L'ANGÉLUS LYRIQUE

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Message  gabrielle Sam 09 Jan 2010, 9:34 am


Très haut, le promotoire aux murailles moroses
Monte dans le décor
De tous les feux de pourpre et de toutes les roses
D'un crépuscule d'or.

Du flot qui roule au large, on n'entend plus la houle,
Et le fleuve puissant,
Avec la majesté des grands calmes, refoule
La mer qui redescend.

Or, voici qu'un son grave a frappé le silence
Et qu'au branle profond
Du dôme épiscopal, de distance en distance,
Un long branle répond.

Une à une, à l'instant, seconde par seconde,
S'envolent d'autres voix.
D'autres sons cadencés dévalent à la ronde,
Dévalent à la fois.

C'est le bronze royal des tours de la prière
Qui s'ébranle et s'émeut,
Et chante, tout rugueux de rouille et de poussière,
Du plus divin qu'il peut.

La tombe même écoute, et l'ancien baptistère,
Comme au tressaillement
Des grandes orgues, songe avec plus de mystère
Et d'émerveillement.

Oh ! le miraculeux angélus qui pénètre
Jusqu'au gîte des morts,
Et, plus riche de sens, fait partout reconnaître
Les lyriques accords !

Tout un passé de gloire et de chevalerie
Salue en même temps
La Dame, en ses manoirs, et, dans le ciel, Marie,
Depuis trois fois cent ans !

Québec, sans faire offense à la Vierge, à l'Archange,
Québec se ressouvient :
A l'une, et l'autre Dame, il offre en sa louange
La part qui lui revient.

Et l'écho du vieux fleuve et des vieilles murailles
Répète à l'infini :
Que le fruit immortel de leurs chastes entrailles
A jamais soit béni !

NÉREE BEAUCHEMIN.
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Message  Sandrine Sam 09 Jan 2010, 9:46 am

C'est très beau, merci Gabrielle sunny
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Message  gabrielle Sam 09 Jan 2010, 9:53 am

Je trouvais le texte très paisible... et doux pour le coeur.

Y a de ces jours où ça fait du bien. Wink
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Message  Roger Boivin Sam 09 Jan 2010, 11:15 am

Notre Nérée encore :



Le Vent qui soufle du couchant



Toi qui marches vers le couchant,
Passant, dont l'ombre au loin s'allonge,
Sors de la pénombre du songe
Et relève ton front penchant.

Le vent qui soulève les voiles
De ton crépuscule incertain,
Le vent qui souffle du lointain,
Prélude au lever des étoiles.

Toi qui marches vers l'inconnu,
Sous le frisson qui te pénètre
Jusqu'au plus profond de ton être,
Tu trembles comme un homme nu.

Voici l'invisible frontière
De ces impénétrables lieux
Où commence à poindre, à tes yeux,
Le lever de l'autre lumière.

Oh! la grandissante clarté,
Qui, de plus en plus, t'illumine
Et t'annonce l'heure divine,
L'approche de l'éternité.


Dernière édition par roger le Sam 09 Jan 2010, 11:50 am, édité 1 fois
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Message  Roger Boivin Sam 09 Jan 2010, 11:25 am

.

La Prière du Vieillard


Vers cet éternel lendemain,
Dieu des temps, c'est toi qui me pousse;
Dans la douceur de la secousse,
Je sens la douceur de ta main.

Comme un enfant, l'âme ravie,
Je m'abandonne à ta bonté,
Et je bénis la volonté
Qui prolonge encore ma vie.

D'un esprit lucide, je crois
En la grandeur du privilège
Et de la grâce qui m'allège
Le poids de mes dernières croix.

Malgré la crainte coutumière
Qui me fait trembler devant toi,
C'est avec la plus vive foi
Que je marche vers ta lumière.


.
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Message  Roger Boivin Sam 09 Jan 2010, 11:48 am

.

Prière



Toi qui ne m'es connu que par le grand système
Des mondes infinis,
D'un esprit sûr, pourtant, je crois en Toi. Je t'aime,
Seigneur, je te bénis.

D'où me vient donc l'instinct qui m'entraîne dans l'orbe
De ton éternité ?
D'où me vient-il, l'aveugle amour qui se résorbe
En ta vaste bonté ?

Ma pauvre âme t'implore et te fait violence,
Ô mon Père, ô mon Dieu !
Et tu ne me réponds que par le grand silence
De ton firmament bleu.

