FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
Page 1 sur 1
FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse d’Avila.
(CHAPITRE 30)
1. Extrêmes peines qu'eut la sainte dans cette Fondation par les difficultés continuelles que l'Archevêque de Burgos y apportait, quoiqu'il eut témoigné d'abord de l'avoir très-agréable, et qu'il n'y eut rien que l’Évêque de Palencia ne fît pour le presser de tenir la parole qu'il avait donnée. Le monastère des Carmélites de Saint Joseph D'Avila se trouvait alors le seul qui ne fut pas soumis à l'Ordre, la sainte obtient de l’Évêque de cette ville à qui il était soumis, qu'il le serait désormais à l’Ordre comme les autres.
Il y avait déjà plus de six ans que quelques religieux de la Compagnie de Jésus des plus anciens, des plus savants, et des plus habiles m'avaient dit qu'il serait avantageux pour le service de Dieu de fonder dans la ville de Burgos un monastère de notre Réforme, et m'en avaient allégué des raisons qui m'avaient portée à le désirer. Mais les agitations arrivées dans notre Ordre, et tant de fondations que j'avais été obligée de faire m’avaient empêchée d'y travailler. Lorsqu'en l'année 1580, j'étais à Valladolid, l'Archevêque des Canaries, nommé depuis à l'archevêché de Burgos, passant par là, je priai Dom Alvarez De Mendoçe, Évêque de Palencia, qui l'étant auparavant d'Avila, avait permis l'établissement du monastère de Saint Joseph de cette ville qui était la première de nos fondations, et qui n'affectionne pas moins les affaires de notre Ordre que les siennes propres, de vouloir avec sa bonté ordinaire pour moi demander à cet Archevêque la permission d'établir un monastère dans Burgos.
L'Archevêque n'ayant pas voulu entrer dans Valladolid, mais s'étant retiré dans un monastère de S. Jérôme, l'Évêque l'y alla visiter avec une grande démonstration de joie de son arrivée, dina avec lui, lui donna une ceinture, ou je ne sais quelle autre chose, avec une cérémonie qui devait être faite par un Évêque, et lui demanda ensuite la permission de fonder ce monastère. Il lui répondit, que non seulement il l'accorderait très volontiers ; mais que lorsqu'il était encore dans les Canaries, il avait désiré d'y en avoir un, parce qu'y en ayant dans le lieu de sa naissance, il savait que nous servions fidèlement Dieu, et que même il me connaissait particulièrement. Ainsi l’Évêque me rapporta avec beaucoup de joie que rien ne me pouvait empêcher de faire cette fondation, puisqu'il suffit d'obtenir le consentement de l’Évêque, sans que le Concile oblige de l’avoir par écrit.
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse d'Avila.
(CHAPITRE 30)
2. J'ai dit dans la fondation de Palencia la répugnance que j'avais alors à faire des fondations, parce que je n'étais pas encore bien remise d'une maladie dont l'on avait cru que je ne guérirais point, quoique je n'aie pas accoutumé d'avoir si peu de courage quand il s'agit du service de Dieu. Je ne sais d'où me pouvait venir cette lâcheté, puisque si c'était des obstacles qui se rencontraient dans cette fondation, j'en avais trouvé de plus grands en d'autres. Et depuis avoir vu qu'elle a si bien réussi, je ne saurais en attribuer la cause qu'au démon. Car il m'arrive d'ordinaire que lorsqu'il y a plus de difficultés à surmonter dans de semblables entreprises, Dieu qui connait ma faiblesse, m'assiste et me fortifie, soit par des paroles qu'Il me fait entendre, ou par des rencontres favorables qu' Il fait naître : au lieu que dans les fondations qui ne sont point traversées Il ne me dit rien. C'est ainsi que voyant les peines que j'aurais à surmonter dans celle-ci dont je traite en même temps que de celle de Palencia, Il m'encouragea par cette sévère répréhension qu'Il me fit en me disant : que craignez-vous ? Vous ai-je jamais manqué ? Et ne suis-je pas toujours le même ? Que rien ne vous empêche de faire ces deux fondations . Sur quoi, il serait inutile de répéter ce que j'ai dit du courage que ces paroles me donnèrent. Il fut tel que ma lâcheté s’évanouit, et que je ne craignis point d'entreprendre ces deux fondations en même temps.
Il parut donc que ce n'était ni de ma maladie, ni de mon âge que procédait mon découragement ; et il me sembla qu'il était plus à propos de commencer par celle de Palencia, tant à cause qu'elle était plus proche et que la saison commençant d'être très-rude. Burgos était dans un pays encore plus froid, que pour contenter le bon Évêque de Palencia. Mais après que cette fondation fut achevée, celle de Soria m’ayant été proposée et toutes choses étant préparées pour l'exécuter, je crus qu'il valait mieux terminer cette affaire pour aller ensuite à Burgos.
L'Évêque de Palencia jugea à propos, et je l'en suppliai aussi, d'informer l'Archevêque de Burgos du sujet de mon retardement ; et lorsque je fus partie pour Soria, il lui envoya exprès un chanoine nommé Jean Alphonse. L'Archevêque, après avoir conféré avec ce chanoine, m’écrivit qu'il désirait de tout son cœur que la fondation se fît, et manda par une autre lettre à l'Évêque de Palencia qu'il se remettait à lui de la conduite de cette affaire : qu'il connaissait Burgos : qu'il était besoin d'avoir le consentement de la ville ; et que lorsque je serais arrivée je travaillasse à l'obtenir. Que si elle le refusait elle ne pouvait pas lui lier les mains pour l’empêcher de me donner le sien. Que ce qui le faisait parler ainsi était, que s'étant trouvé à Avila dans le temps de la fondation du premier monastère, et ayant vu les oppositions qui s'y étaient rencontrées et le trouble qu'elles avaient excité, il désirait les prévenir. Mais qu'à moins d’avoir ce consentement de la ville, il fallait nécessairement que ce monastère fut renté.
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse d'Avila.
(CHAPITRE 30)
3. L'Évêque de Palencia tint alors l'affaire pour faite et avec raison, puisque l'Archevêque me mandait d'aller, et m'avait fait dire que je n'avais point de temps à perdre. Pour moi, il me paraissait que l'Archevêque n'agissait pas avec assez de fermeté. Je lui écrivis pour le remercier de la faveur qu'il me faisait, et lui mandai que je prenais la liberté de lui dire, que je croyais que si la ville ne voulait point donner son consentement, il valait mieux faire cette fondation sans le lui demander, que de commettre sa Seigneurie avec elle. Il semblait qu'en parlant ainsi, je pressentisse le peu d'appui que nous pouvions tirer de ce prélat si l'affaire eut reçu quelque contradiction. Et j'y trouvais d'ailleurs de la difficulté à cause de la contrariété de sentiments qui se rencontre en de semblables occasions. J'écrivis aussi à l'Évêque de Palencia pour le supplier de trouver bon que l'été étant si avancé et mes maladies si grandes, je différasse pour quelque temps d'aller en un pays si froid. Mais je ne lui parlai point de ce qui m'était passé dans l'esprit touchant l'Archevêque, tant parce qu'il était déjà assez fâché de voir qu'ayant témoigné d'abord tant de bonne volonté, il alléguait alors des difficultés, que parce qu'étant amis, je ne voulais pas causer du refroidissement entre eux. Ainsi comme je ne pensais plus à me rendre sitôt à Burgos, je m'en allai à Saint Joseph D'Avila, où par de certaines rencontres ma présence se trouvait être assez nécessaire.
