L'Angelus, la cloche devenue muette! ( Mgr Gaume)

L'ANGELUS.

[SUITE]

Quatre voix en prononcent les paroles.

Les interlocuteurs. — Dans l'Angelus, quatre voix se font entendre et se répondent : voix de l'archange, voix de Marie, voix de sainte Élisabeth, voix de l'Église.

L'archange…

L'ANGELUS.

[SUITE]

Voix de l’Archange.

L'archange. — Qu'est-ce qu'un archange? C'est un ange d'une hiérarchie supérieure. Au-dessus de l'homme, au-dessus de tous les êtres que nous voyons de nos yeux et que nous touchons de nos mains, Dieu a formé des créatures purement spirituelles, dont le nombre, l'agilité, la puissance, la beauté surpassent tout ce que l'imagination peut concevoir. Quand ils doivent se rendre visibles, les anges revêtent des corps aériens d'une splendeur éblouissante.

C'est ainsi qu'ils ont souvent apparu aux saints, tant du Nouveau que de l'Ancien Testament. C'est ainsi qu'ils se montreront, comme une immense armée, aux yeux de toutes les nations, lorsque leur Roi, dont ils formeront le cortège, viendra dans tout l'éclat de sa majesté juger l'univers, et qu'ils feront eux-mêmes la séparation finale des justes et des méchants.

Ministres de Dieu dans le gouvernement du monde, les anges exécutent, avec la rapidité de l'éclair, ses ordres de justice et de miséricorde. Rien ne résiste à leur puissance. Comme la flèche qui fend les airs, un ange traverse l'Égypte, et dans l'espace d'une nuit met à mort tous les premiers-nés des Égyptiens. Un autre pénètre dans l'armée de Sennachérib et fait périr instantanément cent quatre vingt-cinq mille soldats. Un autre encore enlève le prophète Habacuc, et, aussi vite que la pensée, le transporte à Babylone, pour nourrir Daniel enfermé dans la fosse aux lions.

Ces grandes missions n'ont lieu que dans les circonstances solennelles, et ne sont confiées qu'aux anges d'un ordre supérieur ¹. Ainsi les rois de la terre n'envoient en ambassade les princes de leur cour, que dans les occasions les plus importantes. Or, tu le sais, nulle circonstance n'est plus importante que celle dont l'Angelus rappelle le souvenir. Comme il s'agit du plus grand événement de l'histoire, la raison seule nous dit que l'ambassadeur chargé de l'annoncer dut être choisi parmi les princes les plus illustres de la cour céleste. En effet, l'archange député vers Marie s'appelle Gabriel, c'est-à-dire force de Dieu. Jamais nom ne fut mieux appliqué ! Gabriel venait annoncer le dur guerroyeur ¹ qui ferait crouler, d'un bout du monde à l'autre, le colossal empire de Satan.

Marie...
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1. Qui minima  annuntiant,  Angeli;  qui vero summa annuntiant Archangeli vocantur. (S. Greg., homil. LIV, In Evang.)
1. Durus debellator. (Sap., XVIII, 15.)

L'ANGELUS.

[SUITE]

Voix de la sainte Vierge.

Marie. — Si dans la poésie, dans la peinture, dans le paysage, et dans les arts en général, la beauté naît des contrastes, quelle incomparable beauté présente l'Angelus ! D'un côté, tout ce qu'il y a de plus grand, un archange, un prince plus puissant que tous les monarques de la terre ; d'un autre côté, tout ce qu'il y a de plus faible et de plus humble, une jeune fille de douze ans, pauvre et obscure.

C'est à elle qu'est envoyé, dans tout l'éclat de sa gloire, l'ambassadeur du Créateur des mondes ; à elle qu'il parle avec un profond respect; à elle qu'il demande humblement le consentement qui doit sauver le genre humain ; à elle dont il attend avec anxiété la décisive réponse.

Elle est donnée, et tout à coup la jeune enfant devient la plus auguste, la plus douce, la plus puissante de tous les êtres créés, la Reine des anges et des hommes : elle devient Marie.

La troisième voix qui parle dans l'Angelus …

L'ANGELUS.

[SUITE]

Voix de sainte Élisabeth.

