Les Templiers

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Message  gabrielle Lun 18 Oct 2010, 5:59 pm

HISTOIRE UNIVERSELLE
DE
LÉGLISE CATHOLIQUE


Par l'abbé ROHRBACHER,

Tome dix-neuvième.
GAUME FRÈRES, LIBRAIRES,
RUE CASSETTE, 4.
1845.


page 510 et ss


LES TEMPLIERS


Une autre affaire faisait alors du bruit, qui en fait encore : l'affaire des Templiers. Ces religieux militaires paraissent n'avoir pas mérité longtemps les éloges que faisait d'eux saint Bernard , l'an 1128, lorsqu'il rédigea les statuts de leur ordre. Dès l'an 1155, deux ans après la mort de saint Bernard, Guillaume de Tyr rapporte un fait qui est loin de leur faire honneur. Un prince musulman d'Egypte, fuyant une insurrection populaire, était tombé entre les matins des Templiers. Ils lui font entendre qu'il aurait sa liberté en se faisant chrétien. Le prince musulman apprend les lettres latines, les principaux articles de la foi chrétienne, et demande instamment le baptême. Alors les Templiers le vendent pour soixante mille pièces d'or à ses ennemis, qui le coupent en morceaux 2. Autre fait non moins significatif.

Le chef des Assassins, le Vieux de la montagne, qui se faisait payer tribut par les autres souverains, en payait un de deux mille pièces d'or aux Templiers. L'an 1173, le Vieux de la montagne, peut-être pour se libérer de ce tribut, eut envie d'embrasser le christianisme. A cet effet, il envoya un ambassadeur au roi Amauri de Jérusalem , qui en eut une grande joie, et qui, pour faciliter un bien si considérable, était prêt, dit-on, à payer lui-même aux Templier le tribut annuel des deux mille pièces d'or. L'ambassadeur s'en retournait très-content, lorsqu'il fut assassiné par un Templier, de l'avis, dit-on, de ses frères 3. Vers le milieu du treizième siècle, Frédéric disait d'eux : Elevés dans les délices des barons de l'Orient, les Templiers sont ivres d'orgueil ; je sais de bonne source que plusieurs sultans avec les leurs ont été reçus volontiers et avec grande pompe dans l'ordre, et que les Templiers eux-mêmes leur ont permis de célébrer leurs superstitions avec invocation de Mahomet et pompe séculière 4.

Quant aux mœurs, des dictons-populaires ont transmis leur re nommée jusqu'à nos jours; par exemple, boire comme un Templier. Trithême nous apprend, vers la fin du quinzième siècle qu'en Allemagne on disait communément maison de Templiers pour maison de débauche 5. Et aujourd'hui encore, au milieu du dix-neuvième siècle, il est tel village de Lorraine, autrefois ville, ou la tradition s'est conservée vivante que les filles et les femmes ne pouvaient, avec honneur et sécurité, passer par le quartier du Temple.

2 Guill. Tyr, 1. 18, c. 9.
- 3 Ibi, I. 90 c 32 Jacq. de Vitri.
-4 Math. Pâris
5. Joan. Trithem. Annal. hirs, p 185 et ss


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Message  gabrielle Mar 19 Oct 2010, 11:57 am

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Aussi, vers l'an 1273, le pape saint Grégoire X, dans ses projets de réformation pour les ordres religieux, pensait-il à unir ensemble les Templiers et les Hospitaliers 1. L'an 1289, on donna le même conseil à Nicolas IV, qui passa pour en avoir écrit aux chefs des deux ordres, ainsi qu'aux princes chrétiens 2. Clément V nourrissait la même pensée. Mais sous son pontificat, le mal se découvrit au grand jour, et parut irrémédiable.

On raconte de deux manières comment le secret fut découvert. Jean Villani et ceux qui l'ont suivi disent que le mécontentement de deux chevaliers en fut l'occasion. Le premier était un prieur de Montfaucon, de la province de Toulouse, homme de mauvaise vie, et condamné par le grand-maitre, pour cause d'hérésie, à une prison perpétuelle. L'autre, nommé Noffodei, Florentin, s'y trouvait aussi relégué par le prévôt de Paris pour d'autres crimes. Ces deux malheureux, pour acheter leur liberté, se mirent en tête de déclarer les impiétés de l'ordre aux ministres du roi. On ajoute que ces délateurs périrent depuis malheureusement ; mais que le roi, soit par curiosité, soit par zèle, voulut approfondir la vérité de cette accusation.

L'autre récit, tiré de la sixième vie de Clément V, par Arnaud Auger de Béziers, prieur de Sainte-Marie d'Aspiran, diocèse d'Elne en Roussillon, est conçu en ces termes : « Un certain Squin de Florian, bourgeois de Béziers, et un Templier apostat, furent pris et mis ensemble, pour leurs crimes, dans une forte prison d'un château royal du territoire de Toulouse. Comme ils s'attendaient chaque jour à être punis de mort, ils firent entre eux comme les gens de mer battus par la tempête: ils se confessèrent l'un à l'autre.

Le Templier avoua à son compagnon d'infortune des choses abominables , qu'il disait avoir faites depuis son entrée dans l'ordre, savoir: d'être tombé dans quantité d'erreurs contre la foi, et d'avoir commis d'autres forfaits souvent réitérés, qu'il détailla. Dès le lendemain, Squin fit appeler l'officier royal d'un autre château, au-quel il déclara qu'il avait à révéler au roi un secret de telle importance , qu'il en tirerait plus d'avantage que de la conquête d'un nouveau royaume ; faites-moi donc, ajouta-t-il, conduire enchaîné jusqu'en sa présence ; car je ne révélerai mon secret à personne qu'à lui, dut-il m'en coûter la vie. L'officier n'ayant pu, ni par caresses, ni par menaces, engager ce prisonnier à lui confier ce mystère, écrivit le tout au roi, qui lui ordonna d'amener à Paris Squin sous bonne garde. Cet homme fut présenté au roi, qui, l'ayant tiré à part, lui promit la vie, la liberté et des récompenses, s'il disait la vérité. Le prisonnier lui raconta exactement la confession du Templier apostat; sur quoi le roi fit prendre quelques Templiers, avec ordre d'informer sur ces articles, qui se trouvèrent véritables 1. »

Telle est la narration de l'ancien auteur que nous venons de nommer.

1 Magn. Chron. Belg. Apud Pistor., t. 3, p. 260.
2 Chron. Thomas - Annal. Eberhard. apud Canis, t.1.
1. Balnz Pap. Aven., t. 1.

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Message  gabrielle Mer 20 Oct 2010, 5:44 pm

Quoi qu'il en soit de ces deux récits, qui se ressemblent assez pour le fond, comme il s'agissait d'un ordre religieux, le roi crut devoir en parler au Pape. Il le fit par lui-même à Lyon, lorsque Clément y fut couronné l'an 1305, et à Poitiers pendant l'entrevue qu'ils eurent ensemble l'an 1307. Cependant le bruit de cette accusation revint aux oreilles du grand-maître et des principaux de l'ordre. Ils en portèrent leurs plaintes au Pape, et ils le prièrent de rendre justice à leur corps, en faisant dresser des procédures dans les formes. Clément convient de ces faits dans sa lettre au roi, datée du vingt-quatre août de la même année 1307, où il dit que la chose lui avait paru incroyable et hors de toute vraisemblance, quand le roi lui en parla; mais que sur la plainte du grand- maître et des chevaliers, qui le priaient d'informer de la vérité, se soumettant à toutes sortes de peines s'ils se trouvaient coupables, il commencerait au plus tôt les informations. Il demandait au roi des mémoires sur ce qu'il savait de cette affaire.

Philippe le Bel craignit l'irrésolution du Pape, la lenteur de ses procédures et l'éclat que pourrait faire en France le secret ébruité de la justice qu'il voulait faire des Templiers. Ils étaient fort puissants et alliés aux meilleures maisons du royaume; de sorte qu'il lui parut dangereux de différer l'information juridique, dont son confesseur, Dominicain et inquisiteur, le pressait, et dont les Templiers avaient pénétré le mystère.. Il apprit même que plusieurs d'entre eux se disposaient à enlever leurs biens et à s'évader de France.

