L'illumination finale.

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Message  Louis Mar 11 Oct 2016, 6:18 am

L’ILLUMINATION FINALE

et Dom Gaston Démaret

(suite)

Voici, en effet, les paroles du futur Innocent III; en regard du passage où nous estimons que dom Démaret n'a pas donné le sens du texte latin, nous reproduirons le texte latin lui-même.

« Tout homme, soit bon, soit mauvais, voit, avant que son âme quitte son corps, le Seigneur attaché à la Croix.

Le méchant le voit pour sa confusion et pour sa honte, afin qu'il rougisse de ne pas profiter, en raison de ses péchés, du sang rédempteur.— Malus videt sibi ad confusionem, ut erubescat se non esse redemptum  sanguine Christi, sua culpa exigente.
 
« Aussi est-il dit des méchants dans l'Evangile : Ils verront celui qu'ils ont transpercé; parole qui doit s'entendre de l'avènement du Christ au jugement dernier et de son avènement privé à la mort de chaque homme. — Le bon le voit, pour sa consolation et sa joie, ce que nous devons conclure des paroles de l'Apôtre qui a dit : Il nous affermira jusqu'à la fin, pour que nous soyons irréprochables à l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c'est-à-dire au jour de notre mort, quand le Christ en croix se montre aux bons comme aux méchants. Notre-Seigneur a dit lui-même de S. Jean l'Evangéliste : Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, c'est-à-dire jusqu'au moment de sa mort.

« On compte ainsi quatre avènements du Seigneur : deux visibles et deux invisibles. — Le premier avènement visible a eu lieu dans la chair, quand il est né de la bienheureuse Vierge; le second avènement visible s'accomplira quand il viendra juger les bons et les mauvais, plaçant les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. — Le premier avènement invisible se réalise dans l'âme du juste par la grâce. Aussi, le Christ dit-il de l'homme juste : Nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure. L'âme du juste est donc le trône et la demeure de Dieu... qui y réside par la grâce. Enfin, le second avènement invisible s'effectue à la mort de chaque fidèle. Aussi, S. Jean dit-il dans l'Apocalypse : Venez, Seigneur Jésus, c'est-à-dire à l'heure de ma mort 1. »

La traduction exacte du passage concernant les méchants devrait être, il nous semble : « Le méchant voit le Christ pour sa confusion, afin qu'il rougisse de n'être pas racheté dans le sang du Sauveur, ses fautes exigeant qu'il en soit ainsi. » II n'y a pas trace, dans la pensée du cardinal Segni, d'un choix, d'une option laissée à ce moment à l'âme pécheresse : il ne s'agit que de la simple constatation de son malheur irréparable. Et cette traduction littérale, contraire à l'exégèse de dom Démaret, s'impose avec plus de rigueur encore lorsqu'on se reporte au chapitre précédent, 42, De doloribus quos mali patiuntur in morte : « Tertius dolor est, quando anima jam incipit tam juste dijudicare et sibi pro suis iniquitatibus singulis OMNIA ET DEBITA GEHENNÆ TORMENTA VIDET IMMINERE. »

Au fond, la doctrine du « second avènement invisible» est la doctrine du jugement particulier, avec l'opinion si fréquemment reçue au moyen âge de la vision (corporelle ou intellectuelle, peu importe) de Jésus-Christ crucifié, juge de l'âme. Le seul point qui fasse difficulté est qu'Innocent III place la vision du juge immédiatement avant la séparation de l'âme d'avec le corps. Quoi qu'il en soit de cette difficulté, une vérité demeure acquise, qui ressort de l'étude même des textes d'Innocent : c'est que cet auteur, même comme docteur privé et avant son pontificat, n'a jamais enseigné l'opinion que lui prête dom Démaret.

Et voilà que s'écroule le fondement le plus sérieux de la brochure.

Mais l'auteur fait appel à d'autres récits, en confirmation de sa thèse…
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(1) De Contemptu mundi, lib. II, c. 43; P. L., t. 217, col. 736.

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Message  Louis Mer 12 Oct 2016, 6:27 am


L’ILLUMINATION FINALE

et Dom Gaston Démaret

(suite)

Mais l'auteur fait appel à d'autres récits, en confirmation de sa thèse :

C'est la tante maternelle de S. Grégoire le Grand, Tharsilla, qui voit alors venir à elle Jésus-Christ et qui dit aux assistants : « Retirez-vous, retirez-vous. Voici venir Jésus. »

Or, S. Grégoire le Grand, dans les Dialogues (l. iv, c. 16 ; P. L., t. 77, col. 348) d'où sont extraites ces paroles, s'exprime ainsi : « NONNUNQUAM vero in consolatione egredientis animæ ipse apparere solet ac retributor vitæ. » Il ne s'agit donc 1° que d'une consolation pour les âmes justes, 2° que d'une consolation tout à fait exceptionnellement accordée. Nous sommes donc, ici encore, en dehors du sujet qu'on se propose de démontrer.