Sainte Élisabeth. — La troisième voix qui parle dans l'Angelus est celle de sainte Élisabeth. Quelle noble interlocutrice ! Si, comme son auguste cousine, Élisabeth n'est pas la Mère de Dieu, elle est la mère du plus grand des enfants des hommes. Près de Jean-Baptiste, choisi par un privilège unique pour annoncer la prochaine arrivée du Désiré de toutes les nations, pour le baptiser de ses mains et lui rendre témoignage de son sang, je te demande ce que sont les empereurs, les savants, les patriarches, les martyrs, les apôtres eux-mêmes, les saints et les saintes les plus illustres?

Devant la gloire d'Élisabeth, mère de Jean-Baptiste, s'éclipse la gloire de toutes les mères. Sa voix fait écho à la voix de l'ange. Le ciel et la terre se répondent, et ce qu'ils disent est un double hommage de respect et d'amour rendu à Marie.

L'Église…

L'ANGELUS.

[SUITE]

Voix de l’Église

L'Église. — Incarnation permanente du Verbe rédempteur annoncé par l'ange, conçu par Marie, salué par Élisabeth, seule l'Église, épouse, mère et toujours vierge, pouvait sans désaccord mêler sa voix à celle des trois augustes interlocuteurs. Elle le fait avec l'accent d'une épouse pleine de confiance, d'une mère chargée d'une innombrable et besoigneuse famille, et d'une vierge dont la beauté sans tache ravit le cœur de Celui qui est tout ensemble son Époux et son Père.

Qu'en penses-tu, mon cher Frédéric?...

L'ANGELUS.

[SUITE]

Dialogue sublime : Par les personnages qui parlent. — Par les choses qui se disent. — Par les mystères qui s’accomplissent.

Qu'en penses-tu, mon cher Frédéric? Près d'un pareil dialogue, considéré seulement dans les personnages, que sont les dialogues de Platon et de Socrate, de Scipion et de Lélius, et tous les autres dialogues les plus vantés de la littérature humaine?

Toutefois, si l'Angelus est sublime par les personnages qui s'y parlent, il ne l'est pas moins par les choses qui s'y disent.

Les choses qui s'y disent. — Afin de rendre raison des étonnantes paroles de l’ange, l'Église rappelle les trois mystères qui s'accomplissent à la voix du divin ambassadeur. Ces trois mystères sont : l'Incarnation du Verbe ; la Maternité divine de Marie et la Rédemption du monde.

Elle dit : Angelus Domini nuntiavit Mariœ, et concepit de Spiritu sancto.
Elle dit : Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum.
Elle dit : Et Verbum caro factum est, et habitavit in nobis.                  

Après de pareils miracles…

L'ANGELUS.

[SUITE]

Raison des paroles qui précèdent l’Ave Maria.

Après de pareils miracles, on comprend que l'archange, ravi d'une respectueuse admiration, adresse à Marie la sublime salutation que sainte Élisabeth continue, que l'Église achève et que toutes les générations chrétiennes répéteront de siècle en siècle, sans interruption même d'une seconde, jusqu'au seuil de l'éternité : Je vous salue, pleine de grâce !

Chacune des paroles…

L'ANGELUS.

[SUITE]

Richesse de ces paroles.

Chacune des paroles que tu viens d'entendre veut être soigneusement expliquée. C'est une mine d'or, bien autrement riche que celles de l'Australie ou de la Californie. Dans ces dernières, un peu de terre jaune ou blanche, qui ne rend l'homme ni meilleur, ni mieux portant, ni plus heureux. Dans la première, des richesses qui donnent à l'homme la vie, la dignité, le bonheur et l'immortalité.

Explication des paroles qui précèdent les Ave Maria  de l’Angelus…

Explication des paroles qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :
L’ange du Seigneur annonça à Marie.

Pourquoi un ange chargé d’annoncer le mystère de l’Incarnation.

Angelus Domini : « L'ange du Seigneur ». Déjà nous connaissons les anges et celui même qui fut envoyé à la bienheureuse Vierge. Mais pourquoi un ange est-il chargé d'annoncer à Marie le mystère de l'Incarnation?

Pour trois raisons, répond le grand maître de la théologie, saint Thomas.

