Hôtel du Parlement du Québec

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Message  Roger Boivin Sam 04 Avr 2015, 11:06 am



Sous l’œil de Dieu: l’Assemblée nationale


Hôtel du Parlement du Québec Plafon10


L’humanisme laïciste aura fait bien des ravages au Québec. Aujourd’hui, pour bien comprendre le phénomène, il faut absolument faire la distinction entre deux groupes d’individus. Le premier groupe, beaucoup plus restreint, est composé des philosophes humanistes qui travaillent à répandre et à populariser l’idéologie laïciste – les initiés. L’autre groupe, issue des masses, est composé des individus moins aptes à la réflexion qui se rangent derrière les idées préconçues les plus populaires tout en prétendant être maîtres de leur conscience – les réguliers. Le premier groupe lance le second à l’assaut des cibles à abattre. D’ailleurs, ce modèle de relation penseurs/suiveurs s’applique à pratiquement toutes les doctrines sociales qui relèvent de l’intelligence humaine.

Nous verrons ici comment cette prétendue quête philosophique de la perfection humaine qui nie toute existence du surnaturel a fini par faire perdre le sens du réel à ses adeptes…


L’homme-animal à l’Assemblée

Ce qui est remarquable avec la doctrine humaniste, c’est qu’elle réussit réellement à rendre ses partisans réguliers binaires à un point tel que le laïcard québécois ne pense plus qu’à deux choses : à lui-même et à sa proie. L’esprit d’analyse, le sens de l’observation et le goût des découvertes - qui animaient son ancêtre catholique et éclairaient l’âme de ce dernier devant la moindre parcelle de la création comme devant une merveille - sont morts étouffés par les contraintes spirituelles que l’idéologie laïciste impose à son intelligence.

Voilà donc notre homme-animal dépourvu d’esprit à l’Assemblée nationale. Que voit-il?  

Les hommes et les femmes qui parlementent le destin de sa nation? Le mobilier, les murs qui ont vu se tracer l’histoire politique d’une race au fil des siècles?

Non, il ne voit qu’une chose, parce qu’il ne cherche qu’une chose. Le laïciste a une cible précise : le crucifix au dessus du trône, l’ennemi que les initiés lui ont désigné.

Le fait est que l’Hôtel du Parlement est un bâtiment catholique, dessiné par un catholique, construit par des catholiques et décoré par des catholiques pour abriter le gouvernement catholique d’un peuple catholique. Difficile à dire combien il y a de croix, réelles ou illustrées sur les murs et les plafonds de notre parlement canadien-français, mais une chose est sûre, c’est qu’il y a assez d’éléments religieux pour ridiculiser la pathétique obsession qu’éprouve le Mouvement Laïque Québécois et ses camarades para-politique envers un simple Crucifix.


À l’image d’un peuple apostolique

Le premier indice qui peut aider un laïcard à se situer et à prendre conscience de l’ampleur de sa tâche déchristianisatrice se trouve à peine un mètre au-dessus du Dieu crucifié. Les armes de la Grande-Bretagne, dont la présence nous rappelle une défaite, mais dont l’inscription en français nous rappelle aussi une époque glorieuse sur le vieux continent, figurent là au-dessus du trône et du crucifix: « Dieu et mon droit ».
Hôtel du Parlement du Québec Dieuet11


Et nos laïcistes, dont l’œil perçant scrute le Fils de Dieu sur sa croix, sont-ils articulés? Leur philosophie leur permet-elle au moins de lever les yeux au ciel?  Vraisemblablement, la  fresque de l’artiste Charles Huot intitulée, Je me souviens, qui décore le plafond de l’Assemblée Nationale, n’est pas pour eux non plus. Qu’ils le veuillent ou non, c’est sous un magnifique chef-d’œuvre - où l’on peut voir les héros de notre race au Paradis, entourés d’anges, Jacques Cartier tenant son énorme croix tout en haut - que délibèrent leurs élus au fil des sessions parlementaires.


