LE DON D'INTELLIGENCE (Saint Thomas d'Aquin) - Complet
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Re: LE DON D'INTELLIGENCE (Saint Thomas d'Aquin) - Complet
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à suivre...
IIa-IIæ, qu. 8, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA FOI
QUESTION 8.
LE DON D'INTELLIGENCE
ARTICLE 5.
Le don d'intelligence se rencontre-t-il même chez ceux qui n'ont pas la grâce sanctifiante ? (suite)
SOLUTIONS : 1. Saint Augustin donne le nom d'intelligence à toute illumination de l'esprit, quelle qu'elle soit. Celle-ci cependant ne parvient à la parfaite réalisation du don que si l'esprit de l'homme est amené jusqu'à ce point où l'on a une juste évaluation en ce qui concerne la fin.
2. L'intelligence qui est nécessaire pour la prophétie, c'est une certaine illumination de l'esprit relative à ce qui est révélé aux prophètes. Mais ce n'est pas une illumination de l'esprit relative à la juste évaluation de la fin ultime, évaluation qui appartient au don d'intelligence.
3. La foi c'est uniquement l'adhésion à ce qui est proposé. Mais l'intelligence c'est une certaine perception de la vérité. Cette perception ne peut avoir lieu, en ce qui concerne la fin, que dans celui qui a la grâce sanctifiante, comme on vient de le dire. C'est pourquoi il n'y a pas la même raison à faire valoir pour l'intelligence que pour la foi. [17]
note explicative :
[17] Qu. 8, art. 5, sol. 3. — Pesons ces mots : la foi, avant tout une adhésion à ce qui est dit; l'intelligence, une perception de ce qui est.
— N'oublions cependant pas que cette intelligence n'est jamais accordée qu'aux âmes saintes. Si elle leur procure une lucidité plus étendue et plus de perspicacité à l'égard de Dieu, c'est qu'elle suppose chez elles une plus entière docilité envers l'Esprit qui seul peut scruter les profondeurs de Dieu. Pour se faire une première idée de cela, on peut s'aider d'une analogie. En face de certaines merveilles de la nature ou de certains chefs-d'œuvre de l'art, il faut, pour en percevoir le sens et la beauté, une fraîcheur d'âme et une candeur d'esprit qu'on qualifie parfois d'état de grâce.
Effectivement, toute connaissance qui entre en son objet avec une sorte de connaturalité exige de la part du sujet un renoncement à soi et une soumission à ce qui est pour ainsi dire l'esprit même de l'objet. Si mon œil perçoit si vivement et si distinctement les choses, c'est parce que son regard est extrêmement net et qu'il s'abandonne pour ainsi dire à la lumière. Si mon entendement perçoit d'une ouïe si fine les enseignements reçus, c'est qu'il est tout fondu dans l'intime pensée du maître qui les donne.
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à suivre...
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IIa-IIæ, qu. 8, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA FOI
QUESTION 8.
LE DON D'INTELLIGENCE
ARTICLE 6.
Le don d'intelligence est-il distinct des autres dons ?
DIFFICULTES : 1. Il semble qu'il ne l'est pas. Car, quand des choses ont les mêmes opposés, c'est qu'elles sont elles aussi les mêmes choses. Or, comme on le voit dans saint Grégoire, à la sagesse est opposée la folie, à l'hébétude l'intelligence, à la précipitation le conseil, à l'ignorance la science. Mais il ne semble pas qu'il y ait de différence entre la folie, l'hébétude, l'ignorance et la précipitation. Il n'y en a donc pas non plus entre l'intelligence et les autres dons.
2. Du reste, l'intelligence classée comme vertu intellectuelle diffère des autres vertus intellectuelles en ceci, qui lui est propre, qu'elle a pour objet les principes évidents par eux-mêmes. Mais le don d'intelligence n'a pas pour objet de tels principes. Car, pour les choses qui sont naturellement connues par elles-mêmes, il suffit de l'habitude naturelle des premiers principes ; quant aux choses qui sont surnaturelles, il suffit de la foi, étant donné que les articles de la foi sont, avons-nous dit, comme de premiers principes dans la connaissance surnaturelle. Le don d'intelligence n'est donc pas distinct des autres dons intellectuels. [18]
3. Toute connaissance intellectuelle, d'ailleurs, ou est spéculative, ou est pratique. Mais le don d'intelligence, avons-nous dit, est pour les deux. Il n'est donc pas distinct des autres dons intellectuels, mais les embrasse tous en lui-même.