La première, afin de conserver l'ordre divin, en vertu duquel le ministère des anges est de transmettre aux hommes les volontés de Dieu.

La seconde, parce que cela convenait à la réparation du genre humain. Comme l'auteur de notre chute fut un ange qui, sous la forme du serpent, vint tromper la première Ève, il convenait qu'un ange vînt annoncer à la seconde Ève la rédemption du monde.

La troisième, parce que ce message angélique convenait à la perpétuelle virginité de la Mère de Dieu; car les vierges, dit saint Jérôme, sont cousines des anges, avec qui elles ont des rapports intimes et une grande ressemblance ¹.

N'est-ce pas là, mon cher Frédéric, une de ces belles harmonies qu'on découvre à chaque instant dans les œuvres de la sagesse éternelle?

Tu me fais une autre question...
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1.  Bene angelus ad Virginem mittitur, quia semper est angelis cognata virginitas. Profecto in carne præber carnem vivere, non terrena vita est, sed cœlestis. (Apud S. Th., 3 p., q. 30, art. 2 corp.)

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :
L’ange du Seigneur annonça à Marie.

[SUITE]

Pourquoi on dit l’ange du Seigneur.

Tu me fais une autre question : tu me demandes pourquoi nous ne disons pas seulement : « L'ange annonça; » Angelus nuntiavit; mais ajoutons : « L'ange du Seigneur ; » Angelus Domini? Est-ce que tous les anges ne sont pas les anges de Dieu ou du Seigneur ? — Sans aucun doute.

Le texte sacré dit : « L'ange Gabriel fut envoyé de Dieu; » Missus est angelus Gabriel a Deo ¹; est-ce encore que tous les anges ne sont pas envoyés de Dieu ? Pourquoi donc cette particularité ?

Sous quelle forme le céleste ambassadeur apparut-il...
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1. Luc, I, 26.

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :
L’ange du Seigneur annonça à Marie.

[SUITE]

Sous quelle forme l’ange apparut à la sainte Vierge.

Sous quelle forme le céleste ambassadeur apparut-il à la sainte Vierge ? Tu l'as vu comme moi, à Paris : quand les ambassadeurs étrangers vont faire leur première visite au souverain, près de qui ils sont accrédités, ils se rendent au palais en équipage de gala et se présentent tout chamarrés d'or et bardés de décorations. Ce luxe éblouissant a pour but de donner une haute idée du monarque qui les envoie.

Tu ne seras donc pas étonné d'apprendre que l'ambassadeur du Très-Haut se présenta devant Marie sous la forme corporelle la plus splendide. Écoute un des organes les plus sûrs de la tradition. « L'archange Gabriel, dit saint Augustin, vint à Marie, le visage resplendissant, le vêtement éclatant et la démarche admirable ². »

Elle nous révèle trois choses…
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2. Venit ad me Gabriel Archangelus facie rutilans, veste coruscans, incesssi mirabilis. Sed haec, ajoute S. Thomas, non popsunt pertinere nisi ad corpoream visionem. Ergo corporea visione Angelus enuntians Beatæ Virgini apparuit. (S. Th., 3 p., q. 30, art. 3, Sed contra.)

Explication
des paroles qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :
L’ange du Seigneur annonça à Marie.

[SUITE]

Grandeur de la nouvelle annoncée par l’ange.

Elle nous révèle trois choses : la première, l'excellence de Gabriel qui fut envoyé, non par quelque ange d'un ordre supérieur, mais par Dieu lui-même qui, sans intermédiaire, lui confia son auguste mission; la seconde, l'excellence de cette mission, la plus grande qui ait jamais été et qui sera jamais donnée à aucun ange; la troisième, le secret des mystères de l'Incarnation du Verbe et de la Rédemption du monde, que Dieu avait cachés aux anges, et qu'il révèle aujourd'hui à Gabriel, chargé de l'annoncer à la terre ².

Nuntiavit Mariæ; « annonça à Marie ». — Annonça quoi? Sublime réticence! Elle signifie que nulle parole humaine ou angélique ne peut dire la grandeur de la nouvelle apportée à la jeune vierge de Juda.

C'est la nouvelle attendue et sollicitée, depuis quatre mille ans, par le genre humain tout entier.

