LES MÈRES DES SAINTS
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
§ VI. — L a Mère de saint Nizier, archevêque de Lyon (513-573). — Avec saint Nizier, nous entrons dans une de ces familles qui, vaincues par les Francs, les domptaient à leur tour par la civilisation, par la culture intellectuelle et surtout par la prudence, opposée à l’impétuosité Barbare, par la patiente fermeté et par la sainteté.
C’est de ce sang, où la flexibilité de l’esprit celtique se mariait à l’austérité du caractère romain, pour faire des apôtres éloquents et imposants, c’est de cette race que sortent la plupart des grands évêques qui illustrèrent et formèrent la France à l’époque mérovingienne. Nizier est le neveu d’un autre archevêque de Lyon, et l’oncle du grand évêque et historien Grégoire de Tours.
A côté du palais sauvage des rois francs, du seuil duquel coule le sang des frères, des pères, des mères, des fils même de ces rois, la vie de saint Nizier nous montre le foyer domestique des nobles représentants de la triple civilisation gauloise, romaine et chrétienne. Nous y trouvons la douceur et la dignité. Notre saint n’est pas seulement un lettré, un sage évêque, un thaumaturge, il nous frappe par le caractère touchant de sa tendresse filiale.
Il ne quitte pas sa mère. Même lorsqu’il fut avancé en âge, elle reste toujours l'inspiratrice de ses actions et la directrice très obéie de sa maison.
Quand on pense que ce fils docile et doux, distingué, comme tous les hommes de sa race, par la haute culture intellectuelle et par la grande élévation morale, est le contemporain des fils de Clovis, il y a là un contraste frappant, bien fait pour démontrer la puissance civilisatrice du catholicisme.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Nizier était de race sénatoriale. Il semble que les gens de ces illustres familles vissent dans l'épiscopat une continuation chrétienne de ce de voir de protection envers les pauvres et les faibles que la politique romaine imposait aux Gaulois puissants et riches. L’épiscopat, c’est-à-dire le pouvoir protecteur, armé uniquement de la force morale, était le digne couronnement d’une vie pieuse et charitable pour un homme noble, puissant et bon.
Aussi Florentinus, le père de Nizier, arrêta-t-il qu’il entrerait dans l’état ecclésiastique et qu’il occuperait le siège épiscopal de Genève, quand il aurait eu un troisième enfant. Il en avait déjà deux et dame Artemia, son épouse, lui en promettait un troisième. Celle-ci, très pieuse, et que nous pouvons nous représenter comme la Femme Forte de l'Écriture, eut une révélation quelque temps avant la naissance de ce troisième enfant.
Il lui fut annoncé que ce serait un garçon, qui deviendrait évêque. Dès lors, le bon seigneur Florentinus reconnut, avec candeur, qu’un évêque suffisait pour la gloire et la bénédiction de sa famille. Il resta dans le monde et il aida sa femme Artemia à élever l’enfant pour les saintes destinées, auxquelles Dieu l’appelait.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Nizier, intelligent et laborieux, profita grande ment des leçons des précepteurs. Il devint vite un savant dans les lettres humaines et divines. Son père mourut au moment où il recevait les premiers ordres mineurs. Nizier voulut par humilité rester longtemps dans ces degrés inférieurs de la hiérarchie sacerdotale. Tout en s’occupant avec zèle de ses fonctions et en pratiquant cette grande charité qui le distinguait, il vivait humblement et doucement au foyer maternel. Il abandonna complètement à sa mère le soin des affaires domestiques.
Celle-ci avait, comme toute la France d’alors, une piété ardente pour saint Martin. Elle avait mis son fils sous la protection spéciale de ce grand saint qui, martial et aumônier, était bien le patron de la race franque, généreuse et farouche, sensible et furieuse, dont il fallait adoucir la férocité naturelle par le développement de l’instinct charitable.
C’est à lui que dame Artemia demanda un miracle pour sauver la vie de son fils. Il avait une pustule pestilentielle que les médecins déclaraient inguérissable. Le jeune homme était arrivé aux dernières extrémités ; depuis deux jours, il ne parlait plus. Tout était préparé pour les funérailles, toutefois la mère ne désespérait pas encore. Elle implorait saint Martin avec importunité, avec cette pieuse violence que Jésus conseille à qui veulent obtenir une grande faveur de la miséricorde divine.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Au moment où Nizier allait rendre l’âme, saint Martin lui apparut. Il lui dit que sa mère le mettait au monde une seconde fois et qu’elle avait par sa foi, obtenu cette sorte de résurrection. Il fit un signe de croix sur le mal, qui disparut immédiatement sauf un petit point noir que Nizier garda toute sa vie sur le visage pour se rappeler à la fois la bonté de Dieu, la puissance de saint Martin, la récompense de l’amour filial et la grandeur des Mères chrétiennes.
C’est là en effet, nous l’avons dit, un des bien faits de la maternité chrétienne : elle est puissante auprès de Celui qui est tout-puissant.
