L'INSPIRATION ARTISTIQUE.
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L'INSPIRATION ARTISTIQUE.
CHAPITRE II
L'ARTISTE ET SON ŒUVRE
292. — L'artiste digne de ce nom est un homme capable de créer une vraie œuvre d'art (n° 290).
n° 290 :
- Spoiler:
290. — L'art est le don de créer des œuvres BELLES, c'est-à-dire des ouvres qui causent le vrai plaisir esthétique (voir :n° 44-47 :https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/32/mode/2up,
n° 288-290 : https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/338/mode/2up,
n° 298 : https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/358/mode/2up ),
ou — ce qui revient au même — c'est le don d'incarner la vérité dans une forme sensible qui la manifeste avec splendeur, avec éclat (n° 46 : https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/36/mode/2up ).46. — Le Beau, dans la nature et dans l'art, est donc LA VÉRITÉ INCARNÉE DANS UNE FORME SENSIBLE QUI LA MANIFESTE AVEC SPLENDEUR, AVEC ÉCLAT.
Des exemples feront comprendre cette notion abstraite.
I. — Le beau dans la nature est double :
1° Le Beau d'ordre purement matériel. Il a pour principe la propriété qu'ont certaines couleurs, certaines lignes (formes) d'affecter agréablement la rétine et le nerf optique ; certains sons, d'affecter agréablement l'oreille. — Plaisir organique.
2° Le Beau d'ordre supérieur qui réside dans le symbolisme : Beauté de l'immense et désolé Sahara, image de la stérilité, de la mort, de la tristesse... — de la mer en fureur, image de la force brutale irrésistible... — de la mer calme, souriante, infinie... — du firmament... — des forêts vierges, etc.
II — Le beau dans l'art. — L'Évangile rapporte que, pendant la Cène, le Christ dit à ses disciples : « Un d'entre vous me trahira ! » Cette prédiction les remplit d'effroi. Tous se prennent à lui demander : « Moi ? Seigneur, est-ce moi ? »
Ce simple récit, basé sur la déposition de témoins irrécusables, nous donne la substance du fait historique ; il nous renseigne sur ce qui s'est passé, il ne fait rien de plus.
Le célèbre tableau de Leonardo da Vinci fait revivre l'événement avec son caractère tragique et poignant. Le visage et l'attitude du Christ révèlent la douleur calme et résignée, mais atroce que cause au Seigneur la perspective d'être livré à ses ennemis par un de ses intimes. Les traits, la pose, les gestes des douze manifestent, avec les nuances les plus variées, la stupeur, et sauf chez Judas, la peine dont cette prophétie les accable. Dans cet immortel chef-d'œuvre, tout parle, par l'intermédiaire des yeux, non seulenient à l'esprit, mais aussi à l'imagination et au cœur ; tout y contribue à en faire une reproduction vivante de la réalité et à causer en nous l'émotion esthétique.
Une description animée produira le même effet d'une façon analogue.Il faut que, par le seul fait que je perçois cette forme, — poème, chant, tableau, statue, etc. — mon esprit et mes sens opérant de concert, je m'élève, sans effort, à la contemplation de la Vérité.
Là est tout le secret de l'art et de sa magie.
Quand je regarde une belle peinture, quand j'entends une belle mélodie, quand je lis de beaux vers, la vérité pénétrant par mes yeux ou par mes oreilles s'offre d'elle-même à ma pensée, à mon imagination, à mon cœur ; toutes mes facultés cognitives, à la fois et en ordre, la saisissent, l'embrassent, la possèdent, en jouissent pleinement ; il me semble que l'auteur n'a fait que donner un corps à une image qui flottait vaguement dans mon âme, et qu'il exprime mes propres idées, mes propres sentiments, mieux que je ne saurais le faire moi-même.
De là l'indicible satisfaction qui me ravit.
Corollaires.—
I. L'art sensuel, voluptueux, EST LA CONTREFAÇON DE L'ART VRAI. Il confond le plaisir esthétique avec le plaisir des sens, qui est incompatible avec lui.
« L'art ne doit parler qu'à l'esprit ; c'est à l'esprit seul qu'il doit donner du plaisir. S'il cherche à émouvoir les sens, il se dégrade. Cette règle s'applique à tous les arts. La danse elle-même est un art, quand, par ses pas et ses mouvements, elle plaît à l'âme et éveille dans l'esprit l'idée divine de la grâce. Elle cesse d'être un art et elle devient un métier, quand elle vise à la volupté et qu'elle s'efforce d'émouvoir les sens. Prenez tous les arts les uns après les autres : ce qui les caractérise, c'est qu'ils n'ont de commerce qu'avec l'esprit. Les arts sont le langage de l'âme. S'ils s'adressent aux sens, ce n'est que pour les rappeler à leur vocation qui est d'être les instruments des jouissances de l'âme. Les arts sont la plus grande joie de l'homme, parce qu'ils mettent l'homme tout entier en jeu, parce qu'ils occupent et charment à la fois son âme et ses sens, et que, dans le plaisir qu'ils procurent, SUBORDONNANT, COMME ILS LE FONT, L'ÉMOTION des sens a l'émotion de l'esprit, ils mettent l'ordre suprême dans la jouissance. » (Saint-Marc Girardin. Cours de Littérature dramatique, ch. I.)
