BAPTÊME DES PETITS ENFANTS (saint Augustin)
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BAPTÊME DES PETITS ENFANTS (saint Augustin)
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(LIVRE 1.)
gras ajouté
À suivre…
Saint Augustin d'Hippone
Du Mérite, de la Rémission des Péchés
et du Baptême des Petits Enfants
Du Mérite, de la Rémission des Péchés
et du Baptême des Petits Enfants
(LIVRE 1.)
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CHAPITRE XXI. POURQUOI LES ENFANTS MEURENT-ILS, LES UNS BAPTISÉS ET LES AUTRES SANS BAPTÈME ? MYSTÈRE INSONDABLE.
29. Le texte sacré, toujours exact, ne dit pas ici: La colère de Dieu viendra, mais: « La colère de Dieu demeure sur lui ». Telle est, en effet, cette colère en vertu de laquelle tous les hommes sont sous le joug du péché, cette colère dont l'Apôtre a dit : « Nous avons été nous-mêmes enfants de colère par notre nature, comme tout le reste des hommes (1) »; rien au monde n'en délivre, si ce n'est la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Mais pourquoi cette grâce vient-elle à l'un et ne vient-elle pas à l'autre ? La raison de cette différence peut être un secret, mais ne peut pas être une injustice: « Car y aurait-il injustice en Dieu? Dieu nous garde de cette pensée (2) ». Seulement et avant tout, chacun doit courber la tête sous les oracles des saintes Écritures, pour arriver à leur vrai sens par la foi ; ce n'est pas en vain qu'il est écrit; « Vos jugements sont comme autant de vastes abîmes (3) ! » Abîmes, en effet, dont l'immensité accable en quelque sorte le grand Apôtre quand il s'écrie : « O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu (4) ». Il venait lui-même d'émettre une maxime étonnamment profonde : « Dieu », avait-il dit, « Dieu a voulu que tous les hommes fussent enveloppés dans l'incrédulité, pour exercer sa miséricorde envers tous ». Et comme frappé de l'épouvante que lui inspire cet abîme, il ajoute: « O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! Combien ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables ! Car, qui a jamais « connu la pensée du Seigneur? ou qui a jamais été son conseiller? Qui lui a donné quelque chose le premier, pour en prétendre récompense ? Tout est de lui, tout est par lui et tout est en lui. A lui soit la gloire dans tous les siècles. Amen (1) ». Nous avouons donc que notre intelligence est bien étroite pour discuter la justice des jugements de Dieu, et surtout pour discuter la gratuité de la grâce; certes, elle n'est point injuste envers des mérites antérieurs, puisque ces mérites n'existent pas; et cependant, quand elle est accordée à des sujets indignes, nous sommes moins émus que quand nous la voyons refusée à d'autres sujets également indignes.
1. Eph. II, 3.
2. Rom. IX, 14.
3. Ps. XXXV, 7.
4. Rom., XI, 33
1. Rom. XI, 32-36.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: BAPTÊME DES PETITS ENFANTS (saint Augustin)
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et du Baptême des Petits Enfants
(LIVRE 1.)
Du Mérite, de la Rémission des Péchés
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CHAPITRE XXI. POURQUOI LES ENFANTS MEURENT-ILS, LES UNS BAPTISÉS ET LES AUTRES SANS BAPTÈME ? MYSTÈRE INSONDABLE.
30. J'en appelle à ceux mêmes qui voient une injustice dans le sort des petits enfants lorsqu'ils sortent de ce monde sans avoir reçu la grâce de Jésus-Christ : Faut-il donc, disent-ils, qu'ils soient privés non-seulement du royaume de Dieu, car nos adversaires eux-mêmes avouent que personne n'y entre sans avoir été régénéré par le baptême, mais encore du salut et de la vie éternelle? Comment est-il juste que l'un soit délivré de son péché d'origine, et que l'autre n'en soit point affranchi, lorsque la condition de l'un comme de l'autre est la même ?
Eh bien ! qu'eux, à leur tour, nous répondent comment, d'après leur opinion même, la justice permet que l'un reçoive le baptême, et par lui l'entrée dans le royaume de Dieu, tandis que l'autre en est exclu, lorsque les droits de l'un comme de l'autre sont égaux ? Êtes-vous émus vraiment de la raison mystérieuse qui régit le sort de deux enfants entachés tous deux au même degré de la souillure originelle, et dont l'un est affranchi de ce lien parce que le baptême lui est accordé, tandis que l'autre reste sous sa chaîne, parce qu'une grâce pareille ne lui est pas octroyée? Alors, pourquoi n'êtes-vous pas également émus de voir que, de deux êtres innocents, selon vous, dans leur origine, l'un reçoit le baptême et peut par ce moyen entrer dans le royaume de Dieu, tandis que l'autre ne le reçoit pas et se trouve dans l'impossibilité d'être admis dans ce divin royaume? Ah ! plutôt dans les deux cas le cri de l'Apôtre retrouve ici sa place : « O profondeur des divins trésors ! »
D'ailleurs, après même que deux enfants ont été baptisés, qu'on me dise donc pourquoi l'un est enlevé de ce monde, de peur que le péché ne pervertisse son intelligence (1), tandis que l'autre, — un impie à venir, — vivra cependant? N'est-il pas vrai que s'ils étaient enlevés tous les deux, tous les deux aussi entreraient dans le royaume des cieux? Et néanmoins, en Dieu point d'injustice ! Eh quoi, encore ? Qui donc ne sera pas ému ? Qui pourra retenir le cri de son âme en face d'autres abîmes si profonds? Oui, certains petits enfants sont tourmentés par des esprits impurs, d'autres n'éprouvent rien de pareil; quelques-uns mêmes, comme Jérémie, sont sanctifiés dès le sein de leurs mères (2) ; et cependant tous sont également coupables, s'il existe un péché d'origine, et sinon, tous sont également innocents ! Et la raison de ces différences si profondes, où la trouver? N'est-ce pas simplement parce que les jugements de Dieu sont incompréhensibles, et ses voies impénétrables?
