise pour les besoins de sa cause. Simplement, ils attribuent à l'Eglise ce qu'ils doivent sentir que leur reproche très nettement leur conscience.
44. De cet échelonnement, de cet éparpillement le long des siècles, il suit tout naturellement que les Livres Saints ne sauraient plus être attribués aux auteurs dont ils portent le nom.
Qu'à cela ne tienne!
Ils n'hésitent pas à affirmer couramment que les livres en question, surtout le Pentateuque et les trois premiers Evangiles, se sont formés lentement d'adjonctions faites à une narration primitive fort brève: interpolations par manière d'interprétations théologiques ou allégoriques, ou simplement transitions et sutures.
C'est que, pour dire la chose d'un mot, il y a à reconnaître dans les Livres Sacrés une évolution vitale, parallèle et même conséquente à l'évolution de la foi.
Aussi bien, ajoutent-ils, les traces de cette évolution y sont si visibles qu'on en pourrait quasiment écrire l'histoire.
Ils l'écrivent, cette histoire, et si imperturbablement que vous diriez qu'ils ont vu de leurs yeux les écrivains à l'oeuvre, alors que, le long des âges, ils travaillaient à amplifier les Livres Saints.
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(18) Ad Rom. I, 21-22.
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
Conjurations des modernistes de toutes religions; leurs prépotences.Les a priori du philosophe appliqués à la critique et à l’histoire. (suite)
45. La critique textuelle vient à la rescousse: pour confirmer cette histoire du texte sacré, ils s'évertuent à montrer que tel fait, que telle parole n'y est point à sa place, ajoutant d'autres critiques du même acabit. Vous croiriez, en vérité, qu'ils se sont construit certains types de narrations et de discours sur lesquels ils jugent ce qui est ou ce qui n'est pas déplacé.
Et combien ils sont aptes à ce genre de critique!
A les entendre vous parler de leurs travaux sur les Livres Sacrés, grâce auxquels ils ont pu découvrir en ceux-ci tant de choses défectueuses, il semblerait vraiment que nul homme avant eux ne les a feuilletés, qu'il n'y a pas eu à les fouiller en tous sens une multitude de docteurs infiniment supérieurs à eux en génie, en érudition, en sainteté; lesquels docteurs, bien loin d'y trouver à redire, redoublaient au contraire, à mesure qu'ils les scrutaient plus profondément, d'actions de grâce à la bonté divine, qui avait daigné de la sorte parler aux hommes.
C'est que, malheureusement, ils n'avaient pas les mêmes auxiliaires d'études que les modernistes, savoir, comme guide et règle, une philosophie venue de l'agnosticisme, et comme critérium eux-mêmes.
Il Nous semble avoir exposé assez clairement la méthode historique des modernistes. Le philosophe ouvre la marche ; suit l'historien ; puis, par ordre, la critique interne et la critique textuelle. Et comme le propre de la cause première est de laisser sa vertu dans tout ce qui suit, il est de toute évidence que nous ne sommes pas ici en face d'une critique quelconque, mais bien agnostique, immanentiste, évolutionniste. C'est pourquoi quiconque l'embrasse et l'emploie fait profession par là même d'accepter les erreurs qui y sont impliquées et se met en opposition avec la foi catholique.
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
A suivre : VI. — L’ APOLOGISTE MODERNISTEConjurations des modernistes de toutes religions; leurs prépotences.
46. S'il en est ainsi, on ne peut être qu'étrangement surpris de la valeur que lui prêtent certains catholiques. A cela il y a deux causes: d'une part, l'alliance étroite qu'ont faite entre eux les historiens et les critiques de cette école, au-dessus de toutes les diversités de nationalité et de religion; d'autre part, chez ces mêmes hommes, une audace sans bornes : que l'un d'entre eux ouvre les lèvres, les autres d'une même voix l'applaudissent, en criant au progrès de la science; quelqu'un a-t-il le malheur de critiquer l'une ou l'autre de leurs nouveautés, pour monstrueuse qu'elle soit, en rangs serrés, ils fondent sur lui; qui la nie est traité d'ignorant, qui l'embrasse et la défend est porté aux nues. Abusés par là, beaucoup vont à ceux qui, s'ils se rendaient compte des choses, reculeraient d'horreur. — A la faveur de l'audace et de la prépotence des uns, de la légèreté et de l'imprudence des autres, il s'est formé comme une atmosphère pestilentielle qui gagne tout, pénètre tout et propage la contagion.