C'est la nouvelle d'un événement qui va opérer la plus profonde, la plus universelle, la plus bienfaisante révolution qui se puisse imaginer.

C'est la nouvelle que le Verbe, par qui tout a été fait, va descendre sur la terre, pour réparer son ouvrage, sauver tout ce qui avait péri, chasser l'usurpateur de son empire, signer la paix entre le ciel et la terre, rendre à l'homme tous ses droits perdus et le replacer sur le chemin du bonheur, sans mélange et sans fin, des siècles éternels.

Cette nouvelle, que nul ne connaît parmi les hommes ni peut-être parmi les anges, Gabriel excepté, est apportée à Marie. Veux-tu voir cette jeune vierge au moment où arrive le divin ambassadeur? Elle était seule, en prière, à l'heure du sacrifice du soir, dans la maison paternelle de Nazareth, aujourd'hui transportée à Lorette, par la main des anges, afin de la soustraire aux profanations des Sarrasins.

Comme l'adorable Fils…
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2.  Et illuminare omnes, quæ sit dispensatio sacramenti  absconditi a sæculis in Deo, qui omnia creavit : ut innotescat principatibus et potestatibus in coelestibus, etc. (Eph., III, 9, 10.)

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :
L’ange du Seigneur annonça à Marie.

[SUITE]

Portrait de la sainte Vierge.

Comme l'adorable Fils, dont elle allait devenir l'heureuse Mère, fut le plus beau des enfants des hommes, Marie est la plus belle des filles d'Ève, passées, présentes et futures. En elle brille dans sa perfection le type juif, le plus beau type de la race humaine.

Écoute la tradition. « Marie était d'un extérieur grave et modeste; parlant peu, et seulement quand il était nécessaire ; écoutant volontiers, très affable et très polie envers tout le monde. Elle était d'une taille médiocre, un peu au-dessus de la moyenne. Sa parole était franche et modeste, sans ris, sans trouble, à plus forte raison sans colère.

« Son visage était couleur de froment, ses cheveux blonds, ses yeux vifs, où brillaient des pupilles d'un jaune léger, ses sourcils étaient arqués, et d'un noir convenable; son nez long, ses lèvres couleur de rose, d'où découlaient des paroles pleines de suavité. Son visage n'était ni rond ni pointu, mais un peu allongé, ses mains et ses doigts assez longs.

« Exempte de toute espèce de faste, elle était d'une grande simplicité, n'usant jamais de fard, ni de rien qui sentît la mollesse, mais faisant de l'humilité son plus bel ornement. Les vêtements qu'elle portait avaient leur couleur naturelle, et elle s'en contentait : ce que prouve encore son saint voile. En un mot, une grâce divine était répandue avec abondance sur toute sa personne ¹. »

Ne crois pas, cher ami, que ce portrait traditionnel soit un portrait de fantaisie. Du temps de la sainte Vierge, il y avait, comme aujourd'hui, des peintres et des sculpteurs. La dame de Panéade fit faire ad vivum la statue de Notre-Seigneur, qui se voyait encore au quatrième siècle. Saint Luc lui-même, le secrétaire de la sainte Vierge, était peintre. On avait les portraits de saint Pierre et de saint Paul, avidement recherchés par les chrétiens. Est-il étonnant qu'ils aient désiré et obtenu celui de l'auguste Mère de Dieu?

Nuntiavit Mariæ; « annonça à Marie »…
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1. Mores autem formæque ac staturæ ejus modus talis, ut inquit Epiphanius, fuit : Erat in rebus omnibus bonesta et gravis, pauca admodum eaque necessaria loquens, ad audiendum facilis, et perquam affabilis, honorem suum et venerationem omnibus exhibens. Statura mediocri, quamvis sint qui eam aliquantulum mediocrem longitudinem excessisse dicant. Decenti dicendi libertate adversus homines oranes  usa est, sine risu, sine perturbatione, et sine iracundia maxime.

Colore fuit triticum referente; capillo flavo; oculis acribus, subflavas tanquam paleæ coloris pupillas in eis habens. Supercilia erant illi inflexa, et decenter nigra, nasus longior, labia florida et verborum suavitate plena. Facies non rotunda et acuta, sed aliquanto longior, manus simul et digiti longiores.