Artemia aida Nizier à maintenir dans sa maison les habitudes qui correspondaient au double génie de ces Gallo-Romains à la fois actifs et lettrés. Elle voulut que ses serviteurs, ceux-là surtout qui étaient à la tête des autres, ne fussent pas seulement occupés corporellement. Elle ordonnait à tous la lecture de l’Ecriture Sainte, à quelques-uns l’exercice de l’oraison.
Pour Nizier, il avait, de son côté, tout en étudiant avec zèle, voulu apprendre un métier manuel. Il avait interprété ainsi le commandement de saint Paul qui, en conseillant à chacun de gagner de quoi vivre et de quoi faire l’aumône, semblait avoir pensé à ce temps troublé où les invasions barbares jetaient du haut en bas de la fortune les plus riches familles.
Dame Artemia et son fils voulaient, sans doute, que les enfants de leurs parents et de leurs domestiques apprissent à lire, afin de mieux servir Dieu et de mieux chanter ses louanges ; mais l’éducation du foyer domestique gallo-romain ne paraît pas avoir été bornée à la lecture des livres de prières.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
C’est à cette éducation que Grégoire de Tours, un des plus grands esprits et des plus érudits de ces siècles, dut les bases de son instruction. Il l’avait reçue parmi les domestiques de Nizier, dont il était le neveu.
On peut juger par lui de ce qu’elle était. Du reste, il n ’oublia jam ais Artemia. C’est lui qui nous dit que, même prêtre — il ne le fut pas avant l’âge de trente ans — Nizier obéissait à sa mère comme au temps de son adolescence.
Vit-elle dans la gloire de son épiscopat, ce fils qui lui devait de si douces et de si vigoureuses qualités? Nous ne le savons pas. Ici, comme en beaucoup d’autres de ces vies que nous esquissons, c’est par le fils que nous pouvons connaître la mère. Je ne résisterai donc pas à raconter l’anecdote suivante qui peint, avec une sincérité si naïve, l’homme et le temps, et par là cette pieuse, intelligente et ferme dame française, dont on voudrait tant connaître toute la physionomie.
Nizier était archevêque de Lyon. Ce n ’était pas seulement les Francs, par leur impétuosité difficilement réfrénée, mais les juristes romains, par leur formalisme envahissant, qui inquiétaient les droits des évêques. Le droit romain bataillait avec le droit canon sur cette étroite frontière qui sépare le pouvoir civil du pouvoir ecclésiastique.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Nizier était archevêque de Lyon. Ce n ’était pas seulement les Francs, par leur impétuosité difficilement réfrénée, mais les juristes romains, par leur formalisme envahissant, qui inquiétaient les droits des évêques. Le droit romain bataillait avec le droit canon sur cette étroite frontière qui sépare le pouvoir civil du pouvoir ecclésiastique.
Le comte Armentarius, préfet de Lyon, voulait en appeler à son tribunal d’un procès jugé par le tribunal de l’offïcialité. Nizier envoie un de ses prêtres, nommé Basile, pour prier le préfet de n’en rien faire. Armentarius reçut l’envoyé fort légèrement, refusa de se dessaisir, et sur l’insistance du prêtre, le renvoya, avec des paroles vives contre l’évêque. Basile, fort ému, s’en vint trouver le prélat attablé devant son frugal repas.
L ’envoyé raconta comment non seulement il n ’avait pas réussi dans son ambassade, mais comment on l’avait renvoyé fort incivilement. Le bon évêque craignait ce qui pouvait émouvoir en lui la vivacité du sang gaulois.
Basile, qui s’attendait à recevoir des félicitations sur la fermeté de sa conduite et peut-être des consolations pour les rudesses dont sa qualité d’ambassadeur ne l’avait pas défendu, fut fort stupéfait d ’être renvoyé brusquement. Expulsé par le préfet, expulsé par l’évêque, c’était déconcertant pour le pauvre Basile, qui perdit décidément la tête quand Nizier le menaça de ne plus lui donner les eulogies. C’était le pain, parfois les mets, parfois même le vin qui, après été bénits, étaient donnés ou envoyés aux serviteurs, aux amis, aux fidèles, en signe de fraternité et de pieux cadeaux.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Nizier déclarait que Basile était coupable d’avoir rapporté des paroles qui pouvaient pousser son évêque à la colère. Le pauvre prêtre était si stupéfait que le bon évêque en fut touché et il fit un signe de l’œil à Grégoire, qui était à côté de lui, à titre de diacre et de neveu.
Celui-ci comprit et intercéda pour l’ambassadeur mortifié. Nizier se réconcilia immédiatement avec lui et se tournant du côté des assistants : « Je vous prie, mes frères, de ne plus jamais me rapporter ce que vous entendrez dire contre moi, car il n est pas à propos que des hommes raisonnables s’arrêtent à des paroles prononcées sans raison. »
Ce fut toute la vengeance du saint évêque contre le préfet. Il avait trouvé la formule pour traduire charitablement cette pensée : « Evêque est autant au-dessus d’un préfet inique qu’homme est supérieur à un chien. »
A suivre... § VII.
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
§ VII. — Berswinde, Mère de sainte Odile (657-722). — L ’Alsace a de bien douces figures parmi ses enfants, et celle de sainte Odile doit lui être doublement chère.