CEPENDANT toutes les fois que des choses sont énumérées les unes à côté des autres, il faut qu'elles soient distinctes les unes des autres de quelque manière, puisque la distinction est le principe de l'énumération. Mais le don d'intelli¬gence, on le voit en Isaïe, est énuméré à côté des autres dons. Il est donc bien distinct des autres dons.
note explicative :
[18] Qu. 8, art. 6, diff 2. — Rapprochement, à nouveau, entre l’habitude des premiers principes dans la connaissance naturelle à l’homme et le sens accordé à l’esprit dans la connaissance de la grâce (cf. notes 5 et 9). Lorsqu’on devient savant en certaines matières, c’est que d’abord on voit certains principes : ces principes se sentent ; sinon, l’esprit n’avance à rien.
De même, lorsqu’on est vraiment croyant, les principaux articles de la foi comme autant de principes dont on sent la vérité. La vérité de foi, dit ici l’objection, confère déjà ce sens premier des révélations. Oui, dit la réponse, mais le don d’intelligence aide à les pénétrer.
Autrement dit, l’esprit de foi et l’esprit d’intelligence sont le sens des premiers principes dans l’ordre surnaturel, le premier pour adhérer, le second pour pénétrer de façon plus aigüe, le premier discursif et même verbal dans son adhésion, le second beaucoup plus intuitif et tout mental dans sa pénétration.
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A suivre…
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IIa-IIæ, qu. 8, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LE DON D'INTELLIGENCE
ARTICLE 6.
Le don d'intelligence est-il distinct des autres dons ? (suite)
CONCLUSION : La distinction du don d'intelligence d'avec les trois autres dons, de piété, de force et de crainte, est manifeste, puisque le don d'intelligence appartient à la faculté de connaissance, tandis que ces trois appartiennent à la faculté d'appétit. Mais la différence de ce don d'intelligence avec les trois autres, de sagesse, de science et de conseil, qui appartiennent aussi à la faculté de connaissance, n'est pas manifeste au même point.
Il semble à certains que le don d'intelligence soit distinct des dons de science et de conseil par le fait que ces deux s'attachent à une connaissance pratique, lui au contraire, à une connaissance spéculative. Pour ce qui est du don de sagesse, appliqué aussi à une connaissance spéculative, le don d'intelligence s'en distingue en ceci qu'à la sagesse appartient le jugement, mais à l'intelligence la capacité de lire au dedans de ce qui est proposé ou encore la pénétration à l'intime des choses [19].
C'est d'après cela que nous avons précédemment réparti le nombre des dons. Mais, pour qui regarde avec soin, le don d'intelligence ne se borne pas seulement aux choses à contempler; comme nous venons de le dire, il s'attache également aux choses à faire ; et pareillement, le don de science, comme nous allons le dire plus loin, s'attache aussi à l'une et à l'autre chose. Voilà pourquoi il faut interpréter autrement la distinction des dons.
— Tous ces quatre, en effet, dont il s'agit, sont tournés vers cette connaissance surnaturelle qui est fondée en nous par la foi. Or la foi, comme il est dit aux Romains, est une connaissance par ouï-dire : il faut donc que des propositions soient faites à l'homme pour qu'il y croie non comme à des choses vues mais comme à des choses entendues. D'autre part, si la foi premièrement et principalement s'attache à la Vérité première, secondairement elle s'applique à certaines considérations concernant les créatures, et ultérieurement s'étend même à la direction des œuvres humaines en tant qu'elle devient "par la dilection une foi agissante" ainsi qu'on l'a déjà observé. Il s'ensuit donc que deux choses sont requises de notre part à l'égard des propositions de foi que nous devons croire.
