Les Martyrs de Gorcum

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Message  Monique Lun 22 Avr 2024, 7:40 am

Les Martyrs de Gorcum

par


HUBERT MEUFFELS, C. M.

PRÊTRE DE HOLLAN&E

PARIS

LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRB J. GABALDA & C

RUE BONAPARTE, 90 1908


******



CHAPITRE PREMIER


LE 9 JUILLET l572

La page d'histoire sanglante et glorieuse tout à la fois que doit retracer ce modeste livre nous ramène de quelques siècles en arrière.

Le mercredi 9 juillet 1572 se termine à Brielle, en Hollande, un drame douloureux qui a commencé peu auparavant à Gorcum. Brielle était, dès cette époque, la ville principale de l'île de Voorne formée par la Meuse et par un bras de mer. Elle est située dans la partie septentrionale de l'ile, à une heure seulement de l'endroit où le fleuve se jette dans la mer du Nord et à cinq ou six lieues au-dessous de la Haye. Jusque-là insignifiante et tranquille, la ville avait complètement changé d'aspect depuis que, dans ses murs, un coup violent avait été porté à la domination espagnole sur les Pays-Bas. Le fait avait eu lieu le 1er avril de cette même année 1572.

En ce jour qui était le mardi après le dimanche des Rameaux, la ville était tombée aux mains des Gueux de mer commandés par le comte Guillaume de la Marck. Bientôt nous ferons plus ample connaissance avec ces farouches partisans du Prince d'Orange, pour la plupart des Calvinistes forcenés qui confondaient dans une même haine la domination de l'Espagne et l'Église catholique. Sous le coup de la terreur et en vertu de ce fonds de légèreté et d'inconstance qui caractérise trop souvent les foules, la population avait aisément changé de religion. Elle s'était même vite habituée aux scènes de cruauté sacrilège que lui procuraient fréquemment ses nouveaux maîtres. Quand, au retour de leurs excursions dans les environs, ils amenaient à Brielle des prêtres ou des moines arrachés à leurs presbytères ou à leurs couvents, on voyait un peuple, hier encore catholique, abreuver d'injures les victimes et assister ensuite, impassible et moqueur, à leurs souffrances et à leur mort.

De grands penseurs nous ont maintes fois décrit le phénomène étrange d'un peuple qui, jusque-là, n'avait jamais donné signe d'impiété et de colère, et qui subit tout d'un coup les accès de la folie la plus furieuse. Des appétits sanguinaires, ignorés de ceux-là même qui en portent toujours en eux le germe latent, se sont tout d'un coup révélés ; ils se sont communiqués des uns aux autres, et désormais ils sévissent avec une dureté et un défaut de mesure, incompréhensibles aux acteurs eux-mêmes une fois l'accès passé. De la bête humaine qui sommeille en chacun de nous, ce sont là les redoutables réveils. Ceux-là sont plutôt à plaindre qui les subissent, mais bien coupables et trois fois dits sont ceux qui les excitent et qui, par calcul d'intérêt ou de passion, savent les entretenir et les exploiter.


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Message  Monique Mar 23 Avr 2024, 7:40 am

Toutefois, dans la nuit du 8 au 9 juillet 1572, le trouble qui se manifestait dans la ville dépassait les proportions habituelles. Sur la place du Marché, non loin de la prison, on allait et venait, on parlait haut, on riait aux éclats. Dans le tumulte des conversations et des cris les mots de « papistes » et de « potence » se détachaient avec netteté.

Bientôt une bande de prisonniers — ils étaient une vingtaine — fut entraînée par les Gueux hors de la ville. A dix . ou quinze minutes des remparts on s'arrêta devant une vieille bâtisse dont l'état de délabrement indiquait une grange abandonnée tombant en ruines. Des préparatifs de pendaison commençaient. Il n'y avait plus de doute possible : le comte de la Marck faisait procéder à une de ces exécutions sommaires dont il était coutumier.

Bientôt, à la lueur de quelques flambeaux on contemple un spectacle hideux. A l'intérieur de cette grange se balancent, à deux poutres d'inégale grandeur, des hommes presque nus dont le corps porte les traces récentes de coups et de blessures. Trois sont suspendus à la petite poutre et quinze à la grande. Il y en a un autre que, faute de place, on a pendu aux chevrons supérieurs d'une échelle. Ils sont dix-neuf en tout. Quelques-uns sont encore jeunes, ils peuvent avoir de vingt-quatre à trente ans. Le grand nombre est dans la force de l'âge. Il y a aussi des vieillards : à celui-ci on donnerait soixante-dix, à cet autre quatre-vingts, peut-être même quatre-vingt-dix ans. Au-dessous des victimes s'agitent des soldats à moitié ivres. lis circulent sans précaution entre ces corps suspendus; ils les écartent avec rudesse pour se frayer un passage et parfois ils vont les heurter violemment avant de rouler par terre dans l'accablement de l'ivresse.