Le roi, après avoir pris l'avis de quelques théologiens, fit porter à tous les baillifs et sénéchaux du royaume des lettres secrètes. avec défense, sous peine de la vie, de les ouvrir qu'au jour qu'on leur marqua, et ordre à eux d'exécuter sur-le-champ ses volontés. c'est-a-dire de se mettre en armes, de saisir tous les Templiers de leur district, et de les transporter, sous sûre garde, dans des forts. La chose fut exécutée de point en point le même jour et à la même heure, le vendredi, d'après la Saint-Denys , treize octobre de l'an 1307. On arrêta même le grand-maître de l'ordre, qui était arrivé depuis peu. de Poitiers au Temple, à Paris. C'était Jacques de Molai, gentilhomme de Besançon, il revenait de Chypre, où il s'était distingué dans les guerres contre les infidèles, et il avait amené avec lui soixante chevaliers, dont les plus considérables étaient Gui, frère du Dauphin d'Auvergne et Hugues Péraud ou Péralde. Le roi s'empara aussitôt du Temple, y prit son logement, y déposa son trésor avec les chartes, et fit saisir dans le royaume tous les biens des Templiers, qu'il mit sous sa main 1.
1.Nangis continuat., an.1307. Apud d'Acheri, t. 3 Baluz, t.1, p. 100. Dupuy. Hist. de la condamnation des Templiers, p. 10 et 100.

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Message  Johnny Jeu 21 Oct 2010, 9:54 am

Merci beaucoup.
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Message  gabrielle Sam 23 Oct 2010, 4:59 pm

Embarassed j'avais complètement oublié ce dossier.


À ce récit, dont les auteurs conviennent, nous ajouterons quelques circonstances tirées de Jean, chanoine de Saint-Victor, contemporain, qui a pu, ce semble, être témoin oculaire de plusieurs faits qu'il raconte.

" Cette expédition, dit-il, fut exécutée le même jour. Le grand-maître avait été longtemps à Poitiers (où était le Pape), d'où il était passé à Paris. Quelques cardinaux étaient convenus depuis longtemps de sa prise, et en laissaient l'exécution au roi Philippe. L'événement surprit tout le monde, comme étant réglé par la cour romaine, ordonné par le roi, et exécuté par Guillaume de Nogaret et Renaud de Roye. Le roi fit mettre dans les maisons de l'ordre des gardes chargés de rendre compte en temps et lieu, à lui et au Pape, des biens meubles et immeubles des Templiers.

La cause de leur prise fut véritablement l'accusation d'hérésie, de blasphème, de mépris de Jésus-Christ et de la foi chrétienne, avec l'impureté qui révolte la nature : choses découvertes depuis longtemps par quelques grands de cet ordre, et par certains nobles et roturiers qui (comme l'on croit) avaient été Templiers, et que Nogaret fit prendre en divers endroits du royaume, et amener pour servir de témoins. Il les fit garder longtemps et fort secrètement à Corbeil, de l'avis et par les ordres de frère Ymbert, dominicain, confesseur du roi. Ils étaient prêts à prouver hardiment que les crimes dont on vient de parler étaient en usage dans l'ordre et attachés à l'esprit de cette profession. Ces accusateurs furent gardés en prison à Corbeil, jusqu'à ce que le grand-maître et les autres chevaliers, étant pris, eurent avoué ces crimes, du moins en partie.

" Dès le lendemain de l'emprisonnement des chevaliers, savoir, le samedi quatorze d'octobre 1507, on fit une assemblée dans le chapitre de Notre-Dame de Paris, où se trouvèrent les docteurs de l'université, les chanoines de cette église, Guillaume de Nogaret, 4e prévét de Paris et quelques autres officiers du roi. Le seigneur de Nogaret, qui était principalement chargé de la commission, raconta le fait et les cinq cas énormes dont on chargeait les Templiers.

Le dimanche quinzième du même mois, le roi fit assembler dans son jardin le clergé et le peuple des églises paroissiales de Paris, à qui l'on fit un discours en forme de manifeste, par lequel, afin de prévenir le scandale sur l'arrestation si prompte des chevaliers , fort considérés par l'éclat de leurs richesses et de leurs dignités, on exposa les motifs de leur emprisonnement, et l'on toucha les cinq cas dont ils étaient chargés . » Tout ceci est de la relation de Jean de Saint-Victor.
à suivre
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Message  gabrielle Ven 29 Oct 2010, 9:44 am

Peu de temps après, le roi, déterminé à poursuivre vivement la procédure, de l'avis de son conseil, des princes et des prélats, en qualité de défenseur de la foi et de l'Eglise, donna commission à Guillaume de Paris, autrement Ymbert ou Humbert, dominicain, son confesseur et inquisiteur en France, qui avait requis cette commission, d'informer dans les règles avec quelques gentilshommes, en interrogeant les chevaliers détenus à Paris. Cet interrogatoire se fit par autorité du roi, sans consulter le Pape. On ne perdit point de temps : l'inquisiteur, avec ses associés, interrogea à Paris, en différents jours de l'an 1307, jusqu'à cent quarante chevaliers, qui convinrent des faits suivants ; car nous ne pouvons nous dispenser de rapporter succinctement ce que d'autres historiens exposent fort au long, sur des actes qui ont en effet transmis à la postérité ces horreurs 2.

Les dépositions se réduisent donc en substance à des impiétés étranges et à des impuretés abominables.

1° On accusait les Templiers de renier Jésus-Christ à leur réception dans l'ordre, et de cracher sur la croix. Presque tous, jusqu'au grand-maître, Jacques de Molai, avouèrent le renoncement à Jésus-Christ , qu'on faisait faire en entrant dans l'ordre, ou peu après, avec des insultes au crucifix. Plusieurs dirent qu'on les y avait forcés par la prison et les tourments.

2° On les accusait de s'abandonner entre eux aux plus grands désordres, avec défense d'avoir des habitudes ailleurs, de peur

d'éclat. Quelques-uns avouèrent ces abominations ; et d'autres des libertés infâmes et détestables, regardées comme des cérémonies de la réception dans l'ordre.

3° On les accusait d'adorer une espèce d'idole dorée et argentée dans leurs chapitres généraux. Quelque-uns convinrent de l'avoir vue et adorée. Ils en firent même la peinture aux assistants, comme d'une tête qui savait une grande barbe, un regard terrible, quatre pieds, et qui était alors à Montpellier. Ils ajoutèrent d'autres superstitions, comme celle du cordon magique dont ils se ceignaient la chair.

4° Quelques-uns disaient que ces coutumes affreuses avaient été introduites par un grand-maître qui, étant pris par les Sarrasins, acheta sa liberté en promettant de faire observer ces usages dans tout l'ordre : c'était Roncelin selon les uns, et Beraud selon d'autres. Quelques-uns des accusés dirent que ces sacrilèges pratiques avaient commencé depuis quarante ans au plus.

5° Il y avait, disait-on, des statuts secrets dans l'ordre, où le tout était écrit, sous des peines terribles, pour quiconque révélerait le mystère. Quelques-uns dirent qu'ils les avaient vus, quoique tard, et peu de temps avant d'avoir été arrêtés.

Il est certain que tous les cent quarante accusés, excepté trois, qui nièrent tout, avouèrent sans y être forcés les deux premiers articles. Il y en eut qui dirent qu'ils avaient tâché d'expier leurs crimes par la confession aux pénitenciers , et par le jeûne ; qu'ils avaient même songé à quitter l'ordre, ou du moins à aller à Rome au jubilé de 1300, pour se faire absoudre.

Cet interrogatoire, fait à Paris en 1307, fut suivi de plusieurs autres dans les provinces, surtout à Troyes, à Bayeux , à Caen , à Rouen , au Pont-de-l'Àrche, à Carcassonne, à Cahors, à Bigorre. L'inquisiteur, Guillaume de Paris, était à la tête des informations, soit par lui-même, soit par ses délégués. Partout les Templiers s'accordaient dans les mêmes réponses sur les impiétés et les abominations 1 . Mais il paraît que ce détail d'interrogatoires ne se fit pas si promptement : le Pape avait tout arrêté.

2 Hist de l'égl. gall, i.36 Dupuy, p. 17 et sqq. Baluz, t.i. p. 591, et t. 2, p. 113
1 Dupuy, p. 81 et seqq.

Abbé Rorbacher... pages 514 et 515

à suivre
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Message  gabrielle Sam 30 Oct 2010, 10:38 am

On le voit par plusieurs lettres de Clément V. La première, datée du vingt-sept d'octobre 1307, représente à Philippe le Bel que les Templiers étant un corps religieux et dépendant immédiatement du Saint-Siège, le roi n'a pas dû s'en constituer le juge, ni confisquer leurs biens et arrêter leurs personnes. Dans une seconde lettre du premier de décembre, le Pape prie ce prince de s'en tenir sur l'affaire des Templiers, à ce que lui diront les cardinaux qu'il envoie à Paris.