À chacun son architecte

Notre grand architecte à nous, Étienne-Eugène Taché, en bon artiste canadien-français et catholique, allait s’inspirer lui aussi de la Tradition chrétienne. Dans les cas où c’était géographiquement possible, les églises et autres bâtiments religieux ont toujours préconisé l’orientation de l’édifice vers l’est. Le soleil, qui se lève à l’est, est un symbole de lumière utilisé abondamment dans les Livres Saints pour désigner Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. » dit Saint Jean au tout début de son Évangile. Vers l’est aussi parce que nous attendons de l’est le retour du Fils de l’homme qui viendra comme l’éclair qui parcourt le ciel de l’orient à l’occident.

Comble du malheur pour nos humanistes laïcistes, qui sont encore dans le salon bleu du parlement à scruter le Crucifix, l’architecte Taché a choisi d’orienter l’Hôtel Parlementaire vers l’est - et cela spécialement pour la raison religieuse.

Hôtel du Parlement du Québec Relegi10


Aussi nos ennemis de la religion n’ont  pas vu, pendant leur marche entêtée vers la salle de l’Assemblée, la façade magnifique de l’œuvre de Monsieur Taché, couverte d’anges et de héros de la race, éclairée par le soleil levant. À droite de la tour sont assises deux femmes de bronze, œuvre du sculpteur Louis-Philippe Hébert. Cette œuvre qu’on appelle La patrie et la religion représente la pieuse, une main tendue au ciel, l’autre main tenant le Credo. La patrie, pour sa part, est accoudée aux côtés de la religion, un glaive en main pour protéger sa sœur.

Sur les 26 statues de bronzes des grands de notre histoire qui décorent la façade, 7 représentent des personnages religieux. Le saint martyr Jean de Brébeuf tend courageusement son crucifix et sainte Marguerite Bourgeoys  fait de même, comme pour défier les sans-Dieu. Veillent avec eux le récollet Nicolas Viel, Monseigneur de Montmorency Laval, le sulpicien Jean-Jacques Olier, Marie de l'Incarnation et  le jésuite Jacques Marquette. Même les blasons des jésuites et des récollets se retrouvent sculptés dans la façade.

Aveuglés par leur haine du Christ en croix placé là depuis quelques décennies seulement, nos militants laïcards n’ont jamais rien vu de tout cela.


Ils ont des yeux et ne voient pas

L’humaniste laïciste régulier est donc un aveugle, particulièrement dans le cas qui nous intéresse. Ses maîtres à penser le guident et le dirigent contre les manifestations extérieures de la Foi catholique. Il n’a plus la faculté de distinguer l’ensemble du « problème » auquel sa philosophie le confronte. Il n’a plus la capacité d’exprimer sa pensée toute simple, il connait par cœur le lexique révolutionnaire et la cassette anticléricale des philosophes qui ont fixé sa doctrine, un point c’est tout.

L’exemple du Crucifix à l’Assemblée nationale est frappant.  La question qu’il devrait se poser est plutôt la suivante : comment laïciser un État où tout est imprégné de religion et comment faire régner la laïcité d’État dans un bâtiment où tout a été inspiré par l’amour de Dieu? Pourtant, sa solution est toute bête, sortons le Crucifix, voilà tout.

Saint Paul avait vu juste dans sa première Épitre aux Corinthiens :

« Et nous en parlons, non avec des discours qu'enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu'enseigne l'Esprit, employant un langage spirituel pour les choses spirituelles.
Mais l'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge.
L'homme spirituel, au contraire, juge de tout, et il n'est lui-même jugé par personne. »
(1  Cor II, 13-15)

Hôtel du Parlement du Québec Statue10




Source : http://www.tradition-quebec.ca/2015/03/sous-lil-de-dieu-lassemblee-nationale.html



Eugène-Étienne Taché :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne-%C3%89tienne_Tach%C3%A9


Dernière édition par roger le Dim 05 Avr 2015, 7:55 am, édité 1 fois
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Message  Roger Boivin Sam 04 Avr 2015, 3:12 pm



Quant à la sorce d'où ce texte provient, soyons prudents, voici ce qu'on y dit ici :

La source a écrit:
NOS ACTIVITÉS

Conférence sur la théorie du genre avec monsieur l'abbé Berteaux [de l'école Sainte-Famille de Lévis de la FSSPX].