Se peut-il que l'éclat de l'invisible gloire
Que nul regard n'atteint,
Demeure, pour les yeux qui s'obstinent à croire,
À tout jamais, lointain ?

Se peut-il que les mots qui sortent de ma bouche
Retombent incompris ?
Ce peut-il que Celui dont la grâce me touche
N'entende pas mes cris ?

Seigneur, Seigneur, au soir des jours que tu m'accordes,
Je me meurs de te voir.
De cette vision, Dieu des miséricordes, Oh! donne-moi l'espoir!


.

Nérée Beauchemin
_____

PATRIE INTIME
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Message  Roger Boivin Sam 09 Jan 2010, 12:03 pm

.

Regrets


Quand l'appel de Celui qui t'a donné le jour
Te fait tant regretter, à ton couchant suprême,
Que ton coeur pour son coeur ne soit pas tout amour,
Tu souffres de ne pas l'aimer mieux que tu l'aimes.

A l'adorable auteur de la pieuse aurore,
Qui baignait les foyers où tes espoirs sont nés,
Ton âme ne pourrait remettre, intact encore,
Le trésor des présents qu'il t'avait destinés.

Sur quel rythme idéal, en quel sacré langage,
D'une voix défaillante, oserais-tu chanter
Ces beaux soirs qui te font transparaître l'image
Du Dieu de toute gloire et de toute beauté ?



.
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Message  Roger Boivin Sam 09 Jan 2010, 12:11 pm

.

Derniers vers


( Écrit le samedi qui précéda sa mort )


Dans la pénombre qui s'efface
Comme un astre au fond du ciel bleu
Bientôt resplendira la face
Rayonnante du Seigneur Dieu !



.
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Message  Régis Sam 09 Jan 2010, 12:16 pm

Nérée Hé ! Hé ! Beau chemin qu'une telle poésie pour aller à Dieu !

En tout cas dans la France d'Europe, nous n'avons pas son égal !

Foin de Ronsard, Montaigne, Lamartine, ou Victor Hugo, aucun d'eux n'a percé, comme lui par sa poésie priante, la voûte des cieux !
Grâce à vous, nous le découvrons aujourd'hui ! Ce ne pouvait pas être l'éduc nationale de Jules Ferry qui pouvait nous faire ce cadeau !

Merci

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Message  Roger Boivin Sam 09 Jan 2010, 12:32 pm

Un dernier.
Il me faudrait transcrire tout le livre tellement c'est beau !
On sait que Notre ami Nérée Beauchemin (1850-1931) était catholique et médecin de campagne; je dédie donc ce poème à notre grand et cher ami, Marc-Étienne :



Patrie intime


Je veux vivre seul avec toi
Les jours de la vie âpre et douce,
Dans l'assurance de la Foi,
Jusqu'à la suprême secousse.

Je me suis fait une raison
De me plier à la mesure
Du petit cercle d'horizon
Qu'un coin de ciel natal azure.

Mon rêve n'a jamais quitté
Le cloître abscur de la demeure
Où, dans le devoir, j'ai goûté
Toute la paix intérieure.

Et mon amour le plus pieux,
Et ma fête la plus fleurie,
Est d'avoir toujours sous les yeux
Le visage de ma patrie.

Patrie intime de ma foi,
Dans une immuable assurance,
Je veux vivre encore avec toi,
Jusqu'au soir de mon espérance.



.
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Message  Sandrine Sam 09 Jan 2010, 1:21 pm

Merci Roger pour ces vers sublimes cheers
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Message  Roger Boivin Sam 09 Jan 2010, 1:25 pm

Je ne pouvais oublier notre chère soeur Agnès, son épouse.
A tout hasard, en voici un :



Fin de Jour


Pourquoi donc, avec plus d'âme
Et plus de naïf amour,
Pour presque rien, je me pâme
Devant cette fin de jour ?

D'où vient, dans le grand silence,
Ce chant qui file, au lointain,
Berce, ondule, se balance,
Revient, s'éloigne et s'éteint?...

Oh! c'est la douce complainte
Qu'une voix de femme dit :
Vieil air qu'une mère sainte
Chantait, quand j'étais petit.

Ce refrain, toujours sonore,
Si vieux! mais toujours exquis,
Comme il berce et berce encore
Le vieil enfant que je suis!

Je sens qu'un bras me soulève
Plus haut que monte ce chant,
Et m'emporte, comme en rêve,
Dans le ciel d'or du couchant.

Et le rythme de cantique
De ce noël enchanté,
M'enveloppe de musique,
De ciel et d'éternité!


