DE LA CONTINENCE (Saint Augustin)

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Message  Javier Dim 27 Déc 2009, 2:08 pm

DE LA CONTINENCE
Traduction de M. l'abbé BURLERAUX.

In Œuvres complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois sous la direction de M. Raulx, Bar-Le Duc, 1869, Tome XII. P. 88-105.


En quoi consiste la continence. — Nécessité de la grâce pour garder la continence. — Vaines excuses des libertins, surtout des Manichéens.


CHAPITRE PREMIER. LA CONTINENCE EST UN DON DE DIEU.


1. Il est difficile, quand on traite de cette vertu de l'âme que l'on nomme continence, d'élever son langage à la hauteur du sujet. Mais, pour soutenir ma faiblesse sous le poids d'un tel fardeau, je compte sur le secours tout-puissant de Celui de qui seul nous vient cette sublime vertu. Ce Dieu qui donne aux fidèles la continence, accorde également à ses ministres le pouvoir d'en parler dignement. J'attends donc de lui seul ce que m'inspirera ce grand sujet.

Et d'abord j'affirme et je prouve que la continence est un don de Dieu. Au livre de la Sagesse, nous lisons que personne ne peut être continent, si Dieu ne lui en fait la grâce (1). Parlant, non pas de la chasteté conjugale, mais d'une continence plus belle et plus glorieuse, le Seigneur nous dit: « Tous ne comprennent pas cette parole, il n'y a pour la « goûter que ceux à qui Dieu en a fait la grâce (2) ». Elle-même, cette chasteté conjugale, comment se conserve-t-elle? Ce ne peut être qu'en se refusant toute action illicite; voilà pourquoi l'Apôtre y voit également un don de Dieu. Parlant donc à la fois de ces deux chastetés, virginale et conjugale, il s'écrie : « Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi : mais chacun a reçu de Dieu un don qui lui est propre, celui-ci d'une manière et celui-là d'une autre (3) ».

2. C'est donc de Dieu seul que nous devons attendre la continence. Mais ne croyez pas que je parle uniquement ici de la continence de la chair ; ne chantons-nous pas dans un psaume : « Placez, Seigneur, une garde à ma bouche et la continence sur mes lèvres



1. Sag. VIII, 21. — 2. Matt. XIX, 11. — 3. I Cor. VII, 7.



Laissons à cet oracle divin le sens naturel qu'il comporte, donnons au mot bouche toute l'extension qu'il réclame, et la continence dont il y est parlé nous apparaîtra comme un don bien signalé du ciel. C'est peu en effet de veiller sur ses paroles et de purifier son langage de toute souillure. N'y a-t-il pas aussi la bouche du cœur? et n'est-ce pas là surtout que l'écrivain sacré demandait à Dieu et nous apprenait à lui demander nous-mêmes de placer une garde et d'asseoir la continence? En effet, alors même que nos lèvres restent silencieuses, 'combien de cris s'échappent de notre cœur ! Au contraire, que le cœur soit silencieux, et la bouche restera muette en face des objets les plus séduisants. Ce qui n'émane point du cœur ne produit aucun bruit extérieur; ce qui en émane est-il mauvais, l'âme en est souillée, lors même que rien ne se manifesterait au dehors. Ainsi donc il doit y avoir continence jusque dans le cœur où parle le silence; la continence doit étouffer ce qui pourrait souiller la pensée, lors même que les lèvres du corps resteraient muettes.

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Message  Javier Lun 28 Déc 2009, 6:41 am

CHAPITRE II. LA CONTINENCE DU CŒUR.


3. « Placez, Seigneur, une garde à ma « bouche et la continence sur mes lèvres ». Pour nous montrer plus clairement encore que c'est à la bouche du coeur qu'il appliquait ces paroles, le psalmiste ajoute aussitôt : « Ne laissez mon coeur s'incliner à aucune parole mauvaise (1) ». Cette inclination du cœur est-elle autre chose que le consentement lui-même ? En effet, supposez les suggestions aussi séduisantes que possible, jusqu'à ce que le cœur ait émis son consentement, aucune

