Histoire des Jésuites dans les Petits Bollandistes
Page 1 sur 1
Histoire des Jésuites dans les Petits Bollandistes
Au 31 juillet, fête de SAint Ignace de Loyola.
Ayant raconté plus haut la fondation de la Société de Jésus, nous allons brièvement parler : 1° de son extension dans les divers pays de la chré¬tienté ; 2° de sa constitution ; 3° de l'abolition et du rétablissement de l'Ordre.
1° Extension de l'Ordre, à dater de sa création jusqu'à son abolition.
Du vivant même de saint Ignace, Henri VIII, roi d'Angleterre, avait arraché son pays et son peuple à l'Eglise. Ignace n'avait pu y opposer que la prière. Cependant Brouet et Salmeron furent plus heureux en Irlande, qu'ils n'abandonnèrent qu'à la dernière extrémité et lorsque l'île leur fut absolument interdite. Mais, malgré ces persécutions, les Jésuites continuèrent à se hasarder à aborder cette île inhospitalière. Pendant ce temps d'autres Jésuites travaillaient avec une ardeur infatigable, en Italie, à l'amélioration des mœurs et à la réforme du clergé. En 1606, la république de Venise, alors en lutte avec le Saint-Siège, s'étant élevée contre les immunités ecclésiastiques et ayant empiété sur la juridiction de l'Eglise, ordonna aux Jésuites, si connus par leur attachement au Saint-Siège, d'obéir aux décrets du sénat ou de quitter la république. Ceux-ci, fidèles à leurs principes, durent quitter la ville. Leur maison fut immédiatement envahie, et la j justice prétendit y avoir découvert les choses les plus étranges.
A cette même époque, le roi de France Henri IV, s'occupant sérieusement de faire rentrer les Jésuites dans son royaume, voulut savoir s'ils étaient coupables ou non. Ses ambassadeurs ne purent obtenir du sénat aucune explication. Après de longues négociations, la réconciliation eut lieu, sans toutefois amener la réintégration des Jésuites. En 1656, le pape Alexandre VI soumit de nouveau l'affaire au Sénat qui finit par voter l'admission des Jésuites, qui rentrèrent en effet, le 19 janvier 1657. Depuis lors la Société de Jésus demeura paisible, nombreuse et active en Italie.
En France, la nationalité des premiers Jésuites et le monopole de l'Université furent dès l'origine deux obstacles aux progrès de l'Ordre. Pendant dix ans ils vécurent à Paris sans avoir en propre ni maison ni église. Au bout de ce temps, Guillaume Duprat, évoque de Clermont, leur donna une maison dans laquelle, sous le nom de Pères du Collège de Clermont (aujourd’hui le collège Louis le Grand), ils remplirent, en silence et sans aucun éclat extérieur, leur laborieux ministère. L'opposition de la Sorbonne leur fut très préjudiciable. Ils devinrent l'objet des discussions journalières ; on prêcha contre eux, on les insulta dans les rues, et finalement l'évêque de Paris, Eustache de Belley, leur interdit toutes fonctions ecclésiastiques dans son diocèse. Ils se retirèrent, sans réplique à Saint-Germain, et obtinrent de la munificence de l'évêque de Clermont un collège dans la petite ville de Billom, chef-lieu de canton dans le Puy-de-Dôme, où dès l'origine ils comptèrent plus de sept cents élèves (1557). L'évêque de Pamiers leur donna également un collège en Guyenne, et le cardinal de Tournon un troisième collège dans la ville de Tournon. Leur affaire ayant été portée à l'assemblée des Etats de Poissy, ils furent enfin admis légalement par toute la France, en 1561. Dès lors ils vécurent conformément à l'esprit de leur Ordre, sans être inquiétés. En 1564, ils ouvrirent au collège de Clermont leurs cours de philosophie et de littérature ; ils obtinrent un rare succès. Mais un nouveau recteur de l'Université, en entrant en fonctions, ordonna aux Jésuites de fermer leur école. Ils obéirent. Leurs élèves furent moins dociles, et leurs murmures décidèrent le ministère à autoriser de nouveau l'ouverture des cours. Les docteurs de l'Université songèrent alors aux moyens d'accuser publiquement les Jésuites, et, en attendant l'occasion, répandirent en secret les plus insignes calomnies contre la Société. Mais les Jésuites gagnèrent leur cause, et la majorité du parlement vota en leur faveur. Rétablis dès lors dans leurs droits, ils continuèrent à prouver leur zèle par leurs prédications et leurs écrits. Ils traversèrent ainsi des temps de troubles et de guerres civiles.