1. Sag. IV, 11.
2. Jérém. I, 5
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: BAPTÊME DES PETITS ENFANTS (saint Augustin)
Saint Augustin d'Hippone
Du Mérite, de la Rémission des Péchés
et du Baptême des Petits Enfants
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CHAPITRE XXVIII. LE SAINT DOCTEUR CONCLUT QUE TOUS ONT BESOIN DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST, POUR ÊTRE SAUVÉS. LES PETITS ENFANTS NON BAPTISÉS SERONT DANS LA DAMNATION AVEC LES DÉMONS. COMMENT TOUS LES HOMMES VONT A LA DAMNATION PAR ADAM, ET A LA JUSTIFICATION PAR JÉSUS-CHRIST. PERSONNE N'EST RÉCONCILIÉ AVEC DIEU, QUE PAR JÉSUS-CHRIST.
Du Mérite, de la Rémission des Péchés
et du Baptême des Petits Enfants
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CHAPITRE XXVIII. LE SAINT DOCTEUR CONCLUT QUE TOUS ONT BESOIN DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST, POUR ÊTRE SAUVÉS. LES PETITS ENFANTS NON BAPTISÉS SERONT DANS LA DAMNATION AVEC LES DÉMONS. COMMENT TOUS LES HOMMES VONT A LA DAMNATION PAR ADAM, ET A LA JUSTIFICATION PAR JÉSUS-CHRIST. PERSONNE N'EST RÉCONCILIÉ AVEC DIEU, QUE PAR JÉSUS-CHRIST.
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55. Cela étant ainsi, la vraie foi et la sainte doctrine n'ont jamais admis qu'aucun de ceux qui sont venus à Jésus-Christ par le baptême n'ait pas eu besoin de cette grâce de la rémission des péchés, ni que personne puisse, en dehors de son royaume, obtenir la vie éternelle. Voilà le salut que Dieu préparait pour le révéler dans les derniers temps (1), c'est-à-dire à la résurrection des morts, pourvu toutefois qu'ils appartiennent non pas à la mort éternelle que l'Ecriture appelle la seconde mort, mais à la vie éternelle que Dieu, incapable de mentir, promet à ses saints et fidèles serviteurs ; encore est-il que tous ceux qui auront part a la vie éternelle devront avoir reçu la vie uniquement par Jésus-Christ, comme déjà tous par Adam reçoivent la mort (2).
De même en effet que tous ceux, absolument dont la génération est due à la volonté de la chair, ne meurent qu'en Adam en qui tous ont péché; ainsi, dans ce nombre même des morts, tous ceux absolument dont la régénération est due à la volonté de l'esprit, ne sont vivifiés non plus qu'en Jésus-Christ en qui tous sont justifiés. D'un côté, tous par un seul arrivent à la condamnation; de l'autre, tous par un seul aussi arrivent à la, justification (3). Il n'y a pour personne aucun lieu mitoyen où l'on puisse ne pas être avec le démon, si l'on n'est pas avec Jésus-Christ. Aussi est-il une idée que le Seigneur a voulu arracher de tous les cœurs, où la foi serait altérée: c'est celle de je ne sais quel milieu où quelques-uns s'efforcent de placer les enfants morts sans baptême, prétendant que leur innocence est une sorte de mérite qui leur vaudrait la vie éternelle, mais que la privation du baptême les empêcherait d'être avec Jésus-Christ dans son royaume. Lui-même a prononcé cette maxime pour leur fermer la bouche: « Celui qui n'est pas avec moi est contre moi (4) ».
1. I Pier. I, 5.
2. I Cor, XV, 22.
3. Rom. V, 18.
4. Matt. XII, 30.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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CHAPITRE XXVIII. LE SAINT DOCTEUR CONCLUT QUE TOUS ONT BESOIN DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST, POUR ÊTRE SAUVÉS. LES PETITS ENFANTS NON BAPTISÉS SERONT DANS LA DAMNATION AVEC LES DÉMONS. COMMENT TOUS LES HOMMES VONT A LA DAMNATION PAR ADAM, ET A LA JUSTIFICATION PAR JÉSUS-CHRIST. PERSONNE N'EST RÉCONCILIÉ AVEC DIEU, QUE PAR JÉSUS-CHRIST.
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55. Cela étant ainsi, la vraie foi et la sainte doctrine n'ont jamais admis qu'aucun de ceux qui sont venus à Jésus-Christ par le baptême n'ait pas eu besoin de cette grâce de la rémission des péchés, ni que personne puisse, en dehors de son royaume, obtenir la vie éternelle. Voilà le salut que Dieu préparait pour le révéler dans les derniers temps (1), c'est-à-dire à la résurrection des morts, pourvu toutefois qu'ils appartiennent non pas à la mort éternelle que l'Ecriture appelle la seconde mort, mais à la vie éternelle que Dieu, incapable de mentir, promet à ses saints et fidèles serviteurs ; encore est-il que tous ceux qui auront part a la vie éternelle devront avoir reçu la vie uniquement par Jésus-Christ, comme déjà tous par Adam reçoivent la mort (2). De même en effet que tous ceux, absolument dont la génération est due à la volonté de la chair, ne meurent qu'en Adam en qui tous ont péché; ainsi, dans ce nombre même des morts, tous ceux absolument dont la régénération est due à la volonté de l'esprit, ne sont vivifiés non plus qu'en Jésus-Christ en qui tous sont justifiés. D'un côté, tous par un seul arrivent à la condamnation; de l'autre, tous par un seul aussi arrivent à la, justification (3). Il n'y a pour personne aucun lieu mitoyen où l'on puisse ne pas être avec le démon, si l'on n'est pas avec Jésus-Christ. Aussi est-il une idée que le Seigneur a voulu arracher de tous les cœurs, où la foi serait altérée: c'est celle de je ne sais quel milieu où quelques-uns s'efforcent de placer les enfants morts sans baptême, prétendant que leur innocence est une sorte de mérite qui leur vaudrait la vie éternelle, mais que la privation du baptême les empêcherait d'être avec Jésus-Christ dans son royaume. Lui-même a prononcé cette maxime pour leur fermer la bouche: « Celui qui n'est pas avec moi est contre moi (4) ».
