La chute des anges et la chute des hommes

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Message  gabrielle Lun 23 Nov 2009, 9:06 am

La chute des anges et la chute des hommes
D’après l’Ami du Clergé, 1922, pp. 289-296


Question — Par le péché originel, l’homme n’est pas seulement dépouillé de la grâce, mais ses facultés naturelles ont subi un grand affaiblissement.

Le démon, au contraire, a conservé sa puissance, sa science, etc., si bien, disent certains Pères de l’Église, qu’il pourrait bouleverser le monde, si Dieu ne l’arrêtait pas dans l’exercice de ses dons naturels.

Comment peut-on expliquer cette différence ?

Réponse — L’explication de cette différence pourrait tenir en quelques mots. Chez les anges, l’état de grâce et de sainteté dans lequel ils furent créés ne comportait aucune correction des défauts de la nature angélique, pour la bonne raison que cette nature ne comporte pas de défauts. L’état de grâce et de sainteté qui fut celui de nos premiers parents avant la chute, comportait au contraire la correction des défauts naturels inhérents au composé humain. Par suite de la perte de la grâce, les anges n’ont rien perdu dans leur nature ; par suite du péché originel, les hommes perdent la rectitude qu’ils possédaient avant la chute, même dans l’ordre naturel.

Ces propositions trop concises ont quelque besoin d’explication. […] Nous commencerons par rappeler les suites de la chute originelle chez l’homme, afin de pouvoir les mettre en comparaison avec les effets du péché chez les anges.

I. Déchéance de l’homme pécheur. — Cette déchéance se comprend par la nature même de la justice originelle qu’elle supprime en nous. Nous exposerons donc : a) ce qu’était la justice originelle ; b) comment, par suite de la perte de cette justice originelle, l’homme fut dépouillé des dons gratuits de Dieu, gratuitis spoliatus ; c) comment l’homme fut blessé dans sa nature propre, vulneratus in naturalibus.

A) Ce qu’était la justice originelle — Saint Thomas, dont la doctrine représente sur ce point la meilleure synthèse de la tradition catholique, conçoit la justice originelle comme une triple sujétion, établissant l’homme dans une parfaite rectitude : sujétion du corps à l’âme, sujétion des puissances inférieures à la raison, sujétion de la raison à Dieu. Et parce que la volonté est la faculté appelée à commander aux autres puissances, la sujétion de l’homme à Dieu, d’où découle immédiatement la rectitude de la volonté, est l’élément formel de la justice originelle (Sum. theol., Ia, q. 95, a. 4).

1. Approfondissons tout d’abord le concept de la rectitude de la volonté. La rectitude, dit saint Thomas, peut se prendre en deux sens. Un premier sens se rapportant strictement à la vertu de justice, désigne l’usage correct, conforme au droit, des biens extérieurs. Un autre sens se rapporte à toutes les vertus ; la rectitude exprime alors l’ordre, la direction imposée à la volonté par la loi divine dans le sens de la fin dernière : rectitudo quæ importat ordinem ad finem debitum et ad legem divinam quæ est regula voluntatis humanæ, communis est omni virtuti (Ia-IIæ, q. 55, a. 4, ad 4). C’est cette rectitude qui découlait en Adam de la sujétion de la volonté à Dieu.

C’est trop peu de dire qu’une telle rectitude se rapportait à la fin naturelle de l’homme, ainsi qu’ont voulu le soutenir récemment certains théologiens trop subtils de l’école thomiste, distinguant adéquatement l’ordre de la grâce proprement dite de l’ordre de la justice originelle, le premier, exigé sans doute par le second, comme la cause est postulée par l’effet, mais non pas formellement inclus en lui. Il faut, à notre avis, étendre cette rectitude de la volonté jusqu’à l’ordre de la grâce, ordre par lequel la direction imposée par la volonté est dans le sens de la fin dernière surnaturelle. Et par là même, la justice originelle dans laquelle l’homme fut certainement créé exige, sous peine de contradiction dans les termes, que du même coup l’homme ait été élevé, par la grâce sanctifiante, à l’état proprement surnaturel : « Puisque la racine de la justice originelle, écrit saint Thomas (Sum. theol., Ia, q. 100, a. 1), consiste dans la sujétion surnaturelle de la raison à Dieu, et que cette sujétion a lieu par la grâce sanctifiante, il faut dire que si les enfants d’Adam étaient nés avec la justice originelle, ils seraient nés aussi avec la grâce… » Et encore, plus expressément : « L’opinion de ceux qui affirment que la justice originelle n’inclut pas essentiellement la grâce, je la tiens pour fausse ; car la justice originelle consiste primordialement dans la sujétion de la raison humaine à Dieu, laquelle ne peut être ferme sans la grâce ; et donc, la justice originelle n’a pu exister sans la grâce » (De Malo, q. 5, a. 1, ad 13).


à suivre
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