L’ANTECHRIST
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Re: L’ANTECHRIST
2° L’Antéchrist descendra-t-il de la tribu de Dan ?
À cette question, les Pères, on doit le reconnaître, répondent, et en assez grand nombre, d’une manière affirmative : L’Antéchrist sera de l’ancienne tribu juive de Dan. Ont partagé cette opinion saint Irénée, saint Hippolyte, saint Ambroise, saint Augustin, saint Prosper, Théodoret, saint Eucher, saint Anastase le Sinaïte, saint Grégoire le Grand, saint Isidore, le Vénérable Bède, saint Anselme, Rupert, Richard de Saint-Victor, saint Antonin, et de non moins nombreux exégètes.
Sur quoi appuient-ils leur sentiment ? Sur les trois textes suivants des Écritures :
a) Sur un passage de la fameuse prophétie de Jacob, où le patriarche mourant découvre l’avenir des douze tribus d’Israël, représentées par ses douze fils. Arrivé à Dan, il s’écrie : «Que Dan devienne comme un serpent dans le chemin, et comme un céraste dans le sentier, qui mord le pied du cheval, afin que celui qui le monte tombe à la renverse» (Gen., XLIX, 17). Le céraste ou le serpent à cornes est un reptile des plus dangereux. Il se cache dans le sable, et s’élance sur le cavalier et sur sa monture. De ces images peu favorables, les Pères susnommés ont conclu que l’Antéchrist appartiendrait à la tribu de Dan.
Réponse : Le sens de cette prophétie est que Dan suppléera par la ruse à ce qui lui manquera en force. La ruse n’est pas méprisée chez les Orientaux, au contraire, elle est aussi estimée que la bravoure. Ce caractère, qui joint à la force la finesse et la ruse, et au besoin supplée par la ruse à la force, paraît déjà dans l’expédition des Danites contre Laïs (Juges, XVIII, 28-29) ; mais c’est surtout dans Samson, originaire de la tribu de Dan, que cette prophétie a reçu une éclatante réalisation. On sait toutes les embûches que Samson dressa aux Philistins. Mais, dans ce texte, il n’y a aucun indice qui autorise à le rapporter à l’Antéchrist, bien que Cornélius Lapierre dise : «Jacob ad litteram hæc prædixit de Samsone, allegorice de Antichristo» (Gen., XLIX).
b) Sur un texte de Jérémie, VIII, 16 : «Depuis Dan on entend le frémissement de ses coursiers ; tout le pays est ébranlé par les hennissements de ses chevaux de guerre : ils sont venus, et ils ont dévoré le pays et ce qu’il renferme, la ville et ses habitants».
Réponse : Il s’agit de l’invasion chaldéenne. L’armée de Nabuchodonosor est arrivée à Dan, sur la frontière septentrionale de la Palestine. Déjà on entend les hennissements de ses chevaux. Et Jérémie, qui a prêché en vain la pénitence, ajoute : «Ma douleur est au-dessus de toute douleur ; mon coeur est languissant au-dedans de moi» (Jér., VIII, 18). C’est donc Nabuchodonosor, suscité de Dieu pour être Son vengeur, qui est annoncé comme arrivant de Dan, et non l’Antéchrist.
c) Sur le silence que garde saint Jean par rapport à Dan dans l’énumération qu’il fait des tribus d’Israël, au chapitre VII de l’Apocalypse. On en a tiré cette conclusion : Puisque toutes les tribus d’Israël, sauf celle de Dan, fournissent leur contingent à la Jérusalem céleste décrite par saint Jean dans ce chapitre, c’est sans doute en haine de l’Antéchrist que la tribu de Dan n’est pas nommée.
Réponse : Le silence de saint Jean, s’il est réel, ne prouve rien, attendu que dans la plupart des énumérations bibliques il y a toujours quelque tribu omise. Ici, c’est Lévi, Nomb., XIII ; là, c’est Siméon, Deuter.,XXIII. Du reste, il n’est pas certain que le silence de saint Jean soit réel, et on peut penser avec D. Calmet que cet apôtre n’avait pas omis Dan. Un des premiers copistes, trompé par la similitude du Æ et du M aura lu Mav au lieu de Æav et aura écrit Man., abrégé de Manassé, qui serait ensuite passé dans le texte. L’hypothèse est d’autant plus plausible que la présence de Manassé dans l’énumération de l’Apocalypse n’a pas de raison d’être, puisque cette tribu n’est qu’une division de la tribu de Joseph, dont le nom est mentionné en cet endroit.
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PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Diane + R.I.P- Nombre de messages : 5488
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Re: L’ANTECHRIST
2° L’Antéchrist descendra-t-il de la tribu de Dan ? ( suite )
Bien que les trois textes scripturaires allégués pour établir l’origine danite de l’Antéchrist ne soient pas probants, néanmoins il y aurait lieu de tenir compte de l’autorité des Pères qui s’autorisent de ces textes, s’ils les faisaient reposer sur une tradition. Or, tel n’est pas le cas en cette question. Non seulement ils ne mentionnent aucune tradition positive, mais plusieurs se servent d’expressions dubitatives telles que celles-ci : «On pense (existimatur) (S. Augustin)... Moi je pense (ego arbitror) (Théodoret)... Quelques-uns rapportent (nonnuli ferunt) (S. Grégoire le Grand, Rupert)... Il est rapporté (Fertur) (André de Césarée)... Quelques-uns disent (Dicunt quidam) (Bède, Alcuin)... etc. À ces expressions qui dénotent des opinions personnelles plutôt qu’une tradition, si on ajoute la non unanimité des Pères, et aussi ce fait historique et indubitable que, depuis bientôt vingt siècles, toutes les tribus d’Israël sont confondues dans un pêle-mêle inextricable et que les généalogies ont péri, on conviendra que l’opinion qui fait sortir l’Antéchrist de la tribu de Dan est bien discutable.
En résumé la nationalité juive de l’Antéchrist reste indécise. Elle n’est ni certaine, ni probable, mais seulement possible : rien de plus. L’événement seul tranchera la question.
DEUXIÈME CHOSE INDÉCISE : Le nom de l’Antéchrist.
Saint Jean l’a indiqué, mais d’une manière extrêmement mystérieuse en donnant seulement le chiffre de ce nom : «...Que personne ne puisse acheter ni vendre, s’il n’a la marque ou le nom de la Bête, ou le chiffre de son nom... Que celui qui a de l’intelligence calcule le nombre de la Bête ; car c’est un nombre d’homme, et son nombre est six cent soixante-six». (Apoc., XIII, 17-18.)
Chez les anciens, et notamment chez les Hébreux, les Grecs et les Latins, on se servait des lettres de l’alphabet en guise de chiffres. Chaque lettre avait ainsi sa valeur numérale. D’où le procédé suivant : En additionnant la valeur numérique des lettres employées dans tel passage, on obtenait un chiffre, et avec les lettres qui représentaient le total, on trouvait un nom. Le nombre de la Bête étant 666, on a donc entrepris de transformer les chiffres de ce nombre en lettres et d’en composer le nom mystérieux de l’Antéchrist. On l’a tenté en grec, en hébreu et en latin. Peine inutile ! Les résultats qu’on a obtenus différent trop, entre eux, pour qu’on puisse y voir rien de précis et de définitif.
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Diane + R.I.P- Nombre de messages : 5488
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Re: L’ANTECHRIST
DEUXIÈME CHOSE INDÉCISE : Le nom de l’Antéchrist. ( suite )
Selon la valeur des lettres grecques, le nom de l’Antéchrist serait l’un des suivants : Selon la valeur des lettres hébraïques, le nom de l’Antéchrist serait Latinus (Latin) - Nero Cesar – Elion Adonai Jéhova hakados (Altissimus Dominus Jehova sanctus (d’après Malvenda, De Antichristo, lib. IX).
Selon la valeur des lettres latines, le nom de l’Antéchrist serait : Dioclès Augustus (Dioclétien), proposé par Bossuet - Caïus César (Caligula), etc.