C'étaient Bérenger de Frédol et Etienne de Suisi, chargé de la part du Pape de faire désister le roi de ses poursaîtes contre les chevaliers, et de l'engager à les remettre, eux et leurs biens, entre les mains de Clément, et le jugement à la connaissance des commissaires qu'il nommerait pour cela. Mais le Pape marqua surtout son mécontentement contre Guillaume de Paris, qui avait repris la poursuite juridique des Templiers; il traita cette entreprise d'attentat contre l'autorité du Saint-Siège, et il suspendît sur cet article tous les pouvoirs des prélats et des inquisiteurs de France, évoquant toute l'affaire à son tribunal 1.

C'est ce que Clément V nous apprend lui-même dans une lettre à tous les évêques, datée du cinq de juillet 1308. La réponse des prélats et des inquisiteurs consista à faire sentir au Pape que le mal avait paru de nature à ne point souffrir de délai ; que les crimes des Templiers mettaient la foi en danger; et qu'enfin les procédures faites contre eux montraient assez qu'on n'avait pu user de trop de diligence pour prévenir leurs mauvais desseins 2.

Le roi, mécontent à son tour de ce procédé du Pontife, se plaignit que sa Sainteté semblât si indifférente à seconder une poursuite très-juste, et qu'elle montrât tant d'ardeur à suspendre les pouvoirs des évêques. Il représenta que, tolérer les méchants, c'était autoriser en quelque sorte leurs crimes ; qu'elle aurait du plutôt animer les prélats à faire leur devoir dans leurs diocèses pour extirper un ordre infâme ; que leur présence les mettait plus en état de s'instruire du fond et du détail de ce mystère d'iniquité, que sa Sainteté même, qui traînerait l'affaire en longueur, et donnerait lieu aux accusés de varier dans leurs dépositions, comme ils commençaient déjà à le faire, et de chercher des protecteurs auprès d'elle; qu'après tout, le roi de France ne se donnait point pour délateur ou accusateur de l'ordre des chevaliers, mais pour défenseur et vengeur de la foi et de l'Eglise : ministère dont il devait rendre compte à Dieu 3.
pages 515 et 516

1 Dupuy, p. 14 et 100, n. 9 et 3. Baluz, t. 9, p. 112.
2. Spieileg, vet. edit, t. 10, p. 357.
3. Dupuy, p. 11-13 et 78.
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Message  gabrielle Lun 01 Nov 2010, 1:16 pm

Cependant Philippe, pour ne pas aigrir le pape Clément, et pour faire voir à tout le monde la franchise avec laquelle il s'était comporté dans cette affaire, consentit à tout ce que demandaient les deux cardinaux. Il marqua au Pape, dans sa réponse du vingt-quatre de décembre 1507, qu'étant bien éloigné de porter aucun préjudice aux droits de l'Eglise et aux siens propres (qu'il voulait conserver en leur entier), il avait remis les personnes des chevaliers entre les mains des cardinaux-légats ; qu'à l'égard de leurs biens, tant meubles qu'immeubles, il les faisait garder pour être employés totalement au secours de la Terre-Sainte; que dans ce dessein il avait destiné à la garde et à la recette de ces biens des gens de probité, qui n'étaient pas ses propres receveurs, et qui en rendraient un compte fidèle 1.

Le roi fit plus. Il envoya à Poitiers quelques-uns des principaux Templiers, afin que le Pape sût par leur bouche la justice de son procédé. Le Pape interrogea ces Templiers et d'autres de l'ordre, au nombre de soixante-douze. Il fut extrêmement surpris de voir que leurs aveux étaient précisément conformes à ceux qui avaient été faits dans les informations ordonnées par le roi: Il fit rédiger par écrit leurs dépositions. Ces malheureux comparurent en plein consistoire, et, ayant entendu la lecture de ces actes rendus en leur langue, ils confirmèrent publiquement la vérité de leurs dépositions contre eux-mêmes, et y persistèrent en présence de Pierre, évêque de Palestrine, des deux légats envoyés à Paris, et de trois autres cardinaux. Le Pape convint, dans la même bulle d'où nous tirons ce récit, qu'un chevalier des premiers de l'ordre vint lui confesser toutes les horreurs qu'il avait reconnues dans ce corps, et cela en présence d'un cardinal, neveu de Clément, savoir Raymond de Goth,qui écrivit cette déposition. Ce chevalier était domestique du Pape même 2.

Tant d'aveux semblables, non forcés et capables de faire frémir, la franchise avec laquelle le roi en avait usé, et les plaintes qui revenaient de tous côtés contre les Templiers, ouvrirent les yeux à Clément V. Il leva enfin la suspense qu'il avait fait signifier aux ordinaires et aux inquisiteurs de France. Sa bulle, datée du cinq de juillet de l'an 1308, à Poitiers, et adressée à tous les évêques et inquisiteurs français, est d'autant plus curieuse, qu'on y voit la suite toute simple des faits que nous venons de raconter. Le Pape, en levant la suspense, permet à chaque évêque, dans son diocèse, et à chacun des inquisiteurs, d'examiner les Templiers du district; mais il réserve leur jugement canonique aux conciles provinciaux que tiendront les métropolitains. Il ne veut point que ces conciles prennent connaissance de l'ordre entier; il les fait seulement juges des particuliers.

Il se réserve à lui-même le procès et le jugement du grand-maitre et de quelques principaux précepteurs, c'est-à-dire commandeurs ou grands prieurs, sans lesquels, dit-il, on ne pouvait instruire la cause générale de tout Tordre, qu'il se réserve aussi ; il veut enfin que les accusés soient sous la garde de son nonce, le cardinal-évêque de Palestrine, avec tout pouvoir de les faire garder au nom de sa Sainteté et des évêques. Par d'autres lettres consécutives, le Pape voulait que les évêques s'associassent, dans cet examen, deux chanoines de leurs cathédrales, deux frères Prêcheurs et deux frères Mineurs; que s'il se présentait des cas qui ne regardassent pas l'hérésie, ils procédassent par son autorité et jugeassent suivant les canons. Le Pape enfin remerciait le roi de la manière franche dont il en usait dans le cours de cette affaire, en se conformant aux volontés de sa Sainteté 1.
-
1 Baluz, t. 2, p. 113

2 Dupuy, p. 13 et 103.

1. Dupuy, p 13. Spieileg, t. 3, in-foi., p. 199

pages 516,517, 518
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Message  gabrielle Mar 02 Nov 2010, 6:02 pm

Cependant, comme l'affaire était mixte ou composée de spirituel et de temporel, il n'était pas possible que le roi, jaloux de ses droits et de son autorité, qui lui semblaient lésés par ces bulles, n'en fit paraître quelque mécontentement. Mais le Pape ayant expressément déclaré que ce qu'il avait fait ou ferait par ses agents, au sujet des personnes et des biens des accusés, ne pourrait porter préjudice au roi, aux prélats, aux barons et autres Français, pour les droits d'hommages et de fiefs qu'ils prétendaient sur les Templiers, ce démêlé fut dès-lors assoupi, et se calma entièrement dans l'entrevue du Pape et du roi, dont nous parlerons 2.

Le Pape, de son côté, avait pris à cœur la poursuite des Templiers. Dès l'an 1507, il avait écrit au régent du royaume de Chypre, Amauri, seigneur de Tyr, qu'il fît arrêter tous les Templiers de l'île. Le régent répondit alors que la chose avait souffert des difficultés ; que les chevaliers s'étaient armés, mais qu'enfin ils s'étaient soumis aux ordres du Pape, et qu'après avoir rendu leurs armes, ils étaient gardés séparément. Clément, instruit par lui-même, après l'examen de soixante-douze chevaliers, que les accusations n'étaient que trop fondées, continua depuis de donner ses ordres pour faire saisir les chevaliers dans tout le monde chrétien. Sa lettre au duc de Calabre, fils aîné du roi de Naples, est remarquable en ce que sa Sainteté demande qu'on suive l'exemple du roi de France, qui a fait arrêter tous les Templiers de son royaume en un même jour. Il écrivit la même chose et apparemment de la même manière , mais en divers temps, surtout en 1308, aux rois et aux souverains de tous les pays du christianisme, Angleterre , Ecosse , Hibernie, Allemagne, Bohême, Pologne, Hongrie, Aragon, Majorque, dans toute l'Italie, partout enfin où les Templiers étaient répandus, avec ordre de faire des informations détaillées, à peu près comme
en France.

