LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Représentons - nous un homme possédé par le sentiment d'un violent amour. Les divertissements qu'on lui ménage , les distractions qu'on lui offre , les emplois auxquels on l'applique, tous les objets qu'on lui présente en dehors de celui qui s'est rendu maître de son esprit, ne servent qu'à accroître sa peine . Vous croyez , peut-être, changer le cours de ses pensées , ramener le calme dans son âme par le charme de la musique et par d'agréables entretiens ; lui faire oublier son mal dans les délices de la bonne chère , ou dans la diversion des jeux ; par l'espérance de la fortune , ou par la promesse des dignités et du commandement ? Tant qu'il n'aura point obtenu ce que l'ardeur de sa passion lui fait souhaiter, il s'estimera misérable au milieu de l'abondance , et méprisé dans les honneurs ; il se persuadera que l'autorité le rend esclave ; il se croira faible dans la puissance ; il sera affamé dans les festins ; et , quoique le bonheur lui prodigue ses plus grandes douceurs , il affirmera , pourtant, qu'il est le plus malheureux des hommes. Toutes les grandeurs de la terre , au lieu de contribuer à étouffer le feu de son amour, serviront plutôt à l'attiser. Il restera désespéré de ne pouvoir atteindre ce qu'il désire .
Bien qu'il ne convienne pas beaucoup d'employer une telle comparaison dans un sujet si saint ; n'est- ce pas le tableau que nous présente l'inclination produite par la grâce en l'âme adorable de Jésus ? L'amour qu'il avait pour la croix , pendant qu'il a vécu parmi nous , mortel sur la terre , avait pleinement possédé son cœur et dominé son esprit. Il n'estimait d'autres richesses , d'autre gloire et d'autres grandeurs que celles qu'il désirait puiser dans le sein de la croix. Il y tourne toutes ses affections . Les torrents même que la gloire éternelle verse dans son âme sainte , dont elle enveloppe ses puissances , n'emporteront point cette inclination . L'amour béatifique ne gagnera rien sur l'amour de la croix . Jésus vérifiera ainsi ces paroles du cantique : « Les courants impétueux des délices de Dieu n'ont pu éteindre les ardeurs des feux de sa charité , et les fleuves des eaux vives de la gloire n'ont pu dominer l'ardente inclination qu'il avait pour la souffrance . » Dès lors , il est facile de le conjecturer, ce poids n'a jamais pu être diminué par aucun autre motif de joie : soit intérieure , soit extérieure ; soit naturelle ,soit surnaturelle ; soit humaine , soit angélique , soit divine ; comme nous le verrons de plus en plus au cours de cet entretien . Il ne faut donc point être étonné si , en toute circonstance : dans les honneurs ; au milieu des acclamations , provoquées par la reconnaissance ; dans la diversité des lieux, du temps , des occupations ; au sein des assemblées de tout genre , qui ont formé comme le milieu de sa vie merveilleuse sur la terre , on remarque , partout et toujours , les effets de la force de cette disposition en son âme et l'empire qu'elle exerçait sur ses puissances .
Saint Luc nous fournit
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Saint Luc nous fournit la conclusion de ce chapitre , lorsqu'il raconte , touchant ceci , une singularité tout à fait digne de remarque . Jésus était assiégé par une grande multitude ;par un tel concours de personnes de tout âge et de toute condition , qu'elles se foulaient aux pieds les unes les autres 1 . Il parlait longuement à tout ce peuple ; il lui faisait entendre des vérités de la plus haute importance. Tout à coup , interrompant le cours de ses pensées , il s'écrie qu'il doit être baptisé du baptême de son sang ; mais que , hélas ! son heure n'est point encore venue , et qu'il souffre violemment du délai imposé à son martyre 1. C'était comme un retour qu'il faisait sur lui -même, après avoir dit qu'il était venu apporter le feu divin sur la terre , et qu'il souhaitait que les coeurs en fussent embrasés 2 .Puis il revient à la suite de l'entretien qu'il avait commencé . Le passage de ce discours mérite d'être lu dans l'Évangile .
1.Multis turbis circumstantibus ita ut se invicem
conculcarent . Luc . , XII , 1 .
1. Baptismo habeo baptizari , et quomodo coarctor
usque dum perficiatur . Luc . , XII , 50.
2. Iguem veni mittere in terram , et quid volo nisi
ut accendatur . Luc. , XII , 49 .
CHAPITRE VII
Que l'Inclination de Jésus à la Croix lui
fait un martyre de la connaissance
qu'il a de ses grandeurs
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
CHAPITRE VII
Que l'Inclination de Jésus à la Croix lui
fait un martyre de la connaissance
qu'il a de ses grandeurs .
Puisque le Saint- Esprit à concouru au dessein de Jésus , demandons - lui qu'il nous assiste, par le don d'intelligence , et nous permette de mieux saisir toutes les rigueurs contenues dans l'inclination de Jésus à la Croix . Considérons , pour cette fin , que Dieu le Père avait banni de l'âme de son Fils tout ce qui pouvait lui être une cause de tristesse , et qu'il l'avait , au contraire, remplie de tout ce qui était propre à y faire naître toutes les joies dignes de sa divine origine .