En premier lieu il s'agit de les pénétrer, de les saisir intellectuellement, et c'est l'affaire du don d'intelligence. Mais en second lieu il faut qu'on ait à leur sujet un jugement droit, au point d'estimer que c'est bien à cela qu'on doit s'attacher et du contraire de cela qu'on doit s'éloigner. Ce jugement-là, par conséquent, quant aux réalités divines, c'est l'affaire du don de sagesse, mais quant aux réalités créées, c'est l'affaire du don de science, et quant à l'application aux œuvres particulières c'est l'affaire du don de conseil. [20]
notes explicatives :
[19] Qu. 8, art. 6, concl. init. — Ce passage me paraît se référer à l'étymologie du mot intelligence (cf. art. 1); aussi je me suis permis de traduire par la capacité de "lire dedans". En outre, on peut voir ici une allusion à la double intelligence qui devra pénétrer la matière de foi. Dans la foi, des choses nous sont affirmées ou de vive voix ou par écrit, elles nous viennent par audition. D'où cette nécessité, particulière à toute foi, d'abord de comprendre ce qui s'est dit, et ensuite de scruter sous ce qui s'est dit l'intime de ce qui s'est fait et de ce qui est.
[20] Qu. 8, art. 6, concl. fin. — Cette distribution des quatre dons de bien penser est à retenir avec soin. C'est elle qui commandera l'étude détaillée de chacun d'eux. L'auteur dit que lui-même a tout regardé avec soin. Il s'est ravisé non seulement par rapport à de précédents ouvrages, mais dans le cadre même du présent ouvrage [Ia-IIæ, qu. 68, art. 4). Le partage auquel il se rallie désormais est d'ailleurs limpide. Les quatre dons couvriront tous les quatre tout le champ de la foi, chacun suivant sa voie. La première opération est de saisir, de capter le message et de pénétrer le mystère. C'est là l'œuvre propre au don d'intelligence.
Il apparaît ainsi comme la racine des autres. Ceux-ci nous feront avancer dans le jugement et l'appréciation des réalités révélées : don de science, s'il s'agit d'évaluer les créatures; don de sagesse, s'il s'agit de savourer Dieu. Mais toujours il y aura, au commencement de la science et de la sagesse des saints, cette vive appréhension des données révélées. L'expérience mystique confirme pleinement cet exposé théologique. Les saintes âmes ont toutes, selon le mot de Catherine de Sienne, "l'œil de l'intelligence" grand ouvert sur la révélation de Dieu. Avec quelle acuité, par exemple, elles scrutent les Ecritures, s'attachent aux symboles et aux définitions de l'Eglise ! Avec quel tact elles perçoivent les principaux mystères et s'orientent vers les réalités éternelles ! Autant de traits d'une intelligence inspirée par Dieu pour mener à Dieu.
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IIa-IIæ, qu. 8, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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QUESTION 8.
LE DON D'INTELLIGENCE
ARTICLE 6.
Le don d'intelligence est-il distinct des autres dons ? (suite)
SOLUTIONS : 1. Telle qu'on vient de la définir la différence des quatre dons s'accorde manifestement avec la distinction de ces choses que saint Grégoire déclare leur être opposées. L'hébétude est en effet le contraire de l'acuité : or par similitude on dit qu'une intelligence est aiguë quand elle peut pénétrer à l'intime de ce qui est proposé ; de là, l'esprit émoussé, hébété, lorsqu'il n'a pas de quoi pénétrer à fond.