Ce sont les Gueux de mer, les nouveaux maîtres de Brielle. Ils ont voulu être eux-mêmes les bourreaux, et semblent ne pas se lasser d'en faire l'office. Ils s'acharnent sur leurs victimes; ils rient de leurs convulsions; ils les frappent avec des bâtons, parfois même de leur sabre ou de leur couteau. Tous profèrent à leur adresse les injures les plus grossières. Les traits des suppliciés sont contractés par la souffrance, mais ils n'accusent ni faiblesse ni découragement. Â mesure que l'agonie continue son œuvre et que la mort annonce son approche par des contractions plus rares et plus convulsives, les visages prennent un air de douce sérénité.

A l'attitude des victimes on voit vite que ce ne sont ni des criminels dont on fait bonne justice, ni des révoltés ou des prisonniers de guerre à qui l'on applique les lois cruelles de ces temps de luttes civiles et de représailles. Ce sont des prêtres et des religieux. Il y a parmi eux quatre prêtres séculiers, un chanoine régulier de Saint-Augustin, un dominicain, deux prémontrés et onze Frères Mineurs de Saint-François d'Assise. On les a capturés , presque tous à Gorcum, ville assez importante située à quinze lieues de Brielle. Gorcum est tombé, il y a une douzaine de jours, au pouvoir des Gueux de mer, commandés en cette circonstance par Marin Brant. Le comte de la Marck avait ordonné à ses lieutenants de lui envoyer à Brielle les prêtres et les moines, afin — et ce mot disait tout — de leur faire subir le sort qu'il réserve partout à leurs pareils. De Gorcum on les a donc conduits à Brielle. Des démarches ont été faites, de puissantes interventions se sont produites pour les soustraire a la mort. Le Prince d'Orange, dont de la Marck se donne pour le lieutenant, lui a commandé de ne pas molester les prêtres et les religieux. Mais cet ordre a jeté le chef des Gueux dans une violente colère. Il a cherché à la calmer dans une débauche de bière, pendant que dans son entourage on lente une dernière fois de faire apostasier les prisonniers. Peine inutile. Tout a coup, sans autre forme de procès, le comte donne l'ordre de pendre à l'instant « ces maudits prêtres et moines ». Que pas un n'échappe, a-t-il dit à Jean d'Omal, l'exécuteur de ses arrêts de mort. Et l'ordre a été accompli; avec quelle ponctualité, un seul regard jeté dans l'intérieur de cette grange suffit pour l'attester.


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Message  Monique Mer 24 Avr 2024, 8:24 am

Tel est, raconté dans ses grandes lignes, le dernier acte d'un cruel mais glorieux martyre. Nous avons à le faire connaître dans son ensemble et dans ses principales circonstances. Il constitue l'un des épisodes les plus caractéristiques des convulsions religieuses dans lesquelles s'accomplit, au XVIe siècle, l'apostasie de plusieurs nations de l'Europe catholique. Au moment où les novateurs décrétaient l'Église romaine de déchéance et d'infidélité à ses traditions séculaires de sainteté et d'héroïsme, il est un témoignage éclatant de sa vitalité généreuse et surnaturelle dans tous les âges.

Avant d'aborder directement l'histoire de cet événement sanglant, le lecteur nous permettra — il y est intéressé — de le renseigner sur la méthode que nous avons suivie. Notre travail nous fut inspiré par un double amour. L'amour de notre patrie, terre généreuse malgré son protestantisme officiel. Elle méritait, nous semblait-il, d'avoir une petite place dans la belle collection « Les Saints » et elle n'en avait pas au moment où nous entreprenions notre travail. A ce premier motif venait s'ajouter l'amour des opprimés d'autres pays.

Quelques-uns d'entre eux, pensions-nous, trouveraient peut-être consolation et réconfort au récit d'un martyre qui fut douloureux mais très fécond dans ses résultats. Il nous semblait, du reste, que l'exemple de ces saints donnerait à plus d'une âme espoir et courage. On verrait dans leur histoire un commentaire vivant de cette parole d'un Père de l'Église : « Les élus n'étaient pas d'une condition différente de la nôtre ; ils ignoraient pas les infirmités de la nature, mais ils les surmontaient 1 » . Des martyrs que la mort faisait trembler et pleurer, qui pensaient à leur sœur, à leur mère, qui conjuraient leurs amis de les sauver, et leurs bourreaux de couper la corde, des martyrs dont quelques-uns avaient été de grands coupables, c'était bien là celte pauvre nature humaine telle que chacun la sent en soi. Et quand on les verrait, malgré ces cris de la nature, rester fidèles à leur Dieu et mourir pour leur foi, on comprendrait mieux que par une prédication ce dont l'homme est capable quand il sait appuyer sa faiblesse sur la grâce et sur la force même de Dieu.