Saint Jean Damascène raconte , en la vie de saint Josaphat, que le roi des Indes , Abenner, père de ce jeune prince, s'était efforcé de détourner des yeux de son fils tout ce qui aurait pu, avec le temps , former dans son esprit quelque impression pénible des malheurs qui pèsent sur les hommes . Il l'avait entouré de tout ce qui pouvait lui être agréable , et faire de sa vie comme un paradis de délices . Mais , comme on le pense bien , il ne réussit guère dans son dessein . Ce contentement parfait est réservé à Jésus seul . L'amour tout puissant de son Père a répandu dans son sein , par les plus hautes communications qu'il puisse faire au dehors de lui - même ,l'huile de la joie ineffable qui résulte de la possession de tous les biens qui se rencontrent dans l'Être incréé et dans l'Être par participation . C'est ce que le prophète exprime par ces mots : « Dieu, ton Dieu, t'a oint . Il dit Dieu , d'abord , pour représenter sa naissance divine ; et puis ton Dieu, pour indiquer sa naissance humaine où Dieu le Père commence à être le Dieu de son Fils .
Le bien étant ce qui convient à la nature ,
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Le bien étant ce qui convient à la nature , et le mal ce qui la menace de ruine ou de perte , Dieu nous a donné une forte inclination à rechercher le premier et à fuir le dernier . C'est pour cela qu'il a mis en nous les passions , dont les unes ont pour objet le bien et les autres le mal . Or , entre les passions , la joie qui naît de la présence du bien , et la tristesse qui s'émeut de l'approche d'un mal que l'on ne saurait éviter, exercent le plus d'empire sur l'esprit de l'homme . Mais Jésus doit. être exempt de tristesse et d'ennui ; puisque , étant uni au souverain Bien et étant Lui même le souverain Bien , le mal universel, qui lui est contraire , ne peut, d'aucune façon, s'approcher de sa personne.
Qui pourra donc comprendre la plénitude de joie dont est capable l'âme de Jésus unie personnellement à celui qui est la perfection et la bonté par essence, par une union qui n'a pas d'exemple dans l'ordre de la nature ou dans l'ordre de la grâce ? L'union de la lumière avec l'air est admirable , mais elle n'est pas permanente ; le feu qui embrase le fer et semble le transformer en sa propre substance , le consume enfin et le détruit ; les liqueurs , en se mêlant, s'altèrent ; les unions qui se font avec Dieu par la grâce et par la gloire , ne sont qu'accidentelles ; et Dieu , en elles n'est uni à l'âme sainte que par l'intermédiaire d'un don créé . Mais , en Jésus - Christ , la plénitude de la Divinité se trouve unie personnellement, sans aucun intermédiaire , à l'humanité qu'il prend de l'Immaculée Vierge ; en sorte qu'il est Dieu , non point par adoption ,mais par nature . Il est Dieu , dis- je , non point par un simple don créé , mais par une grâce incréée, incommunicable aux hommes et aux anges . La Divinité lui est présente , non comme distincte de lui et une autre personne en la nature humaine et en la nature divine ; mais sans aucune distinction qui ressemble à celle que nous adorons entre le Père et le Fils , où , dans l'unité d'essence , il y a une souveraine différence de personnes . Et , ainsi , il est vrai qu'il ne peut y avoir , ni en la nature ni en la grâce , une plus parfaite union que celle qui rend le souverain Bien présent en l'âme adorable de Jésus .
Mais les unions
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Mais les unions , si accomplies qu'elles soient , ne sont point cause de joie sans la connaissance . Aussi Jésus ne pouvait cacher ce qu'il savait, par tant de sciences infaillibles et certaines par la science divine , par la science infuse et par la science des bienheureux . Elles lui montraient son âme sainte unie à son exemplaire éternel pour ne faire avec lui qu'une seule personne . Cette union de son âme avec le Verbe divin il la connaissait encore par la science expérimentale . Il avait puisé cette science dans la puissance qu'il exerçait dans la nature et dans la grâce ; dans l'attestation de son Père lors de son baptême ; dans sa transfiguration ; dans la déclaration du Saint- Esprit ; et en bien d'autres circonstances , au cours de sa vie et de l'exercice de son ministère .
Et, néanmoins , cette union et la connaissance de cette union produisent des effets tout contraires à leur nature , dans l'âme sacrée du Sauveur . Ce poids d'inclination à la souffrance qu'y fait la grâce , ternit toute la beauté de la joie dont elle est digne . Il convertit tous ses plaisirs en amertume , et fait que le souverain Bien , source de bonheur éternel , concourt à ses tourments incessants avec d'autant plus de rigueur que ce Bien lui est présent, par une union plus étroite et plus intime . O dure et tyrannique pente ! Pendant que le souverain Bien se communique souverainement à l'humanité adorable de Jésus avec toutes ses grâces , il n'y a point de peine dans la nature dont ce poids terrible ne veuille l'accabler ; il veut que l'excès du bien qu'elle reçoit soit la mesure même de la tristesse qu'elle endurera , et que l'extrémité de ses désolations soit proportionnée à l'excès de ses consolations ! Il suspend celles - ci au - dessus de la partie inférieure , afin que leur grandeur , contre leur propre inclination , produise des effets qui se ressentent plus de l'infinité de leur divin sujet que de leur nature , puisque ,selon la parole de l'Évangile , « un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits » .
