Minuit Chrétiens - Mathieu Bock-Côté - blogue journal de Montréal.

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Message  Roger Boivin Sam 27 Déc 2014, 9:50 am


Je suis un peu en retard, mais le texte est trop beau pour le laisser passer :


Mathieu Bock-Côté
Mercredi, 24 décembre 2014 14:44 MISE à JOUR Mercredi, 24 décembre 2014 14:55


Je suis baptisé mais je ne suis pas certain d’avoir la foi. Pour tout dire, je sais bien que je ne l’ai pas. Du moins, je ne sais pas trop ce que cela peut bien vouloir dire, avoir la foi. Je devine qu’un individu ne possède pas la foi comme il possède un tournevis ou un gant de baseball. Il s’agit probablement, mais je n’en sais rien, d’une certitude intime, difficile à traduire en parole. À  moins qu’il ne s’agisse d’un sentiment intermittent, qui vient et qui repart, et qu’on cherche et qu’une pratique religieuse plus ou moins encadrée permet d’approfondir, de solidifier, et peut-être même, de mieux comprendre. Mais bien franchement, je ne sais pas trop.

Et pourtant, j’essaie. J’ai trop de respect pour ceux qui l’ont pour la mimer, et je crains toujours de me livrer à une forme de comédie spirituelle lorsque j’ai l’impression, pour quelques heures ou quelques journées de l’avoir. Quand j’ai la foi, j’ai l’impression non pas de découvrir Dieu, mais d’apercevoir une part de la condition humaine qui m’échappe en temps normal, que certains hommes, les prêtres et les moines, cultivent et gardent. Si on leur demande, ils peuvent nous y guider un peu, mais j’ai l’impression que l’essentiel relève de la part la plus intime de chacun. Il m’est déjà arrivé de prier, de me recueillir devant la croix. C’est moins parce que je l’ai décidé, à la manière d’un choix éclairé, mais parce que je me sentais attiré vers elle, sans trop savoir ce que j'y voyais. Les symboles ne sont pas impuissants.

Je suis baptisé mais je n’ai jamais communié et je n’ai pas été confirmé. C’est ma malchance et ma chance. Ma malchance, car j’aimerais bien que tout cela soit fait, à la manière d’un héritage qu’il me suffirait d’assumer. Et demander les sacrements, à l’âge adulte, porte autrement à conséquence que les recevoir dans l’enfance, quand tout cela va de soi, à la manière d’un parcours balisé qu’on suit parce que nos parents nous le disent et parce que la société nous y incite fortement. Mais c’est aussi ma chance, car si un jour, je fais le chemin qu’il me reste à faire vers l’Église, ce sera consciemment. Je ne sais trop si j’en serai capable. À chaque fois que j’ai l’impression d’y être, je sens en moi un étrange dialogue intérieur, qui tourne toujours à l’avantage de ma part sceptique. Je me traite alors de comédien se livrant à un théâtre intérieur pour vivre un semblant de quête spirituelle, et je retourne à mes activités ordinaires.

J’ai constaté une autre chose avec les années : je me rapproche du catholicisme en lisant les grands écrivains qui s’en réclament mais je le fuis quand j’entends un curé à la foi chancelante me livrer un sermon tiède que je distingue péniblement d’un discours de croissance personnelle. Le Journal d’un curé de campagne de Bernanos me rapproche infiniment plus du catholicisme que ses représentants actuels. D’ailleurs, j’ai souvent l’impression que mes amis qui ont la foi et qui sont pratiquants le sont non pas grâce à l’institution, mais malgré ce qu’elle est devenue. Mais je ne veux pas parler en leur nom. J’évoque ce livre et un passage me vient à l’esprit. «Oh ! Je sais parfaitement que le désir de la prière est déjà une prière, et que Dieu n'en saurait demander plus». Je ne sais plus trop qui a écrit que chercher la foi, c’est déjà l’avoir trouvé, mais le passage cité de Bernanos y vient manifestement en écho.

Celui qui prend au sérieux la question de la foi, même dans un monde déchristianisé comme le nôtre, où le désir de spiritualité est étouffé, ou alors, se disperse en des millions de petites religions personnelles bricolées sur mesure, assume au moins une chose : une part de la réalité lui échappe, le réel ne s’épuise pas dans le visible, dans l’univers matériel qui nous entoure. Les rites religieux, traditionnellement, permettaient justement d’apercevoir, le temps d’une messe ou d’une prière, cette part manquante, ou du moins, de l’imaginer, et d’ainsi, s’y connecter. N’est-ce pas pour cela qu’une religion ne devrait pas chercher à se dépouiller pour arriver à quelque chose comme une foi pure, libérée de scories historiques et culturelles? C’est par la médiation des rites immémoriaux, en quelque sorte, qu’on peut apercevoir ce qui se dérobe à l’expérience sensible.

