Les Martyrs de Gorcum

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Message  Monique Jeu 29 Aoû 2024, 9:52 am

CHAPITRE XII

LA GLOIRE


***


C'est au milieu de ce renouveau, à la préparation duquel leur culte n'avait pas été étranger, que les bienheureux martyrs de Gorcum reçurent la dernière consécration de gloire qui leur manquait encore ici-bas.

Martyrisés en 1572, ils avaient été béatifiés, on s'en souvient, le 14 novembre 1675. Ils attendaient bientôt depuis deux siècles les honneurs suprêmes de la canonisation. Le vote favorable du Consistoire fut rendu le 25 juin 1866. Mais le grand jour était reculé au 29 juin de l'année suivante. La date avait été choisie avec une grande délicatesse par Pie IX lui-même. C'est en ce jour qu'on devait célébrer, avec une pompe que Rome libre savait donner à ses fêtes religieuses, le dix-huitième centenaire de la mort de saint Pierre et de saint Paul. L'occasion paraissait unique à celui qu'on a appelé le Pape-Martyr de glorifier en ce jour avec quelques autres saints, dont sainte Germaine Cousin, saint Léonard de Port-Maurice, saint Paul de la Croix, sont les plus connus, ces dii-neuf martyrs du Nord, qui, mis dans Taller native « de renoncer au Pontife de Rome ou de mourir » étaient morts simplement, noblement, dans leur fidélité inébranlable au Vicaire de Jésus-Christ. La canonisation fut l'acte le plus solennel de cette fête. Le moment fut particulièrement touchant pour les pèlerins hollandais répandus dans l'assistance, quand après l'Évangile, après l'omélie faite en grec et en latin, le pape, assis sur son trône, déclara, comme Docteur infaillible de l'univers, que tous les fidèles du Christ pouvaient honorer comme devrais saints les B. B. Nicolas Pieck de Gorcum, Jérôme de Wecrt, Théodore vander Eem d'Amersfoort, Nicaise de Heeze, Willehald du Danemark, Godefroid de Melveren, Antoine de Weert, Antoine de Hoornaar, François van Rooy de Bruxelles, Pierre d'Assche, et Corneille de Wyk-by-Duurstede, tous de l'ordre des Frères Mineurs de l'Observance; Jean de Cologne, de l'ordre des Frères Prêcheurs; Adrien de Hilvarenbeek et Jacques Lacops d'Audenarde, tous les deux de l'ordre des Prémontrés; Jeand'Oosterwyk, chanoine régulier de Saint-Augustin; Léonard Vechel de Bois-le-Duc, Nicolas Janssen, surnommé Poppel, de Weelde, Godefroid van Duynen de Gorcum et André Wouters, tous les quatre prêtres du clergé séculier. Le pontife fixait leur fête au 9 Juillet, jour anniversaire de leur martyre. Au Confiteor comme le veut le rite antique, le nom des nouveaux saints suivit immédiatement celui des saints Apôtres Pierre et Paul.