.


Nérée Beauchemin.
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Message  gabrielle Sam 09 Jan 2010, 3:37 pm

Excellent Roger...
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Message  Roger Boivin Dim 10 Jan 2010, 2:04 pm

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Message  ROBERT. Mer 13 Jan 2010, 4:04 pm

'.

Je viens tout juste d'arriver sur ce très beau poème de Nérée Beauchemin L'ANGÉLUS LYRIQUE... Merci Gabrielle.. sunny
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Message  ROBERT. Mer 13 Jan 2010, 4:13 pm

.

Cher Roger, vers sublimes que ceux de Patrie intime et Fin de jour de Nérée Beauchemin cheers

Ils seront très appréciés par nos amis. L'ANGÉLUS LYRIQUE 87722 L'ANGÉLUS LYRIQUE 87722


.
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Message  Régis Sam 16 Jan 2010, 12:01 pm

Nos amis du Québec ont sorti de dessous les fagots, (Chez vous on doit dire de dessous 2 mètres de neige) un poete catholique.
Vous avez eu le mérite d'aller le chercher parce qu'ils ne se trouve pas dans les livres de classe de votre éduc fra-mac.

Je vous félicitais en vous disant que nous n'avions pas le même. En fait nous aussi, ce genre d'individu complètement exclu de notre histoire nous devons aller le chercher de derrière les fagots mais à bien y réfléchir nous en avons un que nous devons à notre tour vous faire connaitre.

Il s'agit de Hernest Hello. Certainement d'autres vous donneront sur ce fil ses oeuvres mais je sais qu'il en a d'excellentes. En attendant j'ai trouvé ce poème sur l'Eternité et il n'a pas manqué de mettre avec tout son art poétique un grand coup de pied au C.. de l'évolution !

Voilà un 1 qui désigne un siècle; faites le suivre d'une rangée de zéros... vous aurez 1 milliard, 10 milliards, 100 milliards; allongez la rangée, faites-la durer, faites-la courir une lieue de terrain; vous ne nommerez pas cette quantité, les chiffres seront depuis longtemps vaincus.Il s'agit de siècles absolument innombrables. La rangée de zéros couvre une lieue; faites-la courir 1 000 lieues; l'imagination recule. Mais il y a des étoiles dont la lumière, à 75 000 lieues par seconde, ne nous est pas encore parvenue depuis 6 000 ans.
Faites couvrir cet espace innomé par la rangée des zéros...; multipliez ce chiffre par lui-même autant de fois qu'il y a de feuilles dans les arbres, autant de fois qu'il y en a eu depuis la création du monde.

L'Eternité commence-t-elle?
- Pas encore!

Tout cela c'est le Temps, et elle lui dit dans son langage:

"Qu'y a-t-il de commun entre toi et moi?"


Ernest Hello (1828-1885)


Belle méditation !
N'oublions pas que les hébreux appelaient Dieu "l'Eternel " !

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Message  Roger Boivin Sam 16 Jan 2010, 12:40 pm

Biographie en résumé
«M. Hello a reçu de Dieu le génie...»
Saint Jean-Baptiste-Marie Vianney, curé d'Ars

Écrivain et philosophe catholique, né à Lorient le 4 novembre 1828. Deuxième enfant d'une famille de trois, ayant pour père un anticlérical notoire, avocat à la cour de cassation, Hello fut introduit au catholicisme par sa mère, femme très pieuse. Il vécut une jeunesse triste, obscurcie par une santé très fragile qui lui rendit l'existence diffcile. Il étudia d'abord le droit à Rennes, puis à Paris au collège Ste-Barbe et au lycée Louis-le-Grand, tout en assistant parallèlement aux conférences du sulpicien Charles Baudry, de l'oratorien Alphonse Gratry et du dominicain Henri-Dominique Lacordaire, qui l'influencèrent grandement. En 1853, il se plongea dans les oeuvres de Joseph de Maistre, qui l'enracina solidement dans ses convictions. Le 12 novembre 1857, il épousa Zoé Berthier, à Auteuil, qui fut non seulement sa femme, mais aussi sa principale collaboratrice. Avocat pendant un moment, Hello s'orienta finalement vers l'écriture et publia son premier livre en 1858: M. Renan, l'Allemagne et l'athéisme au XIXe siècle. En août 1859, encouragé par le curé d'Ars, il fonda avec Georges Seigneur un périodique intitulé Le Croisé, qui dura jusqu'en 1861, date à laquelle il rompit avec Seigneur en raison des dérives ésotériques de ce dernier. Le périodique se fusionna alors à La Revue du Monde catholique, où Hello écrivit de très bons articles. Il collabora également à L'Univers, au Gaulois et au Monde. En 1872, il fit paraître L'Homme, son chef-d'oeuvre, réédité une quarantaine de fois jusqu'en 1939. Il traduisit aussi des textes d'Angèle de Foligno (1868) et de Rusbrock (1869). Léon Bloy le considérait comme un maître. Jules Barbey d'Aurevilly et Louis Veuillot lui doivent beaucoup, tout comme le mouvement symboliste français de la fin du XIXe siècle. Hello est décédé en 1885, dans la pauvreté, ignoré de ses contemporains.