Henri III étant mort sous le poignard de Jacques Clément, les Huguenots trouvèrent l'occasion excellente pour renouveler leurs calomnieuses imputations et faire passer les Jésuites pour régicides. Ils publièrent des lettres, des fragments de sermons, attribués à tel ou tel jésuite, ou, ce qui était plus commode, aux Jésuites en général. Mais leur innocence éclata spécialement dans le procès de Jacques Clément. Pas un écrivain contemporain ne les accusa d'une participation quelconque, directe on indirecte, à cet attentat. Quant à la part qu'ils prirent à la Ligue, il est avéré qu'ils ne s'y associèrent jamais, mais qu'ils travaillèrent avec un zèle incomparable à la reconnaissance du roi Henri IV auprès du peuple et de la cour romaine. Ils se faisaient remarquer par la réserve, l'ordre, la dignité et la modération de leurs sermons. Malgré cette conduite sage et prudente, le parlement et l'Université résolurent de précipiter la chute des Jésuites avant qu’Henri IV eut pris lui-même la direction des affaires de l'Etat. L'Université renouvela leur procès, mais Sully en arrêta toute la procédure. Malheureusement l'attentat de Châtel, qui avait étudié chez les Jésuites, suffit pour les rendre responsables de son crime. Le Père Guéret fut accusé, mais les tribunaux les plus hostiles aux Jésuites ne trouvant pas le moindre indice de culpabilité, durent prononcer son acquittement. Quoi qu'il en soit, le Père Guignard mourut le 7 janvier 1595, entre les mains du bourreau, non comme un criminel, mais comme une victime innocente de la vengeance du parlement ; les biens des Jésuites furent confisqués ; on leur interdit leur costume, l'éducation des enfants, l'enseignement public ; on lança à profusion contre eux des libelles payés de leur argent, et qui les proclamaient factieux et séducteurs de la jeunesse. Henri IV eut de la peine à approuver cette sentence inique, bien loin de l'avoir, comme on l'a dit, rendue valable pour toute la France par un édit spécial. Le roi protégea au contraire les Jésuites tant qu'il put. Ils continuèrent leurs travaux évangéliques dans diverses provinces, telles que le Languedoc et la Guyenne, où les parlements ne leur étaient pas hostiles. Ainsi ce fut par un arrêt du parlement de Paris, du 29 décembre 1594, et non par un édit royal, qu'ils furent bannis d'une portion de la France.