D'autre part, on est qualifié de fou dès lors qu'on a le jugement de travers en ce qui concerne la fin générale de la vie; et c'est là proprement l'opposé de la sagesse qui fait qu'on a un jugement droit en ce qui concerne la grande cause de tout. L'ignorance c'est par ailleurs la déficience de l'esprit même en toutes sortes de choses particulières, et c'est là l'opposé de la science, laquelle permet à l'homme d'avoir un jugement droit dans le domaine des causes particulières, c'est-à-dire dans le domaine des créatures. Quant à la précipitation, visiblement elle est l'opposé du conseil qui fait qu'on ne s'engage pas dans l'action avant la délibération de la raison. [21]
2. Le don d'intelligence est attaché aux premiers principes de la connaissance dans l'ordre de la grâce, autrement cependant que la foi. Car le rôle de la foi c'est d'adhérer à ces principes, tandis que le rôle du don d'intelligence c'est de pénétrer par l'esprit ce qui est dit. [22]
3. Le don d'intelligence se rapporte à l'une et à l'autre connaissance, à la spéculative et à la pratique. Il s'y rapporte, non pas quant au jugement, mais quant à la simple appréhension qui fait qu'on saisit ce qui est dit. [23]
notes explicatives :
[21] Qu. 8, art. 6, sol. 1. — A l'ensemble des dons intellectuels est opposé celui des vices contraires. Ce contraste est une lumière. Suprême sagesse, de voir et de goûter Dieu en tout, et de ne vivre au fond que pour lui ; suprême folie de ne le voir en rien, et de vivre au fond comme s'il n'existait point. Science des saints, d'apprécier la créature pour ce qu'elle est, et d'en user pour ce qu'elle vaut; ignorance des mondains, de surfaire ou de déprécier le créé, pour presque toujours en mésuser. Finesse surnaturelle à l'origine de toute sagesse et de toute science des spirituels; hébétude spirituelle à la source de la folie et de l'ignorance susdites. Nous retrouverons ces vices à la question 15 (note 132).
(gras et souligné ajoutés)
[22] Qu. 8, art. 6, sol. 2. — Par remarques successives il se confirme que le don d'intelligence est primordial dans la connaissance de grâce : c'est l'habitude des premiers principes dans le domaine de la révélation. La vertu de foi est aussi cette habitude, mais pas autant, et d'une autre manière, moins divine, plus humaine : ci-dessus notes 17 et 18.
[23] Qu. 8, art. 6, sol. 3. — Il est rappelé que le don d'intelligence, comme d'ailleurs la vertu de foi, est aussi bien pour la contemplation que pour l'action. Quant à cette acuité de pénétration qui le caractérise, il est dit qu'elle se rattache, non pas à la seconde opération de l'esprit qui est déjà tout un jugement, mais à la première qui est la simple appréhension. Il ne faudrait pas forcer cette précision. Les deux opérations sont distinctes en psychologie et en logique; en réalité, elles sont rarement séparées ou même séparables. Il n'est guère possible de bien appréhender les choses sans déjà quelque peu les juger.
En revanche, il est vrai qu'avant de se mettre à juger, on ne saurait assez voir ce qui est : il y a là un premier acte de l'esprit, un premier contact avec l'objet. Si cet acte est négligé, toute la suite des opérations peut être faussée. Si au contraire il est bien fait et refait, tout le reste s'en ressent. C'est ce premier acte qui est proprement œuvre d'intelligence. C'est lui qui manque à beaucoup de gens. Nous sommes trop souvent comme les idoles dont s'est moqué le psalmiste : nous avons des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour ne pas entendre. Et lorsqu'il s'agit de choses qui nous viennent par le témoignage et que nous entendons dire, la première opération est de bien capter ce qui est dit. Saint Thomas le répète : c'est primordial. La foi s'y évertue en adhérant fortement; l'intelligence s'y applique en saisissant finement. C'est quand on a cette première intelligence qu'on perçoit comme plus directement et plus distinctement ce que Dieu nous dit : les sentences principales de l'Ecriture, les paroles de l'Evangile ont un accent plus saisissant.
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IIa-IIæ, qu. 8, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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QUESTION 8.
LE DON D'INTELLIGENCE
ARTICLE 7.
La sixième béatitude : Bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu, répond-elle au don d'intelligence ?
DIFFICULTES : 1. Il paraît bien que non, car la pureté du cœur semble au plus haut point affaire de sentiment, tandis que le don d'intelligence n'est pas affaire de sentiment, mais plutôt de puissance de pensée. La susdite béatitude ne répond donc pas à ce don.
2. Il est d'ailleurs écrit dans les Actes : "Purifiant leurs cœurs par la foi". Mais c'est la purification du cœur qui assure la pureté du cœur. La béatitude susdite se rattache donc plus à la vertu de foi qu'au don d'intelligence.
3. D'autre part, les dons de l'Esprit-Saint sont une perfection pour l'homme clans la vie présente. Mais la vision de Dieu n'est pas pour la vie présente : c'est en effet cette vision, avons-nous dit, qui fait les bienheureux. Donc cette sixième béatitude qui renferme la vision de Dieu ne se rattache pas au don d'intelligence.