1. I Pier. I, 5.
2. I Cor, XV, 22.
3. Rom. V, 18.
4. Matt. XII, 30.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Et maintenant, offrez-nous tel petit enfant qu'il vous plaira; s'il est déjà avec Jésus-Christ, pourquoi le baptise-t-on? Si, su contraire, selon la doctrine de la vérité, on le baptise précisément pour qu'il soit avec Jésus-Christ, donc évidemment celui qui n'est pas baptisé n'est pas non plus avec Jésus-Christ; et, n'étant pas avec Jésus-Christ, il est contre Jésus-Christ; car nous ne pouvons ni infirmer ni commuer une sentence aussi manifeste du Seigneur: Mais par où est-il contre Jésus-Christ, sinon par le péché, puisque ce ne peut être ni par son corps ni par son âme, l'un et l'autre créés de Dieu? Et si c'est par un péché, quel est-il à pareil âge, sinon une faute originelle et antique? Car il n'y a qu'une chair de péché dans laquelle tous viennent au monde pour la damnation ; et il n'y a non plus qu'une chair qui ait revêtu la ressemblance du péché, et par laquelle tous sont délivrés de la damnation.
Toutefois l'expression "tous" n'a pas été écrite pour faire entendre que ceux qui naissent dans la chair de péché soient identiquement et tous purifiés par cette autre chair qui a porté la ressemblance de la chair de péché; « Car la foi n'appartient pas à tous (1) ». La vérité est donc que tous ceux qui doivent la vie à la génération d'un mariage charnel, ne naissent non plus que dans une chair de péché; et tous ceux au contraire qui doivent la vie à la génération d'un mariage spirituel, ne sont purifiés non plus que par la chair qui a pris la ressemblance de notre chair pécheresse. Une comparaison éclaircira notre pensée. Supposons qu'une ville possède une sage-femme seulement qui soit au service de tous les habitants; et seulement aussi un maître des lettres humaines, qui donne de même à tous l'enseignement. L'expression « tous » ne pourra s'entendre, dans le premier cas, que de ceux qui naissent; et dans le second que de ceux qui reçoivent l'enseignement ; et cependant ceux qui naissent ne vont pas tous en classe.
Mais l'on voit clairement la justesse de l'expression « tous », dans les deux cas: la sage-femme est vraiment au service de tous, puisqu'aucun habitant ne naît que par ses mains; et le professeur donne à tous l'enseignement, puisqu'aucun n'est instruit qu'à son école.
1. II Thess. III, 2.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: BAPTÊME DES PETITS ENFANTS (saint Augustin)
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CHAPITRE XXVIII. LE SAINT DOCTEUR CONCLUT QUE TOUS ONT BESOIN DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST, POUR ÊTRE SAUVÉS. LES PETITS ENFANTS NON BAPTISÉS SERONT DANS LA DAMNATION AVEC LES DÉMONS. COMMENT TOUS LES HOMMES VONT A LA DAMNATION PAR ADAM, ET A LA JUSTIFICATION PAR JÉSUS-CHRIST. PERSONNE N'EST RÉCONCILIÉ AVEC DIEU, QUE PAR JÉSUS-CHRIST.
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56. Si l'on a bien pesé la divine parole, soit dans tous ces textes dont j'ai discuté quelques-uns à part; tandis que j'ai groupé les autres en une masse imposante; soit même encore dans tous ceux qui vont au même sens et que je n'ai pas rappelés, on n'y trouvera rien absolument que cette vérité enseignée par l'Église universelle, qui a la mission de veiller contre les nouveautés profanes.
Tout homme est séparé de Dieu, sauf celui qui par Jésus médiateur est réconcilié avec Dieu. Les péchés, d'ailleurs, sont les seuls obstacles qui puissent créer cette séparation ; donc aussi la rémission des péchés est le seul moyen de réconciliation ; et cette rémission s'opère uniquement par la grâce d'un Sauveur infiniment miséricordieux, uniquement par la victime que daigna offrir ce Prêtre très-véritable. Ainsi tous les enfants de cette femme qui a cru aux paroles du serpent jusqu'à céder aux appétits corrompus de la chair (1), ne sont délivrés d'un corps de mort que par le Fils de cette Vierge qui a cru aux paroles de l'Ange jusqu'à mériter un enfantement sans œuvre de chair (2).
1. Gen. III, 1-6.
2. Luc, 1, 26-38.
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FIN
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: BAPTÊME DES PETITS ENFANTS (saint Augustin)
PEINE INCONNUE(1)
Gingras, Apollinaire L'Abbé
VERS l'église, à travers l'humble et riant village,
La carriole emportait l'élégant compérage
Dont les éclats de rire, heureux et spontanés,
Couvraient parfois le chant des grelots argentés.
Pas un n'eût critiqué cette allure bruyante :
Au hameau, l'étiquette est facile, indulgente.
Du reste, un compérage est toujours en humeur :
Un chrétien pour le ciel ! mais, c'est un vrai bonheur !
Presque à chaque maison, si l'on voit la carriole,
On jette aux braves gens quelque bonne parole :
--Salut, Pierre !--Eh ! bonjour !--Vive le fruit nouveau !--
Courage, sapristi ! Ton blé sera plus beau !--
Encore un ? Est-ce pour compléter la douzaine !--
Allons, Pierre, à l'année engage une marraine !--
Une pièce de terre ! Encore une !-A ce train,
Tu vas payer la dîme !--Au moins, c'est du beau grain !
Et le père, enchanté, rit dans sa barbe grise.
Il a déjà porté dix marmots à l'église ;
Mais, bah ! calme et joyeux, il a l'air de songer :
" Quand Dieu fait une bouche, il fait de quoi manger !
Dieu fait l'hiver et fait au bois pousser les bûches.
Il peuple les berceaux, mail il remplit les huches ! "
A cette foi naïve, à ce bonheur serein,
Répond la bonne humeur de Joseph, la parrain.
" Sur mon credo, dit-il souvent à la marraine,
Je ne suis pas très ferme : aide-moi, Madeleine !
