Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions

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Message  Louis Mer 13 Jan 2016, 12:34 pm

CHAPITRE V

L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)

Bientôt entraînés par la majestueuse rivière des Esclaves, nous perdions de vue le lac Athabaska,


et  nous entrions comme dans un nouveau monde. Plus de rochers, plus de rives escarpées; mais une masse d'eau presque aussi considérable que le Saint-Laurent, coulant à pleins bords et sans bruit, à travers des forêts de grands arbres. Les journées paraissaient bien courtes, au milieu de cette magnificence. Elles furent encore raccourcies par la rapidité du courant. Aussi, une journée suffit pour nous conduire aux nombreuses chutes successives; où l'eau, interceptée dans son cours par des pics énormes, se divise en mille canaux, s'élève en bouillonnant, et retombe avec fracas en bas des cataractes (la chaîne des rapides du Fort-Smith, seize milles, les derniers obstacles à la navigation jusqu'à l'Océan glacial,). En approchant de ces gouffres affreux, une frayeur involontaire s'empara de nous. Nous avions pourtant moins à craindre que partout ailleurs, non pas parce que le danger était moins grand, mais parce que notre guide, qui a passé dans ces lieux plus de cinquante fois, en connaissait tous les détours, et y lançait sa barque d'une main sûre. Il fallut cependant y faire quatre portages.

Quelques instants après avoir repris l'eau calme, nous étions entourées de sauvages, qui, impatients de nous voir, étaient venus à notre rencontre. Le lendemain nous arrivions à la rivière au Sel, chez le patriarche Beaulieu.   C'est un métis montagnais, qui par sa bonne conduite, s'est attiré l'estime et l'affection des sauvages qui le regardent tous comme leur père. . Ce ne fut pas sans une vive émotion que nous vîmes ces pauvres enfants des bois, réunis là pour nous attendre, et groupés dans leur chapelle modeste, autour de leur évêque, assistant avec une modestie angélique à la sainte messe. Comme ils avaient manifesté le désir d'entendre chanter les sœurs, elles tinrent grand orchestre pendant la messe ; mais après l'instruction, ils nous régalèrent eux aussi d'un magnifique cantique en leur langue, dont le chant bien nourri et en accord parfait, nous remplit d'admiration. Soit fatigue du voyage, soit enthousiasme de ce que nous voyions, nous eussions volontiers consenti à passer là quelques jours de repos, mais l'impitoyable voix criait encore: marche ! marche !

Nous marchâmes si bien que deux nuits et deux jours suffirent pour nous conduire à la mission Saint-Joseph, Grand Lac des Esclaves. Le R. P. Gascon, seul depuis si longtemps, et de plus en peine de notre retard, nous reçut à bras ouverts dans sa pauvre demeure. Ses yeux humides se portaient de Monseigneur à nous, et de nous à Monseigneur. Il paraissait ne pas croire à la réalité. Il se convainquit bien vite que nous n'étions pas des êtres fantastiques, et put dégonfler son bon cœur tout à son aise. Il eût désiré nous garder plusieurs jours, mais Monseigneur qui  voulait  profiter du  beau  temps  désirait  partir tout de suite. Le bon père fit si bien par ses prières et par ses larmes, que le ciel s'irrita, et qu'un vent violent, soulevant avec fureur les eaux du lac, nous obligea à une halte de deux jours…
.
Nous étions à la dernière étape…

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Message  Louis Jeu 14 Jan 2016, 12:12 pm

CHAPITRE V

L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)

Nous étions à la dernière étape, en sorte que ce ne fut pas sans une vive satisfaction que nous vîmes remettre à la voile. Le Grand Lac des Esclaves est une véritable mer intérieure, et, comme les vents y règnent en souverains, on ne se hasarde qu'à temps à le traverser. Aussi notre marche était lente. Quelquefois, après deux heures, nous étions obligées de nous retirer dans un port naturel pour nous mettre à l'abri des journées entières. Ces haltes forcées nous étaient d'autant plus pénibles que nous savions être plus rapprochées du but de notre interminable voyage. Le 27 août, nous marchâmes longtemps avec un vent douteux ; sur le soir, il devint meilleur, en sorte que l'espoir d'arriver plus tôt nous détermina à passer la nuit sur la berge. Mal nous en voulut, car bientôt le vent changea, le ciel se couvrit, si bien que ne sachant plus où diriger notre marche, on fit échouer la berge sur un roc à fleur d'eau. Nous y fûmes exposées, toute la nuit, à la pluie et au froid, sans qu'il nous fût possible de reposer. Heureusement c'était la dernière.

A peine l'étoile du matin reparut-elle, que notre guide se reconnut. Il éveilla les rameurs, et dans peu de temps il amarrait la berge, pour déjeuner, à une petite île de l'entrée du grand fleuve Mackenzie. Deo gratias! Encore quelques heures et nous sommes chez nous! Elles furent, ou plutôt nous parurent, encore longues, car ce ne fut qu'à trois heures après-midi que nous aperçûmes le drapeau flottant sur l'évêché. Bientôt cependant le paysage se dessina mieux, et nous aperçûmes sur la rive une foule de sauvages et autres personnes, s'agitant et tirant du fusil, pour nous souhaiter la bienvenue. Nous ne voulûmes pas rester en arrière, les sœurs entonnèrent un Magnificat solennel. Ce fut en chantant le cantique de la Reine du Ciel que nous fûmes reçues par le R. P. Grouard, les frères Alexis et Boisramé, et toute la foule... Enfin, nos coeurs battaient sur la terre étrangère désirée, devenue notre patrie, notre chez-nous, notre tombeau !...

Que vous dire de plus ? Depuis notre arrivée, non seulement nous n'avons pas regretté d'être venues, mais nous avons été toujours heureuses. Cela ne veut pas dire que nous y ayons tout à souhait. Au contraire, les sacrifices y sont nombreux; mais c'est ce que nous sommes venues chercher, de sorte que cela n'a pas lieu de nous surprendre. Nous avons eu quelque peine à nous accoutumer à la nourriture grossière, et toujours la même... Nous n'avons plus jamais goûté au pain.. .

...Adieu, bonne et bien-aimée Mère; ce papier, plus heureux que nous, va se rendre à notre chère communauté. Moins privilégiées que lui, nous le suivrons en esprit, ou plutôt nous le devancerons, car certainement de cette manière nous voyagerons plus rapidement que lui. Adieu, bonnes et bien chères sœurs, nous ne nous reverrons plus très probablement sur cette terre d'exil. Adieu donc, jusqu'au beau jour qui nous réunira là-haut... Veuillez nous accorder à toutes un souvenir quotidien aux pieds du bon Jésus de chez-nous, puis auprès de la châsse de notre vénérée Mère d'Youville... "
Ainsi allait-on vers le pôle, en 1867.

Ainsi voyagèrent, pendant cinquante ans, les Sœurs Grises…

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Message  Louis Ven 15 Jan 2016, 2:10 pm

CHAPITRE V

L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  - Page 3 Page_110

Ainsi voyagèrent, pendant cinquante ans, les Sœurs Grises.

"...Pluie toute la journée, écrivait la Mère Charlebois, arrivant le même jour, treize ans plus tard, à Providence, pour visiter les missionnaires. Nous avons campé avec tout notre linge mouillé... Assurément je n'aurais jamais pensé que je dusse séjourner et coucher, des mois entiers, dans ces berges; je vous assure que c'est un bien triste métier pour des religieuses ; les scrupuleuses seraient à plaindre. Mais qu'y faire? C'est l'unique voie pour se rendre dans l'Extrême-Nord. "

Entendons tout près de nous, 24 mai 1912, la T. H. Mère Piché, supérieure générale et visitatrice du Nord, "après un trajet des plus misérables, où elle souffrit du froid et même de la faim... réduite à ne prendre que des aliments froids, et cela dans un équipage de métis ivrognes..."

"Nous eûmes, écrit-elle du lac Athabaska, quelques difficultés pour nous rendre, à cause de la glace qui encombrait le lac. . . Je n'ai pu avoir que ma valise, toutes nos caisses sont restées à Athabaska-Landing (le point de départ des berges). Que de difficultés ! Que de misères pour le transport !... Mon Dieu, il faut bien que ce soit pour sauver des âmes que des victimes s'expatrient ainsi volontairement et si généreusement."

La Mère Stubinger, qui prit un mois et cinq jours de l'automne 1893, à remonter la rivière Athabaska, ne dut son salut qu'à quelques lièvres chétifs pris au lacet, pendant les nuits. Il neigeait et gelait.

Ces mots, détachés au hasard de cent correspondances, et le récit de 1867, ne racontent que le voyage normal, sans désastre... Point d'objets indispensables à jamais perdus; aucune barque broyée sur les récifs; les sœurs ne furent point jetées à l'eau; une tempête de deux jours et de deux nuits ne les emporta point au large du Grand Lac des Esclaves, désemparées, épouvantées, certaines, pendant ces quarante-huit heures, que chaque vague qui se dressait sur elles était celle qui venait les engloutir: autant d'épreuves réservées aux convois futurs, et dont des Sœurs Grises furent les victimes.



