VIE DE GEMMA GALGANI - La Séraphique Vierge de Lucques - R. P. Germain

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Message  Monique Sam 16 Avr 2022, 8:42 am

III



Le second caractère qui permet de reconnaître facilement la présence de cette maladie, caractère commun, comme le précédent, à tous les hystériques, c'est la mobilité de l'esprit et du cœur. « L'hystérie, dit Richet, autre neurologue remarquable, c'est l'impuissance de la volonté à refréner les mouvements du cœur et les passions ; les hystériques ne savent pas ou ne peuvent pas vouloir. La passion ou l'impression du moment les mène toujours. » Et d'après le docteur Huchard : « L'hystérique n'est pas maîtresse de l'impulsion qui germe dans son cerveau. D'une heure à l'autre, d'une minute à l'autre, elle passe, avec une incroyable rapidité, de la joie à la tristesse, du rire aux pleurs. Versatile, fantasque, capricieuse, elle parle un moment avec une loquacité merveilleuse ; puis, sans transition, la voici taciturne, pensive. Elle laisse courir sa pensée après une imagination vagabonde et déréglée, qu'elle est incapable de gouverner. On la dirait, ni plus ni moins, sous l'influence continuelle d'un empoisonnement par le haschish. ». - « Le bon sens, reprend Richet, leur manque absolument. »

Tel est le triste sort des personnes hystériques. Celui de la vierge de Lucques en est bien éloigné. Quel caractère fut plus ferme, plus constant, plus résolu que le sien, plus maître de soi et de ses passions, plus fidèle à ses résolutions jusqu'à leur entier accomplissement ? Ayant résolu d'aimer Dieu, elle n'aima que Lui, depuis sa tendre enfance, pendant son adolescence et plus tard ; elle l'aima dans les aridités les plus profondes comme au milieu des consolations spirituelles ; et lorsque, à l'heure de la mort, dans la plus désolée des agonies, le démon s'efforce de lui persuader que le Seigneur l'a abandonnée sans retour, elle affirme qu'elle ne veut que Dieu et meurt avec son saint nom sur les lèvres. Elle se propose de pratiquer les vertus chrétiennes toujours et à n'importe quel prix ; et elle les pratique, depuis ses jeunes années jusqu'à son dernier soupir.

Elle combat sans trêve la vivacité de sa nature ; elle surmonte avec un courage héroïque les difficultés infinies qu'elle rencontre dans son chemin ardu, de la part des hommes et plus particulièrement de la part des démons, contre lesquels elle soutient une guerre impitoyable.


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Message  Monique Lun 18 Avr 2022, 7:16 am

Que le lecteur repasse dans son esprit l'histoire de la vie de cette servante de Dieu, il n'y verra pas une seule parole, une seule action qui ne soit en parfaite harmonie avec l'ensemble, rien qui trahisse de la faiblesse ou de la légèreté d'esprit. Une personne ayant un caractère de cette trempe ne peut pas être appelée hystérique, hallucinée et folle.

Je dis folle, parce que l'hystérie est en réalité un vrai commencement de folie. En effet, cette maladie, quelle qu'en soit l'origine, trouble l'union de l'esprit et de la volonté raisonnable.

Elle se répand dans tout le système nerveux, pour y produire les multiples et très tristes effets déjà mentionnés. Tous les hystérologues du monde sont d'accord là-dessus. Considérez un fou, quelque modéré qu'il soit, il ne peut s'empêcher de faire des extravagances ; de bien loin on le distingue facilement de toute autre personne ayant le bonheur de posséder un cerveau solide.

Comment donc ne le distinguerait-on pas d'une personne telle que Gemma, douée d'un bon sens si éminent qu'elle aurait pu en faire part à autrui. Et c'est ce qui arrivait. On venait de tout côté, (et c'étaient parfois des personnages considérables), lui demander conseil de vive voix ou par écrit. Et tous admiraient la prudence et la sagesse de ses réponses. Elle n'était donc pas hystérique.


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Message  Monique Mar 19 Avr 2022, 8:12 am

IV



D'autres caractères pullulent chez les hystériques, comme s'ils sortaient d'une source funeste. Je vais les indiquer en reproduisant les propres paroles de maîtres illustres que nous pouvons suivre avec sécurité. « Un caractère particulier des personnes hystériques, dit Tardieu, c'est une dissimulation instinctive, un besoin invétéré et incessant de mentir sans raison et sans but, uniquement pour mentir, non seulement en paroles, mais encore en actions. Et ce qui est surprenant, ajoute Charcot, c'est la sagacité et la ténacité inouïes qu'elles mettent à tromper. » « C'est tellement surprenant, dit de son côté Niemeyer, que la chose approche de l'incroyable. » « Et ces mensonges, dit Richet, sont énoncés avec une telle audace, une telle crudité, un ton si affirmatif qu'ils en sont absolument déconcertants. » En un mot, « tous les auteurs, écrit Huchard, se sont plu, et avec raison, à insister sur l'incroyable tendance des hystériques vers le mensonge. »

À cette démangeaison de mentir s'ajoute un autre défaut la vanité. « La vanité chez les hystériques, dit Niemeyer, arrive un tel degré qu'elle dépasse les limites de l'imaginable. Elle devient l'unique motif d'actions étranges que ne peuvent comprendre ceux qui ne connaissent pas la nature de pareilles névrosées. » Et Richet : « Les personnes hystériques n'ont qu'un désir, c'est que les autres s'occupent d'elles, prennent à cœur leurs petites passions, s'associent à leurs aversions et à leurs inclinations, admirent leur intelligence et leurs toilettes. La toilette est toujours l'un des points qui occupent principalement une hystérique. »

Et maintenant, devrons-nous employer beaucoup de paroles pour démontrer que Gemma fut complètement réfractaire à cette double infirmité d'esprit, non moins par vertu que par caractère ?

Elle se montra toujours si candide et si ingénue qu'on l'aurait dite une enfant, et cette qualité la faisait aimer et adorer le tous. La règle de sa vie était celle de l'Évangile : c'est ; ce n'est pas. Tout un chapitre de sa biographie est consacré à démontrer que la simplicité fut le signe particulier, l'émanation spéciale de la sainteté chez cette vierge. On peut en dire autant de l'humilité. Elle ne craignait rien tant que de voir les choses merveilleuses que Dieu opérait en elle venir à la connaissance du publie ; elle s'en taisait même avec ses directeurs spirituels qui devaient s'ingénier, dit l'un d'eux, pour lui en arracher un seul mot. En étudiant sa vie, si l'on trouve dans une seule de ses paroles, dans un seul de ses actes, une ombre même de jactance, de vanité ou de duplicité, je m'avouerai vaincu. Mais si le contraire se produit, il faudra bien reconnaître sans hésitation que cette jeune fille n'a jamais été le moins du monde hystérique.


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Message  Monique Mer 20 Avr 2022, 8:58 am


V



On ne réussira pas mieux, si l'on veut appliquer à Gemma Galgani les autres symptômes de cette maladie, tels que : une imagination ardente, de l'irascibilité, de l'exagération en tout et pour tout, un penchant vers tout cc qui est propre à causer des émotions, émotions dont les hystériques sentent en elles-mêmes un fort et continuel besoin. Par exemple, elles raffolent de la musique, de la danse, des spectacles, des romans, et d'autres divertissements semblables. En vérité, l'inclination naturelle de Gemma était tout opposée. D'imagination, elle paraissait n'en pas avoir ; ou du moins cette faculté était chez elle si bien réglée que jamais personne ne la vit sortir des limites de la plus stricte modération. En fait de sentiments, elle n'a éprouvé que l'amour de Dieu et l'horreur du péché. Si dans son enfance la vivacité de sa nature la fit parfois donner clans quelque imperfection de son âge, la vertu eut bientôt refréné toutes les passions. Elle devint un tendre agneau qu'on pouvait maltraiter sans encourir son ressentiment. Sa pondération égalait sa douceur. On n'a jamais rien remarqué d'exagéré dans ses pensées, ses discours et ses actes. Au contraire, en toute chose se voyait sa modération et son égalité d'âme. Aucune affectation ou grimace ni dans ses exercices de piété, ni dans la pratique des vertus, ni dans ses pénitences, ni dans ses prières publiques ou privées. Elle coupait court aux émotions et aux désirs, même dès son enfance, alors qu'un sang vif bouillonnait dans ses veines. De même, elle ne supportait pas qu'on les excitât par la parole en sa présence. Et toutes les fois qu'elle ne pouvait empêcher de semblables discours, elle s'éloignait adroitement du lieu de la conversation.


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Message  Monique Jeu 21 Avr 2022, 6:33 am

VI



Les caractères secondaires de l'hystérie, dont nous venons de parler, s'appellent psychologiques parce qu'ils ont pour sujet l'esprit. Il en est aussi qui se manifestent dans le corps et que l'on appelle pour cela somatiques, ce sont : 1° Des douleurs dorsales dont le docteur Sydenham paraît tenir grand compte ; on éprouve aussi des douleurs épigastriques. 2° La suffocation que sous le nom de boule hystérique les anciens ont aussi reconnue comme caractéristique de l'hystérie, et parfois comme précurseur des terribles accès qu'ils appelaient fureur hystérique. 3° La perte de la sensibilité ou anesthésie dans une partie déterminée du corps et le plus souvent au côté gauche. 4° L'hyperesthésie, c'est-à-dire un excès morbide de sensibilité dans quelque partie déterminée, interne ou externe, qui donne lieu à des spasmes intolérables. 5° Un visage pâle, amaigri, des yeux cernés. 6° Un goût singulier pour les aliments indigestes, tels que herbages crus, salaisons, etc ; pour les substances acides, pour le café chargé et amer. En un mot, les hystériques ont ce qu'on appelle vulgairement un estomac capricieux. D'ailleurs, tout est anormal et étrange chez une femme hystérique la nutrition, la circulation, le sommeil, la veille, les règles mensuelles, etc. 7° Enfin il faut noter comme caractéristique de cette maladie la présence, dans la périphérie du corps, de points dits zones hystérogènes, dont dépend si étroitement le paroxysme hystérique qu'on peut le faire naître ou cesser, en les comprimant avec adresse.

Maintenant, sans me perdre dans une nouvelle démonstration qui serait inutile et fastidieuse pour les lecteurs de la vie de Gemma, je me contente d'affirmer que pas une des manifestations morbides énumérées ci-dessus ne s'applique à notre cas. Notre jeune fille n'eut jamais de douleurs épigastriques, hors de la période de passagère infirmité pendant laquelle elle souffrit d'un échauffement d'entrailles dans la forme et pour la cause que j'ai racontée au chapitre XXV, page 295. Sa maladie de l'épine dorsale une fois guérie, elle n'eut plus de douleurs ni de dos ni de reins. De même elle n'éprouva jamais d'étouffement ou une sensation quelconque de boule hystérique. Jamais elle ne perdit la sensibilité sur un espace déterminé du corps. Pas de caprices d'estomac, pas d'irrégularités appréciables dans les fonctions physiologiques. Son visage n'était ni pâle ni émacié.

Au sujet de la zone hystérogène, ii me plaît de raconter une anecdote assez singulière qui peut servir à prouver ma thèse. J'avais décidé de soumettre Gemma à toutes les expériences suggérées par la science, pour faire briller la vérité dans tout son éclat. Ce qui concernait la zone me paraissant avoir été le seul point laissé en arrière, je pensai faire appel à une personne compétente, dès que se présenterait la première occasion favorable. À mon retour dans la maison, je trouvai Gemma en extase. Revenue de cet état, elle eut, en me voyant, son sourire ordinaire. Ce sourire faisait un gracieux contraste avec un certain sentiment de mécontentement qui paraissait dans ses yeux. Elle me dit avec une ineffable ingénuité : « Méchant, méchant Père ! Pourquoi voulez-vous faire à Jésus cette sorte d'affront et m'imposer une si grande mortification ? Vous savez bien combien il me répugne de me laisser toucher. Vous avez arrangé cela en secret, mais Jésus m'a tout révélé. Du reste qu'on fasse ce que l'on voudra. Jésus m'a dit de ne pas m'y opposer. » Je restai bouche ouverte, et je dis des choses peu agréables à l'adresse de l'hystérie et de ceux qui la voient partout.