Erat denique fastus omnis expers, simplex, minimeque vultum tingens; nihil mollitiei secum trabens, sed humilitatem præcellentem colens. Vestimentis quæ ipsa gestavit, coloris nativi contenta fuit : id quod sanctum ejus velum etiamnum ostendit. Et, ut paucis dicam, in rebus ejus omnibus multa divinitus erat gratia. (Nicephor., Hist. lib.II, c. XXIII, ex Epiphan. Baron., an. 48, n. 26.)

Il y avait quatre mois que la sainte Vierge, sortant de son éducation au temple de Jérusalem, avait été confiée par les prêtres à saint Joseph, lorsque l'ange vint lui apporter l'heureuse nouvelle. « Deinde vero, sacerdotum manibus Josepho ad custodiam est tradita, apud quem cum menses peregisset quatuor ab angelo Gabriele lætum illum accepit nuntium. » (S. Evod. Epist. Lumen; apud Nicephor., Hist., lib. Il, c. III)

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :
L’ange du Seigneur annonça à Marie.

[SUITE]

Manière admirable dont  l’ange lui parle.

Nuntiavit Mariæ; « annonça à Marie ». — La manière dont l'archange s'y prit pour annoncer à Marie la grande nouvelle est presque aussi admirable que la nouvelle même. Tu peux y admirer l'art oratoire dans toute sa perfection. Gabriel avait trois choses à faire.

La première, rendre la jeune Vierge attentive à ce qu'il allait lui dire. Il le fait en la saluant d'une manière nouvelle et tout à fait inconnue. Ave, gratia plena. « Si Marie, dit Origène, qui connaissait parfaitement les Écritures, avait su qu'une pareille salutation avait été adressée à un autre, elle n'en aurait été ni troublée ni effrayée. En la saluant pleine de grâce, l'ange lui fait entendre qu'elle est préparée au grand mystère qu'il est chargé de lui annoncer.

La seconde, l'instruire du mystère qui devait s'accomplir en elle. Il le fait en disant : « Vous concevrez un fils qui sera le Grand, ou plutôt la grandeur même ; car c'est le Saint-Esprit qui le formera en vous. »

La troisième, obtenir, malgré les apparences contraires, la foi de Marie à l'accomplissement du mystère, et son consentement. L'ange le fait, en lui citant l'exemple de sainte Élisabeth, comme la preuve irrécusable que Dieu peut tout ce qu'il veut ¹.

Cette habileté de l'ange me ravit. J'y vois la contre-partie de la tentation du paradis terrestre qui, comme toute tentation, fut composée de trois actes : là proposition de l'ange à la femme ; le consentement de la femme, et enfin le fruit du consentement reçu et transmis au genre humain,

Que de choses admirables, même au point de vue purement littéraire, dans nos livres sacrés ! Et dire que presque personne ne les lit et qu'on en est venu jusqu'à les bannir des maisons d'éducation, comme indignes de servir de modèles à la jeunesse studieuse ! O Père, pardonnez-leur ; car ils ne savent ce qu'ils font.

Tu m'écris : « Votre lettre m'a trouvé…

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1. S. Thomas, 3 p., q. 30, art. 4, corp.

L'ANGELUS.

[SUITE]

Lettre curieuse de Frédéric. — L'éducation actuelle condamnée par saint Pierre.

Tu m'écris : « Votre lettre m'a trouvé, les Annales de philosophie chrétienne, à la main. Le dernier numéro de cet excellent recueil, que je voudrais voir répandu partout, contient une condamnation très grave et très inconnue de l'éducation païenne, dont vous vous plaignez avec tant de raison.

« La voici : saint Clément, bien jeune encore, disait à saint Pierre, dont il devait être un jour le successeur : « Je ne puis savoir comment on vénère dans Jupiter les vices qu'on exècre dans les hommes. — Pierre répond : Puisque vous dites que vous ne le savez pas, apprenez de moi pourquoi les crimes sont vénérés dans Jupiter.  D'abord, comme les païens ont commis les mêmes actions, ils espèrent être bien reçus de celui qu'ils ont imité dans ses turpitudes.