Passons à l'apologiste.
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
VI. — L’APOLOGISTE MODERNISTE
47. L'apologiste, chez les modernistes, relève encore du philosophe, et à double titre.
D'abord, indirectement, en ce que, pour thème, il prend l'histoire, dictée, comme Nous l'avons vu, par le philosophe.
Puis, directement, en ce qu'il emprunte de lui ses lois.
De là cette affirmation courante chez les modernistes que la nouvelle apologétique doit s'alimenter aux sources psychologiques et historiques.
Donc les modernes apologistes entrent en matière en avertissant les rationalistes que s'ils défendent la religion, ce n'est pas sur les données des Livres Saints ni sur les histoires qui ont cours dans l'Eglise, écrites sous l'inspiration des vieilles méthodes; mais sur une histoire réelle, rédigée à la lumière des principes modernes, et selon toute la rigueur des méthodes modernes. Et ce n'est pas par manière d'argumentation ad hominem qu'ils parlent ainsi; nullement, mais parce qu'ils tiennent, en effet, cette dernière histoire pour la seule vraie.
Qu'ils se tranquillisent! Les rationalistes les savent sincères: ne les connaissent-ils pas bien pour les avoir vus combattre à leurs côtés, sous le même drapeau? Et ces louanges qu'ils leur décernent, n'est-ce pas un salaire? louanges qui feraient horreur à un vrai catholique, mais dont eux, les modernistes, se félicitent et qu'ils opposent aux réprimandes de l'Eglise.
Procédés de l’apologiste moderniste.
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A suivre.
Procédés de l’apologiste moderniste
48. Mais voyons leurs procédés apologétiques. La fin qu'ils se proposent c'est d'amener le non-croyant à faire l'expérience de la religion catholique, expérience qui est, d'après leurs principes, le seul vrai fondement de la foi.
Deux voies y aboutissent: l'une objective, l'autre subjective. La première procède de l'agnosticisme. Elle tend à faire la preuve que la religion catholique, celle-là surtout, est douée d'une telle vitalité que son histoire, pour tout psychologue et pour tout historien de bonne foi, cache une inconnue.
En cette vue, il est nécessaire de démontrer que cette religion, telle qu'elle existe aujourd'hui, est bien la même qui fut fondée par Jésus-Christ, c'est-à-dire le produit d'un développement progressif du germe qu'il apporta au monde. Ce germe, il s'agit donc, avant tout, de le bien déterminer ; et ils prétendent le faire par la formule suivante : Le Christ a annoncé l'avènement du royaume de Dieu comme devant se réaliser à brève échéance, royaume dont il devait être lui-même, de par la volonté divine, l'agent et l'ordonnateur.
Puis on doit montrer comment ce germe, toujours immanent et permanent au sein de la religion catholique, est allé se développant lentement au cours de l'histoire, s'adaptant successivement aux divers milieux qu'il traversait, empruntant d'eux, par assimilation vitale, toutes les formes dogmatiques, cultuelles, ecclésiastiques qui pouvaient lui convenir; tandis que, d'autre part, il surmontait tous les obstacles, terrassait tous les ennemis, survivant à toutes les attaques et à tous les combats.
Quiconque aura bien et dûment considéré tout cet ensemble d'obstacles, d'adversaires, d'attaques, de combats, ainsi que la vitalité et la fécondité qu'y affirme l'Eglise, devra reconnaître que, si les lois de l'évolution sont visibles dans sa vie, elles n'expliquent pas, néanmoins, le tout de son histoire, qu'une inconnue s'en dégage, qui se dresse devant l'esprit.
Ainsi raisonnent-ils, sans s'apercevoir que la détermination du germe primitif est un a priori du philosophe agnostique et évolutionniste, et que la formule en est gratuite, créée pour les besoins de la cause.