Au point de vue religieux, elle e st une des grandes sources des bénédictions de Dieu sur la terre alsacienne! Par ses prières elle les attire, par ses souffrances elle les a méritées. Dans le contrat mystique signé entre Jésus-Christ et son épouse, il est doux de croire que le Divin Maître, en lui promettant la patrie céleste pour son âme, lui apportait aussi de grandes bénédictions pour sa patrie terrestre.
Au point de vue humain la naissance d’Odile marquère de prospérité de l’Alsace. Odile y contribua en fondant des hôpitaux, des couvents qui amenèrent des étrangers ; et l’élément civilisateur apparaît avec les religieuses d’origine franque, irlandaise et écossaise. Ce n ’est pas à elle seule d’ailleurs qu’il faut attribuer tout le mérite de ce grand mouvement : sa mère en peut réclamer sa part. Elle doit être considérée comme la sainte Clotilde de l’Alsace.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
De très noble naissance, parente de saint Léger, Berswinde s’était unie au duc d’Alsace Adelric. C’était un seigneur resté Barbare et dont le farouche orgueil n ’avait pas encore cédé aux leçons du christianisme. Berswinde, elle, pieuse et douce, calmait les fureurs de son époux. Nous la voyons toujours à ses côtés comme l’ange du Bon Conseil.
Dieu, qui veut éprouver les plus aimés de ses serviteurs, permit, pour sa plus grande gloire, que Berswinde eût une fille aveugle en naissant.
Son amour maternel s’en accrut, mais Adelric furieux, voulut faire mettre à mort l’enfant qui lui semblait un déshonneur pour lui et pour sa race.
C'était Odile. On le voit, rien autour de son berceau ne faisait présager sa gloire. Elle était condamnée à la mort. Elle parut condamnée à la misère. Berswinde, ne pouvant se résigner à sacrifier sa fille, la donna à une servante dont elle était sûre et qui devait l’emmener loin d’Adelric. Elle couvrit la pauvre enfant de baisers en disant à la servante : « Je vous la confie et je la recommande au Sauveur Jésus ».
Cette confiance en la Providence devait être récompensée. Le Sauveur Jésus accepta ce dépôt qu’on lui confiait et voulant Odile toute à Lui, Il allait la façonner Lui-même dans le creuset des souffrances et des épreuves.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Quelque temps après ce premier exil, la pieuse duchesse, apprenant que son secret commençait à transpirer, eut, une seconde fois, recours à l’Esprit-Saint pour trouver un asile plus éloigné et plus caché. Elle envoya l’enfant dans un couvent et la confia aux religieuses de Baume, qui déposèrent dans son âme le germe de toutes les vertus et l'initièrent à cette vie de sacrifice qui devait être la sienne.
Il nous est difficile de comprendre comment Odile, parvenue à l'âge de treize ans, n ’eût pas encore été baptisée. Dieu l'avait permis afin qu’elle fût vraiment l'enfant du miracle et que retrouvant la vue avec l’onction divine, elle ne laissât pas de doute à son père sur la puissance du Christ.
Berswinde avait eu quatre autres enfants, mais elle n’oubliait jam ais la pauvre exilée! Elle permit à l’abbesse de Baume de faire connaître à Odile le secret de sa naissance, qu’on lui avait caché jusque-là.
Berswinde avait toujours conservé l'espoir de revoir sa fille, aussi en parlait-elle souvent à ses autres enfants et tout particulièrement à son fils Hugues. Celui-ci qui, comme Odile, tenait de sa mère la bonté et le courage, espéra que lui, homme, réussirait là où une femme avait échoué. Il supplie son père en faveur de sa sœur, celui-ci le renvoie avec fureur.
A suivre..
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Ces deux cœurs tendres s’unissent dans un acte de courageuse audace et ils se résolurent à rappeler Odile au palais d’Ebenheim. En constatant qu’elle n’était plus aveugle, l’orgueil paternel serait peut-être adouci. Odile se met donc en marche, après avoir fait ses adieux aux religieuses de Baume. Elle traverse une partie de l’Alsace pour arriver au palais où Berswinde essayait de préparer le cœur de son mari à la tendresse paternelle. Mais le fier Germain, quand il aperçut de loin l’escorte de sa fille, entra dans une grande colère et demanda quel était le téméraire qui avait osé enfreindre sa défense.
Hugues tombe à ses genoux s’accusant et demandant grâce pour Odile et pour lui. Un coup violent qui l’étendit presque mort aux pieds du duc fut la seule réponse.
Il semble qu’Adelric fut, pour un instant, épouvanté de cette violence, et il parut s’adoucir quand Odile arrivant se jeta à ses genoux en lui baisant les mains.
Berswinde, qui s’était bâtée d ’accourir, baisa avec transport les yeux de son enfant, ouverts miraculeusement.