Elles ne furent pas non plus abandonnées de leurs guides, au Grand-Rapide, ainsi que Sr Marie-Marguerite, la douce auxiliaire franciscaine qui, en 1870, envoyée à Providence, descendait avec Mgr Clut et le jeune P. Roure. Mgr Clut s'en fut chercher secours, à pied, à travers bois. Lorsqu'il revint, au bout d'un mois, les intempéries, la faim, la fièvre, l'ennui avaient achevé la pauvre fille. Elle mourut six jours après, au lac Athabaska.  (1)
____________________________________________________________

(1) Le P. Roure en fut réduit aussi à l'extrémité. Une longue maladie, dont les traces subsistent encore, l'arrêta au Grand Lac des Esclaves. "Après trente-neuf ans passés dans la solitude,"parmi les Plats-Côtés-de-Chien, au Fort Rae, et quelques années à la ferme Saint-Bruno du Fort Smith, qu'il établit, et qu'il dût quitter au moment d'en goûter les premiers fruits, le P. Roure est devenu aujourd'hui le chapelain vénéré des Sœurs Grises, à Notre-Dame de la Providence.

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Message  Louis Sam 16 Jan 2016, 10:55 am

CHAPITRE V

L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  - Page 3 Page_110

Les sœurs missionnaires du Mackenzie mesurèrent du premier regard le champ offert à leur courage et à leur abnégation. Elles trouvaient les peuplades sauvages, trop près encore de la dégradation primitive, pour n'avoir pas la triste et consolante évidence que leur sacrifice, ajouté à celui des missionnaires prêtres, serait le prix de la régénération de ces âmes.

Elles s'en ouvrent, dans leurs notes de 1867 :

"Je ne résiste point au désir de vous citer quelques  traits  propres à vous  faire  comprendre quel



genre de misères nous sommes appelées à soulager. Ces traits, pris entre mille, vous feront frémir, comme ils me soulèvent le cœur en vous les racontant. C'était un usage assez général, parmi les sauvages de ces contrées, de se défaire en les tuant, voire même en les mangeant, des petits enfants orphelins, surtout des petites filles. La religion a beaucoup changé cela, mais, outre qu'elle n'a pas encore pu faire sentir son influence partout, il se présente encore assez souvent de ces infanticides. Une mère regardant avec dédain sa fille, qui venait de naître, lui dit:

— Ton père m'a abandonnée, je ne prendrai pat la peine de te nourrir.

Aussitôt elle l'emporte hors de sa hutte, la couvre d'une grande peau, l'étouffe et la jette à la voirie.

Une autre, marchant sur la neige, dit à son enfant :

—Ton père est mort ; qui te nourrira ? J'ai, pour ma part, assez de mes misères.

Elle fait alors un trou dans la neige, y enterre l'enfant, et passe son chemin.

À l'époque d'une assez grave maladie, un malheureux sauvage avait perdu son épouse et deux ou trois de ses enfants; il lui en restait encore un au maillot. Il le porta deux ou trois jours, le suspendit à mi branche d'arbre et partit.

En voilà déjà trop pour un cœur sensible. Il est évident que tous ces gens auraient mieux aimé nous confier leurs enfants que de les faire mourir."

Sauver l'enfance fut donc le premier souci et le premier soin…

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Message  Louis Dim 17 Jan 2016, 12:23 pm

CHAPITRE V

L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)

Sauver l'enfance fut donc le premier souci et le premier soin.

"Un autre but non moins important que nous nous proposons d'atteindre, c'est de recueillir un grand nombre d'enfants métis ou sauvages, et de leur donner une bonne éducation, afin qu'ils puissent répandre plus tard la connaissance de notre sainte religion parmi leurs frères. Ces écoles auront de plus l'avantage d'élever notre sainte cause aux yeux de nos frères séparés, qui, comme vous le savez, s'attachent beaucoup à l'extérieur... "

La première classe fut faite, le 7 octobre, par Sr Saint-Michel des Saints. Il y eut onze élèves.

En même temps qu'école de sauvageons, le couvent de Providence était refuge des infirmes. Son nom d'Hôpital du Sacré-Cœur le rappelait sans cesse.

En fait, toutes les misères du Mackenzie y furent recueillies pendant cinquante ans, et Dieu sait de combien de maux ces pauvres indiens sont affligés! Plusieurs malades passèrent auprès des Sœurs de Charité de nombreuses années. Les noms de Marguerite l'aveugle, Lidwine la paralytique, Petit-Fou, etc., rappellent de ces longs dévouements... Le Petit-Fou (on ne l'appela jamais autrement) était un enfant de la tribu des Esclaves.    

Comme il était idiot, et à demi paralytique, son père l'avait jeté sur les bords de la rivière pour s'en débarrasser. Les sœurs le trouvèrent là. Pendant vingt ans, sans faire cas de son infirmité mentale ni de ses colères, elles soignèrent le Petit-Fou. Lorsqu'il se fâchait, il courait à  quatre pattes contre ses infirmières et les frappait, si elles n'avaient la précaution de fuir. Elles lui donnèrent tant de patience et de tendresse, qu'elles le rendirent à la fin presque obéissant, et  lui apprirent sa religion.

On ne négligea jamais non plus, à Providence, les malades du dehors, ceux que l'on panse à domicile, dans le rayon du Fort. Chaque jour la Sœur supérieure prend sous sa mante grise cachets, bistouris, charpie, eau chaude, et s'en va, à petits pas vifs dans la neige, distribuer, de loge en loge, de cabane en cabane, d'ulcère en ulcère, le remède et le  sourire de la charité. Et lorsque la mort est plus forte que la charité, quel deuil ! Et si les trépas se multiplient, comme dans ces épidémies qui, par époques, déciment les Peaux-Rouges, hâtant la disparition de.la race, n'épargnant même pas les bien-aimés du couvent, il n'est de larmes que leur coeur ne verse sur ces tombes où elles déposent les petits corps, après en avoir donné les âmes au ciel. Les mères ne pleurent ni plus tendrement, ni plus longtemps.




Sr Beaudin écrit, le 21 novembre 1903:…

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Message  Louis Lun 18 Jan 2016, 11:10 am

CHAPITRE V

L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)

Sr Beaudin écrit, le 21 novembre 1903: "A peine notre chère Sœur Boisvert était-elle partie, qu'une épidémie, survenue depuis peu du côté de Good-Hope, sévissait ici dans toute sa rigueur. Tous nos enfants, au nombre de cinquante-quatre, y passèrent indistinctement. Aux premiers jours, nous ne crûmes point cette maladie désastreuse; mais les suites nous firent voir bien vite le contraire. La rougeole fut suivie de la fièvre scarlatine, accompagnée de diphtérie et de dysenterie. Il était navrant le spectacle de tant d'enfants, cloués à la fois sur un lit de souffrance. Nous leur partageâmes et nos soins et nos veilles... Dieu cependant voulut nous éprouver davantage. Dix d'entre eux succombèrent aux coups de ce fléau destructeur: trois garçons et sept filles... L'une d'elles mourut durant l'action de grâces de sa première communion. Nous sommes bien tristes, et pourtant nous envions la sainte mort que firent ces chers enfants..."

Aux initiatives de ces sacrifices pour les orphelins et les malades, un seul obstacle se rencontra, celui de la pauvreté. Elle fut extrême. C'est plus qu'à la lettre que fut accomplie, à Providence, la volonté souvent exprimée de Madame d'Youville: "Il ne faut pas que les sœurs aient plus de confort que les pauvres. ''

Quelques reliques du passé, quelques aveux échappés nous font deviner ce qu'il en a dû être. Jusqu'en 1899, date de l'inauguration du couvent actuel, les enfants étaient couchés dans des meubles fort curieux, encore conservés, et qu'il ne faudrait pas détruire. Ils ressemblent à des rayons étagés de bibliothèque




allant du plancher au plafond. On les dit fabriqués par Mgr Faraud. Les  sœurs occupaient le coin restant du dortoir, grabat contre grabat. Une d'elles cependant couchait sur la table du rez-de-chaussée, d'où elle se levait, d'heure en heure, pour alimenter le foyer... Longtemps elles n'eurent pas même le nécessaire pour s'habiller... Il y eut des robes grises, confectionnées avec des toiles d'emballage.

—Mais cela, nous soufflait tout bas la Sœur Boursier, qui, depuis 1884, a vécu les dures impasses de Providence, cela on ne le disait pas à la maison-mère, parce qu'on avait bien trop peur d'être rappelées...