De ces divers exemples on peut conclure combien on s’est fatigué en vain pour découvrir le nom de l’homme de péché. Il demeure chose indécise. Au reste, «il est loin d’être sûr qu’il faille chercher un nom propre d’homme, avec ou sans titre de dignité, dans le chiffre 666. Nous sommes ici en face d’une énigme dont l’apôtre saint Jean n’a peut-être jamais révélé le secret à personne, puisque les commentateurs les plus anciens et saint Irénée lui-même, quoiqu’il eût connu des disciples de saint Jean, n’en ont proposé l’explication qu’avec hésitation et incertitude. Il faudrait des pages entières pour énumérer seulement les personnages que l’on a cru découvrir dans ce nombre. Mais peut-être appartient-il à l’avenir seulement de nous révéler le mot de l’énigme, et quand le vrai Antéchrist aura paru, ce qui est si obscur aujourd’hui sera-t-il alors comme la lumière du jour»1.
On sait que dans la secte des Francs-maçons les nombres jouent un grand rôle 2. Chaque grade y est caractérisé par un nombre spécial. Des noms ne le sont-ils pas aussi ? Qui sait ? Ce nombre 666 indique peut-être le numéro et le nom que l’Antéchrist portera parmi les sociétés secrètes qui ne manqueront pas de se presser à sa suite.
1 Vigouroux, Les Livres saints et la critique rationaliste, t. IV, p. 636 ; 2e édit.
2 Voir Dom Benoit, La Franc-Maçonnerie, t. I, p. 247-262, Paris 1886.
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PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Diane + R.I.P- Nombre de messages : 5488
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Re: L’ANTECHRIST
Encore deux opinions :
1° La première se présente avec saint Irénée qui s’ exprime ainsi : «L’Antéchrist, au temps de son règne, transférera le siège de son empire dans la Jérusalem terrestre» (Iren., Adv. húres., lib. V, cap. Xxv). À la suite de saint Irénée figurent saint Hippolyte, Sulpice Sévère, Andréas évêque de Césarée, Arétas, Rabanus, Sandérus, Bellarmin, Bécan, Viégas, Lessius, Ferrerius, Corn. a Lapide et aussi le docte Suarez dont voici les paroles : «Il est à croire que le règne de l’Antéchrist s’établira surtout chez les Juifs, et qu’il restaurera la cité de leurs pères dont ils se sont toujours glorifiés ainsi que de son temple» (De Antich., sect. V, obj. VI).
Les partisans de cette opinion se fondent :
a) Sur un texte de l’Apocalypse qui dit que les deux témoins de Dieu, Énoch et Élie, adversaires de l’Antéchrist, seront mis à mort dans la grande ville où leur Seigneur a été crucifié (Apoc., XI, 7-. Ces mots caractérisant Jérusalem, on en conclut que si les deux témoins sont mis à mort dans cette ville, c’est que l’Antéchrist y aura le siège de son empire.
b)Cette opinion se fonde encore sur des raisons de convenance.
Comme ç’a été en Judée et plus spécialement à Jérusalem que le Christ, durant Sa vie terrestre, a établi le siège de Son empire spirituel ; comme c’est là qu’Il est né, qu’Il a vécu, prêché, opéré Ses miracles, établi l’Évangile ; qu’Il y a été crucifié, qu’Il y est mort, ressuscité, monté au ciel ; qu’Il y a enfanté l’Église ; en un mot, qu’Il y a accompli toute l’économie divine préordonnée de toute éternité en vue du salut du genre humain : pour tous ces motifs l’Antéchrist, inspiré par Satan, reviendra, afin de réaliser pleinement sa mission infernale d’adversaire du Christ, sur toutes les étapes de la vie du Sauveur, pour les combattre, les effacer, les détruire.
Dans ce but, c’est à Jérusalem qu’il fixerait aussi le siège de son empire diabolique.
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Diane + R.I.P- Nombre de messages : 5488
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Re: L’ANTECHRIST
TROISIÈME CHOSE INDÉCISE : Le siège de l’empire de l’Antéchrist. ( suite )
Encore deux opinions :
De plus, si l’Antéchrist agissait autrement, pourrait-il se faire accepter comme Messie par les Juifs, qui rêvent une gloire terrestre pour Jérusalem et s’imaginent que cette ville deviendra, dans l’avenir, le siège de l’empire messianique ? Cette dernière raison semble se fortifier, de nos jours, par l’apparition du Sionisme. En voici le programme : «Les temps ne sont-ils pas venus de reconstituer cette nationalité juive pour laquelle, du fond de ses synagogues et de ses ghettos, Israël n’a pas cessé de soupirer ?» Une vaste association s’est donc formée entre les Juifs croyants du monde entier, en vue de récupérer la Palestine et Jérusalem. Sept congrès se sont déjà tenus à Bâle pour en trouver les moyens. Le dernier, du 27 au 30 juillet 1905, a été particulièrement intéressant au point de vue qui nous occupe.
S. M. le Sultan de Constantinople ne se montrant point favorable aux désirs des Sionistes, l’Angleterre avait gracieusement offert un vaste terrain dans l’Ouganda, à l’est de l’Afrique centrale, pour y essayer la formation d’un État juif autonome. Le Congrès, composé de plus de huit cents délégués du Judaïsme mondial, a adopté, à une forte majorité, la résolution suivante : «Le Congrès maintient fermement les principes de son programme tendant à établir une patrie pour le peuple juif en Palestine. Il refuse toute colonisation hors de la Palestine ou des pays voisins.«Le Congrès vote des remerciements au gouvernement anglais pour son offre d’un territoire en Afrique orientale» 1.
Serait-ce un acheminement à l’établissement du siège de l’Antéchrist à Jérusalem, grâce au concours futur des Juifs ?
( 1)Archives Israélites, 10 août 1905, p. 249-252. - Voir notre ouvrage l’Avenir de Jérusalem (Espérances et chimères) : Réponse aux Congrès Sionistes, Paris, librairie Poussielgue.
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Diane + R.I.P- Nombre de messages : 5488
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Re: L’ANTECHRIST
2° La deuxième opinion désigne la Rome des Papes comme siège de cet empire, et voici ses arguments.
Reprenant d’abord le texte de saint Jean touchant la mort des deux témoins (Apoc, XI, 7-8) Enoch et Élie, elle fait remarquer, et avec raison, qu’il n’est pas concluant. Il se pourrait, en effet, que ces deux témoins fussent mis à mort dans Jérusalem par ordre de l’Antéchrist, sans que celui-ci y ait alors le siège de son empire, et même sans qu’il y soit résidant.
Rome, au contraire, ne semble-t-elle pas indiquée ? C’est là que, pour mieux faire opposition au vrai Christ, l’Antéchrist établirait le siège de sa puissance. Il siégerait à Rome redevenue païenne, selon une ancienne tradition 2, et, se posant en face du chef de l’Église, il ressusciterait l’empire romain ou latin.
Il semble que ceux qui préparent le règne de l’Antéchrist, aient conçu et adopté ce plan. C’est contre Rome, en effet, que se coalisent, depuis des années, les efforts de toutes les sectes maçonniques. Rome redevenue païenne, ce serait l’étape préparatoire à la royauté romaine de l’Antéchrist. Une grave allocution de Léon XIII donne à réfléchir. C’est dans le Consistoire du 30 juin 1889 qu’elle a été prononcée : «Il est douloureux à constater que dans cette auguste Ville où Dieu a établi le domicile de Son Vicaire retentisse l’éloge de la raison humaine en révolte contre Dieu, et que là où le monde entier a été instruit à demander les purs principes de l’Évangile et les conseils du salut, aujourd’hui, par l’effet d’un bouleversement criminel, des erreurs coupables et l’hérésie elle-même soient impunément consacrées par des statues. Les événements nous ont conduits à ce point que nous voyons l’abomination de la désolation dans le lieu saint... C’est à un homme impie et perdu de moeurs qu’on élève un monument 1. Cette ville de Rome, qu’on affirmait devoir être toujours le siège glorieux et assuré des Pontifes Romains, on veut en faire la tête d’une impiété nouvelle en y fondant le culte absurde et insolent de la raison humaine portée comme à un faite divin».
2 Sur cette tradition, voir Cornel. à Lapide, II Epit. aux Thess., II, 7. et Comm. sur l’Apoc., ch. XVII, 1-2. – Dans l’édition Vivès, t. XIX. p. 155 et t. XXI, p. 307-309. Elle est adoptée, entre autres exégètes, par Sixte de Sienne, Bellarmin, Alcazar, Salmeron, Suarez. - Cfr. Drach, Comment sur l’Apocal., p. 127.