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Message  Monique Ven 22 Avr 2022, 7:34 am

VII



Et maintenant, examinons l'étiologie de cette maladie, c'est-à-dire les causes qui, au dire des médecins, la produisent ordinairement. Pour être bref, nous n'en retiendrons que deux, auxquelles on peut facilement ramener toutes les autres, savoir l'atavisme qui transmet l'hystérie avec le sang des aïeux ; et une perturbation morale causée par l'excitation des passions, par de grandes contrariétés, par une grande peur ou par l'incontinence (en prenant ce dernier mot dans son sens le plus ample.) Ceci est facile à comprendre de telles perturbations en effet se répercutent toujours sur les deux grands systèmes nerveux : le cérébro-spinal et le grand sympathique. Pour peu que l'on ou l'autre de ces organes ne soit pas en état de résister à un choc ou à un mouvement violent (ce qui arrive le plus souvent chez le sexe faible), on voit se rompre l'harmonie et la subordination qui doivent régner entre eux pour le bien-être de l'organisme entier. « En cela consiste, dit le docteur Bernutz, le caractère primitif de l'hystérie. » Si nous consultons la statistique des hôpitaux, nous trouverons bien rarement des cas d'hystérie chez des personnes vivant dans un honnête célibat. La proportion est d'un peu plus de deux pour cent hystériques. Le plus fort contingent est donné par les personnes qui mènent une vie agitée dans le désordre des passions violentes et effrénées. « Quand une jeune fille, dit le docteur Lefèbvre, ne doit pas le germe de l'hystérie au sang de sa race, la maladie est presque toujours l'effet de sa (mauvaise) éducation et de son (triste) genre de vie. » C'est de la même manière et presque dans les mêmes termes que s'exprime le docteur Niemeyer.

Pour la raison contraire, de l'aveu de tous les hystérologues, de Bruchot, de Briquet, de Bernutz, les jeunes filles qui ont été élevées avec précaution jusqu'à leur puberté, qui s'appliquent à vaincre leurs passions, qui sont habituées à une vie calme, tranquille, encore que monotone et ascétique, ont toujours été les plus éloignées de l'atteinte de cette maladie.

Cela posé, qui ne voit combien Gemma Galgani était, par ses dispositions naturelles, réfractaire à l'hystérie ? Elle ne l'avait certainement pas héritée de ses parents, qui jouirent d'une santé parfaite sous ce rapport, comme toutes les autres personnes de son sang. Quelle vie d'enfant fut mieux instruite dans les bonnes mœurs, plus tranquille, plus séparée des désordres et des troubles du monde ? Des causes de mécontentement, elle en eut et beaucoup depuis son enfance. Mais habituée à voir toutes choses en Dieu et à tout accepter de sa main, elle gardait à ce point son calme qu'à peine éprouvait-elle le besoin de s'exciter au courage pour supporter avec patience les plus graves douleurs. Qu'on lise le chapitre V de sa vie et l'on me donnera raison. Des commotions morales, elle n'en ressentit pas. De la peur, on ignore si elle eut l'occasion d'en éprouver. D'ailleurs il n'était pas facile de l'effrayer. À l'âge de dix-neuf ans, à la mort de son père, à peine le corps avait-il été enlevé du lit pour être porté au cimetière, qu'elle se mit dans ce lit, et demeura dans cette même chambre tant que dura sa longue maladie de l'épine dorsale, qui dès lors commençait à l'affliger. Par quelle étrange aberration pourrait-on se figurer, malgré tant de preuves contraires, que Gemma a été hystérique ?

Si les symptômes assignés par la science à ce désordre nerveux, symptômes principaux ou accessoires, psychiques ou somatiques, habituels ou actuels manquent complètement, si on voit même en Gemma tout l'opposé de chacun d'eux, si les causes font défaut, si les effets n'y correspondent pas, on doit conclure avec certitude, en méprisant l'esprit léger du monde, qu'il n'y a pas eu l'apparence de cette fameuse maladie dans l'angélique vierge de Lucques.


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Message  Monique Sam 23 Avr 2022, 8:01 am

VIII



Je suis arrivé ainsi à démontrer indirectement la seconde partie de ma thèse, à savoir que les faits extraordinaires manifestés en Gemma, n'ayant rien de commun avec l'hystérie, doivent être attribués uniquement à une cause surnaturelle. Néanmoins il sera bon de traiter la question directement avec les preuves qui lui sont propres ; et puisque les personnes reconnues vraiment hystériques donnent le spectacle de phénomènes étonnants qui semblent avoir quelque analogie avec les nôtres, nous emprunterons nos preuves à la comparaison. La matière ne peut être plus abondante. Aujourd'hui que tout s'observe, on recueille en de gros volumes les faits de ce genre partout où ils se produisent, surtout dans les grands hôpitaux, tels que celui de la Salpêtrière de Paris, où l'on reçoit et soigne des centaines de malheureuses hystériques. Je connais à peu près tout ce qui en a été écrit jusqu'à ces derniers mois. On ne pourra donc m'accuser de parler à la légère si j'affirme que tous ces faits, du premier au dernier, se ressemblent et qu'il suffit d'en choisir un seul comme type, par exemple, de l'extase hystérique, pour le comparer à l'extase chrétienne.

Traitons pour le moment cette seule question de l'extase, en remettant à la dissertation suivante l'examen des autres faits merveilleux dont Gemma a été le sujet.

Dans les recueils de Richer et dc Bourneville je relève les particularités suivantes, que le premier de ces deux auteurs regarde comme typiques. Il s'agit de deux femmes hystériques de son hôpital. L'extase (hystérique), dit-il, s'annonce par la mélancolie et par l'abattement. Pendant des heures entières, les malheureuses ont un visage défait et paraissent plongées en de tristes pensées. Cependant ces accès de mélancolie alternent avec des moments de folle allégresse, dont personne ne saurait donner la cause. C'est un rire effréné et incoercible pour le plus futile motif ; ce sont des chants à perdre haleine, des enfantillages et des extravagances de toute nature. La future extasiée se montre soupçonneuse, jalouse, intraitable avec les personnes les plus intimes et, inversement, aimable jusqu'à l'excès pour des gens qu'elle n'a jamais connus auparavant. Elle se met à courir par le corridor et les escaliers en gesticulant comme une folle. Puis surviennent les accès décrits plus haut comme caractérisant l'hystérie aigüe à son paroxysme : elle a des convulsions, des vomissements, des contorsions, des tremblements ; elle roule les yeux, elle bave. En somme, elle ressemble à une vraie possédée.

Secouée, épuisée par ces terribles accès, la malheureuse se trouve parfaitement préparée pour son extase. Elle y entre en effet. C'est d'abord une extase très effrayante. La malade croit voir des ennemis et des fantômes de tout côté voleurs, assassins, feu et flamme. De toutes ses forces elle pousse des cris d'épouvante en appelant au secours. Elle s'agite comme si elle voulait prendre la fuite. Mais ne vous alarmez pas : en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle redevient calme, mais non bonne ; car elle éprouve le besoin de se répandre un moment en propos obscènes et scandaleux, tels que Bourneville n'a pas eu le courage de les reproduire textuellement.

Après cette sortie commence le ravissement mystique. Elle s’assoit sur son lit, le regard tourné vers le ciel, les mains jointes, et demeure ainsi sans bouger, paraissant complètement absorbée. Dans sa prière, elle est plutôt édifiante. Toutefois l'illusion dure peu. Subitement l'extatique retourne à sa fureur, à son langage dévergondé, à d'horribles contractions du visage et à une telle expression de lubricité qu'on ne peut la regarder sans dégoût dans les photographies. Quelquefois néanmoins le ravissement se passe avec plus de dignité et sans convulsions préalables ou concomitantes Alors il semble une fleur de pure mysticité chrétienne. C'est toujours Bourneville qui parle et décrit.

Toute la personne : le visage, le buste, les membres sont rigides et immobiles. La tête, renversée en arrière, perpendiculairement à l'axe du corps, est légèrement inclinée sur l'épaule gauche. Les paupières, à demi fermées, ont parfois des mouvements convulsifs qui laissent voir les globes oculaires retournés vers le haut et en dedans. Les muscles des mâchoires sont contractés. Les arcs dentaires, séparés l'un de l'autre d'un centimètre, ne peuvent ni se rapprocher ni s'écarter davantage. Les bras sont tendus perpendiculairement au tronc, c'est-à-dire en croix. Les mains sont fermées, et les doigts tellement serrés sur les paumes qu'on ne peut les dénouer. Les jambes sont jointes et allongées ; les pointes des pieds, courbées. En un mot, la rigidité de tout le corps est si grande qu'on peut le soulever sans lui faire perdre son attitude, ni plus ni moins que s'il était de fer. Au bout de deux heures, elle ouvre les yeux, reprend ses sens et s'écrie : « Mon Dieu, que j'étais bien ! » Les membres, pâles et froids pendant l'accès, reprennent leur état ordinaire. Les bras se replient, puis se détendent comme si la malade voulait s'étirer. Elle porte les mains à son cou, qu'elle se déchirerait, si elle n'était retenue. Survient un gémissement entrecoupé, toujours croissant ; la tête s'incline et se relève, comme chez une personne qui s'éveille. Une fois assise, la malade se lamente « Où suis-je ? Ah ! j'étais si bien là-haut ! c'était si beau ! - Mais qu'as-tu donc vu là-haut, heureuse femme, pendant que tu étais comme clouée à la croix ? - Voici : Je me suis trouvée dans le ciel, au milieu d'une splendeur éblouissante. On y voyait de tous côtés (devinez !) de petites prairies de bourraches où erraient des petits Saint-Jean (?) et des agnelets tondus. Il y avait ensuite beaucoup de diamants, de peintures, des étoiles de toutes couleurs, etc. Quant à Notre-Seigneur, il a des cheveux châtains et bouclés, avec une grande barbe rousse. Il est beau, grand, robuste et tout vêtu d'or. La Madone est vêtue d'argent. »


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Message  Monique Dim 24 Avr 2022, 7:58 am

IX



Maintenant je le demande Si c'est là l'hystérie, quelle effronterie ne faut-il point pour la comparer aux ravissements, aux extases et aux visions de notre Gemma, visions toujours si calmes, si spontanées, si pudiques, si édifiantes, si concordantes en toutes leurs parties. Au premier indice qui les lui annonçait intérieurement, elle se retirait dans sa chambre pour se soustraire aux regards d'autrui. Elle s'agenouillait sans aucun appui, joignait les mains et se mettait en prière. Après quelques minutes, elle perdait les sens, mais sans changer d'attitude, de sorte qu'il fallait s'approcher et la secouer pour s'assurer de l'état extatique. Ses membres étaient insensibles, mais non rigides ni tremblants. On pouvait les mouvoir en tous sens comme ceux d'une personne endormie. Elle se tenait droite sur ses genoux, sans pencher d'un côté ni de l'autre et sans avoir besoin de soutien. Elle revenait de l'extase comme elle y était entrée, sans effort, sans éprouver de lassitude, sans bailler, sans s'étirer les bras et sans manifester la moindre inquiétude. Elle semblait sortir d'un paisible sommeil. Un sourire angélique marquait seul le passage de l'état extatique à l'état naturel. Immédiatement elle retournait à ses occupations domestiques. Quelquefois le ravissement divin la surprenait pendant le repas, au salon ou à son bureau. Dès la reprise des sens, elle baissait les yeux sans se troubler, et avec la plus grande facilité, se remettait à manger, à causer ou à écrire. Pendant l'extase on ne voyait en elle aucun mouvement violent, aucune agitation. Elle ne tremblait pas, ne se débattait pas. Actions, paroles et gestes, tout indiquait une personne en intime conversation avec la Majesté de Dieu. Et ce serait là un phénomène naturel d'hystérie, c'est-à-dire, de perturbation morbide du système cérébro-spinal, comme on le reconnaît à première vue dans les étrangetés des extatiques des hôpitaux ?