II. L'art qui vise à l'effet est, lui aussi, la contre-façon de l'art véritable.
L'effet, c'est tout ce qui étonne, frappe, saisit à tort ou à raison, comme portant la marque d'une puissance quelconque, ordonnée ou désordonnée.
Le VRAI plaisir esthétique respecte la hiérarchie naturelle des facultés, et, pour ce motif, il fait mieux qu'empoigner, secouer, bouleverser ; il éclaire, émeut, élève.
Ce qui caractérise tous les chefs-d'oeuvre, c'est la grandeur de l'effet jointe à la simplicité des moyens.
Ex. : Les narrations d'Homère. — La Lucrèce Borgia, de Victor Hugo est une œuvre à effet et non une oeuvre belle. (Voyez Saint-Marc GIRARDIN. Cours de Littérature dramatique, ch. XVI.)
III. Pratiquement, l'art consiste tout entier à TROUVER et à CRÉER LA FORME SENSIBLE qui manifeste l'idée dans toute son ampleur, mais, d'autre part, cette forme n'a pas sa raison en elle-même ; elle n'existe que pour manifester l'idée.
De là, son importance capitale, et, en même temps, sa subordination complète à l'idée.
L'idée abstraite ne parle qu'à l'esprit seul ; l'artiste la rend, jusqu'à un certain point, accessible aux sens et fait participer ceux-ci à sa perception, en lui donnant un corps, un revêtement matériel.
Ex. : Soit L'idée : la prière. — Proposez-la à un philosophe, à un théologien : ils vous répondront par une définition ; ils vous diront que « la prière est un entretien dans lequel l'âme exprime à Dieu ses sentiments, ses désirs, ses besoins » : ils vous donneront ainsi la notion, le concept de la prière ; rien de plus.
Regardez le célèbre tableau de Millet : L'Angélus. Dans un champ éclairé par les derniers rayons du soleil, deux paysans, un homme et une femme, ont interrompu leur travail et prient, recueillis, les mains jointes, la tête et les yeux baissés, au son de l'Angélus que leur envoie un petit clocher estompé dans le lointain. Rien qu'à voir cette scène, vous comprendrez et vous sentirez que ces humbles se tiennent en la présence d'un Être invisible, qu'ils lui parlent. qu'ils l'adorent, qu'ils implorent sa protection.
IV. L'art est l'imitation de la belle nature, c'est-à-dire de la nature, en tant qu'elle parle à l'esprit par la vue et par l'ouïe, ou, ce qui est la même chose, de la nature dans ce qu'elle a de symbolique (n° 139-142 : https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/152/mode/2up ).
Ce langage secret, l'artiste a le privilège de l'entendre, de le noter et de l'interpréter dans ses œuvres.
L'imitation diffère élu calque, de la copie. Le calque et la copie sont la reproduction matérielle, mécanique, inintelligente d'un objet ; l'imitation isole les traits caractéristiques de ceux qui ne le sont pas ; elle fait un triage ; elle est intelligente.
« Le maître des maîtres, c'est donc la nature, ou plutôt c'est l'unique maître ; car, remarquez bien que l'artiste de qui vous recevez des leçons n'a pas d'autre emploi que celui de vous rendre les renseignements qu'il tient d'elle. Il est répétiteur et non pas maître (1). »
V. L'art véritable spiritualise la sensation et, par le fait même, moralise ; il fait des sens les coopérateurs de l'esprit ; ainsi il les dégage de la matière, les élève, les confirme dans leur subordination naturelle à l'esprit.
VI. Les abstractions, comme telles, ne peuvent être le thème d'une œuvre d'art, parce qu'elles ne font pas la part suffisante à la connaissance sensible (2).
291. — L'art et la morale. —
1° La loi morale domine tout, l'art comme le reste.
2° De plus, même au point de vue esthétique, il faut condamner comme défectueuse toute œuvre d'art qui flatte les sens de manière à les insurger contre la raison. (n° 45 : https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/32/mode/2up, 290 : https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/342/mode/2up.)
Ces principes sont incontestables ; hélas ! ils ne sont pas incontestés. Nous devons donc rencontrer les principaux sophismes qu'on leur oppose pour excuser ou légitimer l'impudeur ou le cynisme des tableaux Licencieux.