En 1603, Henri IV publia un édit en vertu duquel ils étaient rétablis dans tous leurs biens et rappelés dans tout le royaume, sous la condition qu'ils jureraient obéissance et fidélité au roi et aux autorités du royaume qu'ils se soumettraient aux lois de l'Etat ; qu'ils ne fonderaient de nouveaux collèges, n'hériteraient de biens immeubles et n'accepteraient de successions qu'avec l'agrément du roi. Ils reçurent alors, dans beaucoup de villes qui n'avaient pas encore eu de Jésuites, des maisons et des collèges. Mais il fallut une volonté ferme et persévérante du roi pour faire enregistrer cet édit de rappel par le parlement, qui résista longtemps. Le roi les honora de sa confiance, leur bâtit à La Flèche un magnifique collège et releva celui de Dijon. Toutefois les Jésuites ne demeurèrent pas longtemps en repos. Le 14 mai 1610, Henri IV fut assassiné par Ravaillac, et cet abominable attentat leur fut de nouveau imputé, avec autant d'iniquité que d'acharnement ; mais personne, à la cour, ne croyait à leur complicité, et la reine-mère leur laissa toute sa confiance. Leur innocence fut établie par les actes de la procédure, qu'ils présentèrent en 1611 à la reine, avec un mémoire justificatif, sans que personne ne s’élevât contre l'authenticité de ces actes. Malgré les incessantes intrigues, les sourdes menées, les violentes diatribes des protestants, Louis XIII leur fut extrêmement favorable, et le cardinal de Richelieu prit énergiquement leur défense. Louis XIV eut le même penchant pour eux, ainsi que Mazarin et Louvois. Mais cette haute faveur ne réduisit jamais leurs adversaires au silence. Les Pères furent principalement attaqués par Pascal dans les Lettres provinciales, que Voltaire, tout Voltaire qu'il était, blâma et accusa de mensonge. Malgré l'influence et l'autorité dont ils jouissaient, on crut pouvoir les rendre responsables de la persécution dont les Jansénistes furent l'objet, des dragonnades, de la révocation de l'édit de Nantes, etc., etc. Enfin, sous le règne de Louis XV, les Jésuites succombèrent aux attaques des Encyclopédistes et des Jansénistes, comme nous le montrerons dans l'aperçu sur l'abolition de l'Ordre.
L'Allemagne reçut les Jésuites en 1551; ce fut Ferdinand d'Autriche qui, le premier, les appela dans ses Etats: Ils obtinrent du duc de Bavière une chaire de théologie à l'université d'Ingolstadt. Ils prêchèrent à la cour et dans la ville de Vienne, à Mayence et à Cologne. Bientôt après, le cardinal Farnèse, légat du Pape, détermina les évêques allemands à fonder des séminaires pour l'éducation de leur clergé et à les confier à la direction des Jésuites. Dès 1559, ils s'établirent dans la capitale de la Bavière, où on leur construisit un magnifique collège. Il en fut de même à Cologne, en 1556, à Trèves, en 1561, à Augsbourg, en 1563, à Erlangen, à Dillingen, Wurtzbourg, Ascliatfenbourg, Mayence et dans beaucoup d'autres villes allemandes. La Société de Jésus se répandit très rapidement dans toute l'Allemagne, et du vivant même de saint Ignace, elle y avait déjà vingt-six collèges et dix résidences. Ce nombre s'augmenta d'année en année, et il n'y eut bientôt plus de ville d'Allemagne de quelque importance qui ne possédât un collège de Jésuites. Le zèle qu'ils déployèrent partout les rendit bientôt si odieux à toutes les sectes que, dès 1588, leurs ennemis arrachèrent au prince Christophe Báthory un décret d'expulsion de la principauté de Transylvanie. Au bout de sept ans, toutefois, on les rappela. En 1630, une nouvelle persécution s'éleva, leur collège de Clausenbourg fut pillé ; quelques Pères furent blessés, et un d'entre eux tué. Durant l'espace de vingt ans, ils furent contraints de fuir trois ou quatre fois. Enfin, en 1687, l'empereur Léopold se servit heureusement des Jésuites pour relever le catholicisme en Transylvanie. En Hongrie, ils furent rudement persécutés ; mais l'empereur ayant mis un terme aux désordres politiques, les évêques fondèrent de nouveaux collèges et les confièrent aux Jésuites, qui devinrent bientôt aussi nombreux en Hongrie qu'en Autriche. Le même sort fut réservé aux Jésuites en Bohême. Etant devenus l'objet de la haine spéciale des Protestants et la victime de leurs fureurs, ils durent abandonner le pays ; mais ils y rentrèrent, sous la protection de l'empereur, à la suite des événements de 1620. Ils eurent beaucoup à souffrir en Moravie et dans la haute Autriche jusqu'au jour où le catholicisme y fut rétabli et consolidé.