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
Argument subjectif.
Procédés de l’apologiste moderniste (suite)
49. Tout en s'efforçant, par de telles argumentations, d'ouvrir accès dans les âmes à la religion catholique, les nouveaux apologistes concèdent d'ailleurs bien volontiers qu'il s'y rencontre nombre de choses dont on pourrait s'offenser.
Ils vont même, et non sans une sorte de plaisir mal dissimulé, jusqu'à proclamer hautement que le dogme — ils l'ont constaté — n'est pas exempt d'erreurs et de contradictions. Ils ajoutent aussitôt, il est vrai, que tout cela est non seulement excusable, mais encore — étrange chose, en vérité! — juste et légitime. Dans les Livres Sacrés, il y a maints endroits touchant à la science ou à l'histoire, où se constatent des erreurs manifestes.
Mais ce n'est pas d'histoire ni de science que ces livres traitent; c'est uniquement de religion et de morale. L'histoire et la science n'y sont que des sortes d'involucres, où les expériences religieuses et morales s'enveloppent, pour pénétrer plus facilement dans les masses. Si, en effet, les masses n'entendaient pas autrement les choses, il est clair qu'une science et une histoire plus parfaites eussent été d'obstacle plutôt que de secours.
Au surplus, les Livres Saints, étant essentiellement religieux, sont par là même nécessairement vivants. Or, la vie a sa vérité et sa logique propres, bien différentes de la vérité et de la logique rationnelles, d'un autre ordre, savoir, vérité d'adaptation et de proportion soit avec le milieu où se déroule la vie, soit avec la fin où elle tend.
Enfin, ils poussent si loin les choses que, perdant toute mesure, ils en viennent à déclarer ce qui s'explique par la vie vrai et légitime.
Nous, Vénérables Frères, pour qui il n'existe qu'une seule et unique vérité, et qui tenons que les Saints Livres, écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, ont Dieu pour auteur (19), Nous affirmons que cela équivaut à prêter à Dieu lui-même le mensonge d'utilité ou mensonge officieux, et Nous disons avec saint Augustin: En une autorité si haute, admettez un seul mensonge officieux, il ne restera plus parcelle de ces Livres, dès qu'elle paraîtra difficile ou à pratiquer ou à croire, dans laquelle il ne soit loisible de voir un mensonge de l'auteur, voulu à dessein en vue d'un but (20). Et ainsi il arrivera, poursuit le saint Docteur, que chacun croira ce qu'il voudra, ne croira pas ce qu'il ne voudra pas.
— Mais les nouveaux apologistes vont de l'avant, fort allègrement. Ils accordent encore que, dans les Saints Livres, certains raisonnements, allégués pour justifier telle ou telle doctrine, ne reposent sur aucun fondement rationnel, ceux, par exemple, qui s'appuient sur les prophéties. Ils ne sont d'ailleurs nullement embarrassés pour les défendre: artifices de prédication, disent-ils, légitimés par la vie.
50. Quoi encore? En ce qui regarde Jésus-Christ, ils reconnaissent, bien plus ils affirment qu'il a erré manifestement dans la détermination du temps où l'avènement du royaume de Dieu devait se réaliser. Aussi bien, quoi d'étonnant, s'il était lui-même tributaire des lois de la vie!
— Après cela, que ne diront-ils pas des dogmes de l'Eglise! Les dogmes! ils foisonnent de contradictions flagrantes ; mais, sans compter que la logique vitale les accepte, la vérité symbolique n'y répugne pas: est-ce qu'il ne s'agit pas de l'infini et est-ce que l'infini n'a pas d'infinis aspects?
Enfin, ils tiennent tant et si bien à soutenir et à défendre les contradictions, qu'ils ne reculent pas devant cette déclaration, que le plus bel hommage à rendre à l'Infini, c'est encore d'en faire l'objet de propositions contradictoires. En vérité, quand on a légitimé la contradiction, y a-t-il quelque chose que l'on ne puisse légitimer?
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(19) Conc. Vat., De revel., c. 2.