Toutefois, dans la réalisation de notre tâche, nous n'avons eu garde d'oublier qu'on n'attendait de nous ni une histoire purement édifiante, moins encore un panégyrique ou une exhortation au martyre. C'est une œuvre d'histoire proprement dite que nous voulons offrir au public.



I. Discamus... illos non anturœ prsestantiom fuisse sed observantioris; nec vitia nescisse, sed emendasse. —
S. Ambrosins, de Seto Joseph, cap. I.




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Message  Monique Ven 26 Avr 2024, 7:36 am

Nous fûmes familiarisé, jeune encore, avec le récit des souffrances et de la mort de nos héros. Avant de les raconter à notre tour, nous avons étudié leur vie et leur martyre dans les meilleures sources dont on trouvera l'indication à la fin de l'ouvrage. Nous connaissons par nous-même les endroits qui furent les principaux théâtres de la vie, du ministère et de la mort de nos martyrs. Sur place, et dans la mesure où une enquête est possible à plus de trois siècles de distance, nous avons pu recueillir des renseignements intéressants. Nous aurions voulu retrouver sinon les ruines, du moins l'emplacement des édifices que les confesseurs de la foi sanctifièrent par leur séjour. Dans bien des cas nos efforts ont été couronnés de succès; mais après le bouleversement des institutions produit dans ces lieux par une domination protestante de plus de trois siècles, nous avons été déçu dans notre espoir la plupart du temps. Parfois, il est vrai, nous sommes arrivé à des traditions populaires, mais leur vague et l'absence de garanties positives ne nous ont pas toujours permis de conclure même à une probabilité historique.

Heureusement dans l'Église des Pays-Bas, la mémoire des martyrs a été conservée avec un religieux respect. Si les traditions populaires sont sujettes a caution, nous trouvons une large compensation dans les précieux documents que nous ont gardés les confrères des confesseurs de la foi. Nous avons pu les consulter aux archives des diocèses d'Utrecht et de Harlem dont dépendent respectivement Gorcum et Brielle. Nous avons pu également prendre connaissance des trésors que recèlent les bibliothèques de plusieurs monastères des ordres religieux auxquels appartenaient la plupart de nos martyrs. Et nous prions tous ceux qui, d'une façon ou de l'autre, nous ont facilité notre tache, de vouloir bien agréer le modeste hommage de notre vive reconnaissance.

Si l'historien doit dépouiller, avec un respect qui n'exclut pas une sage critique, le témoignage des amis, il est aussi de son devoir de se renseigner auprès de ceux qui assistèrent en indifférents, voire même en ennemis, aux événements dont il veut faire le récit. Pour mettre notre travail à l'abri du reproche de partialité, nous avons tenu a le contrôler sans cesse par le témoignage des historiens protestants. L'accomplissement de ce devoir nous réservait lui aussi des difficultés et des déceptions. Dans son introduction aux « Saints de la Néerlande dans les âges postérieurs » , le savant Père Kronenburg 1 nous avait averti que le douloureux drame qui se joua à Brielle était passé sous silence, ou bien mentionné à peine dans la plupart de nos histoires nationales. Il en est de même chez nos historiens de la Réforme dans les Pays-Bas qui auraient dû, en traitant un sujet plus spécial, réserver une plus grande place à un événement de cette importance. Nous avons pu nous convaincre que l'étonnement de l'hagiographe hollandais n'était que trop fondé en raison. Pour expliquer cette sobriété de détails, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire, ni même équitable, de supposer chez les auteurs protestants une sorte de conspiration du silence, organisée de parti pris et dans une intention facile à deviner.

Nous croyons être davantage dans le vrai en expliquant ces prétentions et ces atténuations par un penchant bien naturel à l'homme qui le porte à glisser légèrement sur les souvenirs qui ne sont pas à l'honneur de son parti. Ce penchant s'impose encore avec plus de tyrannie quand la honte du souvenir doit retomber sur des ancêtres dont on est, d'ailleurs, justement fier. Le lecteur, tant soit peu au courant de l'histoire de la Hollande, n'a qu'à se rappeler le précieux appoint que le concours des Gueux de mer appointa à Guillaume d'Orange, le Père de la Patrie, et il comprendra facilement l'embarras des écrivains quand ils sont obligés de stigmatiser, dans les meilleurs ouvriers de l'indépendance nationale, des bourreaux inhumains.


I. Kronenburg. Neerlands Heiligen in later Eeuwen, I. Amsterdam. Bekker, 1901, in-8e, p. VII.



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Message  Monique Sam 27 Avr 2024, 6:43 am

C'est donc par la force même des choses que nous devons chercher nos guides les plus sûrs parmi les écrivains catholiques. Il en est un parmi eux qui offre d'une manière insigne toutes les garanties qu'est en droit d'exiger la critique la plus sévère. Il s'appelle Guillaume Hessels van Est, mais il est mieux connu dans l'histoire des lettres sous son nom latinisé d'Estius. Qu'on nous permette de présenter en peu de mots l'homme et son œuvre.