Quant à la connaissance
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Quant à la connaissance , elle a été un des moyens qui ont le plus contribué à tourmenter l'esprit de notre divin Maître . Saint Jean , entre les Évangélistes , a pénétré le plus avant dans ses sentiments . Il nous montre clairement cette vérité , quand il commence ainsi le récit de sa Passion : « Jésus sachant que son Père a remis toutes choses entre ses mains, qu'il vient de Dieu et qu'il retourne à Dieu . » Par cet exorde , puisé au sein de ce Verbe , dont il nous raconte la divine naissance, à la première page de son Évangile , nous devinons qu'il va élever nos esprits à des pensées qui excèdent et la nature et la grâce . « Jésus , dit- il , sachant qu'il vient de Dieu , » comme s'il disait : « Sachant qu'il est le Fils de Dieu , se lève de table , quitte ses vêtements , se ceint d'un linge , verse de l'eau dans un bassin qu'il prend à deux mains , puis , ainsi qu'on le peut saintement présumer, la tête , les bras et les pieds découverts ; s'arrête au milieu de la salle , sans oser lever les yeux au ciel . Il se présente alors devant ses Apôtres pour leur laver les pieds . » Ne dirait - on pas que , dans cette attitude , si peu digne du Roi de gloire , il fait amende honorable au moment où la mort commence à s'approcher de lui ? Pourquoi cette humiliante cérémonie , sinon pour nous confirmer en cette pensée que la connaissance qu'il avait de l'union adorable de la Divinité avec son humanité en unité de Personne, a été une puissante raison de ses extrêmes douleurs ?
Ce n'est point là tout encore ;
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Ce n'est point là tout encore ; car mêlant à cette cérémonie ce discours admirable , où éclatent les richesses incompréhensibles de sa science et l'ardeur divine de sa charité , il le termine en s'adressant à son Père vivant : « Père très juste ! hélas ! le monde ne vous connaît point ! mais moi , je vous connais . » Et Jésus (au dire de l'Évangéliste) , ayant proféré ces mots, sortit avec ses Disciples et s'en alla au delà du torrent de Cédron . C'est là qu'il entra dans le jardin des Olives pour s'abandonner à des tristesses désolantes et à des douleurs pires que la mort . Une sueur de sang et d'eau se répandit de son corps en une telle abondance , que la terre en fut arrosée ...C'est en cette disposition que Jésus attend ceux qui se hâtent, à grands pas , pour l'arrêter et lui faire souffrir les traitements horribles qui doivent préluder aux douleurs de sa Croix et consommer son supplice .
Mon Dieu ! quelle étrange logique ! « Parce que je vous connais , il faut que je meure , et qu'en mourant je donne la vie au monde qui ne vous connaît point, et qu'en perdant la vie je le délivre de la mort ! » Ne devait-il point plutôt conclure : « Père saint , le monde se retranche dans une ignorance coupable de votre bonté ! Il faut donc que les supplices , destinés à obtenir satisfaction , soient mesurés à son aveuglement . Les ténèbres de l'enfer s'accordent bien avec la nuit dans laquelle il se plaît ! »
L'esprit de l'homme
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
L'esprit de l'homme , en sa subtilité , a assimilé la science à la vipère qui tue sa mère en naissant. Il a voulu exprimer ainsi que la connaissance vient de l'admiration , qui se perd en la recherche des causes qu'on ignorait auparavant . Mais ici , nous pouvons avec plus de vérité nous écrier : O cruelle connaissance ! ô science tyrannique ! puisque celle qu'a Jésus des biens que le Père céleste a versés dans son sein, est cause de sa mort ; et que de sa connaissance qu`il est le Fils de Dieu , Jésus déduit la nécessité des tourments de sa Croix ! « Père saint, dit- il , je vous connais par la même connaissance dont vous m'engendrez et par laquelle je suis votre Fils ; je ne me suis jamais séparé de votre sein , ni par amour , ni par absence , bien que vous m'ayez envoyé dans le monde , où j'ai fait toujours tout ce que j'ai su vous être agréable . Parmi les emplois les plus bas et dans les circonstances les plus rigoureuses ordonnées par votre sagesse , je n'ai eu égard ni à la grandeur de ma Personne ni à la dignité de l'unique héritier de votre gloire . Je vous connais autant que vous pouvez être connu , et je vous aime , en même temps , autant que je connais que vous êtes aimable ; et vous ne sauriez être plus aimable que je sais que vous méritez d'être aimé . »
Voilà , en vérité, un langage digne du Fils de Dieu . Et néanmoins , ce qui devrait être pour son âme une source de joie admirable , n'est pour elle qu'une source de tristesse mortelle . Car, ayant dit ces paroles , il se tait pour ajouter « Mon âme est triste jusqu'à la mort . » Et , en effet , il commença d'être triste et de s'affliger , étant comme saisi d'ennui , d'épouvante et de désolation ; puis , il s'en va accomplir ce qui est écrit de lui ... Il nous fallait, dit l'Apôtre, un Pontife qui fût innocent , sans tache , séparé des pécheurs , élevé au-dessus des cieux ; car la Loi constitue des Prêtres sujets à l'infirmité . Mais cette parole prononcée après l'institution de la Loi « Je l'ai juré , vous êtes Prêtre selon l'ordre de Melchisédech, » a établi Prêtre pour l'éternité le Fils éternellement parfait .