Mais bientôt Adelric, qui considérait sa fille comme un remords vivant, refusa de nouveau de la voir et la relégua dans une partie écartée du château. Là, Odile priait, travaillait pour les pauvres, leur préparant des aliments que Berswinde lui faisait parvenir. C’était une seconde séparation plus pénible que la première, puisque la duchesse avait pu connaître ce que le cœur de sa fille renfermait de tendresse et de bonté, de douceur et d’abnégation. Elle s’inclina sous la main divine et se résigna à vivre près de son enfant sans pouvoir lui parler.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Cette vie, prélude du sacrifice suprême, ne devait pas durer toujours. Adelric, touché par les vertus d’Odile, lui permit de nouveau de paraître près de lui. La patience aimante et résignée de Berswinde avait fini par triompher du caractère farouche de son époux. Il aimait Odile !
Il y eut donc des jours de joie pour la famille du duc d’Alsace. L’épreuve allait encore frapper au cœur de tous. Odile se sentait appelée au service de Dieu et son père voulait la donner en mariage à un riche seigneur. Berswinde, elle, s’inclinait en âme forte sous la volonté divine.
Elle était trop pieuse pour résister à son mari, trop aimante pour refuser à Dieu l’enfant qu’elle n ’aimait qu’en Dieu, l’enfant qu elle avait confiée dès sa naissance « au Sauveur Jésus ». Le Sauveur Jésus la lui demandait et elle la lui eût donnée si elle eût été maîtresse d ’en disposer.
Adelric, lui, se révoltait à cette pensée. Il fallut qu Odile quittât de nouveau la maison paternelle pour apaiser la colère de son père.
Celui-ci, cette fois encore, se laissa toucher. Il fit publier partout qu’il pardonnait; qu’Odile pouvait revenir à la cour de son père et qu’elle pourrait suivre sa vocation. Elle revint donc. Quelque temps après son retour, elle annonça qu’elle avait promis au Seigneur de fonder un monastère.
Adelric, converti par ses deux anges, ne mit opposition à ce vœu; il fit plus, il offrit à Odile son propre château de Hohenbourg pour le berceau de la nouvelle fondation.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
C’est alors que commence pour la famille d’Odile et pour l’Alsace cette ère de prospérité et de bénédictions. Les prières, les jeûnes, les sacrifices de toutes ces filles dévouées à Dieu attiraient les faveurs célestes. Berswinde était unie à sa fille religieuse comme elle avait été unie à sa fille exilée.
Des hôpitaux, des monastères étaient élevés par son ordre et bien souvent les parents de la vierge de Dieu se réunissaient à elle pour prier.
L ’heure vint où Adelric retiré du monde voulut habiter complètement près de sa fille. Berswinde suivit avec bonheur son époux dans le monastère.
Là ils vécurent d’une vie de prières, de charité et de pénitence jusqu’au jour où Adelric fut atteint d’une maladie mortelle, pendant laquelle Odile le consola et l’assista. La douleur de Berswinde fut si profonde que neuf jours après la mort de son mari elle s’endormit doucement dans les bras du Seigneur. Sa mission était terminée. Elle avait conduit son époux aux portes du Paradis, où les prières d’Odile les aidèrent à entrer tous deux.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
§ VIII. — L a comtesse Heilevige, mère du Pape Léon IX (1002-1054). — Saint Léon touchait de fort près à la famille impériale. Son père, Hugues, comte de la Basse-Alsace, était le cousin germain de l’empereur Conrad le Salique.
Sa mère Heilevige était l’héritière des illustres comtes de Dashbourg ou Dabo, d’une race à la fois lettrée, pieuse et batailleuse dont le triple caractère se retrouve dans Brunon. C’est ainsi que se nommait Léon avant d’arriver à la Papauté. La piété maternelle devint en lui de la sainteté ; l’amour des lettres devint la science ; l’activité martiale, qui le porta héroïquement à la réforme de l’Eglise, à la destruction de la simonie, ne craignit pas les champs de bataille.
Le fils d’Heilevige y paraîtra dans les plaines du Napolitain, pour repousser l’invasion des chevaliers normands. Sa mère avait pu le voir, déjà diacre, remplir son devoir féodal et commander à la place de l’évêque de Toul, les troupes de l’évêché dans les armées de l’empire.
Ce fut au château de Dabo, son domaine patrimonial, que la comtesse Heilevige mit au monde Brunon, le 21 juin 1002. Quelques biographes proposent pour lieu de naissance le château d’Eguisheim, d ’autres celui de Woffenheim. Nous n’hésitons pas à préférer Dabo qui, de temps immémorial, persiste à réclamer l’honneur de cette naissance.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Le corps de l’enfant, dès qu’il vint au monde, montrait comme un semis de petites croix rouges.On s’accorda à voir là une prophétie de haute sainteté. Heilevige ne voulut laisser à personne le soin d’allaiter et d’instruire un enfant appelé à une si grande destinée.
Elle était savante, et l’on nous fait remarquer notamment qu’elle savait le latin aussi bien que l’allemand. C’est d’elle aussi que saint Léon tint son amour de la musique, qu’il aima, dès l’âge le plus tendre, autant que les livres. Mais ce n’était qu’un goût prononcé. Il avait, à côté de cela, une passion, une passion vive, ombrageuse, la passion de la pureté ; aussi sa mère réussit-elle à faire de cette âme vaillante, une âme « blanche comme un lis à peine éclos » et dont nul vice ne ternit jamais l’innocence.