1 Erection du monument de Giordano Bruno.
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PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Re: L’ANTECHRIST
La douleur que Léon XIII épanchait de la sorte au sein du Sacré Collège, il l’exprimait quelques années plus tard, le 8 décembre 1892, au peuple italien tout entier :
«Peut-on voir sans pleurer la partie la plus privilégiée du troupeau de notre adorable Rédempteur, un peuple toujours demeuré fidèle pendant dix-neuf siècles, exposé aujourd’hui à toute heure au péril imminent de l’apostasie et entraîné dans la voie des erreurs et des vices, des misères matérielles et des abjections morales ?... Mais d’où vient-elle cette guerre ? Elle sort surtout de cette secte maçonnique dont Nous vous avons entretenus au long dans l’Encyclique Humanum genus, du 20 avril 1884, et plus récemment, le 15 octobre 1890, en Nous adressant aux évêques, au clergé et au peuple d’Italie. Par ces deux lettres, Nous avons arraché le masque dont la maçonnerie se couvrait aux yeux du peuple, et Nous l’avons dévoilée dans sa hideuse difformité, dans son action ténébreuse et funeste... Grâce aux complots, à la corruption et à la violence, elle est parvenue à dominer l’Italie et Rome elle- même...»2.
Dans l’Encyclique Humanum genus, rappelée par l’auguste Pontife et l’une des premières de son Pontificat se trouvait déjà cet avertissement solennel :
«Dans l’espace d’un siècle et demi, la secte des francs-maçons a fait d’incroyables progrès. Employant à la fois l’audace et la ruse, elle a envahi tous les rangs de la hiérarchie sociale et commence à prendre, au sein des États modernes, une puissance qui équivaut presque à la souveraineté... À l’égard du Siège Apostolique et du Pontife romain, l’inimitié de ces sectaires a redoublé d’intensité.
Après avoir, sous de faux prétextes, dépouillé le Pape de sa souveraineté temporelle, nécessaire garantie de sa liberté et de ses droits, ils l’ont réduit à une situation tout à la fois inique et intolérable, jusqu’à ce qu’enfin, en ces derniers temps, les fauteurs de ces sectes en soient arrivés au point qui était depuis longtemps le but de leurs secrets desseins : à savoir que le moment est venu de supprimer la puissance sacrée des Pontifes romains et de détruire entièrement cette Papauté qui est d’institution divine...»3.
Aux deux opinions exposées, l’événement accompli donnera une solution péremptoire. Jusqu’à cette époque, elle demeure indécise. Si Jérusalem devient le siège de l’empire de l’Antéchrist, ses principaux fauteurs auront été les Juifs ; si c’est Rome, ce seront les Francs-Maçons.
2 Lettre de S. S. Léon XIII au peuple italien, le 8 décembre 1892. - Comme preuve des légitimes doléances de Léon XIII, qu’on lise le document suivant du grand-maître de la Franc-Maçonnerie, Lemmi, document qui fut distribué à tous les francs-maçons d’Italie :
« .. Du T.., 10 octobre 1890.
Aux Vénérables Frères des Loges italiennes, L’édifice que les FF ..sont en voie d’élever dans le monde ne pourra être regardé comme arrivé à bon point tant que les FF.. d’Italie n’auront pas fait don à l’humanité des décombres de la destruction du grand ennemi.
L’entreprise avance rapidement en Italie... Nous avons appliqué le ciseau au dernier refuge de la superstition, et la fidélité du F .. 33é qui est à la tête du pouvoir politique (M. Crispi) nous est une garantie que le Vatican tombera sous notre marteau vivifiant.
Mais il est nécessaire que, lors des prochaines élections politiques, quatre cents FF .. au moins entrent à la Chambre législative comme députés... Les derniers efforts rencontreront de plus grands obstacles du côté du chef des prêtres et de ses vils esclaves... Le G..O.. invoque le génie de l’humanité pour que tous les FF.. travaillent de toutes leurs forces à disperser les pierres du Vatican pour construire avec elles le temple de la Nation émancipée. Le G..O..de la Vallée du Tibre».
3 Encyclique Humanum genus de S. S. Léon XIII, 20 avril 1884.
Note: dans la note no 2, il m'a été impossible de reproduire les trois points maçonniques.
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Re: L’ANTECHRIST
QUATRIÈME CHOSE INDÉCISE : Le temple où l’Antéchrist se fera adorer.
Saint Paul a dit : «L’adversaire qui s’élève au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est adoré, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se faisant lui-même passer pour Dieu». (II Thess., II, 4.)
Quel sera le temple témoin de cette abomination ?
a) Une première opinion désigne le temple de Jérusalem qui serait en partie ou en totalité relevé de ses ruines par l’Antéchrist, et où il se ferait rendre les honneurs divins. Elle est adoptée par saint Irénée, saint Hippolyte, saint Cyrille de Jérusalem, saint Damascène, Sever, Sulpicius et un certain nombre d’exégètes tant anciens que modernes. C’est selon son sens propre et littéral qu’il faut, disent-ils, prendre le mot temple. Car, au temps de saint Paul, auteur de cette épître aux Thessaloniciens, c’était le temple de Jérusalem qui portait le nom de Temple par antonomase ; on le désignait simplement par ce nom, comme cela ressort de saint Luc (Act. III et V) et d’autres textes. Alors il n’existait pas encore de temples chrétiens, et seul le temple de Jérusalem était appelé Temple de Dieu. Il est donc plus vraisemblable, dit Suarez, que c’est de lui qu’a parlé saint Paul (De Antichristo, sect. V).
b) À l’encontre de ce sentiment, une seconde opinion répond qu’il n’est point démontré que saint Paul, en prédisant que l’Antéchrist s’assiéra dans le Temple de Dieu, ait eu en vue celui de Jérusalem. En effet, saint Jérôme, expliquant les paroles de l’Apôtre, dit : «Il s’assiéra dans le Temple de Dieu, c’est-à-dire ou dans Jérusalem, comme quelques-uns le pensent, ou dans l’Église, ce qui nous paraît plus vrai» (Ad Algariam, quúst., II). Saint Chrysostome dit aussi : «Non dans le temple de Jérusalem, mais dans le temple de l’Église» (In II ad Thessal., II). Mais comment l’Antéchrist s’assiérait-il dans le temple de l’Église ? Théodoret l’explique : «Ce que l’Apôtre appelle le Temple de Dieu, ce sont les églises dans lesquelles cet impie prendra le premier rang, la première place, s’efforçant de se faire reconnaître pour Dieu» (In II ad Thessal., II). Théophylacte l’explique encore plus clairement : «Non pas dans le temple de Jérusalem, mais simplement dans les églises, dans tout temple consacré à Dieu» (In II ad Thessal., II). C’est aussi le sentiment de saint Hilaire, de Cajetan, Villalpand, Estius, etc.
Devant ce partage d’opinions, saint Augustin a jugé la question indécise : «Quel est le Temple de Dieu où l’Antéchrist doit s’asseoir ? Sera-ce sur les ruines du Temple que Salomon avait fait bâtir ? Sera-ce dans l’Église de Dieu ? Cela est incertain» (Civit. Dei, lib. XX, n° XIX). Il faut se mettre à la suite de l’évêque d’Hippone et convenir que cette question, comme celle relative au siège de l’empire de l’Antéchrist, reste indécise.
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Re: L’ANTECHRIST
IV CHOSES FANTAISISTES (Antiochus Epiphane)
Plusieurs Pères et plusieurs exégètes, entraînés par leurs études, ont tenté de pénétrer plus avant et jusque dans l’intime de la vie de l’Antéchrist. Nous ne rejetons pas a priori les opinions qu’ils ont émises et nous gardons bien de les taxer de faussetés. Mais comme ces opinions n’ont pour base ni des textes évidents de l’Écriture, ni la Tradition patristique, nous les rangeons sous la rubrique de fantaisistes, n’attachant d’ailleurs à cette expression rien de blâmable ni d’irrespectueux, et seulement le sens d’opinions libres et peu fondées.