Dieu imprima sur Caïn un signe
gabrielle- Nombre de messages : 19822
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Dieu imprima sur Caïn un signe , afin que personne ne le fit mourir . Ce malheureux fratricide , après avoir tué son frère , ne croyait point être digne de vivre . Tout au contraire , le Père vivant marque son Fils , afin qu'on le fasse mourir ; et il ne veut point que le signe de sa mort soit distinct du caractère dans lequel on adore l'image expresse de la Divinité . C'est ce qu'entend le grand Apôtre en appelant Jésus le Fils éternellement parfait , qui devait être établi à la fois notre Pontife et notre victime sur l'autel de la Croix . C'est pourquoi les Juifs n'invoquent pour le condamner au supplice d'autres motifs que son témoignage , lorsque , pressé par le grand prêtre de répondre au nom du Père céleste , Jésus confesse qu'il est son Fils . C'est ce que lui-même conclut en parlant à l'aveugle-né. Après avoir été adoré comme Dieu par cet homme , à qui il avait rendu la vue et demandé , ensuite , s'il croyait au Fils de Dieu, il dit qu'il est le bon Pasteur qui doit mourir pour ses brebis ; qu'il n'est Fils de Dieu en la nature humaine que pour ce dessein.
C'est ce que veulent exprimer ces paroles qu'il ajoute immédiatement après : Ainsi que mon Père me connaît et que je connais mon Père, je donne ma vie pour mes brebis. Comme s'il voulait dire : Parce que je suis le Fils unique du Père vivant, engendré par sa connaissance éternelle , il faut que je meure pour les hommes ; et l'aveu que je fais de ma production immanente , le témoignage que je suis obligé d'en rendre , m'est une cause de martyre et un principe de mort
Une princesse était louée pour sa grande beauté
gabrielle- Nombre de messages : 19822
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
* Une princesse était louée pour sa grande beauté et admirée pour son rare esprit. Cependant, se contemplant dans son miroir , et se souvenant des circonstances où elle avait pu produire son intelligence , elle se prit à pleurer . Et comme on lui demandait le motif de ses larmes , parmi tant de raisons de se réjouir, elle répondit : « Hélas ! c'est parce que , étant si parfaite que vous venez de me le dire, il faut que je meure . » Ce qui doit attendrir nos coeurs et jeter la désolation dans nos âmes , c'est que Jésus , étant si parfait, puisqu'il est l'image personnelle de la bonté de Dieu, la splendeur de sa gloire et le reflet de ses grandeurs , doit souffrir pour cela même.
Parce qu'il mérite des honneurs divins , il faut qu'il soit humilié ; parce qu'il est digne de gloire, il faut qu'il soit abaissé ; parce qu'il est le centre de toutes les joies , il faut qu'il soit abreuvé de toutes sortes d'amertumes . Admirez comment parle saint Matthieu , après avoir dit que Jésus avait confessé sa qualité de Fils du Dieu vivant : « Alors , dit- il , ils lui crachèrent au visage , ils lui donnèrent des soufflets , ils l'accablèrent de coups , ajoutant tous qu'il était digne de mort . » Donc , et comment n'en conviendrions - nous pas ? Ce poids dont nous découvrons ici la puissance, détournait sans cesse l'esprit de Jésus des objets qui pouvaient le remplir de joies dignes de sa personne adorable ; il le tenait, au contraire , fixé obstinément sur des circonstances qui lui représentaient les plus effroyables douleurs .
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* Lucippe . Achilles Tatius , I , 2 .
CHAPITRE VIII
Par l'inclination qu'il a vers la Croix ,
Jésus préfère la pensée de la mort à
celle de sa gloire comme Fils de Dieu .
gabrielle- Nombre de messages : 19822
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
CHAPITRE VIII
Par l'inclination qu'il a vers la Croix ,
Jésus préfère la pensée de la mort à
celle de sa gloire comme Fils de Dieu .
Jamais , dit le grand Apôtre , Jésus n'a pris aucune complaisance en Lui-même tandis qu'il était voyageur sur la terre . Cette proposition est si générale qu'elle comprend l'intelligence , le jugement , la mémoire et les riches trésors de la science de Jésus . Il ne permettait pas que la plénitude de sa grâce fit aucune impression de joie en la partie de son âme qu'habitait la tristesse ; et lorsque le sentiment de sa gloire lui était présenté avec l'allégresse inénarrable qui en découle, il la refusait ; il donnait la préférence à la pensée de la confusion de la Croix . Cette pensée douloureuse s'emparait d'une partie de son esprit, lorsque l'autre était en possession de la Béatitude ; et, tandis que la perfection de sa vie et ses œuvres miraculeuses ravissaient d'admiration ceux qui en étaient les témoins , elles ne produisaient aucune impression de joie dans son cœur .
Cette vérité que Jésus n'a point pris de satisfaction en lui-même , selon le langage du grand Apôtre, comprend aussi la complaisance qu'il pouvait éprouver de l'union ineffable de son âme sainte avec une personne divine . Certes , nous n'avons pas besoin d'un grand effort pour croire qu'il n'y avait point de pensée plus capable de transporter de bonheur toutes les facultés de l'humanité sainte de Jésus que celle de l'honneur qu'elle possédait par la filiation naturelle et divine . Et , néanmoins , ce vif penchant à la mort , qui occupe sans cesse son coeur , ne respecte point cette pensée ; il ne lui permet point d'être cause de la joie innocente qui naît de la présence du souverain Bien .