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Message  Monique Lun 25 Avr 2022, 7:03 am

X



Mais, dira-t-on encore, toutes les extases hystériques ne sont pas violentes, et il en est de si modérées et de si raisonnables qu'on peut les comparer aux meilleures de celles qu'énumèrent les mystiques chrétiens : par exemple, les extases d'Alexandrine Lanois, française, rapportées dans les Annales médico-psychologiques du docteur Sanderet.

Je réponds : je concède la première partie de l'observation ; la folie, en effet, n'est pas toujours furieuse. Je nie la seconde : quelque modérée qu'apparaisse la folie dans ses accès, elle résulte toujours cependant d'un trouble cérébral qui, par nature, doit nécessairement produire des incohérences et des extravagances. Nous en avons la preuve dans la même française, Lanois, citée comme exemple. Elle aussi dans ses extases disait partir pour le ciel et y contempler des choses secrètes ; mais écoutez quelles choses : « J'ai vu Dieu ; il était vêtu de blanc. dans un ciel, partie en argent, partie en or ; » et c'étaient de semblables sornettes. Si bien que le même docteur Sanderet, un témoin auriculaire, s'écrie après les avoir rapportées : « Ces visions ne font certes pas trop d'honneur à son imagination. »

Alexandrine Lanois, indubitablement hystérique, avait, comme telle, le cerveau troublé ! Aussi se figurait-elle Dieu vêtu de blanc, le paradis doré et argenté, de même que l'hystérique de la Salpêtrière voyait Notre-Seigneur tout d'or et la Sainte Vierge toute d'argent, avec des troupes de petits Saint-Jean et d'agnelets tondus. Pourrait-on s'étonner que, à la vue de si belles choses, elles restassent tranquilles, plutôt que de se débattre dans de violentes convulsions ?

La nature seule de leurs visions dénonce l'hallucination dans ces deux extatiques. D'ailleurs il n'est pas vrai que les extases d'Alexandrine aient été calmes au point de ne pas laisser paraître à première vue les symptômes d'un véritable accès d'hystérie, soit dans les mouvements convulsifs des paupières, soit dans les mouvements anormaux des bras, soit enfin en d'autres étrangetés soigneusement notées par le médecin qui l'observait. Il est également faux de tout point qu'Alexandrine Lanois fût toujours un modèle de tranquillité, car le docteur Jeannin, son propre médecin, affirme que les extases de forme édifiante avaient été précédées de violentes, avec des excès nerveux se répétant jusqu'à trente fois par jour. Elle se débattait avec une force si grande que plusieurs personnes ne pouvaient la maintenir. Et ce serait là un exemple à opposer à l'extatique de Lucques ? Au lecteur d'en juger.

Je m'abstiens de toute autre comparaison, parce que, je le répète, les manifestations hystériques se ressemblent dans tous les sujets et montrent plus ou moins le principe qui les cause et les dirige. Je l'ai déjà dit : l'hystérie est une maladie qui confine à la folie ; et la folie dans ses accès ne peut occasionner que désordres et extravagances. Croyons-en le docteur Huchard qui n'est certes pas suspect : « La facilité, dit-il, avec laquelle les hystériques, dans leurs accès délirants, (non pas, grâces à Dieu dans leurs extases, mais dans leurs accès délirants), passent d'un sujet à un autre, de la gaieté à la tristesse, d'un air riant à un air grave, du plaisant an tragique, est vraiment stupéfiante. Les sentiment les plus élevés, les pensées les plus pures, les expressions du langage le plus cultivé font place tout d'un coup et sans aucune transition aux instincts les plus bas et aux inclinations les plus honteuses, exprimées dans les termes les plus dévergondés. »

Que l'on soumette donc à un examen attentif, et une à une, ces tristes manifestations de l'infirmité humaine unanimement attribuées à l'hystérie, et le danger d'une méprise deviendra impossible. La différence entre ces étranges extases et les extases véritables de l'hagiographie chrétienne apparaîtra aussi grandi que l'espace qui sépare la terre du ciel. Si les premières eu effet sont de la terre, les secondes viennent certainement du ciel.


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Message  Monique Mar 26 Avr 2022, 7:18 am

XI



À cette conclusion sont arrivés tous ceux qui, d'un esprit impartial, ont voulu étudier la question présente du point de vue, le seul véritable, que j'ai choisi dans cette thèse. Je cite, entre autres, Mantegazza, matérialiste et incrédule autant que personne, mais d'une intelligence et d'un sentiment esthétique que ses mauvais principes ne parviennent pas toujours à dominer dans les questions religieuses. Il a écrit un livre intitulé : Les extases humaines, dans lequel il s'élève contre Legrand de la Saulle, qui, ne voulant pas, comme tant d'autres de ses pareils, entendre parler de véritables extases, les réduit toutes à des phénomènes d'hystérie. Mantegazza l'appelle : « un petit écrivain léger et bluffeur, qui a l'audace de déclarer l'illustre sainte Thérèse une pauvre hystérique et rien de plus. » Et pour le convaincre d'erreur, il lui met devant les yeux de longs passages des œuvres de cette sainte, lui en faisant remarquer les sublimes pensées, l'harmonie et la beauté, qui s'accordent si peu avec le trouble cérébral de l'hystérie. Certes nous n'admettons pas les doctrines professées par Mantegazza dans son ouvrage, mais ce n'est pas peu de chose qu'un tel écrivain soit parvenu, par la seule voie de la comparaison, à la conclusion que je viens de citer. Que les autres l'imitent qu'ils examinent avec soin et sans parti pris tous les faits annexes et connexes des véritables extases fidèlement rapportés dans la vie de Gemma Galgani ; et si parmi les centaines d'extatiques hystériques qui, dans les maisons de santé, sont pour les curieux un spectacle et un divertissement, on peut en produire une seule capable de parler d'une manière aussi sublime que l'extatique chrétienne de Lucques, alors qu'on élève jusqu'aux étoiles cette noble maladie et sa magique vertu. Mais si l'on n'en peut rapporter que des incohérences et des puérilités de saltimbanque, il faut conclure que l'hystérie n'a rien à voir avec les merveilles de la vie de Gemma Galgani.


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Message  Monique Mer 27 Avr 2022, 10:07 am

XII



Malheureusement les incrédules de nos jours n'ont pas coutume de procéder ainsi dans leurs examens, lorsqu'ils se trouvent en présence d'extatiques chrétiennes. Laissant de côté les critériums essentiels, ils se perdent en certains détails secondaires qui ne servent qu'à les égarer davantage. Ils ne sont pas frappés de cette transformation du visage humain en visage céleste, de ce rayon de lumière divine que l'on voit briller dans les yeux, des pensées sublimes de leur foi illuminée, de la précision des termes dans leurs discours sur des sujets théologiques et mystiques, de la cohérence entre leurs paroles et leurs actes, etc. Mais ils s'attachent à de véritables puérilités dont un esprit sérieux ne devrait tenir aucun compte. Par exemple, ils découvrent les pupilles de l'extatique, et s'ils les trouvent tant soit peu dilatées, comprimées ou convergentes, ils s'écrient aussitôt : « II faut se rendre : c'est une extase hystérique. » D'autres se mettent à pincer ou à piquer avec une épingle les mains et la tête. Les trouvant anesthésiées, c'est-à-dire dans une insensibilité absolue, ils ne doutent plus : c'est bien un accès hystérique puisque l'anesthésie et l'irrégularité des pupilles s'y rencontrent fréquemment.

Qui ne voit combien déraisonnable est un pareil jugement, combien il est illogique d'argumenter des accidents à la substance, de quelques qualités secondaires à l'essence ? Le strabisme momentané des yeux se trouve, il est vrai, dans la léthargie hystérique ; mais il ne lui est pas tellement particulier qu'on ne puisse le constater dans d'autres états physiologiques. Autrement tout dormeur serait dans un accès d'hystérie, parce que dans le sommeil, les globes des yeux divergent sous les paupières. De même, dans les accès hystériques le malade reste parfois les yeux ouverts et immobiles, fixes sur un point déterminé. Mais qui voudrait soutenir que cela n'arrive qu'aux hystériques ? Toute forte impression physique on morale peut, on le sait, immobiliser le regard, affaiblir les autres sens et même modifier les mouvements du cœur.

Le caractère essentiel de l'hystérie, je l'ai dit dès le début, n'est pas constitué par un certain aspect des yeux, par tel ou tel mouvement des mains ou des pieds, mais bien par un trouble morbide des centres nerveux qui se manifeste en phénomènes et en accès détermines, phénomènes et accès qu'il faut constater, les principaux du moins, pour être certain de se trouver en présence de cette maladie.

Mais il est une autre erreur à éviter. Certains pourraient supposer qu'un phénomène, pour être dit d'ordre surnaturel, doit l'être dans tous ses détails, à l'exclusion de tout concours des forces physiques. Voilà, dis-je, une erreur, car Dieu n'agit pas ainsi dans la nature. Il n'entend pas faire des miracles sans nécessité, mais seulement quand la nature ne peut d'elle-même parvenir à la fin voulue par Lui. Cette remarque s'applique à l'extase. Lorsque celle-ci est parfaite. certains principes de vitalité demeurent nécessairement suspendus dans l'âme, et alors les organes et les sens corporels sont assoupis et inertes, à peu près comme dans le sommeil. L'abstraction, le ravissement de l'âme vient certainement de Dieu, qui seul peut le produire, mais les conditions physiologiques qui en résultent sont, d'ordinaire au moins, chose fort naturelle et par conséquent sous la dépendance des mêmes lois qui régissent les états similaires provenant de causes non surnaturelles. Il n'y a donc pas à s'étonner si l'extatique et l'hystérique présentent dans leur corps certains symptômes assez semblables. La cause première et éloignée en est très différente, car dans le premier cas c'est le ravissement divin qui suspend l'influx de l'âme sur les sens. Dans le second, an contraire, c'est la maladie qui, en troublant des organes essentiels, empêche l'âme de vivifier les sens. La cause seconde et prochaine est la même dans les deux cas, c'est l'incapacité des organes à se mouvoir comme à l'ordinaire. La seule différence qui existe entre eux, la voici : l'hystérie n'est pas tant une cause d'incapacité pour les organes, qu'une cause de désordre et de trouble des centres nerveux, et c'est pourquoi elle produit les tristes effets particuliers dont nous avons parlé tout au long. Cette observation mérite d'être prise en considération, car elle peut aider à démontrer l'insuffisance de certains critériums : aujourd'hui en vogue, et elle servira de bon guide pour juger avec rectitude dans les cas particuliers.


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Message  Monique Jeu 28 Avr 2022, 7:25 am

XIII



J'ajoute une autre observation. Pour si triste que soit la condition d'une hystérique, elle ne l'exclut pas inexorablement des célestes communications et des extases. Il suffit que le trouble nerveux et cérébral produit par sa maladie n'ait aucune part ici et soit neutralisé par la cause qui opère et peut seule opérer dans l'âme de l'extatique. Manifestement cette remarque ne regarde pas le cas de Gemma Galgani. Il ne sera pas toutefois inutile de l'avoir faite, car quelqu'un pourrait peut-être prétendre, avec bonne ou mauvaise foi, avoir reconnu un jour en elle un symptôme appartenant, selon toute apparence, à l'hystérie. Mais que dis-je ? Lors même que l'on réussirait à établir une pareille assertion, on n'aurait rien prouvé, car pour avoir ressenti une fois un trouble nerveux, on n'en est point irrémédiablement condamné à le voir se répéter.