(...)

LIENS INTERÉSSANTS

Fraternité Sacerdotale Saint Pie X - Canada
Fraternité Sacerdotale Saint Pie X - France


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https://messe.forumactif.org/t6446-interessant-sur-l-assemblee-nationale-du-quebec#115924

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Message  Roger Boivin Sam 04 Avr 2015, 7:55 pm



TACHÉ, EUGÈNE-ÉTIENNE, arpenteur, ingénieur civil, fonctionnaire et arpenteur, né le 25 octobre 1836 dans la paroisse Saint-Thomas (à Montmagny, Québec), fils de sir Étienne-Paschal Taché*, futur premier ministre de la province du Canada et père de la Confédération, et de Sophie Baucher, dit Morency ; le 18 juillet 1859, il épousa à Québec Éléonore Bender (décédée en 1878), puis le 22 octobre 1879, au même endroit, Clara Juchereau Duchesnay ; de ses 12 enfants, trois, nés du second mariage, lui survécurent ; décédé le 13 mars 1912 à Québec.

Issu de la bourgeoisie canadienne-française, Eugène-Étienne Taché fréquente l’école primaire de Saint-Thomas puis le petit séminaire de Québec, en 1846–1847 ; comme son père, ministre et conseiller législatif, doit suivre les déplacements du siège du gouvernement, Taché étudie ensuite à Montréal, à Toronto, où il est inscrit à l’Upper Canada College en 1849, puis de nouveau au petit séminaire de Québec de 1852 à 1855, où il termine sa première année de philosophie. Il entreprend par la suite un stage de trois ans en arpentage, sous la direction de l’architecte et arpenteur Frederick Preston Rubidge*, au département des Travaux publics ; il travaille 18 mois au sondage d’un canal qui doit relier Montréal au lac Huron par la rivière des Outaouais, projet supervisé par l’ingénieur civil Walter Shanly*. Le 10 janvier 1859, il est nommé arpenteur pour le Haut-Canada. L’année suivante, il termine son apprentissage à Québec, auprès de l’ingénieur et architecte Charles Baillairgé*, qui compte déjà Étienne-Paschal Taché parmi ses clients.

Taché est admis à la profession d’arpenteur-géomètre le 14 octobre 1861 et est engagé, la même année, comme dessinateur et arpenteur au département des Terres de la couronne. Il ne séjourne toutefois à Ottawa qu’en 1866 ; après la Confédération, le 20 septembre 1869, il devient commissaire adjoint (sous-ministre) du département des Terres de la couronne de la province de Québec. Il conservera ce poste jusqu’à sa mort, sous 13 ministres différents.

En marge de son travail d’arpenteur et de cartographe, Taché se passionne de culture, d’art et d’histoire. Il est un ardent francophile, sentiment auquel le patriotisme militant de son père et de Joseph-Charles Taché*, cousin d’Eugène-Étienne, n’est sans doute pas étranger ; s’étant de surcroît découvert un lien de parenté avec Louis Jolliet*, il se prend d’intérêt pour l’histoire de la Nouvelle-France que le Québec de la seconde moitié du xixe siècle est à retracer. Surtout, il affectionne l’art : quelques leçons du peintre Théophile Hamel* en 1862–1863 ont conduit Taché à illustrer « Forestiers et Voyageurs ; étude de mœurs », œuvre de son cousin Joseph-Charles parue dans les Soirées canadiennes (Québec) en 1863 et présentée à l’Exposition universelle de Paris en 1867. Ses 14 dessins lui valent des éloges de la presse canadienne.