Il  y avait vingt-six ans que la fondation subsistait, et progressait, lorsque la Mère Stubinger en parlait ainsi, dans son rapport :

"Le coeur se serre, se dilate, puis se serre encore dans de pareilles circonstances: il faut y passer pour le comprendre... Du premier coup d'œil, nos sœurs m'ont paru assez bien; mais depuis j'ai constaté qu'elles sont toutes bien faibles. Ces chères sœurs sont admirables de courage, de générosité; elles sont gaies et joyeuses jusqu'au réfectoire, où elles ont pourtant à pratiquer une grande mortification. Deux plats invariables leur sont offerts, trois fois par jour: du poisson et des patates. On y ajoute une petite galette de la grandeur d'un "biscuit boston". Ce n'est que dans des cas exceptionnels qu'on y passe un petit dessert avec du riz, des pommes sèches, ou des graines du pays... Il n'y a presque plus de chasse dans le pays. Pendant les quinze jours que j'ai passés ici, on a tué dix outardes... Le poisson même fait défaut; les rivières et les lacs s'épuisent.   Pour faire la provision d'hiver, il faut aller à quarante milles. Cette provision doit être de vingt et un mille poissons au   moins. Cela peut suffire pour vivre, mais non pour se rassasier... Pour combler la mesure, les sauterelles ont fait leur apparition, quelques jours après mon arrivée; elles achèvent de détruire tout le jardin potager...  Groseillers, gadeliers, fraisiers, framboisiers qui étaient chargés de fruits ont été rasés en dix jours, ainsi que les légumes: oignons, choux, navets etc.   On a épuisé tous les moyens pour les chasser aucun n'a réussi... J'ai plus d'un crève-cœur, chaque jour, en voyant ce fléau dévastateur ravir à nos pauvres sœurs l'absolu nécessaire... "

Longtemps après son retour à la maison-mère, on voyait la Mère Stubinger s'attrister parfois au réfectoire et pleurer. Elle se souvenait des privations des sueurs du Nord.

Citons encore Sr Ward, 1885 : …


Dernière édition par Louis le Mar 19 Jan 2016, 3:14 pm, édité 1 fois (Raison : Insérer l'image.)

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Message  Louis Mar 19 Jan 2016, 2:59 pm

CHAPITRE V

L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)

Citons encore Sr Ward, 1885 :

" La récolte de nos patates a été bien minime... Le champ d'orge a été entièrement dévasté par les sauterelles, ainsi que le blé. Nous avions semé une très petite quantité de ce dernier, car la récolte de l'année précédente était nulle, ayant été saisie par la gelée; il n'y a que quelques épis qui ont pu être sauvés, La glace a interrompu la pêche, avant que nous eussions pris la quantité voulue pour l'hiver. Cependant nous en mangeons trois fois par jour depuis la mi-août. Pas un seul morceau de viande dans le hangar. C'est un carême anticipé, quoi donc! et qui se prolongera indéfiniment. Nous n'en souffrons pas toutefois, notre poisson est si bon ! Nous le mangeons de si bon appétit que nous courons risque de mourir de vieillesse... Les légumes du jardin ont eu le même sort que le blé et l'orge. Notre chère Sœur Brunelle, après leur avoir prodigué des soins quasi maternels, a eu la consolation de récolter une carotte. Il ne reste que les oignons qui ont été trouvés trop mauvais par les sauterelles."

El les chenilles?

"Toutes nos semences étaient terminées (1879) vers le 24 mai; nous nous réjouissions que tout fût fini si tôt, lorsque le R. P. Lecorre vint nous annoncer que des milliers de chenilles se répandaient dans nos champs d'orge. Elles paraissaient vers les dix heures du soir, et se retiraient dans la terre au lever du soleil. Elles ont dévoré toute l'orge des deux champs."

Plus d'orge, cela voulait dire: plus de soupe, ni de café, pour l'année qui s'ouvrait. Car l'orge était soupe et café — tout à fait à la Kneipp —sans sucre, il va de soi. Le sucre est encore article de luxe dans le Nord. C'est à cette soupe que s'en rapportait le P. Supérieur de Providence, en jetant sur son journal du 21 août 1903 cette petite note:



"Il ne reste plus de poisson sec, et la rivière ne peut nous fournir à peine qu'un repas par jour. Il faut vivre à la soupe."

La grande épreuve fut celle de 1881-1882….

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Message  Louis Mer 20 Jan 2016, 2:01 pm

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L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  - Page 3 Page_110

La grande épreuve fut celle de 1881-1882.

Malgré les réticences, les explications optimistes, les raisons d'espérance toujours adroitement raclées aux comptes-rendus exigés par l'obéissance, le jour se fit en haut lieu, la pitié des supérieurs l'emporta sur les installées du Mackenzie, et brusquement l'ordre arriva de fermer le couvent. La raison en était formulée: les moyens ne suffisent plus, il est temps de mettre fin au martyre des sœurs...

Le porteur du message fatal était le F. Larue. Envoyé par Mgr Clut, sur les ordres de Mgr Faraud, le frère partit du lac Athabaska, le 16 mai 1881. Il devait faire diligence, afin d'assurer le départ des sœurs par le convoi montant de Simpson; mais le canot fut si longuement retardé par les glaces flottantes, à Fort-Smith d'abord, et au Grand Lac des Esclaves ensuite, qu'il ne put atteindre le Fort-Providence que le 28 juin.

Le F. Larue fut témoin de la plus grande désolation. Au Couvent, les larmes coulaient; sauvages et métis voulaient retenir les mères de leurs orphelins et de leurs malades; les protestants du Fort exprimaient une tristesse sincère.   Aussi, ce fut un soulagement général de la population, lorsque, deux jours seulement après l'arrivée du F. Larue, on vit apparaître les berges de Simpson. Les sœurs n'avaient pu pourvoir, eu si peu de temps, aux préparatifs indispensables, et force leur était d'attendre l'occasion prochaine, c'est-à-dire l'année suivante... La Sœur assistante Charlebois. qui avait passé l'hiver à Providence, s'embarqua donc seule pour aller dire à Montréal que les sœurs reviendraient, l'autre printemps.

Le bourgeois de Simpson, maître des équipages du Mackenzie, apprenant la nouvelle, déclara que les sœurs ne trouveraient jamais place dans ses berges, si c'était pour un adieu.

— Mais on nous l'ordonne !

— Que l'on vienne vous chercher.

— Mais si nous ne pouvons plus vivre, étant trop pauvres ?

— Je transporterai vos effets gratis.

— Mais on va nous écrire de Montréal pour nous réitérer les ordres; il faudra bien partir!

— C'est moi qui reçois les lettres, et je ne vous les donnerai pas.

Les objections, irréalisables évidemment, mais si spontanées, du bourgeois protestant, expression de la douleur commune, avivaient d'autant la plaie.

Cet automne et cet hiver furent une agonie.

Le P. Lecorre faisait prier les petits enfants, afin que Dieu daignât inspirer la décision désirée de tous…





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Message  Louis Jeu 21 Jan 2016, 2:32 pm

CHAPITRE V

L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)


Le P. Lecorre faisait prier les petits enfants, afin que Dieu daignât inspirer la décision désirée de tous.

Le P. Ladet, sollicité de faire les "valises" du voyage, s'y refusa. Il en trouvait la raison très simple : "Non, le bon Dieu ne peut pas le permettre; les sœurs font trop de bien ici; leur départ serait un trop grand malheur; donc elles ne s'en iront pas... Alors, pourquoi des valises?"

Et chacun, chacune, de calculer les sacrifices d'économie que l'on s'imposerait bien encore, afin de prouver que l'on pouvait continuer à vivre, quand même...

"Nous suppliions, nous nous adressions à toutes les puissances du ciel, écrivait dans la suite l'une des sœurs, pour obtenir que la sentence ne s'accomplît pas. Nous avions tant souffert au Mackenzie, et nous nous étions si fortement attachées à nos orphelins, qu'il nous semblait que nous ne pourrions plus être heureuses dans un autre lieu de la terre!"

Mais, plus haut que les regrets et les désirs, le commandement reçu parlait toujours. Le temps du départ ne se pouvait reculer au delà de 1882... Un à un, elles renvoyèrent donc leurs chers petits. Chaque jour, comme une fibre nouvelle qu'on eût arrachée aux coeurs, un meuble était défait, un linge plié, si bien qu'avant le dégel les murs se trouvaient dénudés et l'emballage préparé.

Enfin, un soir de mars, les sonnailles des chiens porteurs du courrier retentirent...

La lettre de Montréal fut remise au couvent...

Elle tremblait dans les mains de la pauvre supérieure. Comme Notre-Seigneur éloignant le calice, elle n'osait lire.

— Ouvrez, ma sœur, lui dit le père, les nouvelles sont bonnes; j'en suis certain. Nous avons assez prié !

En effet, elles étaient bonnes. Mgr Taché, informé, avait promis de nouveaux secours; le P. Ducot offrait une somme, reçue de sa famille ; le P. Lecorre irait quêter en France: les sœurs resteraient donc, et du renfort leur arriverait bientôt.

Le sacrifice d'Isaac avait…



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Message  Louis Ven 22 Jan 2016, 10:59 am

CHAPITRE V

L'HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR

Fort-Providence

(1867)

(suite)

Le sacrifice d'Isaac avait suffi à Dieu. La victime fut épargnée; elle vécut, et sa génération fut bénie.