CEPENDANT, au dire de saint Augustin, "la sixième opération de l'Esprit-Saint c'est l'intelligence et elle convient à ceux qui ont le cœur pur parce que ce sont eux qui peuvent d'un regard pur voir ce que l'œil n'a pas vu".
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IIa-IIæ, qu. 8, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA FOI
QUESTION 8.
LE DON D'INTELLIGENCE
ARTICLE 7.
La sixième béatitude : Bienheureux tes cœurs purs car ils verront Dieu, répond-elle au don d'intelligence ?(suite)
CONCLUSION : Dans la sixième béatitude, ainsi que dans les autres, il y a deux choses : une qui est comme un mérite, c'est la pureté du cœur; l'autre qui est comme une récompense, c'est la vision de Dieu. Cela a été dit précédemment. Ces deux choses appartiennent de quelque manière au don d'intelligence. Il y a effectivement une double pureté. L'une sert de préambule et de disposition à la vision de Dieu : elle consiste à épurer le sentiment des affections désordonnées ; cette pureté de cœur s'obtient assurément par les vertus et les dons qui se rattachent à la puissance d'appétit. Mais l'autre pureté de cœur est celle qui est comme un achèvement par rapport à la vision divine : c'est à coup sûr une pureté de l'esprit, il est nettoyé des phantasmes et des erreurs, de telle sorte que ce qui est dit de Dieu ne soit plus reçu par manière de fantasmagories corporelles ni selon des déformations hérétiques ; cette pureté, c'est le don d'intelligence qui la fait. [24]
— Semblablement il y a aussi une double vision de Dieu. Une est parfaite, c'est celle dans laquelle est vue l'essence de Dieu. Mais l'autre, imparfaite, est celle par laquelle, bien que nous ne voyions pas de Dieu ce qu'il est, nous voyons cependant ce qu'il n'est pas ; et dans cette vie notre connaissance de Dieu est d'autant plus parfaite que notre intelligence saisit davantage qu'il dépasse tout ce que peut comprendre l'intelligence. Cette double vision se rattache au don d'intelligence : la première, au don consommé d'intelligence, comme il sera dans la patrie; mais la seconde, au don commencé, tel qu'on l'a dans le voyage. [25]
notes explicatives :
[24] Qu. 8, art. 7, concl. init. — Le don d'intelligence a pour effet la pureté de cœur, laquelle est tout le mérite de la sixième béatitude. Quel cœur et quelle pureté ?
— Le cœur ici c'est l'esprit dans sa finesse d'appréhension et de première pénétration. En ce sens-là, c'est une notion très biblique, très évangélique et apostolique, comme nous l'indiquons plus loin. Mais c'est également une notion chez nous très classique depuis Pascal comme nous le marquerons aussi. Il nous plaît donc que saint Thomas l'ait gardée et lui ait même donné une si belle place dans son traité de la foi. Pour lui, ces connaissances du cœur et tout cet esprit de finesse, s'appliquant aux choses de la foi, c'est tout le bon effet du don d'intelligence dans l'âme en état de grâce. Avec saint Paul nous devons souhaiter que Dieu "illumine les yeux de notre cœur (Eph., I, 18)".
— La pureté dont il s'agit est donc essentiellement celle de l'esprit. Sous les inspirations du don d'intelligence le regard de l'âme s'éclaire et se purifie. L'autre purification, celle des affections et des passions, est préparatoire et présupposée. Dans l'application à Dieu, nos images et nos idées sont les deux choses dont nous devons le plus nous méfier et nous purifier. L'imagination est faite pour se représenter le monde des corps. L'humaine raison ne se représente elle-même que faiblement et comme négativement le monde des esprits. Il nous faut par conséquent dépasser l'une et l'autre et nous élever à la fine pointe de l'esprit, au-dessus des nuées de l'imagination, et au-dessus aussi des trop claires idées d'une raison trop courte.