L’événement pourra seul leur faire attribuer la note qui leur convient. Mais s’il advient qu’un démenti leur soit donné, il ne faudra pas oublier que fréquemment les Pères et les exégètes n’émettent que des opinions personnelles, sans avoir le moins du monde la prétention de trancher les questions. In dubiis libertas, a dit saint Augustin ; et c’est pourquoi les Pères et les exégètes en question ont droit qu’on respecte leur sentiment jusqu’à preuve historique du contraire ; et si l’événement oblige, dans l’avenir, à l’abandonner, que ce soit toujours en sauvegardant l’honneur des personnes et leur autorité.
Ce principe de loyale et respectueuse exégèse établi, on peut se demander ce qui a déterminé et tracé pour plusieurs cette voie de fantaisie.
La réponse ressort elle-même de leurs pages: ce sont les attraits du figurisme:
On sait que l’Église a toujours enseigné l’existence d’un sens figuré dans la sainte Écriture, et cette existence repose sur l’affirmation de la parole de Dieu elle-même : Ces choses leur arrivaient en figure, dit saint Paul, rappelant plusieurs traits du séjour des Israélites dans le désert (1 Cor., X, 11). Notre-Seigneur Lui-même a établi l’existence du sens figuré en nous montrant dans Jonas, enseveli pendant trois jours dans le ventre d’un poisson, l’image allégorique de son séjour au tombeau (Jean III, 14 ; Matth., XII, 40). Mais si certains passages de l’Écriture présentent un sens figuré en sus du sens littéral, il y a un danger à éviter, qui consiste soit à rechercher ce sens figuré dans chaque passage de l’Écriture, soit à le multiplier outre mesure.
On tombe alors dans l’erreur du figurisme.
Mais comment l’Antéchrist a-t-il pu devenir le point de mire d’études figuristes et occasionner les choses fantaisistes qui vont être énumérées ?
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Re: L’ANTECHRIST
IV CHOSES FANTAISISTES (Antiochus Epiphane) (suite )
Mais comment l’Antéchrist a-t-il pu devenir le point de mire d’études figuristes et occasionner les choses fantaisistes qui vont être énumérées ?
Voici comment :
Il y a dans le livre de Daniel un chapitre, le XIè, tout particulièrement consacré à Antiochus Épiphane et à ses gestes (du vers. 21 au vers. 45). Son nom n’est point mentionné ; il est uniquement désigné par l’appellation de roi du Nord ou de l’Aquilon. La plupart des interprètes, anciens et modernes, n’ont pas hésité à le reconnaître, tant les événements, décrits d’avance, se rapportent exactement à son règne. Il y a plus : on admet encore généralement qu’Antiochus est la figure de l’Antéchrist. Mais là commencent les divergences et aussi l’occasion des abus.
Selon quelques-uns, le morceau entier (vers. 21-45) ne se rapporterait qu’à l’Antéchrist.
Selon d’autres (surtout au temps de S. Jérôme), il se rapporterait littéralement à Antiochus ; au figuré, à l’Antéchrist.
D’autres pensent qu’il n’est question de l’Antéchrist qu’à partir du verset 36.
D’autres enfin que certains traits seulement lui sont consacrés.
Ce sont les partisans des trois premières opinions, notamment des deux premières, qui ont peut-être exagéré les rapports entre Antiochus et l’Antéchrist. En quoi les auraient-ils exagérés ? En ce qu’ils se sont emparés de chaque verset de cette page biblique pour en composer, comme s’ils étaient des documents historiques, une vie anticipée et détaillée de l’Antéchrist.
Assurément Antiochus Épiphane doit être considéré comme le type le plus complet, le plus achevé, de l’Antéchrist. Nous-mêmes, en cet écrit, avons plus d’une fois signalé les rapports existants entre ces deux adversaires du vrai Dieu. Mais ces rapports doivent être établis avec modération. Il ne faut pas perdre de vue cette vérité essentielle, à savoir que les personnages devenus, par une permission divine, des types de l’avenir, forma futuri (Rom., V, 14), ne le sont point ordinairement dans la totalité de leur vie, c’est-à-dire dans chacun de leurs actes. Nous n’entendons point assurément limiter l’action de l’Esprit Saint, mais constater un fait général.
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PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Re: L’ANTECHRIST
IV CHOSES FANTAISISTES (Antiochus Epiphane) (suite )
C’est seulement par tels ou tels traits de leur existence que les personnages figuratifs ont annoncé l’avenir. Par rapport au vrai Christ, Melchisédech ne l’a figuré que dans son double caractère de Roi et de Pontife ; Isaac, dans sa patience et son sacrifice ; Jacob, dans sa vie voyagère et ses rudes labeurs ; Joseph, dans les persécutions que lui firent subir ses frères et dans son élévation. Or il en est de même de la personne et de la vie de l’Antéchrist. Elles n’ont été figurées que sous tel ou tel aspect par divers personnages, Néron, Galère, Julien l’Apostat, Mahomet, Antiochus Épiphane, jamais en totalité. Ce serait donc par un abus du sens figuratif qu’on a cru pouvoir tracer d’avance la vie de l’Antéchrist en la calquant sur celle d’Antiochus, d’après tous les versets et tous les détails du chapitre XI de Daniel.
S’il y a eu excès, les auteurs engagés dans cette voie l’auraient évité, en éclairant leur marche de cette règle spéciale du sens mystique : «Il ne faut jamais attribuer à l’Écriture un sens mystique qui ne soit confirmé par quelque autre passage de l’Écriture entendu dans un sens littéral, autrement on attribuerait aux Livres saints une doctrine qu’ils n’enseignent point»1.
1 «Nihil est sub sensu spirituali alicui loco tribuendum quod non per alium locum in sensu litterali manifeste traditum inveniatur, ut quanquam quæ in uno loco exponuntur, ad tropologiam vel allegoriam spectent, in aliis tamen locis ad litteram dicta ostendantur». (Salmeron, Comm. in Evangel. hist., prol. XIX, canon V, 1592, t.I, p. 345. - Vigouroux, Man. bibl., t. I, p. 285, 8è édition.
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Re: L’ANTECHRIST
IV CHOSES FANTAISISTES (Antiochus Epiphane) (suite )
C’est en dehors de cette règle qu’il a donc été annoncé, peut-être avec danger d’erreur :
a) Que l’Antéchrist naîtra à Babylone
(S. Jérôme 2, André de Césarée, Arétas, Bède, Haimo, Rabbanus, Strabus, S. Anselme, Rupert, Petrus Comestor, Ludolphe le Chartreux, S. Antonin, J. Gerson), - en Syrie (Lactantius Firmianus) ; - en Égypte (Anastasius Sinaïta).
b) Qu’il sera le fruit d’un commerce illicite (S. Hippolyte, S. Ephrem, S. Damascène, Dom. Soto).
c) Que son éducation s’accomplira à Bethzaïde et à Corozaim
villes maudites par Jésus-Christ (Rabbanus, S. Anselme, S. Antonin).
d) Que ses éducateurs seront des magiciens qui, dès son enfance, le pénétreront de leurs principes, et l’instruiront dans les sciences occultes
(S. Cyrille de Jérusalem, Rabbanus, Viguerius, Lyranus).
e) Qu’il saura par coeur toute l’Écriture et connaîtra tous les arts
(S. Anselme).
f) Que bien que son Ange gardien ne lui soit pas ôté cependant il ne pourra exercer aucun acte efficace à son égard, à cause de son obstination et de l’influence des démons sur lui
(S. Antonin, Bened. Justinianus).
g) Que les débuts de son règne et de sa puissance se feront à Babylone
(S. Jérôme, André de Césarée, Arétas), - à Capharnaüm et Corozaim (S. Antonin).
h) Que dix rois se coaliseront contre lui mais qu’en ayant vaincu trois, le roi d’Égypte, le roi d’Afrique et le roi d’Éthiopie, les sept autres se soumettront. Qu’il éprouvera une défaite navale de la part de certains peuples les occidentaux, mais qu’il ne tardera pas à réparer cet échec passager ; qu’ayant triomphé de tous ses ennemis, il deviendra maître de la terre entière (S. Hippolyte, S. Irénée, S. Cyrille, S. Jérôme, Théodoret, S. Ephrem, Lactance, V. Bède, S.