Elle n’avait pas voulu toutefois négliger de cultiver son intelligence vigoureuse, d’utiliser sa mémoire étendue. Pour l’encourager, elle lui acheta, un jour, un très beau volume écrit en lettres d’or, enrichi d’enluminures. En le lui confiant, elle lui indiqua qu’elle lui donnait ce beau manuscrit afin qu’il en apprît plus vite les Psaumes.
Bientôt, elle constata, avec stupéfaction que ces Psaumes n’étaient pas sus, bien que l’enfant tînt toujours son livre sous les yeux. Elle constata de plus que rien de ce qui se rencontrait dans ce livre n’était saisi par cette intelligence d’ailleurs si vive, et ne restait dans cette mémoire jusque-là si fidèle.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
L ’enfant avouait que, en effet, tout ce qu’il lisait dans tout autre volume il le comprenait vite et ne l’oubliait plus. Qu’avait donc ce livre de mystérieux? et comment ce livre pieux paraissait-il être ainsi comme soumis à une influence diabolique ?
Heilevige, active d’esprit, aimant fort la vérité et la lumière, voulut se rendre compte de ce fait étonnant. Elle fit une enquête minutieuse. Elle parvint d’abord à savoir que le manuscrit avait appartenu à l’empereur Lothaire. Il n’y avait là nul éclaircissement, l’empereur Lothaire n ’ayant pas renommée de diablerie. Elle alla plus loin.
Elle découvrit que ce volume avait appartenu à l’abbaye de Saint-Hubert et qu’il était arrivé aux mains impériales d ’une façon qui n’était pas très canonique. La comtesse, accompagnée de son fils, se rendit à l’abbaye, rendit le livre à la bibliothèque du monastère, en y joignant un beau sacramentaire, pour remercier Dieu de lui avoir fait merveilleusement découvrir cette rapine d’un de ses parents.
Le petit Brunon eut un autre livre. Aussitôt l’intelligence et la mémoire lui revinrent; il comprit immédiatement les Psaumes et jamais musique ne lui parut aussi belle que leur chant. Le Seigneur Jésus est toujours juste et toujours bon, même lorsqu’il paraît rudoyer, pour un instant, ses amis. Il accordait ainsi à Brunon, en lui donnant la jouissance intense de cette harmonie des Psaumes, la compensation de la peine qu’il lui avait faite en lui retirant pendant un instant les joies de l’intelligence et de la mémoire. La bonté de Dieu apparaissait en même temps que sa justice. Il ne voulait pas laisser peser sur la pieuse comtesse et sur celui qu’il destinait à être de ses grands amis, la faute d’un vol ou d’une violence commise par un de leurs ancêtres.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Quelque savante que fût la comtesse, elle ne pouvait remplacer une Université ni communiquer à son fils l’ensemble des connaissances qu ’on y donnait. En ce temps que l’on nous présente souvent comme une époque où l’ignorance était en honneur, c’est la science au contraire qui était recherchée, admirée.
Heilevige avait mis son fils en état de pouvoir à l’âge de cinq ans, étudier les belles-lettres et les arts libéraux. Elle l’envoya, dès cet âge, à Toul, où l’évêque Berthold entretenait une école qui avait été fondée, je crois, par saint Gérard, le troisième prédécesseur de Berthold. Celui-ci ayant donné à cette école un haut degré de renommée, Brunon rencontra, au milieu d’étudiants de toutes classes, les fils de ces puissants princes qu’eux aussi, on nous représente souvent comme de « barbares tyrans » ; notamment deux de ses cousins, nommés tous deux Adalbéron, fils, l’un du duc de Lorraine, l’autre du duc de Luxembourg.
Ces barbares et ces tyrans n ’étaient pas seulement des écoliers laborieux et qui devinrent de grands savants, mais des écoliers pieux et qui devinrent des saints comme Brunon et comme ces Adalbéron, dont on nous signale les jeûnes, les veilles et les pénitences.
Le cours des études d’alors se divisait en deux séries, le trivium et le quadrivium. Le trivium, comme son nom l’indique (place où aboutissent trois voies) comprenait trois ordres de notions : la grammaire, la rhétorique, la dialectique ; le quadrivium (carrefour où aboutissent quatre chemins) en comprenait quatre : arithmétique, musique, géométrie et astronomie.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
La comtesse remarqua que les progrès de son fils dans la piété marchaient de pair avec ses progrès dans l’art musical; elle en conclut que la musique était le langage qui convenait le mieux à une âme pure.
Quand il eut terminé ses études, il revint au château paternel. Il faillit y mourir d ’un accident qui ne fut pas bien expliqué. Une nuit qu’il dormait d’un sommeil profond, un animal très venimeux, que les biographes appellent un crapaud, monta jusqu’à son visage et se mit à le sucer.