Dans ces lettres circulaires, il rend compte de ses diligences pour être instruit à fond de la vérité des faits. Il y dit que le roi de France était le premier qui eût fait et suivi la découverte de cette corruption universelle dans l'ordre des chevaliers, non point par un motif d'avarice, puisque, loin de prétendre se rien approprier de leurs biens, il a consenti d'en laisser l'administration aux évêques de France, et la disposition au Saint-Siège. Clément entre dans le détail des dépositions qu'il a entendues lui-même de la bouche de soixante-douze chevaliers, et en particulier d'un de ses domestiques, ainsi que nous avons dit. Il raconte ensuite les nouvelles informations que nous allons dire. Enfin, il spécifie à ses commissaires quatorze articles sur lesquels il veut qu'on interroge les Templiers détenus dans chaque royaume, chaque province et chaque diocèse. Ces quatorze articles sont tirés des accusations in tentées contre les chevaliers, et des aveux déjà faits par eux-mêmes , à Paris, sous l'autorité du roi, et à Poitiers, dans le consistoire 1.
2 Idib., p 16 et 102
1.Dupuy, p. 110

pages 518-519
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Message  gabrielle Mer 03 Nov 2010, 4:42 pm

Le roi, pour n'avoir rien à se reprocher sur la prise des Templiers et sur ses poursuites, consulta encore une fois la faculté de théologie de Paris, qui lui donna son décret daté du vingt-cinq de mars 1307, c'est-à-dire 1308, ayant Pâques, le jour même que l'uni versité fut témoin d'un interrogatoire. Ce décret porte qu'un prince laïque ne peut connaître d'hérésie (s'il n'en est requis par l'évêque); mais qu'en cas de péril urgent, il peut faire prendre les accusés avec intention de les rendre à l'Eglise; que les militaires qui font profession d'une religion approuvée par l'Eglise doivent être regardés comme religieux et exempts; que les biens doivent être réservés pour la fin qu'on s'est proposée en les donnant à l'ordre 2.

Depuis cette consultation, le roi et le Pape agirent avec encore plus de concert qu'ils n'avaient fait jusque-là. Jaloux de leur réputation dans la poursuite d'une affaire qui intéressait un ordre si puissant, et qui tenait de tous côtés à la première noblesse du royaume, ils voulurent éviter tout reproche d'animosité ou de précipitation mal placée. Pour y procéder avec plus de maturité, il fut résolu qu'ils auraient une entrevue à Poitiers ; c'était l'an 1308, et la seconde fois que le roi s'abouchait avec le Pape dans cette ville. Philippe, par le même motif, voulut, chemin faisant, consulter tous les corps de son royaume ; et pour cela, avant que d'aller droit à Poitiers, il assembla un nombreux parlement à Tours, où il appela les députés de toutes les villes et châtellenies de France, nobles et roturiers, avec ordre de s'y trouver au premier mois d'après Pâques, c'est-à-dire au mois de mai 1308. «Car Philippe, dit sur cela Jean de Saint-Victor, pour faire voir la droiture de ses intentions et la sagesse de son procédé, voulut savoir l'avis des gens de toute condition. Ainsi, non content de prendre les jugements délibératifs des nobles et des lettrés, il exigea celui des bourgeois et des laïques. Tous ces députés parurent en personne au temps marqué, et, ayant entendu lire les dépositions des Templiers, ils les jugèrent dignes de mort 1. »

2.lbid., preuv. 78. Baluz, t. 1, p. 8 et 589.
1. Baluz. t. 1, p. 8. Nangis cont. Apud d'Acheri.

pages 519 et 520
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Message  gabrielle Ven 05 Nov 2010, 5:03 pm

Pour les lettrés, le roi requit les principaux docteurs de l'université de Paris de lui envoyer leur sentence ou leur censure, arec la confession du grand-maître et des plus considérable commandeurs. Car l'université avait assisté à deux interrogatoires des Templiers, savoir, au Temple, le vingt-cinq de mars 1308, ainsi que nous venons de le remarquer, et dans une autre occasion où le grand-maître réitéra tous ses aveux, aussi bien que plusieurs autres chevaliers. L'université, continue le même auteur, chargée de répondre au roi, s'as-sembla donc pour cela le samedi après l'Ascension, vingt-cinq de mai 1308; elle fit écrire par un notaire les dépositions des Templiers , et elle les envoya à Tours avec la copie d'une lettre circulaire écrite par le grand-maître à tous les chevaliers de son ordre. Il leur mandait qu'il avait confessé telle et telle chose, et il les exhortait à faire les mêmes aveux, comme ayant été séduits par une ancienne erreur. L'université joignit à ces actes la sentence que le roi demandait , et que voici : Il faut s'en tenir à la censure du Saint-Siège, qui a spécialement droit de juger des faits des religieux et des hérésies ou d'autres crimes énormes 2.

« Le parlement de Tours étant fini, le roi partit pour Poitiers, accompagné de ses frères, de ses fils et de ses conseillers. L'affaire des Templiers fut de nouveau agitée et mûrement pesée entre le Pape et le roi, en présence des cardinaux, du clergé et d'autres. On discuta les raisons de part et d'autre, les objections et les réponses, et l'on convint enfin que le roi ferait administrer et garder par ses officiers les biens des Templiers, jusqu'à nouvelle délibération du Pape et du roi sur l'usage qu'il conviendrait d'en faire. Quant à leurs personnes, il fut conclu que le roi ne les punirait point sans l'aveu du Pape, mais qu'il les retiendrait sous bonne garde, comme il l'avait fait, et qu'ils seraient entretenus sur les revenus de leurs maisons jusqu'au futur concile général. Dès ce moment le Pape remit les chevaliers aux mains du roi. Ce prince, ayant que de retourner à Paris, fit amener à Poitiers le grand-maître et d'autres chevaliers, à qui l'on fit entendre les volontés du Pape et du souverain. On les ramena bientôt en leurs prisons, où ils devaient rester jusqu'à la tenue du concile qui fut résolu pour l'octave de la Toussaint, au bout de deux années (en 1310), et indiqué pour ce temps-là aux parties les plus éloignées de la chrétienté. Il se passa un délai considérable, à Poitiers, en allées et venues, en discussion d'autres affaires, dont les unes furent expédiées, les autres différées ou suspendues. Après quoi le Pape et le roi se séparèrent vers le mois d'août 1308, le premier pour aller en Gascogne, et le second pour retourner à Paris 1. » Tel est, mot pour mot, l'exposé de Jean de Saint-Victor.
2. idem, et Duboulai , t. 4 p. 111.

1.Duboulai , t. 4, p. 12 et 13.

pages 520 et 521
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Message  gabrielle Sam 06 Nov 2010, 7:55 am

Le Pape, dans ses lettres circulaires citées ci-dessus, assure que son dessein était de faire par lui-même l'information sur le grand-maître et les principaux commandeurs qu'on avait amenés à Poitiers; mais quelques-uns d'entre eux étant tombés malades en chemin, jusqu'à ne pouvoir souffrir le cheval ni se rendre au terme, sa Sainteté, qui désirait savoir la vérité de leurs dépositions par leur bouche, avait commis en sa place les cardinaux Bérenger de Fré-dol, Etienne de Suisi et Landolfe Brancaccio, pour s'en instruire en son nom et lui en faire le rapport par écrit authentique, avec plein pouvoir d'informer sur les principaux chevaliers et sur les autres, par rapport au corps entier. (Ce fut là l'objet et la fonction de toutes les commissions que Clément nomma dans la suite). Enfin le Pape donnait permission aux trois cardinaux d'absoudre le grand-maître et les autres des censures, s'ils demandaient cette grâce. Les malades étaient en effet restés à Chinon en Touraine. Après avoir comparu à la cour du Pape, le grand-maître et les commandeurs de Poitou, de Guienne et de Normandie avaient été reconduits dans la même ville, pour y subir l'examen des trois cardinaux. Il se passa de la manière que le raconte le Pape dans ses bulles, et les deux premiers cardinaux dans le rapport qu'ils envoyèrent au roi, en ces termes:

« Nous nous transportâmes à Chinon , par ordre du Pape, pour examiner les prisonniers, savoir : le grand-maître, le commandant de Chypre, le visiteur de France, le commandeur de Guienne et de Poitou, et celui de Normandie, avec plein pouvoir d'informer tant sur leurs faits personnels que sur l'état de tout l'ordre. Le samedi d'après l'Assomption, dix-sept d'août 1308, le commandeur de Chypre fut appelé, comparut, prêta le serment à l'ordinaire, puis confessa le renoncement à Jésus-Christ et le crachement sur la croix. Le commandeur de Normandie en fit autant pour le reniement. Le soir du même jour, nous appelâmes le commandeur de Poitou et de Guienne, qui demanda permission de délibérer jusqu'au lendemain. Il avoua qu'il avait promis à celui qui le recevait dans l'ordre, que, si quelqu'un des frères lui demandait s'il avait renoncé à Jésus-Christ, il dirait que oui. Le dimanche suivant, nous fîmes paraître Hugues de Péralde, au matin, et, en dernier lieu, le grand-maître, au soir. Après avoir vu les articles de l'interrogatoire, ils demandèrent à délibérer jusqu'au lendemain. Ce jour-là le frère Hugues, après le serment, persista dans son aveu fait à Paris, et spécialement à l'égard du renoncement à Jésus-Christ, de l'idole qu'il avait vue et des actions illicites qu'il avait commises, ainsi que l'acte de sa confession le porte plus au long. Enfin, le mardi suivant, le grand-maître comparut, et, après avoir juré et entendu les articles d'information, il convint du renoncement. Du reste, il nous pria d'écouter la confession que voulait faire un sien frère servant qu'il aimait. Comme nous vîmes le grand-maitre repentant de ses crimes, quoique notre commission ne regardât, pour Chinon, que les cinq chevaliers nommés, nous crûmes pouvoir compter sur l'intention du Pape, et nous entendîmes le frère servant , qui, après le serment fait, confessa le renoncement, comme vous le verrez plus au long dans nos actes rédigés en forme authentique et scellés de nos sceaux. Tous abjurèrent l'héresie et nous demandèrent l'absolution des censures. Nous la donnâmes à chacun en particulier. »-
pages 521 et522
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Message  gabrielle Lun 08 Nov 2010, 10:37 am