1re OBJECTION. — « L'artiste est un être à part » (E. ZOLA) : il obéit à une impulsion irrésistible : il est donc irresponsable.
RÉPONSE. — Comme tout homme, l'artiste doit calculer la portée de ses actes. Si, au moment de la composition, il est surexcité au point de ne pas en être capable, il n'a qu'à attendre, pour examiner son travail, que cette fièvre soit calmée et qu'il ait recouvré le sang-froid de la raison.
2me Objection. — Le but de l'art est de causer le plaisir.
RÉPONSE. — Distinguons : un plaisir quelconque, non ; le plaisir esthétique, oui. Or, ce plaisir est tel que, non seulement il est incompatible avec une excitation malsaine (n° 45, 5° : https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/32/mode/2up), mais que de plus il exerce une influence positivement moralisatrice (n° précédent, corollaire V : V. L'art véritable spiritualise la sensation et, par le fait même, moralise ; il fait des sens les coopérateurs de l'esprit ; ainsi il les dégage de la matière, les élève, les confirme dans leur subordination naturelle à l'esprit.).
3me OBJECTION. — A Sparte, on montrait aux enfants des îlotes ivres pour leur inspirer le dégoût de l'ivrognerie. Le vice est laid : plus la peinture du vice esl complète, plus elle est repoussante et, par conséquent, morale ; « c'est de la morale en action » ( E. ZOLA).
RÉPONSE. — Quelque dégradante que soit la volupté, l'expérience universelle et constante prouve que le spectacle de ses excès et de ce qui les provoque est tout simplement une excitation des pires instincts de l'humanité déchue. « Osons l'avouer, — contre l'opinion à la mode, — il ne suffit pas, pour aimer la vertu, de peindre le vice tel qu'il est, sans le flatter. » (PETIT DE JULLEVILLE : Le théâtre en France, p. 414.)
4me OBJECTION. — L'art purifie tout ; « l'obscénité commence lorsque le talent finit » (E. ZOLA).
RÉPONSE. — L'obscénité reste toujours l'obscénité, et l'art avec lequel elle est représentée ne fait que la rendre plus dangereuse.
------------(1) R. Tœpffer, Réflexions, etc. Livre II. ch. XVIII.
(2) Une revue publiait naguère cette épigramme :
« D'un traité de préceptes littéraires inédit : » Définition : Le Beau est la splendeur du vrai. Exemple : un théorème de géométrie mis en vers. »
— Il serait difficile de dire plus de non-sens en si peu de mots. D'abord, pour les motifs que nous venons d'indiquer, un théorème de géométrie ne peut jamais être transformé en poésie. Ensuite, malgré cela, un théorème de géométrie peut fort bien être beau ; voyez n° 45. Enfin, la seule forme qui lui convienne, est celle du langage mathématique et non celle du langage rythmé ; mettre une théorie mathématique en vers serait aussi absurde que de présenter à quelqu'un des condoléances en éclatant de rire.
Cette capacité est la résultante de trois qualités essentielles.
1° L'inspiration ou génie.
2° La pondération ou équilibre des facultés.
3° La science pratique de l'instrument, Le métier.
Source :
MANUEL DE LITTÉRATURE - Principes - Faits Généraux - Lois -- R. P. Jules Verest S. J. -- 3e édition - 1909 :
https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/346/mode/2up[/url]
Roger Boivin- Nombre de messages : 13122
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'INSPIRATION ARTISTIQUE.
Première qualité essentielle : 1° L'inspiration ou génie :
I. L'inspiration ou génie est l'impulsion irrésistible à laquelle l'artiste obéit en créant son œuvre.
Elle est un don inné (ingenium), que l'étude perfectionne, mais qu'elle ne peut faire acquérir. Ainsi, à force de travail et d'application, on peut devenir un habile versificateur, comme Boileau, mais un vrai poète comme Corneille, non pas.
En chantant, en peignant, en sculptant, le véritable artiste ne fait que suivre l'instinct supérieur de son tempérament.
Tout ce qu'il voit, tout ce qui le touche, lui suggère un idéal, et cet idéal l'obsède, lui fait goûter un plaisir esthétique intense, ne lui laisse aucun repos, jusqu'à ce qu'il l'ait exprimé de manière à faire partager aux autres l'admiration qui l'a saisi.
Les anciens attribuaient cet état à la présence d'une divinité (θεός) qui, croyaient-ils, s'empare de l'artiste, habite en lui, le possède, lui souffle ses paroles (inspirare), parle par sa bouche et agit par sa main. Platon compare le poète à la pythonisse rendant un oracle (Apologie de Socrate. VII. 22. — Cfr. Cicéron, Pro Archia. 18).
