Saint Bernard repousse les attaques dont il se voit l'objet par suite de la malheureuse issue de la croisade.

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Message  ROBERT. Mar 25 Sep 2012, 11:29 am

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LES CINQ LIVRES DE LA CONSIDÉRATION DE SAINT BERNARD,
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX AU PAPE EUGÈNE III.


LIVRE II.


CHAPITRE I. Saint Bernard repousse les attaques dont il se voit l'objet
par suite de la malheureuse issue de la croisade.




1. Je n'ai pas oublié la promesse que je vous ai faite il y a bien longtemps déjà, très-excellent et très-saint père Eugène, et je veux enfin m'acquitter envers vous, dût-il être un peu tard pour le faire.


Je rougirais d'avoir tant différé si je devais l'imputer à l'indifférence ou à l'oubli; mais il n'en est rien, vous savez que cela tient aux événements importants (a) qui sont survenus et qui semblaient devoir mettre fin non seulement à nos travaux et à nos études, mais à notre existence même. Nous avons vu le Seigneur, provoqué par nos infidélités, nous traiter comme si, avant les temps marqués, il eût déjà jugé la terre, dans sa justice, sinon dans sa miséricorde; car il a semblé ne plus se souvenir de son peuple et n'avoir plus aucun souci de la gloire de son nom. Aussi avons-nous entendu les nations infidèles s'écrier: "Où donc est maintenant leur Dieu (Psaume CXIII, 2) ?" Comment s'en étonner? Les enfants de l'Eglise, ceux qui ont l'honneur de porter le titre de Chrétiens, ont succombé au milieu des déserts, moissonnés par le glaive ou consumés par la famine? "Les princes sont tombés dans le dernier mépris (a), et le Seigneur les a fait errer hors du droit chemin dans des lieux impraticables (Psaume CVI, 40), où tous leurs pas n'ont été marqués que par des afflictions et des malheurs (Psaume XIII, 7)." Aussi la peur, le chagrin et la honte ont assiégé "les rois eux-mêmes au fond de leurs palais (Psaume CIV, 30)." Hélas! Quelle confusion pour les ministres de la parole de Dieu qui avaient promis la paix et annoncé toutes sortes de succès ! Nous avions dit: "Vous aurez la paix, et la paix est loin de nous (Isaïe LII, 7)." Nous n'avions parlé que d'avantages à remporter, et nous n'avons vu que des déroutes, si bien que nous semblons avoir agi en cette circonstance avec imprudence et légèreté.



a En effet, à l'époque où saint Bernard écrivait ces lignes, les gens du monde faisaient éclater leurs murmures et leurs plaintes de la fâcheuse issue qu'avait eue la croisade. V. aux notes.

a Du temps de saint Bernard, ce passage du psaume CVI, verset 40, se lisait un peu différemment de la version actuelle. Il y avait contentio au lieu de contemptio , comme on le voit par un passage de Guillaume de Tyr, livre XVI, chapitre 21. Nous avons préféré la seconde version à la première comme étant plus conforme à l'expression grecque des Septante, exoudenosis.




Il est certain que je me suis lancé dans cette entreprise avec une grande ardeur, mais on ne peut pas dire que ce fut au hasard, puisque je n'ai fait qu'obéir à vos ordres, ou plutôt aux ordres de Dieu même qui me parlait par votre bouche. Comment donc se fait-il que nous ayons jeûné et qu'il n'ait pas jeté les yeux sur nous; que nous ayons humilié nos cœurs et qu'il n'en ait point tenu compte ? Car rien de et que nous avons fait n'a apaisé sa colère, et son bras est encore levé sur nos tètes. Avec quelle patience cependant ne continue-t-il pas à entendre les voix sacrilèges et les blasphèmes des Égyptiens, qui disent hautement qu'il n'a conduit son peuple dans le désert que pour l'y faire périr (Exode XXXII, 12) ? Et pourtant les jugements de Dieu sont justes et équitables, nul n'en saurait douter; mais celui-ci est pour moi un tel abîme que je n'hésite point à proclamer bienheureux tous ceux qui n'en prendront point occasion de se scandaliser.




ŒUVRES COMPLÈTES DE SAINT BERNARD, LES CINQ LIVRES DE LA CONSIDÉRATION DE SAINT BERNARD,
PREMIER ABBÉ DE CLAIRVAUX AU PAPE EUGÈNE III. Tome II, p. 127 à 235
TRADUCTION NOUVELLE PAR M. L'ABBÉ CHARPENTIER, PARIS, LIBRAIRIE LOUIS DE VIVÈS, ÉDITEUR, 9, Rue Delambre, 9, 1865.