Les sœurs ne cessèrent pas de souffrir, de se priver, d'épargner, il est vrai; mais l'oeuvre définitivement "marquée" s'étendit. Un jour, le gouvernement du Canada eut pitié, et vint en aide; un évêque trouva des charités nouvelles; aujourd'hui le vicaire apostolique du Mackenzie donne à ses religieuses et à leurs enfants le pain — le pain de froment — quotidien. Le couvent, rebâti par Mgr Grouard en 1899, vient d'être achevé, vaste et beau, par Mgr Breynat. Sa chapelle neuve, ravissante de proportions et de clarté, va chanter le Te Deum jubilaire... A saint Joseph de donner toujours le poisson du Grand Lac et les "patates" du bon vieux jardin, et joyeusement toutes marcheront aux hivers d'un autre demi-siècle; chrétiennement elles abandonneront a la réserve divine des sacrifices, où se puise la rédemption des âmes, aises, douceurs, plaisirs d'ici-bas. Leur récompense sera d'avoir été les missionnaires des pauvres.

Le cahier, placé au petit parloir de Providence, s'inaugure  par une page de S. G. Mgr Breynat, vicaire apostolique et supérieur ecclésiastique des Sœurs Grises du Mackenzie. Aucun hommage jubilaire ne dira, avec plus d'autorité, ce que l'Hôpital du Sacré-Cœur a mérité :

" .. Cette maison a fait beaucoup de bien; elle en fera davantage, à mesure qu'elle se développera sous l'action des bénédictions divines. Elle fait l'admiration de tous ceux qui ont le bonheur de la visiter. Elle est ma consolation au milieu des soucis de ma charge; et les jours, trop rares et trop courts, qu'il m'est donné d'y passer, comptent parmi les plus beaux de mon ministère.

"J'ajoute encore ce que j'ai répété bien des fois: elle est, et sera pour la Congrégation des Sœurs Grises, une source de bénédiction et de fécondité."


† GABRIEL, O.M.I.,
Ev, d'Adramyte,
Vic. Apost. du Mackenzie.
A suivre : Chapitre VI. Le couvent des Saints-Anges.

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Message  Louis Sam 23 Jan 2016, 11:30 am

CHAPITRE VI

LE COUVENT DES SAINTS-ANGES

Mission de la Nativité du Lac Athabaska

(1874)

Du site et des ressources du couvent des Saints-Anges, sur le lac Athabaska, la Mère Stubinger, Visitatrice de 1893, emporta cette impression:

"On ne voit ici que des montagnes de roches; le couvent des Saints-Anges, placé sur les hauteurs d'un rocher, me représente un nid d'aigle. On ne trouve pas de terre cultivable. Le petit morceau que nos sœurs mettent en "patates" et en orge était un marais qui fut rempli avec de la terre prise dans le lac, aux eaux basses: ce terrain mesure environ deux arpents carrés, On cultive aussi des patates sur une petite île, où on en récolte à peu près quarante barils. Voilà toute la richesse. ''

Cet emplacement dans les falaises du lac Athabaska, à un mille du Fort Chipweyan, des plus poétiques d'ailleurs, fui arrêté, en 1847, par le P. Taché, fondateur de la mission qu'il nomma: La Nativité. Le marais, qu'il fallut dessécher et combler, détermina le choix du missionnaire. Il n'avait découvert tout à la ronde que quelques terres trop boisées pour être facilement défrichées.

La mission de La Nativité fut la première, et est restée la plus importante des vicariats arctiques. Outre une partie assez considérable de la tribu des Cris, les Montagnais s'y rendent eu grand nombre. L'activité locale est encore accentuée par les relations avec le Fond-du-Lac, situé à\ 150 milles à l'est, et terrain de chasse d'autres braves Montagnais que leur mode de subsistance fit dénommer "mangeurs de caribou", Le contingent métis n'y est pas moins digne d'intérêt.

La mission prospérait lentement depuis une trentaine d'années lorsque les Soeurs Grises de la Providence vinrent y établir leur couvent des Saints-Anges, en 1874, sept ans après leur arrivée dans l'Extrême-Nord. L'histoire de cette fondation relève de la casuistique très spéciale de ces terribles pays, isolés de tout monde, et dont le "savoir faire", ou le "fais pour le mieux", ou encore, ainsi que disait Mgr Grandin, "faisons le moins mal possible", semblent former le grand principe de conduite, pour la vie extérieure.

Mgr Clut, auxiliaire de Mgr Faraud, ayant passé l'hiver 1873-1874 à La Nativité, apprit que le bishop protestant, Reeves, venait s'établir à Athabaska…

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Message  Louis Dim 24 Jan 2016, 11:53 am


CHAPITRE  VI

LE COUVENT DES SAINTS-ANGES

Mission de la Nativité du Lac Athabaska

(1874)

(suite)

Mgr Clut, auxiliaire de Mgr Faraud, ayant passé l'hiver 1873-1874 à La Nativité, apprit que le bishop protestant, Reeves, venait s'établir à Athabaska, avec deux maîtres d'école.   Donc il fallait immédiatement des soeurs pour ouvrir une école catholique. C'était, pensait Mgr Clut, le seul moyen d'enrayer le désastre. On ne pouvait songer d'autre part, à tenter auprès de l'administration générale des Soeurs Grises, les démarches prescrites par la Règle. Une année entière n'y eût peut-être pas suffi. Mgr Faraud, chef du vicariat, alors en France, pouvait moins encore être consulté. Mgr Clut pria et décida. Il écrivit à l'Hôpital du Sacré-Cœur une lettre pressante, conjurant la supérieure, Sr Lapointe, de lui envoyer deux soeurs pour commencer une classe, en l'assurant qu'il s'entendrait, au plus tôt, avec la supérieure générale.

Se rendre à la proposition était se mettre en opposition avec les constitutions et toutes les coutumes de l'Institut; refuser était compromettre, irréparablement peut-être, l'avenir du catholicisme dans la région. Après avoir prié et réfléchi, on conclut que les circonstances excuseraient la dérogation matérielle aux lois établies. Le P. Grouard, supérieur de la mission, encourageait aussi le projet... Le 30 juin, les berges de Simpson passèrent, montant vers le lac Athabaska. Sœur Lapointe partit, accompagnée de Soeur Saint-Michel des Saints et de Domithilde Letendre. Le P Grouard, gravement malade, prit place dans !a même embarcation pour se rendre en France, où il devait prendre le repos et les soins nécessaires. Il se chargeait, lors de son passage à Montréal, de plaider la cause devant la maison-mère déjà avisée par la lettre de Mgr Clut, et de demander l'approbation de l'oeuvre entreprise.

Après vingt jours de navigation, les fondatrices arrivèrent à Athabaska, et furent reçues par le P. Laity qui les introduisit dans leur nouvelle demeure.

C'était un vieux hangar dont on avait commencé les réparations, en attendant une autre résidence. Le premier repas fut servi: de la viande sèche mélangée de suif, des fruits bouillis et un plat de lait, le tout dans de vieilles écuelles de fer-blanc ; comme dessert, deux énormes tartes auxquelles l'appétit surtout servit d'assaisonnement. La visite de la maison fut bientôt faite: une pièce, une table, un grabat. Il fallait convertir l'informe galetas en dortoir; ce ne fut pas sans peine. Une fourche, puis une pelle, puis enfin un balai, furent tour à tour employés à cet effet. Même toilette au rez-de-chaussée.

Au bout de huit jours, la petite école fut ouverte à une quinzaine d'enfants.

Le premier hiver fut rigoureux. La neige et le vent entraient comme chez eux dans la masure.

Toutes les provisions de l'année consistaient eu un sac de farine, un petit baril de sucre, cinq de froment, sept ou huit d'orge et des "patates". La galette de son fut à l'ordre du jour. De beurre, de graisse, il n'était pas question.

Mais les privations n'étaient point le sujet d'inquiétude. Une autre crainte torturait les esprits:…

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Message  Louis Lun 25 Jan 2016, 11:02 am

CHAPITRE  VI

LE COUVENT DES SAINTS-ANGES

Mission de la Nativité du Lac Athabaska

(1874)

(suite)

Mais les privations n'étaient point le sujet d'inquiétude. Une autre crainte torturait les esprits: quel serait le verdict de la maison-mère ?

Le dimanche dans l'octave de Noël, un exprès extraordinaire apporta la réponse, aussi redoutée que désirée. La T. H. Mère Dupuis, supérieure générale, signifiait aux sœurs de quitter Athabaska, aussitôt après réception de sa lettre... Cette injonction, énoncée en termes sévères, affligea profondément les pauvres missionnaires. La Mère Générale avait fait son devoir, en défendant les principes dont elle avait la charge; les sœurs firent le leur en ne répliquant pas. L'impossibilité absolue, pour des femmes de leur condition, de voyager dans ces contrés durant l'hiver, les força de remettre aux premières navigations l'exécution de l'arrêt. En attendant, elles priaient et pleuraient.

Cependant le P. Grouard arriva à Montréal. La lettre de refus était partie déjà; mais le missionnaire fit si bien valoir ses raisons auprès des Sœurs Grises et de Mgr Bourget, qu'il gagna la cause.

—Dussé-je me mettre à genoux, avait-il dit aux sœurs d'Athabaska, je ne reviendrai pas avant d'avoir obtenu l'approbation.