Estius, contemporain de nos martyrs, occupait à Louvain une chaire de philosophie. En 1582, il passe à l'Université récemment fondée de Douai dont il sera un jour le chancelier et ou il enseigne pendant trente années la Sainte Écriture. Il y mourut à l'âge de 71 ans, le 20 septembre 1613. Dans un livre comme celui-ci nous ne pouvons que mentionner ses écrits sur Pierre Lombard et sur la Somme Théologique de saint Thomas d'Aquin, ainsi que ses commentaires sur les Épîtres de saint Paul. Ces ouvrages, le dernier surtout, sont maintenant encore très estimés et, au dire des meilleurs spécialistes, ils n'ont rien perdu de leur valeur malgré les accroissements successifs de la philosophie et de l'exégèse. Le mérite de ses travaux et l'éclat que jeta son enseignement justifient la place éminente qu'il occupe dans les annales des deux célèbres Universités des Flandres, et le titre de docteur très solide Doctor fundatissimus dont la qualifié Benoît XIV.

Mais comment ce commentateur des Écritures et des sommes théologiques pourra-t-il prétendre à la compétence toute spéciale qu'on attend de l'historien ? C'est ce que va nous montrer un complément d'informations biographiques.

Le brillant professeur de Louvain et de Douai était originaire de Gorcum même. Il y était né en 1542, trente années avant les événements que raconte son « Histoire des Martyrs ». Son père Guillaume Hessels van Est avait épousé Marie Pieck, la propre sœur de Nicolas Pieck, l'un des plus illustres d'entre les martyrs. De ce mariage naquirent quatre fils. L'aîné, appelé Guillaume comme son père, est notre historien. Le second, Roger, interviendra, lui aussi, dans notre récit. Les deux autres entreront plus tard dans l'état religieux. Arnold suivra son oncle maternel dans la famille de Saint-François; et Adrien, le plus jeune, prendra l'habit de Prémontré que deux fils de saint Norbert avaient illustré dans la nuit du 8 au 9 juillet 1572.


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Message  Monique Dim 28 Avr 2024, 8:10 am

C'est dans sa ville natale, que Guillaume Estius passa sa jeunesse. Il en connaissait parfaitement le clergé. La situation de sa famille, l'une des plus honorables de Gorcum, sa proche parenté avec le supérieur du couvent des Franciscains et son désir d'embrasser, lui aussi, l'état ecclésiastique rendaient aisées et fréquentes ses relations avec les prêtres et les religieux de la ville. Il les voyait régulièrement à l'époque où, étudiant au collège de Saint-Jérôme d'Utrecht et à Louvain, et plus tard jeune professeur à l'Université de celte ville, il revenait chaque année à Gorcum passer ses vacances dans sa famille.

Voilà l'homme que la Providence avait mis dans le voisinage immédiat de nos confesseurs de la foi. Il fut le témoin oculaire de leurs travaux et de leurs vertus et, à l'aide des précieuses ressources dont nous le verrons disposer pour se renseigner sur leurs souffrances et leur mort, il sera l'historien autorisé et bien informé de leur martyre.

Jetons maintenant un coup d'œil sur l'œuvre où il a consigné son témoignage. Comme elle forme la source principale de notre récit, celle qu'ont exploitée, aussi bien parmi les protestants que parmi les catholiques, tous ceux qui se sont occupés de nos héros, nous devons au lecteur de la lui faire connaître avec quelques détails précis.

L'ouvrage est écrit en latin ; son titre exact est : Historiœ Martjrrum Gorcomiensium, majori numéro Fratrum Minorum, qui pro fide catholica a perduellibus interfecti sunt anno Domini 1572, libri quatuor. L'histoire des Martyrs de Gorcum parut à Douai 1 en 1603, dix ans avant la mort de l'auteur et trente et un ans après les événements dont elle doit perpétuer le souvenir. Bien loin de nuire à l'autorité du témoignage comme on pourrait le craindre de prime abord, ce retard n'en fait que mieux ressortir la valeur. L'auteur, en effet, nous apprend dans sa préface que dans l'année même où moururent les confesseurs de la foi, il envoya à un ami de Cologne une relation de leurs souffrances et de leur mort.