On appelait ce transport, ce ravissement, l'enthousiasme (εvθeoς, εvθouς, inspiré par un Dieu — évθouδiαζw, je suis inspiré par un Dieu).Est deus in nobis, agitante calescimus illo,disait Ovide (Fastes. VI. 5 ; voyez tout le passage).
De même Homère croyait ingénument à sa muse ; il l'invoquait et recourait à son intervention, non seulement au début de ses poèmes, mais encore quand il voulait remémorer quelque événement important (par exemple Iliade. XI. 218 ; XVI. 112, etc.).
La science explique cette illusion. Les poètes qui s'imaginaient ainsi écrire sous la dictée d'un esprit, étaient des auditifs. (Voyez n° 27.)
n° 27 :
- Spoiler:
27. — La contribution de l'imagination dans l'idéation est très variable. — C'est là encore un fait qui, au point de vue littéraire, entraîne de graves conséquences.
Quand on a, par exemple, l'idée que nous exprimons par le mot « homme », l'imagination représente toujours quelque chose. Seulement ce quelque chose varie selon les individus, et, chez le même individu, selon les circonstances. Tantôt c'est telle personne ; tantôt, soit un dessin, soit un tableau où figure un homme ; tantôt le mot « homme » écrit ou imprimé ou entendu, etc.
Remarque. — Certaines personnes ont l'habitude de se servir, en pensant, d'images sensibles toujours de la même espèce. Le Dr Charcot a notamment observé les types suivants, dits types de Charcot :
1° Les verbo-auditifs . — Chez eux, penser, c'est entendre parler intérieurement. Ils ont comme l'impression qu'un personnage invisible leur souffle les mots avec lesquels ils pensent.
2° Les verbo-moteurs pourraient dire comme le Numa Roumestan de Daudet : « Quand je ne parle pas, je ne pense pas. » Ils ont toujours les mots au bout de la langue ; chez eux, la parole accompagne ou même précède en quelque sorte la pensée.
3° Les verbo-visuels lisent intérieurement leur pensée, c'est-à-dire que, lorsqu'ils pensent, ils voient dans leur imagination écrits ou imprimés les mots qui expriment leur pensée.
4° Les graphiques ont besoin d'écrire pour préciser leur pensée.Les modernes sont aussi unanimes que les anciens à proclamer la nécessité et la spontanéité de l'inspiration. Citons seulement Lamartine (Méditations. XLIII. Le poète mourant) :Jamais aucune main sur la corde sonore,
Ne guida dans ses jeux ma main novice encore.
L'homme n'enseigne pas ce qu'inspire le ciel ;
Le ruisseau n'apprend pas à couler dans sa pente.
L'aigle à fendre les airs d'une aile indépendante
L'abeille a composer son miel.
L'airain retentissant dans sa haute demeure
Sous le marteau sacré tour à tour chante et pleure
Pour célébrer l'hymen, la naissance ou la mort :
J'étais comme ce bronze épuré par la flamme,
Et chaque passion, en frappant sur mon âme,
En tirait un sublime accord.
....................................................................
Mais pourquoi chantais-tu ? — Demande à Philomèle
Pourquoi, durant les nuits, sa douce voix se mêle
Au doux bruit des ruisseaux sous L'ombrage roulant ;
Je chantais mes amis, comme l'homme respire,
Comme l'oiseau gémit, comme le vent soupire,
comme l'eau murmure en coulant.Voyez encore LAMARTINE, Méditations. XI. L'Enthousiasme.
Dernière édition par Roger Boivin le Lun 19 Oct 2015, 10:07 pm, édité 1 fois
Roger Boivin- Nombre de messages : 13122
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'INSPIRATION ARTISTIQUE.
Deuxième qualité essentielle : 2° La pondération ou équilibre des facultés :
II. L'ÉQUILIBRE OU PONDÉRATION DES FACULTÉS (n° 242) est le régulateur nécessaire de l'inspiration. Sans lui, celle-ci entraine l'artiste aux pires extravagances d'une imagination déréglée et d'une fausse sentimentalité.n° 242 :
- Spoiler:
240. — Question préalable : Y a-t-il un BON et un MAUVAIS GOUT ?
[..]
241. — Quel est le critérium, la règle objective d'après laquelle le goût doit porter ses jugements sous peine de tomber dans l'erreur ?
[..]
2° Le mauvais GOUT n'est, en définitive, que l'erreur habituelle du jugement littéraire.
Cette erreur peut avoir pour cause :
1° L'ignorance, et l'étroitesse d'esprit, le préjugé, qui en sont les suites : on juge une œuvre, une littérature qu'on ignore ou que l'on connaît peu, sans se donner même la peine de les examiner.
2° La rupture de l'équilibre entre les facultés littéraires. Elle provient soit de dispositions congénitales, soit de l'influence du milieu (éducation, opinions régnantes, etc.).