(20) Epist. XXVIII
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
VII. — LE RÉFORMATEUR MODERNISTEArgument subjectif
51. Ce n'est pas seulement par des raisonnements objectifs que le non-croyant peut être disposé à la foi, mais encore par des arguments subjectifs. En cette vue, les modernistes, revenant à la doctrine de l'immanence, s'efforcent de persuader à cet homme que, en lui, dans les profondeurs mêmes de sa nature et de sa vie, se cachent l'exigence et le désir d'une religion, non point d'une religion quelconque, mais de cette religion spécifique qui est le catholicisme, absolument postulée, disent-ils, par le plein épanouissement de la vie.
Ici, Nous ne pouvons Nous empêcher de déplorer, une fois encore et très vivement, qu'il se rencontre des catholiques qui, répudiant l'immanence comme doctrine, l'emploient néanmoins comme méthode d'apologétique; qui le font, disons-Nous, avec si peu de retenue qu'ils paraissent admettre dans la nature humaine, au regard de l'ordre surnaturel, non pas seulement une capacité et une convenance — choses que, de tout temps, les apologistes catholiques ont eu soin de mettre en relief — mais une vraie et rigoureuse exigence.
A vrai dire, ceux des modernistes qui recourent ainsi à une exigence de la religion catholique sont les modérés.
Quant aux autres, que l'on peut appeler intégralistes (*), ce qu'ils se font forts de montrer au non-croyant, caché au fond de son être, c'est le germe même que Jésus-Christ porta dans sa conscience et qu'il a légué au monde.
Telle est, Vénérables Frères, rapidement esquissée, la méthode apologétique des modernistes, en parfaite concordance, on le voit, avec leurs doctrines, méthode et doctrines semées d'erreurs, faites non pour édifier mais pour détruire, non pour susciter des catholiques mais pour précipiter les catholiques à l'hérésie, mortelles même à toute religion.
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* Dans le texte latin : integralistæ (note de l’éditeur)
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
Conclusion de la 1ère partie.VII. — LE RÉFORMATEUR MODERNISTE52. Il Nous reste à dire quelques mots du réformateur.
Déjà, par tout ce que Nous avons exposé jusqu'ici, on a pu se faire une idée de la manie réformatrice qui possède les modernistes; rien, absolument rien, dans le catholicisme, à quoi elle ne s'attaque.
— Réforme de la philosophie, surtout dans les Séminaires: que l'on relègue la philosophie scolastique dans l'histoire de la philosophie, parmi les systèmes périmés, et que l'on enseigne aux jeunes gens la philosophie moderne, la seule vraie, la seule qui convienne à nos temps.
— Réforme de la théologie: que la théologie dite rationnelle ait pour base la philosophie moderne, la théologie positive pour fondement de l'histoire des dogmes. Quant à l'histoire, qu'elle ne soit plus écrite ni enseignée que selon leurs méthodes et leurs principes modernes.
— Que les dogmes et la notion de leur évolution soient harmonisés avec la science et l'histoire. Que dans les catéchismes on n'insère plus, en fait de dogmes, que ceux qui auront été réformés et qui seront à la portée du vulgaire.
— En ce qui regarde le culte, que l'on diminue le nombre des dévotions extérieures, ou tout au moins qu'on en arrête l'accroissement. Il est vrai de dire que certains, par un bel amour du symbolisme, se montrent assez coulants sur cette matière.
— Que le gouvernement ecclésiastique soit réformé dans toutes ses branches, surtout la disciplinaire et la dogmatique. Que son esprit, que ses procédés extérieurs soient mis en harmonie avec la conscience, qui tourne à la démocratie; qu'une part soit donc faite dans le gouvernement au clergé inférieur et même aux laïques; que l'autorité soit décentralisée.
— Réforme des Congrégations romaines, surtout de celles du Saint-Office et de l'Index.
— Que le pouvoir ecclésiastique change de ligne de conduite sur le terrain social et politique ; se tenant en dehors des organisations politiques et sociales, qu'il s'y adapte néanmoins pour les pénétrer de son esprit.
En morale, ils font leur le principe des américanistes, que les vertus actives doivent aller avant les passives, dans l'estimation que l'on en fait comme dans la pratique.