Brunon, réveillé brusquement, saisit l’affreuse bête et la jeta violemment hors de son lit, en appelant au secours. Les domestiques accoururent. Ils ne trouvèrent ni crapaud ni autre animal. Le jeune homme avait-il rêvé ? Y eut-il là quelque intervention diabolique ? L ’animal existait-il réellement et, mal tué, avait-il eu le temps de s’enfuir? On ne sut. Mais dès l’heure le visage, la gorge, la poitrine de Brunon enflèrent. Le venin qu’il avait dans les veines résista à tous les remèdes. Au bout de deux mois le mal était devenu si violent que les médecins désespérèrent. Il était sans parole depuis huit jours et on attendait l’heure de sa mort. Heilevige, après ces deux mois d’angoisse et de larmes, put enfin parvenir à accepter cette cruelle épreuve, avec soumission à la volonté de Dieu et à lui offrir humblement son âme désolée, mais résignée. Alors, dit un biographe contemporain, le Seigneur, touché de cette héroïque résignation, montra toute sa bonté en même temps que sa puissance.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Brunon, entre la vie et la mort, eut non pas un rêve, car il se savait éveillé, mais une vision. Il vit saint Benoît lui appliquant une croix sur la bouche, sur les parties du corps qui étaient le plus malades et poussant derrière l’oreille, avec le bout de cette croix, tout le venin répandu dans le corps.
Dès l’heure il se trouva soulagé. Quelques jours après, un abcès grossit derrière l’oreille, creva, rendit une quantité considérable de pus et le jeune homme fut guéri. Ce fut cette guérison qui paraît avoir déterminé la vocation religieuse de Brunon.
Cette période historique, où nous venons de constater l’amour de la science et la piété intense, n’en est pas moins pourtant une des plus troublées du Moyen Age. La date terrible de l’an 1000 qui devait être celle de la fin du monde, disparaissait à peine; on voyait germer la double semence qu’elle avait jetée dans l’humanité.
Tout avait été à l’extrême, et le monde alors avait présenté ce spectacle qu’on voit dans les villes où règne la peste. Les impies, sachant la mort prochaine, avalaient à grands traits toutes les jouissances de la vie ; et les hommes pieux, sachant prochain le jugement de Dieu, s’efforçaient d’en adoucir les sévérités. Le dernier de ces états d’âme allait préparer la Renaissance féodale et chrétienne du XIIe et du XIIIe siècle.
Le premier menait à un redoublement de batailles, de conquêtes, de violences. Il entretenait cette anarchie qui avait signalé les règnes des derniers Garlovingiens, et à laquelle l’établissement de la féodalité, de la chevalerie surtout, avait pour mission de mettre un terme.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Il faut insister sur cette situation du Xe et du XIe siècle pour bien comprendre notre saint et sa mère. Celle-ci envoya son fils auprès de l’évêque de Toul, Hermann,qui l’ordonna diacre, après avoir constaté sa piété qui édifiait la petite cour épiscopale. Nous le voyons, dès lors, partager sa vie entre les bonnes œuvres, la visite des hôpitaux, l’instruction des pauvres et l’étude.
La composition de la musique et des hymnes pieuses lui apportait une distraction fort goûtée. Ce soin des pauvres, cette vie pénitente et cet amour de l’étude c’est la vie universelle du catholicisme ; et elle est invariable. Mais la religion catholique a aussi une vie qui est relative, car, étant universel, le catholicisme doit être souple, c’est-à-dire qu’ayant un nœud inflexible qui l’attache au Ciel, il doit avoir, en outre, un ressort flexible qui le tient en union, pour mieux les diriger, avec les intérêts des siècles et des peuples divers.
Ce jeune diacre, pieux, recueilli, studieux, nous le voyons à quelques mois de là en habit guerrier, au siège de Milan (1024). C’est que la ville de Toul était tenue de fournir un contingent aux armées impériales ; et que l’évêque, seigneur temporel tout autant que spirituel, devait commander ses troupes qui n ’eussent pas obéi aisément à toute autre autorité. L ’évêque Hermann, vieux et infirme, avait dû déléguer son autorité.
Il avait choisi Brunon pour beaucoup de raisons. D’abord, la piété, l’énergie du jeune diacre le rassuraient contre le danger que le libertinage de la vie militaire eût pu faire courir à sa vertu. Il avait cru comprendre, en outre, que cette énergie avait des ressources martiales tout autant que morales. Enfin, Heilevige avait envoyé son fils passer quelque temps à la cour de l’empereur Conrad le Salique, son parent, et l’évêque n'ignorait pas que le commandant de ses troupes serait le bienvenu au camp impérial. La comtesse put apprendre en effet que son fils, tout en restant un pieux lévite, s’était montré bon général. Vertueux, brave, de grande race, aimé de l'Empereur, Brunon était aux yeux du peuple l’idéal de l’évêque. Aussi fut-il élu avec enthousiasme, deux ans plus tard (1026), à la mort de l’évêque Hermann serait le bienvenu au camp impérial. La comtesse put apprendre en effet que son fils, tout en restant un pieux évite, s’était montré bon général.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
La comtesse avait perdu son mari à une époque que nous ne pouvons déterminer. Elle avait dû, elle aussi, développer, à côté des qualités qui caractérisent la femme chrétienne de tous les temps, celles que nécessitaient les devoirs d’une dame féodale. Elle eut occasion de laisser voir cette âme vaillante que Brunon tenait d’elle.