Les deux cardinaux finissen leur lettre, datée du mardi même, vingt d'août, à Chinon, en priant le roi de traiter favorablement les cinq chevaliers, en considération du repentir qu'ils ont marqué, surtout le grand-maître, Hugues de Péralde, et le commandeur ou grand-prieur de Chypre 1.

Les trois cardinaux retournèrent à Poitiers, pour faire leur rap port au Pape, à qui ils présentèrent les actes de la procédure de Chinon. Après quoi, Clément ne balança point à en insérer le précis dans les bulles circulaires qu'il adressa partout, pour ordonner les informations, juridiques concernant l'affaire des Templiers- Il inséra même le détail de tous les faits imputés à ces chevaliers, de toute la procédure commencée contre eux , dans la bulle de con vocation pour le concile de Vienne, adressée au roi, à tous les souverains et à tous les prélats du monde ; elle est datée du douzième d'août de l'an 1308, l'année troisième de son pontificat, c'est-à-dire de son couronnement, qui s'était fait le quatorze de novembre, l'an 1305.

C'est la même bulle, quant au fond, pour tous ceux à qui elle est adressée. Les divers exemplaires ne diffèrent entre eux que par les noms, quelques légers changements de dates et quelques additions , soit pour les rois et les princes chrétiens que le Pape invite à assister au concile en personne, soit pour les archevêques et leurs suffragants sur la manière de procéder au sujet des Templiers; par exemple, le Pape ajoute à l'archevêque de Cantorbéri ces paroles :

« Ne pouvant informer par nous-mêmes dans tous les lieux où l'ordre est répandu, nous chargeons, vous et les évêques, chacun dans son diocèse, de faire citer publiquement tous les Templiers qui se trouveront dans chaque district, et de les interroger, avec les adjoints que nous nommerons, sur les articles que nous vous envoyons inclus, et sur ce que vous jugerez de plus convenable. Nous voulons de plus, qu'après ces informations vous prononciez, en concile provincial et suivant les canons, la sentence d'absolution ou de condamnation, en admettant les inquisiteurs députés par nous, s'ils veulent assister aux examens et à la sentence. »

Le Pape excepte le grand - prieur d'Angleterre, à qui il réserve d'autres examinateurs. Cette manière de procéder est la même que le Pape avait déjà recommandée aux archevêques et évêques de France, après la suspense levée par sa lettre du cinq de juillet 1308, pour faire recommencer les informations déjà faites, de l'autorité du roi, par l'inquisiteur, accompagné de quelques gentils hommes; procédure qui avait fort déplu au Pape.
1 Baluz, t. 2, P 121, Dupuy, p. 31.

pages 522 et 523
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Message  gabrielle Mar 09 Nov 2010, 5:14 pm

A l'égard des commissaires marqués par le Pape pour ce qui regardait tout le corps des Templiers, on a vu qu'ils étaient différents des archevêques, qui devaient juger les personnes en concile. Les commissaires qu'il nomma pour la France, et surtout pour la province de Sens, furent l'archevêque de Narbonne, les évêques de Bayeux, de Mende et de Limoges, avec Mathieu de Naples, Jean de Mantoue, Jean de Montlaur, tous trois archidiacres, le premier de Rouen, le second de Trente, et le troisième de Mague-lone, et Guillaume Agaron, prévôt d'Aix. Ces huit commissaires se rendirent à Paris durant la vacance du siège de Sens par la mort d'Etienne Bécard, décédé le vingt-neuf de mars, jour du Samedi-Saint de l'année 1309.

Arrivés à Paris au mois d'août 1309, les huit commissaires du Pape commencèrent à procéder contre les Templiers. Dès le huitième de ce mois, ils citèrent tout l'ordre de France à comparaître en leur présence le premier jour après la Saint-Martin, dans la salle de l'évêché. Le lendemain, ils envoyèrent la citation dans les provinces de Reims, de Rouen, de Tours, de Lyon, de Bourges, de Bordeaux, de Narbonne et d'Auch. Quant à la province de Sens, ils s'y étaient rendus en personne pour y faire les citations ; le Pape l'avait ainsi ordonné 1 ; il fallait que le mal fût plus grand dans ce canton du royaume que partout ailleurs. Le vingt-deux de novembre de la même année 1309, c'était un samedi, les commissaires tinrent leur tribunal dans la salle du palais épiscopal de Paris.

« Un homme, disent-ils dans l'acte de leur procès-verbal, se présenta en habit de séculier, disant qu'il venait pour l'affaire des Templiers. Interrogé sur son nom, sa condition et la cause de son arrivée, il répondit qu'il se nommait Jean de Molai, et qu'il était du diocèse de Besançon. Il montra un cachet qu'il assura être le sien, où ce nom était gravé. Il ajouta qu'il avait été Templier, qu'il en avait porté l'habit dix ans, puis était sorti de l'ordre; mais que, sur son âme et sur sa foi, il n'avait ni vu ni su le moindre mal dans cet ordre; que, du reste, il venait se présenter aux commissaires, prêt à faire et à sceller tout ce qui leur plairait. Interrogé s'il venait défendre l'ordre, qu'en ce cas il dit tout avec franchise, parce qu'ils étaient disposés à l'entendre favorablement, il répondit qu'il n'était venu que pour cela, et qu'il était bien aise de savoir ce qu'on ferait de l'ordre qu'il prétendait défendre, demandant avec instance qu'on fit de lui ce qu'on voudrait, mais qu'on commençât par lui donner le nécessaire, parce qu'il était pauvre. A le voir et a l'en-tendre, il leur parut un homme simple, comme hébété et hors de son assiette. Les commissaires n'allèrent pas plus loin dans la procédure, et lui conseillèrent de se rendre auprès de l'évèque de Paris, chargé de recevoir les fugitifs de l'ordre et de les entretenir. Après quoi il se retira 2. »

Ce narré fait sentir que ce Jean de Molai, qui était imbécille ou le contrefaisait, vêtu d'ailleurs d'un habit laïque, et qui se présenta de lui-même, n'était pas le grand-maître Jacques de Molai, prisonnier. Il pouvait être son parent.


1. Dupuy p.40 et 113

2 Idib, p. 122.

pages 523 et 524
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Message  gabrielle Jeu 11 Nov 2010, 11:14 am

Le vrai grand-maitre, Jacques de Molai, fut tiré de prison et amené le vingt-six de décembre aux commissaires, dans le même lieu. L'évêque de Paris lui avait lu la citation, et il avait répondu qu'il voulait comparaître. Les commissaires lui demandèrent s'il avait dessein de défendre l'ordre. Sa réponse fut

« que l'ordre était con firmé et privilégié par le Saint-Siège, de sorte qu'il lui paraissait étrange que l'Eglise romaine voulût procéder si vite à le perdre, sans se souvenir que la sentence de déposition contre Frédéric avait été différée pendant trente-deux ans. Il ajouta qu'il n'était pas aussi savant qu'il conviendrait pour défendre l'ordre par lui-même, mais qu'il le ferait de son mieux ; que, du reste, il se réputerait et serait digne d'être réputé un misérable et une âme basse, s'il ne prenait en main la cause d'un ordre dont il avait reçu tant de biens et d'honneurs, quelque difficile que lui semblât cette défense entre ses mains, étant prisonnier du Pape et du roi, n'ayant rien, pas même quatre deniers à employer pour le défendre, et n'usant, non plus que les autres chevaliers, que des choses qu'on leur fournissait. C'est pourquoi il demandait secours et conseil, son intention étant que la vérité sur les accusations dont on chargeait son ordre fut connue non-seulement d'eux commissaires, mais, dans toute la terre, des rois, des princes, prélats, ducs, comtes et barons, avouant toutefois que ses confrères avaient été trop raides dans la poursuite de leurs droits contre plusieurs prélats; qu'après tout, il était prêt à s'en rapporter aux dépositions et aux témoignages des rois, des princes, des prélats et des seigneurs; mais que l'affaire était difficile, et qu'il n'avait avec lui pour conseil qu'un bon frère servant 1. »