Anselme, etc.).
2 Les noms entre parenthèses sont ceux des principaux partisans des diverses opinions
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Re: L’ANTECHRIST
IV CHOSES FANTAISISTES (Antiochus Epiphane) (suite )
i) Qu’il parviendra à cette domination non seulement par les armes, mais par la ruse et aussi par l’appât des biens temporels. Que les démons lui découvriront tout l’argent caché, toutes les mines précieuses, en sorte qu’il possédera en abondance l’or et l’argent et s’en servira pour séduire
(S. Anselme, Petr. Comestor).
j) Qu’il opérera avec l’aide du démon tous les miracles de Jésus-Christ guérissant les lépreux, les aveugles, faisant marcher les paralytiques, ressuscitant même les morts
(S.Hippolyte, S. Ephrem, Lactance, S. Anselme, etc.).
k) Qu’ayant jeté bas le masque de l’hypocrisie, il aura des moeurs épouvantables s’adonnant aux turpitudes de la passion des femmes
(Théodoret).
l) Ajoutons que ses palais eux-mêmes sa cour, ses vêtements, ses objets précieux, ses parfums, ses repas n’ont pas échappé à une description minutieuse
(Malvenda).
m) Qu’enfin il sera frappé et exterminé à Apadno, sur la montagne des Oliviers alors qu’il tentera de s’élever dans le ciel, à l’exemple du Sauveur.
(S. Jérôme, Théodoret, S, Ambroise, Lyranus).
Cet ensemble de détails ne constitue-t-il pas comme une vie de l’Antéchrist vécue d’avance ? Doit-on les mépriser et les écarter comme inventions fausses et imaginaires ? Non, car dans le domaine du mal tout est possible, Satan devant être l’auxiliaire de l’Antéchrist. Mais des points d’interrogation doivent cependant être placés à la suite de chacun d’eux. Tous ces détails, en effet, ne sauraient être admis ni comme certains, ni comme probables, ni même comme indécis, l’indécision supposant, elle aussi, un point de repère.
Or, ni les uns ni les autres de ces détails ne se trouvent confirmés par des textes précis de l’Écriture entendus dans leur sens littéral, pas plus qu’ils ne reposent sur une indéniable tradition.
Cette tradition fait défaut, puisque, des choses avancées, les unes ne sont émises que par des Pères isolés, les autres par des Pères en plus grand nombre sans doute, mais dont le chiffre ne suffit pas à constituer le consentement unanime, base d’une tradition indiscutable. Les dires de ces Pères ne sont que des opinions personnelles, dignes d’attention et de respect, mais en dehors des anneaux formant la chaîne traditionnelle.
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Re: L’ANTECHRIST
IV CHOSES FANTAISISTES (Antiochus Epiphane) (suite )
De plus, point de textes scripturaires évidents. C’est principalement sur le chapitre XI de Daniel, entendu selon le sens figuré ou mystique, que ces opinions reposent. Mais, pour présenter de la valeur, elles devraient avoir également l’appui de quelque autre passage de l’Écriture entendu dans son sens littéral. Or, cet appui,c’est en vain qu’on le cherche pour elles. Aucun des trois portraits de l’Antéchrist, contenus aux chapitres VII de Daniel, XIII de l’Apocalypse, II de la IIè épître aux Thessaloniciens, étudiés dans leur sens littéral, ne confirme ces diverses allégations relatives à la vie de l’Antéchrist. Encore une fois, nous ne les rejetons point, pas plus que nous ne les admettons. Plusieurs d’entre elles peuvent être vraies, comme elles peuvent être fausses.
Jusqu’à ce que l’avenir en décide, elles ne doivent être regardées et acceptées que comme des fantaisies, des suppositions.
Mais en voilà assez de cet horizon noir, tout rempli de l’homme du péché, de celui que saint Irénée a appelé «le résumé de l’universelle iniquité»1. Portons nos regards d’un autre côté, là où des vaillances entourées de lumière se dessinent. Ce sont les champions des Vérités chrétiennes qui vont apparaître. Ils auront la mission de combattre, contre l’Antéchrist, les combats du Seigneur.
1 «Recapitulatio universæ iniquitatis». (Iræn., Adv. húres., lib. V, c. XXVIII.)
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Re: L’ANTECHRIST
LES CHAMPIONS DE LA VERITE CHRETIENNE CONTRE L’ANTECHRIST.
(extrait)
(extrait)
Ce qu’ils seront au point de vue de l’énergie de la foi, saint Augustin l’a exprimé dans ce cri d’admiration : «Que sommes-nous en comparaison des saints et des fidèles des derniers temps, puisque, pour les éprouver, Dieu déliera un ennemi 2, contre lequel, quoique enchaîné, nous ne pouvons lutter qu’avec de si grands dangers ?» (S. Aug., Cité de Dieu, liv. XX, n°
Saint Hippolyte a dit aussi : «O heureux ceux qui vaincront un tel tyran ! Ils seront, il faut l’avouer, plus illustres et plus héroïques que leurs devanciers» (De consum. Mundi).
Quels seront-ils donc ces héros de l’avenir ?
Ici, sur ce thème, manifestement l’Abbé Lemman n’avait pas saisi le sens de certaines prophéties .
Citons cependant ce texte magnifique du P. Lacordaire.
«Les princes, s’écriait un jour, dans la chaire de Notre-Dame de Paris, l’illustre dominicain, les princes pourront bien se réunir pour combattre les prérogatives de l’Église, les charger de noms fleurissants afin de les rendre odieuses, dire que c’est une puissance exorbitante qui perd les États : nous les laisserons dire, et nous continuerons à prêcher la vérité... Si l’on nous envoie en exil, nous le ferons en exil ; si l’on nous jette dans les prisons, nous le ferons dans les prisons ; si l’on nous enchaîne dans les mines, nous le ferons dans les mines ; si l’on nous chasse d’un royaume, nous passerons dans un autre. Mais si l’on nous chasse de partout, si la puissance de l’Antéchrist vient à s’étendre sur toute la face du monde, alors, comme au commencement de l’Église, nous fuirons dans les tombeaux et dans les catacombes. Et si enfin on nous poursuit jusque-là, si l’on nous fait monter sur les échafauds, dans tout noble cœur d’homme nous trouverons un dernier asile, parce que nous n’aurons pas désespéré de la vérité, de la justice et de la liberté du genre humain»2.
2 «Et (angelus) apprehendit draconem, serpentem antiquum, qui est diabolus et satanas ; et ligavit eum per annos mille ; et post hoec oportet illum solvi modico tempore». (Apoc., XX, 2-3)
2 Lacordaire. VIe conférence : Des rapports de l’Église avec l’ordre temporel, t. II, p. 111, Paris, 158.
L’ANTECHRIST
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Re: L’ANTECHRIST
CHAPITRE III : LES CHAMPIONS DE LA VERITE CHRETIENNE CONTRE L’ANTECHRIST.
(extrait)
(extrait)
Le troisième champion de la vérité chrétienne contre l’Antéchrist sera le peuple chrétien demeuré fidèle. Il en fut ainsi chez le peuple juif, au temps de la persécution d’Antiochus. «Le peuple qui connaît son Dieu s’attachera à la Loi et l’observera» (Id., XI, 32). Le peuple qui connaît son Dieu !
À l’opposé des apostats, il y aura donc un peuple de fidèles, et ce peuple de fidèles se montrera hautement, énergiquement attaché à la Loi.
«Croyons, dit saint Augustin, que ni les conversions, ni les apostasies ne manqueront à l’Église ; mais les parents, pour faire baptiser leurs enfants, et les nouveaux fidèles, déploieront tant de force, qu’ils triompheront du diable déchaîné ; et tout, ruses plus perfides, efforts plus violents que jamais, tout échouera contre la vigilance de leur sagesse et la force de leur patience... Car, s’il faut avouer que la charité d’un grand nombre doit se refroidir à la vue de l’iniquité triomphante, et que, par des persécutions inouïes, des ruses jusqu’alors inconnues, le démon, libre de ses chaînes, doit entraîner la chute de beaucoup qui ne sont pas écrits au livre de vie ; il faut croire aussi que non seulement ceux dont la foi sortira victorieuse de l’épreuve de ce temps-là, mais plusieurs même du dehors, aidés de la grâce de Dieu et de la considération des Écritures qui prédisent la fin des temps dont ils sentiront l’approche, trouveront alors plus de fermeté pour croire ce qu’ils ne croyaient pas, et plus de force pour vaincre le diable déchaîné»1.