Le 26 février, une lettre de Montréal annonçait que la fondation était acceptée, et que trois soeurs se mettraient en route, au mois de mai, pour le couvent des Saints-Anges.

L'action de grâces monta de tous les coeurs. On redoubla d'activité pour rendre le hangar plus habitable aux chères annoncées, l'intérieur fut lambrissé jusqu'à la hauteur des châssis: les meubles les plus indispensables furent fabriqués : tous les instants libres du jour et de la nuit y passèrent



Le 13 août 1875, Sr Brochu, Sr. Fournier et Virginie Bernier, franciscaine, baisaient la terre de leur apostolat. Le P. Le Doussal les accompagnait. Le vénérable prêtre, sauf deux courtes absences, a été depuis le guide des religieuses d'Athabaska, dans les voies de la sainteté.

Les jours suivants, chacune reçut la part de son héritage: Sr Brochu fut chargée des dix petites filles, Sr Fournier des huit garçons, et la cuisine échut à la bonne Virginie, qui est aujourd'hui sœur auxiliaire sous le nom de Sœur Bruno, et porte allègrement ses quatre-vingt-six ans, suivant tous !es exercices de la communauté des Saints-Anges, égrenant des chapelets pour tout le monde, et tricotant des bas pour les petits. Le 23 août, Sr Lapointe et Domithilde regagnèrent leur première fondation, laissant Sr Saint-Michel des Saints au poste de supérieure.

Le hangar provisoire servit sept ans….

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Message  Louis Mar 26 Jan 2016, 7:35 am

CHAPITRE  VI

LE COUVENT DES SAINTS-ANGES

Mission de la Nativité du Lac Athabaska

(1874)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  - Page 3 Page_110

Le hangar provisoire servit sept ans. Il ne connut jamais d'autres sièges que des bouts de planches sur des tréteaux, Le soir venu, une des sœurs s'étendait sur l'unique couchette, sa compagne sur la table,  et les petites, roulées dans leur couverture, dormaient sur le plancher autour de leurs maîtresses.

En 1881, le P. Laity confia à M. McFarlane, moyennant une somme assez ronde, le soin de bâtir une maison adaptée aux besoins de la communauté. Entreprise peu réussie, car cette bâtisse, qui sert encore aujourd'hui de corps central, après avoir été étayée, soulevée, travaillée en tous sens s'affaisse graduellement par vice de construction première, et menace tout l'édifice  

C'est peut-être à Athabaska que furent connus les jeûnes les plus longs, les tempêtes les plus désastreuses, les travaux les plus durs. Telle était la conviction de Mgr Faraud. L'aridité du sol, la rareté des animaux sauvages, les incertitudes de la pêche, les furies fréquentes du lac en seraient l'explication. Un bon frère, aux traits marqués par les anciennes souffrances, plus que par les années, nous a montré la roche rouge sur laquelle le P. Laity, le P. Pascal, le P. Le Doussal, s'en allaient voir le pêcheur de la mission ne poindrait pas enfin du lac Mammawi, épanchement du lac Athabaska, afin que l'on pût dîner...

Mais plus d'une fois, le vent se levait et bouleversait les flots; le pêcheur attendait un jour, deux jours, trois jours et les deux communautés aussi. Ceux qui ont connu ces mois de douleurs en racontent des traits presque incroyables. Que ne dut-on pas endurer au couvent et à la mission, qui dépendaient souvent des chasses et des pêches des sauvages, lorsque ceux-ci, dans les grandes famines d'Athabaska, allaient jusqu'à s'entredévorer !

On écrivait du couvent, le 15 juillet 1879: "Nos champs ont bien chétive apparence. La disette de vivres se fait sentir partout, mais ici plus qu'ailleurs... Dans tout le cours de l'année, nous n'avons eu qu'un orignal et deux caribous... "

Et ce bilan de 1885: "Un minot de navets, un demi-minot de carottes, deux gallons de petits pois, soustraits aux souris, cent de patates dernière qualité, les haricots demeurés sur le champ, les oignons,  tels plantés tels cueillis, et en nombre diminué. Le peu de blé semé, après avoir été visité par les animaux, a été ravagé par la gelée..."

Aussi quel accueil aux maigres dons que cette terre ingrate se laissait arracher!...

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Message  Louis Mer 27 Jan 2016, 8:36 am

CHAPITRE  VI

LE COUVENT DES SAINTS-ANGES

Mission de la Nativité du Lac Athabaska

(1874)

(suite)


Aussi quel accueil aux maigres dons que cette terre ingrate se laissait arracher!




" 2 janvier 1902. — Le jardin a fourni soixante-quinze pommes de choux pas très grosses, un sac de betteraves, trente épis de blé, trente-deux tomates rougeâtres, cinq pieds de céleri, des concombres, un melon, un demi-minot d'oignons, des navets, des lai tues, des radis, ainsi que des fleurs pour pouvoir offrir quelques bouquets à Notre-Seigneur.   Ce qu'il y a de plus beau, c'est que Sr Jobin était toute joyeuse de sa récolte, et pleine de courage et d'espérance pour recommencer, le printemps prochain. Il faut bien savoir que la plus grande partie de ces produits ont été vus pour la première fois à Athabaska...  L'an dernier les concombres faisaient leur première apparition dans notre région. Ma Sr Brunelle n'en avait pas mangé depuis trente-quatre ans, ma Sr Supérieure dix-huit ans, ma Sr Saint-Pierre dix-sept, et ainsi de suite pour les autres... ''

Mais l'eau du moins, dira-t-on, l'eau dont sainte Thérèse exigeait l'abondance et la pureté, dut adoucir quelque peu les autres privations! Eh bien, l'eau elle-même ne fit rien pour la bonne cause. Au loin, elle est de cristal; là où il est possible d'en puiser, elle est sale, souvent boueuse... "Au milieu de juillet, l'eau était excessivement basse. Nous en avons bien souffert pour les besoins de la cuisine et les lavages. On a tenté bien des essais d'amélioration, mais sans réussite. Il fallut se résigner à faire usage d'une eau morte et bourbeuse, remplie d'animalcules. Le thé avait si mauvais goût qu'il faisait bondir le coeur."

Nous venons d'apprendre toutefois que les sœurs, avec l'aide des garçons de l'école, ont réussi, à force de coups de pic donnés pendant les congés de ces dernières années, à percer le rocher jusqu'à l'eau filtrée du lac.   Deo gratias!

Nous ne raconterons pas les voyages des sœurs missionnaires d'Athabaska…

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Message  Louis Jeu 28 Jan 2016, 2:28 pm

CHAPITRE  VI

LE COUVENT DES SAINTS-ANGES

Mission de la Nativité du Lac Athabaska

(1874)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  - Page 3 Page_110

Nous ne raconterons pas les voyages des sœurs missionnaires d'Athabaska dans leurs dix-sept volumes, les lettres écrites du rocher d'Athabaska, sous le flot des impressions toutes vives. Elles seraient des plus intéressantes pour les lecteurs étrangers à ces sauvages pays, car toutes nous ont captivé, quoique la description des lieux et des dangers eût perdu pour nous l'attrait de l'inconnu.

En dehors de ces voyages d'obédience, les Sœurs Grises n'en entreprennent guère. Au cours de l'été cependant, elles apprêtent parfois leurs enfants, et les conduisent à des promenades qui, pour être promenades du Nord, doivent s'agrémenter de quelques imprévus malencontreux. Pourquoi ne fixerions-nous pas ici le souvenir d'un de ces pique-niques, pris à la plume pittoresque de Sr Dufault, une des anciennes d'Athabaska? Il y sera montré comme le "vieux-gris" — ainsi désigne-t-on le diable dans le Nord — s'ingère jusque dans les amusements, et comme aussi on l'en déloge en s'adressant à quelqu'un plus puissant que lui.

"Lac Athabaska, 31 décembre 1901—... Le 11 Septembre (1900), fête de Mère Vicaire, nous préparâmes un grand congé. C'était un pique-nique à l'Ile-aux-Outardes, c'est-à-dire près de deux heures en bateau. A huit heures du matin, tout le personnel de la mission avait pris place dans le Saint-Joseph. La journée se passa gaiement. Comme nous finissions de souper, des nuages s'amoncelèrent à l'horizon. Nous nous empressâmes de plier bagage, et l'ancre fut levée; mais déjà le veut soufflait fort et commençait à nous inquiéter. Nous avancions quand même. Voilà tout l'équipage pris du mal de mer, et le bateau ballotté terriblement. Je n'avais jamais vu de vagues aussi hautes; pourtant nous n'étions pas encore au large.