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Message  ROBERT. Mer 26 Sep 2012, 3:09 pm

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LIVRE II.


CHAPITRE I. Saint Bernard repousse les attaques dont il se voit l'objet

par suite de la malheureuse issue de la croisade.







2. Après tout, d'où vient aux hommes la témérité de reprendre ce qu'ils ne sauraient comprendre ? Rappelons-nous que les décrets de Dieu sont éternels, si cela peut être une consolation pour nous, comme ce l'était pour celui qui disait: "Je me suis souvenu que vos jugements sont éternels, et ce m'a été une consolation (Psaume CXVIII, 52)."



Je vais dire une chose que personne n'ignore et que tout le monde oublie en ce moment, car tels sont les hommes, ils perdent de vue, quand ils devraient s'en souvenir, les choses qu'ils ont présentes à l'esprit quand ils n'en ont que faire. Lorsque Moïse voulut tirer son peuple de la terre d'Égypte, il leur promit de les mener dans une contrée plus fertile (Exode III, 37); car il n'aurait pu autrement se faire suivre d'un peuple qui n'estimait que la terre. Il lui fit en effet quitter l'Égypte, mais ne l'introduisit pas aussitôt dans la terre qu'il lui avait promise. Gardons-nous bien d'imputer à la témérité du chef ce triste événement qu'il n'avait pas prévu; il n'agissait en toute occasion que par l'ordre de Dieu et avec son concours, car le Seigneur confirmait sa mission par de continuels prodiges. Vous me ferez sans doute remarquer que Ie peuple hébreu avait la tête dure et se révoltait continuellement contre Dieu et contre Moïse, son serviteur; qu'ils n'ont que trop bien mérité leur châtiment et que c'étaient des incrédules et des rebelles; les nôtres, au contraire, quel mal ont-ils fait ?



Demandez-le-leur, vous répondrai-je; pourquoi vous dirai-je ce qu'eux-mêmes ne feront point difficulté de vous avouer ? Je ne dirai qu'une chose et vous demanderai seulement comment les Hébreux auraient pu arriver au terme de leur voyage en revenant sans cesse sur leurs pas ? Et les nôtres, que de fois leur arriva-t-il aussi de revenir, par les désirs de leur cœur, en Égypte. Si les Hébreux tombèrent et périrent pour leur iniquité, pourquoi nous étonner que les croisés, coupables des mêmes crimes, aient reçu le même châtiment ? Dira-t-on que le malheur des premiers est en contradiction avec les promesses de Dieu ? Celui des seconds ne l'est pas moins, car les promesses de Dieu ne peuvent jamais préjudicier en rien à sa justice. Mais écoutez un autre exemple.





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Message  ROBERT. Mer 26 Sep 2012, 3:13 pm

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LIVRE II.


CHAPITRE I. Saint Bernard repousse les attaques dont il se voit l'objet

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3. Benjamin a prévariqué, toutes les autres tribus prennent les armes pour punir son crime, Dieu même le leur ordonne, en même temps qu'il met à leur tête le chef qui doit les conduire au combat. Les voilà donc qui en viennent aux mains ayant pour elles l'avantage du nombre, la bonté de leur cause et, ce qui vaut mieux que tout; cela encore, la faveur du Tout-Puissant. Mais "que Dieu est terrible dans ses desseins sur les enfants des hommes (Psaume LXV, 5) !" On vit les vengeurs du crime fuir devant ceux qu'ils venaient châtier et la troupe la plus nombreuse tourner le dos à celle qui l'était moins. Cependant ils ont recours à Dieu, et Dieu leur dit: "Retournez au combat." Ils le font sur sa parole et sont une seconde fois mis en déroute, Ainsi voilà des hommes justes qui, d'abord assurés de la faveur de Dieu, puis obéissant à ses ordres formels, combattent pour la justice et succombent; mais plus leur valeur fut déçue, plus leur foi éclata.