Poursuivons :


« Un saint moine de Cluny, aumônier des religieuses de Marcigny, Turquille, était à toute extrémité. On n'attendait plus que son dernier soupir. « J'ai vu le Seigneur et sa douce compagnie, » dit-il alors à un autre moine; et il expira. Un autre moine de Cluny, le cardinal Matthieu, raconta une semblable vision, quelques instants avant de mourir : « Cette nuit, dit-il, j'ai été au nombre des morts. Je me suis trouvé devant mon Seigneur Jésus-Christ; j'ai vu sa bienheureuse mère Marie. Il m'a accordé une place à ses pieds. C'est là que je reposerai. »

Tout d'abord, il ne s'agit ici que d'âmes saintes, favorisées d'une vision consolante; mais, de plus, il faut encore remarquer avec l'auteur de ces récits, Pierre le Vénérable (De miraculis, l. I, c. 21 ; l. II, c. 22 ; P. L., t. 189, col. 888,  932), que ces apparitions ou visions doivent être considérées comme des miracles, donc, toujours comme des faveurs exceptionnelles, où l'on ne saurait voir l'expression d'une loi régulière de la divine Providence. Donc, double erreur de la part de dom Démaret : dans aucun de ces récits, il ne s'agit ni des méchants, ni d'une intervention normale de Dieu. Et puis, que valent ces récits ?

Enfin, dom Démaret invoque l'autorité de sainte Gertrude : …

(Note de Louis : NONNUNQUAM, selon google, se traduit par PARFOIS.)

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Message  Louis Jeu 13 Oct 2016, 7:06 am


L’ILLUMINATION FINALE

et Dom Gaston Démaret

(suite)

Enfin, dom Démaret invoque l'autorité de sainte Gertrude :

« D'autre part, sainte Gertrude apporte à la doctrine d'Innocent III que je voudrais établir, tout le poids et toute l'autorité d'une parole qu'elle recueillit un jour de la bouche même du Seigneur, répondant à une inquiétude qui la tourmentait. Elle avait entendu dans un sermon un prédicateur affirmer que « pas un homme ne sera sauvé sans l'amour de Dieu, ou tout au moins cet amour devra être suffisant pour l'amener au repentir et à la fuite du péché. » La sainte se prit à réfléchir que beaucoup partaient de ce monde avec un repentir excité par la crainte de l'enfer plutôt que par l'amour de Dieu. Le Seigneur la rassura, lui disant : « Quand je vois à l'agonie ceux qui ont quelquefois pensé à moi avec plaisir durant leur vie, ou bien ont accompli quelques œuvres méritoires, je me montre à eux, au moment même de la mort, si aimable, si tendre, si bon, qu'ils se repentent du plus intime de leur cœur de m'avoir parfois offensé; et c'est ce repentir qui les sauve alors. Aussi, je voudrais que, pour ce bienfait, mes élus me glorifiassent et me rendissent de spéciales actions de grâces 1.

Nous nous étonnons qu'un théologien sérieux ait pu baser sur les révélations de sainte Gertrude un argument qui a « tout le poids et toute l'autorité d'une parole qu'elle recueillit de la bouche du Sauveur. » Aussi bien que nous, dom Démaret sait qu'en approuvant les révélations d'une sainte, l'Eglise n'exige pas qu'on leur accorde un assentiment de foi catholique, mais seulement un assentiment de foi humaine, juxta regulas prudentiæ, juxta quas prædictæ revelationes sunt probabiles et pie credibiles, dit Benoît XIV 2. Or, les révélations de sainte Gertrude n'ont pas même été approuvées par l'Eglise. Dans le Bréviaire, la 5e leçon de l'office dit simplement que dono revelationum clara extitit. Ses affirmations ne s'imposent donc pas toutes à notre croyance : telle donnée pseudo-historique, par exemple, l. IV, c. 45, a pu provenir de la Légende dorée. Puis, comment raconter en langage humain les choses divines ? Quand donc on veut examiner le fond des choses, il faut discuter de près les textes. Corneille de la Pierre (In Cant., viii, 6) cite sainte Gertrude, mais parce et cum grano salis ubi res exigit; il note que ses révélations contiennent beaucoup de récits symboliques, qu'il faut interpréter symboliquement, multa contineant symbolica ideoque symbolice interpretanda.


Ne sommes-nous pas ici en face d'un de ces récits symboliques dont sont émaillées les visions de la sainte ? Cette manifestation de Jésus accordée quelquefois aux pécheurs, n'est-elle pas un symbole de la grâce efficace qui leur serait quelquefois accordée au dernier moment ? En tous cas, quel que soit le sens à donner aux paroles de sainte Gertrude, il n'est pas possible d'y trouver un argument qui « a tout le poids et toute l'autorité d'une parole recueillie de la bouche du Sauveur. » Il y a là une exagération manifeste, d'autant plus regrettable que la piété des simples fidèles, auxquels est destinée la petite brochure de propagande, ne la saura pas discerner.