Nous trouvons de cette même vérité
gabrielle- Nombre de messages : 19822
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Nous trouvons de cette même vérité des preuves bien frappantes en un grand nombre d'exemples tirés des Évangiles . Toutes les fois qu'on lui parle de sa dignité de Fils de Dieu , il rejette cette pensée pour ne considérer que l'avilissement où sa mort et sa passion le devaient réduire . S'il n'en avait été ainsi qu'une seule fois , nous pourrions présumer qu'il obéissait peut-être à un autre dessein , mais puisqu'il en a toujours été de la sorte , disons qu'en lui s'est vérifiée toujours la parole de saint Paul Jésus ne s'est pas complu en lui-même ; et qu'il a réalisé ce que le Psalmiste avait écrit : « Les blasphèmes de ceux qui vous outrageaient , sont tombés sur moi . »
Sur le Thabor, la voix du Père s'écrie du haut des cieux : Vous êtes mon Fils ! Jésus semble ne pas vouloir l'entendre pour s'entretenir du supplice du Calvaire . Il oublie sa glorieuse transfiguration pour ne songer qu'aux horreurs ténébreuses de sa mort ; et la splendeur des clartés qui l'entourent ne l'empêche point d'évoquer, devant ses yeux , les plaies sanglantes dont son corps sera couvert. Voici les trois croix du Calvaire , sur l'une desquelles il se voit attaché ; et il oppose ce spectacle aux trois tentes que saint Pierre eût voulu dresser au Thabor. Les deux voleurs qui partagent son supplice font pâlir l'appareil éclatant avec lequel Moïse et Élie viennent lui rendre leurs hommages . Les insultes , les mépris et les blasphèmes sont plus précieux à son âme que le sublime témoignage qu'on rend à sa grandeur ; et , de peur qu'on ne publie sa gloire avant sa passion , il commande aux trois Disciples le silence sur ce qu'ils ont vu et entendu , durant leur ravissement sur cette heureuse Montagne . Aussitôt qu'il en est descendu avec eux , comme pour faire disparaître de leur esprit le souvenir de ces choses glorieuses , il leur présente des perspectives capables d'abattre leur courage, tout à l'heure relevé dans l'extase . Il commence à leur parler de saint Jean-Baptiste , sous le nom d'Élie . « Élie , leur dit-il , est déjà venu , sans qu'on l'ait connu ; et on l'a accablé de mauvais traitements . » Enfin , il conclut que le Fils de l'Homme doit souffrir les tourments les plus cruels que la malice puisse inspirer aux hommes .
Nous voyons la même chose , lors de son entrée à Jérusalem .
gabrielle- Nombre de messages : 19822
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Nous voyons la même chose , lors de son entrée à Jérusalem . Sur le bruit bientôt répandu du miracle de la résurrection de Lazare , le peuple s'était porté en foule à sa rencontre . Tout à coup , devant ce peuple assemblé, on entendit une voix venant du ciel , éclatante comme un tonnerre , qui disait : « Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore ; » et Jésus , à qui le Père vivant rendait ce témoignage , répond à cette voix d'une manière bien éloignée du sens qu'elle semblait exprimer . « Quand je serai élevé de la terre , dit- il , j'attirerai tout à moi : » donnant à entendre par là , ainsi que le dit saint Jean , quel devait être le genre de sa mort.. Remarquons comme s'exprime cet Évangéliste ! Jésus répond , sans doute, à la voix du Père qui lui parle de gloire , et d'une gloire égale à celle de son principe ;mais , lui , il parle de l'ignominie de la Croix .Il répond ainsi , non à la parole de l'Éternité, mais à l'inclination de son propre esprit , à la pente de son âme et à la pensée de son cœur .
Job, guidé par le Saint- Esprit
gabrielle- Nombre de messages : 19822
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Job, guidé par le Saint- Esprit , voulant faire entendre, en peu de mots , que la méditation de la mort était le principal objet de sa pensée , dit qu'il est sorti tout nu du sein de sa mère , et qu'il retournera là tout nu . Il signifie par ce mot là , le sépulcre et non point le sein de sa mère . Car ( bien que semblât en penser , un instant, Nicodème parlant au Fils de Dieu ) , les hommes ne retournent plus au sein de leur mère . Par ce terme là , Job fait voir seulement quelle place la pensée de la mort occupait dans son esprit. Nous ne nommons point, en effet , mais nous montrons les choses qui nous sont présentes ; or, le sépulcre étant le lieu où nous devons aller et que le saint homme Job avait toujours présent en son souvenir , il lui suffit de le montrer comme du doigt sans l'appeler par son nom .
Ainsi Madeleine , parlant à celui qu'elle prenait pour le jardinier du lieu où l'on avait mis le corps de son cher Maître , lui dit : « Si vous l'avez enlevé , » sans dire quoi ni qui . Le sentiment qui lui faisait chercher avec tant de larmes et de sollicitude celui dont l'amour la possédait souverainement absorbe tellement son esprit et ses sens , qu'il lui semble que tous les autres doivent sentir et penser comme elle . Aussi ne songe- t- elle à dire ni le nom , ni l'état , ni les conditions de ce qu'elle demande .