242. — La formation du goût, l'acquisition du tact littéraire consisteront donc, d'une part, à se soustraire à l'action des causes déformatrices que nous venons de signaler ; de l'autre, à contracter l'habitude de bien raisonner ses impressions.
Le moyen efficace pour arriver à ce résultat, c'est l'étude raisonnée des modèles classiques. « En littérature, comme ailleurs, dans l'acception la plus modeste et en même temps la plus universelle du mot, un classique est tout artiste à l'école de qui nous pouvons nous mettre, sans crainte que ses leçons nous fourvoient (1). »
Or « ce qui constitue proprement un classique, c'est l'équilibre en lui de toutes les facultés qui concourent à la perfection de l'œuvre d'art, une santé de l'intelligence, comme la santé du corps est l'équilibre des forces qui résiste à la mort ».
« Un classique est classique parce que, dans son œuvre, toutes les facultés trouvent chacune son légitime emploi, — sans que l'imagination y prenne le pas sur la raison, sans que la Logique y alourdis ir de l'imagination, sans que le sentiment y empiète sur les droits du bon sens, sans que le bon sens refroidisse la chaleur du sentiment, sans que le fond s'y laisse entrevoir dépouille qu'il doit emprunter d'autorité persuasive au charme de la forme, el sans que jamais, enfin, la forme y usurpe un intérêt qui ne doit s'attacher qu'au fond. »
Excellence des classiques grecs et latins. — C'est parce que la pondération des facultés, telle que nous venons de la définir, se manifeste au plus haut degré dans les œuvres des grands écrivains, poètes et orateurs, d'Athènes et de Rome, que le nom de classiques par excellence, de classiques tout court, leur a toujours été attribué par tous ceux que n'aveugle point l'ignorance ou le parti pris.
En effet, les chefs-d'œuvre grecs et latins (2) sont de vrais modèles classiques ;
1° Au point de vue de la composition.
Tout en eux — l'ensemble comme le détail, même le plus minime — n'est qu'un moyen parfaitement proportionné au but que l'auteur s'est proposé. Jamais les classiques ne cultivent l'ornement à titre d'ornement. « Ils sont lucides, fermes, modérés. Pour développer une idée, la suivre dans ses conséquences, la décomposer en ses parties et, quand il le faut, la recomposer, n'y rien mêler qui soit étranger, ils sont sans rivaux. » (F. Brunetière.) .
2° Au point de vue de la forme.
Leur style est exactement défini par ce mot de Swift : « le mot propre mis à sa vraie place ». (Stuart-Mill.) D'une souplesse et d'une plasticité merveilleuses, il se moule sur l'idée, sur le fond, et en fait saillir l'harmonieuse membrure ; les divisions et les subdivisions de l'œuvre — quelle qu'en soit l'étendue — apparaissent d'elles-mêmes, orientant toujours le lecteur, le dirigeant et l'empêchant de perdre le fil des idées.
« Aussi se sent-on avec eux en confiance et en sécurité. Ce ne sont point des guides hardis, qui donnent le vertige à les suivre ; ils vont d'un pas prudent et lent. Dans la fréquentation des classiques, l'esprit ne peut guère prendre que de bonnes habitudes. » (F. Brunetière.)
Supériorité des classiques grecs. — Si, au point de vue de la formation littéraire, il fallait opter entre la maîtrise des Grecs et celle des Latins, c'est incontestablement aux Grecs qu'il faudrait donner la préférence, parce que leur littérature se distingue par trois propriétés que nulle autre ne peut revendiquer dans la même plénitude :
1° Elle est primitive, originale et, partant, nullement conventionnelle, simple, peu compliquée.
« Jamais les Grecs n'ont accepté du dehors une forme littéraire toute faite... Chez les Romains, l'épopée, la tragédie, la comédie, l'élégie, la poésie lyrique, l'art oratojre lui-même, en un mot tous les genres littéraires, sont arrivés de Grèce déjà organisés, déjà pourvus de traditions et soumis à des règles (1). Il a fallu que le génie national s'accommodât de ces formes étrangères et dans l'imitation qu'il est arrivé peu à peu à se retrouver lui-même. Il en a été ainsi de presque toutes les littératures modernes... Au contraire, les Grecs n'ont jamais trouvé devant eux un genre littéraire tout constitué. Que leurs idées fussent spontanées ou qu'elles leur vinssent du dehors, ils les ont groupées à leur manière et leurs œuvres ont toutes été créées en pleine liberté, d'après un sentiment purement hellénique. » (A. Croiset, Hist. de la litt. grecque, tome I, p. 41.)
2° Elle est complète : aucun genre ne lui fait défaut.
3° Dans chacun de ces genres, elle a produit des chefs-d'œuvre, des modèles achevés.