Il était donc naturel que Taché, comme avant lui Théophile Hamel, entreprenne en 1867 le pèlerinage européen alors indissociable de la culture nord-américaine. Â son retour, une fois dégagé des soucis financiers grâce à son poste de commissaire adjoint, il s’engage dans une carrière parallèle, celle d’un architecte-artiste armé des connaissances techniques de sa profession, certes, mais surtout formé en dessin conceptuel, intéressé par les problèmes de composition et stimulé par l’historicisme romantique étreignant le monde européen qu’il a découvert.

Dilettante, Taché est exclu du milieu des architectes nord-américains : au lieu du stage de clerc qui forme les professionnels de l’époque, il forge sa culture architecturale dans les livres qu’il acquiert et les revues, surtout françaises, auxquelles il s’abonne. Tout à fait à l’écart de la modernité étasunienne qui se fait jour et de l’éclectisme qui caractérise l’œuvre de ses contemporains américains, Taché allait pourtant laisser une empreinte indélébile, et fort particulière, à Québec : en intervenant dans la conception des principaux édifices institutionnels de la ville, il allait construire l’image de la nouvelle capitale.

En effet, en cette seconde moitié du xixe siècle, les découvertes de l’archéologie et de l’histoire ont substitué, au monolithisme stylistique, un catalogue de modèles parmi lesquels les artistes choisissent désormais sciemment les expressions et les symboles recherchés. C’est ainsi qu’en 1874 l’architecte William Henry Lynn, répondant à l’invitation du gouverneur général lord Dufferin [Blackwood*], propose de remplacer les fortifications désuètes de la ville de Québec par une nouvelle enceinte parée de tourelles, échauguettes et crénelures droites issues du Moyen Âge, dont l’image pittoresque devait rappeler la mémoire romantique des fortifications anciennes.

Quand lord Dufferin dépose ce projet d’embellissement de Québec, en 1874, l’heure est à la célébration de l’histoire et c’est un tel vœu de commémoration, cette même année, qui vaut à Taché sa première réalisation. Catholique confirmé, voire dévot, il reçoit la commande de neuf arcs de triomphe temporaires destinés à être installés dans les rues de la ville pour marquer le bicentenaire de l’érection du diocèse de Québec. Les dessins « délicatement cadrés » de l’artiste-architecte, encore exposés au public quatre ans plus tard, révèlent ses compétences : sous prétexte d’une chronique de la chrétienté, les arcs de triomphe de « style des Catacombes », « Latin », « Byzantin », « Romain » ou « Gothique » ont soudainement introduit l’histoire de l’architecture tout entière dans les rues de Québec. L’architecte a fait la preuve irréfutable de son expertise en matière d’expression historique ; aussi, à peine un mois après l’érection des arcs de triomphe, Taché reçoit du gouvernement conservateur de Charles Boucher de Boucherville – il en est un partisan reconnu – le mandat de préparer les plans du premier édifice de la capitale, l’Hôtel du Parlement.

Il s’agit notamment pour Taché de concevoir une esthétique, un style qui soit significatif au regard de la vocation de l’édifice. D’autres architectes de Québec, dont François-Xavier Berlinguet et Charles Baillairgé, soumettront des plans, mais ils seront refusés. Par rapport au néo-classicisme archaïque de leurs projets, révélateur de l’engourdissement du milieu architectural de Québec, celui que Taché présente en 1875 s’abreuve à l’esthétique française, très en vogue depuis le célèbre agrandissement du Louvre, berceau de l’architecture Second Empire qu’il avait d’ailleurs visité à Paris. L’esthétique de l’Hôtel du Parlement se démarque aussi du projet des fortifications qui, s’il prétendait restituer une mémoire de la Nouvelle-France, appartenait surtout au langage pittoresque de la Grande-Bretagne. Enfin, et surtout, le propos stylistique de Taché se distingue de l’éclectisme américain, qui puise plutôt dans les motifs catalogués de l’architecture contemporaine ; au lieu de s’inspirer de l’agrandissement du Louvre, où l’on avait interprété l’ornementation du xvie siècle à la recherche d’un style typiquement français, Taché emboîte le pas aux architectes du Second Empire et choisit de se référer au Vieux Louvre, monument de la Renaissance française. Le langage du premier édifice de la capitale, construit de 1877 à 1886, est clair : ancré au même passé que celui du style national de la France, il pose, avec un vocabulaire moderne, la première pierre de l’identité stylistique de la province et légitime les origines françaises de la « nation » naissante.