Ces exemples nous font comprendre
gabrielle- Nombre de messages : 19822
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Ces exemples nous font comprendre le mystère de la réponse du Fils de Dieu à la parole glorieuse du Père . Jésus met sa grandeur dans les tourments de sa passion , et l'amour qu'il a pour la Croix ne peut permettre à aucune autre pensée d'altérer l'attrait que la grâce lui donne de mourir entre ses bras . C'est pourquoi il incline son souvenir vers sa condition d'homme mortel , et se plaît à exposer les circonstances qui doivent le faire paraître en proie à la honte, aux opprobres et à la souffrance . Il supprime ainsi , autant qu'il le peut , les conditions qui le rendent adorable et le montrent plein de la gloire qui lui est due . De cette gloire , il ne parle que sobrement et le moins possible , si ce n'est lorsqu'il se souvient que sa qualité de Fils de Dieu doit être cause de sa mort. Sans cesse et en tout lieu , il s'appelle le Fils de l'Homme , parce qu'il veut prendre de sa nature mortelle le devoir de souffrir et le motif d'éloigner de sa pensée tout ce qui peut le réjouir.
De cette hauteur, je ne m'étonne plus si Jésus ne semble point faire beaucoup d'estime des services que Marthe lui rend avec autant d'amour que de respect . Ces services lui étaient nécessaires , afin que , selon l'ordre de Dieu , il pût entretenir sa vie humaine jusqu'à l'heure marquée dans l'éternité ; néanmoins, ce qui lui plait davantage , c'est la tendre attention de Madeleine . Pour lui montrer toute l'ardeur de son amour, elle se tient à ses pieds ; elle y répand, avec une étonnante prodigalité , les parfums les plus précieux . Les Apôtres murmurent, disant qu'on aurait pu vendre ce parfum bien cher et en donner le prix aux pauvres . Cette réflexion avait l'apparence d'être d'accord avec la justice et une charité ordonnée . Jésus blâme , cependant ,cette préoccupation et ces murmures . Il en condamne les auteurs , et il entreprend la défense de cette femme . Il la protège à tel point qu'il veut que sa piété soit prêchée par tout le
monde .
Ce genre de service
gabrielle- Nombre de messages : 19822
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Ce genre de service doit non seulement rappeler sa mort, mais encore préparer sa sépulture . Il est au milieu d'un grand banquet ; toute la maison est embaumée de l'odeur des parfums de Madeleine . Dans une admirable protestation de foi à la divinité de son Maître, elle a versé ses parfums sur ses pieds adorables ,— superfluité qui pourrait être blâmable dans d'autres circonstances et vis-à- vis de toute autre personne . — Mais, là encore, il détourne de sa fin l'intention de cette admirable pénitente . Sous l'empire de l'inclination qui disposait incessamment son esprit à la mort, il bannit de son souvenir la pensée de sa filiation divine , pour ne songer qu'au tombeau où il sera bientôt enseveli . Ne vous scandalisez point, dit-il à ceux qui étaient présents ; car c'est en vue de ma sépulture que cette femme a agi de la sorte .
Jésus a plus d'inclination à mourir qu'à vivre ; et c'est ce qui explique sa conduite si différente à l'égard des deux soeurs . Aux services qu'on lui rend pour le soulagement de sa vie, il préfère ceux qui présagent sa mort et annoncent sa sépulture . A vrai dire , la vie lui est à charge tant qu'il ne la donne point pour le salut des hommes . C'est pourquoi il loue Marie , et paraît blâmer Marthe . Il console celle - là et l'approuve publiquement de sa piété , tandis qu'il manifeste ne goûter que peu les actives sollicitudes de sa soeur aînée , si généreuse , pourtant, et si pleine de foi . On dirait que ce qui ne porte pas le caractère de sa mort lui est pénible ; au lieu que ce qui en révèle les moindres traces est pour son esprit un sujet de joie . Continuons à le voir, sans quitter sainte Marthe . Celle- ci , pleine de confiance en lui , sûre qu'il ressusciterait son frère Lazare , lui dit , dans l'ardeur de sa foi : « Je crois , Seigneur, que vous êtes le Fils du Dieu vivant qui êtes venu en ce monde . » Jésus la quitte , aussitôt , et s'en va vers le lieu où on avait déposé le mort. Là , saisi de douleur, il commence à se troubler en son esprit ; ses sens s'émeuvent ; il soupire , il sanglote , il verse des larmes abondantes sur son ami . Ah ! il est bien fidèle à sa volonté de résister à tout ce qui pouvait lui causer de la joie .