Si je m'enbrouille un peu, je baisserai le ton,
Ou je ferai semblant d'ajuster un bouton...
Toi, pousse ton latin : secours-moi de la gorge.
Tiens, voici comme acompte un chèque en sucre d'orge.
--Ah ! du latin, tu sais, j'en ai juste pour moi :
Charité, par chez nous, ça commence par soi !"
Parfois, de son côté, la porteuse est novice.
Elle ne sait pas trop quand il faut qu'on déplisse
Ce maillot, compliqué de rubans, de galons.
Elle connaît bien mieux sa rubrique aux chaudrons !
--Mère, calmez-vous donc ! le curé n'est pas bête :
Il saura bien sans nous lui déterrer la tête !
--Tenez, ne riez pas : je suis toute à l'envers,
Et je ferai bien sûr des choses de travers.
Dame ! pour vous, farceurs, bien facile est la tâche :
Vous dites cinq, six mots, que le curé vous mâche !
--Chut ! trève de babil ! car le curé dira
Que nous avons chômé les noces de Cana ! "
Et l'on filait au trot des fumantes montures,
Le coeur dans la gaîté, le nez dans les fourrures.
Dieu les garde !
Au logis, la mère, presque en deuil,
Sur son oreiller blanc ne pouvait clore l'oeil.
Le rose petit être avait paru si frêle !
Un noir pressentiment s'était emparé d'elle.
On avait près du lit placé le berceau neuf :
Vrai nid d'enfant Jésus, moins la paille et le boeuf.
A son âme inquiète, à son coeur en délire,
Le berceau radieux tantôt semblait sourire
Comme un nid printanier qui demande un oiseau,
Tantôt prenait les airs d'un froid petit tombeau !
C'était long, pour l'enfant, qu'un voyage à l'église !
A travers tout son coeur soufflait la froide brise !
Et puis elle entr'ouvrait ses blancs rideaux de lin,
Jetait, par la fenêtre, un regard au chemin.
Elle prêtait l'oreille, et trouvait, sans reproches,
Qu'il tardait à venir, le son joyeux des cloches !
Elle disait : " Voisin, sortez de la maison :
De nos grelots d'argent n'est-ce pas la chanson ? "
On la calmait un peu par des plaisanteries
Tout pleines d'assurance et de gaîté remplies.
Mais elle, sans prêter l'oreille au doux propos,
Fiévreuse, et repoussant l'espoir et le repos :
" Mon Dieu, pardonnez-moi : j'ai des terreurs étranges :
A ce même lit blanc j'ai déjà vu dix anges,
Au retour de ce bain qui fait enfant de Dieu,
M'arriver tout vermeils, l'oeil et la joue en feu.
N'aurais-je pas goûté, comme je devais faire,
Le bonheur de baiser, moi pauvre indigne mère,
Le front, l'auguste front de ces purs chérubins ?
Dieu veut-il m'en punir ? "
Les grelots argentins
Chantant alors au loin leur chant mélancolique,
Faisaient japper le chien couché sous le portique.
Le tardif compérage arriva, amis, hélas !
Plus pâle par le deuil que par les blancs frimas,
Morne !--Ce n'était plus cet équipage en vie
Dont la joie au départ à tous faisait envie,
Dont la franche gaîté, le rire et les bons mots
Semblaient jaillir au bruit des sonores grelots !
On n'alla pas de suite au chevet de la mère :
Dans un triste silence, et comme avec mystère,
Dans la pièce voisine on déposa l'enfant,
Et l'on y chuchota l'espace d'un instant,
D'un siècle pour le coeur de la mère inquiète.
Enfin, on l'aborda : la mère était muette !
Son coeur avait compris la mort du nouveau-né,
Comme on comprend la foudre avant qu'il ait tonné.
Quand on avait ouverts, en écartant la frange,
Le maillot dans lequel devait éclore un ange,
Tout le monde à l'église avait pâli d'abord :
Dans ses bras, la porteuse avait un enfant mort !
Le front blanc, l'oeil éteint, de ses lèvres de cire
Comprimant tristement un innocent sourire,
L'enfant semblait avoir en mourant murmuré :
Adieu, beau paradis ! adieu ! tu m'es fermé !
L'hiver s'était enfui. Le printemps gai, vivace,
Le printemps parfumé rayonnait avec grâce
Sur les cercueils voilés par de bons gazons verts
Comme sur les tombeaux fraîchement recouverts.
Tous les soirs à pas lents et presque à la même heure,
Une femme passait au seuil de sa demeure.
Qu'il plût ou qu'il fit beau, qu'il fit chaud, qu'il fit froid,
Au fond du cimetière elle poussait tout droit.
L'étrange assiduité de ce pèlerinage
Intriguait quelque peu le curé du village.
Le pasteur au village était curé nouveau :
Il n'était pas au fait des secrets du hameau.
Mais le prêtre aime a lire au fin fond de chaque âme,
Même au risque parfois d'y découvrir un drame.
Pour guérir ses chagrins, médecin plein d'espoir,
Il la suivait des yeux, maintenant, chaque soir.
Or, voici tout ce que, de sa calme fenêtre,
Voici ce que bientôt découvrit le vieux prêtre :
La mère, comme une ombre à qui manque la voix,
Allait prier tout bas devant deux pauvres croix.
Pendant qu'elle priait doucement inclinée,
Le sol buvait ses pleurs comme il boit la rosée.
Puis elle franchissait un filet d'eau perdu,
Le pied comme le coeur par des ronces mordu.
Là, d'incultes buissons, touffus mais sans mystère.
La croix, la croix pieuse au branchage sévère ;
La croix, cet arbre nu ; la croix, ce buisson noir
Sur qui l'oeil ne voit rien, mais où mûrit l'espoir !
La croix dans cet endroit ne prend jamais racine :
Ce coin du sol n'est pas une terre divine !
Et la mère pourtant tombait là tout en pleurs :
Elle y priait pourtant, et plus longtemps qu'ailleurs !
Elle y versait, suivant sa poignante coutume,
Non plus quelques sanglots, mais des flots d'amertume !