Il y avait à Burgos une sainte veuve nommée Catherine De Toluca qui était de Bisaya. Et que n'aurais-je point à dire sur son sujet si je voulais rapporter quelles sont ses vertus, tant pour ce qui regarde la pénitence que l'oraison, l'aumône, et la charité, et qui a de plus l'esprit excellent ? Elle avait, quatre ans auparavant, ce me semble, mis deux de ses filles religieuses dans le monastère de la Conception qui est de notre Ordre, et avait mené les deux autres à Palencia pour y attendre que notre monastère y fut fondé : et elle les y fit aussitôt entrer. Toutes ces quatre sœurs élevées de la main d'une telle mère ont si bien réussi qu'elles me paraissent des anges. Elle les dota très-bien. Et comme elle est riche et libérale, elle agit aussi très-honorablement dans tout le reste. Lorsque j’étais encore à Palencia et me tenais assurée de la permission de l’Archevêque de Burgos, je la priai d'y chercher une maison à louer afin d'en prendre possession, et d'y faire faire un tour et des grilles dont je lui ferais rendre l'argent, ne prétendant pas que ce fut à ses dépens. Le retardement de cette fondation qu'elle désirait avec ardeur lui donnait tant de peine, que dans le temps que j'étais de retour à Avila et n'y pensais pas, la connaissance qu'elle avait que notre établissement, dépendait du consentement de la ville la fit résoudre sans m'en rien mander, de travailler à l'obtenir. Elle avait pour voisines et pour amies une mère et une fille, personnes de condition et de grande vertu, dont la mère se nommait Madame Marie Manrique qui avait pour fils Dom Alfonse De S Dominique Manrique, intendant de la police ; et sa fille se nommait Madame Catherine.
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
Souligné ajouté
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse d'Avila.
(CHAPITRE 30)
4. Toutes deux prièrent cet intendant de s'employer pour obtenir du conseil de la ville ce consentement. Il en conféra avec Catherine De Toluca et lui demanda quelle subsistance ce monastère pourrait avoir, parce qu’autrement il n'y avait pas lieu d'espérer que le conseil accordât cette demande. Elle lui répondit qu'elle s'obligerait à nous donner une maison si nous n'en avions point, et de quoi vivre : et elle signa la requête qui portait ces conditions. Dom Alphonse s'y employa avec tant d'affection qu'il obtint ce consentement par écrit, et le porta à l'Archevêque. Dès que cette vertueuse femme eut commencé à traiter ce que je viens de dire, elle m'en donna avis. Mais je l'avais considérée comme une chimère, à cause que je n'ignore pas la difficulté que l'on fait de recevoir des monastères sans revenu, et que je ne savais ni n'aurais jamais crû qu’elle eut voulu s'obliger de la sorte. Néanmoins, recommandant l’affaire à Notre-Seigneur un jour de l' octave de Saint Martin, je pensais en moi- même ce que je devrais faire si j'obtenais ce consentement, parce qu'il me semblait qu'étant travaillée de tant de maux auquel le froid qui était alors très-grand était si contraire, il n'y avait point d'apparence que ne faisant presque que d'arriver d'un si pénible voyage, je m' engageasse dans un autre si grand que celui de Burgos : que quand même je le voudrais, le Père provincial ne me le permettrait pas : et que l'affaire étant sans difficulté, la Prieure de Palencia l'achèverait aussi bien que moi. Lorsque j'étais dans ces pensées et résolue de ne point aller, Notre-Seigneur me dit Ses propres paroles qui me firent connaître que le consentement de la ville était déjà accordé : que ce grand froid ne vous mette point en peine. Je suis la chaleur véritable. Le démon fait tous ses efforts pour empêcher cette fondation. Faites tous les vôtres pour la faire réussir ; et que rien ne vous arrête. Votre voyage sera très-utile.
Ces paroles me firent changer de sentiment malgré la répugnance de la nature, qui encore qu'elle résiste quelquefois quand il s'agit de souffrir, ne saurait ébranler ma résolution de tout endurer pour l'amour de Dieu. Ainsi je lui répondis : qu'il pouvait, sans s'arrêter à ma faiblesse, me commander tout ce qu'Il voudrait, et qu'avec Son assistance rien ne m'empêcherait de l’exécuter. Outre que le froid était déjà grand et la terre couverte de neige, mon peu de santé était ce qui me rendait si paresseuse ; et il me semblait que, si je me fusse bien portée, j'aurais méprisé tout le reste. Il est vrai aussi que ce fut cette mauvaise santé qui me donna le plus de peine dans cette fondation : car quant au froid, j'en ressentis si peu d'incommodité qu'elle n'aurait pas été moindre à Tolède Ainsi Notre-Seigneur fit bien connaître que Ses promesses sont toujours suivies des effets. Peu de jours après, je reçus le consentement de la ville avec des lettres de Catherine De Toluca et de Madame Catherine, qui me pressent extrêmement de me hâter de peur qu'il n'arrivant quelque traverse, parce que des religieux de S. François De Paule, des Carmes Mitigés, et des religieux de Saint Basile étaient venus pour s’établir à Burgos. Cette nouvelle qui nous était sans doute un obstacle très-considérable ne me donna pas moins de sujet de m'étonner que tant de divers Ordres eussent conçu comme de concert un même dessein, que de louer la charité de cette ville qui les recevait tous si volontiers dans un temps qu'elle n'était plus si opulente. Et quoiqu'on m'eut toujours fort exalté sa charité, j'avoue que je ne la croyais pas si grande. Les uns favorisaient un Ordre : les autres un autre. Mais l'Archevêque considérant les inconvénients qui en pouvaient naitre, s'y opposait, parce qu'il lui semblait que c'était faire tort aux autres Ordres de Mendiants qui avaient déjà de la peine à subsister.
Peut-être était-ce ces Pères qui lui inspiraient ce sentiment, ou le démon qui voulait empêcher le grand bien que produisent les monastères dans les lieux où ils s'établissent, et que Dieu peut aussi facilement faire subsister en grand nombre qu'en petit nombre. Me voyant donc si pressée par ces saintes femmes, je crois que sans quelques affaires qu'il me fallût terminer, je serais partie à l'heure même, parce que les voyant agir avec tant d'affection, je me trouvais plus obligée qu'elles à ne point perdre de temps dans une conjecture si importante, et qu'encore que je ne puisse douter du succès puisque Notre-Seigneur m'en avait assurée, je n'avais pas oublié qu'Il m'avait dit que le démon ferait tous ses efforts pour traverser cette affaire. Mais je ne pouvais m'imaginer d'où viendrait la difficulté, Catherine De Toluca m'ayant mandé que sa maison était prête pour prendre possession, et que l'Archevêque et la ville avaient accordé leur consentement. Il parut en cette occasion que Dieu donne lumière aux supérieurs. Car ayant écrit au Père Jérôme Gratien de la Mère de Dieu, notre Provincial, pour savoir si je devoir m'engager dans ce voyage que Notre-Seigneur m'avait fait connaître, voulait que je fisse, il me témoigna de l'approuver ; mais me demanda si j'avais la permission par écrit de l'Archevêque. Je lui répondis que l'on m'avait mandé de Burgos que l'affaire avait été résolue avec lui ; que la ville avait donné son consentement ; qu'il avait fait paraître d'en être bien aise ; et que tout cela joint à la manière dont il avait toujours parlé me faisait croire qu'il n'y avait pas lieu de douter.