« Ensuite, les anciens ont laissé ces choses savamment consignées dans leurs ouvrages; les poètes les ont décrites avec élégance. Et maintenant, sous le prétexte de l'instruire, on les fait étudier à la jeunesse, et quand la connaissance de ces choses a été incrustée dans les esprits tendres et simples des enfants, il est difficile de l'en arracher ¹. »

« Viennent, dans les Annales, les réflexions suivantes : « C'est chose admirablement curieuse qu'au lendemain de l'Ascension du Sauveur, un pêcheur de Galilée, d'accord avec un noble Romain, saint Pierre et saint Clément, deux chefs de l'Église, aient posé les principes de l'instruction intellective et positive pour la jeunesse, et condamné d'avance la routine païenne qui embarbouille encore aujourd'hui de son enseignement classique les cervelles des grimauds de l'Université et des « autres écoles. »

(…)

Et concepit de Spiritu Sancto;…

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1. Respondit Petrus : « Quoniam tu nescire dicis, disce a me cur in illo facinorosa gesta venerentur : primo quidem, ut cum ipsi similia egerint, acceptos se ei futuros sciant, utpote quem imitantur in flagitiis; secundo, quod haec litteris scite recondita et versibus eleganter inserta veteres reliquerunt. Et nunc puerilis eruditionis obtentu, cum eorum notitia teneris et simplicibus adhæserit mentibus, revelli ex eis atque abjici diffîculter potest. (Recognit., lib. X, c. XXVIII.)

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :  

[SUITE]

Et elle conçut du Saint-Esprit.

Et concepit de Spiritu Sancto; « Et elle conçut du Saint-Esprit ». — La divine conception n'eut pas lieu immédiatement après ces paroles : L'Ange annonça à Marie; mais bien après le consentement de Marie, exprimé par ces mots : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait suivant votre parole. Seulement l'Église a voulu nous donner dès l'abord une haute idée de l'Angelus, en exprimant, tout d'un trait, le but et le résultat de l'ambassade angélique. Telle est la raison de la particule Et, qui montre la liaison entre l'annonce et le fait annoncé.

Elle conçut…

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :  

[SUITE]

Formation instantanée du corps de Notre-Seigneur.

Elle conçut. A peine l'auguste Vierge eut donné son consentement, que le mystère de l'Incarnation fut accompli. Le corps de Notre-Seigneur se trouva immédiatement et complètement formé dans les chastes entrailles de Marie, et uni à une âme raisonnable. De là un homme parfait qui, par son union hypostatique avec la seconde personne de la sainte Trinité, fut aussitôt doué de la plénitude de la vie divine et humaine ¹.

Si conformément aux lois de la Providence…
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1. Corn. a. Lap. in Luc, 1.

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :  

[SUITE]

Paroles de saint Thomas.

Si conformément aux lois de la Providence, il resta neuf mois dans le sein de sa mère, ce fut, non pas pour se former, mais pour se développer ².
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2. Formatio corporis, in qua principaliter ratio conceptionis consistit, fuit in instanti, duplici ratione. Primo quidem, propter virtutem agentis infinitam... Secundo ex parte personæ Filii, cujus corpus formabatur : non enim erat congruum ut corpus humanum assumeret nisi formatum.(S. Th., 3 p., q. 33, art.1, corp. et q.34.)

Du Saint-Esprit…

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :  

[SUITE]

Le Saint-Esprit auteur et non père de l'humanité du Verbe incarné.

Du Saint-Esprit, c'est-à-dire par la puissance du Saint-Esprit, et non autrement, car le Saint-Esprit n'est pas le père de Notre-Seigneur ³.

Écoute saint Augustin :…
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3. Corpus Cbristi, quia non est constubstantiale Spiritui Sancto, non proprie potest dici de Spiritu Sancto conceptum, sed magis ex Spiritu Sancto. Sicut Ambrosius dicit : quod ex aliquo est, aut ex substantia, aut ex potestate ejus est. Ex substantia, sicut filius, qui a patre est : ex potestate, sicut ex Deo omnia : quo modo et in utero habuit Maria ex Spiritu Sancto .(S. Th. 3 p., q. 32, art. 2, ad. 1 ).