Comme une urne qu'on penche et que l'on vide à net,
Son coeur semblait verser jusqu'au dernier regret !
Le pasteur (car lui-même avait un coeur sensible)
Essaya d'adoucir cette peine indicible.
" L'Église, lui dit-il, n'a jamais prononcé
Sur le sort d'un enfant qui n'est pas baptisé.
Ces enfants, il est vrai (ce dogme, il faut croire),
Ne verront jamais Dieu rayonnant dans sa gloire.
Mais vous-même, songez : souffrez-vous bien, ma soeur,
De n'avoir jamais vu le ciel ni sa splendeur ?
Ces innocents proscrits n'ont jamais, même en rêve,
Entrevu le beau ciel où le baptême enlève :
Ils n'ont jamais vu Dieu ; Dieu leur est inconnu :
L'oeil ne regrette rien de ce qu'il n'a pas vu.
Cette soif de voir Dieu, dont au ciel l'âme brûle,
Pour eux n'existant pas, leur peine serait nulle...
Sans vouloir, pauvre soeur, sans vouloir, croyez-moi,
Sécher vos pleurs amers aux dépens de la foi,
Le pieux Augustin, et saint Anselme encore,
Deux savants et deux saints que notre Église honore,
Ont émis sur ce point, et non certe au hasard,
Des doctrines qui sont un baume et non un dard.
Les Limbes, ces prisons qui font frémir la mère,
Ne sont peut-être pas sans joie et sans lumière.
On y goûte peut-être un bonheur naturel,
Et, jusqu'en ces cachots, Dieu sera paternel ! "
Les pleurs ne mouillaient plus sa paupière surprise ;
Mais son coeur de nouveau soudainement se brise ;
Puis avec cet accent de désespoir profond
Qui fait voir que le coeur est meurtri jusqu'au fond :
" Mon père ! vous parlez mieux qu'un ange, oh ! sans doute !
Mais, tenez, permettez que je file ma route :
La mort même, la mort ne pourrait adoucir
Ce chagrin qui me ronge et qui me fait mourir !
L'un de mes chers enfants a péri dans les flammes,
Un autre est mort martyr : qu'il a versé de larmes !
Ma vie, ô bon monsieur, fut un long chapelet
A grains noirs, soyez sûr ; mais il vous ennuîrait.
Je crus avoir vidé jusqu'au fond le calice :
Mon père, il me restait un plus navrant supplice !
Je crus à toute épreuve avoir enfin goûté :
J'oubliais un poignard des mères redouté,
Une peine sans nom, le seul chagrin peut être
Que ne pourrait sonder l'oeil ni le coeur du prêtre !
Mon bon père, pardon, je le redis encor :
Vous ne pourrez comprendre, avec votre coeur d'or,
Ce chagrin meurtrier, cette sauvage épine,
Qui, vivante, remue au fond de ma poitrine !
Jamais ! mon Dieu ! mon Dieu ! c'est une vérité,
Je ne verrai jamais cet enfant regretté,
Jouant au paradis avec ses autres frères,
Mêlant avec les leurs ses chants et ses prières.
O calice rempli de vinaigre et de fiel !
Je ne verrai jamais cet enfant, même au ciel.
Ah ! le ciel ! Autrefois, dans mes jours les plus sombres,
J'aimais à l'admirer avec ces feux, ses ombres.
J'aimais à contempler ces beaux pays d'azur,
Quand mon âme était triste et que l'air était pur.
Je me disais, assise au seuil de ma demeure :
" Là l'allégresse, au moins, si dans ce monde on pleure !
Mais le ciel ! quand mes yeux s'y portent aujourd'hui,
Les étoiles m'ont l'air d'y scintiller d'ennui :
Le ciel me semble en deuil!--Est-ce un péché, mon père,
De demander à Dieu, dans une humble prière,
D'aller après ma mort dans les Limbes ? Peut-il
M'accorder comme un don ce consolant exil ?
Dans la cité divine, au milieu de merveilles
Qui surprendront nos coeurs, notre oeil et nos oreilles ;
Dans ces palais d'en haut, dans ce pompeux séjour
Où l'on boira la joie et la paix et l'amour,
Comme ici-bas l'on boit dans nos champs l'eau courante,
Dieu pourra se passer, bien sûr, de sa servante !
Le ciel me manquera sans que je manque au ciel :
Mon enfant a besoin du baiser maternel !
Dieu me pardonnerait mon exil volontaire,
Et loin de Dieu mon ange aurait du moins sa mère !
Comme je volerais passer l'éternité
Avec mon seul enfant loin du ciel rejeté !
--Non, pas l'éternité, lui répondit le prêtre ;
Mais Dieu, dans son amour, vous permettra, peut-être,
De franchir quelquefois le seuil du paradis
Pour descendre au pays de ces pauvres proscrits,
Pour revoir votre enfant...
--Que dites-vous, mon père!...
--Ma soeur, Dieu pour là-haut garde plus d'un mystère!
D'abord, ton coeur en deuil appelle ton enfant :
Jésus saura combler l'endroit laissé vacant.
Et puis, qui sommes-nous pour sonder ses abîmes ?
Sied-il au moucheron de mesurer les cimes ?
Les Limbes ! à notre oeil Dieu clot ce noir séjour ;
Mais nous savons ceci : son coeur est fait d'amour !
Sur ces pauvres enfants Dieu garde le silence :
Au hasard nous irions nous tourmenter d'avance ?
Qui sait si leur exil, nuageux mais vermeil,
N'aura pas comme ici ses fleurs et son soleil ?
Jamais, ma soeur, jamais le bon Dieu sur ces choses
N'a défendu d'avoir les espoirs les plus roses.
Je disais "noir séjour :" mon Dieu, qu'en savons-nous ?
Qui nous dit que plus tard, sous un ciel clair et doux,
Ces enfants n'auront pas, pour superbe héritage,
Cet univers, doré de feu de ton visage ?
C'est notre espoir, à nous, notre invincible espoir :
Ces enfants n'iront pas dans un exil trop noir !