.
Souligné ajouté
à suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS.
Par Sainte Thérèse d'Avila.
(CHAPITRE 30)
5. Ce Père voulut venir avec nous, tant à cause qu'ayant achevé de prêcher l’Avent il avait alors plus de loisir, que pour aller visiter le monastère de Soria, qu'il n'avait point vu depuis son établissement; comme aussi parce que me croyant encore bonne à quelque chose et me voyant vieille, si infirme, et le temps si rude, il désirait de prendre soin de ma santé. Je pense que Dieu le permit. Car les chemins étaient si mauvais et les eaux si grandes, que son assistance et celle de ses compagnons nous fut nécessaire pour nous empêcher de nous égarer, et pour dégager nos chariots des bourbiers qu'ils rencontraient à toute heure, surtout depuis Palencia jusques à Burgos, dont le chemin était tel qu'il fallait être bien hardi pour l'entreprendre : mais il est vrai que Notre- Seigneur me dit : que nous pouvions aller sans crainte puisqu'Il serait avec nous . Je ne le dis point alors au père Provincial. Je me contentai d'en tirer ma consolation dans les grands travaux que nous souffrîmes, et les persils que nous courûmes, particulièrement en un lieu proche de Burgos nommé Les Ponts. L'eau répandu dans toute la campagne était si haute qu'elle la couvrait entièrement, et l'on ne pouvait sans témérité tenter ce passage, principalement dans des chariots, parce que pour peu qu'ils s'écartassent d'un côté ou d'autre, il fallait périr : et en effet il y en eut un qui courut fortune.
Nous primes dans une hostellerie un guide qui connaissait ce passage, et nos journées se trouvèrent rompues à cause de ces mauvais chemins, où nos chariots s'enfonçaient de telle sorte que l'on était obligé pour les en tirer de prendre les chevaux de l'un pour les atteler à l'autre : en quoi nos Pères eurent d'autant plus de peine que nous n'avions que de jeunes charretiers peu soigneux. La présence du père Provincial me soulageait beaucoup. Ses soins s'étendaient à tout : et son humeur si égale et si tranquille qu'il ne s'inquiétait de rien, lui faisait trouver facile ce qui aurait paru très-difficile à un autre. Il ne laissa pas néanmoins de craindre au passage de ces ponts lorsqu'il se vit au milieu de l'eau sans savoir le chemin que l'on devait prendre, et sans le secours d'aucun bateau. Je ne fus pas moi-même exempte de crainte quelque assurance que Notre-Seigneur m'eut donnée de nous assister : et l'on peut juger par là quelle pouvait être l'appréhension de mes compagnes. Nous étions huit, dont deux devaient retourner avec moi, et les cinq autres y compris une Converse, demeurer à Burgos.
Un très-grand mal de gorge qui m'avait pris en chemin en arrivant à Valladolid et faisait que je ne pouvais manger sans beaucoup de douleur, joint à la fièvre qui ne me quittait point, m'empêchait de tant ressentir les incommodités de notre voyage : et ces maux me durent encore maintenant que nous sommes au mois de juin ; mais avec moins de violence. Mes compagnes oublièrent aisément les fatigues de ce voyage, parce qu'aussitôt que le péril est passé, on en parle avec plaisir, et que souffrir par obéissance est une chose douce et agréable pour ceux qui aiment autant cette vertu que ces bonnes religieuses l'aiment. Nous arrivâmes à Burgos le lendemain de la conversion de Saint Paul un vendredi vingt-sixième jour de janvier, et notre Père Provincial nous ordonna d'aller à l'église devant le Saint Crucifix, tant pour recommander l'affaire à Notre-Seigneur, que pour y attendre l'entrée de la nuit, étant alors encore grand jour. Il avait résolut que nous ne perdrions point de temps pour faire cette fondation, et j'avais apporté plusieurs lettres du Chanoine Salinas dont j'ai parlé dans celle de Palencia et qui n'a pas eu moins de part en celle-ci ; comme aussi d'autres personnes de qualité qui écrivirent avec grande affection à leurs parents et à leurs amis pour les prier de nous assister. Ils n'y manquèrent pas, et vinrent tous nous voir dès le lendemain.
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
gras ajoutés.
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS.
Par Sainte Thérèse d'Avila.
(CHAPITRE 30)
6. Des députés de la ville vinrent aussi me témoigner leur joie de mon arrivée, et me prier de leur dire en quoi ils me pourraient favoriser. Comme notre seule appréhension n'était que de ce côté-là, nous ne craignîmes plus alors de rencontrer quelque obstacle, et aussitôt que nous fûmes arrivées chez la bonne Catherine De Toluca sans que personne en eut connaissance à cause que nous y allâmes par une très-grande pluie, nous résolûmes de faire savoir l'état des choses à l’Archevêque, afin qu'il lui plût de donner la permission de faire dire la Messe comme j'avais accoutumé de le pratiquer. Mais le succès ne répondit pas à mon espérance.
N'y ayant point de bons traitements que cette sainte femme ne nous fit, nous nous délassâmes cette nuit, et je n'eus pas néanmoins peu à souffrir, parce qu'ayant fait faire un grand feu pour nous sécher. Après avoir été si mouillées, quoique ce fut dans une cheminée, je ne pouvais le lendemain lever la tête ni parler qu'étant couchée à ceux qui me venaient voir au travers d'une petite fenêtre treillissée sur laquelle on avait tendu un voile, ce qui me donnait beaucoup de peine, à cause qu'il me fallait nécessairement traiter de nos affaires.
Notre père Provincial alla dès le lendemain demander la bénédiction à l’Archevêque dans la créance qu'il ne restait plus aucune difficulté : et il le trouvait en aussi mauvaise humeur de ce que j'étais venue sans sa permission, que s'il ne me l'eût point accordée, et qu'il n'eut jamais entendu parler de l'affaire. Il témoigna à ce Père d'être mécontent de moi, et fut contraint néanmoins de demeurer d'accord qu'il m'avait mandé de venir : mais il dit qu'il entendait que ce fut seulement pour traiter l'affaire, et non pas avec ce grand nombre de religieuses. Le Père provincial lui répondit que nous avions crû qu'il n'y avait plus rien à négocier, et qu'il ne restait qu’à nous établir, puisque nous avions obtenu de la ville le consentement qu'il avait jugé à propos d'avoir, et qu'ayant demandé à l’Évêque de Palencia s'il serait bon que j'allasse sans le lui faire savoir, il m'avait dit que je n'en devais point faire difficulté, parce que cette fondation lui était très-agréable. Cette réponse le surprit extrêmement; mais ne le fit point changer : et si Dieu, qui voulait cet établissement, n'eut permis que nous nous fussions conduites de la sorte, il ne se serait point fait; l'Archevêque ayant avoué depuis que si nous lui eussions demandé la permission de venir, il nous l'aurait refusée. La conclusion fut, qu'à moins que d'avoir une maison en propre et du revenu, il ne souffrirait point notre établissement; que nous n'avions qu'à nous en retourner; et que le temps et les chemins n'étaient plus mauvais. Seigneur mon Dieu, qu'il parait bien que l'on ne Vous rend point de service sans en être récompensé par quelque grande peine, et que cette peine serait agréable à ceux qui Vous aiment véritablement s'ils connaissaient d'abord quel en est le prix.