Le fait est que, non seulement personne jusqu'à ce jour n'a pu apporter aucun indice de ces accès occultes chez Gemma, mais tous ceux qui ont approché cette angélique jeune fille se sont plu à reconnaître en elle un tempérament très réfractaire à l'hystérie, car, je l'ai déjà dit, son caractère était paisible, calme, résolu, toujours égal et semblable à lui-même ; sa manière d'agir sensée, grave, modérée. Sa persévérance dans la pratique de la vertu, sa fermeté dans la réalisation de ses projets, son langage modeste et dépourvu d'affectation, sa rare simplicité d'enfant, enfin l'ensemble de ses qualités physiques et morales faisaient d'elle un sujet de vénération et d'amour pour son entourage. Si on n'aperçut jamais une ombre d'hystérie dans les relations de Gemma avec ses semblables, ni dans les actes de sa vie ordinaire, comment pourrait-on la supposer dans ses rapports avec Dieu et dans les phénomènes admirables de son mysticisme ? J'en appelle au bon sens des lecteurs de sa biographie.


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Message  Monique Ven 29 Avr 2022, 7:10 am

XIV



Une dernière observation. Outre l'hystérie plus ou moins aiguë qu'après la phalange des grands maîtres nous avons divisée en grande et en petite, il en est une troisième forme, beaucoup plus commune et plus bénigne, particulièrement étudiée par le docteur Briquet. Elle résulte du trouble des grands centres nerveux et présente tous les caractères des deux hystéries précitées, à part les accès. C'est un trouble latent, comme le trouble cérébral des demi-fous. Beaucoup de médecins la confondent avec la neurasthénie ordinaire ou névropathie, m laquelle les femmes sont si sujettes ; ce qui a fait croire avec peu de raison que la majeure partie du sexe faible est hystérique. Or, puisqu'il reste parfaitement démontré que les faits pathologiques de la grande et de la petite hystérie n'ont jamais été constatés chez Gemma, ne pourrait-on pas la croire hystérique dans cette dernière forme, c'est-à-dire sans accès, par suite d'un trouble cérébral à peine perceptible ?

Je réponds : admettons-le, bien que rien n'autorise à le supposer. Mais un tel expédient n'est pas capable d'infirmer ma thèse, car, en notre cas, admettre une hystérie assez bénigne et assez atténuée pour rendre sa présence incertaine, c'est réduire au minimum de son énergie une cause dont on attend de grands effets : Et certes ils sont grands les effets que nous avons admirés en Gemma : extases, larges stigmates des mains, des pieds et du côté, mystérieuses piqûres d'épines autour de la tête, larmes de sang tombant de ses yeux, sueur de sang coulant de tout son corps, cœur littéralement embrasé, incurvation de trois côtes avoisinant le cœur, et autres phénomènes aussi prodigieux. Si les violentes et effrayantes excitations de la grande hystérie des hôpitaux n'ont réussi à rien produire de semblable, comment nous ferez-vous croire qu'une ombre de cette maladie ait pu susciter les grands phénomènes dont Gemma Galgani fut le sujet ? Soyons logiques : l'effet doit toujours se trouver proportionné à la cause. Et quand cette proportion ne se découvre pas, il convient de recourir à un autre agent.

Maintenant je conclus et je dis : si à vos yeux (on devine à qui je m'adresse) Gemma est une hystérique de la forme que vous insinuez, bien que le contraire soit surabondamment démontré, contentez-vous de la plaindre sans vouloir la contraindre à faire des choses impossibles pour elle. En effet, ce genre d'hystérie dans une jeune fille indique un organisme épuisé, incapable d'aucun acte physiologique important. Le monde est plein de ces malheureuses, vous le confessez vous-mêmes. Il n'est pas de médecin qui n'en ait traité quelqu'une et qui ne puisse témoigner de leur incapacité absolue à rien produire d'extraordinaire. Donc, je le répète, contentez-vous de plaindre la pauvre Gemma, et laissez-la en paix, car, avec vos suppositions et vos assertions gratuites, jamais vous ne parviendrez à expliquer les prodigieux phénomènes de sa vie mystique.


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Message  Monique Sam 30 Avr 2022, 2:06 pm

XV



Un médecin, après avoir lu ma dissertation dans la première édition de la vie de Gemma, se contenta de hausser les épaules en disant que l'auteur s'appuyait « sur des théories mal assurées, qui changent d'un jour à l'autre. » S'il m'eût adressé à moi-même ces paroles, je l'aurais certainement fait taire. Comment ? lui aurais-je répondu, elles sont si peu sûres pour vous les théories que j'ai prises chez vos docteurs qu'elles ne vous inspirent aucune confiance, et cependant vous y adhérez avec ténacité toutes les fois qu'elles vous permettent de combattre les plus intimes convictions des catholiques.

Mais est-il bien vrai que ces théories changent d'un jour à l'autre ? Que dirait le célèbre Cliarcot, s'il pouvait vous entendre, lui qui a consacré toute sa vie à affermir ces théories ? Que diraient un Richer, un Bourneville et cent autres qui, par leurs profondes et patientes études, ont illustré son école ? Je sais bien que l'école de Paris, sans être certes bien ancienne, a été surpassée par celle, plus récente, de Nancy, et que l'éclat des premiers grands maîtres a été en partie obscurci par les nouvelles études d'un Liébault, d'un Ducos, d'un Bernheim, d'un Liégeois et d'un Beaunis. Toutefois on n'a point touché aux théories fondamentales, qui, une fois établies par des preuves solides, ne changent pas. Autrement, adieu la science ! La pathologie deviendrait une absurdité, et la thérapeutique une immoralité.

Mon censeur peut venir nous dire que les travaux de la nouvelle école ont perfectionné le système de Charcot et en ont rendu les notions plus claires et plus explicites, à la bonne heure ! mais non qu'ils en ont démontré la fausseté. Qu'il affirme que bien des opinions, des hypothèses et des conjectures, mises d'abord en avant pour expliquer certains phénomènes et découvrir certaines causes, paraissent aujourd'hui mal établies, comme le paraîtront peut-être demain celles qui sont aujourd'hui en vogue ; nous le comprendrons, car la science moderne est toute empirique et toute positive ; elle ne s'appuie pas sur les solides principes de la métaphysique. Mais que mon distingué censeur ne nous soutienne pas que rien ne subsiste plus des observations et des faits du passé. Ce serait mentir grossièrement que d'affirmer que l'hystérie n'est pas aujourd'hui la même maladie qu'il y a dix, vingt et trente ans, avec ses caractères spécifiques, avec ses faits pathologiques, avec les diverses formes et l'étrangeté de ses phénomènes, avec ses manifestations, diverses de degré et d'intensité.

De ces opinions, hypothèses et conjectures des écoles de Paris et de Nancy, je n'en avais que faire, aussi ne les ai-je pas mentionnées dans ce travail. Vouloir me battre en alléguant leur instabilité, c'est véritablement frapper dans le vide.

Ainsi donc, mon syllogisme demeure dans toute sa vigueur, et je l'enserre dans les termes suivants : l'hystérie est une maladie qui, de l'avis de tous les cliniciens anciens et récents, présente tels phénomènes annexes et connexes. Or les phénomènes remarqués en Gemma Galgani diffèrent de tout point de ceux de l'hystérie. Donc Gemma Galgani n'était pas hystérique. Donc, le merveilleux que nous admirons dans sa vie doit s'attribuer à une cause surnaturelle (2).

------------

(2) Voir les belles études du père Salis-Seewis S. 1. dans son opuscule : Les extases, les stigmates et la science : dont je me suis aidé dans cette première dissertation.


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Message  Monique Dim 01 Mai 2022, 7:26 am

DEUXIÈME DISSERTATION



LES FAITS EXTRAORDINAIRES OBSERVÉS EN GEMMA NE PEUVENT PAS

S'EXPLIQUER PAR L'HYPNOTISME


********


Il existe une proche parenté entre l'hypnose ou hypnotisme et l'hystérie argument vainqueur, entre les mains des incrédules contemporains, pour prouver l'origine naturelle des faits regardés dans le passé comme surnaturels. En quoi consiste cette nouvelle découverte de la science ? les enfants eux-mêmes le savent, tant on en parle partout aujourd'hui. Mais je m'exprime mal en parlant de découverte nouvelle ; car les anciens l'ont connue sous les noms d'enchantement et de magie.

Maintenant que la science a grandi et fait pénétrer sa lumière jusqu'à la moelle des os de tout homme, on considère l'hypnotisme comme « une des plus belles et des plus intéressantes conquêtes de la science moderne. » Ainsi le proclame même le docteur Lapponi, un des plus chrétiens parmi les médecins contemporains. Quoi qu'il en soit, je ne me propose pas d'entrer dans le fond de la question ; ce serait superflu. Je ferai remarquer seulement, en passant, un fait assez suggestif : c'est que les inventeurs et les premiers propagateurs de cette doctrine, et une bonne partie de leurs disciples furent et sont encore l'écume du matérialisme et de la libre pensée. D'où il semble que le démon ait donné crédit cette découverte - bonne ou mauvaise en soi, peu importe - pour contrebalancer les miracles opérés par Dieu dans la nature par l'intermédiaire de ses saints. De la sorte, ces prodiges divins seraient revendiqués par la science comme un produit des seules forces de la nature ; Dieu serait écarté du monde comme un embarras, et les rationalistes, grâce à l'hypnose, auraient atteint leur but.

Heureusement, il y a beaucoup de distinctions à faire entre les prodiges de l'hypnose et ceux des saints. Nous sommes en droit de les confronter les uns avec les autres dans un sérieux examen, pour appliquer le résultat de cette comparaison au cas qui nous occupe, celui de la vierge de Lucques, Gemma Galgani. Je vais m'appliquer à démontrer, en suivant toujours la même méthode : 1° Que cette jeune fille ne fut jamais hypnotique. 2° Que l'hypnotisme n'a rien à voir avec les merveilles de sa vie.


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Message  Monique Lun 02 Mai 2022, 7:09 am

I



Les principaux phénomènes de l'hypnose sont la léthargie, la catalepsie et le somnambulisme. La léthargie, au dire du docteur Tamburini, « est la plus constante et la plus caractéristique des manifestations hypnotiques ; » c'est aussi la plus facile à faire naître. Après les provocations spéciales faites sur la personne à hypnotiser, on remarque en elle un léger mouvement de déglutition, accompagné d'un bruit sourd ou gémissement du larynx ; la bouche commence à rejeter de l'écume ; les yeux se ferment tout à fait ou à demi, et le patient tombe dans une espèce de sommeil qui est la léthargie proprement dite. Celle-ci, selon le docteur Liébault, peut être légère ou profonde. Dans le premier cas, le dormeur remarque tout ce qui se passe autour de lui ; dans le second, il ne remarque rien, et, une fois réveillé, ne se rappelle pas ce qu'il a pu rêver, Dans la léthargie simple, le patient gît immobile, les membres inertes et pesants ; il a la peau froide et couverte d'une légère moiteur : la respiration et le pouls, très lents et peu perceptibles ; la sensibilité, presque entièrement conservée ; la faculté motrice, complètement suspendue, sauf celle des centres viscéraux ; en retour, l'activité psychique reste parfaitement libre. Dans la léthargie profonde, qui est la plus commune dans l'hypnose, les membres sont, mous, flasques, pendants, et lorsqu'on les a soulevés, si on les laisse à eux-mêmes, ils retombent pesamment. La sensibilité cutanée est totalement abolie ; mais les organes des cinq sens conservent un certain degré d'activité dont l'hypnotisé a plus ou moins conscience. L'inertie de l'esprit est si grande que l'hypnotiseur peut difficilement communiquer une idée au patient pour le faire penser. Ainsi parle le docteur Lapponi dans son ouvrage : Ipnotismo e Spiritismo, pag. 58-62.