1. Ps. CXL, 3, 4.

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parole n'a été prononcée. Au contraire, s'il a consenti, une parole intérieure a été formulée, quoique les lèvres soient restées silencieuses. Avant que la main ou telle partie du corps ait agi, l'acte est déjà accompli par le fait seul que la résolution a été prise de l'accomplir. Rien n'est encore venu frapper les sens extérieurs, et cependant la violation des lois divines est consommée; le cœur seul s'est prononcé, le corps n'y a pris aucune part. Jamais l'homme n'agitera l'un de ses membres pour agir extérieurement, si déjà le principe de l'acte n'a été posé par la parole intérieure. C'est donc avec raison qu'il est écrit quelque part que le commencement de toute action c'est la parole. Combien d'actions faites par les hommes, pendant que leurs lèvres sont muettes, leur langue immobile et leur voix silencieuse l Et quand leur corps agit, n'en doutez pas, c'est que leur cœur a parlé. Concluons dès lors que l'on peut être très-coupable dans ses paroles intérieures et très-innocent dans ses oeuvres au dehors. Au contraire, avant de devenir extérieur, le péché était déjà consommé intérieurement. Voulez-vous donc jouir de cette double innocence? Placez la continence sur les lèvres intérieures.

4. Cette vérité se trouve clairement formulée dans ces paroles du Sauveur : « Purifiez l'intérieur et au-dehors tout sera pur (1) ». Dans une autre circonstance, réfutant les ineptes calomnies des Juifs qui reprochaient comme un crime à ses disciples de ne pas laver leurs mains avant le repas, « Ce qui souille l'homme, répond le Sauveur, ce n'est pas ce qui entre dans la bouche, mais ce qui en sort ».Soutenir que dans ce passage il ne s'agit que de la bouche du corps, serait une absurdité. En effet si la manducation ne souille pas, le vomissement souillera-t-il davantage ? « Ce qui souille l'homme, ce n'est pas ce qui entre dans la bouche » ; évidemment ces premières paroles s'appliquent à la bouche proprement dite. Mais n'est-il pas aussi évident que c'est de la bouche du coeur que Jésus-Christ entend parler quand il ajoute : « Ce qui souille « l'homme c'est ce qui sort de sa bouche ? » Tout d'abord l'apôtre saint Pierre n'avait vu en cela qu'une parabole ; il en demande donc l'explication, et voici la réponse. « Vous aussi ne comprendriez-vous pas ? Vous ne comprenez pas que ce qui entre par la bouche,

1. Matt. XXIII, 26.

descend dans l'estomac, puis est rejeté dehors ? » Il est évident que c'est par la bouche qu'entre la nourriture: mais il ne l'est pas moins que les paroles suivantes désignent la bouche du cœur ; et c'est pour vaincre sur ce point la lenteur de notre esprit que la souveraine Vérité a daigné ajouter : « C'est du cœur que sort ce que la bouche exprime »; en d'autres termes : Ce que l'on vous dit de la bouche, c'est du cœur que vous devez l'entendre. Pour moi, j'envisage ces deux choses à la fois, mais l'une me sert à expliquer l'autre. L'homme intérieur a une bouche intérieure et pour la discerner il faut l'oreille intérieure. Ce qui sort de cette bouche, sort du cœur et c'est là ce qui souille l'homme. Enfin, mettant de côté ce nom de bouche, qui peut aussi s'entendre de la bouche du corps, le Sauveur manifeste encore plus clairement sa pensée en ces termes : « C'est du cœur que sortent les « pensées mauvaises, les homicides, les adultères, les fornications, les vols, les faux témoignages, les blasphèmes, et c'est là tout autant de souillures pour l'homme (1)».

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Message  Javier Lun 28 Déc 2009, 6:46 am

Il n'est aucun de ces crimes qui ne soit formé par la pensée avant d'arriver à sa perpétration extérieure par les membres du corps; et la pensée seule suffit pour souiller l'homme, quand même, en vertu d'un obstacle, les membres y resteraient étrangers. Si c'est parce que le pouvoir lui manque que la main ne se plonge pas dans le sang humain, le cœur en sera-t-il moins coupable d'homicide ? Et parce que l'on ne peut, comme on le voudrait, s'emparer du bien d'autrui, le vol en est-il moins dans la volonté ? Et si la femme que l'impudique convoite, s'obstine à rester chaste, l'a-t-il moins souillée dans son propre cœur ? Si aucune prostituée ne se trouve dans le lieu de débauche, celui qui la cherche en a-t-il moins commis la fornication intérieure ? Si voulant blesser le prochain par le mensonge, le temps ou l'occasion vous manque, le faux témoignage en est-il moins prononcé sur les lèvres de votre cœur ? Ou bien, si c'est par crainte des hommes que la langue n'ose articuler le blasphème, regarderez-vous comme innocent de ce crime celui qui a dit dans son cœur « Dieu n'existe pas (2) ? » On peut en dire autant de tous les autres péchés des hommes. Le corps peut ne faire aucun mouvement, les sens peuvent tout ignorer, mais les crimes, quoique