Le reste de la cérémonie se déroula lentement, majestueusement. Quarante cardinaux, près de quatre cents évêques et prélats et une foule innombrable de fidèles — le nombre des étrangers présents à Rome fut évalué à cent mille pèlerins — assistaient à cette inoubliable cérémonie à laquelle la reconnaissance du Vicaire de Jésus-Christ avait su donner un cadre si grandiose. Car Pie IX, tout en exerçant ici une prérogative des plus sublimes de son magistère suprême, payait en ce moment une dette de reconnaissance. En glorifiant leurs héroïques ancêtres du xvie siècle, il récompensait les prêtres, les religieux et les catholiques de la Hollande de leur fidélité à la foi de Willibrord et de Boniface et de leur attachement au Saint-Siège. En ce moment même cet attachement était tout simplement admirable. Car on était à Rome dans la douloureuse crise qui devait aboutir trois ans plus tard à la spoliation du Saint-Siège. Avec la France, la Belgique et l'lrlande, pays catholiques et terres classiques de la générosité et du dévouement chevaleresques, on voyait la petite Hollande, pays réputé protestant et âpre au gain, faire, elle aussi, l'office de Cyrénéen auprès du Pape-Roi gravissant son calvaire. Les aumônes du denier de Saint Pierre affluaient. Mais on voyait surtout accourir et prendre rang parmi les zouaves pontificaux, ces grands jeunes gens de Hollande, au teint rouge, à la chevelure blonde : les Pierre Jong de Lutjebroek, les Heykamp, les quatre Robyns d'Amsterdam, les trois Zwarthoed de Volendam et tant d'autres. Ils furent de bons soldats ; ils ne comprenaient pas la langue des Lamoricicre, des Pimodan, des Cbarette, mais tous, sous les ordres de ces vaillants capitaines, se battaient comme des braves. Au combat de Monte-Libretti, sur le nombre total des victimes la moitié était des Hollandais1 ; et à la journée de Mentana (3 novembre 1867) ils décidaient de la victoire, victoire, hélas ! passagère. Ils étaient au nombre de sept cents dans une réunion que présidait au Colisée, quelques jours avant la canonisation de leurs héroïques compatriotes. Monseigneur Wilmer, l'évêque de Harlem d'oti dépend la ville de Brielle. A un diplomate qui s'étonnait devant Guillaume III de l'enrôlement de tant de ses sujets — leur nombre s'éleva jusqu'à trois mille — le roi protestant fit cette noble et fière réponse :  Ils vont défendre la cause du juste et de l'opprimé, je m'honore d'être leur souverain. »


1. Le héros de la, journée de Monte-Librettî (13 octobre 1867) fut Pierre Jong de Lutjebroek. Charger et décharger son fusil allait trop lentement à son gré, et de la baïonnette il ne pourrait atteindre qu'un ennemi à la fois. Il retourne son arme, saute au milieu d'un groupe de garibaldiens et, frappant à droite et à gauche avec la crosse de son fusil, il assomme à chaque coup un ennemi. Enfin n'en pouvant plus, il tombe près des quatorze cadavres qui gisent à ses pieds, il fait le signe de la croix et il meurt, percé de coups.



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Message  Monique Sam 31 Aoû 2024, 6:58 am

Comme bien l'on pense, tout le monde n'avait pas, en Hollande, la largeur d'esprit du monarque. La canonisation de nos martyrs venait de provoquer chez beaucoup de protestants une nouvelle levée de boucliers. Au ton violent que prirent soudainement leurs principaux organes, on se serait cru ramène trois siècles en arrière. A les entendre, l'acte de Rome ne tendait qu'à réveiller les vieilles haines, à marquer au fer rouge les serviteurs de l'indépendance et même à jeter le blâme sur la maison régnante et sur son cher Guillaume d'Orange, le Père de la patrie. Les catholiques n'eurent pas de peine à faire justice de ces accusations. Si çà et la quelque écrivain sectaire continua de soulever les passions, la grande majorité des protestants de Hollande sut bientôt reconnaître que Rome avait raison d'honorer des hommes intègres qui avaient fait honneur à l'Église catholique, et que c'était encore rendre plus glorieux les souvenirs de l'indépendance nationale que de condamner certains actes qui avaient accompagné son établissement, mais que le Prince d'Orange avait été le premier à flétrir et à châtier.

Les fêtes de Rome purent donc avoir dans la petite patrie de splendides lendemains. Quelque chose était changé dans le tempérament de la nation depuis la béatification, et la joie des catholiques put se donner libre cours. Le culte des martyrs croissait toujours. Un homme en était l'infatigable ouvrier, le professeur Jean Smit, du grand Séminaire de Warmond. Aidé de savants collaborateurs, parmi lesquels nous citons avec reconnaissance un modeste religieux, le Père Nieuwenhuyzen, archiviste du couvent franciscain de Weert, M. Smit parvint à identifier l'emplacement exact où avait eu lieu le martyre des confesseurs de la foi. Quand, à la suite de négociations délicates, l'enclos du vieux monastère de Ten Rugge fut devenu propriété du diocèse de Harlem (20 mai 1867), on vit s'élever à l'endroit du supplice un monument convenable. Dans la ville de Brielle, aujourd'hui comme autrefois la cité sainte du protestantisme, non loin de la tour Sainte Catherine qui fut témoin de beaucoup de faits que nous avons racontés dans ce livre, à l'endroit même où se joua le dernier acte de ce lugubre drame, le « Martelaarsveld » ou Champ des Martyrs — c'est le nom que les protestants aussi bien que les catholiques donnent au monument commémoratif — est devenu le pèlerinage le plus aimé et le plus fréquenté de la Hollande. Et grâce au profit palpable qu'ils en retirent dans les mois des pèlerinages et des processions, les Briellois conviennent de bonne grâce que le sang des martyrs ne crie pas vengeance contre leur ville.