Si je me convertis un jour, si je demande la communion, puis la confirmation, ce sera en bonne partie grâce au Minuit Chrétiens, qui depuis toujours, me touche intimement, d’une manière que je ne saurais expliquer. Plusieurs s'en moquent. Elle représente pour moi la part la plus belle du christianisme, son récit fondateur, qui éclaire à sa manière le monde depuis quelques années déjà. La foi s'y présente dans une belle simplicité populaire, sans fioriture, à la manière d'une évidence qu'il suffira seulement, ensuite, de cultiver. Qu'on se tourne vers le ciel et qu'on y décèle une présence ou qu'on l'imagine vide, je ne vois pas comment ne pas être ému par ce récit qui est celui d'une humanité qui trouve sa rédemption dans l’amour sacrificiel plus grand que tout, plus beau que tout, d’un Dieu qui donne son fils pour offrir aux hommes le salut. En un mot, Minuit Chrétiens me donne envie de croire. Même si je ne sais trop ce que cela pourrait vouloir dire ni comment faire. « Il voit un frère où n’était qu’un esclave/L’amour unit ceux qu’enchainait le fer ». Ce sont des paroles magnifiques.

En un mot, la foi populaire m’interpelle davantage que la foi savante, intellectualisée, qui me fascine, certes, mais relève davantage chez moi d’une enquête intellectuelle ne touchant pas les profondeurs de l’existence. Peut-être est-ce parce que je suis nostalgique d’une foi simple, qui allait de soi, qui n’a pas connu la corrosion causée par le rationalisme moderne. Je n’ai pas l’agnosticisme désespéré et je ne crois pas qu’un monde sans Dieu ne vaut pas la peine d’être vécu. Aucunement. N’y aurait-il que cette vie qu’elle serait merveilleuse. Mais je sens bien qu’on ne saurait, en petits modernes arrogants et fiers d’eux-mêmes, congédier d’un coup la quête spirituelle de l’humanité et les grandes religions qui lui ont permis de s’incarner, de s’adapter à la diversité des cultures et des civilisations. Je n’ai pas envie de cracher sur la foi de nos pères, ou devrait-on dire, aujourd’hui, de nos grands-pères. La foi sans la culture monte facilement à la tête des hommes, qui se croient d’un coup illuminés par l’absolu. Et la foi avec la culture, on appelle cela la religion.

Ce soir, ce sera la nuit de Noël. C’est un moment de vérité pour chacun. C’est à ce moment qu’une famille unie fait l’expérience d’une communion profonde dans un amour qui peut dès lors surgir, à la manière d’une grâce où chacun laisse de côté ses obsessions quotidiennes pour retrouver la part sacrée de l’existence. Les sentiments profonds se trouvent à nouveau confirmé. Mais c’est à ce moment aussi que les familles brisées, désunies, abimées par une modernité qui nous décharne en croyant nous libérer, font des efforts absolument remarquables pour s’unir à nouveau, en espérant pour quelques minutes renouer les liens intimes qui se sont déchirés avec le temps, mais qui pourraient encore renaître, si la grâce de Noël opère, si quelques souvenirs fondateurs viennent réunir des êtres que la vie avait séparés. C’est peut-être là qu’on trouve quelque chose qui ressemblerait à la part divine de l’existence?


http://www.journaldemontreal.com/2014/12/24/minuit-chretiens

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Message  gabrielle Dim 28 Déc 2014, 7:44 am

Effectivement le texte est bien. Il cherche a combler le vide qu'il doit ressentir.
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Message  ROBERT. Dim 28 Déc 2014, 11:05 am

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Fasse que Notre-Seigneur l'inspire à chercher dans la doctrine de l'Église.

Si, malheureusement, il se tourne vers la secte, il n'y trouvera que le néant..dertal !
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Message  Roger Boivin Dim 28 Déc 2014, 12:13 pm



Trois choses :




- « .. je me rapproche du catholicisme en lisant les grands écrivains .. »

J'aurais aimer connaître le nom de ces grands écrivains, mais lui poser la question sur son blogue est inutile, il ne répond jamais. J'espère que ce ne sont pas des modernistes, comme Teilhard de  Chardin, Chenu, congar, etc.





- « Le Journal d’un curé de campagne de Bernanos », est-ce correct ? Bernanos, je ne le connais, est-ce un bon auteur ?





- « Mais je sens bien qu’on ne saurait, .. , congédier d’un coup la quête spirituelle de l’humanité et les grandes religions qui lui ont permis de s’incarner, de s’adapter à la diversité des cultures et des civilisations. »

« les religions qui lui ont permis de s'incarner »  Minuit Chrétiens - Mathieu Bock-Côté - blogue journal de Montréal. 531927
Pauvre m. Bock-Côté ! lui aussi croit qu'il y a plusieurs religions qui sont bonnes, donc ui sont d'origine divine ! No
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