L'ermite qui devint pape ET ABDIQUA

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Message  Monique Mar 27 Avr 2010, 2:17 pm

L'ermite qui devint pape ET ABDIQUA Bureau45


L'histoire de l'Eglise, si elle connaît bien des vicissitudes, puisque les faits se développent sur le plan humain, garde une constance de lumière qui permet de dégager, presque toujours, de ses crises, des significations spirituelles.

Telle est la courte destinée pontificale de saint Célestin V, le seul Pape qui ait abdiqué. Comment ce saint anachorète parvint-il au pontificat?

A la vérité, on ne peut dire qu'il y parvint, car il n'y songeait guère. Le pontificat vint le surprendre. Nous sommes à la fin du XIIIe siècle. Le pape Nicolas IV vient de mourir, le conclave s'ouvre tandis que plusieurs dynasties se disputent des trônes, invoquant la suzeraineté romaine. Les influences temporelles menacent gravement la délibération qui doit aboutir au choix du Pontife suprême.

Douze cardinaux s'assemblent d'abord à Rome, harcelés des préoccupations séculières dont les avaient accablés les agents de toutes les chancelleries d'Europe. Puis les désordres qui sévissaient dans la cité les obligèrent à se réfugier à Pérouse en 1293.

Le conclave durait... durait, prolongé par tant d'intérêts, de rivalités éphémères. Le nom d'un nouveau Pape ne voulait pas sortir du calice où les bulletins se mêlaient en vain.

Une année s'écoulait. Les électeurs sacrés ne pouvaient s'accorder.
Quelqu'un des cardinaux vint à parler d'un avertissement lancé par un vieil ermite, à propos des retards du conclave, qui laissait si longtemps la catholicité sans chef. Une anxiété voisine du remords étreignait ces gardiens des destinées de l'Eglise. Il fallait aboutir. Ils votèrent avec un nouveau zèle. Ce fut en vain...

On reparla de l'ermite. C'était un vieillard de soixante-douze ans qui vivait enfermé dans une étroite cellule, au milieu des rochers. Les paysans de sa contrée le vénéraient. A l'humble Pierre Angelerieri semblait s'être attaché le prestige des premiers anachorètes de l'ère chrétienne.



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Message  Invité Mar 27 Avr 2010, 2:59 pm

La suite la suite !

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Message  Monique Mar 27 Avr 2010, 5:19 pm

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L'idée de l'élire pape hanta le cerveau des princes de l'Eglise! Mais chacun craignait de paraître, aux autres, insensé. Pourtant, quelle façon de décevoir toutes les intrigues politiques!

Le projet mûrit rapidement dans les hésitations des électeurs et, soudain, éclata. L'ermite fut plus qu'élu, il fut exalté.

D'où venait-il?

Comme il arrivait souvent au moyen âge, où, en aucune époque, la valeur d'âme ne fut placée plus haut, son extrême humilité l'avait entouré d'une auréole et, tout vivant, inscrit dans la légende.

Né à Isernia en 1215, dans une famille pauvre et nombreuse, on disait que sa mère avait été avertie, par des signes, de la destinée mystique de cet enfant. Elle accomplit de durs sacrifices pour le préparer à l'état ecclésiastique.

Lui-même d'ailleurs, n'en voulait surtout retenir que l'abandon de toute curiosité humaine et ne consentit à recevoir d'autre enseignement que les notions indispensables à la lecture des textes sacrés. Il se défiait de la vanité et des dangers de la science.
Son idéal, de sa plus petite enfance à son extrême vieillesse, n'a jamais varié : c'était l'isolement dans l'austérité et la contemplation.

Il acquit une réputation semblable à celle de saint Antoine du Désert par sa lutte farouche contre les pièges du démon. D'abord réfugié sur une pente boisée des Abruzzes, le mont Morone, il reçut et garda le nom de Pierre de Morone. Mais, il ne se trouvait pas assez écarté du monde et rechercha une région plus sauvage, au milieu des rochers.

