Franchise et Sincérité

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Message  Roger Boivin Dim 24 Jan 2010, 5:50 pm

Régis a écrit:Oui, je suis d'accord avec vous, c'est super bien !

Mais vous lui rendriez service si vous disiez aussi les points faibles que vous avez rencontrez. Celui lui permettrait de progresser.

Par exemple, moi j'ai trouvé le défaut qu'il n'y avait pas de pose entre les questions réponses des dialogues....si bien que l'on a du mal à savoir qui dit quoi.
Ma soeur a trouvé aussi qu'il n'y avait pas de pose entre les phrases qui avaient tendance à trop s'enchaîner.

Alors Benoît ! PAUSE ! POSE-toi ! BON n'exagère pas, on ne te demande pas une pose café à chaque point !

J'ai une PRÉFACE pertinente ici, tirée du tout début d'un livre de poésie de Reine Malouin, LES MURMURES, 1939. Quoique ce ne sont que quelques passages qui m'intéressaient de vous citer pour le sujet qui nous occupe ici, j'ai quand même cru bon de le transcrire au complet - excusez la longueur. Voici :


La franchise, cette mâle vertu, n'a pas les charmes de la sincérité : La première, plus belle, naît dans le crâne et convainc; la seconde, plus jolie, rayonne du coeur et persuade. L'une, plus authentique, ignore les ménagements et le délicat doigté de l'autre, plus attentive.

Aussi Vauvernargues prétend-il que " la franchise est une sincérité sans voile "; mais sa nudité crue risque de blesser, sa beauté rigide manque de grâce, et son regard austère déplaît à l'âme sensitive de la femme, mais non point, pourtant, à l'esprit plus viril et logique de la poétesse. L'artiste véritable qu'est Reine Malouin, sait combien la franchise est une chose précieuse et féconde.

Au dedans, en effet, la franchise est cette claire vue de la conscience professionnelle qui censure nos négligences, décèle nos faiblesses, nous reproche nos fautes inexorablement. Le simple aperçu de nos multiples lacunes, toujours humiliant, ne laisse pas de refroidir la faible flamme, mais ranime, au contraire, le feu sacré en le dotant d'une force épuratoire unique, source des géniales étincelles. Devant l'Art, le moi impuissant bat une coulpe salutaire et accepte ensuite courageusement tous les sacrifices, toutes les immolations, toutes les peines, toutes les patiences nécessaires à l'avancement :

" L'Art ne se livre pas sans maintes cruautés " ( Reine Malouin )

Au dehors, la franchise est ce sentiment profondément noble qui nous porte à rejeter tout ce qui sonne le clinquant, sent la frime, la prétention ou l'éloge outré, pour nous diriger de préférence vers la simplicité toujours modeste : vraie grandeur de la personnalité qui se base sur le respect de soi-même.

Forte de ces belles dispositions, madame Malouin n'hésite pas à affronter le public auquel elle offre à respirer sa gerbe de fleurs poétiques épanouies au soleil du coeur.

J'ai parlé tantôt de faiblesses, de lacunes. Est-ce à dire que vous en relèverez dans cet essai de publication nullement présomptueux ? Hélas, peut-être bien ! Je crois, par exemple, que vous y retrouverez les traces des vieux défauts de notre " École littéraire ". Que voulez-vous ! L'ignorant et l'adulateur se sont si fidèlement donné le mot et la main, chez-nous, pour prodiguer sans discernement les louanges et les applaudissements, qu'ils doivent être tenus responsables en dernier ressort de l'éclosion de tant d'inepties, contribuant de la sorte à l'appauvrissement d'une athmosphère intellectuelle déjà rarifiée. - " Spiritus flat ubi vult " : L'esprit crétin, snob, flagorneur boursouffle volontiers. -

Puis, et surtout, l'absence d'amis au goût sûr, aux conseils avisés et francs, de cette " franchise qui franchit la barrière des égards ", n'a-t-elle pas privé de nos plus belles têtes d'une critique, d'un soutien moral indispensables, les abandonnant à leur suffisance au sein d'une " ignorantia crassa et supina " ?

Le spirituel auteur de " NOS IMMORTELS " ( de Germain Beaulieu ), gémissait encore naguère sur notre sens critique et notre ambiance culturelle, l'un comme l'autre fauteurs éminents de nos péchés mignons.

Il faut tout de même que l'amitié apprenne à préférer l'honnêteté à la congratulation lâche et fâcheuse, et qu'elle sache que, pour mériter la confiance qu'on met en elle, elle doit s'efforcer d'être au moins sincère, si elle refuse d'être franche.

Loin de ma pensée d'y aller de ma petite pointe malicieuse. Je veux bien plutôt souligner ici la qualité prodigieuse de certains de nos beaux esprits qui, à l'instar des plantes vivaces, doivent plus à leur propre vigueur qu'à la terre où ils ont grandi de pouvoir illustrer dans plus d'un domaine le Canadien-Français à la face des deux mondes.

Comme il leur a fallu de constance, de ténacité, d'intuition, de talent et de génie pour se perfectionner à ce point, nonobstant la pénurie d'argent ( nommez-moi nos mécènes ), à l'encontre des fausses mentalités familiales et sociales, et en dépit de professeurs au cerveau bourré de préceptes arides, stérilisés à l'enseignement quotidien de méthodes indigestes, ou borné à l'étroitesse d'une règle commune et routinière à laquelle s'adaptent mal les talents exceptionnels !