Arrêtons-nous un instant pour faire une première application des phénomènes pathologiques énoncés, à l'extatique de Lucques. Il faut observer avant tout que les conditions physiques de la vie se trouvaient chez elle, au temps de ses extases, en excellent état. Le système cérébro-spinal, de même que le grand sympathique, n'accusaient pas la moindre altération morbide, comme on l'a vu dans la dissertation précédente. Son imagination était entièrement calme, et toutes ses fonctions parfaitement normales. En conséquence, ni la force des provocations ni les impressions spontanées ne pouvaient alors produire l'hypnose. D'ailleurs, par une exception bien singulière, Gemma n'y fut jamais sujette, comme le démontre avec évidence l'absence chez elle du premier symptôme qui dénote un tel état, c'est-à-dire de la léthargie. En vérité, Gemma n'en connut jamais l'ombre, à moins qu'on ne veuille appeler léthargie le sommeil ordinaire. Jamais elle ne gisait immobile durant l'extase. Jamais ses membres n'étaient inertes et pesants ; pas d'épiderme froid, pas de moiteur ni de respiration lente, pas de pouls anormal. Par suite de son insensibilité cutanée elle ne réagissait alors ni à une piqûre ni à une brûlure ; mais elle se mouvait librement, comme une personne éveillée.

Son esprit et son imagination, profondément absorbés par la contemplation des choses célestes, étaient incapables de rien percevoir d'extérieur. Elle entrait en extase d'elle-même et comme d'un seul jet, sans y avoir été aucunement excitée par des passes magnétiques, par des paroles, etc. On ne remarquait aucun mouvement des muscles de la déglutition, aucun bruit de larynx, aucune écume sur les lèvres. En un mot, pas un de ces prodromes de la léthargie légère ou simple ne se vérifiait chez Gemma Galgani, c'était plutôt tout le contraire. On peut en dire autant pour la léthargie profonde. Les membres de l'extatique, je l'ai déjà dit, conservaient leurs conditions normales. Une insensibilité complète gagnait, non seulement la peau, mais les organes des sens, comme il ressort d'expériences soigneusement conduites. Il devenait alors plus que difficile, il devenait impossible de lui suggérer la moindre idée, et cependant sa pensée, en pleine activité, s'élevait aux plus hautes contemplations divines.

On réveille un hypnotisé, de sa léthargie profonde ou simple, en lui soufflant au visage, ou encore en comprimant les points hystérogènes. Pour Gemma, si Dieu lui-même qui la ravissait ne l’avait laissée reprendre les sens, ou si son père spirituel ne lui en avait donné l'ordre, ne fût-ce que mentalement, ni le souffle de l'aquilon, ni l'ébranlement de tout son organisme ne l'eussent réveillée. Nous devons donc conclure à l'absence de toute ombre de léthargie hypnotique chez cette jeune fille.


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Message  Monique Mar 03 Mai 2022, 6:37 am

II



Un autre effet de l'hypnose, avons-nous vu, est la catalepsie. Ce trouble artificiel, compliqué ou non de léthargie, a pour caractéristique les sept phénomènes suivants, suffisamment connus :

1° Le patient conserve pendant un temps notable l'attitude qu'on lui a fait prendre. pour si incommode qu'elle soit. Par exemple, il tiendra un bras levé perpendiculairement ou horizontalement au tronc, et cela sans remuer, pendant un quart d'heure environ. 2° La respiration est très lente et extraordinairement superficielle. 3° Les facultés mentales accusent une grande inertie, moins absolue cependant que dans la léthargie. 4° Les sens externes, c'est-à-dire le goût, la vue, l'odorat, l'ouïe et le tact de résistance conservent dans une certaine mesure leur activité. 5° En vertu de l'activité des sens externes et des muscles, et du peu qui reste de l'activité des sens internes, il est facile d'entrer en quelque relation avec le patient et de le faire agir. Il tient ses regards fixés sur ceux de l'expérimentateur. Quand celui-ci marche, lève les yeux, ouvre la bouche, le cataleptique en hypnose fait exactement la même chose. L'épreuve peut se répéter cent fois et de cent manières différentes il suffit que le patient aperçoive les gestes de l'expérimentateur. 6° En dehors des cas susdits, le visage du cataleptique laissé à lui-même et à ses impressions fantastiques n'éprouve aucune altération ; il garde l'expression apathique et immobile, propre à cet état. La surface du corps est froide et colorée ; les membres ont une grande flexibilité, à moins qu'il ne se produise passagèrement quelque contraction tonique particulière. Finalement, comme dans la léthargie hypnotique, il suffit d'un léger souffle sur le visage de ce malheureux pour que la catalepsie disparaisse. (Lapponi, op. cit. pag. 67-73).

Maintenant, s'étonnera-t-on si j'affirme qu'aucun des symptômes exposés n'a été vérifié dans la vierge de Lucques ? Il en est pourtant ainsi. L'expérience de l'indifférence des membres à une position quelconque a été tentée cent fois sur elle, et toujours en vain. Les bras, les jambes, le buste retournaient immédiatement et d'eux-mêmes à leur attitude naturelle. L'esprit de la sainte enfant ne manifestait jamais autant d’activité que dans l'extase, et pendant ce temps son imagination restait fermée à tout objet étranger à celui qui la ravissait. Cela ressort des paroles qu'elle prononçait alors, et qui toutes avaient trait aux choses célestes entrevues dans une vive lumière, sans jamais diverger vers un autre objet. L'activité des sens et la sensibilité des muscles étaient tout à fait éteints. On a fait sur ce point sur notre extatique de multiples expériences très concluantes, de même d'ailleurs qu'au sujet de l'imitation machinale indiquée plus haut comme étant le cinquième des sept phénomènes caractéristiques de la catalepsie. Notre extatique avait à penser à bien autre chose, dans les hauteurs de ses contemplations, qu'à divertir les spectateurs par une mimique de théâtre. Pour ce qui regarde l'expression de sa physionomie, à peine la jeune vierge entrait-elle en extase que son visage cessait, pourrais-je dire, d'être humain, pour prendre la ressemblance d'un ange incarné. Comme je l'ai déjà remarqué, il ne se produisait aucun refroidissement à la surface de son corps, aucun changement dans son teint, aucune contraction dans ses membres. On sait comment elle retournait à la vie ordinaire des sens. Je m'abstiens de signaler d'autres particularités. Ce que j'ai rapporté suffit jusqu'à l'exubérance à prouver que Gemma Galgani n'a jamais été le moins du monde en catalepsie, au sens hypnotique, pas plus qu'en léthargie. Passons an troisième phénomène de l'hypnose : le somnambulisme.


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Message  Monique Mer 04 Mai 2022, 7:34 am

III



Le somnambulisme est le principal et le plus curieux des phénomènes hypnotiques. C'est un sommeil morbide, dans lequel on fait tomber l'hypnotisé, et qui diffère beaucoup de la léthargie. Celle-ci abat le corps, le rend pesant et immobile, tandis que le somnambulisme excite et accroît outre mesure les forces musculaires et l'acuité des sens, en particulier, quoique d’une manière étrange, l'acuité de la vue. Ainsi le somnambule n'a d'yeux, d'oreilles, d'odorat que pour les objets qui entrent dans le cercle des idées suscitées par son imagination. Il demeure insensible à toutes les autres impressions externes, qu'il reçoit tout au plus comme de simples impressions indéfinissables. La plus grande partie de ses facultés cérébrales demeurent dans un état de torpeur plus ou moins grave, bien que l'une d'entr'elles puisse atteindre un degré extraordinaire de vivacité, au point de rendre possibles des opérations mentales très difficiles. À la fin de la crise la vivacité de l'esprit s'éteint, et il ne reste au somnambule aucun souvenir de ce qu'il a fait, dit, pensé, vu ou senti pendant son sommeil. C'est l'imagination qui travaille le plus dans le somnambulisme, comme il est aisé dc le comprendre. Par son intermédiaire et grâce à certains procédés bien connus des hypnotiseurs, on peut insinuer au patient n'importe quelle idée. Celui-ci la saisit avec une vivacité et une force merveilleuses, la fait sienne, et agit immanquablement suivant sa direction. C'est la suggestion. (Auteur cité, pag. 78-82).

Je n'ai pas besoin de m'étendre beaucoup pour démontrer que Gemma Galgani n'était point une somnambule. On ne peut en effet lui appliquer aucun des symptômes décrits. Ses très douces extases n'avaient rien d'anormal, en dehors des caractères, déjà indiqués, des véritables extases. Pas d'exagération des forces musculaires, pas de diminution ni d'augmentation des facultés mentales. L'activité des cinq sens, non seulement ne dépassait pas le degré naturel, mais se trouvait absolument suspendue et sans la moindre communication avec les personnes et les choses extérieures. Ce que la jeune fille avait vu et entendu de surnaturel dans son ravissement, elle se le rappelait très bien et le racontait en toute simplicité lorsque ceux qui avaient autorité sur elle le lui ordonnaient. Et une preuve évidente de la véracité de sa relation, c'est qu'on lui avait entendu proférer dans l'extase les mêmes paroles qu'elle rapportait ensuite. Donc, Gemma ne fut jamais somnambule.

Et puisqu'on n'a vérifié en elle aucun des phénomènes hypnotiques, il n'existe aucune raison de leur attribuer ses extases et ses ravissements.


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Message  Monique Jeu 05 Mai 2022, 6:27 am

IV



Lorsque les phénomènes de l'hypnose manquent, c'est que les causes qui seules les produisent manquent également. En vérité, personne n'a jamais essayé d'hypnotiser la pudique jeune fille, directement ou indirectement, de près ou de loin, au moyen de passes magnétiques, de suggestions, de commandements, etc.

Il n'y a pas lieu, non plus, de songer à l'autohypnotisme, c'est-à-dire à la possibilité pour Gemma de s'être hypnotisée elle-même par l'un de ces moyens volontaires on inconscients communément indiqués par les hypnotiseurs, tels que : la lassitude de la pensée trop longtemps arrêtée sur un objet déterminé ; la fixation continuelle du regard ou de l'imagination sur un point brillant ; la monotonie d'un son lent ; certaines pressions ou frottements légers sur le corps, par exemple sur les globes oculaires ; en un mot, tout ce qui est capable d'opérer quelque modification dans les conditions de l'imagination, dans l'état du cerveau on dans l'activité des nerfs dits sensoriels de la périphérie du corps. Dès qu'une semblable modification psychique se produit, une personne délicate et facilement hypnotisable peut être prise subitement d'attaques léthargiques ou cataleptiques qui finiraient, prétend-on, en hypnose complète.

Si vraiment l'hypnose complète pouvait être amenée de la sorte, du moment que l'état hypnotique est un véritable trouble physiologique nous serions fous, en nos temps d'émotions et de commotions, et en vertu de l'autohypnotisme, affligés de cette maladie ; comme d'ailleurs, pour la même raison, au dire de ces messieurs, nous sommes fous hystériques. S'endormir par lassitude, par ennui ou pour toute autre cause indiquée plus haut, tout le monde comprend cela. Mais que ce sommeil, sans être modifié par l'intervention d'autres causes naturelles ou diaboliques, produise seul les terribles troubles de l'hypnose, je ne le crois pas encore démontré. Cependant, pour n'avoir de querelle avec personne, supposons - sans l'admettre - qu'il en soit réellement ainsi, nous n'aurons rien à craindre, car une telle théorie ne peut en aucune manière s'appliquer à notre cas.