Le chapitre suivant nous montrera
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Le chapitre suivant nous montrera ce qui arriva, pour le même motif, à saint Pierre . Je conclus celui - ci par une remarque de saint Luc. Lors du baptême de Jésus , nous dit cet évangéliste : aussitôt que le Père céleste eut reconnu et proclamé , comme , depuis , sur le Thabor, que Jésus était son fils , le Saint-Esprit, source de grâce en son âme, le conduisit au désert pour y demeurer pendant quarante jours , et s'y livrer au jeûne . Saint Marc nous signale la même coïncidence en ces termes : Une voix vint du ciel disant : «Tu es mon Fils bien - aimé ! » et aussitôt l'esprit l'entraîna dans le désert . Quel rapport entre le désert et les cieux que Jésus voit ouverts ? Entre la toute- puissante attestation du Père , la complaisance qu'il manifeste trouver en son Fils unique , et l'austérité , la rigueur de la pénitence qu'on lui impose ? Quelle liaison entre l'honneur que Jésus reçoit du Saint-Esprit descendant visiblement sur lui , et un changement si subit et si méprisable ? Saint Marc ne dit point que le Saint - Esprit lui commande , qu'il le presse , qu'il l'inspire ; mais qu'il l'entraîne au désert . En cela, il s'accommode bien à la disposition de l'âme de Jésus , puisque, quand on entendit cette voix du tonnerre qui disait : « Je l'ai glorifié et le glorifierai encore ,» il se cacha , après avoir répondu par la parole de sa Croix . Proclamé, par la bouche même de Dieu , l'Image de sa gloire , il semble ne plus oser paraître en la présence des hommes.
A peine la sainte épouse des Cantiques s'est-elle échappée des bras de son bien- aimé ; à peine a- t-elle quitté ses divines caresses , qu'elle s'entend dire : « O la plus belle entre toutes les femmes ! Si vous ne vous connaissez pas , allez vers les troupeaux de vos compagnes ,et menez paître vos chevreaux près des tentes des Pasteurs ! » Que voir en ces paroles , si ce n'est des menaces , ou plutôt, des encouragements puissants , pour faire savourer à cette âme bénie le bonheur de sa condition présente, en regard de celle , si humble, d'où elle avait été tirée ? Ce n'est point ainsi que le Fils unique du Père céleste est traité . Le Saint- Esprit, qui est le lien d'amour de la Divinité, le jette , pour ainsi dire , hors du sein de sa naissance éternelle , et , non content de le séparer de la source des douceurs qui lui sont dues , il le chasse de la maison ainsi qu'un étranger, il le bannit comme s'il était indigne non seulement de la société divine ,mais encore de toute société humaine , civile et politique . Il lui défend toutes sortes de commerce avec les hommes ; il le condamne à vivre avec les bêtes . C'est ainsi que parle saint Marc : « Jésus a été , dit- il , au désert pendant quarante jours et quarante nuits ; il y était tenté par le démon et il y demeurait avec les bêtes sauvages . »
CHAPITRE IX
Comment la Connaissance actuelle que
Jésus avait , pendant le cours de sa vie ,
des circonstances de sa mort, lui était
une cause de souffrances .
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
CHAPITRE IX
Comment la Connaissance actuelle que
Jésus avait , pendant le cours de sa vie ,
des circonstances de sa mort, lui était
une cause de souffrances .
Puisque ,d'après ce que nous venons d'exposer au chapitre précédent , les plus grands motifs de joie ne produisaient aucun effet sur les puissances de Jésus , et que, au contraire , toute occasion de tristesse y suscitait un cruel écho , il nous est facile de comprendre de quel poids la grâce l'inclinait vers la Croix . Son esprit et son imagination représentaient à Jésus , dans leurs plus minutieux détails, toutes les douleurs qu'il devait souffrir , toutes les humiliations qu'il devait endurer, toutes les frayeurs qui devaient l'envahir . Dieu par une dispensation mystérieuse , mais qu'explique son amour pour nous , suspendait les vues supérieures qui pouvaient émousser le vif sentiment des maux qui devaient fondre sur Jésus . Bien plus , ses facultés elles - mêmes , par la toute- puissance du Verbe , étaient rendues plus susceptibles encore de souffrance , tandis que la nature , abandonnée à sa propre faiblesse, subissait tout l'empire de la crainte , de la tristesse , de l'ennui et de la plus vive aversion . Il résultait de tout cela pour l'âme de Jésus un martyre continuel , dont il est bien difficile de faire comprendre la rigueur .
Je dis un martyre continuel , car ce n'est pas le moment de la mort qui cause la plus grande douleur . L'instant de la séparation nous trouve insensibles ; et si on pouvait la sentir, on ne mourrait jamais . C'est l'appréhension de cette séparation qui cause la douleur, lorsque la nature , se voyant sur le bord du précipice et se repliant sur elle - même ,éprouve une souffrance semblable à celle dont nous sommes témoins en ceux qui vont mourir .
Or , la merveille de la vie de Jésus consiste en ceci que , mourant continuellement (en un sens plus véritable que saint Paul qui disait : « Mes frères , je meurs tous les jours pour votre gloire ») , mourant , dis - je , par la crainte naturelle que lui inspirait la connaissance de toutes les circonstances de sa mort, il montrait cependant un visage gai et serein . Il n'appartenait qu'à lui de déployer une si grande force d'âme ; de mourir à chaque instant, et de vivre dans un calme admirable ; de craindre et d'aimer la mort ; de fuir et de rechercher les tourments . Il n'y a que le Fils de Dieu qui puisse manifester , dans la disposition de son âme , de telles oppositions de la nature et de la grâce .