Dès que la guerre éclata entre Charles-Quint et François Ier, tous les Espagnols furent contraints de quitter la France. Les Jésuites espagnols se rendirent à Bruxelles et se répandirent rapidement dans les Pays-Bas. Ils créèrent un collège à Louvain, qui devint plus tard un des plus grands établissements de l'Ordre. Ils obtinrent un autre collège à Anvers, et peu à peu ils purent s'établir dans plusieurs autres villes des Pays-Bas. Ils ne furent pas heureux en Russie. En Portugal et en Espagne, leur histoire ne prend d'importance qu'au moment de leur véritable ruine.
Catherine- Nombre de messages : 2399
Age : 39
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Histoire des Jésuites dans les Petits Bollandistes
2° Constitution de la Société de Jésus.
Sa constitution, quant à son essence et à sa base, lui fut donnée par saint Ignace. Laynez, et les autres généraux déterminèrent d'une manière plus spéciale l'organisation dans son détail et l'adaptèrent aux circonstances. Cette organisation est mixte. L'autorité suprême réside entre les mains des profès, qui forment le corps de la Société. La Congrégation générale, c'est-à-dire les représentants de l'Ordre élus par les profès, élit le Général, qui doit résider à Rome et n'est soumis qu'au Pape. L'autorité du général est illimitée, en ce sens que le conseil d'assistants qui lui est donné n'a qu'une voix consultative. Cependant cette autorité est restreinte sous d'autres rapports, car il est obligé de suivre les lois fondamentales de la constitution. Il peut, il est vrai, en dispenser dans des cas particuliers, mais il n'a en aucune façon le droit d'abolir ou de modifier les constitutions de l'Ordre.
Après le général viennent les Provinciaux, qui ne sont dépendants de personne dans l'exercice de leur pouvoir, et ne sont tenus de rendre compte qu'au général. A la suite des provinciaux viennent les Supérieurs des maisons professes, les Recteurs des collèges, les Supérieurs des résidences ou des collèges affiliés. Toutes ces charges sont renouvelées tous les trois ans, tandis que la dignité du général est à vie.
L'autorité du général, des provinciani et des supérieurs, est restreinte encore en ce qu'ils ont à leurs côtés un certain nombre de consulteurs ou d'Assistants et un Admoniteur.
Celui qui est admis dans la Société n'appartient plus à sa famille ; il est uniquement soumis à la direction de ses supérieurs et aux règles de l'Ordre. Le Postulant est admis après quelques épreuves sérieuses et des éclaircissements suffisants donnés sur les difficultés de sa vocation. Le Novice vit pendant deux ans dans la plus profonde retraite, complètement livré à ses réflexions et à la prière. Il est encore libre au bout de ce temps et n'est lié par aucun vœu. Ce terme écoulé, on le met à l'étude, et il passe deux ans à l'étude de la rhétorique et des belles-lettres, trois ans et souvent plus à celle de la philosophie, des sciences physiques et mathématiques. Ces études terminées, il faut qu'il professe lui-même dans une basse classe, et que, dans l'espace de cinq à six ans, il parcoure tontes les classes jusqu'à la plus élevée. Ce n'est qu'à l'âge de vingt-huit à trente ans que le jésuite commence à étudier la théologie, pendant quatre à six ans, et à la fin de cette étude, rarement avant l'âge de trente-deux ans, il est ordonné prêtre. Au terme de chaque année a lieu un sévère examen, et personne ne peut monter dans une classe supérieure s'il ne s'en est montré capable. A la fin de tout ce long cours d'études il y a un nouvel examen, très-sérieux, sur toutes les parties des connaissances philosophiques et théologiques, et le résultat décide en partie de l'admission future du sujet à la profession de l'Ordre. Ainsi préparé par une longue, pratique de la vie et des études variées et solides, le jésuite est soumis à un nouveau temps d'épreuves. Il est, à la vérité, ordonné prêtre, mais il ne peut encore remplir de fonctions ; il est obligé de rentrer au noviciat, de renoncer pendant toute une année à toute espèce d'étude, à toute relation extérieure. Ce temps s'appelle l'école du cœur. Sa solitude n'est interrompue que par quelques catéchismes faits aux petits enfants, par quelques missions données au peuple de la campagne. Alors seulement le jésuite est admis au grade, c'est-à-dire au dernier vœu comme profès, ou coadjuteur spirituel.