D'ailleurs, si l'on voulait chercher dans les révélations privées, on ne serait pas en peine de trouver la contrepartie de l'affirmation de sainte Gertrude. Un de nos abonnés ne nous questionnait-il pas naguère sur le cas à faire des révélations d'Anna-Maria Taïgi, voyant les pécheurs « tomber en enfer, aussi pressés que les flocons de neige en hiver ? » (Ami du 12 avril 1923, p. 229).


L'illumination finale.  - Page 2 Page_410


Il est regrettable, à plus d'un point de vue, qu'une brochure de propagande en faveur de la si sainte et si louable dévotion aux âmes du purgatoire, soit rédigée sous la forme et avec les motifs qu'a cru devoir adopter dom Démaret. Pour reprendre l'expression rapportée plus haut, c'est là une « théologie d'almanach, » indigne de venir au secours de la vraie piété.

J'ajouterai que c'est là une théologie dangereuse pour les mœurs catholiques. S'il était, en effet, établi que chaque mécréant reçoit, à l'heure de la mort, la visite du bon Sauveur le mettant péremptoirement en demeure de choisir, alors qu'il en est temps encore, entre le ciel et l'enfer, ce serait la porte fatalement ouverte au dérèglement des mœurs et à l'abandon des devoirs chrétiens. N'aurait-on pas toujours et certainement la possibilité de se repentir? Et comment expliquera-t-on, dans l'hypothèse de dom Démaret, les paroles si sages et si graves à la fois de N.-S. Jésus-Christ : Vigilate itaque, quia nescitis diem, neque horam (Mt., xxv, 13); paroles dont S. Paul nous a donné le commentaire : Ipsi enim diligenter scitis quia dies Domini sicut fur in nocte... (I Thess., v, 2). Sans doute, il s'agit ici du dernier avènement du Christ; mais le jour du Seigneur n'est-il pas, pour chacun de nous, comme l'enseigne Innocent III, le jour de notre mort ?


_____________________________________________________

(1) Legatus divinæ pietatis, l. III, c. 30, édition Paquelin (des Bénédictins de Solesmes), Poitiers, 1877, p. 186-187.
(2) cf. De Servorum Dei beatificatione et beatificatorum canonizatione, l. III, c. 52, n. 13.

FIN.

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Message  Louis Mer 19 Oct 2016, 8:09 am

Ami du Clergé 1923, p. 725 a écrit: …d'une petite brochure, — publiée à La Chapelle-Montligeon (Orne), sous la signature de dom Gaston Démaret, moine de Solesmes, et avec le simple Imprimatur diocésain, intitulée : Les morts peu rassurantes, motifs d'espérance et de prière,…

Source

A rapprocher de ce qui suit, pour expliquer les sortes d'approbations.

« Il faut distinguer trois sortes d'approbations.  La première est donnée par un concile œcuménique ou par le Souverain Pontife, proposant à tous les fidèles, comme chef de l'Eglise, un point de doctrine catholique ; seconde est accordée par le Souverain-Pontife, comme chef de l'Eglise, à des auteurs catholiques, pour autoriser l'usage des versions nouvelles ; la troisième peut être donnée par un archevêque, un évêque, une université catholique. La valeur de ces approbations diffère tout autant que les autorités dont elle émanent ; elles se distinguent les unes des autres par les termes dans lesquels l’autorité les donne, et par le but que l’Eglise se propose en les autorisant.  

[…]

« Cette  [troisième] approbation est inférieure aux deux précédentes ; et, d'abord, elle ne donne à la version approuvée aucune autorité dans l'Église universelle; elle est naturellement circonscrite dans le territoire propre à la juridiction elle émane, elle ne place pas la version au-dessus de toute contestation : que dis-je ? elle peut être précipitée, hasardée, erronée et réprouvée par l'Église. C'est ainsi que la version française de Richard Simon, imprimée à Trévoux avec  l'approbation de deux docteurs de Sorbonne, fut condamnée par Bossuet ; c'est ainsi que le Nouveau Testament de Mons, approuvé par plusieurs théologiens, fut condamné par les évêques de France et par le S. Siège ; c'est ainsi que la version du P. Quesnel, approuvée par le cardinal de Noailles, d'abord évêque de Châlons, ensuite archevêque de Paris, fut condamnée par l'épiscopat français et par Clément XI (1).
_______________________________________________________

(1) Il ne suffit donc pas pour échapper aux censures de l’Église de répandre des versions approuvées par le cardinal de Noailles, comme le suppose M. Panchaud. II lett. p. 11 et 12.


(Source : J. B.  MALOU, Chanoine honoraire de la cathédrale de Bruges, in La lecture de la Saint Bible en langue vulgaire jugée d’après l’Écriture, la Tradition et la saine raison. etc. t. I, p. 74 et 76, Louvain, 1846. )

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