1 S. Augustin, Cité de Dieu, liv. XX, n° 8.
«Erunt ergo multi electi qui non vincentur, et in quibus Ecclesia manebit. Et ideo in Apoc. semper ponitur illa limitatio : Adoraverunt bestiam omnes qui inhabitant terram, quorum non sunt nomina scripta in libro vitæ. Patres etiam supra citati supponunt tunc futuros esse multos, et eximios martyres, qui usque ad mortem erunt in fide constantes ; ergo pari modo in montibus et speluncis perseverabunt multi confessores, qui superstites manebunt post mortem Antichristi. At in eis non deficiet usus sacramentorum et sacrificii Eucharistici in locis abditis. Persecutores enim non poterunt hæc auferre, nisi in eorum cognitionem venerint ; non permittet autem Deus dæmonem aut omnia Sanctorum abdita loca perlustrare, aut persecutoribus revelare». (Suarez, De Antichristo, sect. VI, n° 5)
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Re: L’ANTECHRIST
CHAPITRE III : LES CHAMPIONS DE LA VERITE CHRETIENNE CONTRE L’ANTECHRIST.
(extrait)
(extrait)
Mais voici la merveille : La prophétie de Daniel ajoute : «Et les docteurs du peuple en instruiront beaucoup,et ils tomberont sous le glaive, par la flamme, par la captivité, et par des brigandages prolongés» (XI, 33).
Remarquable est cette expression : les docteurs du peuple ! Mais quoi ! Ce titre de «docteurs» que décerne le prophète, n’est-il pas réservé dans l’Église ? Ne demeure-t-il pas l’apanage des intelligences d’élite qui ont consumé leurs veilles à l’acquisition, souvent ardue, de la vérité ? On dit : les docteurs de l’Église, mais les docteurs du peuple ?... Admirons les délicatesses divines : Ce titre de docteur, juste récompense du talent uni au travail, l’Esprit-Saint l’attribue également, et avec infiniment de justesse, à des petits parmi le peuple que la grandeur de leur foi a transformés en apôtres.
Qui n’en a rencontré sur son chemin de ces docteurs du peuple ? Quelque obscur ouvrier, une humble servante, des enfants même. Il tombait de leurs lèvres comme des jets de lumière : c’est l’amour qui les faisait jaillir, l’amour qui voit aussi loin, souvent plus loin que l’intelligence. Autour du berceau de sa foi, notre ville de Lyon a entendu de ces docteurs du peuple, et depuis, dans sa reconnaissance, elle n’a plus séparé l’humble Blandine du grand saint Irénée ! Ce sera aussi dans ces docteurs du peuple que l’Église des derniers âges rencontrera une de ses principales forces, pour tenir tête à l’Antéchrist. Apôtres intrépides des vérités chrétiennes, ils les feront retentir dans les ateliers et les échoppes, dans les carrefours et les campagnes.
Aussi l’Antéchrist les aura-t-il en haine, les tenant comme l’un des plus grands obstacles à l’établissement de son règne tyrannique. Il les poursuivra avec férocité. Les uns tomberont sous le glaive, les autres par la flamme, par la captivité et des brigandages prolongés. Quel sera le nombre de ces enfants du peuple à la fois docteurs et martyrs... Le Seigneur s’en est réservé le secret. Mais si vaste que puisse être le champ de leurs combats, saluons-les d’avance : les fils du peuple y seront tombés par la cause du Christ et de ses vérités !
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Re: L’ANTECHRIST
CHAPITRE III : LES CHAMPIONS DE LA VERITE CHRETIENNE CONTRE L’ANTECHRIST.
(extrait)
(extrait)
Reste un quatrième champion, ménagé comme secours extraordinaire, et dont on ne peut parler qu’avec une certaine réserve, à cause du mystère qui l’entoure : c’est le retour et la prédication simultanée d’Énoch et d’Élie désignés probablement dans l’Apocalypse sous le nom des deux témoins (XI, 3-13).
Voici ce qu’on en peut dire, d’après la Tradition et l’Écriture :
a) II est certain qu’Énoch et Élie ne sont pas morts, Énoch «ayant été enlevé pour qu’il ne goûtât point la mort», ce sont les expressions de saint Paul (Hebr., XI, 5), et Élie ayant disparu du côté du ciel « sur un char à chevaux de feu» (IV Rois, II, 11 ; Ecclésiastiq., XLVIII, 9). Tous les Pères sont d’accord sur ce point.
b) Il est également certain que, tenus ainsi en réserve dans un lieu connu de Dieu seul, Énoch et Élie doivent revenir pour prêcher au milieu des hommes : «Élie doit en effet revenir et il rétablira toutes choses» (Math., XVII, 11. - Voir encore Malachie, V, 5 ; Ecclésiastiq., XLVIII, 10), a dit Notre-Seigneur Lui-même ; et le livre de l’Ecclésiastique affirme d’Énoch : «qu’il a été transporté dans un paradis, pour apporter de là la pénitence aux nations» (XLIV, 16). Aussi Bellarmin a-t-il pu conclure : « Nier l’avènement futur et personnel d’Élie, c’est une hérésie ou une erreur qui approche de l’hérésie» (De Rom. Pont., lib. III, c. VI). Et Bossuet, non moins affirmatif, s’écrie : «Il faut être plus que téméraire pour improuver la tradition d’Énoch et d’Élie à la fin des siècles» (Préface à l’Explic. de l’Apoc., XV).
Vie toujours permanente d’Énoch et d’Élie, retour de l’un et de l’autre au milieu des hommes, pour y prêcher la pénitence et raviver la foi, voilà donc deux points certains.
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Diane + R.I.P- Nombre de messages : 5488
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Re: L’ANTECHRIST
Mais à quand l’époque précise de ce retour d’Énoch et d’Élie ?
C’est là que la réserve dont nous parlions tout à l’heure est commandée. Et cependant la Tradition catholique presque tout entière s’accorde à placer ce retour au temps de l’Antéchrist, et à reconnaître Énoch et Élie dans les deux fameux témoins de l’Apocalypse, auxquels incombera l’enviable et glorieuse mission de combattre en face le fils de perdition.
Voici ce célèbre passage de l’Apocalypse : «Et je donnerai mission à mes deux témoins, et ils prophétiseront pendant mille deux cent soixante jours, revêtus de sacs. Ce sont les deux oliviers et les deux candélabres qui se trouvent en présence du Seigneur de la terre. Et si quelqu’un veut leur nuire, un feu sortira de leur bouche, et dévorera leurs ennemis ;
et si quelqu’un veut les offenser, il périra de la même manière. Ils ont le pouvoir de fermer le ciel, pour qu’il ne pleuve pas durant les jours de leur prophétie : et ils ont sur les eaux le pouvoir de les changer en sang, et de frapper la terre de toute sorte de plaies, toutes les fois qu’ils le voudront. Et lorsqu’ils auront achevé leur témoignage, la Bête, qui monte de l’abîme, leur fera la guerre, les vaincra et les tuera» (XI, 3-7).
Il est de toute évidence que l’Apocalypse, en cet endroit, parle de deux témoins, prédicateurs au milieu des hommes et antagonistes de la Bête, antagonistes de l’Antéchrist ; mais parce que, fidèle à la trame de mystère qui va de sa première à sa dernière page, l’Apocalypse ne nomme pas expressément ces deux témoins, tout en les désignant suffisamment, ici encore s’impose l’obligation de la réserve. Mais, nous le répétons, la Tradition catholique presque tout entière s’accorde à les nommer, et, de sa grande voix, elle crie : les deux témoins, antagonistes de l’Antéchrist, seront Énoch et Élie ! Le cadre restreint de ce travail ne nous permet pas de rapporter ici ces monuments de la Tradition ;
mais les grands commentateurs bibliques, tels que Cornelius a Lapide et Estius, les tiennent à la disposition de nos lecteurs et, à la suite des témoignages cités, ils pourront lire ces lignes : «Qu’Énoch et Élie soient encore vivants, et qu’ils doivent l’un et l’autre, avant le jugement, prêcher contre l’Antéchrist, c’est l’ancienne tradition de l’Église à laquelle la plupart des Pères rendent témoignage : «Vetus est Ecclesiæ traditio, cujus plerique Patres etiam meminerunt»1. Et avant Estius et Cornélius, saint Thomas avait déjà écrit : «Énoch a été enlevé dans un paradis terrestre, où la croyance le fait vivre conjointement avec Élie jusqu’à l’avènement de l’Antéchrist» (pars IIIa, q. XLIX, a. 5, ad 2).