Enfin, nous redoutâmes tellement des accidents, que nous nous décidâmes à rebrousser chemin; car outre le danger menaçant, nous aurions manqué de bois pour le foyer de la chaudière, le bateau n'avançant que très difficilement. Pour comble de malheur, l'esquif attaché à l'arrière du vaisseau s'était brisé. Impossible d'aller à terre: il fallut se résignera passer la nuit à l'ancre. Toujours en mouvement, on se serait cru dans un grand berceau; mais personne ne pouvait dormir. Il faisait froid, nous n'avions pas une couverture. Les enfants étaient couchés à fond de cale. La nuit fut bien longue, et le jour fut salué avec enthousiasme: l'heure du départ allait peut-être sonner. Le vent cependant n'avait pas cessé. On se demandait comment nourrir la troupe affamée; il ne restait plus rien de la veille! Mais la Providence nous avait ménagé un petit sac de farine, seule provision du bateau. Un autre malheur nous attendait. On s'était approché autant que possible du rivage: sans qu'on s'en aperçût, les eaux du lac se retirèrent, et le bateau resta échoué. Les Frères et les petits garçons travaillèrent…

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Message  Louis Ven 29 Jan 2016, 7:07 pm

CHAPITRE  VI

LE COUVENT DES SAINTS-ANGES

Mission de la Nativité du Lac Athabaska

(1874)

(suite)

Les Frères et les petits garçons travaillèrent toute la journée par différents procédés pour pousser au large. Enfin, désespérés, ils abandonnèrent la tâche. Il fallait attendre que l'eau remontât, ce qui pouvait nous mener à plusieurs jours. Déjà nous avions invoqué notre vénérable Mère d'Youville: on voulut faire un dernier effort en criant tous ensemble, pendant que les hommes agissaient: "Vénérable Mère d'Youville, secourez-nous!" Au grand étonnement de tous, le bateau glissa, et tout le monde de crier: "Vive notre Vénérable Mère d'Youville!" Le P. Charbonneau voulut avoir son image près de sa machine. Toute la journée, Sr Saint-Pierre et moi avons fait de la galette sur un tout petit poêle. A peine cuite, elle était dévorée. Enfin, l'équipage se prépara à partir, il était cinq heures... A huit heures, nous débarquions, bienheureux d'arriver chez nous. Ma Sr Supérieure et ma Sr Jobin avaient passé la nuit et la journée dans des angoisses mortelles. Elles avaient vu la tempête: quelque grand malheur ne nous était-il pas arrivé? On s'embrassa avec autant de joie que si nous fussions parties depuis an an. Voilà un congé qui fera époque dans notre vie du Nord."

Ce à quoi l'auteur du présent chapitre pourrait bien ajouter que…

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Message  Louis Sam 30 Jan 2016, 10:36 am

CHAPITRE  VI

LE COUVENT DES SAINTS-ANGES

Mission de la Nativité du Lac Athabaska

(1874)

(suite)

Ce à quoi l'auteur du présent chapitre pourrait bien ajouter que, quinze ans plus tard, invité à un pique-nique aux bluets (myrtils), sous la présidence du P. de Chambeuil, avec les Sœurs Dufault, Laverty et Saint-Cyr, F. Courteille mécanicien, et F. Crem pilote, on fit vapeur vers le lac Brochet, communiquant à quelque vingt milles seulement avec le lac Athabaska; que le soleil du départ frappait magnifique le miroir du lac; que subitement les chants et !es rires de la jeunesse des Saints-Anges stoppèrent sur un banc


de sable; que le lendemain au soir seulement, d'échouement en échouement, les derniers huit milles furent conquis; que de l'oasis aux bleuets nous revînmes au bateau, brisés, trempés, ayant pour orchestre un orage diluvien; que trois jours d'inquiètes manœuvres furent dépensés à reprendre les vingt milles contre le vent, la houle, la pluie et le grésil ; que le grand lac atteint déchaîna sur le Saint Emile ses fureurs de 1900, déjà oubliées par Sr Dufault; et qu'enfin, le soir du samedi, par cinq degrés centigrades au-dessous de zéro, au sein d'une tourmente opaque de neige, quatre jours après le 8 septembre, fête patronale de la mission Nativité, et date extrême fixée pour le retour, nous touchâmes le rocher des Saints-Anges.

Quel pays! Et comme il fait payer ce qu'il accorde, jusqu'à ses plaisirs!

N'importe, il y avait, pour les desserts de l'hiver sept cents livres pesées de baies veloutées; personne ne fut malade : pas un ne toussa ; et, tout de suite, enfants, sœurs, frères et pères se mirent à projeter le pique-nique 1917, dont le devoir sera de battre tout record, puisqu'il sera celui du jubilé... (1)

Le couvent des Saints-Anges, situé dans le vicariat apostolique d'Athabaska, est resté sous la juridiction de Mgr Grouard, bien qu'il lasse partie de la "province du Mackenzie" des Sœurs Grises.

Sans être à l'abri des épidémies et des disettes qui peuvent fondre sur tous les couvents de ces régions, il a atteint un degré de prospérité qui lui permet de recevoir de nombreux élèves, et de leur donner une éducation complète, fruit et honneur de notre sainte religion.

Maintes allusions à ses épreuves et à ses succès reviendront, plus loin, dans nos considérations d'ensemble sur l'oeuvre des sœurs missionnaires du Nord.

________________________________________________

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A suivre : Chapitre VII. L'Hospice Saint-Joseph.

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Message  Louis Dim 31 Jan 2016, 1:31 pm

CHAPITRE VII

L'HOSPICE SAINT-JOSEPH

Fort-Résolution du grand lac des Esclaves

(1903)

L'Hôpital du Sacré-Cœur et le couvent des Saints-Anges restèrent longtemps les deux seuls établissements des Sœurs Grises dans l'Athabaska-Mackenzie. Mais l'année 1901, qui vit s'accomplir la division de l'ancien vicariat et la formation des deux vicariats distincts de l'Athabaska et du Mackenzie, marque aussi le commencement d'une ère nouvelle pour les missions des Sœurs Grises dans ces immenses régions.

La première fondation que nous rencontrons à cette époque est celle de l'Hospice Saint-Joseph, qui s'élève aujourd'hui gracieusement sur le bord du Grand Lac des Esclaves, si célèbre dans l'histoire des missions du Nord. Du seuil du couvent, se voit l'endroit du large où Mgr Grandin passa la nuit du 15 décembre 1863, égaré dans la tourmente de neige. A bout de force, se croyant perdu, il confessa son petit compagnon, s'enveloppa avec lui contre le traîneau et les chiens, et attendît la mort.

La résidence du missionnaire se trouva alors sur l'Ile d'Orignal, en face, à trois milles du Fort-Résolution, situé en terre ferme.

La mission Saint-Joseph eut pour père Mgr Faraud, qui vint planter la croix au Grand Lac des Esclaves, en 1852. Il y fit, dès sa première visite soixante-huit baptêmes. Déjà ces bons sauvages Montagnais avaient envoyé une députation au P. Taché, au lac Athabaska, en 1848:

— Hâte-toi, lui faisait dire un vieillard, mes cheveux sont tout blancs: je crains de me coucher dans ma tombe avant  d'avoir entendu ta parole.

Le P. Gascon, décédé à Saint-Boniface en 1914, à l'âge de 87 ans, et le P. Dupire, toujours vivant, jeune et gai, furent les colonnes de la mission, pendant les quarante-cinq ans qui vont de 1858 à l'arrivée des sœurs. Ce fut le P. Dupire, directeur depuis vingt-cinq ans, qui eut l'honneur de recevoir les premières Sœurs Grises, en 1903.

Le Fort-Résolution, rendez-vous de fervents et nombreux sauvages, était l'un des sites les plus favorables à l'oeuvre constamment poursuivie de l'éducation de l'enfance. L'un des premiers soins de S. G. Mgr Breynat, premier titulaire du nouveau vicariat du Mackenzie, fut de solliciter de la T. H. Mère  Hamel  de nouvelles missionnaires. Il  les obtint, aux conditions anciennes: "prier, travailler, jeûner ensemble. ''



Les Soeurs Boisvert. supérieure, Généreux, Mc-Quillan, Honorine et Ernestine quittèrent Montréal, le 20 avril 1903, et arrivèrent, le 16 juin, à bord du Saint-Alphonse, au Grand Lac des Esclaves, en compagnie de Mgr Breynat et des PP. Duport et Laperrière.

Elles furent accueillies par la population avec affection et curiosité.

— Leur habit serait bien plus beau, s'il était rouge, faisait remarquer une sauvagesse.

La surprise de Monseigneur et des soeurs avait été grande, de n'apercevoir, en approchant de la côte, qu'une demi-charpente nue, là où chacun croyait trouver le couvent promis.

— Mais nous ne vous attendions pas du tout! fut le premier mot de la réception...

Et cependant, ce qu'elles étaient désirées! L'explication se fit bientôt, courte et convaincante.

L'été de l'année précédente 1902, Mgr Breynat…

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Message  Louis Lun 01 Fév 2016, 11:29 am

CHAPITRE VII

L'HOSPICE SAINT-JOSEPH

Fort-Résolution du grand lac des Esclaves

(1903)


(suite)

L'été de l'année précédente 1902, Mgr Breynat, partant du Grand Lac des Esclaves pour la France, avait prévenu le P. Dupire que, s'il parvenait à s'assurer le concours des soeurs pour le printemps suivant, il lui écrirait de poursuivre la construction commencée. Sinon, le père emploierait l'hiver à des travaux plus pressés.   Sa Grandeur eut plein succès à Montréal et écrivit immédiatement.