A son insu, l'ami prit la liberté de publier ce rapport. Estius en eut du déplaisir. Voici comment il s'exprime à ce sujet : « Cet écrit indigeste et improvisé non seulement ne répondait pas à la dignité et à la grandeur des événements, mais il s'éloignait même un peu de l'exacte vérité, les actes des martyrs n'ayant encore pu être suffisamment étudiés. » Interrompons ici notre auteur. L'écrit dont il parle parut en effet en 1572, à Cologne, chez Henri d'Aqs 1 et il a été réédité en 1864 dans la Revue hollandaise de Katholiek (p. 167), par le professeur Smit, du séminaire de Warmond 2. Quand on compare minutieusement cet opuscule avec l'ouvrage paru trente et un ans plus tard, l'on constate que l'auteur est sévère pour son premier travail. Il a raison de dire que l'opuscule en question ne pouvait être le monument définitif que méritait la mémoire des martyrs. Il contient aussi quelques inexactitudes, qui s'expliquent par ce fait que l'historien n'a pas été témoin oculaire du martyre et qu'il n'avait pu, en si peu de temps, contrôler suffisamment les renseignements reçus de Brielle.. C'est ainsi, pour nous borner à un seul exemple, que parmi les quatre compagnons qui vinrent renforcer à Brielle 1 le nombre des captifs amenés de Gorcum, il signale deux Franciscains. En réalité c'étaient deux religieux Norbertins ou Prémontrés. Le petit nombre d'erreurs analogues qui lui ont échappé dans sa rédaction latine et qu'il est le premier à se reprocher fait ressortir de suite avec quel scrupule notre théologien de profession, en devenant historien d'occasion, comprend et accomplit ses nouveaux devoirs. Il nous inspire ainsi, au seuil même de son livre, une confiance qui ne fera que grandir à mesure que nous nous engagerons davantage à sa suite. Entendons-le maintenant nous dire comment il a rédigé son travail définitif. Après avoir exprimé ses regrets sur la publication intempestive du premier opuscule, il continue : a Mon bien-aimé frère Roger van Est de pieuse mémoire 1, poussé par le culte dont il honorait les martyrs, s'imposa la tache de découvrir partout les documents qui les concernaient et de les réunir 2. Il me livra ensuite ces matériaux que je devais offrir au public après les avoir ordonnés et mis en style.



1. Duaci. Ex officinâ baltasaris. Belleri, tipographi jurati. Anno 1603.
1. Son titre exact est : Novorum in Hollandiâ constantîssîmorum martyrum historia anno 1572 a Domino Gulielmo Estio Hessel'w Gorcomiano, S, Theolog, lic, descripta, ac amico Coloniam transmissa.
2. Grand séminaire du diocèse de Harlem.

1. Roger était mort dès le 8 juillet 1591 à Utrecht, assisté par son frère Guillaume.
2. Aux chapitres VII et VIII du IVe livre, Estius montre le zèle et la fidélité que son frère Roger apporta à la réalisation de son dessein.




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Message  Monique Lun 29 Avr 2024, 8:37 am

Bien que le travail fut considérable et nullement de ma compétence, je me laissai toucher par la même charité qui avait fait entreprendre à mon frère ses recherches et j'entrepris le travail. Une fois a l'œuvre je ne me contentai pas d'exécuter ce qu'on m'avait prié de faire. Je soumis à un nouvel examen et à un contrôle sévère les documents qui m'avaient été fournis. J'en retranchai les superfluités, j'omis les passages douteux, et j'ajoutai à leur place convenable dans la trame du récit beaucoup de données que dans l'intervalle je pus emprunter à des auteurs dignes de créance ou qui vinrent à ma connaissance par d'autres voies.

Le lecteur nous pardonnera cette citation un peu longue. Elle met dans tout son jour la méthode rigoureuse qu'a suivie notre écrivain et la sincérité scrupuleuse qu'il a apportée à la rédaction de son travail. Aussi jouit-il chez les protestants des Pays-Bas comme chez les catholiques d'une autorité incontestée. Les écrivains protestants ne sauraient comprendre les touchantes réflexions dont l'auteur parsème son récit, ni souscrire aux jugements qu'il porte sur la personne et les actes de ceux à qui la Hollande doit d'avoir changer de religion au XVIe siècle. Mais ils admettent sa véracité et son exactitude historique quand il raconte les faits. Longtemps ils lui ont reproché le chapitre sixième du livre IV de son Histoire, où il attribue à l'intervention des martyrs de Gorcum le courage dont aurait fait preuve le Franc-Comtois Balthasar Gérard en assassinant le Prince d'Orange (10 juillet 1584) et sa patience à endurer les cruelles tortures qui accompagnèrent son supplice. Cette appréciation nous contriste et nous déconcerte nous aussi. Mais l'équité nous défend d'en tenir rigueur a celui qui la formula. Un acte, quelque regrettable qu'il soit, doit être examiné diaprés la justice du temps où il fut commis. Et qui ne sait qu'en 1584 le Prince d'Orange, loin d'être pour tous ce qu'il est pour nous, le Père de la Patrie, n'était aux yeux de beaucoup d'hommes qu'un sujet rebelle dont la tête avait été mise à prix par son souverain Philippe II.