1 Estius, In Ecclesiastiq., XLIV, 16 ; XLVIII, 10 ; In Apoc., XI, 1-7 ; -Corn, a
Diane + R.I.P- Nombre de messages : 5488
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Re: L’ANTECHRIST
Énoch et Élie
Énoch et Élie : envoyés, l’un, aux chrétiens prévaricateurs pour les reprendre ; l’autre, aux Juifs incrédules pour les rappeler. À celui-là, plus particulièrement les Nations ; à celui-ci, les restes de Jacob ; mais à tous deux la prédication de l’Évangile ; à tous deux la défense de la vérité chrétienne.
Et alors, sous le tonnerre de ces deux voix dominant les mugissements de la tempête, quel spectacle digne des regards du Ciel ! Ce n’est plus seulement l’Église, avec ses ministres, ses docteurs et ses fidèles qui fait retentir le Credo des vérités chrétiennes, ce sont encore les siècles du passé qui ressuscitent et entrent en lice pour proclamer Jésus-Christ. Les siècles de la Loi de nature, représentés par le patriarche Énoch !
Les siècles de la Loi écrite, représentés par le prophète Élie ! Siècles de la Loi de nature et siècles de la Loi écrite, les voici qui donnent la main aux siècles de la Loi de grâce, et se dressant tous ensemble en face de l’Antéchrist, qui résume, lui aussi, toutes les hérésies, tous les schismes, toutes les persécutions du passé, ils lui crient et ils crient à toutes les extrémités de la terre : Jésus-Christ est Dieu ! Lui seul est le Rédempteur !... Ne sera-ce pas l’Église s’élevant encore dans le sublime, Elevaverunt arcam in sublime a terra ? (Gen., VII, 17)
L’ANTECHRIST
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Re: L’ANTECHRIST
CHAPITRE IV : L’EPOQUE DE LA VENUE DE L’ANTECHRIST INCERTAINE ET SA FIXATION INTERDITE.
En quelle année du monde l’Antéchrist fera-t-il son apparition ?
Nul ne saurait l’indiquer, la Tradition et l’Écriture étant muettes sur ce point. Dieu seul a la connaissance de cette année et de l’heure. Son secret, Il se l’est réservé. Toutes les investigations ont donc échoué. Il y a une borne, elle reste infranchissable. L’apôtre saint Paul, écrivant de l’Antéchrist aux Thessaloniciens, a fait allusion à cette borne dans les expressions suivantes : «Afin qu’il se manifeste en son temps, Ut reveletur in suo tempore» (II Thess., II, 6).
À quelle époque du monde ce temps arrivera-t-il ? L’apôtre saint Paul ne l’ayant pas indiqué, mais s’étant servi d’une expression indéterminée, l’Église, conduite par l’Esprit-Saint et toujours prudente, n’a rien ajouté et n’ajoutera rien à la brève indication de l’Apôtre. Respectueuse de sa réserve, elle s’est abstenue de soulever le voile et de regarder au-delà.
Bien plus, afin de couper court à des indiscrétions qui s’étaient produites, elle n’a pas hésité à défendre sous peine d’excommunication d’annoncer pour époque déterminée la venue de l’Antéchrist ou le jour du Jugement dernier. C’est sous Léon X, en l’an 1516, le 14 des Calend. de janvier, au Ve concile œcuménique de Latran (sess. XI, Constit. Supernæ majestatis præsidio) que ce décret, dont voici la teneur, a été porté : «Nous ordonnons à tous ceux qui exercent la charge de la prédication ou qui l’exerceront dans l’avenir qu’ils ne présument pas de fixer dans leurs prédications ou dans leurs affirmations un temps déterminé pour les maux futurs, soit pour l’avènement de l’Antéchrist, soit pour le Jugement : attendu que la Vérité dit : Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité : ceux donc qui, jusqu’à présent, ont osé émettre de pareilles choses, ont menti, et il est avéré que, par leur fait, un grand dommage a été porté à l’autorité de ceux qui prêchent sagement»1.
1 Mandantes omnibus, qui hoc onus prædicationis sustinent, quique in futurum sustinebunt, ut tempus quoque præfixum futurorum malorum, vel Antichristi adventum, aut certum diem Judicii prædicare, vel asserere nequaquam præsumant : cùm Veritas dicat : Non est vestrum nosse tempora vel momenta, quæ Pater posuit in sua potestate : ipsosque qui hactenus similia asserere ausi sunt, mentitos, ac eorum causa, reliquorum etiam rectè prædicantium auctoritati non modicum detractum fuisse constet». (Cit. ap. Ferraris, Prompta bibl., verbo Prædicare. - Mansi, Sacrorum Conciliorum collectio, t. XXXII, p. 945-947)
Pauvre Bathélémy Holzhauser!
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Re: L’ANTECHRIST
CHAPITRE IV : L’EPOQUE DE LA VENUE DE L’ANTECHRIST INCERTAINE ET SA FIXATION INTERDITE.
Les motifs de cette défense sont indiqués dans son texte :
D’abord, le respect dû à la conduite de Dieu. Il est le maître absolu du temps et de ce qui s’y passe ; il ne convient donc pas que les hommes veuillent connaître d’avance, d’une façon indiscrète, le résultat de Ses décrets éternels. Leur règle de conduite, à l’égard de ces décrets éternels, est celle qu’a tracée l’auteur inspiré de l’Ecclésiastique : «Ne recherche pas ce qui est au-dessus de toi, et ne scrute point ce qui surpasse tes forces... N’étends pas ta curiosité à toutes les œuvres de Dieu» (III, 22-24). Ce respect dû aux décrets et aux œuvres de Dieu, la plume de saint Augustin l’a exprimé dans cette admirable sentence : «Honore ce que tu ne comprends pas encore, et honore-le d’autant plus que les voiles sont plus nombreux. Plus quelqu’un est digne d’honneur et plus aussi les portières sont multipliées dans sa demeure. Les voiles commandent l’honneur dû au secret, et ils se lèvent pour ceux qui savent honorer»2.
Le second motif de la défense est d’éviter aux fidèles des préoccupations troublantes, danger pour les devoirs à remplir à l’heure présente. Qu’on se rappelle la frayeur des Thessaloniciens que saint Paul fut obligé de rassurer : «Nous vous conjurons, mes Frères, de ne point vous laisser troubler ni épouvanter... comme si le jour du Seigneur était proche» (II Thess., II, 1-2). Et après avoir tracé le portrait de l’Antéchrist au chapitre II de son épître, l’Apôtre le fait suivre, au chapitre III, de ce conseil : «Nous apprenons que quelques uns parmi vous se conduisent d’une manière inquiète, ne travaillant pas, mais n’agissant que pour satisfaire leur curiosité. Or, nous ordonnons à ces personnes, et nous les conjurons par le Seigneur Jésus-Christ, de manger leur pain en travaillant paisiblement» (Id., III, 11-12).
2 «Honora quod nondum intelligis et tanto magis honora quanto plura vela cernis. Quanto enim quisque honoratior est, tanto plura vela pendent in domo ejus. Vela faciunt honorem secreti ; sed honorantibus levantur vela». (S. August., Serm LI, 5)
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Re: L’ANTECHRIST
Le troisième motif est d’empêcher les scandales, toujours au détriment des âmes. Car lorsque l’événement ne justifie pas les prédictions hasardées, ceux qui sont faibles dans la foi en prennent occasion de mépriser les prophéties réelles de l’Écriture et d’en douter. Ainsi en a-t-il été plus d’une fois en divers temps ; et l’histoire ecclésiastique a dû enregistrer les noms de plusieurs de ces rêveurs qui avaient eu l’audace d’annoncer pour une époque déterminée l’avènement de l’Antéchrist ; par exemple :
Un jeune Parisien visionnaire annonça publiquement dans une chaire de Paris, vers 960, que l’Antéchrist apparaîtrait à la fin de l’an 1000. Il fut combattu victorieusement par Abbon, le futur abbé de Fleury 3.
