Sainte Anne et les Saints Innocents.

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Message  Roger Boivin Lun 02 Jan 2023, 7:27 pm



CHAPITRE XXI

Sainte Anne et les Saints Innocents.



BIENVEILLANTS lecteurs, permettez-nous de revenir un peu sur nos pas et de nous reporter à l'époque du massacre des Innocents. Sainte Anne, ne sachant ce qu'étaient devenus Joseph, Marie et Jésus, s'ennuyait à mourir et ne faisait que soupirer après leur retour. Souvent elle se tenait sur la porte de sa demeure et plongeait un regard attentif dans le lointain pour interroger l'horizon. Comme ils tardaient trop à ses ardents désirs et qu'elle se sentait défaillir de mélancolie, elle s'en alla à Jérusalem, croyant les retrouver là.

Hélas ! elle n'apprit aucune nouvelle consolante, car personne ne les avait vus. Alors elle s'écria : " Malheur à moi, mère désolée ! Quel précieux trésor j'ai perdu ! Ah ! si la terre s'entr'ouvrait et m'engloutissait, car j'ai peut-être mérité ce châtiment ! " Dans cette profonde tristesse, elle prit le parti de retourner de nouveau à Bethléem, afin de revoir encore une fois l'étable si riche en souvenirs et la pauvre crèche où Jésus avait reposé.

Lorsque sainte Anne arriva tout affligée aux environs de cette ville, elle entendit les lamentations déchirantes des petits enfants innocents et de leurs mères. Les cris que poussaient ces malheureuses brebis dont on égorgeait les agneaux étaient épouvantables. Le cruel Hérode, en effet, avait fait massacrer les enfants de deux ans et au-dessous. Plus sainte Anne s'approchait de la ville, plus les cris et les gémissements devenaient stridents. Mais elle faillit tomber sans connaissance, quand de ses deux yeux elle vit un si grand nombre de petits enfants transpercés par un glaive meurtrier ; ils avaient été cruellement massacrés et leur sang rougissait les pavés et les rues. Elle vit des enfants tués dans les bras de leur mère ; elle vit des parents, s'arrachant la chevelure, suivre les bourreaux en pleurant et offrir inutilement pour le rachat de leurs enfants tout ce qu'ils possédaient d'or, d'argent, de bijoux, d'objets précieux. Ici elle vit des enfants se crispant aux mains de leur mère ; là elle vit des bourreaux perçant d'un même coup d'épée et l'enfant et la mère. Aussi la consternation était-elle à son comble.

A la vue d'une si lamentable boucherie, sainte Anne pleurait amèrement, disant : " Dieu éternel ! Voilà le triste commencement des contradictions prédites par Siméon. J'éprouve à présent la plus grande douleur de toute ma vie. Dieu de miséricorde ! Abaissez votre regard du haut de votre trône céleste ; consolez ces parents désolés qui voient leurs enfants inanimés, meurtris, mutilés, nageant dans leur sang, et ne savent même pas pour quelle raison. Pouvait-on comprendre que ceux qui ne peuvent point encore parler, ou qui dorment dans leur berceau, puissent être un danger si grave pour un roi puissant ? Je vous en prie, Seigneur très clément, ne vengez point la mort cruelle de ces petits innocents, comme le méritent leurs bourreaux, car tous les tourments du monde entier ne suffiraient point pour châtier un crime aussi énorme ; c'est pourquoi, je vous en supplie, Seigneur, épargnez-les dans votre longanimité ; ils ne savent point ce qu'ils ont fait."

Elle demandait miséricorde, car elle craignait et avec raison que les saints Innocents et leurs mères ne se levassent un jour contre leurs persécuteurs, selon ce qui est écrit au livre de la Sagesse : " Alors les Justes se lèveront avec une grande hardiesse contre ceux qui les auront accablés d'afflictions Les méchants à cette vue seront saisis de trouble et d'une horrible frayeur en voyant que les justes sont sauvés. Ils diront en eux-mêmes, étant touchés de regret et jetant des soupirs dans le serrement de leurs cœurs : Ce sont là ceux qui furent autrefois l'objet de nos railleries. Insensés que nous étions ! Les voilà élevés au rang des enfants de Dieu et leur partage est d'être avec les saints ! Nous nous sommes donc égarés, en quittant la voie de la vérité. La lumière de la justice n'a point lui pour nous et le soleil de l'intelligence ne s'est point levé sur nos têtes.