La lettre arriva... un mois après les soeurs elles-mêmes.

C'est ainsi que, de toutes les religieuses missionnaires, ce fut la communauté du Grand Lac des Esclaves qui trouva le plus misérable Bethléem. A La Providence, une maison avait été bâtie pour elles; à Athabaska, elles eurent un hangar à elles; à Résolution, elles habitèrent un grenier d'emprunt.

La Sœur Boisvert écrit :

"Le 16 juin, nous arrivions enfin au cher Fort-Résolution, notre terre promise. Notre première visite fut à l'église pour rendre nos hommages au divin Maître, et lui offrir nos humbles personnes pour travailler à sa plus grande gloire et au salut des âmes. Nous avions aussi les plus vives actions de grâces à rendre à Dieu, de nous avoir protégées au milieu des nombreuses difficultés contre lesquelles nous avons eu à lutter, pour arriver au terme de notre voyage. Mais les fatigues, le froid surtout et le mauvais temps, loin d'affaiblir les forces semblaient en donner â celles qui n'en avaient pas, et les augmenter à celles qui en avaient déjà. La petite Sœur Ernestine seule fait exception à cette règle. Elle s'est sentie malade tout le long du voyage, ne pouvant même garder un peu de bouillon. A Saint-Albert, elle parut se remettre; mais à peine partie, une rougeur, que nous avions prise d'abord pour une piqûre de maringouin, lui causa de fortes douleurs.    Celle rougeur s'est agrandie et devenue une plaie.   Je fais reposer cette chère sœur et la soigne du mieux que je puis.

Nous avons eu la déception de ne pouvoir habiter notre couvent: les travaux ne sont pas assez avancés.

Nous  y entrerons, je crois, au commencement d'août.

En attendant nous avons pour logis le grenier de la maison des Révérends Pères.   Nous ne pouvions commencer une mission plus pauvrement. C'est bon signe, paraît-il.''

Le grenier en question mesurait quatre pieds de hauteur.  C'était  la remise  pour les attelages des chiens, traîneaux et  instruments divers, le garde-manger à viande et poissons secs, le dépôt des denrées alimentaires; et au surplus, ainsi que tout bon grenier du Mackenzie. il était hanté de souris, "qui, en nombre de mouches, paraissaient mécontentes de l'intrusion qui venait troubler la liberté de leurs ébats"!

Dans ce grenier, les religieuses…

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Message  Louis Mar 02 Fév 2016, 11:49 am

CHAPITRE VII

L'HOSPICE SAINT-JOSEPH

Fort-Résolution du grand lac des Esclaves

(1903)


(suite)

Dans ce grenier, les religieuses passèrent tout le temps de la canicule du Nord, laquelle est aussi extrême que ses froids. Chacune gagnait, en marchant à genoux, la couchette qui lui était assignée sous combles.

Le 24 juillet, sonna la délivrance.

Les frères, libres du service du Saint-Alphonse, qui les avait retenus pour la desserte annuelle des missions, s'étaient remis à l'œuvre. Le 23, ils commencèrent à poser le plancher  inférieur. Le lendemain, à quatre heure de  l'après-midi,  les sœurs étaient installées, avec cinq enfants, reçus le jour même de leurs parents sauvages retournant aux bois pour l'hiver: trois filles et deux garçons. Le couvent n'avait encore ni chambres, ni cloisons. Des couvertures tendues en faisaient l'office, et une échelle menait à l'unique étage.



Le premier et invariable article du programme, dans l'éducation du Nord, est le lavage complet des enfants. Ils arrivent déguenillés, crasseux, chassieux, grouillants de vermine, les pauvres petits !... Une heure après, vous les prendriez pour de petits blancs, beaux à croquer. Mais encore faut-il les blanchir: tâche peu commode, vu leur épouvante devant leur premier bain! Donc. Sr Honorine, cette après-midi du 24, venait de passer à l'eau l'un des deux... L'ayant déposé délicatement dans un tas de copeaux, le temps de s'en aller prendre, derrière la couverture voisine, petite chemise et petit pantalon frais, c'en fut assez. Elle trouva les copeaux frémissants. Le sauvageon, épris de la forêt, s'était enfui. Un frère, par bonheur, l'avait aperçu au passage. Il le ramenait déjà.

Aménagement et ameublement se poursuivirent.

Le P. Dupire, dans sa chronique, rend hommage aux vertus pratiquées durant ces semaines: " Le 30 août, le F. O'Connell installait les poêles dans la maison des sœurs, qui depuis longtemps grelottaient de froid dans leur palais, où tous les vents ont libre accès, et où elles acquéraient des mérites dont Dieu seul connaît la valeur, en supportant, non seulement avec courage et patience, mais de très bon cœur, la privation de toutes les commodités. Chères sœurs, ma conscience me rend le témoignage que j'ai fait l'impossible pour éviter les difficultés présentes... Dieu sait que nul plus que moi ne reconnaît, dans la sincérité de son cœur, que vous êtes des auxiliaires incomparables du missionnaire, et n'apprécie à sa juste valeur votre abnégation et votre dévouement."

Cette maison de vingt pieds sur trente fut, pendant  six années, l'hospice Saint-Joseph. C'en fut trois de trop, car le nombre des recrues ne tarda guère a déborder !a capacité de l'enceinte.

Le P. Mansoz, assistant du P. Dupire, lors de l'arrivée des religieuses, et témoin de tontes les épreuves, s'en exprime de la sorte: …

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Message  Louis Mer 03 Fév 2016, 2:16 pm

CHAPITRE VII

L'HOSPICE SAINT-JOSEPH

Fort-Résolution du grand lac des Esclaves

(1903)


(suite)

Le P. Mansoz, assistant du P. Dupire, lors de l'arrivée des religieuses, et témoin de toutes les épreuves, s'en exprime de la sorte:


"Ce local provisoire suffisait aux cinq sœurs et aux vingt-cinq enfants des trois premières années; mais le personnel des religieuses s'étant porté de cinq à neuf, et nos pupilles de vingt-cinq à quarante-cinq, cette habitation n'offrait plus même le confortable le plus indispensable. Durant le jour, il était relativement facile de placer tout le monde, car les cours de récréation étaient souvent mises à contribution; mais, le soir venu, la chose devenait scabreuse, et lorsque les sœurs, se réservant à peine un petit coin discret, alignaient tout leur petit monde, les juchant sur les tables et les armoires, ou les glissant dans les meubles, les anges gardiens étaient ravis devant ces prodiges d'adresse. Sans nul doute, Dieu se penchait alors paternellement sur nos orphelins; et leurs dévouées institutrices, pour les préserver de tout danger. Cependant, était-il permis de tenter le Ciel plus longtemps? On se pressa donc, on déploya tant d'activité, que le nouveau couvent et l'évêché furent emportés d'assaut avec décembre 1909."


De 1906, date où le P. Mansoz dut prendre la direction de la mission, à ce mois de décembre 1909, que de labeurs et de tours de force furent accomplis! Le couvent projeté exigeait, pour la partie principale, deux cent mille pieds de bois, et le moulin qui devait les livrer n'était pas lui-même construit. Pères et frères, â la suite de Monseigneur, se mirent au travail. Au cours de mars et avril 1907, les fondations du moulin furent jetées, malgré le froid intense. Dès le mois de mai, il attaquait un énorme radeau de cinq cents billots. Les planches sciées, toutes les énergies se tourneront vers le couvent et le nouvel évêché.

Monseigneur résolut de bâtir dans le bois, parce que la propriété de la Mission dans le Fort, se trouvant trop resserrée au milieu dès constructions voisines, n'eût point permis de donner aux édifices et à leurs dépendances les proportions désirables. L'emplacement choisi fut donc défriché, déblayé, et les frères purent poser les fondements, avant l'hiver.

En juin 1908, les Frères O'Connell et Kérantret, M. Gagnon, brave canadien, et quelques ouvriers indiens ou métis reprirent les travaux. L'hiver transporta sur d'autres champs, notamment celui de la pêche, très précaire celle année-là, l'activité générale. L'été 1909 passa aussi sans que ni couvent ni évêché fussent encore habitables... Pourtant il tardait à tous de vivre enfin !

"Le 2 novembre, les travaux reprirent avec plus d'élan encore...