Pour ne point manquer de charité envers son prochain, en demeurant seul bénéficiaire de cette élévation mystique, il laissa venir à lui quelques compagnons, mus par le même zèle, et fonda une petite congrégation, d'abord rattachée à l'Ordre des Bénédictins, puis reconnue indépendante au concile de Lyon en 1274. On les nomma les Ermites de Saint-Damien. Plus tard, ils devinrent les Célestins.

La vocation d'anachorète était si fort imprimée en lui qu'ayant installé ses compagnons dans les deux petits monastères rustiques de Sainte-Marie-de-Magella et du Saint-Esprit, il s'enferma dans une grotte qui lui servait de cellule, et ne communiqua plus guère avec les humains qu'à travers les barreaux d'une fenêtre basse.



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Message  Monique Mar 27 Avr 2010, 7:21 pm

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Pour ne point manquer de charité envers son prochain, en demeurant seul bénéficiaire de cette élévation mystique, il laissa venir à lui quelques compagnons, mus par le même zèle, et fonda une petite congrégation, d'abord rattachée à l'Ordre des Bénédictins, puis reconnue indépendante au concile de Lyon en 1274. On les nomma les Ermites de Saint-Damien.

Plus tard, ils devinrent les Célestins.
La vocation d'anachorète était si fort imprimée en lui qu'ayant installé ses compagnons dans les deux petits monastères rustiques de Sainte-Marie-de-Magella et du Saint-Esprit, il s'enferma dans une grotte qui lui servait de cellule, et ne communiqua plus guère avec les humains qu'à travers les barreaux d'une fenêtre basse.

Dans l'église de Digny, en Eure-et-Loir, très beau monument de la fin de l'époque gothique, se trouve un tableau des plus évocateurs. Et sa présence en ce lieu s'explique par le souvenir de l'ordre des Célestins et les ruines d'une de leurs abbayes.

« Deux cardinaux, délégués par le conclave annoncent à Pierre de Morone, fondateur, en 1251, de l'Ordre des Célestins et ermite, qu'il est élu pape et lui présentent la tiare et la croix à trois branches, insignes de sa dignité nouvelle.
Charles d'Anjou, dit le Boiteux, roi de Naples et neveu de saint Louis, son fils Charles Martel, roi de Hongrie, les accompagnent. (On peut noter le pli naïf de la jambe de Charles, pour concrétiser sa boiterie.)
Dans l'angle supérieur gauche, le bandeau porte l'inscription « Ex eremo celsus ».
Derrière le nouveau Pape, on aperçoit la tête d'un Célestin qui symbolise sans doute l'Ordre.
Le tableau, de 2 m 30 sur 2 m, a une note de naïveté très agréable. Les couleurs, où dominent le rouge et le bleu ciel, sont encore très vives (1). »

L'ermite qui devint pape ET ABDIQUA 100px-10


(1) La description est due à la plume du colonel du Tillet qui a obligeamment communiqué les illustrations de cet épisode.


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Message  gabrielle Mer 28 Avr 2010, 11:10 am

Très bon dossier
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Message  Monique Mer 28 Avr 2010, 6:37 pm

L'ermite qui devint pape ET ABDIQUA Pape_c10

Tel est l'événement évoqué par le pinceau d'un membre de l'Ordre qui vivait au commencement du XVIIe siècle.
La députation a gravi péniblement le sentier qui menait à la cellule. La soie et les ors du cortège se déchiraient aux pierres et aux ronces. Bientôt un cantique, comme il n'en avait jamais ouï, vint frapper les oreilles du solitaire. Il crut avoir quitté le monde, et c'était quelque chose un peu comme cela, puisqu'il allait se trouver placé entre Dieu et les hommes.