.
gras ajoutés.
à suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse d’Avila.
(CHAPITRE 30)
7. Mais nous n'étions pas alors capables de le comprendre, parce qu'il nous paraissait impossible de faire ce que proposait ce prélat, à cause qu'il ne voulait pas que l'achat de la maison et notre revenu se prissent sur ce qu’apporteraient les religieuses que nous recevrions et quel moyen dans un temps tel que celui où nous sommes de trouver du remède à une si grande difficulté ? Je ne désespérais néanmoins de rien, tant j'étais persuadée que tout ce qui nous arrivait était pour notre avantage ; que c'étaient des artifices du démon pour traverser une si bonne œuvre ; et que Dieu ne manquerait pas de la faire réussir. Comme le Père Provincial ne s'était point troublé de cette réponse, il me la rapporta avec un visage gai, et Dieu le permit pour m'épargner la peine que j'aurais eue s'il m'eut témoigné être mal satisfait de ce que je n'avais pas demandé par écrit la permission de l'Archevêque ainsi qu'il me l'avait conseillé. Le Chanoine Salinas, qui ne s'était pas contenté de nous donner comme les autres des lettres de recommandation, mais avait voulu venir avec nous, fut d'avis lui et ses parents que nous demandassions permission à l'Archevêque de faire dire la Messe dans la maison où nous étions, tant parce qu'étant nu-pieds, c’aurait été une chose indécente de nous voir aller ainsi par les rues au travers des boues, qu'à cause qu'il se rencontrait y avoir dans cette maison un lieu qui avait durant plus de dix ans servi d'église aux Pères de la Compagnie de Jésus lorsqu'ils étaient venus pour s'établir à Burgos ; et que nous aurions pu même par cette raison prendre possession avant que d'avoir acheté une maison.
Mais quoique deux Chanoines fussent allés demander cette permission à ce prélat, il ne voulut jamais l'accorder. Tout ce qu'ils purent obtenir de lui fut que quand nous aurions un revenu assuré, il consentirait à la fondation quoique nous n'eussions point encore de maison en propre, pourvu que nous nous obligeassions d'en acheter une et donnassions pour cela des cautions. Ensuite de cette réponse, les amis du Chanoine Salinas s'offrirent de nous cautionner, et Catherine De Toluca de nous donner du revenu. Plus de trois semaines se passèrent dans ces négociations pendant lesquelles nous n'entendions la Messe que les fêtes de grand matin, et j'étais toujours malade et avec la fièvre : mais il ne se pouvait rien ajouter au bon traitement que nous faisait Catherine De Toluca. Elle nous nourrit durant un mois dans un appartement de sa maison ou nous vivions retirées, et prenait tant de soin de nous, que quand nous aurions été ses propres filles, elle n'aurait pu nous témoigner plus d'affection. Le Père Provincial et ses compagnons logeaient chez un de ses amis avec qui il avait fait connaissance dès le Collège nommé le docteur Mansa, Chanoine et théologien de la grande église, et il était assez ennuyé de ce long retardement ; mais il ne se pouvait résoudre à nous quitter.
Ce qui regardait les cautions et le revenu étant résolu, l'Archevêque nous renvoya au Proviseur pour expédier l'affaire; mais le démon nous suscita de nouvelles traverses : car lorsque nous ne pensions plus qu'il put y avoir de difficulté, ce Proviseur nous manda, que l'on ne donnerait point de permission qu'après avoir acheté une maison, parce que l'Archevêque ne voulait pas que la fondation se fît dans celle où nous étions alors, à cause qu'elle était trop humide et dans une rue trop exposée au bruit, comme aussi parce que la sureté pour le revenu n'était pas entière, et autres choses semblables. Ainsi il semblait que l'on ne fit que commencer à négocier l'affaire, quoiqu'il y eût plus d'un mois qu'elle se traitait, et ce Proviseur ajoutait qu'il n'y avait point à répliquer, puisqu'il fallait que la maison fut agréable à l'Archevêque
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
à suivre…
Dieu me dit sans que je fusse en oraison : Thérèse, c'est maintenant qu'il faut tenir ferme.
Dieu ne nous dit-Il pas la même chose aujourd'hui ?
.
.
FONDATION DE BURGOS (CHAPITRE 30)
8. Notre Père Provincial ne put non plus que nous toutes, entendre sans émotion des propositions si déraisonnables : car quel temps n'aurait-il point fallu pour acheter une maison propre à y bâtir un monastère ? Et il ne pouvait souffrir aussi la peine que ce nous était d'être obligées de sortir pour aller à la Messe, quoique l'église ne fut pas fort éloignée et que nous l'entendissions dans une chapelle où nous n'étions vus de personne. Il fut d'avis, s'il m'en souvient bien, que nous nous en retournassions : mais, me souvenant du commandement que Notre-Seigneur m'avait fait de travailler à cette affaire, je me tenais si assurée qu'elle s'achèverait, que je ne pouvais consentir à ce retour, et ne me tourmentais point de ce retardement. J'avais seulement beaucoup de déplaisir de ce que ce bon Père était venu avec nous, ne sachant pas combien ses amis nous devaient servir, ainsi qu'on le verra dans la suite.
Lorsque j'étais dans cette peine, et qu'encore que celle de mes compagnes fut beaucoup plus grande, je la considérais peu en comparaison de celle du Père Provincial. Dieu me dit sans que je fusse en oraison : Thérèse, c'est maintenant qu'il faut tenir ferme. J’exhortai alors plus hardiment que jamais le Père Provincial de partir pour aller prêcher le Carême au lieu où il s'était engagé, et Notre-Seigneur le disposa sans doute à s'y résoudre. Avant que de partir, il fit en sorte par le moyen de ses amis que l'on nous donna un petit logement dans l'hôpital de la Conception où était le Très-Saint Sacrement, et où nous pouvions tous les jours entendre la Messe.
Cela le satisfit un peu, mais non pas entièrement : car une veuve qui avait loué une bonne chambre dans cet hôpital non seulement ne voulut pas nous la prêter, quoiqu'elle n'y dût aller de six mois, mais elle fut si fâchée de ce que l'on nous avait donné quelque petit galetas par où l'on pouvait passer à son quartier, qu'elle ne se contenta pas de fermer ce passage à la clef, elle le fit encore clouer par dedans. Dieu permit de plus pour nous faire mériter davantage par tant de traverses que les confrères de cet hôpital s’imaginant que nous avions dessein de nous l'approprier, nous obligèrent, le Père Provincial et moi, à promettre par devant notaires d’en déloger à la première signification qu'ils nous en feraient. Cela me fit plus de peine que tout le reste, parce que cette veuve étant riche et bien apparentée j'appréhendais qu'à la première fantaisie qui lui prendrait, elle nous obligeât à sortir. Le Père Provincial qui était plus sage que moi fut d’avis au contraire de faire tout ce qu'elle désirait afin d'y entrer plus promptement.