Quelle opinion pensez-vous qu'auraient de moi nos chrétiens si, retournant une seconde fois (a) au combat sur ma parole et succombant de nouveau dans la lutte, ils m'entendaient leur dire encore: Recommencez une troisième fois l'entreprise où vous avez deux fois échoué ? Eh bien, les enfants d'Israël, ne comptant pour rien une première et une seconde défaite, obéissent une troisième fois à l'ordre de Dieu, et remportent enfin la victoire. Peut-être nos chrétiens diront-ils: Qui nous assure que c'est Dieu qui nous parle par votre bouche ? Quels miracles faites-vous pour que nous croyions en vous ? Il ne m'appartient pas de répondre, et on comprendra le sentiment qui me fait garder le silence (b); mais vous, Eugène, répondez vous-même pour moi, et dites ce que vous avez vu de vos yeux et entendu de vos oreilles; ou plutôt répondez d'après ce que vous inspirera le Seigneur.




a On voit dans les lettres deux cent cinquante-sixième, deux cent quatre-vingt-huitième et trois cent quatre-vingt-sixième, et dans la Vie de saint Bernard, livre III, chapitre IV, pour quelles raisons notre saint Docteur a prêché la croisade.


b Saint Bernard fait ici allusion aux miracles qui accompagnèrent sa prédication de la guerre sainte. Voir sa Vie, livre IV, chapitres V et suivants, ainsi que sa lettre deux cent quarante-deuxième aux habitants de Toulouse et les notes qui l'accompagnent.






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Message  ROBERT. Jeu 27 Sep 2012, 3:07 pm

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4*. Mais peut-être vous demandez-vous pourquoi j'insiste tant sur un sujet qui semble n'avoir aucun rapport avec celui que je me proposais de traiter. Ce n'est pas que j'aie perdu ce dernier de vue, mais ce que je viens de vous dire ne me parait pas étranger à ce sujet. En effet, s'il m'en souvient bien, c'est de la considération que j'avais l'honneur d'entretenir Votre Sainteté; or le sujet que je viens de toucher est assez grand pour réclamer une considération attentive. Si les grandes choses méritent d'attirer l'attention des grands, quel homme plus que vous, qui n'avez pas d'égal sur la terre, doit considérer celle-là d'un œil plus attentif ?



Mais c'est à vous, avec la sagesse et la puissance que vous avez reçues du Ciel, de voir ce que vous avez à faire dans les circonstances présentes, ce n'est pas à un humble religieux comme moi de vous dire: Faites ceci ou cela; il me suffit de vous avoir rappelé que vous avez quelque chose à faire pour consoler l'Eglise et fermer la bouche à ses détracteurs. Permettez que ces quelques lignes me servent d'apologie, et trouvez bon que je les dépose dans votre cœur, pour me servir de justification auprès de vous, sinon aux yeux de ceux qui ne jugent des choses que sur l'événement. Le témoignage d'une bonne conscience est la meilleure de toutes les apologies, et je ne me mets point en peine de ce que pensent de moi ceux qui appellent bien ce qui est mal, et mal ce qui est bien; qui prennent la lumière pour les ténèbres et les ténèbres pour la lumière. (Isaïe V, 20). D'ailleurs, s'il faut qu'on murmure, j'aime mieux que ce soit contre moi que contre Dieu, et je m'estimerai infiniment heureux de lui servir de bouclier, et de recevoir les traits acérés des médisants et les dards empoisonnés des blasphémateurs pour qu'ils n'arrivent point jusqu'à lui. Je fais volontiers bon marché de ma propre gloire pourvu qu'on respecte la sienne, qui me fera la grâce de pouvoir m'écrier avec le Prophète: "C'est pour vous, Seigneur, que j'ai souffert tant d'opprobres et que mon visage est couvert de confusion (Psaume LXVIII, 8)." Car je n'ambitionne pas d'autre gloire que de ressembler au divin Rédempteur et de pouvoir m'écrier avec lui: "Les outrages de ceux qui s'élevaient contre vous sont retombés sur moi (Psaume LXVIII, 10). »



Mais il est temps que je revienne à mon sujet et que je poursuive le but que je m'étais marqué. (La note * suit…)




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LIVRE II.



*NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON.

LIVRE II. CHAPITRE I, n. 4.