Tout à coup, il voit étinceler des croix, des crosses et des mitres, et voilà que tous ces personnages magnifiques se prosternent devant ce vieillard vêtu de bure, au visage émacié, au regard inspiré. Alors, par la fenêtre basse, on aperçoit l'humble ermite qui, lui aussi, se prosterne le front sur le roc de sa retraite.

On juge de sa surprise, de sa terreur, quand un cardinal, s'avançant, le salua comme pape et lui tendit le décret d'élection. Le seul sentiment qu'il n'éprouva pas fut l'orgueil. Il était bien trop étranger à tout ce qui flatte.

On eût une peine infinie à lui arracher son consentement. Le cardinal dut, une dernière fois avant le définitif respect, lui imposer, lui parler haut et ferme, l'écraser sous la responsabilité d'un refus qui allait jeter le désordre dans la chrétienté.

Il fut sacré évêque et couronné Pape à Aquila.
...Il est Pontife universel. Sur le front décharné qui la sent si pesante, la tiare se dresse. La chape lourde de pierreries a remplacé la laine rugueuse. Mais l'ermite devenu le pape Célestin V n'a pas changé. Ses yeux hagards se promènent sur le monde et il ne le comprend pas.

Fondateur d'un Ordre de pauvreté religieuse, ses idées de retraite et d'austérité ne le quittaient pas et il se fit construire dans le palais pontifical une misérable cellule de bois.

En mémoire des faits qui avaient amené son élection, il remit en vigueur la bulle de Grégoire X relative à la sévérité du conclave : cardinaux enfermés, un plat retiré chaque jour de l'ordinaire jusqu'au pain et à l'eau.




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Message  Monique Jeu 29 Avr 2010, 10:28 am

L'ermite qui devint pape ET ABDIQUA Anonym10

Cependant, il combla de faveurs, en tant que chef de la chrétienté, l'Ordre qu'il avait fondé dans les conditions les plus humbles.

Mais le gouvernement de l'Eglise l'accablait. Et cette expérience d'un Pontife complètement étranger aux affaires du siècle ne dura pas même une année. La pensée de l'abdication lui apportait seule un peu de repos. Des scrupules l'arrêtaient... Avait-on jamais vu cela?

Selon un canon de l'Eglise, le clerc qui abandonnait sa charge devait renoncer entre les mains d'un supérieur. Et ce malheureux, qui n'était qu'humilité, se trouvait dans la situation de n'avoir plus de supérieur, pas même d'égal en ce monde!

Il consulte quelques cardinaux, et surtout le plus savant d'entre eux, l'illustre Benoît Gaetani. On voit assez, par le caractère de Pierre de Morone, combien est mal fondée l'accusation portée contre le futur Boniface VIII, d'avoir poussé le Pape à l'abdication. Il n'avait certes pas besoin qu'on l'y poussât!

La situation du gouvernement de l'Eglise était grave. Les cardinaux obéissaient à leur devoir et à l'ordre du Pape en l'examinant. Enfin, sur leur avis conforme, Célestin V prit sa résolution. Il la fit précéder, quelques jours avant, d'une constitution autorisant le Pape à abdiquer. Puis, afin de la rendre plus imposante et, partant, moins discutable, il voulut, lui qui fuyait ces pompes, s'envelopper une dernière fois dans toute la majesté de sa charge.
Assis sur son trône, revêtu de ses ornements, en présence d'une Cour illustre et nombreuse, il prononça ces paroles solennelles :
« Je quitte volontairement et librement la Papauté. »

L'abdication de Célestin V, si elle hâtait l'élection de Boniface VIII, ne favorisait point son règne. Ce grand seigneur romain, neveu du pape Nicolas III Orsini, avait brillé comme légat pontifical et comme docteur, en son siècle où la science et la philosophie ont produit quelques-unes des gloires de l'esprit humain. Les noms de Roger Bacon et de saint Thomas d'Aquin suffisent d'exemples. Les cardinaux, effrayés du rôle que pouvait tenir un ignorant, même saint, sur le trône de Pierre, le choisirent comme le plus savant d'entre eux.