Je crois (et plus d'un saint nourrit cette espérance),
Je crois que ces enfants vivront dans l'abondance.
Ils auront pour prison ce splendide univers,
Avec ses lacs brillants, ses bosquets toujours verts.
Pour oublier le ciel, ils auront sur la terre,
Cet Éden d'autrefois d'où fut chassé leur père.
Espoir, espoir en Dieu ! Sèche, oh ! sèche tes pleurs.
Pourquoi le jour, la nuit, te créer des douleurs ?
O mère ! ouvre à ma voix ton âme et ton oreille ;
Car voici ce que dit l'espérance vermeille:
Cet enfant qui t'est cher, cet enfant regretté,
Tu peux goûter encor son sourire enchanté !
Du ciel tu le verras folâtrer dans la plaine,
Ou cueillant, tout pensif, l'oeillet, la marjolaine,
Pour en faire à sa mère un bouquet gracieux.
Et tu prendras ton vol, et le front radieux,
Tu descendras, ma soeur, couvrir de tes caresses
L'orphelin à qui Dieu garde encor des tendresses.
De ces rêves permis, berce, oh ! berce ton coeur.
On peut blesser le Ciel même par sa douleur.
Dieu veut qu'avec espoir on l'aime, on le bénisse :
Son coeur nous surprendra, bien plus que sa justice !
Seigneur ! l'esprit de l'homme est l'esprit d'un enfant :
Myope, du mystère il se fait un tourment.
Au lieu d'être au timon, quand la vague est profonde,
L'homme, aveugle marin, se fatigue à la sonde.
Pour moi Seigneur, j'espère ! et j'attends sans pâlir
Le jour où ton soleil viendra tout éclaircir ;
Et je dis : l'Océan, bassin profond, immense,
Ne contiendra jamais les flots de ta clémence !"
Et la mère immobile était là devant lui,
Comme un saule pleureur où le soleil a lui.
Avide, elle écoutait cette voix consolante
Comme un homme altéré boit une eau murmurante.
Car on avait à flots, dans son coeur maternel,
Fait descendre l'espoir, ce baume fait au ciel!
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(1) L'enfant mort sans baptême.
Gingras, Apollinaire L'Abbé
VERS l'église, à travers l'humble et riant village,
La carriole emportait l'élégant compérage
Dont les éclats de rire, heureux et spontanés,
Couvraient parfois le chant des grelots argentés.
Pas un n'eût critiqué cette allure bruyante :
Au hameau, l'étiquette est facile, indulgente.
Du reste, un compérage est toujours en humeur :
Un chrétien pour le ciel ! mais, c'est un vrai bonheur !
Presque à chaque maison, si l'on voit la carriole,
On jette aux braves gens quelque bonne parole :
--Salut, Pierre !--Eh ! bonjour !--Vive le fruit nouveau !--
Courage, sapristi ! Ton blé sera plus beau !--
Encore un ? Est-ce pour compléter la douzaine !--
Allons, Pierre, à l'année engage une marraine !--
Une pièce de terre ! Encore une !-A ce train,
Tu vas payer la dîme !--Au moins, c'est du beau grain !
Et le père, enchanté, rit dans sa barbe grise.
Il a déjà porté dix marmots à l'église ;
Mais, bah ! calme et joyeux, il a l'air de songer :
" Quand Dieu fait une bouche, il fait de quoi manger !
Dieu fait l'hiver et fait au bois pousser les bûches.
Il peuple les berceaux, mail il remplit les huches ! "
A cette foi naïve, à ce bonheur serein,
Répond la bonne humeur de Joseph, la parrain.
" Sur mon credo, dit-il souvent à la marraine,
Je ne suis pas très ferme : aide-moi, Madeleine !
Si je m'enbrouille un peu, je baisserai le ton,
Ou je ferai semblant d'ajuster un bouton...
Toi, pousse ton latin : secours-moi de la gorge.
Tiens, voici comme acompte un chèque en sucre d'orge.
--Ah ! du latin, tu sais, j'en ai juste pour moi :
Charité, par chez nous, ça commence par soi !"
Parfois, de son côté, la porteuse est novice.
Elle ne sait pas trop quand il faut qu'on déplisse
Ce maillot, compliqué de rubans, de galons.
Elle connaît bien mieux sa rubrique aux chaudrons !
--Mère, calmez-vous donc ! le curé n'est pas bête :
Il saura bien sans nous lui déterrer la tête !
--Tenez, ne riez pas : je suis toute à l'envers,
Et je ferai bien sûr des choses de travers.
Dame ! pour vous, farceurs, bien facile est la tâche :
Vous dites cinq, six mots, que le curé vous mâche !
--Chut ! trève de babil ! car le curé dira
Que nous avons chômé les noces de Cana ! "
Et l'on filait au trot des fumantes montures,
Le coeur dans la gaîté, le nez dans les fourrures.
Dieu les garde !
Au logis, la mère, presque en deuil,
Sur son oreiller blanc ne pouvait clore l'oeil.
Le rose petit être avait paru si frêle !
Un noir pressentiment s'était emparé d'elle.
On avait près du lit placé le berceau neuf :
Vrai nid d'enfant Jésus, moins la paille et le boeuf.
A son âme inquiète, à son coeur en délire,
Le berceau radieux tantôt semblait sourire
Comme un nid printanier qui demande un oiseau,
Tantôt prenait les airs d'un froid petit tombeau !
C'était long, pour l'enfant, qu'un voyage à l'église !
A travers tout son coeur soufflait la froide brise !
Et puis elle entr'ouvrait ses blancs rideaux de lin,
Jetait, par la fenêtre, un regard au chemin.
Elle prêtait l'oreille, et trouvait, sans reproches,
Qu'il tardait à venir, le son joyeux des cloches !
Elle disait : " Voisin, sortez de la maison :
De nos grelots d'argent n'est-ce pas la chanson ? "
On la calmait un peu par des plaisanteries
Tout pleines d'assurance et de gaîté remplies.