L'oeuvre d'Ernest Hello possède des accents prophétiques et mystiques indéniables. Toute sa vie durant, il combattit l'habitude, cette plaie au nom de laquelle on justifie n'importe quoi. Il s'acharna également contre le scientisme de son siècle, et fustigea, souvent avec humour, celui qu'il appelait «l'homme médiocre». Mais le grand combat d'Ernest Hello, selon R. Gazeau, fut de «ramener l'art, au nom de l'unité, à l'expression de la beauté incrée»
(Catholicisme, tome cinquième, Paris, Letouzey, p. 594). (Patrick Dionne)



http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Hello


Dernière édition par roger le Sam 16 Jan 2010, 12:57 pm, édité 2 fois
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Message  Roger Boivin Sam 16 Jan 2010, 12:48 pm

Autour de l'Art... de Ernest Hello
medium_ernest_hello.jpg

L'ANGÉLUS LYRIQUE Medium_ernest_hello

«M. Hello a reçu de Dieu le génie...»
Saint Jean-Baptiste-Marie Vianney, curé d'Ars




Jusqu'ici l'esprit humain a cru très souvent que pour réaliser le beau il fallait se déguiser, et le déguisement qu'il a pris s'est nommé l'Art. L'Art a été le jeu qu'il a joué, quand il a voulu parader devant lui-même, suivant certaines conventions.

Il faut qu'un homme de génie se lève, parle, soit écouté et dise :

Je veux que désormais l'Art soit sincère.
Je veux que l'Art cesse d'être le déguisement de l'homme, pour devenir son expression.
Je veux que l'Art soit l'explosion simple, naïve et sublime des splendeurs de l'intelligence. Pour que l'Art soit beau, et que sa beauté soit vraie, je veux que l'Art désormais dise les choses comme elles sont.
Dieu voudra, si je ne me trompe, que cette voix soit entendue.

L'ancienne rhétorique a dit : Vous êtes laid, déguisez-vous, car si vous vous montriez tel que vous êtes, vous feriez horreur. L'Art est un déguisement ; choisissez donc un type de convention, regardez autour de vous et cherchez : vous n'aurez que l'embarras du choix. Imitez, feignez, jouez un jeu qui plaise au public : le beau est une fiction. Les lois de la vie sont laides : pour plaire, il faut que l'Art se fasse des règles à lui, indépendantes des lois réelles.
Maintenant il faut que celui qui doit fonder l'Art de l'avenir, purifie l'air souillé par ces paroles, et dise :
La laideur a, en effet, sa place dans l'homme ; car l'homme est déchu. Mais la régénération est possible. Voilà les eaux du baptême.
La beauté est permise encore, la voilà qui vient à nous. Saisissons-la, revêtons-la, et ensuite nous pourrons nous montrer.
Revêtons-la, non comme un déguisement, mais comme une splendeur plus vraie que nous-mêmes, que nous devons posséder et ne jamais perdre. Nous sommes souillés ! eh bien ! purifions-nous. L'homme ancien n'ose pas se montrer. Que l'homme nouveau naisse et paraisse, qu'il resplendisse aux yeux des hommes, non comme un héros de théâtre, mais comme une vérité vivante, plus vivante que l'ancien homme remplacé. Qu'il paraisse et qu'il agisse, qu'il agisse dans la splendeur de sa nature régénérée, qu'il fasse éclater le type qu'il recèle, qu'il dégage l'idéal qu'il porte ! Qu'il fasse la vérité ! La beauté jaillira ; la beauté, au lieu d'être une fiction, est la splendeur du vrai. Que l'Art, qui était le déguisement du vieil homme, raconte dans la sincérité de sa parole la splendeur de l'homme nouveau !