— Au clergé ils demandent de revenir à l'humilité et à la pauvreté antiques, et, quant à ses idées et son action, de les régler sur leurs principes.
Il en est enfin qui, faisant écho à leurs maîtres protestants, désirent la suppression du célibat ecclésiastique.
Que reste-t-il donc sur quoi, et par application de leurs principes, ils ne demandent réforme?
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
CONCLUSION DE LA 1ère PARTIELe modernisme, amas de toutes les hérésies.
53. Quelqu'un pensera peut-être, Vénérables Frères, que cette exposition des doctrines des modernistes Nous a retenu trop longtemps. Elle était pourtant nécessaire, soit pour parer à leur reproche coutumier, que Nous ignorerions leurs vraies idées, soit pour montrer que leur système ne consiste pas en théories éparses et sans lien, mais bien en un corps parfaitement organisé, dont les parties sont si bien solidaires entre elles qu'on n'en peut admettre une sans les admettre toutes.
C'est pour cela aussi que Nous avons dû donner à cette exposition un tour quelque peu didactique, sans avoir peur de certains vocables barbares en usage chez eux. Maintenant, embrassant d'un seul regard tout le système, qui pourra s'étonner que Nous le définissions le rendez-vous(*] de toutes les hérésies?
Si quelqu'un s'était donné la tâche de recueillir toutes les erreurs qui furent jamais contre la foi et d'en concentrer la substance et comme le suc en une seule, véritablement il n'eût pas mieux réussi. Ce n'est pas encore assez dire: ils ne ruinent pas seulement la religion catholique, mais, comme Nous l'avons déjà insinué, toute religion.
Les rationalistes les applaudissent, et ils ont pour cela leurs bonnes raisons : les plus sincères, les plus francs saluent en eux leurs plus puissants auxiliaires.
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(*) Collectum: collectus = amas (note de l'éditeur)
Danger de se fier au sentiment seul
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
Danger de se fier au sentiment seul
54. Revenons, en effet, un moment, Vénérables Frères, à cette doctrine pernicieuse de l'agnosticisme. Toute issue fermée vers Dieu du côté de l'intelligence, ils se font forts d'en ouvrir une autre du côté du sentiment et de l'action. Tentative vaine.
Car qu'est-ce, après tout, que le sentiment, sinon une réaction de l'âme à l'action de l'intelligence ou des sens? Ôtez l'intelligence: l'homme, déjà si enclin à suivre les sens, en deviendra l'esclave. Vaine tentative à un autre point de vue. Toutes ces fantaisies sur le sentiment religieux n'aboliront pas le sens commun.
Or, ce que dit le sens commun, c'est que l'émotion et tout ce qui captive l'âme, loin de favoriser la découverte de la vérité, l'entravent. Nous parlons, bien entendu, de la vérité en soi : quant à cette autre vérité purement subjective, issue du sentiment et de l'action, si elle peut être bonne aux jongleries de mots, elle ne sert de rien à l'homme, à qui il importe surtout de savoir si, hors de lui, il existe un Dieu, entre les mains de qui il tombera un jour.
— Pour donner quelque assiette au sentiment, les modernistes recourent à l'expérience. Mais l'expérience, qu'y ajoute-t-elle? Absolument rien, sinon une certaine intensité qui entraîne une conviction proportionnée de la réalité de l'objet. Or, ces deux choses ne font pas que le sentiment ne soit sentiment, ils ne lui ôtent pas son caractère, qui est de décevoir si l'intelligence ne le guide ; au contraire, ce caractère, ils le confirment et l'aggravent, car plus le sentiment est intense et plus il est sentiment.
— En matière de sentiment religieux et d'expérience religieuse, vous n'ignorez pas, Vénérables Frères, quelle prudence est nécessaire, quelle science aussi qui dirige la prudence. Vous le savez de votre usage des âmes, de celles surtout où le sentiment domine; vous le savez aussi de la lecture des ouvrages ascétiques, ouvrages que les modernistes prisent fort peu, mais qui témoignent d'une science autrement solide que la leur, d'une sagacité d'observation autrement fine et subtile.