On ne nous donna qu'une chambre et une cuisine : mais l'administrateur de l'hôpital, nommé Ferdinand De Matanza, qui était un très-homme de bien, nous en donna encore deux autres, dont l'une nous servait de parloir : et comme il était très-charitable et grand aumônier, il nous fit outre cela beaucoup de bien. François De Cuevas, maitre des postes de la ville, qui avait grand soin de cet hôpital, ne nous en fit pas moins, et il continue de nous assister en toutes rencontres. Je nomme ici ceux à qui nous sommes si obligées afin que les religieuses qui sont vivantes et celles qui leur succéderont se souviennent d'eux dans leurs prières, et elles doivent avec encore plus de raison s'acquitter de ce devoir envers nos fondatrices. Quoi que je ne crusse pas d'abord que Catherine De Toluca serait de ce nombre, sa piété l'a rendu digne devant Dieu d'en être, puisqu'elle s'est conduite de telle sorte dans toute cette affaire que l’on ne pourrait l'en exclure sans injustice. Car outre qu'elle acheta la maison que nous ne pouvions avoir sans elle, on ne saurait croire combien toutes ces difficultés de l'Archevêque lui ont donné de peine par l'extrême affliction que ce lui était de penser que l'affaire pourrait ne pas réussir, et elle ne s'est jamais lassée de nous obliger. Encore que cet hôpital fut fort éloigné de son logis, il ne se passait presque point de jour qu'elle ne nous vint voir, et elle nous envoyait tout ce dont nous avions besoin, quoiqu'on lui en fît sans cesse tant de railleries qu'à moins que d’avoir autant de bonté et de courage qu'elle en avait, elle nous aurait abandonnées. Ces peines qu'on lui faisait m'en donnaient une très-grande: car bien qu'elle s'efforçât de les cacher, elle ne pouvait quelquefois les dissimuler, principalement lorsqu'elles touchaient sa conscience.
.
à suivre…
Dieu me dit sans que je fusse en oraison : Thérèse, c'est maintenant qu'il faut tenir ferme.
Dieu ne nous dit-Il pas la même chose aujourd'hui ?
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse D'Avila
(CHAPITRE 30)
9. Elle l'avait si bonne, que quelque sujet que ces personnes lui donnassent de s'aigrir contre elles, je n'ai jamais entendu sortir de sa bouche une seule parole qui put offenser Dieu. Ils lui disaient qu'elle se damnait, et qu'ils ne comprenaient pas comment ayant des enfants, elle croyait pouvoir sans péché en user de la sorte : mais elle ne faisait rien que par le conseil de gens savants et habiles ; et encore qu'elle ne l'eût pas voulu, je n'aurais jamais souffert qu'elle y eût manqué quand cela aurait empêché la fondation non seulement de ce monastère, mais de mille monastères. Je ne m'étonne pas néanmoins que la manière dont cette affaire se traitait, n'étant point sue, on en portât des jugements si désavantageux ni qu'ils le fussent même encore davantage. Comme c’était une personne extrêmement prudente et discrète, elle leur répondait si sagement qu'il paraissait que Notre-Seigneur la conduisait pour la rendre capable de contenter les uns, de souffrir des autres, et de ne se point décourager dans la suite de cette entreprise, ce qui montre combien lorsque l'on est véritablement à Dieu on est plus propre à traiter des affaires importantes que ceux qui ne sont considérables que par la grandeur de leur naissance, quoique cette vertueuse femme dont je parle fut très-bien demoiselle.
Le Père Provincial nous ayant donc procuré une maison où nous pouvions sans rompre notre Clôture entendre tous les jours la Messe, il reprit courage et s'en alla à Valladolid où il était obligé de prêcher. Il avait de la peine néanmoins de voir l'Archevêque peu disposé à nous accorder la permission qui nous était nécessaire, et il ne me pouvait croire lorsque je tâchais à lui persuader de bien espérer. Nos amis qui espéraient encore moins que lui le fortifiaient dans sa défiance, et il ne faut pas s'en étonner vu le sujet qu'ils en avaient. Ainsi son absence me soulagea, parce comme je l'ai dit, que ma plus grande peine venait de la sienne. Il nous ordonna en partant de travailler à acheter une maison : mais cela n'était pas facile à cause qu'on n'avait pas encore pu en trouver qui nous fut propre et que nous eussions moyen d'acquérir. Nos amis et particulièrement les deux qui restaient des siens, redoublèrent durant son éloignement les soins qu'ils avaient de nous, et résolurent de ne point faire parler à l'Archevêques jusqu’à ce que nous eussions une maison. Ce prélat disait toujours qu'il désirait plus que personne que la fondation se fît ; et il est si homme de bien que je ne saurais croire qu'il ne dit pas vrai. Ses actions néanmoins témoignaient le contraire, puisqu'il ne nous proposait que des choses impossibles : et c'était sans doute par un artifice du démon qu'il agissait de la sorte. "Mais comme Vous êtes Tout-Puissant, mon Dieu, vous fîtes réussir cette affaire par le même moyen dont cet esprit de ténèbres se servait pour la ruiner. Que soyez-Vous béni à jamais."
Nous demeurâmes dans cet hôpital depuis la veille de Saint Mathias jusqu’à la veille de Saint Joseph, travaillant toujours à acheter une maison, sans que l'on en put trouver qui nous fut propre. On me donna avis d'une qu’un gentilhomme voulait vendre et que plusieurs religieux qui en cherchaient aussi bien que nous avaient vue sans qu'elle leur eût plu. Je crois que Dieu le permit ainsi : car ils s'en étonnent maintenant, et quelques-uns même s'en repentent. Deux personnes m'en avaient parlé avantageusement : mais tant d'autres m'en avaient dégoûtée que je n'y pensais plus du tout. Étant un jour avec le licencié Aguero que j'ai dit ailleurs être tant des amis de notre Père Provincial et qui s'employait pour nous avec un extrême soin, il me dit qu'après en avoir tant cherché, il ne croyait pas possible d'en trouver une qui nous fut propre. Celle de ce gentilhomme me vint alors dans l'esprit, et je pensai qu'encore qu'elle fut telle qu'on me l'avait représentée, nous pourrions nous en servir dans un si pressant besoin, et ensuite la revendre. Je la lui proposai et parce qu'il ne l'avait point encore vue, je le priai d'y aller. Il partit à l'heure même quoiqu'il fît le plus mauvais temps du monde, et celui qui l'avait louée n’ayant point d'envie qu'on la vendît refusa de la lui montrer : mais l’assiette et tout ce qu'il en put voir le satisfit tellement que sur son rapport, nous résolûmes de l'acheter
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse d'Avila.