1. Matt. XV, 11-20. — 2. Ps. XIII, 1.

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cachés, n'en sont pas moins réels ; ce qui souille, c'est le consentement de la volonté, c'est-à-dire la parole criminelle de la bouche intérieure.

David donc craint que son cœur ne s'incline au mal, et il demande à Dieu de placer la continence autour de son coeur, d'y étouffer toute parole coupable, et si la pensée y bouillonne, d'en exclure toujours le consentement de la volonté. De cette manière, selon le précepte de l'Apôtre, le péché né régnera jamais dans notre corps mortel, et nos membres ne deviendront jamais des armes pour l'iniquité (1). Qu'ils sont donc loin d'accomplir ce précepte ceux qui n'enchaînent leurs sens en face du péché, que parce qu'ils se trouvent dans l'impossibilité d'agir ! Donnez-leur ce pouvoir et aussitôt leurs membres, devenus des armes criminelles, manifesteront abondamment les sentiments qui règnent dans leur coeur. Autant donc qu'ils le peuvent, ils font de leurs membres des armes d'iniquité et s'ils n'accomplissent pas ce qu'ils veulent, c'est qu'ils ne le peuvent.

5. Quant à cette continence charnelle, qui conserve le nom de continence proprement dite, elle n'est souillée d'aucune transgression si le cœur conserve intacte la continence dont nous parlons. « C'est du cœur que sortent les « pensées mauvaises » , nous dit le Seigneur; et aussitôt, voulant caractériser ces pensées, il ajoute : «Les homicides, les adultères», etc. Sans énumérer tous les crimes qui sortent du coeur, il lui suffisait d'en citer pour exemple quelques-uns à l'aide desquels on pût comprendre les autres. Il suit de là qu'il n'y a de faute extérieure qu'autant que la pensée a conçu et voulu ce qui se fait au dehors. D'un autre côté, ce qui procède du cœur suffit déjà pour souiller l'homme, lors même que tout acte extérieur deviendrait impossible. Donc que dans le coeur, d'où émane tout ce qui peut souiller l'homme, règne la continence, et rien d'impur n'en sortira, et la continence restera sans tache. Sans doute un tel état ne serait pas encore la perfection, car s'il y avait perfection, toute lutte aurait cessé entre le vice et la continence. Mais puisqu'ici-bas la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair (2), il nous suffit de ne point consentir au mal qui s'agite en nous. Le consentement est-il donné? aussitôt du cœur émane ce qui


1. Rom. VI, 12-13. — 2. Gal. V, 17.


souille l'homme. Au contraire, si la continence enchaîne le consentement, la concupiscence spirituelle n'a plus rien à craindre dans sa lutte contre la concupiscence charnelle.

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Message  Javier Mar 29 Déc 2009, 8:38 am

CHAPITRE III. LUTTE DE LA CONTINENCE CONTRE LA CHAIR


6. Autre chose est de bien combattre, quand, comme maintenant, nous avons à résister aux attaques de la mort; autre chose de ne plus avoir d'adversaire, ce qui n'arrivera que quand la mort dernière, notre grande ennemie, aura été détruite (1). Quand donc la continence enchaîne et dompte les passions, en même temps elle aspire à l'heureuse immortalité vers laquelle tendent nos efforts,. et elle repousse le mal contre lequel nous avons à combattre pendant notre mortalité. Consumée de désirs et d'affections pour l'immortalité, la continence est l'ennemie déclarée de tout ce qui est mortel ; aspirant à la gloire, elle a la honte en horreur. Il lui serait facile d'enchaîner nos passions si le mal n'avait pour nous aucun attrait, si notre bonne volonté n'avait pas à lutter contre les efforts de la concupiscence mauvaise. En effet, j'entends l'Apôtre s'écrier : « Je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair, Je puis vouloir le bien , mais à l'accomplir je me trouve impuissant». Dès lors, dans l'état où. nous sommes, le seul bien qui nous soit possible, avec la grâce du Ciel, c'est de ne pas consentir à la concupiscence mauvaise; ce n'est que quand cette dernière aura été détruite, que le bien sera parfait. Le même Apôtre s'écrie de nouveau : «Selon l'homme « intérieur, je fais mes délices de la loi de Dieu; mais dans mes membres, je vois une autre loi qui lutte contre la loi de mon esprit (2) ».