Le saint qui s'échappait, peut-on dire, du Souverain Pontificat, ne tarda pas à donner de graves soucis à son successeur. Celui-ci ne pouvait abandonner seul, dans sa simplicité d'esprit et son exaltation voisine de l'égarement, ce vieillard sur qui toute l'Europe avait les yeux fixés. Boniface lui offrit de vivre à la cour pontificale. Il refusa. Il fut confié à l'Abbé du Mont Cassin.




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Message  ROBERT. Jeu 29 Avr 2010, 3:05 pm

.

Merci Monique pour ce fil très étoffé et garni de très belles illustrations...
ROBERT.
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Message  Monique Ven 30 Avr 2010, 6:15 pm

ROBERT. a écrit:.

Merci Monique pour ce fil très étoffé et garni de très belles illustrations...

Wink
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Message  Monique Ven 30 Avr 2010, 8:14 pm

L'ermite qui devint pape ET ABDIQUA Foto-c10
La statue vêtue contenant la dépouille de Pierre de Morrone, plus connu comme Pape Célestin V, dans son mausolée de Girolamo de Vicenza. L'Aigle, la Basilique de S.Maria de Collemaggio.



Mais Pierre de Morone n'avait qu'une idée, retourner à son ermitage, à ce rocher dont, avant de s'appeler Célestin V, il avait porté le nom. Le peuple l'accueillit comme un thaumaturge, tandis qu'il ne voulait que s'ensevelir dans le silence.
Boniface VIII, confident des scrupules ou plutôt des tortures de conscience qui avaient précédé le départ du saint, vit combien il serait facile à de mauvais conseillers d'abuser de sa candeur pour le faire revenir sur son abdication.

Il envoya son camérier observer l'anachorète. Par la fenêtre, on le voyait tranquille, en oraison dans sa cellule.
Brusquement, on vint apprendre au Pape que le saint s'était enfui dans l'épaisseur d'une forêt des Pouilles. On sut qu'il voulait s'embarquer pour la Terre Sainte. Il fut rejoint à quelques milles de la côte et remis au camerlingue du Sacré-Collège.

Le voici devant Boniface. L'un, vieux déjà, mais massif, imposant, abaisse sa face lourde et majestueuse d'empereur romain vers le fugitif, décharné, à la barbe poussiéreuse, qui tremble sous sa bure déchirée et dont les yeux immenses cherchent éper-dument l'impossible solitude. Et le Pape regarde celui qui fut Pape.

Un consistoire se réunit pour décider du sort de celui qui, après avoir été Célestin V, éprouvait tant de difficultés à ne plus être qu'un homme.

Quelques cardinaux opinèrent pour le laisser libre. La majorité décida de l'enfermer au château de Fulmone, en Campanie. Et l'on construisit, sur son désir, à l'intérieur de l'édifice, une cellule en tout pareille à celle de Morone. Deux frères de son Ordre communiquaient seuls avec lui. Que pouvait souhaiter de plus le saint ermite, puisque sa vie errante risquait de troubler la paix du monde?

Il mourut à soixante-treize ans, d'une tumeur au côté gauche. Mais ni sa mort ni sa canonisation par le pape français, Clément V, n'apaisèrent complètement les esprits.

Parce que Boniface VIII avait été élu de son vivant, une sorte de malaise flotta, tant que ce Pape intrépide vécut, sur le souvenir de son élection.

Pour la même raison, la mémoire de Célestin V fut sévèrement jugée par beaucoup de ses contemporains. L'un des plus illustres, le Dante, ne lui pardonnait point d'avoir quitté sa charge!

Cet unique et dramatique exemple du Grand Refus semble avoir marqué la constitution de l'Eglise et laisse penser que Celui qui est monté sur le trône de Pierre a perdu en même temps le droit d'en descendre.




FIN
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