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Message  Monique Dim 01 Sep 2024, 9:20 am

Mais c'est surtout à d'autres points de vue que les protestants aussi bien que les catholiques ont bénéficié de ces événements. Le culte qu'on rend à nos martyrs fait encore du bien à toute la nation. La Hollande a fait l'expérience de l'ostracisme et de la violence; désormais son choix est fait. Elle est, elle entend demeurer une terre de liberté. Elle tient à ces articles de sa constitution révisée : « Chacun professe sa religion avec une entière liberté.... A toutes les confessions religieuses du royaume est accordée la même protection. Les membres des diverses confessions religieuses ont tous les mêmes droits civils et politiques, et peuvent prétendre aux mêmes dignités, fonctions et emplois ». Le pouvoir assure son appui bienveillant à toutes les œuvres d'assistance, de préservation, d'enseignement, indépendamment du caractère neutre ou confessionnel de ceux qui les dirigent.

L'enseignement est obligatoire ; mais il peut être donné, à tous ses degrés, par quiconque justifie des diplômes nécessaires, et se soumet à une inspection nullement tracassière. Le pays ne croit compromettre ni son indépendance, ni ses intérêts, en soutenant, même par ses subsides, renseignement libre aussi bien que celui de l'État. La législation favorise de tout son pouvoir, et sans aucune restriction odieuse, l'esprit d'association. Cet esprit s'épanouit au grand jour, comme peut-être nulle part ailleurs. Depuis les ligues florissantes d'action sociale, de tempérance, de moralisation , jusqu'aux syndicats de commerçants, d'hommes d'affaires, d'agriculteurs, d'ouvriers de chaque industrie, et jusque aux plus modestes sociétés d'art et de sport, tout le monde en Hollande sent le besoin de s'unir, de travailler de concert avec ceux qui ont les mêmes intérêts à servir, le même idéal à réaliser. L'on voit parfois des communes de deux à trois mille âmes ne compter pas moins de quinze à vingt associations dont la plupart ont leurs statuts approuvés par le gouvernement.

Les catholiques ne restent pas en arrière. En plus des œuvres de la charité sous toutes ses formes, ils ont leurs séminaires et leurs grands collèges; leurs écoles normales pour les instituteurs et institutrices ; leurs sociétés électorales fonctionnant dans tous les districts et puissantes par leur discipline; leurs congrès régionaux ou nationaux, périodiques ou annuels; leurs belles associations « Foi et Science » pour donner des conférences aux classes instruites dans les villes, et « Honneur et Vertu » pour combattre par les jeunes gens eux-mêmes les dangers des publications licencieuses.



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Message  Monique Lun 02 Sep 2024, 10:35 am

La presse catholique se fait honneur a elle-même et, Dieu merci, il y a encore des provinces où le mauvais journal n'a aucune chance d'être lu.

L'archevêque d'Utrecht et ses suffragants de Harlem, Bois-le-Duc, Bréda et Ruremonde se réunissent deux fois l'an pour se concerter sur les intérêts de leurs églises et pour adopter, autant que possible, une action uniforme dans le gouvernement des âmes. L'épiscopat est à la tête d'un clergé digne, zélé, instruit, exemplaire dans sa soumission à ses chefs et honoré à son tour de la confiance respectueuse du peuple.