La guerre éclata entre le beau-frère d’Heilevige et l’évêque de Metz. La comtesse, comme tous les seigneurs voisins des combattants, pouvait craindre que la paix ne se fît à ses dépens. Elle suivit la politique que la sagesse conseillait alors. Afin de n’être entraînée ni dans un sens ni dans l’autre, elle fortifia Sarrebourg, cinq autres châteaux importants qu’elle possédait, et surtout Dabo qui, situé sur la pointe d’un rocher, et bien muni, était imprenable. Après y avoir mis une garnison sûre, ne voulant d’ailleurs courir aucune chance de guerre, et ayant avec une âme vaillante, un corps impotent, elle se rendit au monastère de Moyen-Moutier. Nous la voyons là répandre, autour de l’abbaye illustre et d’ailleurs bien fortifiée, les bienfaits de sa grande fortune. Elle bâtit, notamment à Reinengen, un monastère où elle institua un chapitre de chanoines et qui est aujourd’hui occupé par des trappistes.
Pendant le voyage que Brunon, devenu le Pape Léon, fit en France en 1049, il vint visiter ces deux monastères de Moyen-Moutier et de Reinengen. Nous ne savons pas si la comtesse vivait encore. Elle y avait signalé son passage par une découverte qui rendit sa mémoire chère et célèbre.
Elle connaissait la touchante histoire du roi Lazare et de sa fille qui, venus de l’Orient pour visiter le tombeau des saints Apôtres et les principaux sanctuaires de la Gaule, s’étaient arrêtés à Moyen-Moutier. Ils avaient obtenu de bâtir contre les murs du monastère deux cellules. Ils y avaient vécu et y étaient morts, laissant une grande renommée de sainteté. Leurs reliques, illustrées par beaucoup de miracles, étaient perdues depuis l’invasion des Hongrois qui, pendant tout le Xe siècle, avaient ravagé la Gaule et particulièrement la Lorraine. Plus encore, peut-être, que les Sarrasins et les Normands, ils montraient par leur haine contre le christianisme, qu’ils représentaient un des derniers efforts que Dieu permît contre la civilisation. Il avait fallu mettre les corps saints à l'abri. Les restes du saint roi d'Orient et de sa fille avaient été si bien cachés qu’on ne les retrouvait plus. La joie de les découvrir fut donné à Heilevige.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Nous savons que ce fut en souvenir de cette mère parfaite que saint Léon institua la Rose d'or que le Pape, encore aujourd’hui, bénit le troisième dimanche de carême et envoie à quelque princesse dont il veut honorer le caractère.
En effet, il avait donné aux religieuses du monastère de Woffenheim, la demeure qu'il tenait de ses ancêtres ; il exigeait en retour une Rose d'or du poids de deux onces romaines, et il spécifia qu’il a fait don de cette demeure eu souvenir de son père et de sa mère, Heilevige, qui avaient fondé là une église.
Le Pape Léon, on le sait, rendit un grand service à la civilisation en développant la Trêve de Dieu. Une des lois de cette institution était la protection due aux veuves comme aux monastères. Nous permettra-t-on de penser que le souvenir de sa mère, obligée par des combats continuels de quitter sa demeure, ne fut pas étranger aux mobiles qui inspirèretiont cette évolution dans le monde féodal.
Il faut voir, en effet, en Heilevige, un des types de la maternité féodale, à côté de la douce Berswinde, de l’énergique Blanche de Castille, de l’apostolique mère de saint Bernard et de l’aimable mère de saint François de Sales, qui représentent des modèles divers de la noblesse féminine jusqu’à la venue du monde moderne.
Malheureusement nous sommes, on l’a vu, bien peu renseignés sur elle. C’est par des échappées qu’on peut entrevoir cette fille, cette mère de saints et de guerriers qui avait dans son âme la piété belliqueuse et caractéristique de la France d’alors. Toutefois, il faut que j ’insiste sur la pureté presque virginale qui ne quittait pas cette âme de matrone chef de guerre.
Elle était devenue, à la fin de sa vie, fort grosse : cette obésité la désolait, non pas seulement parce qu’il lui fallait de l’aide pour aller d’un lieu à un autre, mais parce que les forces d’une femme ne suffiraient pas pour lui rendre les derniers devoirs quand elle serait morte, et qu’il faudrait l’aide d’un homme. Cette pensée alarmait sa pudeur à tel point que toutes ses prières étaient dirigées par elle. Elle demandait à Jésus de maigrir, non pas pour se bien porter, mais pour qu’elle pût être mise en son cercueil par des mains féminines. Le Dieu de pureté
exauça cette touchante prière.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
IX. — La Mère de saint Anselme de Cantonbèry (1034-21 août 1109). — Saint Anselme, qui réunit en lui les trois qualités qui font l’homme parfait, la sainteté, la science et la vaillance, toutes trois portées à un degré supérieur, naquit l’année même où fut consommé le schisme d ’Orient; et il était destiné providentiellement à
retarder de cinq siècles la séparation de la Grande-Bretagne. Il ne lui fallut rien moins que ces trois qualités pour empêcher l’Église d’Angleterre de tomber dans le servage politique, auquel les princes normands ne cesseront jam ais de travailler, et qui était la cause principale du schisme oriental.
