L'INSPIRATION ARTISTIQUE.

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Message  Roger Boivin Lun 19 Oct 2015, 9:02 pm


CHAPITRE II

L'ARTISTE ET SON ŒUVRE


292.  — L'artiste digne de ce nom est un homme capable de créer une vraie œuvre d'art (n° 290).

n° 290 :
Spoiler:

Cette capacité est la résultante de trois qualités essentielles.

L'inspiration ou génie.
La pondération ou équilibre des facultés.
La science pratique de l'instrument, Le métier.


Source :
MANUEL DE LITTÉRATURE - Principes - Faits Généraux - Lois -- R. P. Jules Verest S. J. -- 3e édition - 1909 :

https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/346/mode/2up[/url]
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Message  Roger Boivin Lun 19 Oct 2015, 9:05 pm



Première qualité essentielle : 1° L'inspiration ou génie :  


I. L'inspiration ou génie est l'impulsion irrésistible à laquelle l'artiste obéit en créant son œuvre.
Elle est un don inné (ingenium), que l'étude perfectionne, mais qu'elle ne peut faire acquérir. Ainsi, à force de travail et d'application, on peut devenir un habile versificateur, comme Boileau, mais un vrai poète comme Corneille, non pas.

En chantant, en peignant, en sculptant, le véritable artiste ne fait que suivre l'instinct supérieur de son tempérament.
Tout ce qu'il voit, tout ce qui le touche, lui suggère un idéal, et cet idéal l'obsède, lui fait goûter un plaisir esthétique intense, ne lui laisse aucun repos, jusqu'à ce qu'il l'ait exprimé de manière à faire partager aux autres l'admiration qui l'a saisi.
Les anciens attribuaient cet état à la présence d'une divinité (θεός) qui, croyaient-ils, s'empare de l'artiste, habite en lui, le possède, lui souffle ses paroles (inspirare), parle par sa bouche et agit par sa main. Platon compare le poète à la pythonisse rendant un oracle (Apologie de Socrate. VII. 22. — Cfr. Cicéron, Pro Archia. 18).
On appelait ce transport, ce ravissement, l'enthousiasme (εvθeoς, εvθouς, inspiré par un Dieu — évθouδiαζw, je suis inspiré par un Dieu).

Est deus in nobis, agitante calescimus illo,

disait Ovide (Fastes. VI. 5 ; voyez tout le passage).
De même Homère croyait ingénument à sa muse ; il l'invoquait et recourait à son intervention, non seulement au début de ses poèmes, mais encore quand il voulait remémorer quelque événement important (par exemple Iliade. XI. 218 ; XVI. 112, etc.).
La science explique cette illusion. Les poètes qui s'imaginaient ainsi écrire sous la dictée d'un esprit, étaient des auditifs. (Voyez n° 27.)

n° 27 :
Spoiler:

Les modernes sont aussi unanimes que les anciens à proclamer la nécessité et la spontanéité de l'inspiration. Citons seulement Lamartine (Méditations. XLIII. Le poète mourant) :


Jamais aucune main sur la corde sonore,
Ne guida dans ses jeux ma main novice encore.
L'homme n'enseigne pas ce qu'inspire le ciel ;
Le ruisseau n'apprend pas à couler dans sa pente.
L'aigle à fendre les airs d'une aile indépendante
L'abeille a composer son miel.

L'airain retentissant dans sa haute demeure
Sous le marteau sacré tour à tour chante et pleure
Pour célébrer l'hymen, la naissance ou la mort :
J'étais comme ce bronze épuré par la flamme,
Et chaque passion, en frappant sur mon âme,
En tirait un sublime accord.

....................................................................

Mais pourquoi chantais-tu ? — Demande à Philomèle
Pourquoi, durant les nuits, sa douce voix se mêle
Au doux bruit des ruisseaux sous L'ombrage roulant ;
Je chantais mes amis, comme l'homme respire,
Comme l'oiseau gémit, comme le vent soupire,
comme l'eau murmure en coulant.

Voyez encore LAMARTINE, Méditations. XI. L'Enthousiasme.




Dernière édition par Roger Boivin le Lun 19 Oct 2015, 10:07 pm, édité 1 fois
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Message  Roger Boivin Lun 19 Oct 2015, 9:21 pm



Deuxième qualité essentielle : 2° La pondération ou équilibre des facultés :


II. L'ÉQUILIBRE OU PONDÉRATION DES FACULTÉS (n° 242) est le régulateur nécessaire de l'inspiration. Sans lui, celle-ci entraine l'artiste aux pires extravagances d'une imagination déréglée et d'une fausse sentimentalité.
n° 242 :
Spoiler:


Victor Hugo et tant d'autres en sont de lamentables exemples.


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Message  Roger Boivin Lun 19 Oct 2015, 9:27 pm



Troisième qualité essentielle : 3° La science pratique de l'instrument, Le métier :


III. Le MÉTIER ou habileté d'exécution est la connaissance pratique parfaite de l'outil et de son maniement.

Ainsi, en peinture, le métier consiste à savoir dessiner toutes les formes et toutes les attitudes, à posséder le secret de mêler et d'appliquer les couleurs de manière à produire l'effet voulu, etc.

Le métier ne suffît pas à l'artiste ; il n'est que le serviteur et l'aide de l'inspiration ; mais, sans lui, celle-ci est en quelque sorte réduite à l'impuissance et génée dans son élan. Vous avez beau avoir les pensées les plus sublimes, ces pensées n'existent pour moi et pour les autres qu'en tant que votre œuvre les exprime.