Rappelons -nous ce que Jésus disait
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Rappelons -nous ce que Jésus disait à ses disciples de ce martyre continuel . Il se compare à une femme , en travail d'enfantement ,saisie de tristesse par l'appréhension des douleurs inévitables qui l'attendent . C'est là une vive image de l'état de l'âme de Jésus , avant l'heure de sa passion . Représentons - nous cette mère , non seulement tourmentée par les souffrances violentes qui accompagnent son état, mais encore plongée dans une tristesse profonde et sans consolation par la sentence qui a prononcé que l'heure de la naissance de son enfant , serait aussi celle de sa mort ! Est-il possible de concevoir une vie plus misérable que celle-là ? Peut - on imaginer de plus cruelles angoisses ? Ne faut- il pas dire que cette femme meurt à chaque instant de la vie qui lui reste? D'autant plus que l'attente de la mort et la seule pensée qu'on va mourir sont plus affreuses que la mort même, comme on le voit chez les criminels que l'on conduit au supplice . C'est pourquoi on a dit que la mort est douce en cela , qu'elle met fin à l'effroi que sa pensée inspire naturellement .
Jésus ne pouvait employer une image plus frappante de la douleur extrême qu'il a endurée pendant trente - trois ans , le jour comme la nuit, en tout temps et partout . Tandis que son corps est exténué par les veilles , les jeûnes , les lassitudes et les travaux , son esprit est incessamment secoué par la vive appréhension de la mort et par les passions qui en sont l'accompagnement inévitable . Elles composent à son âme un tourment bien plus grand que toutes ses douleurs extérieures . La pleine connaissance qu'il a de ce qui doit lui arriver le fait souffrir , à chaque instant, de tout ce qu'il doit endurer plus tard , successivement, en divers lieux , de différentes personnes , dans les membres de son corps , ou dans les puissances de son âme.
Nous voyons quelle était cette mort dans les paroles par lesquelles Jésus voulait faire comprendre à saint Jean et à saint Jacques son frère, les dispositions propres à leur mériter la préséance que leur mère réclamait pour eux dans son royaume . Pouvez -vous , leur dit - il , en saint Marc , boire le calice que je bois , et être baptisés de mon baptême ? Saint Matthieu rapporte le même propos en des termes qui visent sa passion future . Mais ces évangélistes ne se contredisent pas . Ces paroles ont leur pleine vérité en l'interprétation que nous en donnons ; à savoir que Jésus , par une mort anticipée , s'est visiblement offert dans un holocauste continuel , qui a fait de sa vie un martyre intérieur . Ce martyre nous est bien représenté par le calice d'angoisses dont il parle, dont la pensée a fait couler de ses membres une sueur de sang et d'eau et réduit son âme à une effroyable agonie , au jardin des Olives . Il a bu ce calice à longs traits , à tous les instants de sa vie , pour vérifier cette parole du grand Apôtre : Jésus ne s'est pas complu en lui- même ; et réaliser ce qui est écrit de lui : Les opprobres de ceux qui vous méprisent m'ont environné de toutes parts, partout et toujours .
Jésus a donc souffert
gabrielle- Nombre de messages : 19822
Date d'inscription : 25/01/2009
Re: LA CROIX DE JÉSUS OU LES DIVINES AFFINITÉS DE LA GRÂCE ET DE LA CROIX
Jésus a donc souffert tout le cours de sa vie dans le temps , comme s'il n'était pas sujet au temps, mais bien comme s'il était principe et mesure, pour ainsi dire , de l'éternité . Il endure à la fois tous les tourments que les soldats et les bourreaux devaient lui infliger l'un après l'autre . Il souffre dans son esprit d'une façon indivisible , tout ce qu'il devait souffrir en plusieurs heures , comme s'il eût été tout ensemble pris , fouetté , couronné d'épines, abreuvé de fiel et accablé des douleurs de la mort. Il ressentait , en un même moment , l'horreur des persécutions que d'odieux tyrans devaient susciter contre l'Église , les martyres horribles des saints de chaque siècle , les désolations produites par les schismes et les hérésies . La vue des péchés des hommes , le sentiment de leurs noires ingratitudes , du mépris qu'ils feraient de lui et de son Père , la pensée des tourments des damnés qui rendraient sa venue dans le monde inutile pour eux : tout cela plongeait son âme dans un océan d'amertumes . Sa douleur est si vive qu'elle lui arrache des plaintes dont le prophète s'est fait l'interprète ( 1 Mais maintenant, ils me détestent aussi, moi et mon père)
Les puissances de Jésus sont tellement saisies par tous ces tristes spectacles , et d'autres pressentiments redoutables qu'il est plus facile d'imaginer que de dire , qu'elles en sont accablées et près de succomber . Et si l'on vient à réfléchir à ceci que ses puissances agissaient avec toute leur énergie et dans toute la plénitude de leur aptitude naturelle , non pas comme il arrive en nous-même où , à raison de nos passions et de mille autres empêchements , les objets sont représentés avec plus ou moins de vivacité , mais jamais , pourtant, avec toute la force dont nos facultés sont capables , on conçoit que son âme devait être submergée en de tels flots de désolations , qu'ils ne pouvaient s'écouler même sous l'action de ce qui lui causait ses plus grandes joies .
CHAPITRE X
La Conduite de Jésus envers saint Pierre,
le traître Judas , le démon et les soldats ,
nous montre l'empire que l'attrait pour
la Croix exerçait dans son âme .
gabrielle- Nombre de messages : 19822
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