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :  

[SUITE]

Paroles de saint Augustin.

Écoute saint Augustin : « Sans doute le Saint-Esprit fut l'artisan de l'humanité de Jésus-Christ; c'est lui qui la forma, l'organisa, la disposa et l'anima. Cependant on ne peut pas dire qu'il en est le père, attendu qu'il ne lui a rien donné,rien communiqué de sa substance ¹. »

Que par sa toute-puissance, le Saint-Esprit ait opéré ce miracle, il n'y a rien d'étonnant…
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1. Porro Spiritus Sanctus fuit opifex humanitatis Christi, qui eam efformavit, organizavit, disposuit et animavit ; at ejus pater dici nequit quia ex sua substantia nihil ei contulit aut communicavit. (Enchirid., c. XXVIII.)

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :  

[SUITE]

Beau  passage de saint Cyrille.

Que par sa toute-puissance, le Saint-Esprit ait opéré ce miracle, il n'y a rien d'étonnant. « Celui, dit saint Cyrille, qui de la verge sèche de Moïse fît un animal vivant, c'est-à-dire un serpent, pourquoi ne pourrait-il pas produire d'une vierge vivante un homme vivant? Celui qui d'un homme vierge, Adam, forma une femme vierge, Ève, pourquoi ne pourrait-il pas également, d'une femme vierge, former un homme vierge?

Ève naquit de l'homme seul. Marie nous rend gracieusement la pareille. D'elle seule, et non d'un homme, mais par la puissance du Saint-Esprit, elle enfante, demeurant toujours vierge, un homme-Dieu. Enfin, d'une sèche poussière Dieu fit Adam vivant : pourquoi d'une vierge vivante ne pourrait-il pas former un homme ? une vierge n'est-elle pas plus qu'un grain de poussière ² ?

En bon théologien, tu sais que toutes les œuvres extérieures de Dieu…
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2.  Deus qui virgam aridam Mosis in vivum animal, puta in serpentem, convertit, cur non possit ex viva virgine vivum hominem producere?  Deus ex viro, scilicet Adamo virgine, formavit virginem fœminam, scilicet Evam : cur pariter non possit ex fœmina virgine formare virum virginem?

Eva ex solo viro genita est. Redditur igitur Maria gratiæ hujus mutuum officium; et non ex viro, sed ex ipsa sola, impollute ex Sancto Spiritu virtuteque Dei peperit. Denique Deus Adamum vivum ex sicco pulvere formavit : cur non possit ex viva virgine, virum efformare? plus enim virgo quam pulvis. (Catech., XII.)

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :  

[SUITE]

Pourquoi le mystère de l'Incarnation attribué au Saint-Esprit.

En bon théologien, tu sais que toutes les œuvres extérieures de Dieu, opera ad extra, sont communes aux trois personnes de la sainte Trinité. Chacune d'elles, en particulier, contribue au mystère de l'Incarnation. Le Père affermit la faiblesse de Marie, en l'enveloppant de sa toute-puissance : virtus Altissimi obumbrabit  tibi; le Saint-Esprit descend en elle : Spiritus Sanctus superveniet in te; et le Verbe s'incarne dans son sein : ecce concipies in utero et paries filium. Pourquoi donc l'Incarnation semble-t-elle attribuée uniquement au Saint-Esprit?

En voici la raison. L'Incarnation est le mystère d'amour par excellence. De là découlent, sur les anges et sur les hommes, tous les biens de la grâce et de la gloire, du temps et de l'éternité. Le Saint-Esprit étant l'amour consubstantiel du Père et du Fils, rien n'est plus naturel que de lui attribuer spécialement le mystère de l'Incarnation ¹.

Une fois de plus, admirons tout ce qu'il y a de profondément philosophique dans le langage de l'Église notre mère. Plaignons ceux qui ne le connaissent pas, et plus encore ceux qui le critiquent sans le connaître.

Marie est créée pour être l'épouse du Saint-Esprit et la Mère du Verbe….
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1. S. Th. 3 p. [9], 32, art. 1. corp.

Angelus

[SUITE]

Explication des paroles qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus.