Pour soutenir que la vierge de Lucques s'hypnotisait d'elle-même ou par une cause spontanée, il faudrait avoir constaté en elle les symptômes caractéristiques de la léthargie ou de la catalepsie qui sont, selon les cas, les premiers et les immédiats effets de l'autohypnotisme. Or, il est absolument certain que l'on n'a jamais vu chez elle de pareils symptômes durant ses extases ni même en aucun temps, ni sous aucune forme. N'étant pas en état léthargique ou cataleptique, elle ne pouvait par conséquent se trouver en état d'hypnose.


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Message  Monique Ven 06 Mai 2022, 7:00 am

V



Ou peut en dire autant de l'autosuggestion en général, avec ou sans intervention de l'hypnotisme. Le docteur Ottolenghi a écrit récemment un gros volume intitulé : « La suggestion et les facultés psychiques occultes ». Je l'ai lu deux fois d'un bout à l'autre et mot à mot, avec l'espoir d'y trouver sur la question qui nous occupe matière à discussion. Or, bien que l'auteur ait épuisé son sujet, ne laissant rien échapper de ce qu'ont dit les autres écrivains - et il n'en cite pas moins de 565 au cours de son ouvrage j'avoue n'y avoir pas rencontré une phrase qui pût se rapporter de près ou de loin aux faits merveilleux de la vie de Gemma. Ce livre est dans le commerce ; on peut se le procurer pour vérifier la véracité de mon dire.

Quand on lit Ottolenghi, on voit avec quelle légèreté ces hommes, savants à la moderne, traitent les points les plus graves du dogme chrétien, avec quelle téméraire désinvolture ils passent sur des arguments de grande valeur qui ont coûté bien des sueurs et de profondes études à des hommes éminents, dont les œuvres remarquables devraient faire rougir tous ces gens-là Je dis légèreté et témérité, car ils ne fournissent, et Ottolenghi avec eux, aucune preuve à l'appui de leurs assertions, lesquelles sont toutes basées sur la possibilité d'une force indéfinie de la matière, force mystérieuse, « facultés psychiques occultes », « vertu inconsciente de l'homme » « force x que nous ne connaissons pas encore ».
Et c'est au moyen d'une force x, dont ils ne peuvent eux-mêmes se rendre compte, qu'ils essayent de se débarrasser du surnaturel et de l'action de l'Auteur de la nature sur le monde ? Insensés !

Du reste, pour leur fermer la bouche à tous sur le point particulier qui fait l'objet de ce paragraphe, il suffit de leur m'appeler ce que j'ai démontré, savoir que Gemma Galgani ne fut jamais un sujet hypnotisable, une hystérique, une névropathe, une neurasthénique. La jeune fille jouissait, au contraire, sauf seulement la dernière année de sa vie, d'une constitution saine et robuste et d'une grande régularité dans les fonctions physiologiques. On connaît son insensibilité aux impressions extérieures. Or, si au dire de tous les neurologues, les dispositions maladives que je viens de mentionner sont les conditions nécessaires de la suggestion, on est forcé de conclure que Gemma n'était pas un sujet hypnotisable. Encore moins l'était-elle dans le degré éminent requis pour obtenir des phénomènes extraordinaires comparables à ceux que l'on admire dans sa vie.


A suivre...


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Message  Monique Sam 07 Mai 2022, 7:20 am

VI



De l'aveu des plus grands praticiens, le trouble de l'hypnose est l'un des plus dangereux, quand on le provoque trop souvent chez les pauvres patients. « Il est à craindre, écrit le docteur Richet, que l'état de désordre mental propre à l'hypnotisme ne persiste après plusieurs expériences (d'hypnotisation) et ne devienne permanent. » Et le docteur Grasset, clinicien et neurologue remarquable : « Si on prend un individu de bonne santé ayant des dispositions pour l'hypnotisme, et qu'on l'endorme une série de fois, d'un simple nerveux on fera un névropathe, puis un hystérique, et assez souvent un aliéné. » Le professeur Zanardelli, fameux hypnotiseur dans les théâtres publics de l'Europe, a composé un ouvrage intitulé : La vérité sur l'hypnotisme. Dans un chapitre où il énumère les dangers de l'hypnotisme, il parle de congestions à la tête et au cœur, de perte de la voix et de la vue, d'anémie, de contractions, de paralysie, d'eczéma et même de cas assez fréquents de mort foudroyante.

Or, s'il était vrai que Gemma Galgani s'hypnotisât d'elle-même, comme l'état anormal constitué par ses ravissements se produisait très souvent et, à certaines périodes, tous les jours et plusieurs fois par jour, elle aurait certainement dû, sinon se briser et mourir tout d'un coup, du moins éprouver des troubles graves du genre de ceux décrits plus hauts, car l'hypnose répétée est funeste dans tous les cas, même pour les bien portants.

Cependant aucune altération ne se remarquait dans la santé de la jeune fille. Telle on la voyait avant l'extase, telle on la voyait aussitôt après. Ce qu'elle était la première fois à l'âge de dix-huit ans, elle l'était encore la dernière fois, dans sa vingt-cinquième année, après une si longue et si extraordinaire fréquence de ravissements. Blanche et rose de visage, agile, éveillée, gaie, spirituelle, jamais triste ou mélancolique, toujours sereine et en parfaite égalité d'humeur, lucide d'esprit et pleinement maîtresse d'elle-même, telles furent ses qualités les plus constantes. Bien que ses pensées et ses sentiments eussent toujours Dieu pour objet, elle pouvait s'appliquer avec la plus grande ponctualité à toute sorte de travaux. À n'importe quel moment de la journée, si une personne de la maison s'approchait pour lui parler, fût-elle, dans une profonde oraison, elle levait aussitôt les yeux pour voir qui la cherchait, et elle avait toujours pour première réponse un angélique sourire. De quelle persistance de sommeil, de quelle impression, fixation d'idée on aliénation me parlerait-on ici comme preuves diverses d'un prétendu état d'hypnotisme ? Gemma sortait de l'extase ni plus ni moins spontanément que l'un d'entre nous qui, ayant fini de réciter une prière on de lire une page d'un livre, retournerait avec la même ardeur à ses occupations habituelles à tel point que les familiers qui ne l'avaient pas vue dans le ravissement, ne s'apercevaient pas qu'elle venait d'en sortir.

Et durant la période extatique elle-même, que l'on voudrait nous faire croire magnétique et naturelle, aucun signe de suffocation, aucune convulsion, aucune congestion. Une seule chose : le cœur palpitait d'une manière insolite, et avec une telle force que si ses battements contre les parois de la poitrine n'eussent été l'effet d'un miracle, ils auraient suffi à briser un corps d'acier. Mais quoi ? À peine l'extase terminée, le cœur se calmait, les côtes qui avaient fléchi pour lui faire place reprenaient leur forme naturelle, sans laisser à la jeune fille une ombre de malaise ou de lassitude.

Certes, messieurs, si Gemma fut hypnotique, vous devez créer de nouvelles lois, établir de nouveaux critériums, assigner à votre hypnotisme des symptômes nouveaux, et non seulement nouveaux mais entièrement opposés à ceux que jusqu'à ce jour, à force d'études, d'expériences et de patience, vous avez réussi à réunir. Mais tant que l'hypnotisme restera tel que vous nous l'avez fait connaître, nous sommes en droit de soutenir que Gemma n'a jamais été hypnotique ni par son fait ni par l'art d'autrui. C'est la première partie de ma thèse. Traitons maintenant la seconde, savoir que les faits merveilleux de la vie de Gemma ne pourraient s'expliquer par l'hypnotisme.


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Message  Monique Dim 08 Mai 2022, 6:52 am

VII



Pour ce qui regarde l'extase, j'ai peu de choses à dire ici, ayant déjà fait connaître de quelle nature étaient celles de Gemma. S'il s'agissait d'une simple excitation de l'esprit ou de l'imagination, avec sommeil plus on moins léthargique, l'hypnotisme pourrait bien la produire, et il la produit en réalité tout aussi bien que l'hystérie. Et plût à Dieu que nos magnétiseurs se bornassent là, sans jamais aller plus loin ! Mais il y avait bien davantage dans l'extatique de Lucques. Pour ne pas me répéter, j'invite seulement le lecteur à confronter les extases de Gemma avec celles de l'hypnotisme, de la manière que nous l'avons fait plus haut avec celles de l'hystérie. Quelque multiples et variées qu'elles puissent être, toutes tes extases de l'hypnotisme se ramènent à l'une des trois formes suivantes : apathie stupide, hallucination extravagante, folle agitation. La première ne dit rien ni au cœur ni à l'esprit des spectateurs ; elle provoque plutôt le dégoût. La deuxième, après avoir satisfait un instant la curiosité, fait naître un sentiment de compassion pour l'infortuné patient. La troisième finit par exciter l'épouvante et parfois même devient un sujet de scandale. Voilà tout. Et cela est si vrai que plusieurs gouvernements ont interdit, dès le début, les séances publiques d'hypnotisme, comme dangereuses pour les patients et pour les assistants, au physique et au moral. C'est tout, je le répète. L'hypnotisme ne saurait rien produire de mieux, parce que, non moins que l'hystérie, il est un trouble prenant racine dans les nerfs détraqués du cerveau. Seulement l'hystérie constitue un état plus ou moins permanent, tandis que l'hypnotisme. tout artificiel, est passager. Or, du trouble du cerveau que peut-il sortir, sinon désordre et incohérence ?

Toutefois, dira-t-on, à l'exception de ce que l'hypnose a d'exagéré. il faut bien reconnaître quelque analogie entre l'extase hypnotique et l'extase religieuse. Je l'admets certes, mais dans le sens expliqué plus haut. Dans le cas de Gemma, la cause immédiate de la perte des sens était bien, comme dans l'hypnotisme spontané ou volontaire, une impression, une fixation de l'esprit, une forte attirance vers un objet grandement désiré. L'organisme des personnes saintes ne diffère pas de celui des autres. Ainsi, en présence d'une beauté infinie qui se révèle, d'une lumière céleste qui brille soudain, et sous l'empire de sentiments sublimes, l'âme s'élance nécessairement, et le corps, comme abandonné, tombe en défaillance. Il y a toutefois cette différence que le sommeil magnétique est une chose très naturelle et qui peut être provoqué à volonté, tandis que le sommeil extatique est surnaturel. Je dis surnaturel, car il ne peut être naturel à l'homme mortel d'entrer par le ravissement en directe et intime communication avec la divine Majesté, de s'élever au-dessus de tout le créé dans les hautes régions de l'infini : usque ad tertium cœlum (jusqu'au troisième ciel, suivant l'expression de saint Paul) pour entendre arcana verba, quœ non licet homini lo qui (des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à l'homme de rapporter.) Cela, Dieu seul peut le faire. Certes, si l'extase religieuse consistait uniquement dans la perte des sens, dans un simple sommeil, il y aurait lieu de la discuter ; mais elle offre plus et mieux, comme je viens de le dire. Aussi, par le fait même que le sommeil extatique vient de Dieu, il est doux et suave, il se manifeste sans aucun trouble des nerfs ou de l'imagination, sans contraction des muscles et sans tout ce cortège de phénomènes effrayants qui sont le propre du sommeil magnétique.

Mantegazza, qui a voulu soutenir la théorie des Extases humaines, s'efforce de démontrer que, grâce à son activité naturelle, un homme peut fixer son esprit dans la contemplation des choses célestes, au point de se perdre dans un ravissement. Mais d'abord, que peut-il comprendre aux choses célestes cet auteur qui ne croit pas en Dieu ? Ne sortons pas de la question et retournons à la distinction déjà faite. II y aurait là tout ou plus un sommeil naturel, bien qu'anormal ; jamais une véritable extase. J'ai dit tout au plus, car il est difficile de concéder qu'il existe dans l'homme une puissance d'abstraction capable de lui faire perdre l'usage des sens, et de simuler l'extase chrétienne. Si cette puissance existait vraiment, on devrait la voir agir non seulement dans le cas des impressions religieuses, mais dans tout autre cas où les impressions sont aussi profondes. Or, qui ignore la force de certaines passions humaines la colère, l'orgueil, la luxure, l'amour chez la plupart des hommes ? C'est bien autre chose que la pensée naturelle des choses invisibles chez une simple femme ! Ainsi donc la majeure partie des hommes, à chaque élan impétueux des passions, devraient tomber en extase. Pourtant, jamais cela n'arrive. Des distractions et des absences, des troubles, de la stupeur et parfois des fureurs de forcené, je le veux bien ; des extases, jamais. Tel est le raisonnement du docteur Lefebvre dans ses études sur l'extatique de Bois-d'Haine, Louise Lateau.