« Les modèles grecs sont tellement excellents en tous genres, qu'on ne peut rien imaginer de plus châtié ni de plus partait ( 1). »
En voici la raison : « Les Grecs, grâce à leur climat tempéré, alliaient l'énergie du caractère à l'intelligence. Cet égal développement de facultés diverses a été la cause de l'heureux équilibre et de l'harmonie qu'on remarque dans les grandes œuvres de la littérature en Grèce, comme en celles de l'art. L'Hellène a toujours eu de la raison dans l'imagination, de l'esprit dans le sentiment, de la réflexion dans la passion. Jamais on ne le voit totalement entraîné d'un côté. Il a pour ainsi dire plusieurs facultés prêtes pour chaque chose et c'est en les associant qu'il donne à ses créations leur véritable caractère. » (A. Croiset, l. c, p. 4.)
Horace (Ad Pison. 268) avait donc raison de dire aux jeunes littérateurs de son temps :Exemplaria gracca
Nocturna versate manu, versate diurna,
et M. Brunetière : Ne m'en veuillez pas de cette mythologie : comme Antée reprenait des forces nouvelles en touchant la Terre, sa mère, ainsi pareillement dans l'histoire et de tout temps, toutes les fois qu'ils retournent se retremper aux sources grecques, l'art et la poésie s'épurent, s'ennoblissent et s'élèvent. En se rapprochant donc de la nature, dont les Grecs étaient voisins encore, on dirait que l'âme moderne se rapproche aussi de la beauté. Ce qu'elle a de trouble s'y filtre, pour ainsi parler ; ce qu'elle a de tumultueux s'y apaise ; ce qu'elle a de tourmenté s'y rythme et s'y ordonne. » (L'évolution de la poésie lyrique, tome II, p. 148.)
Les œuvres des Pères de l'Église et des poètes chrétiens, grecs et latins, offrent des modèles d'un genre très important, le genre sacré.
Il faut donc les étudier pour apprendre à connaître ce genre, mais on se fausserait le goût en généralisant les lois qui ne s'appliquent qu'à cette partie de la littérature.
Remarque. — La langue dont se sont servis les Pères latins, la langue de leur époque, est caractérisée par l'instabilité et la variabilité extrême du vocabulaire et de la syntaxe. Il en résulte que la lecture des œuvres de ces Pères déroute les débutants et qu'elle n'est pas à leur portée. C'est donc à bon droit que Léon XIII écrivait le 21 mai 1901 à S. G. Mgr l'Evêque de Namur : « Tunc certius uberiusque res proficiet, cum alumni jam sibi facultatem scribendi et judicii elegantiam satis paraverint, ex eorum scilicet praeceptis atque exemplis qui, probe nosti, ipso testimonio usuque Sanctorum Patrum explorataque fructuum copia, omnis humanitatis jure habentur magistri optimi. Cauto igitur studio fiet ut ea quae alumni sacrorum, dicendo vel scribendo, de religione efferant, utraque optabili laude commendentur, et pie permoventis animos veritatis et aptae tantis rebus dignitatis (1). »
Les classiques du XVIIe siècle, formés à l'école des anciens, exercent, eux aussi, l'influence la plus heureuse sur les jeunes talents. Ils sont cependant tombés dans une grave erreur, qui a donné lieu à la réaction romantique et dont on doit tenir compte en les étudiant : au lieu de s'inspirer de l'art antique, ils l'ont trop souvent servilement et maladroitement copié. Non contents d'adopter les principes immuables sur lesquels il est basé, — ce en quoi ils avaient raison, — ils ont mis sur le même pied que ces principes des règles qui n'en étaient que l'application, selon les conditions particulières de l'époque, — par exemple, les trois unités dans le genre dramatique. Encore faut-il ajouter que, plus d'une fois, ils ont mal compris ces règles. Ainsi, on leur reproche, à bon droit, de négliger la couleur locale qu'exigeaient cependant les anciens. (Voyez Horace, Ad Pisones, 86-97 et 114-119.)
Les contemporains doivent être étudiés à côté des classiques, pour plusieurs mot :
1° Parmi ces écrivains et orateurs, il en est plusieurs qui ont un réel mérite. De plus, certains genres ont évolué ou se sont perfectionnés en ce siècle, par exemple, la poésie lyrique, le roman, l'éloquence de la tribune et celle du barreau.
2° Nous devons connaître notre âge. notre génération.
3° Si nous voulons être écoutés et compris, nous devons parler le langage de notre temps.
D'autre part, cette lecture doit être faite avec discrétion et avec prudence, parce que, trop souvent, la caractéristique des littérateurs de ce siècle est « la prédominance d'une faculté sur une autre, du pouvoir d'imaginer, par exemple, sur le pouvoir d'abstraire, ou de la capacité de sentir sur la capacité de raisonner ».