Dans cet Hôtel du Parlement plus sobre, plus rigoureux que ne l’auraient été les compositions éclectiques d’architectes américains, Taché entreprend de consolider son propos historique dans un programme iconographique d’une envergure inégalée à Québec. Alliant peinture d’histoire, statuaire et sculpture d’armoiries, l’architecte, assisté de l’artiste Napoléon Bourassa, compose un panthéon de l’histoire canadienne, là dans une fontaine « dédiée aux races sauvages de l’Amérique du Nord », là dans les sculptures de James Wolfe*, de Paul de Chomedey* de Maisonneuve et d’autres personnages, ou dans lés tableaux de scènes recréées notamment à partir de l’Histoire du Canada [...] de François-Xavier Garneau*.

Toujours afin « d’historier » la capitale et son Hôtel du Parlement, Taché, qui sera d’ailleurs le promoteur des premiers grands monuments commémoratifs de Québec, dont celui de Samuel de Champlain* (1898), se plonge dans l’étude de l’héraldique, d’une part afin de doter ses contemporains d’armoiries de nature à léguer une mémoire, d’autre part afin de réincarner le passé canadien au moyen des armoiries des personnages de l’histoire, qu’il retrouve ou recrée, tout simplement. Pour le Palais législatif (l’aile de façade du Parlement), on approuve ainsi officiellement, le 9 février 1883, un nouvel emblème national : les armoiries de la province de Québec, auxquelles Taché ajoute la devise qu’il a créée, fort éloquente, Je me souviens.

À cette devise, Ernest Gagnon souhaitait associer une autre devise du cru de l’architecte, Née dans les lys, je grandis dans les roses ; il faut dire que c’est dans cet esprit que l’intense activité symbolique de Taché atteint un point culminant quand, en février 1883 – l’Hôtel du Parlement n’est pas encore terminé –, il livre les plans du nouveau palais de justice de Québec. Taché paraît y trouver le rapport idéal entre la commémoration historiciste et la composition d’une architecture « québécoise ». En effet, entre les armoiries – créées pour l’occasion – de Champlain et de Jacques Cartier*, qui ornent la façade de l’édifice, l’architecte compose un véritable « ordre québécois », comme il existait déjà un ordre français et un ordre étasunien, établis dans la lignée des ordres de l’architecture classique grecque et romaine : il associe la fleur de lys (la France), la rose (l’Angleterre) et la feuille d’érable (le Canada). Une histoire nationale est désormais écrite dans les murs de la capitale moderne.

Le palais de justice de Taché, bien entendu, rompt avec le modèle plutôt britannique des palais de justice canadiens, codifié à Ottawa. À l’esthétique consacrée à laquelle aurait puisé un architecte « professionnel », Taché avait naturellement préféré une continuité stylistique entre ce deuxième édifice de la capitale et l’Hôtel du Parlement, en optant toutefois pour une référence antérieure, plus près des châteaux de la Loire du début du xvie siècle que du Vieux Louvre, c’est-à-dire plus cohérente avec l’époque des découvreurs, Cartier et Champlain, que la façade de l’édifice, historiquement crédible, commémorait comme s’ils avaient assisté à son érection.