(CHAPITRE 30)
10. Le gentilhomme à qui elle appartenait était absent ; et il avait donné pouvoir de la vendre à un ecclésiastique fort homme de bien. Dieu inspira à ce bon prêtre le désir d'en traiter avec nous et il y agit fort franchement. On trouvait à propos que je la visse ; j'y allai, et la trouvait si à mon gré, que quand on l'aurait voulu vendre deux fois autant j'aurais crû l'avoir à bon marché ; y a-t-il sujet de s'en étonner puisque deux ans auparavant ce gentilhomme en avait refusé le prix qu'on en demandait alors ? Le lendemain, cet ecclésiastique me vint trouver avec le licencié, qui n'étant pas moins satisfait que moi de la maison, voulait que l'on conclut à l’heure même : et sur ce que je lui dis que quelques-uns de nos amis croyaient que ce serait l'acheter cinq cens ducats plus qu'elle ne valait, il me répondit qu'il était très-persuadé du contraire : et mon sentiment était si conforme au sien, qu'il me semblait que c'était l'avoir pour rien : mais parce que cette somme se devait payer de l'argent de l'Ordre, je marchais avec retenue. Ce fut la veille de la fête du glorieux Saint Joseph que nous commençâmes de traiter avant la Messe ; et je priai ces messieurs qu'aussitôt qu'elle serait dite nous nous rassemblassions pour terminer cette affaire. Comme le licencié est un homme de fort bon esprit et qu'il jugeait bien qu'il n'y avait point de temps à perdre, puisque si la chose se divulguait, il nous en coûterait beaucoup davantage, il tira parole de l'ecclésiastiques de revenir près la Messe.
Nous recommandâmes cette affaire à Dieu, et Il me dit : vous arrêtez-vous à de l'argent ? me faisant connaître par ces paroles que la maison nous était propre : nos sœurs avaient extrêmement prié S. Joseph qu'elles pussent en avoir une au jour de sa Fête ; et lorsqu'il y avait le moins de sujet d'espérer que cela se fit sitôt, il se trouvait fait. Le licencié rencontra au sortir du logis un notaire si à propos qu'il semblait que Notre-Seigneur l'eut envoyé pour ce sujet. Il l'amena et me dit qu'il fallait conclure à l’heure même. Il fit venir des témoins, ferma la porte de la salle de peur que quelqu'un n'apprît ce qui se passait, et ce traité s'achevait avec toutes les suretés nécessaires par le soin et la diligence d'un si excellent ami. Personne ne se fut imaginé que l'on eût donné cette maison à si bon marché, et le bruit n'en fut pas plutôt répandu que ceux qui avaient envie de l'acheter dirent que cet ecclésiastique l'avait donnée pour rien, et que le marché étant frauduleux, il le fallait rompre. Ainsi ce bon prêtre n'eut pas peu à souffrir. Il en donna avis à ce gentilhomme et à sa femme qui était aussi de fort bonne maison : et au lieu d'en être mécontents, ils témoignèrent de la joie de voir leur logis converti en un monastère. Ainsi ils ratifièrent le contrat, et n'auraient pu quand ils auraient voulu le refuser. Le lendemain on achevait de passer les actes nécessaires, on paya le tiers du prix et l'on demeura d'accord de quelques conditions plus avantageuses pour le vendeur que ne portait le contrat : mais ce bon ecclésiastique le désira, et on ne put le lui refuser.
Quoiqu'il puisse paraître ridicule de m'être tant arrêtée sur l'achat de cette maison, je crois que si l'on considère la manière dont cette affaire se passa, on jugera qu'il y a eu du miracle, tant en ce qui regarde le prix, l'ayant eue à si bon marché, qu'en ce qu'il semble que tous ces religieux qui l'avaient vue aient été aveuglé d'avoir manqué à l'acquérir. Car tous ceux qui la virent ensuite ne s'en étonnaient pas seulement, mais disaient qu'ils avaient perdu l'esprit. Ainsi une communauté de religieuses qui cherchait une maison à acheter, deux autres communautés de l'une desquelles le monastère avait été brûlé, et une personne riche qui en voulait fonder un, ayant tous vu cette maison, pas un n'en voulut, et aujourd’hui tous s'en repentent. Nous connûmes par le bruit que cela fit dans la ville que ce bon licencié Aguero avait eu raison de tenir la chose secrète et de n'y perdre pas un moment, puisque nous pouvons dire avec vérité qu'après Dieu nous lui sommes obligées d'une acquisition qui nous est si avantageuse. Il faut avouer qu'un esprit capable de tout comme était le sien, joint à une aussi grande affection que celle que Dieu lui avait donnée pour nous, étaient nécessaires pour faire réussir une telle affaire. Il travailla ensuite plus d'un mois à nous aider à tout accommoder pour nous loger, ce qui se fit avec peu de dépense, et il paraît que Notre-Seigneur avait jeté les yeux sur cette maison pour l'employer à Son service, tant nous y trouvâmes toutes choses si disposées qu'elles semblaient avoir été faites pour ce dessein.
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
Gras ajoutés.
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse d’Avila.
CHAPITRE 30)
11. Il me paraissait que c'était un songe de voir en si peu de temps tout en état de nous recevoir et que Dieu nous récompensait ainsi avec usure de ce que nous avions souffert, en nous mettant dans un lieu que le jardin, la vue, et les eaux rendaient si extrêmement agréable. L'Archevêque en eut aussitôt avis et parut être fort aise de ce que nous avions si bien rencontré dans la créance que son opiniâtreté en avait été la cause : en quoi il avait raison. Je lui écrivis pour lui témoigner ma joie de ce qu'il était satisfait, et l'assurai que je ne perdrais point de temps pour mettre la maison en état que nous y pussions aller, afin qu'il lui plût d'achever la faveur qu'il avait commencé de nous faire. Je me hâtai d'autant plus d'exécuter ce que je lui promettais que je sus que l'on nous voulait retarder sous prétexte de je ne sais quels autres actes. Ainsi quoiqu'il se passât quelque temps avant que de pouvoir faire sortir un locataire qui y demeurait, nous ne laissâmes pas d'y aller et de nous loger dans une autre partie de cette maison. On me dit aussitôt après que l'Archevêque n'en était pas content. Je l'adoucis le mieux que je pus ; et comme il est bon, sa colère passe aisément. Il se faisait encore lorsqu'il apprit que sans savoir s'il l'approuvait, nous avions fait mettre des grilles. Je lui écrivis et lui mandai que les religieuses en avaient toujours ; mais que je n’avais osé rien faire dans la maison qui marquât que ce fut un monastère, ni seulement par cette raison y mettre une croix ; et il était vrai. Cependant quelqu’affection qu'il témoignât nous porter nous ne pouvions obtenir de lui la permission.
Il vint voir notre maison, me dit qu'il en était fort content, et nous fit paraître beaucoup de bonne volonté ; mais sans nous promettre de donner la permission. Il nous la fit seulement espérer, et l'on devait passer certains actes avec Catherine De Toluca dont l'on appréhendait qu'il ne fut pas satisfait. Le docteur Mansa cet autre ami du Père Provincial qui était fort bien auprès de lui, tâchait de prendre le temps à propos pour avoir son consentement, parce qu'il ne pouvait souffrir la peine que ce nous était d'être obligées de sortir pour aller à la Messe : car encore qu'il y eût une chapelle dans la maison où on la disait avant que nous l'eussions achetée, ce prélat n'avait point voulu le permettre. Ainsi nous étions contraintes les dimanches et les Fêtes de l'entendre dans une église qui se trouvait par bonheur être assez proche, et cela dura environ un mois depuis le temps que nous entrâmes dans cette maison jusqu’à l'établissement du monastère. Comme toutes les personnes savantes croyaient que ce que l'on disait auparavant la Messe chez nous suffisait pour nous faire accorder la même permission et que l’Archevêque était trop habile pour l'ignorer, il ne paraissait point d'autre cause de son refus sinon que Dieu voulait nous faire souffrir. Je le supportais assez patiemment : mais une de nos religieuses en avait tant de peine qu'elle ne mettait pas plutôt le pied dans la rue qu'il lui prenait un grand tremblement.