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(1) F. BRUNETIÈRE, Études critiques, 3me série, p. 300.
(2) Remarquez que nous parlons des chefs-d'oeuvre, à l'exclusion des oeuvres médiocres et des productions de l'époque de la décadence.
(1) Horace en fait l'aveu :
Graecia capta ferum victorem cepit et artes
Intulit agresti Latio. (Epist. 2. 1. 156.)
(1) Léon XIII, Lettre du 20 mai 1885 au Card, Parrocchi, Analecta Juris PONTIFICII, 24e série, 1885. Col. 749-751.
(1) Analecta ecclesiastica de Rome, sept.-oct. 1902, col. 367.
Victor Hugo et tant d'autres en sont de lamentables exemples.
Roger Boivin- Nombre de messages : 13122
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'INSPIRATION ARTISTIQUE.
Troisième qualité essentielle : 3° La science pratique de l'instrument, Le métier :
III. Le MÉTIER ou habileté d'exécution est la connaissance pratique parfaite de l'outil et de son maniement.
Ainsi, en peinture, le métier consiste à savoir dessiner toutes les formes et toutes les attitudes, à posséder le secret de mêler et d'appliquer les couleurs de manière à produire l'effet voulu, etc.
Le métier ne suffît pas à l'artiste ; il n'est que le serviteur et l'aide de l'inspiration ; mais, sans lui, celle-ci est en quelque sorte réduite à l'impuissance et génée dans son élan. Vous avez beau avoir les pensées les plus sublimes, ces pensées n'existent pour moi et pour les autres qu'en tant que votre œuvre les exprime.
Ex. : Etudiez les primitifs. Pourquoi peignaient-ils des figures raides, difformes, grimaçantes, sinon parce qu'ils ignoraient l'anatomie des formes et le dessin ? Pourquoi faisaient-ils sortir de la bouche des personnages des rubans sur lesquels ils inscrivaient des paroles, sinon parce qu'ils étaient impuissants à faire parler le visage, les attitudes, les gestes ?
De même, « au commencement de tout âge littéraire, on remarque une, période d'ébauche ; l'art est faible et enfantin ; la faute en est à l'ignorance de l'écrivain. Le souffle n'est pas ce qui lui manque ; il l'a, et souvent il l'a franc et fort ; à ce moment, le talent abonde ; de grandes figures s'agitent obscurément au fond des âmes ; mais les PROCÉDÉS ne sont pas connus ; on ne sait pas écrire, distribuer les parties d'un sujet, user des ressources littéraires. — Tel est le défaut de la première littérature française au moyen âge. Quand vous lisez la Chanson de Roland, Renaud de Montauban, Ogier le Danois, vous sentez bien vite que les hommes de ce siècle avaient des sentiments originaux et grands : une société nouvelle s'était fondée ; les croisades s'accomplissaient ; la fière indépendance du baron, l'indomptable fidélité du vassal, les mœurs militaires et héroïques, la force des corps et la simplicité des cœurs fournissaient à la poésie des caractères égaux (Il faut dire supérieur) à ceux d'Homère.
« Elle n'en a profité qu'à demi ; elle a senti leur beauté sans pouvoir la rendre. Le trouvère... conte sèchement et d'une façon nue ; il n'a pas les amples et éclatantes images d'Homère et de l'antique Grèce ; son récit est terne ; son vers monorime répète trente fois le même coup de cloche. Il n'est pas maître de son sujet, il ne sait pas retrancher, développer et proportionner, préparer une scène et fortifier un effet. Son œuvre ne prend point place dans la littérature éternelle ; elle disparaît du monde, elle n'occupe plus que les antiquaires. » (H. Taine, Philosophie de l'art, t. II. p. 378.)
Roger Boivin- Nombre de messages : 13122
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'INSPIRATION ARTISTIQUE.
En complément :
293. — La création de l'œuvre d'art passe par trois périodes ou phases.
I. La conception de l'idée. Une pensée grande et profonde frappe l'artiste et s'empare de son esprit.
Ex. : En lisant le récit de la Cène, Léonard de Vinci ressent, en son cœur, l'angoisse qui étreignit alors le Maître et ses disciples.
II. La création de l'idéal. Dans l'esprit et dans l'imagination de l'artiste, cette pensée s'incarne, soit tout d'un coup, soit peu à peu, dans une forme sensible, qu'il voit ou qu'il entend intérieurement. Cette vision ou cette audition mentale, c'est L'IDÉAL, le prototype de l'oeuvre.
Ex. : Léonard de Vinci contemple, des yeux de L'âme, le Christ mangeant la Pâque, au Cénacle, avec ses disciples, et leur disant : « Un d'entre vous me trahira » : il voit les douze frissonner à ces paroles, et il les entend demander au Maître : « Est-ce moi, Seigneur ? » L'épisode tout entier revit devant lui. L'évocation, d'abord plus ou moins vague et confuse, se précise de plus en plus.