Avant même la fin de l’année 1883, Taché impose à Québec un nouveau symbole d’âge, dans un troisième édifice, le manège militaire. Il y conserve l’iconographie héraldique et la symbolique des fleurs de lys et des feuilles d’érable, mais il remonte aux modèles des châteaux médiévaux, antérieurs au classicisme français qui avait motivé la conception de l’Hôtel du Parlement et du palais de justice. Vieillissant ainsi toujours, en quelque sorte, les origines de la ville, ce même vocabulaire à la limite du xve siècle inspirerait Taché en 1890, dans l’avant-projet du « Fortress Hotel », qui devait guider, deux ans plus tard, l’architecte Bruce Price* dans la conception du château Frontenac ; les armoiries qui ornent cet édifice portent irréfutablement son empreinte.

D’un effet considérable dans l’histoire de l’architecture de Québec, voire de la province, la carrière d’architecte de Taché a été brève. Après 1890, Taché ne connaît plus de réalisations de l’envergure de ses projets antérieurs. Il n’en établit pas moins son érudition. C’est ainsi qu’il change de répertoire lorsqu’il dessine les plans du monastère des Franciscaines missionnaires de Marie à Québec (1895), qu’il opte, dans le cas de la loge du portier de Spencer Wood, à Sillery (1890), pour le vocabulaire pittoresque approprié à l’emplacement boisé et qu’il imagine un « trophée imité d’une des portes de la citadelle de Québec » comme pavillon de la province de Québec à une exposition tenue en Jamaïque (1891) ; ce bâtiment, revêtu de bardeaux de cèdre censés représenter l’usage canadien – bien avant que n’apparaisse le shingle style –, est réalisé par Philippe Vallière.

Il se peut que sa charge de travail au gouvernement ait contribué à écourter la carrière architecturale de Taché. Il faut dire toutefois que la construction de l’Hôtel du Parlement, terminée en 1886, avait finalement coûté un million de dollars, cinq fois le montant prévu, ce qui n’aidait sans doute pas la réputation de l’architecte à une époque où la rapidité d’exécution et la modernité sur le plan technique occupaient de plus en plus les esprits. Quand le libéral Lomer Gouin* devient premier ministre en mars 1905, il doit peu à ce « vieux bleu », comme on le qualifie. Taché a alors 68 ans. Son projet de bibliothèque pour le Parlement, qu’il a soumis en 1900, est finalement mis de côté ; en 1917, le gouvernement optera pour un édifice conçu par les architectes Georges-Émile Tanguay* et Jean-Omer Marchand*, libéraux notoires.

Érudit du xixe siècle, Taché avait peu d’intérêt pour l’architectonique. S’il s’applique volontiers dans la production de centaines de plans, souvent en couleurs, pour les détails ornementaux, et même s’il engage des dessinateurs pour perfectionner le rendu de ses projets, il laisse aux ingénieurs et architectes des Travaux publics l’aménagement des espaces, le fonctionnement mécanique et la technologie de la construction. Ainsi, quoiqu’il ait sans doute été compétent en la matière, il s’associe à Jean-Baptiste Derome, du département des Travaux publics, pour la conception et l’érection de l’Hôtel du Parlement ; quant au palais de justice, la presse a écrit que Taché en concevait « les façades ».

L’architecte-artiste qu’était Taché se distinguait ainsi de l’ingénieur, du constructeur et de l’homme de métier. Il limitait à l’essentiel l’apport de l’architecte au paysage construit. Cet intérêt esthétique fut partiellement responsable de sa disqualification, à l’aube du xxe siècle, quand il s’avéra que l’historiciste avait peu à offrir à l’américanité rationaliste naissante. Cependant, l’œuvre de Taché, comme il le souhaitait, a irrémédiablement marqué le paysage urbain. En 1906, Taché a été nommé au comité d’embellissement de Québec en prévision des célébrations de 1908 ; il concevrait d’ailleurs la médaille commémorative du tricentenaire. Déjà, en 1880, il avait imaginé un grand parcours historique cerclant la ville, qui ouvrirait la voie à l’aménagement du parc des Champs-de-Bataille. Pour Taché, témoin des embellissements du préfet Georges-Eugène Haussmann à Paris, la ville était un vaste ensemble, dans lequel les édifices, mis en réseau par une esthétique et une logique cohérentes, devenaient autant de monuments. Il ne faut donc pas s’étonner que toutes les architectures qu’il a conçues dans sa carrière se retrouvent en bordure d’un seul axe, la Grande Allée.