Les commissaires lui dirent qu'il songeât mûrement à la défense qu'il offrait ; qu'il se souvint de ce qu'il avait confessé, tant contre lui-même que contre son ordre ; qu'ils étaient disposés néanmoins à le recevoir comme défenseur, s'il persistait à vouloir -l'être, et même à lui accorder un délai, s'il souhaitait délibérer davantage ; qu'ils voulaient pourtant qu'il sût qu'en matière d'hérésie et d'infidélité, il fallait procéder simplement, sans avocats et sans l'éclat de la forme judiciaire.
1. 1. Dupuy p. 123.

pages 524 et 525
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Message  gabrielle Ven 12 Nov 2010, 9:20 am

Pour lui donner lieu de délibérer pleinement, ils lui firent lecture de leur commission et d'autres lettres apostoliques sur l'information touchant les Templiers. On lui exposa le tout en langue vulgaire. Quand on vint au récit de la procédure de Chinon, où le grand-maître avait tout confessé contre son ordre, en présence de trois cardinaux commis par le Pape pour tenir la place de sa Sainteté, il se signa deux fois, et fit beaucoup l'étonné sur cette confession marquée dans les lettres apostoliques. Il dit entre autres choses, « que, si les commissaires devant qui il parlait, étaient d'autres gens, il saurait bien répondre autrement. »

Sur quoi les commissaires lui ayant dit qu'ils n'étaient pas personnes à recevoir des défis militaires, le grand-maître reprit qu'il ne voulait pas dire cela ; mais que plût à Dieu qu'on usât à regard de gens aussi pervers comme les Sarrasins et les Tartares en usent en pareil cas, en leur coupant le cou ou les fendant en deux. Cest qu'il traitait de calomniateurs ceux qui alléguaient ses propres aveux. Il finit cette conférence par demander un délai jusqu'au vendredi suivant. Non-seulement on le lui accorda, mais on lui offrit un plus long terme, s'il le souhaitait. Puis l'appariteur fit la proclamation, comme les jours précédents, pour inviter ceux qui voudraient défendre l'ordre à comparaître. Personne ne se présenta.

Le vendredi venu, le grand-maître fut amené, comme il l'avait déjà été, par le prévôt de Poitiers et Jean de Jamville, huissier du roi, garde des prisonniers. Jacques de Molai remercia les commissaires ou juges du délai qu'ils lui avaient accordé, et de l'offre d'une prolongation. C'était là, disait-il, lui mettre la bride sur le cou. Mais quand il fallut répondre à la question, savoir, s'il voulait défendre l'ordre, il répondit qu'il était un gentilhomme sans lettres, et qu'il avait ouï lire une certaine lettre apostolique qui disait que le Pape s'était réservé le jugement de sa personne et de celle des principaux Templiers ; qu'ainsi il s'en tenait là ; qu'il était prêt à aller se sister en la présence du Pape ; mais, qu'étant mortel et ayant peu de temps à vivre, il les priait d'engager sa Sainteté à l'appeler au plus tôt.

pages 525 et 526
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Message  gabrielle Sam 13 Nov 2010, 9:42 am

Les commissaires lui dirent que leur commission regardait l'ordre entier et non les personnes en détail. Ils demandèrent s'il trouvait à redire à leur procédure d'information. Il dit que non, et les requit de se bien conduire en cette affaire. Il ajouta

« que, pour la décharge de sa conscience, il avait trois choses à leur déclarer sur son ordre. La première , qu'il ne connaissait point d'autres églises, excepté les cathédrales, où il y eût de plus beaux ornements et plus de reliques, et où le service divin fut mieux célébré par les prêtres que celles de l'ordre des Templiers. La seconde, que nulle part on ne faisait plus d'aumônes que chez eux, où , par un décret général, on les distribuait trois fois par semaine dans chaque maison. La troisième, qu'il ne savait ni ordre religieux, ni même nation au monde où l'on montrât tant d'ardeur à répandre son sang pour la foi que chez les chevaliers ; qu'il y avait paru dans l'occasion où le comte d'Artois fut tué en Palestine, où il voulut qu'ils fissent l'avant-garde de son armée; malheureux de n'avoir pas écouté alors le grand-maître qui lui donnait des conseils capables de sauver le prince, les Français et les chevaliers? Comme on lui répliqua que tout cela était inutile pour le salut sans le fondement de la foi chrétienne et cela est vrai, dit-il; aussi je crois en un seul Dieu,la Trinité et tout ce qu concerne la foi catholique.

Il continuait sa confession de foi, lorsque le seigneur Guillaume de Nogaret, garde-des-sceaux du roi, étant survenu, et voyant que le grand-maître éludait la défense de son ordre, lui dit qu'on lisait dans les chroniques de Saint-Denis, que Saladin, Soudan de Babylone, ayant reçu l'hommage du grand-maître et des principaux de ce temps-là, et ayant appris une disgrâce qui leur était arrivée, dit publiquement que les Templiers étaient punis pour avoir prévariqué à leur foi et s'être souillés d'impuretés exécrables. Le grand-maître parut fort étonné, disant qu'il n'avait jamais ouï parler de cela ; qu'il se souvenait seulement, quant à l'hommage, que lui étant outre-mer sous le grand-maître de Beaujeu, quantité de jeunes gens, Templiers et autres, avides d'acquérir de la gloire par les combats, murmurèrent contre Beaujeu de ce que, durant la trêve faite par le roi d'Angleterre, qui était mort depuis, les Templiers rendaient encore hommage au soudan pour ne pas l'irriter; mais le murmure fut apaisé quand Beaujeu fit voir que l'ordre tenait en sa garde quantité de cités et de forteresses sur les frontières des terres du soudan, de sorte qu'on ne pouvait les garder autrement qu'en lui faisant hommage ; encore auraient-elles été perdues, si le roi d'Angleterre n'y eût fait passer des vivres. »

Enfin , Jacques de Molai demanda qu'il lui fût permis d'avoir sa chapelle et ses chapelains, afin d'entendre la messe et l'office divin ; ce qu'on lui promit 1.

1 Dupuy, p. 122 et suivantes.

pages 526 et 527


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Message  gabrielle Dim 14 Nov 2010, 8:33 am

Les actes qui suivent ce procès-verbal des commissaires, au sujet du grand-maître, nous apprennent que le roi donna dès-lors ses lettres patentes en faveur des Templiers, qui demandaient qu'on leur permît d'avoir des défenseurs de l'ordre. Il ordonna à ses officiers de faire conduire à Paris tous ceux des chevaliers détenus dans les provinces qui se proposeraient d'entreprendre cette défense. C'était en partie l'objet de la commission donnée par le Pape. Les ordres du roi furent exécutés; on amena à Paris tout ce qui se trouva de Templiers résolus à plaider pour eux et pour leur ordre. Les commissaires les firent comparaître au nombre de soixante-quatorze, le samedi quatorze de mars de l'an 1310.

C'était encore dans la salle de l'évêché. On leur lut en français la commission du Pape et les articles de l'interrogatoire qu'il avait envoyés. Cet interrogatoire regardait spécialement l'état de l'ordre en général, pour juger s'il méritait d'être conservé ou aboli. Il contenait dans un plus grand détail les points capitaux avoués par les cent quarante Templiers, à Paris, dès l'an 1307. Cela fait, on reconduisit les soixante-quatorze au Temple, où l'on envoya des notaires qui leur demandèrent s'ilsavaient délibéré entre eux sur le choix de leurs procureurs, comme on le leur avait dit le samedi qu'ils avaient comparu. Le frère Pierre de Boulogne, prêtre et procureur général de l'ordre, même en cour romaine, où il avait, disait-il, son homme d'affaires, répondit pour tous, et dicta aux notaires ce qui suit :