Mais elle, sans prêter l'oreille au doux propos,
Fiévreuse, et repoussant l'espoir et le repos :
" Mon Dieu, pardonnez-moi : j'ai des terreurs étranges :
A ce même lit blanc j'ai déjà vu dix anges,
Au retour de ce bain qui fait enfant de Dieu,
M'arriver tout vermeils, l'oeil et la joue en feu.
N'aurais-je pas goûté, comme je devais faire,
Le bonheur de baiser, moi pauvre indigne mère,
Le front, l'auguste front de ces purs chérubins ?
Dieu veut-il m'en punir ? "
Les grelots argentins
Chantant alors au loin leur chant mélancolique,
Faisaient japper le chien couché sous le portique.
Le tardif compérage arriva, amis, hélas !
Plus pâle par le deuil que par les blancs frimas,
Morne !--Ce n'était plus cet équipage en vie
Dont la joie au départ à tous faisait envie,
Dont la franche gaîté, le rire et les bons mots
Semblaient jaillir au bruit des sonores grelots !
On n'alla pas de suite au chevet de la mère :
Dans un triste silence, et comme avec mystère,
Dans la pièce voisine on déposa l'enfant,
Et l'on y chuchota l'espace d'un instant,
D'un siècle pour le coeur de la mère inquiète.
Enfin, on l'aborda : la mère était muette !
Son coeur avait compris la mort du nouveau-né,
Comme on comprend la foudre avant qu'il ait tonné.
Quand on avait ouverts, en écartant la frange,
Le maillot dans lequel devait éclore un ange,
Tout le monde à l'église avait pâli d'abord :
Dans ses bras, la porteuse avait un enfant mort !
Le front blanc, l'oeil éteint, de ses lèvres de cire
Comprimant tristement un innocent sourire,
L'enfant semblait avoir en mourant murmuré :
Adieu, beau paradis ! adieu ! tu m'es fermé !
L'hiver s'était enfui. Le printemps gai, vivace,
Le printemps parfumé rayonnait avec grâce
Sur les cercueils voilés par de bons gazons verts
Comme sur les tombeaux fraîchement recouverts.
Tous les soirs à pas lents et presque à la même heure,
Une femme passait au seuil de sa demeure.
Qu'il plût ou qu'il fit beau, qu'il fit chaud, qu'il fit froid,
Au fond du cimetière elle poussait tout droit.
L'étrange assiduité de ce pèlerinage
Intriguait quelque peu le curé du village.
Le pasteur au village était curé nouveau :
Il n'était pas au fait des secrets du hameau.
Mais le prêtre aime a lire au fin fond de chaque âme,
Même au risque parfois d'y découvrir un drame.
Pour guérir ses chagrins, médecin plein d'espoir,
Il la suivait des yeux, maintenant, chaque soir.
Or, voici tout ce que, de sa calme fenêtre,
Voici ce que bientôt découvrit le vieux prêtre :
La mère, comme une ombre à qui manque la voix,
Allait prier tout bas devant deux pauvres croix.
Pendant qu'elle priait doucement inclinée,
Le sol buvait ses pleurs comme il boit la rosée.
Puis elle franchissait un filet d'eau perdu,
Le pied comme le coeur par des ronces mordu.
Là, d'incultes buissons, touffus mais sans mystère.
La croix, la croix pieuse au branchage sévère ;
La croix, cet arbre nu ; la croix, ce buisson noir
Sur qui l'oeil ne voit rien, mais où mûrit l'espoir !
La croix dans cet endroit ne prend jamais racine :
Ce coin du sol n'est pas une terre divine !
Et la mère pourtant tombait là tout en pleurs :
Elle y priait pourtant, et plus longtemps qu'ailleurs !
Elle y versait, suivant sa poignante coutume,
Non plus quelques sanglots, mais des flots d'amertume !
Comme une urne qu'on penche et que l'on vide à net,
Son coeur semblait verser jusqu'au dernier regret !
Le pasteur (car lui-même avait un coeur sensible)
Essaya d'adoucir cette peine indicible.
" L'Église, lui dit-il, n'a jamais prononcé
Sur le sort d'un enfant qui n'est pas baptisé.
Ces enfants, il est vrai (ce dogme, il faut croire),
Ne verront jamais Dieu rayonnant dans sa gloire.
Mais vous-même, songez : souffrez-vous bien, ma soeur,
De n'avoir jamais vu le ciel ni sa splendeur ?
Ces innocents proscrits n'ont jamais, même en rêve,
Entrevu le beau ciel où le baptême enlève :
Ils n'ont jamais vu Dieu ; Dieu leur est inconnu :
L'oeil ne regrette rien de ce qu'il n'a pas vu.
Cette soif de voir Dieu, dont au ciel l'âme brûle,
Pour eux n'existant pas, leur peine serait nulle...
Sans vouloir, pauvre soeur, sans vouloir, croyez-moi,
Sécher vos pleurs amers aux dépens de la foi,
Le pieux Augustin, et saint Anselme encore,
Deux savants et deux saints que notre Église honore,
Ont émis sur ce point, et non certe au hasard,
Des doctrines qui sont un baume et non un dard.
Les Limbes, ces prisons qui font frémir la mère,
Ne sont peut-être pas sans joie et sans lumière.
On y goûte peut-être un bonheur naturel,
Et, jusqu'en ces cachots, Dieu sera paternel ! "
Les pleurs ne mouillaient plus sa paupière surprise ;
Mais son coeur de nouveau soudainement se brise ;
Puis avec cet accent de désespoir profond
Qui fait voir que le coeur est meurtri jusqu'au fond :
" Mon père ! vous parlez mieux qu'un ange, oh ! sans doute !
Mais, tenez, permettez que je file ma route :
La mort même, la mort ne pourrait adoucir
Ce chagrin qui me ronge et qui me fait mourir !
L'un de mes chers enfants a péri dans les flammes,
Un autre est mort martyr : qu'il a versé de larmes !
Ma vie, ô bon monsieur, fut un long chapelet
A grains noirs, soyez sûr ; mais il vous ennuîrait.
Je crus avoir vidé jusqu'au fond le calice :
Mon père, il me restait un plus navrant supplice !