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Message  Louis Jeu 04 Fév 2016, 12:15 pm

CHAPITRE VII

L'HOSPICE SAINT-JOSEPH

Fort-Résolution du grand lac des Esclaves

(1903)


(suite)

"Le 2 novembre, les travaux reprirent avec plus d'élan encore. Sa Grandeur, ayant prévu la possibilité d'achever l'année dans le nouvel emplacement, anima les volontés et fit déployer, en tout novembre, une activité prodigieuse, dans les deux communautés Saint-Joseph. Les pères et les frères, ayant à leur tête Monseigneur, consacrèrent leurs journées aux travaux d'installation les plus nécessaires. Les sœurs, pendant la dernière quinzaine du mois, firent les derniers préparatifs de déménagement et d'aménagement. Tous les jours, on vit défiler une troupe joyeuse d'enfants ployant sous leur fardeau, heureux d'aller meubler eux-mêmes leur futur palais... Le jour de l'invasion fut vraiment un jour de joie et de fête pour tous, car tous avaient été à la peine. Le premier dimanche de décembre, une messe d'actions de grâces fut chantée dans la chapelle du couvent. Le 8 décembre, on se réunit pour les agapes. Il n'y eut pas de discours prononcés, pas de toasts pour dire la joie de tous, c'était superflu. Le joyeux gazouillis des enfants et leurs éclats de rire nous arrivaient des salles voisines, et exprimaient assez éloquemment ce que chacun éprouvait dans l'intimité. Faire autour de soi des heureux, n'est-ce pas le comble du bonheur pour le coeur de l'apôtre? "

Sr Sainte-Albine se chargea de traduire à la maison-mère la joie des sœurs missionnaires.

" .. .Depuis la visite de notre bonne Mère Vicaire notre maison a subi une grande transformation. C'est à ne s'y pas reconnaître. Nous nous croyons nous mêmes sous l'impression d'un beau rêve. Mais, ré-



jouissez-vous avec nous, c'est bien une réalité; nous habitons enfin notre couvent neuf. A son retour de France, Mgr Breynat a poussé les travaux avec une telle activité, qu'en dépit des prévisions nous avons pu déménager au commencement de décembre. Ce fut un jour de grandes réjouissances et surtout d'actions de grâces. Aussi malgré l'extrême fatigue du déménagement, la joie, le contentement se lisaient sur toutes les figures. Pour sa part, Monseigneur semblait avoir déposé un lourd fardeau qui l'accablait depuis longtemps. Il est admirable de bonté et de dévouement pour nous. La bénédiction de la maison fut faite par Sa Grandeur, et fut suivie d'un salut d'actions de grâces où, de toute l'effusion de notre cœur, nous avons remercié le bon Dieu et notre père saint Joseph de l'heureuse issue de cette entreprise hérissée de difficultés sans nombre.

Quoique à demi-terminé, notre couvent est confortable; les appartements sont vastes et bien éclairés. Notre petite chapelle est jolie et porte au recueillement. Le système de chauffage fonctionne à merveille, et nous fait oublier la rigueur de nos froids polaires. Jusqu'aux mouches et aux maringouins qui, en sentant cette douce chaleur, se sont réveillés, croyant l'été arrivé. Ils bourdonnent à qui mieux mieux. C'est joli en hiver, mais ça promet pour l'été prochain. Bien sûr, il y aura de quoi expier toutes nos sensualités..."

Pauvres sœurs, les sensualités du Mackenzie!

Elles n'attendirent pas l'époque des maringouins pour…

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Message  Louis Ven 05 Fév 2016, 12:36 pm

CHAPITRE VII

L'HOSPICE SAINT-JOSEPH

Fort-Résolution du grand lac des Esclaves

(1903)


(suite)

Pauvres sœurs, les sensualités du Mackenzie!

Elles n'attendirent pas l'époque des maringouins pour les expier, ni pour apprendre qu'en cage dorée on peut encore souffrir... et de la faim.

Elles écrivaient bientôt :

"Le nombre de nos enfants est limité par notre crainte de les faire jeûner. Nous manquons de poisson; une partie de la pêche d'automne est gâtée par le dégel. La pêche faite sous la glace ne rapporte presque rien relativement aux besoins. Il n'y a pas de caribous cet hiver, et nous sommes à bout de provisions. Notre situation est vraiment critique. Nous prions et faisons force promesses à saint Joseph... Cette détresse nous fait sentir que Dieu seul est notre protecteur, et nous sommes heureuses de souffrir pour la belle oeuvre qu 'il nous a confiée."

Le chroniqueur de la mission nous dépeint lui aussi cette extrême disette, mais finalement il conclut comme on devait s'y attendre, par une louange à l'honneur du père nourricier du Mackenzie:

'"L'année 1910 fut riche en épreuves, surtout pendant les quatre premiers mois. Monseigneur fut heureusement parmi nous, pour nous encourager et nous diriger.

"'Notre grenier était vide: les souris même étaient inconsolables... Nos soixante enfants durent être rationnés plus que jamais. Confiants en la Providence, nous essayâmes tous les moyens possibles pour sortir de cette pénurie désolante. Cinquante hameçons furent tendus près de l'Ile-aux-Œufs (â dix-huit milles environ du Fort) ; plusieurs furent essayés aussi avec quelques rets, aux Iles Brûlées. Ce dernier essai étant nul, et la pêche à l'lle-aux-Œufs, sans être abondante, donnant meilleur résultat, nous continuâmes jusqu'à fin mars, époque des carpes à la rivière au Bœuf... Lorsque, après la retraite annuelle, en février, les Frères Joseph Beeksehoeffer et Kérautret partirent pour le chantier, le P. Duport et le F. Jean-Marie continuèrent la pêche à l'Ile-aux-Œufs, ramenant une quinzaine de truites chaque fois. N'ayant à leur service que les chiens impotents, laissés ici à cause de  leur inutilité, ils passèrent de bien tristes moments sur le lac. Dieu, ayant pour agréables leur bonne volonté et les sacrifices si généreusement acceptés, récompensa leur dévouement et bénit leurs pénibles travaux. Ces deux vaillants trouvèrent pour nos enfants le pain quotidien...

"Ceux qui connaissent la truite de nos grands lacs du Nord savent qu'à la longue, ce poisson fatigue et le goût et les estomacs. Nos enfants tirent une neuvaine à saint Joseph, le priant, de leur trouver un morceau de viande. Le bon Patriarche s'émut sensiblement à la prière de ces petits et, le 19 mars, jour de sa fête, il nous envoya six orignaux. Le cher Saint reçut les remerciements et les actions de grâces de tous, surtout du bon père économe, le P. Duport, qui revoyait dans ses greniers l'abondance d'autrefois."

Et ainsi, d'abondance à disette, dans la joie des enfants de Dieu toujours, s'écoulèrent les années.

Le couvent Saint-Joseph du Grand Lac des Esclaves, tout achevé depuis quelques mois, avec ses cinquante embrasures, sur ses cent quarante-quatre pieds de front, surmonté de son toit "français", couronné de son beffroi à la croix blanche, est sans doute le plus beau monument élevé par le Mackenzie, à la gloire de Dieu et de l'Eglise.

Dix sœurs missionnaires y préparent à la vie chrétienne cent enfants, venus de tous les bois, qui bordent la rivière des Esclaves et le Grand Lac.

A suivre : Chapitre VIII. Nouvelles Fondations.

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Message  Louis Sam 06 Fév 2016, 12:17 pm

CHAPITRE VIII

NOUVELLES  FONDATIONS

Fort-Smith —  Fort-Simpson  — MacMurray

Les Esquimaux


(1914-1916)


FORT-SMITH

La Mission montagnaise Saint-Isidore du Fort-Smith forme le seuil du vicariat du Mackenzie. Etablie par le P. Gascon qui la visitait du Grand Lac des Esclaves, elle eut pour premier missionnaire résidant, en 1888, le P. Joussard, aujourd'hui évêque auxiliaire de Mgr Grouard.

Le Fort-Smith, situé au pied des derniers rapides infranchissables à la navigation vers l'Océan Glacial arctique, et par suite, entrepôt nécessaire des voies fluviales de l'Alberta et du Mackenzie, armé de pouvoirs hydrauliques inépuisables, sera sans doute l'un des premiers centres actifs des exploitations industrielles futures de l'Extrême-Nord. Cette perspective ne pouvait échapper au regard du premier pasteur du Vicariat, et c'est pourquoi Mgr Breynat voulut doter le Fort-Smith d'un hôpital et d'une école.




L'hôpital fonctionne depuis 1914, et l'école depuis 1915, aux mains des Soeurs Grises.

Les fondatrices, Révérende Mère Léveillé, provinciale et supérieure locale, Sœurs Fortin, Gadbois et Beaudry, celle-ci bientôt remplacée par Sr Jobin, arrivèrent aux premières vêpres de la Saint-Jean-Baptiste. La construction de l'hôpital était à peine commencée. Un appentis étroit fut la demeure provisoire des sœurs. Un malade venu trop tôt dut se contenter de la chambre de Monseigneur, au presbytère. Mais le moulin à scie de Résolution avait fait bonne besogne: les planches étaient là, et les travaux, sous la direction du P. Josso, allèrent bon train.

Le 24 août, les sœurs prirent possession de l'édifice actuel, destiné lui-même à devenir l'aile droite d'une grande construction. Le P. Mansoz, supérieur de la mission, y célébra la première messe, le 8 septembre, fête de la Nativité de Marie; et le 31 décembre, il écrivait dans son journal:

"Que Dieu soit à jamais béni de nous avoir donné de mener à bonne fin l'achèvement de l'hôpital, dont la belle oeuvre est connue le point de départ d'une ère de prospérité et de bénédictions pour la mission du Fort-Smith."

L'hôpital, déjà insuffisant en 1916…

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