Taché a laissé à ses contemporains le souvenir d’un travailleur modeste, d’une conscience professionnelle et d’une assiduité proverbiales. En 1903, le journaliste Hector Fabre* écrivait : « on ne l’a jamais vu hors de son bureau, dans les heures occupées, guère, dans les heures inoccupées [...] on le rencontre pressé toujours de se rendre à son bureau ». L’homme qui avait coiffé l’Hôtel du Parlement d’une allégorie intitulée Religion et Patrie, qui avait inventé en 1880, au moment de la fête de la Saint-Jean-Baptiste, la devise des ferblantiers Mon innocence est ma forteresse était à la fois un monarchiste, un francophile et un catholique sincère ; il jouissait de l’admiration de la plupart de ses contemporains. Nommé, entre autres titres, compagnon de l’ordre du Service impérial en 1903, ce doyen des fonctionnaires fut célébré en grande pompe lorsque, en novembre 1911, il conclut sa cinquantième année de service au gouvernement. Il mourut quatre mois plus tard, le 13 mars 1912. Longtemps après ses funérailles imposantes, à la basilique Notre-Dame de Québec, la ville pleura le décès d’une « des plus grandes figures de Québec », d’un « patriote exemplaire » et d’un « homme de génie ».

Ce « parfait fonctionnaire », dévoué commis de l’État aux côtés de Siméon Le Sage* et de Pamphile Le May, avait offert à ses contemporains les fruits nombreux d’un talent réel : parmi d’autres, il avait réalisé quatre cartes de la province de Québec, « modèles d’exactitude et de clarté » selon Pierre-Georges Roy*, dont une, éditée en 1870, lui avait valu une médaille de bronze à l’Exposition universelle de Paris, en 1878. À Québec, Taché a surtout a son crédit d’avoir légué une culture : ponctuellement, il recommanda par exemple que Louis-Philippe Hébert, sculpteur pour l’Hôtel du Parlement, acquière une formation poussée à Paris ; il est aussi incontestable que le peintre Charles Huot*, œuvrant à l’Hôtel du Parlement, y apprit de Taché les fondements de son art. Et l’architecte, s’il ne revendiqua jamais ce titre, alimenta d’une production graphique sans précédent un nombre considérable de projets d’édifices et d’aménagements intérieurs – son fonds recèle notamment les plans de plusieurs œuvres religieuses pour les congréganistes – qui sans doute parsèment la ville, sans pourtant la mémoire de sa signature.

L’historiographie n’a guère reconnu l’inventivité de Taché, ni sa modernité. À la recherche d’un style national, Taché avait, comme les Français, constitué une véritable agence d’architecture de l’État, en encourageant l’emploi de plusieurs architectes ; or ceux-ci, répétant jusque dans les années 1920 une recette dépouillée de la puissance créatrice de l’historicisme de son initiateur, ont dénaturé la recherche moderne de Taché. Ils en ont fait une dérive formelle rétrograde, forcément déclassée en regard des nouveaux courants de la modernité.

Eugène-Étienne Taché avait profité du rayonnement de la France dans la seconde moitié du xixe siècle pour ennoblir d’une histoire la mémoire canadienne-française par l’héraldique et l’expression architecturale. Même si son œuvre ne l’imposa pas comme créateur, elle fut considérée comme « un enseignement et un exemple pour sa race », ainsi que le faisait remarquer le Soleil au lendemain de sa mort. La ville de Québec, au début du xxe siècle, devait en effet à Taché une bonne part de son image française, et la capitale provinciale sa richesse historique, qu’elle arbore encore aujourd’hui.