C'est par le don d'intelligence que s'opèrent en nous cette élévation et cette purification de l'esprit. Ce don nous empêche de penser le divin au gré de nos fantaisies et de verser ainsi dans l'anthropomorphisme et dans l'idolâtrie, avec une théologie qui ne serait qu'une mythologie. Ce don nous empêche de penser le divin au gré de nos propres idées en suivant les méandres de l'erreur et les perversités de l'hérésie. Ce don nous donne un sens très pur de tout ce qui regarde Dieu : nous l'entrevoyons dans une sorte de clair-obscur, au-delà des images, au-delà même des idées claires.
[25] Qu. 8, art. 7, concl. fin. — La récompense de la sixième béatitude, qui est la béatitude du don d'intelligence, est la vision de Dieu. L'esprit, par cette finesse inspirée, arrive en effet à voir ce que Dieu n'est pas. Les saints ont l'intuition de ce qu'il ne faut ni dire ni penser de lui. Vision très imparfaite assurément, qui est loin d'être la pleine vue. Les mystiques parlent aussi d'un toucher; et saint Thomas lui-même, d'un goûter, à propos du don de sagesse per modum gustus. Ces différentes façons de parler sont au fond concordantes. Qu'on sente la présence de Dieu comme par un toucher dans la nuit, qu'on entrevoie son indéfinissable mystère dans une sorte de négatif en clair-obscur, ou qu'on savoure ses divins effets au palais de l'esprit, c'est toujours assez la même chose.
— Mais souvenons-nous bien que l'imparfaite vision s'achèvera dans la vision parfaite qui ne sera pas autre chose qu'une intelligence consommée. Dans la patrie la vertu de foi disparaîtra, mais non pas le don d'intelligence. Il sera accordé à la lumière de gloire. Il en est une première aurore.
SOLUTIONS : 1-3. Par là on voit la réponse à faire aux objections. Car les deux premières raisons sont valables s'il s'agit de la première sorte de pureté. Quant à la troisième, elle vaut pour la parfaite vision de Dieu ; mais les dons, nous l'avons dit plus haut, dès ici-bas sont pour nous comme une certaine perfection commencée, et ils seront achevés plus tard.
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Dernière édition par ROBERT. le Sam 16 Oct 2010, 4:36 pm, édité 1 fois (Raison : image)
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QUESTION 8.
LE DON D'INTELLIGENCE
ARTICLE 8.
Parmi les fruits est-ce celui de foi qui répond au don d'intelligence ?
DIFFICULTÉS : 1. Il ne semble pas, puisque c'est l'intelligence qui est le fruit de la foi : "Si vous n'avez pas la foi, vous n'aurez pas l'intelligence", est-il dit en Isaïe, suivant une autre version, à l'endroit où nous avons : « Si vous n'avez pas la foi, vous ne durerez pas". La foi n'est donc point le fruit de l'intelligence.
2. D'ailleurs ce qui est avant n'est pas le fruit de ce qui est après. Or la foi semble bien être avant l'intelligence : c'est la foi qui est le fondement, avons-nous dit plus haut, de tout l'édifice spirituel. Elle n'est donc pas le fruit de l'intelligence.
3. En outre, les dons se rapportant à la pensée sont en plus grand nombre que ceux se rapportant à l'appétit. Pourtant, entre les fruits, il ne s'en trouve qu'un se rapportant à l'esprit, c'est celui de la foi ; tous les autres, au contraire, se rapportent à l'appétit. Le fruit de la foi ne répond donc pas plus, semble-t-il, à l'intelligence qu'à la sagesse ou à la science ou même au conseil.
CEPENDANT la fin d'une chose c'est son fruit. Mais le don d'intelligence semble fait principalement pour procurer cette certitude de foi qui est qualifiée de fruit. II est dit en effet dans la Glose que ce fruit de foi c'est « la certitude des réalités invisibles ». Parmi les fruits c'est donc la foi qui répond au don d'intelligence. [26]
note explicative :
[26] Qu.8, art. 8, cependant. — L’Apôtre dit au singulier le fruit de l’Esprit. Il faut entendre, soit l’Esprit divin qui est le principe de la vie surnaturelle en nous, soit cet esprit participé qui nous est donné et qui fait de nous des spirituels (Gal. V, 17-22 ; I Cor. II, 13). Dans cette fructification est désignée la foi. En stricte exégèse il s'agirait là, dit le P. LAGRANGE (in Gal. V, 22), non de la vertu théologale de foi, mais de la vertu morale de fidélité. Mais saint Thomas, suivant en ceci une interprétation assez courante, prend cette foi forte dont parle l'Apôtre pour le fruit bien mûr et délectable de la vertu théologale. Il estime que cette foi cueillie et dégustée comme un fruit du Saint-Esprit est la vertu mûrie à la chaude lumière du don d'intelligence. La certitude des réalités invisibles.