- Fluentinus de Florence, condamné en 1105 par Pascal II ;
- Arnold de Villeneuve, condamné en 1311. Il avait fixé l’avènement et la persécution de l’Antéchrist à l’année 1377 ;
- Barthélemy Ianouesius que le pape Urbain V condamna pour avoir fixé cet avènement au jour de la Pentecôte de l’an 1360 ;
- Nicolas Cusin l’annonça pour les années 1700 ou 1734 ;
- Mammère Bruschius, pour 1589 ou 1643 ;
- Jérôme Cardane, pour l’année 1800 ;
- M. d’Hédouville, entre 1952 et 1953 ;
- L’auteur anonyme des Précurseurs de l’Antéchrist, pour l’année 1957 ;
- L’abbé Maitre place la fin du monde à la fin du XXe siècle ou dans le courant du XXIe.
Ces exemples ne sont-ils pas une démonstration de la sagesse de l’Église dans la défense qu’elle a faite de fixer une date déterminée soit pour cet avènement, soit pour la fin du monde ? 4
3 Abbonis apologeticum apud Migne, Patrol, lat., t. CXXXIX, c. 162.
4 Parmi les auteurs qui ont fixé une date à l’avènement de l’Antéchrist, nous avons eu la surprise de rencontrer le vénérable serviteur de Dieu Barthélemi Holzhauser, restaurateur de la discipline ecclésiastique en Allemagne, fondateur de l’Association des Prêtres séculiers vivant en communauté, décédé le 20 mai 1658. Auteur d’une Interprétation de l’Apocalypse très en vogue en Allemagne, et où il y a certainement de très belles et très émouvantes pages, Holzhauser a écrit les lignes suivantes : «Au milieu de l’année de Jésus-Christ 1855, dans le dix-neuvième siècle, naîtra l’Antéchrist, et il vivra cinquante cinq ans et demi. Et c’est dans les trois dernières années de sa vie et pendant les six derniers mois, c’est-à-dire pendant trois ans et demi qu’il sévira dans la plus grande fureur contre la chrétienté, et que, d’accord avec son faux prophète l’antipape, il exterminera l’Église, dispersera le troupeau de Jésus-Christ, vaincra et tuera tous les fidèles par la puissance qui lui aura été donnée pour quarante deux mois sur toute tribu, sur tout peuple, sur toute langue et sur toute nation, pour faire la guerre contre les saints de Dieu, et pour les vaincre durant le temps qu’il sera assis dans la plénitude de son règne. Ainsi donc, en l’an 1911, le fils de perdition sera tué au milieu de la cinquante-sixième année de sa vie par le souffle, c’est-à-dire par la parole qui sortira de la bouche de Jésus de Nazareth crucifié», (Interprétation de l’Apocalypse, 3e édit., t. II, pag. 120, Paris, 1872 ; librairie Louis Vivès)
- Si la cause de béatification du vénérable serviteur de Dieu doit se poursuivre, que ces lignes ne soient pas un obstacle. L’honorable Promoteur de la foi voudra bien examiner de quel esprit elles émanent. Dans le cas où elles ne seraient qu’une interprétation personnelle, ne pourrait-on pas invoquer, en faveur de leur auteur, l’ignorance du décret du Ve Concile de Latran, c’est-à-dire la bonne foi. Errare humanum est, surtout lorsqu’il s’agit d’un décret recouvert d’une poussière séculaire, et ignoré d’un grand nombre dans l’Église. Si nous avons pris la liberté de remettre ce décret en évidence, c’est afin que, dans les temps troublés devenus ceux de l’Église et de la société humaine, les âmes se tiennent en garde contre des calculs de nature à les inquiéter.
L’ANTECHRIST
PAR AUGUSTIN LEMANN, 1905
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Re: L’ANTECHRIST
Est-ce à dire qu’elle défende également d’émettre des conjectures ? Non : la défense portée par le Vè Concile œcuménique de Latran ne va pas jusque-là. Elle n’atteint seulement que toute date fixe. Les généralités, les conjectures prudentes, l’indication des signes précurseurs restent choses permises, à l’exemple de certains Pères et d’éminents Docteurs qui ne s’en sont pas fait faute.
Eusèbe «signale l’avènement de l’Adversaire, lequel aura la liberté d’assiéger l’Église du Christ» (Hist. eccl.,lib. V, c. I).
- Juda Cyr, autre historien ecclésiastique, croit que l’avènement de l’Antéchrist est proche (Eusèbe, Hist.Eccl., lib. V, c. VI).
- Tertullien parle de l’Antéchrist qui s’approche : «Antichristo jam instante» (De fuga in persecutione, c. XII).
- Saint Cyprien : «Vous devez tenir pour certain que le temps de l’affliction a commencé, que la fin du siècle et le temps de l’Antéchrist approchent» (Epist. LVI ad Thibaritanos).
- Saint Hilaire avertit de l’Antéchrist imminent : imminentis Antichristi» (Lib. contra Auxentium).
- Saint Basile : «Ne sommes-nous pas à la neuvième heure ? N’est-ce pas l’apostasie ? Afin qu’ensuite se manifeste l’Impie, ce fils de perdition ?» (Epist. LXXI, ad Alexandrinos)
- Saint Ambroise : «Parce que nous sommes arrivés au déclin du siècle, certaines maladies en sont les signes. La maladie du monde, c’est la faim ; la maladie du monde, c’est la peste ; la maladie du monde, c’est la persécution» (Oratio in obit. Satyri fratris).
- Saint Jérôme : «Nous ne prenons pas garde que l’Antéchrist approche» (Epist. II, ad Ageruch).
- Saint Bernard décrivant les impiétés de son siècle jette ce cri d’alarme : «Il ne reste plus qu’à voir l’homme de péché, le fils de perdition, faire son apparition» (Serm. 6 in psalm. 90).
- Saint Grégoire le Grand : «Le roi de superbe est proche, Rex superbiæ prope est» (Epist. XXXVIII, ad Joan. Constantin. Epics).
L’ANTECHRIST
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Re: L’ANTECHRIST
CHAPITRE IV : L’EPOQUE DE LA VENUE DE L’ANTECHRIST INCERTAINE ET SA FIXATION INTERDITE.
D’autres citations pourraient être apportées. Qui ne connaît, du reste, la fameuse homélie de ce grand Pape saint Grégoire sur «les signes de la fin du monde», homélie que l’Église, chaque année, replace sous les yeux des prêtres et des fidèles, le premier dimanche de l’Avent, pour leur rappeler la fin des temps. De ces signes précurseurs, saint Grégoire constate que les uns sont accomplis, et que les autres ne tarderont pas à l’être. «Ex quibus profecto omnibus alia jam facta cernimus, alia in proximo ventura formidamus» (Homil. I, in Evang).
Comme on a pu le constater, aucun des Pères cités ne s’est permis de fixer une date déterminée pour l’avènement de l’Antéchrist ou de la fin du monde. Ils demeurent tous dans des généralités, ils rappellent les signes, ils conjecturent ; ils ne fixent rien. Leur manière de prêcher ou d’écrire est conforme aux annonces à la fois nettes et prudentes de Notre-Seigneur Lui-même et de Son apôtre saint Paul. Aux chapitres XXIV-XXV, de saint Mathieu, Notre-Seigneur annonce nettement la fin du monde, il en donne les signes précurseurs, mais il ne fixe pas de date. À l’exemple de son Maître, saint Paul, au chapitre II de la IIe épître aux Thessaloniciens, annonce nettement l’Antéchrist, mais il ne fixe pas de date à son avènement ; il se borne à indiquer le signe précurseur de cet avènement : l’APOSTASIE : Discessio primum et revelatus fuerit homo peccati (II, 3).
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