Ex. : Etudiez les primitifs. Pourquoi peignaient-ils des figures raides, difformes, grimaçantes, sinon parce qu'ils ignoraient l'anatomie des formes et le dessin ? Pourquoi faisaient-ils sortir de la bouche des personnages des rubans sur lesquels ils inscrivaient des paroles, sinon parce qu'ils étaient impuissants à faire parler le visage, les attitudes, les gestes ?

De même, « au commencement de tout âge littéraire, on remarque une, période d'ébauche ; l'art est faible et enfantin ; la faute en est à l'ignorance de l'écrivain. Le souffle n'est pas ce qui lui manque ; il l'a, et souvent il l'a franc et fort ; à ce moment, le talent abonde ; de grandes figures s'agitent obscurément au fond des âmes ; mais les PROCÉDÉS ne sont pas connus ; on ne sait pas écrire, distribuer les parties d'un sujet, user des ressources littéraires. — Tel est le défaut de la première littérature française au moyen âge. Quand vous lisez la Chanson de Roland, Renaud de Montauban, Ogier le Danois, vous sentez bien vite que les hommes de ce siècle avaient des sentiments originaux et grands : une société nouvelle s'était fondée ; les croisades s'accomplissaient ; la fière indépendance du baron, l'indomptable fidélité du vassal, les mœurs militaires et héroïques, la force des corps et la simplicité des cœurs fournissaient à la poésie des caractères égaux (Il faut dire supérieur) à ceux d'Homère.

« Elle n'en a profité qu'à demi ; elle a senti leur beauté sans pouvoir la rendre. Le trouvère... conte sèchement et d'une façon nue ; il n'a pas les amples et éclatantes images d'Homère et de l'antique Grèce ; son récit est terne ; son vers monorime répète trente fois le même coup de cloche. Il n'est pas maître de son sujet, il ne sait pas retrancher, développer et proportionner, préparer une scène et fortifier un effet. Son œuvre ne prend point place dans la littérature éternelle ; elle disparaît du monde, elle n'occupe plus que les antiquaires. » (H. Taine, Philosophie de l'art, t. II. p. 378.)

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Message  Roger Boivin Lun 19 Oct 2015, 9:54 pm

En complément :


293. — La création de l'œuvre d'art passe par trois périodes ou phases.

I. La conception de l'idée. Une pensée grande et profonde frappe l'artiste et s'empare de son esprit.

Ex. : En lisant le récit de la Cène, Léonard de Vinci ressent, en son cœur, l'angoisse qui étreignit alors le Maître et ses disciples.

II. La création de l'idéal. Dans l'esprit et dans l'imagination de l'artiste, cette pensée s'incarne, soit tout d'un coup, soit peu à peu, dans une forme sensible, qu'il voit ou qu'il entend intérieurement. Cette vision ou cette audition mentale, c'est L'IDÉAL, le prototype de l'oeuvre.

Ex. : Léonard de Vinci contemple, des yeux de L'âme, le Christ mangeant la Pâque, au Cénacle, avec ses disciples, et leur disant : « Un d'entre vous me trahira » : il voit les douze frissonner à ces paroles, et il les entend demander au Maître : « Est-ce moi, Seigneur ? » L'épisode tout entier revit devant lui. L'évocation, d'abord plus ou moins vague et confuse, se précise de plus en plus.

(Voici l'oeuvre :
Spoiler:

III. L'EXÉCUTION est la réalisation de l'idéal, sa reproduction sensible, matérielle.

Ex. : Léonard peint sur le mur du réfectoire de Sainte-Marie, à Milan, le groupe formé par le Christ et par les douze, tel qu'il l'a préalablement évoqué et ressuscité dans sa pensée.

Remarque. — Le travail de l'exécution procède souvent par étapes. Ainsi, le peintre commence généralement par tracer une esquisse. Parfois, il fait des études préparatoires ; Léonard en fit jusqu'à dix de la tête du Christ, pour le tableau dont nous venons parler. — Le statuaire ébauche d'abord la maquette, puis il exécute en terre ou en cire le modèle qui doit être reproduit en plâtre, en terre cuite, en bronze, en marbre, etc. Le « sculptage » ou la coulée sont des opérations mécaniques, généralement confiées à des ouvriers. Ainsi l'ouvrier sculpteur opère la mise au point, dégrossit le bloc et l'épannelle. Il ne reste plus à l'artiste qu' « à préciser les accents du modèle et à donner le fini, avant de confier le marbre au polisseur ».

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Message  Roger Boivin Lun 19 Oct 2015, 10:01 pm



294. — Échelle de valeur des œuvres d'art. — Elle est assez difficile à établir à cause de la multiplicité des points de vue auxquels on peut se placer.
En général, l'œuvre d'art a d'autant plus de mérite qu'elle traduit d'une manière plus parfaite une conception plus haute.

De ces deux éléments, le premier est le plus apparent. Il résulte des qualités suivantes :

1° L'unité ou convergence des effets. — Voyez, par exemple, le tableau de la Cène (p. 33). Cfr n° 202.

n° 202 :
Spoiler:

2° La perfection de l'exécution. — Il est clair qu'un tableau achevé l'emporte sur son ébauche.

3° Les dimensions. — Personne  ne s'aviserait de reconnaître ceteris paribus le même prix à un grand tableau et à une miniature.

Mettez maintenant en regard deux compositions réunissant au même degré les trois caractères que nous venons d'indiquer et représentant la première une grande scène historique, la seconde un intérieur, qui donc leur assignerait le même rang ?





Source :
MANUEL DE LITTÉRATURE - Principes - Faits Généraux - Lois -- R. P. Jules Verest S. J. -- 3e édition - 1909 :

https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/346/mode/2up[/url]
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