L'homme, ne pouvant pas se passer absolument de la beauté, peut faire des efforts vers elle, et peut en faire de deux façons. Il peut tenter de se mentir à lui-même, au nom de la beauté, ou de se parler vrai au nom de la beauté. S'il veut se mentir, il tentera d'embellir sa déchéance et de se faire gracieux dans le péché. S'il veut se parler vrai, il tentera de se revêtir intimement et extérieurement de la splendeur réelle pour laquelle il est fait. L'Art ne peut pas éviter absolument la beauté, il faut qu'il la contrefasse par un jeu ou qu'il la possède par un effort. Il faut qu'il en fasse ou la parodie ou la conquête. L'art ne peut pas ne pas sentir la laideur native du vieil homme.

Il faut qu'il la dissimule, ou qu'il la foudroie

En un mot, il faut qu'il déguise l'homme qui regarde en bas, ou qu'il accepte, qu'il affirme, qu'il proclame l'homme qui regarde en haut.
L'Art qui s'attache au vieil homme est obligé de farder celui qu'il s'obstine à peindre, car le vieil homme est laid, et l'Art, quel qu'il soit, ne peut pas renoncer au beau. L'Art, ainsi conçu, est un mensonge.
L'Art qui s'attache à l'homme régénéré, peut représenter librement et franchement, dans la candeur de son génie, celui qu'il consent à peindre, car l'homme régénéré est un être magnifique, et l'Art, en l'exprimant, rencontre la magnificence, sans sortir de la sincérité.

Très souvent les grands artistes ont eu pour caractère particulier, pour art, pour style, l'effort qui consiste à embellir l'homme déchu d'une beauté qui ne lui appartient pas, d'une beauté dérobée et trompeuse, d'une beauté qui existe ailleurs, et qui placée là, comme une auréole sur le front du mal, était un mensonge et un vol.

Pendant ce temps-là, les autres artistes, les artistes inférieurs, ceux qui copient, n'osant pas prendre bravement la beauté du bien pour en décorer le mal, inventèrent à leur usage une beauté de convention, qui n'appartient ni au bien ni au mal, car elle n'existe pas, mais qui est simplement une forme de l'habitude. C'est un déguisement, un arrangement, une convention, une habitude, une mode en vertu de laquelle il faut prendre certaines attitudes, en éviter certaines autres, prononcer certaines paroles, en éviter certaines autres, les prononcer sur un certain ton, et non pas sur un certain autre. C'est dans cet esprit que sont conçues une grande quantité de tragédies. Dans cet état d'abaissement, il semble que l'Art aspire, non à la beauté, mais au décorum, qui est la parodie de la beauté ; il prend pour loi, non la vie, mais l'habitude ; il prend pour fin, non la vérité, mais la convention. L'idéal de la tragédie classique finit par devenir la gravure de modes.
Il est temps que l'Art proclame la beauté, la puise où elle est et dise où il la puise ; qu'ainsi il soit hardi et simple, vrai et puissant ; que Dieu nous donne un grand artiste dont le style ait pour caractère la splendeur vivante de la sincérité !



ERNEST HELLO, Le Style - Théorie & Histoire, Paris, Victor Palmé, 1861.



http://www.la-question.net
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Message  Roger Boivin Sam 16 Jan 2010, 1:38 pm

Prières et méditations
(extraits)

L'Infini

Nous sommes tellement finis que, pour exprimer l'Infini, nous nous servons d'un mot négatif : irifini, non fini. Nous sommes obligés de prendre le fini pour base du mot, et puis de le nier. Le mot Infini a trois syllabes, et le fini occupe deux d'entre elles. Deux sur trois, c'est beaucoup. Quand nous essayons de parler de l'Infini, le fini nous remplit la bouche. L'affirmation absolue devient entre nos lèvres une négation. Autant faut-il en dire de l'Immense. Nous sommes obligés de parler de mesure pour dire qu'il n'y en a pas. Notre limite éclate et s'affirme par les efforts mêmes que nous faisons pour parler d'autre chose. Pour parler d'infini, on dirait qu'il nous faut prendre le mot fini comme victime et l'offrir en sacrifice. Est-ce qu'il y aurait quelque rapport entre cet acte de la langue humaine et cet acte de la flamme qui, voulant parler d'Infini à sa manière, cherche une victime pour la brûler ? Dans un cas comme dans l'autre, est-ce que l'Infini nous dirait :
«Qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ?»