Les congrégations religieuses sont légion sur un sol qui leur était autrefois si hostile. L'habit de saint Dominique et de saint Norbert qu'illustrèrent saint Jean de Cologne et les Prémontrés Adrien de Hilvarenbeek et Jacques Lacops y est encore porté avec honneur, et les frères de Nicolas Pieck se montrent là comme partout ailleurs les enfants pieux et zélés de leur saint patriarche d'Assise. Les fils de saint Benoît et de saint Ignace, de saint Vincent de Paul et de saint Alphonse de Liguori avec les disciples de beaucoup d'autres fondateurs plus anciens ou plus jeunes y servent Dieu et les âmes en toute sécurité. Les Carmélites, les Ursulines, divers ordres qui ont choisi saint Vincent de Paul pour patron et les Filles de la Charité qui tout pour fondateur, sans parler d'un grand nombre d'autres congrégations enseignantes ou hospitalières, se livrent en paix à la vie contemplative, à renseignement ou au soulagement des pauvres et des malades. La nation a fait oublier son intolérance de jadis par la charité avec laquelle elle accueille les persécutés de pays réputés plus civilisés, et par la protection efficace dont jouissent sur cette terre vraiment libre tous les hommes de bonne volonté.

Quiconque a voyagé en Hollande sait que les églises sont belles, le sentiment religieux sincère et intense, les sacrements fréquentés, le travail du dimanche inconnu, le mariage respecté, et la natalité digne de mœurs chrétiennes. En raison du contact plus ou moins immédiat avec les protestants, les catholiques paraîtront plus énergiques dans les provinces du Nord, plus démonstratifs dans celles du Midi; mais sauf de rares exceptions, catholique et pratiquant sont deux mots synonymes dans tout le pays.



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Dernière édition par Monique le Mar 03 Sep 2024, 12:08 pm, édité 2 fois
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Message  Monique Mar 03 Sep 2024, 11:52 am

Sans doute ici comme partout il y a des ombres au tableau. Le travail souterrain des sectes, la mauvaise presse, l'esprit de révolte et de désordre qui sollicite les sociétés, quand il ne les ronge pas encore, peuvent finir par déchaîner sur le pays une tempête qui pour n'être pas imminente n'en reste pas moins à redouter. En attendant, le peuple lui-même veille et prépare son avenir. Ses qualités de bon sens et de froide énergie lui évitent beaucoup de faux pas. Sur le terrain politique la prévoyance d'un grand homme, le docteur Schaepman, a fait contracter entre catholiques et calvinistes croyants des alliances fécondes en bons résultats, pour résister aux efforts des ennemis du christianisme. Le clergé, guidé par ses évêques, s'intéresse avec un tact parfait à la création et au fonctionnement des œuvres sociales. Son intervention universellement acceptée et demandée par les catholiques agissants ne gêne pas leur liberté d'action ; elle coupe court à beaucoup d'erreurs et elle maintient la subordination des intérêts matériels aux intérêts supérieurs de l'âme et de l'éternité.

Si, malgré cette vigilance, l'avenir ramène dans le pays le temps des troubles et de la persécution, les catholiques ne se décourageront pas. Ils se replieront sur le passé et reprendront à leur compte la tactique de leurs pères. Ennemis par nature des démonstrations stériles et des illusions par lesquelles l'homme voudrait parfois s'aveugler lui-même, les ancêtres convenaient sans difficulté qu'ils étaient un parti vaincu, quoique au service d'une cause qui doit nécessairement triompher à nouveau. Ils savaient donc se taire, se recueillir, et garder dans leur défaite passagère cette noble dignité qui convient à des blessés, qui les honore et qui leur permet de préparer dans le calme et le silence la victoire prochaine. Ils savaient prier et souffrir, se maintenir fidèles et disciplinés, pratiquer dans la famille les vertus dont on ne leur permettait plus de faire preuve dans la vie publique. Ils réussirent ainsi, lentement mais infailliblement, d'abord à reconquérir leurs droits à l'existence, puis à provoquer cet épanouissement de la vie chrétienne du pays dont nous avons esquissé quelques traits.

C'est encore ainsi que feraient les catholiques de Hollande si la persécution venait à les abattre momentanément ; et s'il fallait, pour assurer un nouveau triomphe, le sacrifice de nouvelles victimes, tout permet de croire qu'on verrait d'autres noms venir s'aligner a la suite de ceux du curé Léonard Vechel et de Nicolas Pieck, de Jacques Lacops le martyr pénitent, ou de Godefroid van Duynen, le doux vieillard. Il est encore des pages blanches au martyrologe de tout peuple qui croit en Dieu et espère en Lui !



FIN
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Message  gabrielle Mar 10 Sep 2024, 11:33 am

Excellent dossier. Je ne connaissais pas du tout.

Merci Monique.
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