(…) Marie est créée pour être l'épouse du Saint-Esprit et la Mère du Verbe. Le mariage suppose le libre consentement des parties. De quelle manière est sollicité celui de la jeune Vierge? Les trois Personnes de l'auguste Trinité lui ont envoyé un ambassadeur, chargé de la demander en mariage. Étonnée de tant d'honneur, Marie se trouble. Elle veut bien accepter; mais elle fait ses conditions, et traite avec Dieu même d'égal à égal. « Je  consentirai, dit-elle, mais à la condition que je conserverai intact le lis de ma virginité. »

Ainsi une jeune fille de treize ans tient en ses mains le salut du monde ! De sa volonté dépend l'accomplissement de l'œuvre à laquelle se rapportent, dès l'éternité, tous les divins conseils : et tu ne veux pas qu'un pareil spectacle me fasse tourner la tête d'admiration !

« Consentez, consentez, lui crie le genre humain tout entier, par la bouche du grand Augustin; ne retardez pas le salut du monde. L'ange vous a donné sa parole : vous resterez vierge et vous serez mère. Engagez votre foi, et vous connaîtrez la vertu du Tout-Puissant ¹. »

Pleinement rassurée, Marie incline doucement sa tête virginale, et dit : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait suivant votre parole.

Nouveaux sujets d'admiration et nouvelles richesses de l'Angelus.

Je suis la servante du Seigneur…
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1 (page 91). Note de Louis : Cette note est libellée  en latin. Sur demande, nous nous ferons un plaisir de l’éditer. Bien à vous.

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :  

[SUITE]

Voici la servante du Seigneur.

Je suis la servante du Seigneur. Dans ces simples paroles, que la routine prononce trop souvent sans attention, se révèle toute la profondeur du double mystère de la chute et de la rédemption du monde.

Il y a quatre personnalités dans l'histoire, rien que quatre : le premier Adam et la première Ève; le second Adam et la seconde Ève. De là sont venues les deux cités hostiles, qui embrassent le genre humain tout entier.

Le premier Adam et la première Ève ont perdu le monde par un acte de désobéissance. D'eux sont nés des enfants désobéissants, qui, en se multipliant, ont produit la grande cité du mal, ancienne comme le péché originel, étendue comme le monde. De crime en crime cette cité avait descendu tous les degrés de l'échelle, dont le sommet touchait au paradis terrestre, et dont la base était placée dans une étable d'animaux.

Faire remonter à l'humanité tous les degrés de l'échelle mystérieuse, était le but de la Rédemption. Le second Adam et la seconde Ève devaient commencer l'œuvre de la restauration par un acte d'obéissance. Ils ont fait ainsi.

Le nouvel Adam dit : Je viens, non pour faire ma volonté, mais la volonté de mon Père. A son tour la nouvelle Ève dit : Je suis la servante du Seigneur.

Et pour aller trouver l'humanité, descendue au rang des bêtes, le nouvel Adam veut que la nouvelle Ève lui donne naissance dans une étable. Du nouvel Adam et de la nouvelle Ève, est née la grande cité du bien qui, soutenue de la grâce, remonte l'échelle dont le sommet s'élève jusqu'au ciel.

Je suis la servante du Seigneur. Au fond de cette parole…

Explication des paroles
qui précèdent les Ave Maria de l’Angelus :  

[SUITE]

Profondeur de cette parole. — Vertus qu'elle exprime.

Je suis la servante du Seigneur. Au fond de cette parole on voit briller, comme autant de rubis étincelants, l'obéissance, l'humilité, la modestie, la charité, la résignation. Gabriel salue la jeune Vierge, Mère de Dieu; et elle se dit non la Mère de Dieu, non sa fille, mais son humble servante. Je lui appartiens tout entière, qu'il fasse de moi ce qu'il lui plaira. Je suis une toile, que le peintre y peigne ce qu'il trouvera bon ¹.

Ce profond sentiment d'humilité que manifeste ici...
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1. Tabula sum pictoria, ait Theophilactus, pingat pictor quod voluerit, faciatque Deus quod voluerit. (Apud  Cor. a Lap. in Luc, 1; S. Bonavent., Compendium Theolog. veritatis, c. III, p. 764, in-fol. Lyon, 1619.)