Effectivement, chez les saints, les objets de la foi sont toujours présents aux yeux de leur foi : le monde invisible leur devient aussi familier que peut l'être le monde visible, ils n'hésitent pas plus que « s'ils voyaient ce qui ne se voit pas » ainsi qu'il est dit de Moïse (Hebr. XI. 27).
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Re: LE DON D'INTELLIGENCE (Saint Thomas d'Aquin) - Complet
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Gras, souligné et majuscules ajoutés
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LA FOI
QUESTION 8.
LE DON D'INTELLIGENCE
ARTICLE 8.
Parmi les fruits est-ce celui de foi qui répond au don d'intelligence ? (suite)
CONCLUSION : Ainsi qu'il a été dit plus haut lorsqu'il s'est agi des fruits, on appelle fruits de l'Esprit certaines activités ultimes et délectables qui chez nous proviennent de la vertu de l'Esprit-Saint. Or l'ultime délectable a raison de fin et la fin c'est l'objet propre de la volonté. Voilà pourquoi il faut que ce qui est dernier et délectable dans l'ordre de la volonté soit en quelque sorte le fruit de toutes les autres activités qui se rattachent aux autres puissances. D'après cela le don ou la vertu qui perfectionne une puissance peut donc offrir un double fruit : un qui se rattache à sa puissance même ; mais encore un autre qui est pour ainsi dire tout à fait dernier et qui se rattache à la volonté. D'après quoi il faut conclure qu'au don d'intelligence répond, comme fruit propre, la foi, c'est-à-dire la certitude de foi; mais, comme fruit extrême, à l'intelligences répond la joie, qui se rattache à la volonté. [27]
note explicative :
[27] Qu. 8, art. 8, concl. — Le fruit est le produit ultime et délicieux d'une activité qui est venue à sa maturité naturelle ou surnaturelle. Chaque puissance en nous est comme un plant produisant son fruit propre. Toutes nos puissances peuvent donner du fruit, mais les plus riches en fruits sont les spirituelles : j'ai du goût à me restaurer et à me promener, j'en ai à regarder et à écouter, mais j'en ai encore plus à penser et à aimer. Et même, entre nos puissances spirituelles, la plus riche en fruits est celle du vouloir, car l'idée de fruit est très proche de celle de fin, le fruit comme la fin étant ce qu'on cherche au terme de tout et qu'on trouve agréable au-dessus de tout.
Voilà pourquoi à tous les fruits provenant de nos autres puissances s'ajoute toujours, comme un fruit tout dernier et plus complètement savoureux, celui provenant de notre faculté de vouloir et de vivre : ce que nous goûtons en tout se résout dans le goût de vivre, dans un profond sentiment de contentement et de bien-être, dans la joie plus haute de se sentir pleinement être et vivre. Si une telle fructification se produit au naturel, elle se reproduit bien plus dans le surnaturel. Mais là il n'y a de véritable maturité que celle qui a lieu au souffle du Saint-Esprit. D'où cette conclusion relative à la vie de la foi. Mûrie par l'intelligence, la foi produit deux fruits : l'un dans l'esprit et c'est cette certitude à l'endroit du monde invisible; l'autre dans la volonté, et c'est CETTE JOIE QUE L'ON ÉPROUVE DE PENSER COMME DIEU ET DE CROIRE QU'ON EST APPELÉ À LE VOIR, LA JOIE D'ÊTRE TOUT À FAIT DANS LE VRAI SECRET DE DIEU.
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Gras, souligné et majuscules ajoutés
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Re: LE DON D'INTELLIGENCE (Saint Thomas d'Aquin) - Complet
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A suivre…
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IIa-IIæ, qu. 8, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA FOI
QUESTION 8.
LE DON D'INTELLIGENCE
ARTICLE 8.
Parmi les fruits est-ce celui de foi qui répond au don d'intelligence ? (suite)
SOLUTIONS : 1. L'intelligence est bien le fruit de la foi, de la foi qui est vertu. Or ce n'est pas dans ce sens-là qu'on prend la foi lorsqu'on la dit fruit; mais on la prend pour une certitude de foi, certitude bien déterminée à laquelle on parvient par le don d'intelligence.
2. La foi ne peut pas devancer en tout l'intelligence : l'homme ne pourrait pas en effet adhérer par croyance à des choses qui lui sont affirmées s'il n'avait quelque peu l'intelligence de ces choses. Mais, à la suite de la foi qui est vertu, ce qu'il y a, c'est une perfection d'intelligence; et ce qu'il y a à la suite de cette perfection d'intelligence, c'est une certitude bien déterminée de la foi. [28]
3. Le fruit d'une connaissance pratique ne peut pas être dans cette connaissance même, parce que dans une telle connaissance on ne sait pas pour savoir mais pour autre chose. Au contraire, la connaissance spéculative a son fruit en elle-même et ce fruit est la certitude des choses qui sont de son domaine. Voilà pourquoi au don de conseil qui regarde uniquement la connaissance pratique ne répond aucun fruit propre, alors qu'aux dons de sagesse, d'intelligence et de science, qui peuvent s'élever même à la connaissance spéculative, répond seulement un fruit unique qui est la certitude signifiée par le nom de foi. Il y a, en revanche, des fruits en plus grand nombre se rapportant à la partie affective, parce que, comme nous l'avons déjà dit, cette raison de fin impliquée dans le mot de fruit regarde la faculté affective plus que l'intellective. [29]
notes explicatives :
[28] Qu. 8, art. 8, sol. 1-2. — Une certaine intelligence est déjà donnée avec la lumière même de la grâce et produit la vertu de foi. Cette foi, si elle est vive, s'accompagne du don de l'intelligence. Cette intelligence, si elle vient à maturité, produit cette spéciale certitude qui est le fruit de foi. On ne peut mieux marquer l'engendrement de ces différentes grâces : Dieu traite bien ceux qui le cherchent.
— Nous dirons en quoi consiste cette certitude de foi. Elle découle non pas seulement de la simple adhésion mais d'une réelle pénétration. Entre autres effets, elle donne le sens du mystère et de la majesté de Dieu.
[29] Qu. 8, art. 8, sol. 3. — Cette certitude de foi est pour notre pensée, dit saint Thomas, le fruit et même l'unique fruit non pas seulement du don d'intelligence, mais encore des autres dons intellectuels de science et de sagesse. C'est-à-dire que, pour recueillir tout le fruit de la foi, il faut avoir, par la science des saints, amèrement apprécié tout le créé et, par la sagesse, délicieusement savouré que le Seigneur est bon et si bon que meilleur ne peut être. A ce prix la foi vive et bien assurée donne tout son fruit, et c'est comme un avant-goût de la vision.
— Le texte dit aussi pourquoi le don de conseil n'est pas ici en cause et n'a pas à proprement parler de fruit à lui. Il est essentiellement assorti à la connaissance pratique, c'est-à-dire à une vérité de direction. Or, la fin ultime de la pensée n'est pas tant de commander que de comprendre et contempler. Aussi, le fruit le plus mûr et le plus exquis de la pensée, ce n'est pas l'action, c'est la contemplation.
— Le texte dit enfin pourquoi l'affectivité rapporte plus de fruits que l'intellectualité. Les fruits sont des produits dont on jouit. Or, la puissance affective est plus faite pour jouir que ne l'est la puissance intellective : celle-ci est faite pour saisir. C'est pourquoi l'âme que Dieu inspire et en laquelle fructifie l'Esprit abonde en sentiments de charité, de joie, de paix, d'affabilité et de longanimité, elle est rayonnante de douceur et de bonté, et tout cela est plein d'une sève divine et d'une saveur extrême : c'est le pur fruit de la charité qu'on a au cœur et que la sagesse inspire (cf. qu. 9, art. 4, sol. 1).
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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