Si donc une telle vertu d'entrer en extase naturellement par la seule force de tension de l'imagination ne peut se soutenir, il convient d'abandonner les théories arbitraires de Mantegazza et de revenir à l'hypnose. Et sur ce terrain on peut tout au plus concéder ceci : Une jeune fille de cerveau faible et de constitution débile arriverait, par la méditation religieuse et par son amour ascétique, à s'hypnotiser spontanément, aussi bien que par toute autre préoccupation morale, puis tomberait en catalepsie, en hallucination, etc. Mais alors elle sera une des victimes vulgaires de la suggestion hypnotique, et non une extatique dans le sens chrétien. Pour la faire revenir à elle, appelez le médecin, qui lui soufflera sur le visage ou emploiera tout autre moyen. Son confesseur n'a pas à la rappeler au nom de Dieu à la vie des sens, ou par un ordre mentalement donné. Or, il est démontré que les extases de Gemma Galgani portent un tout autre caractère. L'hypnotisme n'a donc rien à voir chez elle.


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Message  Monique Lun 09 Mai 2022, 6:57 am

VIII



Et maintenant, que dirons-nous des autres faits merveilleux qui, outre l'extase, se manifestèrent chez cette pieuse vierge, et en particulier des stigmates. Les partisans de l'hypnose affirment avec la plus grande désinvolture que l'explication est de leur compétence. La force de l'imagination, disent-ils, concentrée en elle-même et excitée par la suggestion hypnotique est si grande qu'elle peut causer la rupture de vaisseaux capillaires sur des parties déterminées du corps, et produire des douleurs, des hémorragies et même des plaies et de profondes blessures. Lorsqu'on demande à ces messieurs d'appuyer cette assertion par quelques preuves, leur embarras est grand. Ils se contentent de dire en général ce que nous savions déjà, savoir que, même en dehors de l'hypnose, une femme, un homme peut susciter dans son organisme des phénomènes douloureux, des sécrétions et des épanchements sanguins, grâce à une pression extraordinaire exercée sur les parois des vaisseaux par les nerfs vaso-moteurs. De fait, ajoutent-ils, combien ne voyons-nous pas de malades imaginaires qui éprouvent en réalité, par le seul effet de leur imagination, les incommodités de la maladie dont ils se plaignent ? - C'est bien. Mais nous voulons des faits positifs qui nous montrent le sang coulant de ses vaisseaux naturels par la force de l'hypnotisme, des faits semblables à ceux que l'on a constatés chez Gemma et chez tant d'autres mystiques chrétiens et qui sont enregistrés par l'hagiographie. Les hypnotiseurs se sont donné beaucoup de peine pour obtenir un fait positif, surtout depuis l'apparition des stigmates chez Louise Lateau en Belgique, et depuis les célèbres expériences du docteur Bourru dans la clinique de Rochefort, expériences qui firent le tour du monde, il y a vingt-cinq ans environ. Le moindre d'entr'eux demande du sang et des plaies à ses pauvres clients, mais le succès ne répond pas à leurs efforts. Toute l'expérience du docteur Bourru consistait à faire jaillir quelques gouttes de sang des narines d'un jeune malade atteint d'hémiplégie et d'hémianesthésie, et à obtenir un afflux sanguin sous-cutané au bras gauche (paralysé et insensible), d'où on voyait alors transsuder plusieurs gouttelettes de sang.

Mettons qu'un jour ou l'autre des mains plus habiles rendent très faciles ces exemples d'afflux et de transsudation ; comment obtiendra-t-on, par la voie de l'imagination et l'empire de la volonté, la rupture des vaisseaux capillaires et des tissus, jusqu'à former une plaie large et profonde aux deux côtés de chaque main et de chaque pied, comme étaient les stigmates de Gemma ? Comment réussira-t-on à faire croître en pleine paume de chaque main un morceau de chair en forme de gros clou ? (1)

Les blessures se cicatrisaient le jour suivant. Comme dans toute autre lacération de la peau, il s'y formait alors une croûte, mais qui tombait en peu d'heures, laissant à sa place une cicatrice blanchâtre de la même grandeur que la blessure. Ces cicatrices persistaient même après la cessation définitive de la stigmatisation, et on pouvait encore les observer sur le corps de la jeune fille après sa mort.

Les piqûres de la couronne d'épines étaient, comme celles de Louise Lateau, si petites, qu'on pouvait difficilement les apercevoir à l'œil nu ; d'autant plus qu'elles disparaissaient le plus souvent sous la masse des cheveux. Le sang en découlait en grande abondance. Je puis attester qu'ayant moi-même fait laver et essuyer le front et la tête de la jeune fille pendant une de ses extases, et m'étant mis en observation, je vis, au bout de peu d'instants, je vis de mes propres yeux ces trous imperceptibles se rouvrir et laisser échapper un beau sang rouge et vif, qui se répandit rapidement sur les joues et inonda les vêtements. Qui ne condamnerait ici la très grande légèreté de certains de nos contradicteurs qui, après un simple regard et sans vouloir rien examiner, se croient en mesure et en droit de rendre d'infaillibles sentences sur des faits très sérieux. Et nous devrions nous en tenir à leur jugement ?

En général, les plus consciencieux d'entr'eux se trouvent très embarrassés en présence de faits d'hémorragie avec rupture de la peau. Ils reconnaissent l'impuissance de l'hypnotisme à les produire. Mais dans leur obstination à ne vouloir pas les attribuer à une cause surnaturelle, ils se hâtent de recourir à l'accusation de fraude et de tromperie. Ils se donnent même la peine de montrer pratiquement qu'il est chose facile de se percer la peau avec l'ongle, jusqu'à traverser les mains et les pieds. Mais, et la blessure du côté, qui était chez Gemma, large, profonde et aux bords déchirés, comment la réussir avec l'ongle ? Comment réussir aussi de la sorte les piqûres de la couronne d'épines ? On le peut à l'aide d'une épingle, me dira-t-on peut-être. Mais les piqûres d'une épingle ne peuvent faire jaillir des ruisseaux de sang dans cette partie du corps ; si bien que les médecins, lorsqu'ils veulent tirer à un malade du sang de la tête, sont contraints d'employer un instrument spécial.

Le docteur Charbonnier lui-même trouve trop naïve une telle explication, et en connaisseur merveilleux des choses ascétiques et mystiques, il a recours à l'influence du jeûne, combiné avec le sentiment intime de compassion qu'éprouve l'âme pour Jésus Crucifié. « Par l'abstinence, dit-il, l'âme concentre les forces organiques en deux seuls organes ; par la contemplation, elle recueille le sentiment douloureux épars dans tout le corps pour le fixer sur quelques points qu'elle voit, admire et aime en Jésus-Christ. Après un temps d'ordinaire très long, et après des efforts immenses, continus, accumulés sans trêve, le mouvement histologique se produit. Le flux sanguin, conduit jusqu'à la peau par cette excessive activité, finit par suivre l'influx nerveux constamment dirigé vers un même point ; et la stigmatisation est faite. »

Mais pour que cette influence fût ou pût être la véritable cause des stigmates de Gemma Galgani, elle devrait au moins rester en harmonie avec son effet. Celui-ci, comme la logique l'enseigne et comme tout le monde le comprend, devrait croître, diminuer, ou se modifier de quelque manière, suivant que celle-là décroîtrait, diminuerait, se modifierait. Cependant il n'en était pas ainsi. Et pour commencer par l'abstinence, les stigmates se manifestèrent chez la pieuse jeune fille à l'époque de sa meilleure santé. Les organes de la digestion, loin d'être altérés par la diète, comme le supposerait le docteur Charbonnier, se trouvaient tous dans un état très normal. On le remarquait aisément à la fraîcheur du teint et à la belle coloration rosée du visage. Gemma, il est vrai, ne prit jamais beaucoup de nourriture, cependant on ne peut dire qu'elle se livrât à des abstinences extraordinaires, que ses directeurs lui défendirent toujours. Dans les deux dernières années de sa vie seulement, elle se nourrissait extrêmement peu, et c'était miracle qu'elle vécût. Mais précisément alors le phénomène de la stigmatisation avait disparu, en dépit de toutes les thèses insensées des docteurs antichrétiens. Et puis, si l'altération des organes de la digestion avait eu réellement pour effet la formation des stigmates, comment expliquer que, sur une simple défense faite par moi-même à la jeune fille, ils disparurent pour ne revenir, et seulement en partie, que lorsque la défense fut levée ? Comment expliquer encore que, sur un ordre contraire donné mentalement (notez-le mentalement) bien avant moi par un autre directeur, le phénomène se produisit même à un jour inaccoutumé, c'est-à-dire le mardi, ce qui n'était jamais arrivé auparavant et n'arriva jamais dans la suite. La stigmatisation en effet, avait lieu constamment et seulement du jeudi soir ad vendredi. En vérité, mécréants et athées de profession, vous voulez nous contraindre à nier l'évidence des faits pour vous croire, les yeux fermés, vous qui, avec une si grande mauvaise foi et la haine de Dieu au cœur, venez vous poser comme nos maîtres.

Quant à la seconde des prétendues causes de stigmatisation, alléguées par le docteur Charbonnier, on peut dire en général que la fixation de l'esprit sur Jésus Crucifié, et le désir de lui ressembler sont une bonne préparation au don des stigmates, car les âmes d'élite qui s'en sont rendues dignes ont toujours commencé par là : Christo confixus sum cruci ; cependant on ne doit pas chercher la cause efficiente du prodigieux phénomène dans ce désir ardent, ni dans la profonde contemplation de l'objet aimé. Ce qui revient à dire qu'il n'est pas et ne peut être un effet naturel de l'énergie psychique. En effet, toute qualité, toute vertu attribuée à la nature doit être l'apanage de tous les hommes, ou du moins de la plus grande partie de ceux qui réalisent les conditions requises par la nature elle-même. Exemples à la vue, et même à la simple pensée d'une nourriture ou d'une boisson acide, qui ne sent l'eau lui venir à la bouche ? Toute personne fortement agitée par la colère sent, à la seule vue de son ennemi, n'apparût-il qu'en peinture, le sang lui monter à la tête sous une violente impulsion du cœur ; et ses yeux lancent des flammes. Vice versa, dans tout accès subit de peur, le sang est refoulé vers le cœur par les nerfs vasomoteurs, le visage pâlit et les extrémités des membres se glacent. Or, si les seules impressions religieuses suffisent à produire les stigmates, comment en trouve-t-on à peine un ou deux exemples tous les cent ans sur tant de millions de chrétiens ?