A quelques exceptions près, les Protestants ne se sont jamais autorisés de l'admiration que professe Estius pour ses coreligionnaires et ses concitoyens ni de sa proche parenté avec l'un des plus célèbres d'entre les martyrs pour mettre en doute son impartialité d'historien. Du reste, nous en convenons très volontiers, les calvinistes et les libres penseurs les plus décidés sont unanimes à flétrir certains actes coupables qui ont accompagné l'établissement de la Réforme dans les Pays-Bas.

Voici comment s'exprime l'un d'eux au sujet du supplice de nos martyrs 1. « Pour nous, comme fils de la Réforme et comme enfants de la Hollande, nous déplorons un événement qui tout comme le bûcher de Servet nous affecte d'autant plus péniblement qu'il est en contradiction flagrante avec nos principes. Aussi, comme Protestants, nous portons sur les martyrs de Gorcum un deuil profond et sincère. » Nous croyons qu'ils sont rares les Protestants, si toutefois il y en a encore, qui ne voudraient pas souscrire à ce jugement porté par un écrivain habituellement peu bienveillant pour nos martyrs. Entre les Protestants et les Catholiques les divisions subsistent nombreuses et profondes, mais la haine tout comme la douleur s'use au contact du temps. Les dix- neuf Gorcomiens sont au moins d'innocentes victimes d'un sectarisme barbare aux yeux de ceux-là même qui ne peuvent, en raison de leurs préjugés religieux, leur donner les litres de confesseurs de la foi et de martyrs.

C'est le glorieux témoignage rendu par ces martyrs à l'Église Catholique Romaine que nous allons consigner dans ce livre. Pour nous, comme pour tous ceux qui nous ont devancé dans la même tâche, l'ouvrage de Guillaume van Est sera la principale source de notre récit. Nous avons bénéficié des renseignements complémentaires dus aux patientes recherches des historiens venus après lui : parmi ces derniers Laforêt de Louvain, Smit de Warmond, Kronenburg de Ruremonde ont particulièrement droit à notre reconnaissance. Nous avons contrôlé leurs affirmations en les rapprochant du résultat de nos propres études faites sur les lieux où se passèrent les événements, et en les comparant sans cesse avec les sources indépendantes, catholiques ou non, que nous avons pu consulter.

Mais avant de retracer à notre tour ce glorieux épisode des annales de l'Église des Pays-Bas, nous voudrions esquisser dans les grandes lignes l'histoire du pays ou vécurent nos héros et ou ils moururent. Ce sera peut-être un hors-d'œuvre pour nos compatriotes ; mais peut-être aussi plus d'un lecteur étranger moins familiarisé avec le passé politique et religieux de notre patrie nous saura gré d'avoir replacé les faits dans leur cadre historique.


1. Cohen Stuart « De Gorcumsche Martelaren » (no. 9 van Voor drie honderd jaren) Wageningen. Bronsveld, 1872, p. 149.



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Message  Monique Mar 30 Avr 2024, 5:24 am

CHAPITRE II

LA PATRIE


Les Pays-Bas, d'après la description pittoresque de Taine, sont a une plaine détrempée. Trois grands fleuves: la Meuse, le Rhin l'Escaut et plusieurs petits, l'ont formée de leurs atterrissements. Ajoutez les affluents, les étangs, les marais nombreux ; la contrée est un déversoir de grandes eaux qui, en y arrivant, deviennent lentes ou demeurent stagnantes faute de pente. Creusez un trou, n'importe en quel endroit, il vient de l'eau.... Une ceinture d'îles.... marque sur toute la côte cet engorgement des eaux fluviales et cet assaut des eaux marines, Walcheren, Beveland du Nord et Beveland du Sud, Tholen, Schouwen, Voorne, Beyerland, Texel, Vlieland, d'autres encore. Parfois l'Océan entre et fait des mers intérieures, celle de Harlem, ou des golfes profonds, celui du Zuyderzee. Si la Belgique est une alluvion étalée par les fleuves, la Hollande n'est qu'un tas de boue au milieu des eaux 1.

Cette image est excessive. Elle l'eût été moins un peu avant l'ère chrétienne, lorsque des tribus celtiques habitaient çà et là sur des tertres au-dessus des marais. Elles furent délogées ou absorbées, vers l'an 100 avant Jésus-Christ, par les Germains dont quelques peuplades s'établirent à leur place. Les principales étaient les Bataves et les Frisons. Leurs croyances religieuses se rattachaient à l'idolâtrie germanique dont l'Edda nous a conservé les vestiges. Au fond de leurs forêts elles sacrifiaient à Wodan et à Thor. Leur ciel était le Walhalla où ils espéraient, après leur mort, boire de la bière dans les crânes de leurs ennemis.