7. Cette lutte n'est connue que de ceux qui se font les champions de la vertu et les ennemis du vice, car le mal de la convoitise n'a d'ennemi que le bien de la continence. Il est même des hommes qui, entièrement étrangers à la loi de Dieu, rie regardent pas comme ennemies les, concupiscences mauvaises, s'en font les esclaves aveugles et mettent leur bonheur à les satisfaire plutôt qu'à les dompter. D'autres ont connu la concupiscence par la loi. « En effet, dit l'Apôtre, c'est par la loi que nous connaissons le péché (3) » ; ailleurs il


1. Cor. XV, 55, 26. — 2. Rom. VIII, 18, 22-23. — 3. Id. III, 20.


ajoute : « J'aurais ignoré la concupiscence, si la loi n'avait dit: Tu ne convoiteras point (1) ». Et néanmoins, tout en connaissant la concupiscence,eusse laissent vaincre par elle, parce qu'ils vivent sous une loi qui, en ordonnant le bien, ne donne pas la force de l'accomplir. Que ne vivent-ils plutôt sous le règne de la grâce qui, par l'Esprit, donne la force de faire ce que la loi ordonne ! Mais non; et. voilà pourquoi la loi les éclaire pour faire régner en eux le péché (2). La défense n'a fait qu'accroître la convoitise et l'a rendue invincible. Alors, en effet, est survenue la prévarication, laquelle n'existait pas sans la loi, quoiqu'il y eût péché. « Car, dit l'Apôtre, là où il n'y a pas de loi, il n'y a pas de prévarication (3) ». C'est ainsi que, privée du secours de la grâce, la loi, en défendant le péché, n'a fait que lui imprimer une plus grande énergie : « La force du péché c'est la loi », dit toujours le même Apôtre (4). Il n'est pas étonnant, du reste, qu'une loi, banne en elle-même, prête à l'infirmité humaine des forces pour le mal, puisque, pour accomplir cette loi; l'homme ne peut compter que sur ses propres forces. N'ayant aucune idée de la justice de Dieu, départie si largement à celui qui est faible ; voulant, d'un autre côté, fonder sur lui-même sa propre justification, il se révolte orgueilleusement contre la justice divine (5). Je suppose, au contraire, que la loi, après avoir rendu l'homme prévaricateur, lui ouvre les yeux sur la gravité de ses blessures, lui fait sentir le besoin d'une guérison, et le met sur le chemin de la grâce; aussitôt, à cette suavité funeste qui assurait la victoire à la concupiscence, le Seigneur oppose une suavité bienfaisante qui rehausse encore les charmes de la continence. Notre terre alors donnera en abondance les fruits e dont se nourrit le soldat qui, Dieu aidant, soutient courageusement la lutte contre le péché.

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Message  Javier Mar 29 Déc 2009, 8:42 am

8. Pour ces combattants, la trompette apostolique fait retentir ce cri de guerre : « Que le péché ne règne plus dans votre corps mortel jusqu'à obéir à ses désirs, et gardez-vous de faire de vos membres des armes d'iniquité. Bien plutôt apparaissez aux yeux de Dieu comme des hommes ressuscités d'entre les morts, et faites de vos membres des armes de justice. Le péché, en effet,



1. Rom. VIII, 7. — 2. Id. V, 20. — 3. Id. IV, 15. — 4. I Cor. XV, 56. — 5. Rom. X, 3. — 6. Ps. LXXXIV, 19.



ne régnera plus sur vous, car vous n'êtes pas sous la loi, mais sous la grâce (1) ».