Lucie K. Morisset et Luc Noppen


Pour une connaissance plus poussée d’Eugène-Étienne Taché et de son œuvre, on consultera : [Luc Noppen et Gaston Deschênes], l’Hôtel du Parlement, témoin de notre histoire (Québec, 1986) et, surtout, le manuscrit plus fouillé en la possession de Luc Noppen, préparé en 1985 et qui est à la base de cette publication ; Émilie de Thonel d’Orgeix, « Eugène-Étienne Taché, architecte (1836–1912) : l’influence française à Québec, durant la seconde moitié du dix-neuvième siècle » (mémoire de m.a, univ. de Toulouse Le Mirail, France, 1989) ; Francine Hudon, « l’Architecte de l’Hôtel du Parlement de Québec : Eugène-Étienne Taché (1836–1912) », Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec, Bull. (Québec), 9, nos 3–4 (1979) : 40–50.

AN, Division des arch. audio-visuelles et cartographiques, NMC–17844.— ANQ-Q, CE1-1, 18 juill. 1859, 22 oct. 1879 ; CE2-7, 26 oct. 1836 ; CN1-112, 18 janv. 1853 ; E9, corr. générale, 1891, no 2003 ; P–286.— Arch. privées, Mme Marie Boisvert (Québec), lettre des héritiers Taché au gouvernement du Québec, 1913.— ASQ, Fichier des anciens.— Musée du Québec (Québec), Fonds Gérard-Morisset, dossier Eugène Taché.— Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec (Québec), Liste des arpenteurs-géomètres.— L’Action sociale (Québec), 13 mars 1912.— Le Canada (Montréal), 14 mars 1912.— Le Canadien, 18 janv. 1867.— L’Éclaireur (Québec), 21 mars 1912.— L’Événement, 13, 16 mars 1912.— Le Journal de Québec, 17 janv. 1878.— Montreal Herald, 25 avril 1891.— Le Soleil, 13–14, 16, 18 mars 1912.— Christina Cameron, Charles Baillairgé, architect & engineer (Montréal et Kingston, Ontario, 1989), 174.— Canadian biog. dict., 2 : 73–75.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2 : 376.— George Dickson, A history of Upper Canada College, 1829–1892 (Toronto, 1893), 301.— Ernest Gagnon, le Fort et le Château Saint-Louis (Québec) ; étude archéologique et historique (2e éd., Montréal, 1908), 162.— La Peinture au Québec, 1820–1850 ; nouveaux regards, nouvelles perspectives, sous la dir. de Mario Béland (Québec, 1991), 307.— Québec, Parl., Doc. de la session, 1869–1870, rapports du commissaire des Terres de la couronne, 1867–1870.— The roll of pupils of Upper Canada College, Toronto, January, 1830, to June, 1916, A. H. Young, édit. (Kingston, 1917), 578.— P-G. Roy, la Famille Taché (Lévis, Québec, 1904).


Source : Dictionaire Biographique du Canada : http://www.biographi.ca/fr/bio/tache_eugene_etienne_14F.html

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Message  Roger Boivin Dim 05 Avr 2015, 8:49 am



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Message  ROBERT. Dim 05 Avr 2015, 11:15 am

roger a écrit: http://www.paricilademocratie.com/approfondir/lieux-de-pouvoir/37-l-hotel-du-parlement

Merci Roger pour cette mine de renseignements. Wink

Très Joyeuses Pâques à vous, cher Roger, ainsi qu'à toute votre famille.
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Message  Roger Boivin Dim 05 Avr 2015, 11:22 am


Merci Beaucoup, Robert, et joyeuse Pâques .. et de la part de Marie aussi, qui t'envoie ses souhaits .. et de la part de Anne-Marie. sunny
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Message  ROBERT. Dim 05 Avr 2015, 12:21 pm

roger a écrit:
Merci Beaucoup, Robert, et joyeuse Pâques .. et de la part de Marie aussi, qui t'envoie ses souhaits .. et de la part de Anne-Marie. sunny

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