La situation du pays à l'embouchure des trois grands fleuves du Nord devait exciter la convoitise des Romains. Ils crurent plus habile de conclure avec les habitants une alliance pacifique que de leur imposer par les armes une soumission incertaine. Le projet conçu par César fut réalisé par Drusus l'an 12 avant Jésus-Christ. Les bouches du Rhin deviennent bientôt le quartier d'hiver des légions du Nord. Le canal de Drusus, la petite ville de Voorburg (Forum Hadriani) près Leyde, les villes de Nimègue, d'Utrecht, de Tiel, de Wyk-by-Duurstede et quelques autres doivent leur origine aux travaux stratégiques des Romains. Ceux-ci changent insensiblement l'alliance pacifique en une domination proprement dite. Ces fières peuplades ne l'acceptent qu'avec répugnance. Le succès d'Arminius contre les légions de Varus met à une forte épreuve leur fidélité. A Germanicus, qui vient venger son prédécesseur et relever le prestige des aigles romaines, elles ne peuvent refuser le concours de leurs guerriers. Mais elles jouissent en secret du demi-succès de la revanche.


1. Taine, Philosophie de l'art, 3e partie. Hachette, 1881, p. 278.



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Message  Monique Dim 05 Mai 2024, 8:34 am

Les Frisons essaient les premiers de se soulever. Ils sont vaincus. Les Bataves imitent leurs voisins du Nord. Quoique commandés par un chef de valeur, Claudius Civilis, eux non plus ne réussissent à secouer le joug, et la domination romaine se maintient tant bien que mal jusqu'au début du cinquième siècle où les dernières légions quittent définitivement les bords du Rhin pour aller défendre l'ltalie contre l'invasion des Goths.

L'indépendance reconquise n'est pas de longue durée. A l'Est, les Saxons; au Sud, les Francs de Mérovée font des incursions de plus en plus fréquentes. Le pays entier qu'occupaient les Bataves est absorbé. Seule la Frise conservera son indépendance jusqu'au moment où la puissante main de Charlemagne l'incorporera, elle aussi, à son empire (785).

Parmi les légionnaires romains qui avaient campé dans le pays il dut se trouver quelques chrétiens dès le commencement de la nouvelle ère. De petits objets trouvés dans le sol sur l'emplacement des anciens camps et sur lesquels on a reconnu des symboles chrétiens permettent de le supposer avec vraisemblance. Mais il est probable que les Bataves primitifs n'entendirent jamais une prédication proprement dite de la foi chrétienne.

On distingue dans l'évangélisation des Pays-Bas deux courants : les missions franques et les missions anglo-saxonnes. Les premières ont pour théâtre la partie méridionale du pays. Vers l'an 877 , saint Servais, évêque de Tongres, transporte son siège à Maestricht. Il y meurt en 384, et il est considéré à bon droit comme le premier apôtre de cette région. Parmi ses successeurs ou ses émules, nous ne ferons que nommer saint Amand, l'apôtre des Flandres ; saint Remacle, le fondateur de la célèbre abbaye de Staveloo, et les deux évêques qui maintenant encore sont populaires dans la contrée, saint Lambert, l'apôtre du Limbourg et du Brabant, et saint Hubert, l'apôtre des Ardennes. Lambert est tué dans un lieu ou va bientôt s'élever la ville de Liège. Hubert, son disciple et son successeur, transporte à Liège, qui le regarde comme son fondateur, le siège de Maestricht et de Tongres. Quand il meurt en 727, tout le pays peut être considéré comme converti.

Il n'en est pas de même dans le Nord et dans l'Ouest où les Frisons, régis par les ducs de leur race, sont restés indépendants et païens. Il est possible que quelques missionnaires — tel saint Eloi de Noyon — aient eu en passant quelque contact avec les habitants. Mais ceux-ci se défiaient des prédicateurs du Sud comme d'avant-coureurs des guerriers francs. En 631, le roi Dagobert s'empare d'Utrecht et y bâtit une chapelle dédiée à saint Thomas. Les Frisons n'attendent qu'un moment favorable. Ils reprennent leur capitale et renversent le premier sanctuaire qui ait été construit dans ces régions. Ce n'est que vers l'an 678, trois siècles après leurs frères du Sud, qu'ils commencent eux aussi à accepter la prédication de l'Evangile. La bonne nouvelle leur vient des Iles britanniques. Les Anglo-Saxons déjà convertis au catholicisme ne pouvaient oublier leurs frères établis de l'autre côté de la mer du Nord, d'où venaient leurs propres ancêtres. Une évêque, saint Wilfrid d'York, deux moines, Egbert et Wigbert, essaient, mais sans grand résultat, de lancer cette œuvre d'apostolat. Un meilleur succès était réservé à leur compatriote, le moine bénédictin Willibrord.