En vérité, n'est-ce pas une folie, ou tout au moins une souveraine imprudence, de se fier sans nul contrôle à des expériences comme celles que prônent les modernistes?
Symbolisme et immanence conduisent au panthéisme
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
Symbolisme et immanence conduisent au panthéisme (identité homme et Dieu)
55. Et qu'il Nous soit permis en passant de poser une question: Si ces expériences ont tant de valeur à leurs yeux, pourquoi ne la reconnaissent-ils pas à celle que des milliers et des milliers de catholiques déclarent avoir sur leur compte à eux et qui les convainc qu'ils font fausse route? Est-ce que, par hasard, ces dernières expériences seraient les seules fausses et trompeuses? La très grande majorité des hommes tient fermement et tiendra toujours que le sentiment et l'expérience seuls, sans être éclairés et guidés de la raison, ne conduisent pas à Dieu.
Que reste-t-il donc, sinon l'anéantissement de toute religion et l'athéisme?
— Ce n'est certes pas la doctrine du symbolisme qui pourra le conjurer. Car si tous les éléments, dans la religion, ne sont que de purs symboles de Dieu, pourquoi le nom même de Dieu, le nom de personnalité divine ne seraient-ils pas aussi de purs symboles? Cela admis, voilà la personnalité de Dieu mise en question et la voie ouverte au panthéisme.
— Au panthéisme, mais cette autre doctrine de l’immanence divine y conduit tout droit. Car Nous demandons si elle laisse Dieu distinct de l'homme ou non : si distinct, en quoi diffère-t-elle de la doctrine catholique et de quel droit rejeter la révélation extérieure ? Si non distinct, nous voilà en plein panthéisme. Or, la doctrine de l'immanence, au sens moderniste, tient et professe que tout phénomène de conscience est issu de l'homme en tant qu'homme. La conclusion rigoureuse c'est l'identité de l'homme et de Dieu, c'est-à-dire le panthéisme.
La même conclusion découle de la distinction qu'ils posent entre la science et la foi.
L'objet de la science, c'est la réalité du connaissable; l'objet de la foi, au contraire, la réalité de l'inconnaissable. Or, ce qui fait l'inconnaissable, c'est sa disproportion avec l'intelligence, disproportion que rien au monde, même dans la doctrine des modernistes, ne peut faire disparaître. Par conséquent, l'inconnaissable reste et restera éternellement inconnaissable, autant au croyant qu'à l'homme de la science.
La religion d'une réalité inconnaissable, voilà donc la seule possible. Et pourquoi cette réalité ne serait-elle pas l'âme universelle du monde dont parle tel rationaliste, c'est ce que Nous ne voyons pas.
— Voilà qui suffit, et surabondamment, pour montrer par combien de routes le modernisme conduit à l'anéantissement de toute religion. Le premier pas fut fait par le protestantisme, le second est fait par le modernisme, le prochain précipitera dans l'athéisme.
Seconde partie : Causes du Modernisme.
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SECONDE PARTIE
CAUSES DU MODERNISME
I. — CURIOSITÉ ET ORGUEIL
56. Pour pénétrer mieux encore le modernisme et trouver plus sûrement à une plaie si profonde les remèdes convenables, il importe, Vénérables Frères, de rechercher les causes qui l'ont engendrée et qui l'alimentent.
57. La cause prochaine et immédiate réside dans une perversion de l'esprit, cela ne fait pas de doute. Les causes éloignées Nous paraissent pouvoir se réduire à deux: la curiosité et l'orgueil. La curiosité, à elle seule, si elle n'est sagement réglée, suffit à expliquer toutes les erreurs.
C'est l'avis de Notre Prédécesseur Grégoire XVI, qui écrivait: C'est un spectacle lamentable que de voir jusqu'où vont les divagations de l'humaine raison dès que l'on cède à l'esprit de nouveauté que, contrairement à l'avertissement de l'Apôtre, l'on prétend à savoir plus qu'il ne faut savoir et que, se fiant trop à soi-même, l'on pense pouvoir chercher la vérité hors de l'Eglise, en qui elle se trouve sans l'ombre la plus légère d'erreur (21).