Nous ne trouvâmes pas peu de difficulté à achever de passer tous ces actes, parce que tantôt l'Archevêque se contentait des cautions que nous lui présentions, tantôt il voulait que nous donnassions de l'argent comptant, et nous faisait ainsi mille peines. Il n'y avait pas néanmoins tant de sa faute que de celle de son Proviseur qui ne se lassait point de nous tourmenter : et si Dieu ne lui eut enfin changé le cœur, je crois que l'affaire ne se serait jamais achevée. C'est une chose incroyable que ce que souffrit la bonne Catherine De Toluca. Je ne pouvais assez admirer sa patience, et le plaisir qu'elle continuait de prendre à nous assister. Elle ne nous donna pas seulement des lits : elle nous donna aussi les autres meubles qui nous étaient nécessaires, et généralement tout ce dont nous avions besoin pour nous établir : et quand elle ne l'aurait pas trouvé chez elle, je ne doute point qu'elle ne l'eût acheté plutôt que de nous en laisser manquer. D'autres fondatrices de nos monastères nous ont donné beaucoup plus de bien : mais nulle n'a eu pour ce sujet la dixième partie de tant de peine ; et si elle n'eut point eu d'enfants, elle nous aurait sans doute donné tout son bien ; son ardeur pour l'établissement de ce monastère étant si grande qu'elle croyait même ne rien faire.
.
Gras ajoutés.
à suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
Italique, police et couleur ajoutés
à suivre…
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse d’Avila.
(CHAPITRE 30)
12. Voyant un si long retardement, j'écrivis à l'Évêque de Palencia pour le supplier, qu'encore que par son extrême affection pour nous, il fut mal satisfait de l'Archevêque, il voulût bien lui écrire pour lui représenter, que puisque nous avions une maison et qu'on avait fait ce qu'il avait voulu, rien ne devait plus l'empêcher d'achever l'affaire. Il m'envoya une lettre ouverte conçue en des termes si forts que c’aurait été tout perdre que de la rendre. Ainsi le docteur Mansa qui je me confessais et sans le conseil duquel je ne faisais rien, ne jugea pas à propos de la donner. Ce n'est pas qu'elle ne fut fort civile ; mais il y avait de certaines vérités qui de l'humeur qu'était l'Archevêque auraient été capables de l'irriter, étant déjà aigri par des choses qu'il lui avait mandées, et qui l'avaient porté à me dire que la mort de Notre-Seigneur avait rendu amis ceux qui auparavant étaient ennemis : mais que d'amis qu'ils étaient l'Évêque de Palencia et lui, je les avais rendus ennemis : à quoi je lui avait répondu, que le temps lui ferait connaître la vérité, et qu'il n'y avait point de soin que je ne prisse pour les empêcher d'être mal ensemble. J'écrivis ensuite à l'Évêque pour le supplier de m'envoyer une lettre plus douce, et lui représentai les raisons qui me faisaient croire qu'il rendrait en cela un service agréable à Dieu. Cette considération jointe au plaisir qu'il prenait à m'obliger le fit résoudre à me l'accorder, et il m'écrivit en même temps que tout ce qu’il avait jamais fait en faveur de notre Ordre n'était rien en comparaison de ce que lui avait coûté cette lettre. Elle vint si à propos que l'Archevêque après l'avoir reçue par le docteur Mansa nous envoya cette permission si longtemps poursuivie et attendue par le bon Ferdinand De Matanza qui fut ravi d'en être le porteur. Il se rencontra que ce même jour que nos sœurs et la bonne Catherine De Toluca étaient plus découragées qu'elles ne l'avaient encore été, et que moi-même qui avait toujours eu tant de confiance, l'avait perdue la nuit précédente, comme si Notre-Seigneur eut pris plaisir à nous voir dans une plus grande peine que jamais lorsqu'Il était prêt de nous consoler. Que Son saint nom soit loué dans tous les siècles.
L'Archevêque permit ensuite au docteur Mansa de faire dire le lendemain la Messe chez nous, et que l'on y mît le Très-Saint Sacrement. Ce bon docteur dit la première, et le Père Prieur de Saint Paul, Dominicain à qui notre Ordre est fort obligé aussi bien qu'aux Pères de la Compagnie de Jésus, dit la Grand’messe. Elle fut chantée avec beaucoup de solennité par des musiciens que l'on n'en avait point prié : tous nos amis y assistèrent avec une grande joie, et presque toute la ville qui n'avait pu voir sans compassion ce que nous avions souffert, et sans blâmer tellement la conduite de l'Archevêque que j'étais souvent plus touchée de la manière dont on en parlait que de ce que nous endurions. Le contentement de la bonne Catherine De Toluca et de nos sœurs était si grand qu'il me donnait de la dévotion, et je disais à Notre-Seigneur : « qu’est-ce mon Dieu que vos servantes sauraient souhaiter davantage que d'employer toute leur vie à Votre service dans un lieu d'où elles ne sortent jamais afin de ne s'occuper que de Vous ? » il faut l'avoir éprouvé pour comprendre quelle était notre joie en ces fondations quand nous nous trouvions dans une Clôture où les personnes séculières ne pouvaient entrer, parce qu'encore que nous les aimions beaucoup, nulle consolation n'égale celle que nous avons d'être seules. Il me semble qu’on peut alors nous comparer à des poissons qui rentrent dans l'eau d’où on les avait tirés, car les âmes nourries dans les eaux vives des faveurs de Dieu se voyant comme prises en des filets quand on les engage dans le commerce du monde, peuvent à peine respirer jusques à ce qu'elles rentrent dans leur sainte solitude.
Je l'ai remarqué en toutes nos sœurs : et sais par expérience que les religieuses qui désirent de sortir pour converser avec les séculiers, ou de communiquer beaucoup avec eux, n'ont jamais goûté de cette eau vive dont Notre-Seigneur parla à la samaritaine, et que cet Époux Céleste s’éloigne d’elles avec justice quand Il voit qu’elles ne connaissent pas l’extrême bonheur que ce leur est de demeurer avec Lui. J'appréhende que ce malheur ne leur arrive de l'une de ces deux causes, ou de n'avoir pas embrassé purement pour son amour la profession religieuse, ou de ne connaître pas assez la faveur qu' Il leur a faite de les appeler à Son service, et de les empêcher par ce moyen d'être assujetties à un homme qui est souvent cause de leur mort non seulement temporelle, mais éternelle. " ô Jésus-Christ Mon Sauveur et mon Saint Époux, qui êtes tout ensemble véritablement Dieu et véritablement homme, une si grande faveur doit-elle donc être si peu estimée ? " rendons-lui grâces, mes sœurs, de nous l'avoir faite, et ne cessons point de louer ce puissant Roi, qui pour nous récompenser de quelques petits travaux qui ont si peu duré et qui ont même été mêlés de diverses consolations, nous prépare un royaume qui n'aura jamais de fin.