" Nous nous sommes lassés dans le chemin de l'iniquité et de la perdition A quoi nous a servi notre orgueil ? Toutes ces choses sont passées comme l'ombre ; comme un courrier ; comme un vaisseau qui n'imprime sur les flots aucune trace de son passage ; comme un oiseau qui vole au travers de l'air sans laisser une seule trace ; comme une flèche qui va droit à son but, sans marquer le chemin qu'elle a suivi. Nous autres, non plus, nous n'avons laissé aucun vestige de nos vertus et nous avons été consumés par notre propre malice." (Sag. 1-14.)

Le massacre des Innocents émut donc à l'excès le cœur si tendre de la Bonne sainte Anne. Mais sa foi, qui vit en eux les prémices des martyrs ; qui les vit à la tête de ces âmes vierges suivant l'Agneau dans la céleste Sion, et chantant un cantique ineffable ; sa foi, dis-je, en éprouva une résignation d'autant plus vive que cet événement avait été figuré dix-sept siècles auparavant. En effet, Rachel mourut sur le chemin de Bethléem en donnant la vie à son dernier fils, comme on l'a déjà dit plus haut. Etant près d'expier, elle l'appela Benoni ou fils de ma douleur, mais Jacob, jugeant le malheur à un autre point de vue, l'appela Benjamin, ou fils de ma droite. Il en est de même des saints Innocents. Leurs mères sont inconsolables de les perdre, et elles les appellent, en plus d'un sens, enfants de ma douleur, mais Abraham qui les reçoit dans son sein, avec Isaac et Jacob, ainsi que les autres Patriarches, les appelle enfants de ma droite, enfants de ma gloire. (1)

Quant à nous, après avoir pleuré avec les mères, réjouissons-nous avec les enfants. Suivons de nos cris de joie cette bienheureuse troupe jusque dans le sein d'Abraham. Allons la bénir, la glorifier, la célébrer jusque dans le ciel ; admirons avec toute l'Église ces premières fleurs, et écoutons la voix innocente de ces bienheureuses prémices des martyrs. Pendant que nous les voyons comme se jouant avec leurs palmes et leurs couronnes, joignons-nous à cette troupe innocente par notre simplicité et l'innocence de notre vie, et soyons sans malice, de vrais enfants, pour honorer la sainte enfance de Jésus-Christ.

Quand sainte Anne vit que les serviteurs de l'impie Hérode avaient exécuté ses ordres cruels, et que les mères elles-mêmes quittaient Bethléem par désespoir, elle fut touchée de miséricorde. On vit la Bonne Sainte Anne recueillir les enfants abandonnés, les purifier de son mieux, soigner les plaies de ceux qui respiraient encore, et transporter les morts avec grand respect au lieu de leur sépulture.

Les mauvais jours étant passés, le peuple qui s'était enfui de la ville y retourna. Témoins de la charité que sainte Anne avait déployée envers leurs enfants, les habitants de Bethléem se disaient : '' Nous savons quels grands bienfaits cette femme nous a procurés en ces lugubres circonstances, et nous n'ignorons pas d'ailleurs que toute sa vie elle la passe à rendre la santé aux malades, aux aveugles, aux boiteux et paralytiques. Rappelons-nous, à notre grande confusion, que sa fille Marie a dû se loger la nuit dans une étable abandonnée, sans que personne de nous vînt à son secours." — "0 miséricordieuse matrone, disaient-ils encore à sainte Anne, vous êtes étrangère à tout sentiment de rancune ou de vengeance ; vraiment vous n'avez pas votre pareille parmi les filles d'Israël. Comment pourrons-nous convenablement vous récompenser pour tous les biens dont vous nous avez comblés ? Nous savons que cela n'est point en notre pouvoir ! Le ciel avec ses joies infinies et éternelles peut seul payer dignement vos inestimables services ! "

Examinons ici notre cœur. La rancune et la vengeance n'y sont-elles pas logées dans quelque coin ? Ce sont-là deux infâmes vipères qui sont filles de l'orgueil. Il faut de suite leur écraser la tête. La noblesse de caractère passe l'éponge sur les injures et rend le bien pour le mal. La dureté de cœur n'est-elle pas chez nous un défaut habituel ? A l'exemple de sainte Anne, montrons-nous compatissants à l'égard de tous ceux qui sont abreuvés de peines. La charité envers le prochain est la sœur de l'amour de Dieu.

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(1) Jérémie parlant des Hébreux emmenés captifs à Ninive, et plus tard saint Mathieu parlant des saints Innocents, ont en quelque soi te ranimé les restes mortels de Rachel. dont ils disent : " Rachel pleure ses fils et ne veut pas de consolation parce que ses fils n'existent plus."

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LA VIE ET LES GLOIRES DE SAINTE ANNE - Tirées d'Auteurs anciens et modernes - Par un Père Rédemptoriste - 1922 :

https://archive.org/details/lavieetlesgloire00sima/page/182/mode/2up?view=theater

Roger Boivin
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