Voilà, sans doute, la genèse de nombreux bacheliers - et bachelières - satisfaits; car, avant de sévir contre l'élève bien doué et appliqué, je m'en prends à la discipline. Après le baccalauréat, combien d'étudiants, déjà mûrs, devant l'imminence de la médiocrité, incapable par ailleurs de se payer un séjour à la Sorbonne, n'ont plus d'espoir qu'en leurs seuls traités, ces vieux savants, ces longanimes confidents : couteux amis toutefois.

Ma constatation vise-t-elle quelqu'un ? Encore une fois je vous garantis qu'elle n'a pas de cible si elle a des armes, et, loin d'épauler, elle demande une amnistie pour nos misères, sollicite l'indulgence, implore secours et souhaite la paix pour l'obscur travailleur.

Mon intention n'est donc pas de jouer la mouche qui n'a jamais tiré le coche. Je suis vraiment d'avis qu'il faille plutôt nous féliciter d'avoir, malgré tout, eu ce que nous avons eu; mais si je dois m'apitoyer sur le piètre sort que nous faisons à ceux que de remarquables aptitudes destinent aux sommets et qui s'étiolent dans la plaine, croyez-bien que j'ai sujet de m'émerveiller, par contre, de l'ascension vertigineuse de quelques-uns.

Je suis heureux de citer Reine Malouin en exemple à tous mes compatriotes, Enfants, elle reçut une instruction moyenne, c'est-à -dire médiocre. Cependant un goût inné la pressa, au sortir de l'adolescence, à reprendre ses manuels et à pousser plus avant ses études; de telles sorte que, femme, elle puisse se dire une autodidacte accomplie.

Elle produisit, dès lors, ses premiers poèmes. Ici, que de maladresses et de tâtonnements ! Mais là, plus de sureté, plus de correction. Une date, au bas de quelques feuillets de ce volume, éclairerait une marche montante singulière et continue que mêle le classement des chapitres. Enfin, le recueil qu'elle soumit ( décembre 1936 ) au concours de l'ACADEMIE DE LA BALLADE FRANÇAISE ET DES POEMES A FORME FIXE, en lui gagnant le premier Prix d'Académie sur tous ses concurrents de France, de Belgique, du Canada, du Maroc, d'Italie et de la Martinique, couronna magnifiquement ses efforts, la consacra virtuose du vers.

Ses loisirs ne furent donc pas bonnement végétatifs, ni ses heures solitaires, infécondes. Aussi, peut-elle écrire :

" Mon silence n'est pas une pause muette ".

Quand on ne l'entend plus dans la maison, m'a-t-on raconté, c'est qu'elle travaille à ses rêveries; elle recherche la solitude où le mot plus sonore rime davantage. C'est là que, se formant l'oreille, elle accorde si bien sa lyre qu'elle lui arrache ces accents qui nous emportent au soufle d'un merveilleux don poétique. Le rythme est enchanteur; certaines strophes sont des modèles de facture et marqueront dans notre Histoire littéraire. Cette opinion n'ira pas sans étonner mon auteur qui s'exprime bien différemment :

" Si je trace des vers ce n'est pas pour la gloire;
Que pourrais-je laisser à la postérité ?
Je ne lèguerai pas un grand nom à l'Histoire :
Ma vie est un éclair dans une obscurité. "
.......................................................
" Je ne cherche jamais d'où me vient un poème,
S'il a le droit de vie ou l'orgueil du vainqueur;
J'obéis seulement à cette voix suprême
Qui chante dans moi-même et me berce le coeur ".

" La Ballade des Feuilles ", A l'Astre du Jour ", l'Ode au Bonheur ", le rondeau du " dépit ", le " Pantoum " le sonnet " A la Langue Française ", et que d'autres sont, à mon sens, d'une lecture extrêmement agréable. Si, de page en page, il se rencontre des inégalités, cela dépend des hauteurs. Cela n'empêchera pas la source de jaillir, ni ses murmures de faire entendre leur petit bruit en polissant le fond; ni le ruisseau de se grossir des affluents de l'expérience, ni le roc anguleux de la critique de le faire chanter plus fort; ni un second ouvrage plus parfait de succéder au premier.

Et si j'osais une comparaison transposée en musique, je dirais : à la cadence de ses progrès, Reine Malouin, plus chanceuse que Giuseppe Verdi, écrira son Falstaff bien avant sa quatre-vingtième année.

Pour celui, maintenant, à qui l'on a demandé de préparer ce discours préliminaire, ceci : Le Préfacier s'est inspiré des premières paroles de la Préface canonique, la plus belle de toutes : " Vere dignum et justum . . ", qu'il traduit pour les adapter par vrai, digne et juste. Il a voulu appliquer ces trois qualificatifs plutôt que d'élucubrer un chef-d'oeuvre de fla-fla élogieux : le compliment le plus flatteur étant - c'est entendu - celui qui flatte le moins.

Tenez donc pour assuré, lecteurs, qu'il a tâché, faisant taire en lui le chauvinisme du concitoyen, de laisser parler la vérité, afin d'être digne de l'oeuvre qu'il a l'honneur de vous présenter, en même temps que juste envers son auteur.

" LES MURMURES " eux-mêmes sont véridiques, parce qu'exalés par une âme ardente et droite qui poursuit incessamment dans un vers digne, dans un mot juste " le Beau, splendeur du Vrai ".


MAURICE MONTGRAIN ( Jésuite ).
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Message  Roger Boivin Mar 12 Mar 2013, 1:31 pm

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