Quelques jours après cette fondation, il nous sembla au Père Provincial et à moi que se rencontrant des circonstances dans le revenu que Catherine De Toluca nous avait donné qui seraient capables de nous causer des procès, et à elle du déplaisir, il valait mieux mettre toute notre confiance en Dieu que de laisser des sujets de contestation dont elle put recevoir la moindre peine. Ainsi étant toutes assemblées dans le Chapitre, nous renonçâmes avec la permission de ce Père à tout le bien que nous tenions d'elle, et lui remîmes entre les mains tous les contrats qui en avaient été passés. Cela se fit très-secrètement, de peur que l’Archevêque ne le sût, parce qu'il l'aurait trouvé fort mauvaise, quoique nous seules en reçussions du préjudice. Car quand une maison ne possède rien, elle ne peut manquer de rien à cause que chacun l'assiste; au lieu que lorsque l'on croit qu'elle a du revenu elle court fortune de beaucoup souffrir, ainsi que celle-là fait maintenant ; mais après la mort de Catherine De Toluca, elle ne sera pas en cette peine, parce que deux de ses filles qui avaient en cette même année fait profession dans le monastère de Palencia ayant renoncé à leur bien, cette renonciation a été déclarée nulle et ordonné qu'elle tournera au profit de celui de Burgos; ; ce qui joint à ce qu'une troisième de ses filles qui a pris l'habit à Burgos et qui était en liberté de disposer de ce qui lui appartenait de la succession de son père et de sa mère, a voulu aussi le donner à cette maison, égale le revenu que leur mère nous avait donné.DEO GRATIAS !
.
Italique, police et couleur ajoutés
à suivre…
Dernière édition par ROBERT. le Mer 15 Déc 2010, 8:49 pm, édité 1 fois (Raison : balisage)
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: FONDATION DE BURGOS (SAINTE THÉRÈSE D'AVILA)
.
prochaine Fondation: SORIA
.
.
FONDATION DE BURGOS
Par Sainte Thérèse d'Avila.
(CHAPITRE 30)
14. La seule difficulté est que ce monastère n'en jouit pas dès à présent : mais je ne saurais appréhender que rien lui manque, puisque Dieu qui fait subsister ceux qui ne vivent que d'aumônes suscitera sans doute quelqu'un qui assistera ces bonnes religieuses, ou y pourvoira par d’autres voles. Néanmoins parce que nous n'avions encore fondé aucun monastère qui se trouvait en cet état, je demandais quelquefois à Dieu, que puisqu'Il l'avait permis, il Lui plût de considérer ses besoins et je n'avais point d'envie de m'en aller que je ne visse des effets de ma prière par l'entrée de quelque fille qui y aurait apporté du bien : mais un jour que j'y ensois après avoir communié, Notre-Seigneur me dit : de quoi vous inquiétez-vous ? Cela est déjà fait, et rien ne vous doit empêcher de partir, me faisant connaître par ces paroles que l'on pourrait y subsister : car tout se passa de telle sorte que je n'en fus depuis non plus en peine que si je les eusse laissées avec un revenu suffisant et très-assuré. Ainsi, je ne pensai plus qu'à m'en retourner comme n'ayant plus affaire dans cette maison qu'à jouir du contentement d'y être parce qu'elle me plait fort ; au lieu que je pourrais, par mes travaux, profiter à d'autres.
La fondation de ce monastère réchauffa l'amitié de l'Archevêque et de l'Évêque de Palencia, et ce premier nous a toujours depuis témoigné beaucoup d'affection. Il a donné l'habit à la fille de Catherine De Toluca et à une autre ; et quelques personnes jusqu’ici nous font sentir des effets de leur charité. Ainsi j'espère que Notre-Seigneur ne permettra pas que Ses Épouses souffrent, pourvu qu'elles continuent à Le servir comme elles y sont obligées : je Le prie par Son infinie miséricorde de leur en faire la grâce. J'ai écrit ailleurs de quelle sorte Saint Joseph d’Avila qui a été le premier de nos monastères, fut fondé dans la dépendance de l'Ordinaire ; et je crois devoir dire maintenant comment il passa dans celle de notre Ordre.
Dom Alvarez De Mendoçe, maintenant Évêque de Palencia l'était d'Avila quand ce monastère y fut fondé. Il ne se pouvait rien ajouter à l'affection dont il nous favorisait ; et lorsque nous lui promîmes obéissance Notre-Seigneur me dit : que nous ne pouvions mieux faire . Les suites l'ont bien fait voir, n'y ayant point d’assistance que notre Ordre n'ait reçue de lui dans toutes les occasions qui s'en sont présentées. Il voulut être lui-même notre visiteur sans permettre que nul autre s'en mêlas ; et il n’ordonnait rien dans notre monastère que sur ce que je lui représentais, et à ma prierai. Dix-sept ans ou environ, car je ne me souviens pas précisément du temps, se passèrent de la sorte : mais quand il fut fait Évêque, Notre-Seigneur me dit dans le monastère de Palencia, où j'étais alors : qu'il fallait que celui de Saint Joseph fut soumis à l'Ordre, et que j' y travaillasse parce qu' autrement cette maison pourrait bientôt se relâcher. Cette contrariété entre ce que Dieu m'avait dit dans ces divers temps me mit en peine.
J'en parlai à mon confesseur maintenant Évêque d'Osme, très-savant et très-capable. Il me dit que cela ne devait point m'embarrasser, puisque des choses sont avantageuses en des temps qui ne le sont pas en d'autres (ce que j'ai éprouvé en plusieurs rencontres être très-véritable) et qu'il trouvait qu'en effet il était plus à propos que ce monastère fut soumis à l'Ordre comme les autres que d’être le seul qui ne le fut pas. J'allai pour lui obéir à Avila traiter de cette affaire avec l'Évêque, et l'y trouvai fort opposé : mais lui ayant représenté de quelle importance cela était pour les religieuses qu'il avait la bonté de tant affectionner, il considéra mes raisons et comme il est très-habile et que Dieu nous assistait, il lui en vint encore d'autres dans l'esprit qui le firent résoudre à m'accorder ma demande, quoique quelques-uns de ses ecclésiastiques firent tout ce qu'ils purent pour l'en détourner. Le consentement des religieuses étant nécessaire aussi, quelques-unes avaient peine à le donner ; mais parce qu'elles m'amodient beaucoup, elles se rendirent à mes raisons dont celle qui leur fit le plus d’impression fut, que l'Évêque à qui l'Ordre était si obligé et pour qui j'avais tant de respect et d'affection venant à manquer, elles ne m'auraient plus avec elles. Ainsi cette importante affaire fut terminée, et l'on a vu clairement depuis qu'il y allait de la conservation de cette maison. Que Notre-Seigneur soit Béni et loué à jamais de prendre tant de soin de Ses servantes. Ainsi soit-il.
Toutes les susdites fondations sont écrites de la main de Sainte Thérèse dans le livre qui avec les autres Traités aussi écrits de sa main est dans la bibliothèque du Roi Dom Philippe du monastère royal de S. Laurens De L’Escurial : et ce qui suit qui est écrit de la main de la Mère Anne De Jésus étant sur le même sujet et si conforme au style de la sainte, on a crû l'y devoir ajouter.
FIN...
prochaine Fondation: SORIA
.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum