Pourquoi cette prière: VENI, SANCTE SPIRITUS...

Que de fois ne récitons-nous pas cette prière d'une manière irréfléchie et sans prendre garde au sens profond qu'elle renferme, aux motifs puissants qui l'inspirent ! Cette invocation au Saint-Esprit, réitérée si souvent, a sa raison d'être, raison profonde et liée aux intérêts les plus sacrés de notre âme. C'est cette raison que nous allons montrer au lecteur.

En ce pauvre monde où nous sommes, tout est vanité dans les choses que nous voyons, et en bien d'autres encore que nous ne pouvons ni voir, ni toucher. Seul, l'amour de Dieu échappe à cette caducité; l'auteur de l'Imitation a dit avec la plus exacte vérité : Tout est vanité, excepté aimer Dieu et le servir lui seul (1).

Or, cet amour, qui seul est quelque chose, l'homme n'arrivera jamais à se le donner; il faut, s'il veut le posséder, qu'il aille le chercher en dehors et au-dessus de lui. Dieu uniquement peut le lui donner : c'est dans la communication de l'Esprit-Saint que nous trouvons l'amour.

Revenons sur ces pensées, et examinons-les en détail.
Tout est vanité ici-bas. En effet, notre âme a besoin de bonheur. Dans sa soif ardente, elle puise à toutes les sources, et toutes la laissent dévorée par des ardeurs sans cesse renaissantes. La créature est essentiellement incapable de consoler. Impossible de la goûter longtemps sans éprouver l'amertume, le vide et le dégoût; comme elle est finie et limitée dans ses perfections, elle ne tarde pas à montrer ses défauts et à déplaire. Désenchanté, on va demander à d'autres le bonheur. Mais bientôt l'on quittera le nouvel objet auquel on se sera attaché, et, après avoir parcouru tout le cercle des biens créés, l'homme répétera avec amertume : Je ne suis pas content, rien ne me satisfait. Le bonheur que je cherche s'éloigne toujours, semblable à ces mirages trompeurs qui attirent de loin le voyageur épuisé, et ne lui réservent ensuite que les sables et le néant du désert.

Dieu seul est capable de nous contenter pleinement. Nous ne sommes heureux que lorsque nous le possédons. Notre cœur est un mystère perpétuel. Fini dans sa nature et dans ses perfections, il a des aspirations infinies que l'infini seul réussit à combler : Notre cœur, dit saint Augustin, est toujours inquiet, jusqu'à ce qu'il ait pris son repos en vous, ô mon Dieu (1)!

Or, comment trouver le repos en Dieu? Par la charité. C'est l'amour divin, qui nous rapproche de Dieu et le rapproche de nous; c'est l'amour divin qui amène Dieu dans notre cœur et l'y retient.

L'amour de Dieu peut seul assurer notre éternité. Fussiez-vous le mieux doué des hommes, si vous n'êtes pas tout à Dieu, s'il y a, entre Dieu et vous, de la froideur, de l'indifférence; rien n'est garanti pour votre avenir éternel. Car qui vous répond de la solidité de vos vertus? Qui vous promet qu'un jour vous ne perdrez pas la grâce possédée maintenant? Il est des circonstances où le devoir devient fort difficile. Si alors vous n'avez pour vous que cette loi sèche de l'obligation; si l'amour de votre Dieu ne vous stimule pas, rien n'est plus instable que votre fidélité; rien, par conséquent, n'est plus chanceux que votre avenir.

Et puis, Dieu lui-même ne trouve son plaisir en nous que lorsque nous l'aimons. Il veut être aimé. Tant que la créature ne lui a pas donné son cœur, il n'est pas content : Il semble, observe saint Thomas, que l'homme soit le Dieu de Dieu même (1) qui nous demande notre amour avec tant d'instance que, si nous le lui refusons, quelque chose paraît manquer à son bonheur : Je suis venu, dit-il, apporter le feu sur la terre, et qu'est-ce que je désire, sinon qu'il s'allume (2)?

Ce feu, c'est l'amour divin : le désir de celui qui l'a apporté, est d'embraser toutes les âmes.
Bonheur de l'homme que l'amour de Dieu seul peut donner, bonheur de Dieu que la charité seule procure, salut éternel que la charité seule assure : en dehors de ces trois choses qu'y a-t-il, sinon la vanité?

Mais voyez la position singulière de l'homme. Incliné vers Dieu son Père, il ne peut pas aimer par la charité celui de qui il tient tout ce qu'il a. Il veut s'élancer, mais un poids le retient et le ramène sans cesse en bas. Dieu est trop haut pour être atteint par l'effort de sa créature. Dieu est l'infini, la sainteté sans tache. L'homme au contraire est un être chétif, dont la faiblesse est doublée du péché. Cette tache, qui est en même temps une blessure, diminue ses forces, le colle à la terre, l'éloigné du divin. Mystérieuse contradiction! il tend vers Dieu, par ses attraits les plus puissants, et un je ne sais quoi l'empêche d'arriver à ce Dieu qu'il désire.


1. Quasi homo Dei Deus esset (S. Thom., Opusc. LXIII, c. 7).
2. Ignem veni mittere in terram et quid volo nisi ut accendatur? (Luc. II, 49).


T. R. P. ACHILLE DE SURMONT
DE LA CONGRÉGATION DU TRÈS-SAINT-RÉDEMPTEUR
Extrait du livre ''L'ART D'ASSURER SON SALUT''
LIBRAIRIE PIERRE TÉQUI
82, RUE BONAPARTE (VIe)
PARIS, 1927.