— Mais ce qui a incomparablement plus d'action sur l'âme, pour l'aveugler et la jeter dans le faux, c'est l'orgueil. L'orgueil! Il est, dans la doctrine des modernistes, comme chez lui ; de quelque côté qu'il s'y tourne, tout lui fournit un aliment, et il s'y étale sous toutes ses faces.
Orgueil, assurément, cette confiance en eux qui les fait s'ériger en règle universelle.
Orgueil, cette vaine gloire qui les représente à leurs propres yeux comme les seuls détenteurs de la sagesse qui leur fait dire, hautains et enflés d'eux-mêmes: Nous ne sommes pas comme le reste des hommes et qui, afin qu'ils n'aient pas, en effet, de comparaison avec les autres, les pousse aux plus absurdes nouveautés.
Orgueil, cet esprit d'insoumission qui appelle une conciliation de l'autorité avec la liberté.
Orgueil, cette prétention de réformer les autres dans l'oubli d'eux-mêmes, ce manque absolu de respect à l'égard de l'autorité sans en excepter l'autorité suprême.
Non, en vérité, nulle route qui conduise plus droit ni plus vite au modernisme que l'orgueil. Qu'on nous donne un catholique laïque, qu'on nous donne un prêtre, qui ait perdu de vue le précepte fondamental de la vie chrétienne, savoir que nous devons nous renoncer nous-mêmes si nous voulons suivre Jésus-Christ et qui n'ait pas arraché l'orgueil de son cœur ; ce laïque, ce prêtre est mûr pour toutes les erreurs du modernisme.
— C'est pourquoi, Vénérables Frères, votre premier devoir est de traverser ces hommes superbes, et les appliquer à d'infimes et obscures fonctions; qu'ils soient mis d'autant plus bas qu'ils cherchent à monter plus haut et que leur abaissement même leur ôte la faculté de nuire.
De plus, sondez soigneusement par vous-mêmes ou par les directeurs de vos Séminaires les jeunes clercs; ceux chez qui vous aurez constaté l'esprit d'orgueil, écartez-les sans pitié du sacerdoce. Plût à Dieu qu'on en eût toujours usé de la sorte, avec la vigilance et la constance voulues!
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(21) Ep. Encycl. Singulari Nos, 7 kal. Jul. 1834.
II. — IGNORANCE
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
II. — IGNORANCE
58. Que si, des causes morales, Nous venons aux intellectuelles, la première qui se présente — et la principale — c'est l'ignorance. Oui, ces modernistes, qui jouent aux docteurs de l'Eglise, qui portent aux nues la philosophie moderne et regardent de si haut la scolastique, n'ont embrassé celle-là, en se laissant prendre à ses apparences fallacieuses, que parce que, ignorants de celle-ci, il leur a manqué l'instrument nécessaire pour percer les confusions et dissiper les sophismes.
Or, c'est d'une alliance de la fausse philosophie avec la foi qu'est né, pétri d'erreurs, leur système.
59. Si encore ils apportaient moins de zèle et d'activité à le propager! Mais telle est en cela leur ardeur, telle leur opiniâtreté de travail qu'on ne peut sans tristesse les voir dépenser à ruiner l'Eglise de si belles énergies, quand elles lui eussent été si profitables bien employées.
— Leurs artifices pour abuser les esprits sont de deux sortes : s'efforcer d'écarter les obstacles qui les traversent; puis rechercher avec soin, mettre activement et patiemment en œuvre tout ce qui les peut servir.
Trois choses, ils le sentent bien, leur barrent la route : la philosophie scolastique, l'autorité des Pères et la tradition, le magistère de l'Eglise.
A ces trois choses ils font une guerre acharnée.
Ignorance ou crainte, à vrai dire l'une et l'autre, c'est un fait qu'avec l'amour des nouveautés va toujours de pair la haine de la méthode scolastique; et il n'est pas d'indice plus sûr que le goût des doctrines modernistes commence à poindre dans un esprit, que d'y voir naître le dégoût de cette méthode.
Que les modernistes et leurs fauteurs se souviennent de la proposition condamnée par Pie IX: La méthode et les principes qui ont servi aux antiques docteurs scolastiques, dans la culture de la théologie, ne répondent plus aux exigences de notre temps ni au progrès des sciences (22).