Nous pouvons entrevoir, — car les biographes nous donnent seulement quelques faits — qu’il dut son invincible fermeté à l’ardeur martiale du sang paternel, et cette hauteur d’intelligence qui en font des puissants génies du Moyen Age, à l’élévation de l’esprit maternel.
Son père, Gondulphe, était un seigneur milanais, ardent, impérieux, batailleur, amoureux de pompe et de magnificence. Il était, dit un biographe, le cousin d ’un marquis de Turin, qui joua un rôle dans la politique italienne de la fin du Xe siècle, et de la grande comtesse de Toscane, Mathilde. Nous ne savons quelles circonstances le poussèrent à quitter le Milanais pour venir habiter -la vallée d’Aoste. Sa famille y prit une ferme assiette, et quand, au XIIIe siècle, nous lui trouvons des armoiries elle porte de sable au lion d’or, armé, lampassé de gueules avec cette devise Præcibas et operibus.
J ’y arrête mon attention parce que cette devise caractérise entièrement notre saint. Il fut, en effet, aussi, pieux qu’agissant ; et il agissait par la double, puissance d’une intelligence qui met en mouvement toutes les idées de son temps, et d’une action qui ne s’arrête et ne recule pas.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Gondulphe rencontra dans la ville d’Aoste une de ses parentes Ermemberge. Le même biographe essaye de prouver qu’elle était, elle aussi, fille du marquis de Turin, et, d’autre part, alliée au premier prince delà maison de Savoie, Humbert aux Blanches Mains. Mais ses déductions généalogiques ont été contestées.
Pendant que le père, prodigue, amenait dans la famille une gêne qui contribua sans doute à apprendre à l’enfant le mépris des biens de ce monde, Ermemberge aidait son jeune esprit à comprendre par quelles plus nobles conquêtes on peut les remplacer.
Le saint raconta lui-même à l’un de ses biographes, Eadmer, ce qu’il dut à l’éducation maternelle. Nous pouvons ainsi connaître ce qu’il y avait en cette mère d’élévation intellectuelle et de poésie, par les images qu’elle mettait en la mémoire de l’enfant. Quand il ne pouvait comprendre encore le Dieu saint, aimant et miséricordieux, elle lui montrait le Dieu brillant et puissant. A l’horizon lointain, à la cime des Alpes, à l’endroit où le bel azur et l’éclatant soleil semblent quitter la terre pour gagner les hauteurs insondables, elle lui disait que c’était là que commençait le royaume de Dieu. Ainsi Dieu devenait pour lui le Seigneur des deux , quand tous les compagnons des pompes paternelles, qui causaient peut-être les larmes maternelles, étaient les Seigneurs de ce méchant monde.
Ce roi, brillant et puissant dont la demeure commençait aux sommets des hauts monts pour s’étendre par delà les étoiles, occupait toute l’imagination d’Anselme. Il le revoyait en rêve et ses rêves lui retraçaient, avec les couleurs personnelles que son âme candide et déjà lumineuse y ajoutait, les nuances des pensées dont sa mère l’entretenait.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13724
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Une nuit, écrira-t-il plus tard, il se trouvait au milieu d une grande plaine. Il savait bien que ce champ appartenait au Roi du Ciel. Une grande quantité de femmes y faisaient la mois son, c’étaient les servantes de ce Roi du Ciel, mais des servantes paresseuses : elles laissaient perdre tant de grains, tant d’épis, qu’il se sentit indigné. Il les quitta en les menaçant de la colère de leur Maître. Il continua sa route et arriva au pied de ce mont alpestre qu’il considérait souvent des fenêtres de la maison paternelle. Il le monta avec fatigue et il arriva ainsi
sur la cime.
Là, il fut bien récompensé. Il se trouvait dans un palais tout éblouissant de cet or et de cet azur qui couronnaient les montagnes.
Le palais était presque désert. Il n’y rencontra que le premier officier du Roi du Ciel, à qui appartenait cette éclatante demeure. Tous les autres officiers étaient partis surveiller les moissonneurs. Tout à coup il entendit prononcer son nom. Il avait en face de lui le grand Roi, mais c’était surtout le Roi de toute. Il parlait à l’enfant avec tant de tendresse et de douceur que celui-ci lui répondait comme il eût répondu à sa mère. C’est de celle-ci que le Roi lui parla surtout. Il lui avait demandé qui il était, d’où il venait, et s’il était bien fatigué de la longue route qu’il venait de faire, ensuite il appela l’officier que Anselme avait déjà vu, et après avoir donné ordre qu’on lui offrît ce dont il avait besoin, il disparut.
Le bon officier lui donna alors un pain si blanc, si suave au goût que jamais il n’avait rien mangé de si bon. Il ne pouvait rendre compte du goût divin qu’il avait trouvé à cette nourriture. Quand il fut bien rassasié, il quitta paisiblement l’officier, le palais, descendit la montagne, traversa de nouveau la plaine et se retrouva en son logis.
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Monique- Nombre de messages : 13724
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