Et ailleurs : « Donc, mes frères, nous ne « sommes plus les débiteurs du corps jusqu'à « vivre selon la chair. Si vous vivez selon la chair, vous mourrez; mais si par l'esprit vous mortifiez les oeuvres de la chair, vous vivrez. « Car ceux-là sont les enfants de Dieu qui se laissent conduire par son Esprit (2) ». Dès lors, pourvu que notre vie mortelle reste sous l'influence de la grâce, le péché, c'est-à-dire la concupiscence du péché, car c'est d'elle qu'il s'agit ici, ne régnera pas dans notre corps. Au contraire, obéir à ses désirs, c'est montrer que nous sommes soumis à son empire. Il est donc en nous une concupiscence coupable dont nous devons briser la domination ; et, à moins de vouloir qu'elle règne sur nous, il nous faut résister à ses désirs. Loin de laisser nos membres au service de la concupiscence, soumettons-les à la continence ; qu'ils deviennent des armes de justice peur Dieu, et non point des armes d'iniquité. A cette condition; le péché ne fera pas de nous des esclaves. Puisque la loi commande le bien et ne le donne pas, secouons son joug et soumettons-nous à la grâce. Alors, du moins, nous aimerons ce que la loi ordonne, et si nous servons nous servirons librement.

9. Le même Apôtre nous presse de renoncer à la vie de la chair, pour éviter la mort, et de mortifier ses couvres, si noirs voulons avoir la vie. Le cri de guerre qu'il fait entendre alors nous dévoile la lutte dans laquelle nous sommes engagés; en même temps il nous enflamme de courage pour combattre vivement et pour frapper de mort nos ennemis, si nous ne voulons périr sous leurs coups. Il n'est pas jusqu'à nos ennemis eux-mêmes qui ne nous soient clairement désignés, ce sont les oeuvres de la chair; frappons-les donc du glaive de la mortification. « Si, nous dit-il, vous mortifiez les couvres de la chair, vous vivrez ». Enfin il énumère ces couvres dans son épître, aux Galates : « Les oeuvres de la chair, dit-il, sont évidentes : la fornication, l'impureté, la luxure, l'idolâtrie, le sortilège, la haine, les divisions, la jalousie, les animosités, les dissensions, l'hérésie, J'envie, l'ivresse, la gourmandise et autres choses semblables. Or je vous déclare de nouveau que ceux qui s'y abandonnent ne



1. Rom. VI, 12-14. — 2. Id. VIII, 12-14.

92

posséderont pas le royaume de Dieu ».Telle est donc la guerre qu'il nous annonçait; et pour nous lancer ardemment :à la mort de ces ennemis, il faisait retentir la trompette du Christ. En effet, précédemment il avait dit: « Je vous le déclare, laissez l'Esprit éclairer votre marche et ne suivez pas les désirs de la chair. Car la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair ». C'est là l'ennemi qui est en présence et qui veut enchaîner notre volonté. « Et si l'esprit est votre guide, vous n'êtes plus sous le joug de la loi ». Ce combat contre la chair n'est donc que pour ceux qui vivent sous l'empire de la grâce. Or, pour nous dévoiler ces oeuvres de la chair, il ajoute les paroles que j'ai citées plus haut : « Les oeuvres de la chair sont manifestes : la fornication », et tous les autres crimes qu'il énumère et ceux qu'il nous laisse supposer et qu'il désigne implicitement par ces mots : « Et. autres choses semblables ».

A cette armée charnelle, l'Apôtre oppose ensuite une armée spirituelle : « Les fruits de l'Esprit, dit-il, sont la charité, la joie, la paix, la longanimité, la bonté, la confiance, la mansuétude, la continence, et contre de tels biens il n'y. a point de loi ». Il ne dit pas : contre ces biens, car on aurait pu supposer que ce sont les seuls, quoique cependant on ait dû en appliquer les caractères à tous les biens de même espèce; son expression est donc plus générale et désigne tous les biens semblables. Toutefois il termine cette énumération par la continence, désirant par là que cette vertu produise sur nos esprits l'impression la plus vive et la plus durable. Et en effet, dans cette .lutte de l'esprit contre la chair, la continence n'occupe-t-elle pas le premier rang? N'est-ce pas elle qui crucifie en quelque sorte la concupiscence de la chair? De là ce qui suit : « Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec leurs passions et leurs concupiscences (1) ». C'est là l'œuvre de la continence et la mort des oeuvres de la chair. Au contraire, ceux qui désertent la continence, pour suivre les attraits de la concupiscence, sont frappés mortellement par les oeuvres mêmes qu'ils accomplissent.



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