233. Cela tient aux événements importants qui sont survenus. L'expédition de la Terre-sainte que saint Bernard avait prêchée lui-même, eut une fin malheureuse: de là contre notre Saint des plaintes et des murmures qu'il s'efforce de repousser et de détruire au commencement de ce livre. Il ne faut pas croire qu'il fut seul de son avis, plusieurs autres écrivains ont abondé dans son sens, soutenu la bonté de sa cause et montré qu'il n'avait rien fait pour s'attirer tous les reproches qu'on lui a adressés. Voyez Geoffroy, livre III de la Vie de saint Bernard, chapitre IV et Othon de Freisingen dans ses faits et gestes de Frédéric, livre I, chapitre LX où, après avoir fait plusieurs considérations philosophiques sur ce sujet, il continue en ces termes: "Cette expédition malgré le nombre des chrétiens auxquels elle a coûté la vie, fut bonne et salutaire; si elle ne contribua pas à l'agrandissement du royaume de Palestine, et si elle dévora des masses de guerriers, elle fut du moins utile à une multitude d'âmes, pour lesquelles elle fut une occasion de salut. D'ailleurs, en disant que le saint abbé Bernard était inspiré de Dieu pour nous prêcher la croisade, et que c'est nous qui, dans nos désordres et notre orgueil oubliant ses salutaires recommandations, avons causé tous les malheurs de cette entreprise et la perte de tant de monde, nous ne dirions rien qui ne fût parfaitement conforme à la raison et à ce qui s'est vu autrefois." Tel est le langage d'Othon, qui prit part à la Croisade, vit tout de ses propres yeux et dont on ne peut révoquer en doute la véracité. Voir la lettre CCCLXXXVI de Jean de Casa-Mario à saint Bernard, et Guillaume de Tyr, dans Baronius, à l'année 1148, où il est question des causes qui ont amené l'insuccès de l'expédition.




Mais qu'on nous permette de rapporter ici le sentiment d'un auteur contemporain sur les causes de l'insuccès de la seconde Croisade; cet écrivain, d'une valeur incontestable et d'une foi reconnue, c'est Guillaume de Neubridge; voici comment il s'exprime dans son Histoire d'Angleterre, livre I chapitre XX: "L'histoire nous apprend, dit-il, qu'autrefois une armée considérable fut souillée par le crime secret d'un seul homme et que, dépouillée par là de la protection divine, elle n'offrit plus que le spectacle d'une armée languissante et sans force. Le Seigneur, consulté sur ce qui se passait, répondit que le peuple était frappé d'anathème et ajouta: L'anathème est au milieu de vous, Israël, tu ne pourras pas soutenir l'effort de tes ennemis, jusqu'à ce que celui qui est souillé de ce crime soit exterminé du milieu de toi (Josué VII, 13).




Or, notre armée avait tellement foulé aux pieds toutes les lois chrétiennes en même temps que la discipline militaire, qu'on ne peut s'étonner qu'elle ait paru souillée et immonde aux yeux de Dieu et ait éloigné d'elle sa protection divine. Si on ne consulte que l'étymologie du mot, les camps ne sont appelés ainsi, — castra — que parce qu'on en a banni la débauche. Mais il s'en fallait bien qu'il en fût de la sorte de notre camp où, par une licence déplorable, les plus honteux désordres régnaient presque sans partage. Pleins de confiance dans leur nombre et dans leur tactique, nos troupes comptaient beaucoup plus sur la force de leurs bras de chair que sur la puissance et la miséricorde du Seigneur pour lequel il semblait qu'elles avaient pris les armes: aussi ont-elles été une preuve éclatante que Dieu résiste aux superbes, tandis qu'il accorde sa grâce aux humbles.




De plus, on vit les nôtres se livrer au pillage sur les terres mêmes d'un Empereur chrétien avec lequel ils avaient fait alliance, et qui avait donné ordre qu'on leur fournît toutes sortes de provisions et qu'on ne les laissât manquer de rien; cette conduite irrita l'Empereur qui tourna ses armes contre eux en même temps qu'il intercepta les vivres dont ils avaient besoin, et ne recula pas, tout chrétien qu'il était, devant l'effusion du sang de tant de soldats chrétiens comme lui. Personne n'apportant plus rien au camp, et nos soldats ne pouvant plus s'écarter pour chercher des vivres, il s'ensuivit une disette affreuse qui les décima; enfin, les Turcs leur tendirent des embûches dans lesquelles ils donnèrent et, ils périrent sous le fer des ennemis, ou bien, faits prisonniers, ils se virent réduits à la plus honteuse des servitudes. La colère divine, excitée par l'orgueil et les désordres des masses, ne se borna point à ces châtiments, des pluies qui tombèrent en abondance avant le temps causèrent des inondations qui firent périr encore plus de monde que le glaive des ennemis. Tous ces fléaux réunis réduisirent presqu'à rien les deux plus belles armées qu'on eût vues, et les deux grands princes qui s'étaient mis à leur tête parvinrent à peine avec les rares débris de leurs troupes à gagner Jérusalem d'où ils revinrent avec la honte de n'avoir rien fait de mémorable.
" Tel est le récit de Neubridge. (Note de Horstius.)





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