La tradition, ils s'efforcent d'en fausser perfidement le caractère et d'en saper l'autorité, afin de lui ôter toute valeur. Mais le second Concile de Nicée fera toujours loi pour les catholiques; il condamne ceux ]qui osent, sur les traces des hérétiques impies, mépriser les traditions ecclésiastiques, inventer quelque nouveauté... ou chercher, avec malice ou avec astuce, à renverser quoi que ce soit des légitimes traditions de l'Eglise catholique.
Fera loi, de même, la profession du quatrième Concile de Constantinople: C'est pourquoi nous faisons profession de conserver et de garder les règles qui ont été léguées à la sainte Eglise catholique et apostolique, soit par les saints et très illustres Apôtres, soit par les Conciles orthodoxes, généraux et particuliers, et même par chacun des Pères interprètes divins et docteurs de l'Eglise.
Aussi les papes Pie IV et Pie IX ont-ils ordonné l'insertion dans la profession de foi de la déclaration suivante: J'admets et j'embrasse très fermement les traditions apostoliques et ecclésiastiques, et toutes les autres observances et constitutions de l'Eglise.
Naturellement, les modernistes étendent aux saints Pères le jugement qu'ils font de la tradition. Avec une audace inouïe, ils les déclarent personnellement dignes de toute vénération, mais d'ailleurs d'une ignorance incroyable en matière d'histoire et de critique et qui ne peut être excusée que par le temps où ils vécurent.
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(22)Syllabus, prop. 13.
Haines et ruses des modernistes.
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Re: PASCENDI ou la condamnation du Modernisme. (S. Pie X) (COMPLET avec Table des Matières)
Haines et ruses des modernistes.
60. Enfin, ils s'évertuent à amoindrir le magistère ecclésiastique et à en infirmer l'autorité, soit en en dénaturant sacrilègement l'origine, le caractère, les droits, soit en rééditant contre lui, le plus librement du monde, les calomnies des adversaires. Au clan moderniste s'applique ce que Notre prédécesseur écrivait, la douleur dans l'âme: Afin d'attirer le mépris et l'odieux sur l'Epouse mystique du Christ, en qui est la vraie lumière, les fils des ténèbres ont accoutumé de lui jeter à la face des peuples une calomnie perfide, et, renversant la notion et la valeur des choses et des mots, la représentent comme amie des ténèbres, fautrice d'ignorance, ennemie de la lumière, de la science, du progrès (23).
Après cela, il n'y a pas lieu de s'étonner si les modernistes poursuivent de toute leur malveillance, de toute leur acrimonie, les catholiques qui luttent vigoureusement pour l'Eglise.
Il n'est sorte d'injures qu'ils ne vomissent contre eux. Celle d'ignorance et d'entêtement est la préférée. S'agit-il d'un adversaire que son érudition et sa vigueur d'esprit rendent redoutable : ils chercheront à le réduire à l'impuissance en organisant autour de lui la conspiration du silence. Conduite d'autant plus blâmable que, dans le même temps, sans fin ni mesure, ils accablent d'éloges qui se met de leur bord. Un ouvrage paraît, respirant la nouveauté par tous ses pores ; ils l'accueillent avec des applaudissements et des cris d'admiration. Plus un auteur aura apporté d'audace à battre en brèche l'antiquité, à saper la tradition et le magistère ecclésiastique, et plus il sera savant.
Enfin — et ceci est un sujet de véritable horreur pour les bons — s'il arrive que l'un d'entre eux soit frappé des condamnations de l'Eglise, les autres aussitôt de se presser autour de lui, de le combler d'éloges publics, de le vénérer presque comme un martyr de la vérité. Les jeunes, étourdis et troublés de tout ce fracas de louanges et d'injures, finissent, par peur du qualificatif d'ignorants et par ambition du titre de savants, en même temps que sous l'aiguillon intérieur de la curiosité et de l'orgueil, par céder au courant et se jeter dans le modernisme.
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(23) Motu proprio. Ut mysticam. 14 Martii 1891.
A suivre.
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