Je crus à toute épreuve avoir enfin goûté :
J'oubliais un poignard des mères redouté,
Une peine sans nom, le seul chagrin peut être
Que ne pourrait sonder l'oeil ni le coeur du prêtre !
Mon bon père, pardon, je le redis encor :
Vous ne pourrez comprendre, avec votre coeur d'or,
Ce chagrin meurtrier, cette sauvage épine,
Qui, vivante, remue au fond de ma poitrine !
Jamais ! mon Dieu ! mon Dieu ! c'est une vérité,
Je ne verrai jamais cet enfant regretté,
Jouant au paradis avec ses autres frères,
Mêlant avec les leurs ses chants et ses prières.
O calice rempli de vinaigre et de fiel !
Je ne verrai jamais cet enfant, même au ciel.
Ah ! le ciel ! Autrefois, dans mes jours les plus sombres,
J'aimais à l'admirer avec ces feux, ses ombres.
J'aimais à contempler ces beaux pays d'azur,
Quand mon âme était triste et que l'air était pur.
Je me disais, assise au seuil de ma demeure :
" Là l'allégresse, au moins, si dans ce monde on pleure !
Mais le ciel ! quand mes yeux s'y portent aujourd'hui,
Les étoiles m'ont l'air d'y scintiller d'ennui :
Le ciel me semble en deuil!--Est-ce un péché, mon père,
De demander à Dieu, dans une humble prière,
D'aller après ma mort dans les Limbes ? Peut-il
M'accorder comme un don ce consolant exil ?
Dans la cité divine, au milieu de merveilles
Qui surprendront nos coeurs, notre oeil et nos oreilles ;
Dans ces palais d'en haut, dans ce pompeux séjour
Où l'on boira la joie et la paix et l'amour,
Comme ici-bas l'on boit dans nos champs l'eau courante,
Dieu pourra se passer, bien sûr, de sa servante !
Le ciel me manquera sans que je manque au ciel :
Mon enfant a besoin du baiser maternel !
Dieu me pardonnerait mon exil volontaire,
Et loin de Dieu mon ange aurait du moins sa mère !
Comme je volerais passer l'éternité
Avec mon seul enfant loin du ciel rejeté !
--Non, pas l'éternité, lui répondit le prêtre ;
Mais Dieu, dans son amour, vous permettra, peut-être,
De franchir quelquefois le seuil du paradis
Pour descendre au pays de ces pauvres proscrits,
Pour revoir votre enfant...
--Que dites-vous, mon père!...
--Ma soeur, Dieu pour là-haut garde plus d'un mystère!
D'abord, ton coeur en deuil appelle ton enfant :
Jésus saura combler l'endroit laissé vacant.
Et puis, qui sommes-nous pour sonder ses abîmes ?
Sied-il au moucheron de mesurer les cimes ?
Les Limbes ! à notre oeil Dieu clot ce noir séjour ;
Mais nous savons ceci : son coeur est fait d'amour !
Sur ces pauvres enfants Dieu garde le silence :
Au hasard nous irions nous tourmenter d'avance ?
Qui sait si leur exil, nuageux mais vermeil,
N'aura pas comme ici ses fleurs et son soleil ?
Jamais, ma soeur, jamais le bon Dieu sur ces choses
N'a défendu d'avoir les espoirs les plus roses.
Je disais "noir séjour :" mon Dieu, qu'en savons-nous ?
Qui nous dit que plus tard, sous un ciel clair et doux,
Ces enfants n'auront pas, pour superbe héritage,
Cet univers, doré de feu de ton visage ?
C'est notre espoir, à nous, notre invincible espoir :
Ces enfants n'iront pas dans un exil trop noir !
Je crois (et plus d'un saint nourrit cette espérance),
Je crois que ces enfants vivront dans l'abondance.
Ils auront pour prison ce splendide univers,
Avec ses lacs brillants, ses bosquets toujours verts.
Pour oublier le ciel, ils auront sur la terre,
Cet Éden d'autrefois d'où fut chassé leur père.
Espoir, espoir en Dieu ! Sèche, oh ! sèche tes pleurs.
Pourquoi le jour, la nuit, te créer des douleurs ?
O mère ! ouvre à ma voix ton âme et ton oreille ;
Car voici ce que dit l'espérance vermeille:
Cet enfant qui t'est cher, cet enfant regretté,
Tu peux goûter encor son sourire enchanté !
Du ciel tu le verras folâtrer dans la plaine,
Ou cueillant, tout pensif, l'oeillet, la marjolaine,
Pour en faire à sa mère un bouquet gracieux.
Et tu prendras ton vol, et le front radieux,
Tu descendras, ma soeur, couvrir de tes caresses
L'orphelin à qui Dieu garde encor des tendresses.
De ces rêves permis, berce, oh ! berce ton coeur.
On peut blesser le Ciel même par sa douleur.
Dieu veut qu'avec espoir on l'aime, on le bénisse :
Son coeur nous surprendra, bien plus que sa justice !
Seigneur ! l'esprit de l'homme est l'esprit d'un enfant :
Myope, du mystère il se fait un tourment.
Au lieu d'être au timon, quand la vague est profonde,
L'homme, aveugle marin, se fatigue à la sonde.
Pour moi Seigneur, j'espère ! et j'attends sans pâlir
Le jour où ton soleil viendra tout éclaircir ;
Et je dis : l'Océan, bassin profond, immense,
Ne contiendra jamais les flots de ta clémence !"
Et la mère immobile était là devant lui,
Comme un saule pleureur où le soleil a lui.
Avide, elle écoutait cette voix consolante
Comme un homme altéré boit une eau murmurante.
Car on avait à flots, dans son coeur maternel,
Fait descendre l'espoir, ce baume fait au ciel!
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(1) L'enfant mort sans baptême.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13222
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: BAPTÊME DES PETITS ENFANTS (saint Augustin)
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Merci Roger pour ce consolant poème de l'Abbé Gingras pour les enfants dont on sait qu'ils sont morts sans baptême..
Merci Roger pour ce consolant poème de l'Abbé Gingras pour les enfants dont on sait qu'ils sont morts sans baptême..
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
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