Prières à Lazare

Lazare, parlez à Celui qui tient la vie dans sa main droite. Je suis rien. Je suis rien, et voilà tout, et j'ai de l'amour propre et j'ai la souffrance, et quand je passe de l'amour propre à la souffrance, je suis comme un mort qui se tournerait à droite et à gauche dans son tombeau. Ô Dieu qui tenez la vie, ouvrez votre main droite : que je ne pense plus à moi, ni dans la souffrance, puisque vous me l'ôtez, ni dans la joie, puisqu'elle sera pleine de vous.
Mon Dieu, j'allais de l'amour-propre au désespoir, et du désespoir à l'amour-propre, du néant au néant, incapable de supporter ni vos faveurs que je m'attribuais, ni leur absence que je vous attribuais, tandis qu'au contraire vos faveurs venaient de vous et leur absence venait de moi. Puis j'allais de la colère au désespoir et du désespoir à la colère, noyé dans mon néant et sous le néant des autres.
Ô Dieu, je pardonne leur néant à mes frères ; délivrez-moi du mien. Que jamais je ne me sente, ne perdant plus jamais votre lumière ; mais que jamais je ne me l'attribue, que toujours je vous renvoie la grâce en gloire, la joie en gloire.
Anges qui montez et descendez incessamment l'échelle de Jacob, portant et reportant nos prières de la terre au ciel et du ciel à la terre, séraphins qui chantez l'éternel Sanctus et qui le chantez incessamment, incessabili voce, je me prosterne et je m'abrite sous vos ailes de feu, afin de disparaître à mes regards, suppliant au nom de la gloire de Dieu qu'éternellement vous proclamez trois fois saint, vous suppliant, dans tout l'anéantissement dont mon âme est capable, de m'obtenir une joie fidèle, fidèle quant à elle, fidèle quant à moi, une joie qui ne m'abandonne jamais, que je n'abandonne jamais, qui ne me trahisse jamais, que je ne trahisse jamais, qui ne cesse jamais de pleuvoir sur moi, qui ne cesse jamais de remonter à Dieu, une joie sans démenti, une joie sans mélange, sans crainte, sans rétractation et sans ombre.
Amen, amen, amen.


Ernest Hello.

http://www.arfuyen.fr/html/ficheauteur.asp?id_aut=1054
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Message  ROBERT. Sam 16 Jan 2010, 1:50 pm

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Merci à Régis et Roger de faire connaître un auteur absolument inconnu ici: Ernest Hello... Wink
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Message  Régis Dim 17 Jan 2010, 11:42 am

Hello ! Un poete français avec l'approbation du Saint Curé d'Ars....ce n'est pas rien !

Surtout que le Curé d'Ars ne mettait le niveau de censure à raz les paquerêtes !

Mais les libéraux et autres framacs ont préféré de la belle poésie au service de l'humanisme et de l'irreligion comme cet extrait de Lamartine :

Oh temps suspend ton vol
Et vous heures propices suspendez votre cours !

Comme si le temps présent avait tous les avantages sur l'Eternité et qu'il ne lui manquait que d'être éternel pour nous donner le bonheur parfait et pour nous faire oublier l'Eternité !


Merci à Roger de nous avoir fait mieux connaitre son oeuvre !

Régis

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L'ANGÉLUS LYRIQUE Empty Re: L'ANGÉLUS LYRIQUE

Message  ROBERT. Dim 17 Jan 2010, 4:13 pm

Régis a écrit:Hello ! Un poete français avec l'approbation du Saint Curé d'Ars....ce n'est pas rien !

Surtout que le Curé d'Ars ne mettait le niveau de censure à raz les paquerêtes !

Mais les libéraux et autres framacs ont préféré de la belle poésie au service de l'humanisme et de l'irreligion comme cet extrait de Lamartine :

Oh temps suspend ton vol
Et vous heures propices suspendez votre cours !

Comme si le temps présent avait tous les avantages sur l'Eternité et qu'il ne lui manquait que d'être éternel pour nous donner le bonheur parfait et pour nous faire oublier l'Eternité !


Merci à Roger de nous avoir fait mieux connaitre son oeuvre !


L'ANGÉLUS LYRIQUE 956204 En accord avec vous Régis... Ici, on nous disait pour Lamartine et al: c'est pour la versification, pour les belles rimes riches. Aujourd'hui, on pourrait leur dire: rimes riches, dans le sens de rimes qui écœurent, indigestes et surtout inacceptables pour des catholiques... Malheureusement, tout celà était enseigné au cours classique. Pas de danger de trouver du Nérée Beauchemin ou du Ernest Hello. Sad
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