A suivre...

ROBERT. a écrit:.
Le Saint-Esprit, le Grand Oublié de la Très Sainte Trinité...

St Curé d'Ars :
1. - Vous savez tous, M. F., que le sacrement de pénitence est un sacrement qui a été institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour remettre les péchés commis après le baptême. C'est principalement dans ce sacrement que le Sauveur du monde nous montre la grandeur de sa miséricorde, puisqu'il n'y a point de péchés que ce sacrement n'efface, quelque grand que soit leur nombre et quelque affreuse que soit leur noirceur ; de sorte que tout pécheur est sûr de son pardon et de regagner l'amitié de son Dieu, si, de son côté, il apporte les dispositions que demande ce sacrement. La première disposition, c'est de bien connaître ses péchés, leur nombre et leurs circonstances qui peuvent ou les augmenter, ou en changer l'espèce : et, cette connaissance ne nous sera donnée qu'après l'avoir demandée au Saint-Esprit. Toute personne qui, dans son examen, ne demande pas les lumières du Saint-Esprit ne peut faire qu'une confession sacrilège (1). Si cela vous est arrivé, revenez sur vos pas, parce que vous êtes bien sûrs que vos confessions n'ont été que de mauvaises confessions.

(1) Il est plus exact de dire qu'une personne qui ne demande pas les lumières du Saint-Esprit, s'expose à faire une confession sacrilège, a cause de la faiblesse de sa mémoire, les ruses du démon, de l'illusion des passions, surtout du respect humain, de la vanité et de la routine.

Source éternelle de lumière, Esprit-Saint, dissipez les ténèbres qui me cachent la laideur et la malice du péché.
Faites-m'en concevoir une si grande horreur, ô mon Dieu, que je le haïsse, s'il se peut, autant que vous le haïssez vous-mêmes, et que je ne craigne en rien tant que de le commettre à l'avenir.

Supposez, par exemple, un Français qui, le voulant, ne pourrait aimer la France. En cet état misérable, aux yeux de tous, à ses propres yeux, il serait dans la nature une triste merveille, se sentant obligé de demander, en aumône, à autrui, l'amour de son pays. Telle est la position de l'homme vis-à-vis de Dieu et de son amour. Mais à quelle porte frapper? Qui lui donnera ce bien, à la fois nécessaire et impossible?

Dieu lui-même lui communiquera son amour par le Saint-Esprit. Quoique faibles, nous jouissons de la faculté de communiquer jusqu'à un certain point nos sympathies à nos semblables. La parole a cette puissance singulière qu'elle met dans les autres nos propres sentiments. De là tant de discours publics et privés, où chacun cherche à faire aimer ce qu'il aime lui-même. Il expose les qualités de l'objet qui lui est cher; il en montre la dignité, la noblesse, la bonté; il exprime ses goûts personnels; il exhorte et n'a de repos que quand il a amené à sa pensée l'esprit de ses auditeurs, et à son cœur leur cœur.

Cette puissance, en l'homme, est sujette à bien des échecs; en Dieu elle existe à un degré infiniment supérieur. Le Seigneur nous communique son amour. L'amour de Dieu, c'est son Esprit; nous recevons en nous ce Saint-Esprit, et cette participation à l'amour est le principe qui nous ramène vers Dieu. Par le don de cet Esprit divin, l'âme s'unit à Dieu dans l'étreinte de la charité : C'est l'Esprit-Saint qui nous a été donné, affirme saint Paul, et qui répand en nos cœurs la charité pour Dieu (1).

Cet esprit d'amour animait le bon larron sur la croix et lui faisait reconnaître et aimer, dans l'homme crucifié avec lui, le Fils de Dieu, son Sauveur. C'est ce même esprit qui transportait Madeleine, quand, repentante de ses péchés, elle répandait des parfums, avec des pleurs, sur les pieds de Jésus. Aussi le Sauveur dit-il en la voyant : Beaucoup de péchés lui ont été pardonnés, parce qu'elle a beaucoup aimé (2). C'est encore l'Esprit-Saint qui, descendant sur les apôtres, les transforma en martyrs de l'Évangile, contempteurs des tourments et de la mort. Fortifiés par cette divine charité, ils étaient transportés bien au-dessus du niveau de la nature humaine.

Heureux donc celui qui comprend la vanité des choses de la terre! Il cherche le contentement en Dieu et dans son amour. Heureux celui qui aspire à posséder cette joie! De ses lèvres s'échappe cette prière : Veni, Sancte Spiritus! mais son cœur la prononce plus haut encore. Heureux celui qui invoque l'Esprit-Saint avec une foi profonde ! La demande de l'amour est toujours accueillie favorablement. Bien plus heureux celui qui obtient cet amour, source de toute paix! Il y trouvera le repos de ses désirs, une sainte intimité avec Dieu, il envisagera avec moins de terreur l'éternité qui s'avance.


1. Charitas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spiritum Sanctum qui datus est nobis (Rom. V, 5).
2. Remittuntur ei peccata multa, quoniam dilexit multum (Luc. VII, 47).


T. R. P. ACHILLE DE SURMONT
DE LA CONGRÉGATION DU TRÈS-SAINT-RÉDEMPTEUR
Extrait du livre ''L'ART D'ASSURER SON SALUT''
LIBRAIRIE PIERRE TÉQUI
82, RUE BONAPARTE (VIe)
PARIS, 1927.

FIN