« Quoique nous ne puissions pas nous donner des procureurs publics, sans la permission de notre chef et de l'ordre entier, ni par conséquent faire ce qu'on veut de nous, nous y suppléerons par nous-mêmes en nous chargeant de notre propre cause. Nous sommes tous préparés à la défendre. Quant aux articles qu'on nous a lus, ce sont autant de mensonges abominables, inventés, forgés et suggérés par des ennemis. L'ordre des chevaliers de la milice du Temple est pur et fort éloigné de ces horreurs. Ceux qui disent le contraire parlent en hérétiques et en infidèles. Nous sommes prêts à le prouver et à justifier l'ordre. Mais, pour le faire, nous demandons la liberté et le pouvoir d'aller nous-mêmes personnellement au concile général ou d'y envoyer d'autres de nos frères, pour ceux de nous qui ne pourraient pas s'y rendre. Quant à ceux des Templiers qui ont déposé ces mensonges comme des vérités, ce sont ou des gens timides et lâches, à qui la crainte de la mort et l'épreuve des tourments ont arraché ces fausses dépositions qui ne peuvent tirer à conséquence ni contre l'ordre, ni contre eux ; ou bien, ce sont des misérables, corrompus peut-être par argent ou par sollicitations, par promesses ou par menaces. Cela est si notoire, que nous avons droit de demander pour Dieu qu'on nous fasse justice, qu'on nous délivre d'une si longue et si cruelle oppression, et que dès à présent on nous admette aux sacrements de l'Eglise. »

Cela se passait le mardi septième d'avril de la même année 1310.

pages 527 et 528
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Message  gabrielle Lun 15 Nov 2010, 9:13 am

Le même jour, les notaires s'étant rendus à l'évêché, on amena devant les commissaires neuf Templiers nommés dans les actes. Deux étaient prêtres, savoir : Pierre de Boulogne et Raynaud de Puyno. Ils présentèrent aux juges, au nom de tous les soixante-quatorze, un cahier qui contenait, outre ce que nous venons de dire

« qu'ils ne pouvaient ni ne voulaient se choisir des procureurs en titre sans le consentement du grand-maître et de tout l'ordre ; qu'ils n'aspi-raient qu'à aller se défendre en plein concile à Vienne; qu'ils commettaient pour défenseurs les deux frères que nous avons nommé et deux chevaliers présents, Guillaume de Chambonet et Bertrand de Sartiges; qu'ils souscrivent d'avance à tout ce que ces quatre diront ou écriront de favorable à la dignité de l'ordre; mais qu'ils déclarent nul et de nul effet ce qui leur échapperait de contraire; qu'ils annulent le témoignage de ceux qui auront déposé ou déposeront contre l'ordre et contre eux-mêmes durant le cours de l'emprisonnement, vu la notoriété publique du peu de poids de ces dépositions extorquées ou gagnées ; qu'ils demandent que les apostats de l'ordre soient mis en prison sous bonne garde, jusqu'à ce que la vérité ou la fausseté de leur témoignage soit connue; que, dans les interrogatoires des Templiers, on n'admette point de laïques, de peur qu'il ne semble qu'on les appelle pour inspirer la terreur aux accusés qui en sont très-susceptibles, par la comparaison naturelle qu'ils font de l'état fortuné des menteurs à qui l'on ajoute foi, avec les misères, les persécutions et l'opprobre des accusés qui soutiennent la vérité comme des martyrs. Chose inconcevable! ajoutent-ils, qu'on s'en rapporte plus à des faussaires corrompus par argent, qu'à ceux mêmes qui ont supporté tant de maux et qui ont expiré dans les tourments avec la palme du martyre ! Enfin, dit ce mémoire, nul chevalier, en aucun autre lieu que la France, n'a autorisé par son témoignage les calomnies dont on charge ici les accusés. »

D'où il conclut qu'elles sont des fruits nés de la crainte ou de la séduction.

pages 528 et 529
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Message  gabrielle Mer 17 Nov 2010, 7:55 am

Ensuite le mémoire s'étend sur les louanges de l'ordre, en remontant à son institution toute sainte, aux liens sacrés des trois vœux de tous les ordres réguliers , et du quatrième, qui distinguait celui de ces religieux armés pour la défense de l'Eglise, à laquelle ils ont prodigué leur sang depuis tant de siècles. Rien n'était omis pour persuader que l'esprit et la pratique de cette sainte institution s'étaient perpétués, sans que la moindre tache en eût flétri l'éclat ou la pureté. On y peignait avec des couleurs bien différentes de celles des accusateurs , la manière prétendue simple et innocente dont on recevait les prosélytes dans l'ordre, en leur donnant l'habit sanctifié par la croix et le baiser fraternel. On insistait avec les traits les plus énergiques sur la cupidité et sur l'envie que l'on supposait dans ceux qui, pour empoisonner l'esprit du roi et du Pape, avaient suscité des apostats de l'ordre, en les subornant, pour leur faire parler le même langage concerté ; de sorte que les accusés mêmes, intimidés par les supplices, ont cru pouvoir se sauver, en avouant, contre leur conscience, des crimes dont ils étaient innocents. Enfin les défenseurs avertissaient les juges que, de la manière dont on s'y était pris, ils ne sauraient agir juridiquement, ni aller contre les privilèges de l'ordre, attendu qu'il n'était point diffamé avant l'emprisonnement qui a donné lieu à ses ennemis de suggérer des faussetés au roi, et de renverser la tête aux prisonniers, en leur extorquant leurs dépositions, et en les menaçant du feu, s'ils les désavouaient.

Las commissaires du Pape répondirent « que ce n'étaient point eux qui avaient mis en prison les accusés ; que leurs personnes et leurs biens étaient entre les mains du Pape; qu'ainsi il n'était pas en leur pouvoir de les mettre en liberté, comme ils le demandaient; que leur ordre était diffamé avant leur arrestation, comme il apparaissait par les lettres apostoliques qui décernaient qu'on informât d'abord de cette infamie, ainsi qu'on l'avait fait; que des évêques et des inquisiteurs avaient donc pu informer juridiquement, sans blesser les privilèges de l'ordre, d'autant plus qu'il était question d'hérésie, et que les juges agissaient de l'autorité du Pape. » Quant au grand-maître, dont parlaient leurs mémoires, ils dirent qu'étant interrogé s'il voulait défendre son ordre, il avait répondu que le Pape s'était réservé son jugement, et qu'il défendrait sa cause en sa présence. Les autres réponses des commissaires roulèrent sur des articles qu'il n'était pas en leur pouvoir d'accorder, suivant leur commission. C'est tont ce qu'en dit le procès-verbal ; ils assurent, ajoutent-ils, qu'ils en useraient avec humanité, qu'ils écouteraient les défenses des accusés, et qu'ils en rendraient compte au Pape 1.
1. Dupuy, p. 130-134

pages 529 et 530
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Message  gabrielle Jeu 18 Nov 2010, 10:00 am

Le samedi suivant, onzième d'avril, avant le dimanche des Rameaux , les juges, rassemblés au même lieu, se firent amener les quatre premiers Templiers qui avaient pris la défense de l'ordre, et qui leur parurent plus propres à entendre les témoins. Ces quatre furent les deux prêtres et les deux chevaliers que nous avons nommés. Les vingt-quatre témoins qui parurent ce jour-là devant eux, savoir, vingt Templiers et quatre laïques, firent le serment ordinaire de dire la vérité pour ou contre l'ordre, et jurèrent qu'ils n'étaient ni sollicités ni gagnés, en un mot, qu'aucun motif humain ne les ferait parler. Cette forme de serment fut le modèle de ceux que les commissaires exigèrent des deux cent trente-un témoins qui furent écoutés durant cette procédure 2.

Cette histoire du procès des Templiers est du jésuite Brumoi, dans son livre trente-six de l'Histoire de l'église gallicane. C'est ce que nous avons trouvé de plus clair, de plus net et de plus exact. Mais, pour la suite du procès, on a découvert de nos jours de non-veaux documents. Par exemple, des deux cent trente-un témoins entendus par les commissaires du Pape, on ne connaissait que la déposition d'un seul. Vers la fin du siècle dernier, un protestant d'Allemagne 3 trouva dans la bibliothèque royale de Paris les actes originaux de cette commission, avec les dépositions de tous les témoins. Pus tard, un protestant du Danemarck 1 trouva dans la bibliothèque du Vatican les actes originaux de la procédure faite en Angleterre. Enfin, tout récemment, un ministre protestant d'Allemagne, mettant à profit tous les documents anciens et nouveaux , a publié une nouvelle histoire des Templiers 2 Voici comme cet écrivain résume lui-même le résultat final de son travail.

« L'ordre était coupable et digne de la peine qu'il a subie, si on juge ses crimes d'après les idées de ce temps-là ; c'est pourqnoi les juges ecclésiastiques jugèrent justement, mais injustement Philippe, parce que le jugement n'était pas de sa compétence, et qu'il ne s'y portait point par amour de la justice; il aurait pu abolir l'ordre dans ses états, mais rien de plus. Devant le tribunal ecclésiastique l'ordre était très-punissable et sa peine proportionnée; la puissance séculière pouvait seulement révoquer ou restreindre ses privilèges, et requérir la hiérarchie d'abolir l'ordre ou de l'associer à un autre. Notre temps jugerait de même devant les deux fors, par l'abolition de l'ordre et la saisie des biens 3. » Le même auteur observe à plusieurs reprises que, si les justices particulières et royales employèrent la question suivant la jurisprudence d'alors, les commissaires du Pape ne l'employèrent pas, mais procédèrent avec douceur, circonspection et conscience 4. Il remarque en particulier sur les actes originaux retrouvés à Paris, qu'ils montrent dans un jour magnifique la douceur et la justice des commissaires pontificaux 5.