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Message  Monique Hier à 8:22 am

Né en 657 dans le Nortbumberland, formé au célèbre monastère de Ripon, Willibrord va achever sa préparation en Irlande, cette terre classique de la vie religieuse et de l'apostolat. Ordonné prêtre à trente ans, il ne tarde pas à s'embarquer avec onze compagnons (690). Il touche terre à un endroit de la côte entre les villes actuelles de La Haye et de Katwijk. Nous ne pouvons indiquer avec précision la marche que suivit l'évangélisation. Willibrord se rendit-il directement à Utrecht ?0u bien commençat-il ses travaux dans le pays récemment conquis par Pépin d'Héristalet situé en deçà du Rhin? L'histoire ne nous offrant que des affirmations peu nettes et parfois contradictoires, notre devoir est de ne pas nous prononcer. Elle nous apprend avec plus de certitude que, dès le début de son apostolat, Willibrord fit deux fois le voyage de Rome. L'époque du premier voyage nous est inconnue.

Dans le second, qui eut lieu en 695, le Pape Sergius I lui donna la consécration épiscopale (22 novembre) et érigea, pour le lui confier, le siège d'Utrecht. L'antique capitale des Frisons avait été conquise, trois ans auparavant, par Pépin. Elle était désormais un centre tout indiqué d'où l'évangélisation pouvait gagner peu à peu les régions non encore soumises de l'Ouest et du Nord.

Dès ce moment, entre les rives duRhinet celles de l'Elbe, l'œuvre de Dieu offre le même spectacle que celui dont furent successivement témoins les divers peuples du monde chrétien. Le saint évêque prêche et baptise. Il établit partout des églises chrétiennes dont ses compagnons et ses disciples deviennent les pasteurs. D'après Alcuin il alla jusqu'en Danemark. C'est au retour de ce voyage qu'il aurait visité plusieurs îles du littoral, Helgoland, Walcheren, Schouwen et celle de Voorne1 dont Urielle sera plus tard la ville principale. Nous aimerions voir l'apôtre de la Hollande sanctifier par sa présence l'endroit même où huit siècles plus tard une troupe de dix-neuf martyrs paieront de leur vie un inébranlable attachement à cette foi des ancêtres. Mais la vérité nous oblige a dire qu'autour de la personne de Willibrord se sont créées bien des légendes. Nous n'osons donner comme certain le passage du saint dans l'ile rendue illustre par la mort des martyrs de Gorcum.


1. Cf. Plokker, Geschied-en aardrijkskundige beschrijving, van ket eiland Voorne en Putten. Zwijndrecht, i851, p. 42.



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Message  Monique Aujourd'hui à 8:28 am

Nous savons, avec plus de certitude, qu'en 714, Pépin d'Héristal et sa femme lui font don de l'abbaye et de l'église de Susteren, où le saint aime à se retirer et où ses deux successeurs immédiats sur le siège d'Utrecht, Grégoire et Albéric, veulent être enterrés. Mais la fondation privilégiée de Willibrord est Echtemach dans le Luxembourg. C'est là qu'il se retire quand, à la mort de Pépin (714)j le duc Radbod l'exile de son territoire. A la mort du duc (720) il revient au milieu de son troupeau. Il continue pendant dix-neuf années encore à affermir ses conquêtes et à en faire de nouvelles jusqu'à ce qu'enfin, après un apostolat de près de cinquante ans, il meurt dans son couvent d'Ecfaternach, le 7 novembre 789.

Dans le culte de reconnaissance que la Hollande a voué à son apôtre, elle lui adjoint toujours un autre illustre Anglo-Saxon, Winfried ou Boniface. En venant d'Angleterre (716) il avait abordé tout d'abord sur la côte de la Frise ; mais il dut se retirer devant l'hostilité de Radbod. A la mort du duc, il revint et collabora pendant trois ans avec saint Willibrord. Après avoir fondé l'Église d'Allemagne, il revint une troisième fois et couronna sa longue carrière apostolique par le martyre (755) sur la terre même qui avait eu les prémices de son apostolat.

Charlemagne, nous l'avons déjà dit, soumet définitivement la Frise et donne un dernier élan à l'évangélisation du pays. Aussi à la fin du VIIIe siècle les habitants des Pays-Bas sont définitivement convertis au christianisme. Cependant la jeune Église devait encore souffrir longtemps des invasions des Normands et des Danois. Pendant près de cent ans ils furent le fléau du pays. Et nulle part, ils ne se conduisirent avec plus de barbarie que dans les Pays-Bas dont les habitants, d'origine germaine comme eux, et soumis autrefois aux mêmes divinités, n'étaient à leurs yeux que des traîtres et des renégats. Leur fureur s'exerça surtout dans les églises et les nombreux monastères. Ils pénétrèrent jusqu'à Groningue où ils détruisirent l'église de Saint-Martin bâtie par saint Ludger. En 867, ils chassèrent de son siège d'Utrecht l'évêque Hunger, et quand, vingt ans plus tard, son successeur Odebald revint il ne trouva plus que des ruines. Ce n'est qu'en 891 que leurs hordes furent définitivement écrasées à Louvain par les troupes de l'empereur Arnold.


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