(Voici l'oeuvre :
- Spoiler:
III. L'EXÉCUTION est la réalisation de l'idéal, sa reproduction sensible, matérielle.
Ex. : Léonard peint sur le mur du réfectoire de Sainte-Marie, à Milan, le groupe formé par le Christ et par les douze, tel qu'il l'a préalablement évoqué et ressuscité dans sa pensée.
Remarque. — Le travail de l'exécution procède souvent par étapes. Ainsi, le peintre commence généralement par tracer une esquisse. Parfois, il fait des études préparatoires ; Léonard en fit jusqu'à dix de la tête du Christ, pour le tableau dont nous venons parler. — Le statuaire ébauche d'abord la maquette, puis il exécute en terre ou en cire le modèle qui doit être reproduit en plâtre, en terre cuite, en bronze, en marbre, etc. Le « sculptage » ou la coulée sont des opérations mécaniques, généralement confiées à des ouvriers. Ainsi l'ouvrier sculpteur opère la mise au point, dégrossit le bloc et l'épannelle. Il ne reste plus à l'artiste qu' « à préciser les accents du modèle et à donner le fini, avant de confier le marbre au polisseur ».
Roger Boivin- Nombre de messages : 13122
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: L'INSPIRATION ARTISTIQUE.
294. — Échelle de valeur des œuvres d'art. — Elle est assez difficile à établir à cause de la multiplicité des points de vue auxquels on peut se placer.
En général, l'œuvre d'art a d'autant plus de mérite qu'elle traduit d'une manière plus parfaite une conception plus haute.
De ces deux éléments, le premier est le plus apparent. Il résulte des qualités suivantes :
1° L'unité ou convergence des effets. — Voyez, par exemple, le tableau de la Cène (p. 33). Cfr n° 202.
n° 202 :
- Spoiler:
§ I". — De l'ordre
202. - L'ordre en général est l'état d'un tout dont chaque partie occupe la place qui lui est assignée tant par sa propre nature que par celle de ce tout.
Ex. : Tels sont l'arrangement d'une armée disposée en bataille ou formée en colonnes de marche, l'économie de l'organisme dans l'homme, l'animal, la plante, etc.
Dans l'œuvre d'art, L'ORDRE consiste en ce que toutes les parties contribuent harmoniquement à produire une même impression.
Ex. : La Cène de Léonardo da Vinci (n° 46). — Le dessein du maître était de faire Sentir tout ce qu'il y a d'horrible dans la trahison du Chrisl par un des siens. Jésus occupe le milieu d'une longue table. Les douze, assis à ses côtés, forment quatre groupes, deux à sa droite et deux à sa gauche, comprenant chacun trois apôtres. Chacun de ces groupes a son unité et constitue un tout, mais en même temps par les gestes ou par les regards d'un ou de plusieurs des personnages qui y figurent, il se rattache au groupe voisin ; tous convergent vers le Sauveur, qui apparaît comme le centre extérieur et intérieur de l'action entière, comme le principe d'où elle émane et comme le terme auquel elle aboutit.
Chaque personnage a son type, son caractère à lui : son visage, son attitude, ses mouvements expriment, avec une puissance une vérité sans égale, une nuance particulière du sentiment commun à tous. L'endurcissement du traître est mis en relief par l'angoisse des disciples fidèles. Ce merveilleux tableau unit la plus grande variété à la plus stricte unité ; aussi a-t-il toujours passé pour Le modèle incomparable de la composition (1).
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(1)Les seuls défauts qu'on puisse lui reprocher sont des erreurs ou des anachronismes dans le décor, dans le paysage et surtout dans la manière dont les convives sont placés autour de la table ; le Christ et les apôtres n'étaient pas assis, mais étendus sur des espèces de divans, comme les représente Le Poussin.2° La perfection de l'exécution. — Il est clair qu'un tableau achevé l'emporte sur son ébauche.
3° Les dimensions. — Personne ne s'aviserait de reconnaître ceteris paribus le même prix à un grand tableau et à une miniature.
Mettez maintenant en regard deux compositions réunissant au même degré les trois caractères que nous venons d'indiquer et représentant la première une grande scène historique, la seconde un intérieur, qui donc leur assignerait le même rang ?
Source :
MANUEL DE LITTÉRATURE - Principes - Faits Généraux - Lois -- R. P. Jules Verest S. J. -- 3e édition - 1909 :
https://archive.org/stream/manueldelittr00vere#page/346/mode/2up[/url]
Roger Boivin- Nombre de messages : 13122
Date d'inscription : 15/02/2009
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