Dans le cours de dix-neuf siècles, le nombre des stigmatisés connus dépasse de peu la trentaine (2). Est-il possible que parmi tant de grandes âmes qui ont fleuri dans l'Église de Dieu, ce petit nombre seulement ait eu le cœur assez enflammé de l'amour divin pour donner le degré voulu par la nature pour la production des stigmates ? et l'organisme suffisamment disposé pour céder à certains élans du cœur et laisser échapper des veines un sang vif ? L'amour de saint Paul de la Croix pour Jésus Crucifié dépasse tout ce que nous lisons dans la vie des autres saints, et il n'eut jamais les stigmates. Sainte Thérèse fut par excellence un séraphin d'amour, elle eut le cœur transpercé dans la poitrine par la main d'un ange, et cependant aucun de ces impétueux élans d'amour ne fit paraître au dehors des plaies ou du sang. Sainte Claire de Montefalco portait dans son cœur la vive image de Jésus Crucifié avec tous les instruments de la Passion ; et ces glorieuses impressions, formées en relief avec la chair même de ce viscère, restent encore aujourd'hui visibles et palpables, comme pour attester l'amour ardent de cette âme pour l'adorable mystère de notre rédemption. Mais à l'extérieur rien n'apparaissait. Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, Saint Louis de Gouzague et beaucoup d'autres saints, renommés dans les annales de l'Église non moins pour leur incroyable abstinence que pour la hauteur de leurs contemplations, se virent transformés en Jésus Crucifié par la vertu de leur très ardent amour, qui les faisait s'écrier avec l'apôtre saint Paul : Mihi vivere Christus est nisi Christum, et hune crucifixum ! Et en eux pourtant pas le moindre stigmate ! Comment donc ? Comment donc ? Ah, c'est que Dieu n'est pas soumis aux lois de la physiologie, ni aux règles de la pathologie, formulées par certains médecins modernes. Il opère dans ses créatures ce qu'il veut bien, et confond l'orgueil de ceux qui voudraient insolemment poser des bornes à sa puissance infinie.

Pour revenir à la stigmatisée de Lucques, elle ne cessa point d'être un foyer d'amour céleste dont les flammes s'accroissaient en proportion des lumières divines reçues dans ses sublimes contemplations ; et, à la fin de ses jours, son cœur paraissait devoir en être incendié. Alors les stigmates, loin d'augmenter en intensité ou en fréquence, cessèrent complètement.

------------

(1) Pour être exact, je rappelle que ce dernier phénomène se produisit rarement, et seulement aux paumes des mains. Jamais au dos des pieds. De même, les stigmates saignaient quelquefois sans qu'on aperçut de lacération du derme. D'ordinaire cependant ils étaient constitués par des plaies profondes.

(2) Le Docteur A. Imbert Gourbeyres cite 94 cas de stigmatisation proprement dite ou externe. « Il y a eu, dit-il, seize blessures du cœur, cinq fois l'impression des instruments de la Passion dans cet organe, et deux cas de stigmatisation plastique. Vingt-cinq fois la stigmatisation a été complète, quatorze fois avec les cinq plaies sans couronne, cinq fois avec la couronne seule. Elle a été treize fois latérale. Cinq fois la stigmatisation a été bornée aux pieds ou à un seul pied. » (Note du traducteur.)


A suivre...
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Message  Monique Mar 10 Mai 2022, 8:07 am

IX



Outre les cinq plaies des mains, des pieds et du côté, et les piqûres de la couronne d'épines à la tête, Gemma eut les plaies de la flagellation au dos, aux bras et aux jambes, la plaie creusée par le poids de la croix sur l'épaule gauche, et les blessures faites aux deux genoux par les trois chûtes sur la route du Calvaire. Toutes étaient larges et profondes, et plusieurs atteignaient pour ainsi dire jusqu'aux os. Les premières avaient la forme de sillons aux bords livides et laissaient couler le sang goutte à goutte. Les autres ressemblaient à celles que les sculpteurs reproduisent aujourd'hui sur les crucifix en relief. Les personnes qui ont pu examiner attentivement cette innocente créature dans un état si émouvant n'avaient ensuite, pour s'en refaire exactement l'idée, qu'à regarder le grand crucifix de la maison, devant lequel Gemma avait l'habitude de prier. Et combien les plaies de ce crucifix inspirent la compassion ! La première fois que le douloureux phénomène se manifesta, la pieuse bienfaitrice chez qui Gemma habitait, ne sachant que penser. voulut soigner une de ces plaies et l'entourer de bandes. Mais quoi ? Le jour suivant toutes les plaies étaient parfaitement fermées et couvertes d'une croûte solide, l'exception de celle qu'on avait voulu essayer de guérir. Et maintenant, allez expliquer ces faits si singuliers par les théories de l'hypnotisme, par l'imagination ou par la préoccupation religieuse !

On remarqua aussi chez Gemma des sueurs et des larmes de sang : phénomènes extraordinaires dont le Christ a donné le premier exemple. L'Évangile atteste en effet qu'au jardin de Gethsémani le Seigneur Jésus, dans l'excès de sa douleur morale, sua du sang par tout le corps, au point d'en baigner la terre et plusieurs saints contemplatifs nous disent que du haut de la croix il pleura nos péchés avec des larmes de sang. Chez Gemma la sueur sanglante était pareillement abondante et paraissait sortir de tout le corps. Elle se produisait en dehors de l'extase et avait pour cause l'horreur du péché maudit, et parfois un blasphème qui, de la rue, venait frapper son oreille. Certes je doute que, pour des motifs semblables, pareille chose soit jamais arrivée depuis que le monde est monde. La suggestion des plus puissantes baguettes de nos magnétiseurs n'a jamais pu obtenir rien d'approchant, et, encore moins, du sang coulant des yeux avec abondance.

Dans l'organe de l'œil, il n'existe pas de vaisseaux sanguins importants, excepté ceux de la troisième membrane qui l'enveloppe, appelée choroïde, et ceux du corps ciliaire. Lorsque le sang afflue à ces membranes, le premier phénomène qui apparaît, c'est une inflammation qui rend l'œil entier rouge de feu. Il en est de même si le sang congestionne les veines capillaires des parties voisines de l'œil ; mais en aucun cas il ne rompt les vaisseaux pour s'échapper en ruisselets. Comment donc le sang pouvait-il sortir en si grande abondance des yeux de Gemma ? Pour moi, je ne trouve pas d'explication naturelle à ce phénomène. Les hypnotistes en indiqueront peut-être plusieurs, mais en théorie seulement, puisque jusqu'à ce jour ils n'ont point réussi à tirer du sang de la tête d'aucune de leurs victimes, ni à le faire pleuvoir des yeux sous l'étreinte de cruelles douleurs. Quant à l'inflammation dont je viens de parler, jamais on n'en vit la moindre trace chez Gemma, ni avant, ni pendant, ni après le phénomène. Le sang coulait de ses yeux si purs non par gouttes, mais, comme je l'ai déjà dit, par ruisseaux qui trempaient les vêtements sur la poitrine ; il se coagulait dans les fosses lacrymales, et ce n'est pas sans émotion qu'on l'en sortait avec les doigts par morceaux. Avec cela, je le répète, le globe de l'œil et les membranes voisines restaient sains et il suffisait de les essuyer avec un linge mouillé pour les voir apparaître dans leur plus parfait état naturel.


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VIE DE GEMMA GALGANI - La Séraphique Vierge de Lucques - R. P. Germain - Page 12 Empty Re: VIE DE GEMMA GALGANI - La Séraphique Vierge de Lucques - R. P. Germain

Message  Monique Mer 11 Mai 2022, 7:37 am

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Que dirai-je maintenant des phénomènes extraordinaires du cœur chez la vierge de Lucques ? Je sais que les hypnotistes, parmi les effets de leur sommeil magnétique placent les palpitations de cœur ; il doit en être ainsi, du moment que cette maladie artificielle altère profondément tout l'organisme de leurs malheureuses victimes et par conséquent le cœur, principal organe de la vie. Serait-ce là une des analogies qu'ils veulent voir entre les extases vraies et les extases hypnotiques ? Que personne n'admette leur prétention. Chez l'extatique de Lucques ce n'était pas des palpitations, une accélération du mouvement de systole et de diastole, mais bien une certaine expansion de l'organe qui, trop à l'étroit dans sa cavité naturelle, heurtait les parois de la poitrine comme pour se faire place ; et les chocs atteignaient une telle violence que, si l'on essayait de les comprimer avec le poing fermé, le poing était repoussé avec le bras, quelque effort que l'on fît pour résister à l'impulsion.

Cependant l'extatique restait debout ou à genoux, assise sur une chaise ou étendue dans son lit, sans donner aucun signe d'incommodité, absolument comme si ces mouvements violents n'eussent pas existé ; et tandis que la chaise ou le lit tremblait, comme je puis l'attester moi-même, elle se tenait immobile, dans un état tout-à-fait normal, et, chose plus merveilleuse, sans une ombre d'angoisse, sans oppression, méfie sans accélération du pouls. Selon son habitude dans l'extase, elle parlait à son Dieu sans aucune fatigue ni difficulté, mais d'une voix ferme et forte. Les paroles qui sortaient de sa bouche étaient de feu. Et il n'en pouvait être autrement, car son cœur ne battait pas seulement, il brûlait, tel un charbon ardent. On ne pouvait en approcher la main sans ressentir une sensation de brûlure. Parfois cette ardeur devenait si intense qu'il se formait sur toute la partie extérieure une large plaie semblable à la brûlure que produirait sur la peau l'application d'une plaque de métal rougie au feu. Cette plaie se fermait à la fin de l'extase, mais la cicatrice persislait des semaines entières. Le supplice du cœur littéralement en feu, qui eût mis hors d'eux-mêmes les plus forts et les plus courageux, n'arrachait à Gemma aucun gémissement, ne provoquait en elle aucun soubresaut. Pendant que ce feu, disait-elle, martyrisait son corps, il faisait descendre dans son âme les délices du Paradis. Et voulant faire goûter ce bonheur aux personnes présentes, elle leur faisait, avec les mains, des signes pressants de s'approcher de l'incendie qui le produisait.

J'ai dit que le cœur battait fortement comme pour se faire place. « Jésus est trop grand, disait-elle dans l'extase, et mon cœur trop petit pour le contenir. Qu'il se dilate donc, qu'il se dilate ce cœur pour que Jésus y soit à l'aise ». Or ce cœur se dilata en réalité, et il donna de tels chocs aux côtes de la poitrine qu'il en souleva trois, en les courbant d'une façon surprenante. Ce prodige dura assez longtemps chez la bienheureuse jeune fille. Je ne voulus point le faire constater par des médecins, parce que toute personne, même la plus vulgaire, peut vérifier l'état anormal d'une partie du corps si connue et distinguer en cet endroit un os déplacé et considérablement courbé, d'une excroissance quelconque de chair. À l'exception d'une fois, où le prodige persista longtemps, le soulèvement des côtes cessait tout d'un coup avec l'extase, comme cessaient également les battements violents du cœur, qui revenait à l'instant même à son état naturel. Si, après un court intervalle de temps, le ravissement recommençait, ce qui arrivait souvent, le cœur se remettait à battre avec force et à soulever les côtes ; en sorte qu'en tenant la main à l'endroit du cœur on reconnaissait à ce signe, sans avoir besoin de regarder le visage, que la sainte jeune fille était rentrée dans l'extase.

Pour conclure cette dissertation je dirai : il est démontré que chez Gemma Galgani les symptômes caractéristiques de l'hypnose manquent totalement, savoir : la léthargie, la catalepsie et le somnambulisme avec tous leurs phénomènes annexes et connexes ; manque le caractère propre de l'hypnose avec toutes ses manifestations ; manque la cause même de l'hypnose, c'est-à-dire la suggestion interne ou externe, spontanée ou provoquée avec toutes ses propriétés. Bien plus, on ne voit rien dans cette jeune fille qui ne soit en opposition directe avec les théories de l'hypnotisme. Elle n'était donc pas sujette à l'hypnose. J'ai prouvé, en outre, que le magnétisme est, de lui-même, incapable de produire les phénomènes merveilleux, tels qu'on les a constatés en cette servante de Dieu, et surtout les stigmates. Donc, ni les extases, ni les visions, ni les plaies et le sang qui en découlait, ne peuvent s'attribuer à la vertu du magnétisme ou de l'hypnotisme.


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