Quant au résultat des dépositions consignées dans ces actes, voici ce qu'il dit entre autres : « Pour ce qui est de renier le Christ et de cracher sur la croix, ces deux points sont avoués par tous les témoins, à peu d'exceptions près 6. Les témoins étaient au nombre de deux cent trente-un. Voici quelques-unes des dépositions les plus importantes. Raoul de Prêles avait un ami, le commandeur de Laon, Gervais de Beauvais, qui lui dit très-souvent, en présence de plusieurs autres, que dans l'ordre il y avait un point si singulier et tellement secret, qu'il aimerait autant qu'on lui coupât la tête que de le révéler ; que, de plus, il y avait dans le chapitre général un autre point d'un secret si important, que si par malheur son ami de Prèles ou le roi même le voyaient, nul motif n'empêcherait les frères assemblés de les tuer, s'ils le pouvaient 7.


2. Dupuy, p. 135
3.Moldenhawer.
1 Munter.
2 Wilcke. Hist. des Templiers (en allemand) , 3 vol. in-8° ; le
dernier est de 1835
3 Ibid., t.2,P10 et 11
4 T. 1, p. 291, 297 et 323; t. 2,p. 7, 21.
5.T.l, p. 343.
6 T. 1, p. 802.
7 Moldenbawer, p. 152et 154

pages 530 et 531
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Message  Invité Jeu 18 Nov 2010, 10:56 pm

http://sedevacantisme.wordpress.com/2010/11/06/la-fsspx-soutient-la-rehabilitation-des-templiers/

dans cette article il dise que les templiers était gay et satanique .... quelqu'un aurais la source de c'est accusation ?

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Message  gabrielle Ven 19 Nov 2010, 9:25 am

quentin a écrit:http://sedevacantisme.wordpress.com/2010/11/06/la-fsspx-soutient-la-rehabilitation-des-templiers/

dans cette article il dise que les templiers était gay et satanique .... quelqu'un aurais la source de c'est accusation ?

J'Ignore pour la FFSPX... mais je crois que les historiens confirment que les Templiers étaient devenus une source de mal.
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Message  gabrielle Ven 19 Nov 2010, 9:34 am

Jean de Saint-Benoit, prieur de l'Isle-Bouchard, fut oblige de renier le Seigneur et de cracher sur la croix ; il disait qu'il n'avait reçu personne de cette manière dans l'ordre, mais il mentait, comme le prouve l'interrogatoire 1. Guichard de Marziac, chevalier séculier, raconte que son ami, Hugues de Marchant, entra à la réception bien portant et plein de joie, mais qu'il en sortit pâle comme la mort et avec l'expression d'un trouble et d'une stupeur extrêmes, disant qu'il lui était impossible d'être plus jamais content au fond de son cœur ; il fut accablé d'une mélancolie incurable, et y mourut après deux ans 2.

Beaucoup de témoins confessèrent qu'ils avaient été contraints de renier le Christ par la menace, d'être mis en un lieu où ils ne verraient jamais ni leurs mains ni leurs pieds 3. A Gérard de Passage, on montra une croix de bois, en lui demandant s'il croyait que ce fût le Seigneur Dieu. Il répondit que c'était l'image du Crucifié. Ne le croyez pas, fut la réponse, ce n'est qu'un morceau de bois. Notre Seigneur est dans le ciel 4. Baymond Vassiniac avait renié, conspué et foulé aux pieds la croix sur son manteau, et cela en mépris du Crucifié ; il dut le faire, parce que c'était un usage de l'ordre 5. Baudouin de Saint-Just dut renier Dieu 6. Guillaume de Cardaillac fut requis de renier Dieu et de cracher sur la croix : comme il ne voulait, un chevalier du Temple, Dominique de Linac, le saisit d'une main à la poitrine, et, brandissant de l'autre un poignard, lui cria avec plusieurs des assistants : Obéis, ou tu es mort! Il cracha sur la croix, mais il fut dispensé du reniement par l'entremise de celui qui le recevait 7. Gilles de Botangi, clerc de l'Ordre ne voulait pas renier le Christ, parce qu'il était et voulait demeurer bon chrétien; on lui répliqua : Nous te reconnaissons pour tel et nous voulons l'être nous-mêmes, mais il faut que tu renies, parce que c'est un point de l'ordre 8.

A Albert de Canelles on dit, en lui montrant la croix du manteau : Ce crucifié-là était un faux prophète, ne croyez pas en lui, n'espérez ni ne vous confiez en lui, en mépris de lui crachez sur cette croix ! Comme Albert ne le voulait pas, on l'y contraignit l'é-pée à la main; il s'y prêta par la crainte de la mort et hors de lui-même 9.

Lorsque le Templier Bosco de Masvalier demanda à un vieux prieur pourquoi on faisait renier aux frères Jésus, le fils de la sainte Vierge, qu'un cantique si souvent chanté par eux célébrait comme le sauveur du monde, on lui répondit de se garder de toutes recherches curieuses, qui ne lui attireraient que le mécontentement des supérieurs, et d'aller tranquillement à table, attendu qu'il n'était pas le premier qui eût renié, et qu'il ne serait pas le dernier ; qu'on entendait un certain prophète dont l'histoire serait trop longue. Bosco croit avoir entendu parler d'un prophète qui s'appelait Josué 1. A Jean de Pont-l'Evêque on montra un crucifix, avec la demande s'il croyait que ce fût l'image de Dieu. Il répondit : Non, mais cela représente Dieu et le Crucifié. Celui qui le recevait lui dit : Quoi qu'il en soit, ne croyez plus jamais en celui que doit représenter cette image ! Il n'était pas Dieu, mais faux prophète. Reniez-le ! Il le fit 2. Presque tous les témoins furent de même reçus d'une manière blâmable ; c'est pourquoi les réceptions se faisaient si secrètement, que les parents mêmes du novice ne pouvaient y assister 3. Les chapitres se tenaient de même en secret, d'ordinaire vers la pointe du jour ; nul n'osait approcher la porte de la salle capitulaire 4.

Quant aux baisers obscènes dans les réceptions, on en dispensait les uns, on les exigeait des autres. La tête ou l'idole qu'on adorait n'avait été vue que du petit nombre des témoins. Du cordon mystérieux, les explications variaient. Beaucoup de témoins rappellent la permission de sodomie. Le prieur Raymond de Vassiniac n'en parlait point aux récipiendaires âgés, mais aux plus jeunes 5.

Sur l'omission des paroles de la consécration au saint sacrifice de la messe, on trouve ce qui suit : Le prêtre Gui de la Roche-Talhat était demeuré fidèle aux règles de l'Eglise, le président de sa réception s'étant borné à dire que l'omission de ces paroles était un usage habituel dans l'ordre, sans y joindre un commandement formel 6. Le prêtre Jean de Braulis fut extrêmement effrayé de l'injonction d'omettre à l'avenir les quatre paroles de la consécration en disant la messe ; il s'abstint de célébrer, jusqu'à ce qu'il eût reçu l'absolution d'un frère Mineur 7. Gautier de Buris devait omettre désormais à la messe les quatre paroles mystérieuses du canon ; comme le président de sa réception ne les avait pas nommées expressément, le prêtre de l'ordre, Jean de Buris, lui apprit qu'on entendait les quatre mots : hoc est corpus meum; cependant il ne les avait jamais omises à la messe 8. Bertrand de Villars devait également, en disant la messe, passer sous silence ces paroles 9.
1 Moldenhwer, p. 156 et 193
- 2 P. 160-163
- 3 P. 164,180,234, etc.
4 P.185-
5 p.202-
6 p.207-
7 p.628.
8 p.373
9.p.353

1 Moldenhawer, p. 617.
2 P. 507, 342, 423, 598.
3 P. 518, 563, 568-
4 P. 174.
5 P. 204 et 205. Wilcke, t. 1, p. 306-315.
6 Moldenhawer, p. 575.
7 P. 280.
8 P. 257,259, 262.
9P. 554.

pages 532- 533
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Message  Invité Ven 19 Nov 2010, 11:39 pm

gabrielle a écrit:
quentin a écrit:http://sedevacantisme.wordpress.com/2010/11/06/la-fsspx-soutient-la-rehabilitation-des-templiers/

dans cette article il dise que les templiers était gay et satanique .... quelqu'un aurais la source de c'est accusation ?

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