La différence essentielle de ces deux classes consiste en ce que les profès seuls constituent le corps de la Société proprement dite. Il y a donc quatre classes dans la hiérarchie 1° des Profès qui font, outre les trois vœux ordinaires, le quatrième vœu de l'obéissance absolue au Pape : c'est dans leurs rangs seulement que sont choisis le général et les supérieurs ; 2° des Coadjuteurs spirituels, qui sont les coopérateurs des profès pour l'enseignement et la prédication, et des Coadjuteurs temporels, c'est-à-dire des frères lais qui font les travaux manuels et remplissent les plus basses fonctions ; 3° des Scolastiques, c'est-à-dire tous ceux qui poursuivent leurs études et n'ont pas encore reçu de grade ; 4° des Novices.
Tous ces membres vivent, suivant la classe à laquelle ils appartiennent, dans des maisons professes, des collèges ou des noviciats.
Sa constitution, quant à son essence et à sa base, lui fut donnée par saint Ignace. Laynez, et les autres généraux déterminèrent d'une manière plus spéciale l'organisation dans son détail et l'adaptèrent aux circonstances. Cette organisation est mixte. L'autorité suprême réside entre les mains des profès, qui forment le corps de la Société. La Congrégation générale, c'est-à-dire les représentants de l'Ordre élus par les profès, élit le Général, qui doit résider à Rome et n'est soumis qu'au Pape. L'autorité du général est illimitée, en ce sens que le conseil d'assistants qui lui est donné n'a qu'une voix consultative. Cependant cette autorité est restreinte sous d'autres rapports, car il est obligé de suivre les lois fondamentales de la constitution. Il peut, il est vrai, en dispenser dans des cas particuliers, mais il n'a en aucune façon le droit d'abolir ou de modifier les constitutions de l'Ordre.
Après le général viennent les Provinciaux, qui ne sont dépendants de personne dans l'exercice de leur pouvoir, et ne sont tenus de rendre compte qu'au général. A la suite des provinciaux viennent les Supérieurs des maisons professes, les Recteurs des collèges, les Supérieurs des résidences ou des collèges affiliés. Toutes ces charges sont renouvelées tous les trois ans, tandis que la dignité du général est à vie.
L'autorité du général, des provinciani et des supérieurs, est restreinte encore en ce qu'ils ont à leurs côtés un certain nombre de consulteurs ou d'Assistants et un Admoniteur.
Celui qui est admis dans la Société n'appartient plus à sa famille ; il est uniquement soumis à la direction de ses supérieurs et aux règles de l'Ordre. Le Postulant est admis après quelques épreuves sérieuses et des éclaircissements suffisants donnés sur les difficultés de sa vocation. Le Novice vit pendant deux ans dans la plus profonde retraite, complètement livré à ses réflexions et à la prière. Il est encore libre au bout de ce temps et n'est lié par aucun vœu. Ce terme écoulé, on le met à l'étude, et il passe deux ans à l'étude de la rhétorique et des belles-lettres, trois ans et souvent plus à celle de la philosophie, des sciences physiques et mathématiques. Ces études terminées, il faut qu'il professe lui-même dans une basse classe, et que, dans l'espace de cinq à six ans, il parcoure tontes les classes jusqu'à la plus élevée. Ce n'est qu'à l'âge de vingt-huit à trente ans que le jésuite commence à étudier la théologie, pendant quatre à six ans, et à la fin de cette étude, rarement avant l'âge de trente-deux ans, il est ordonné prêtre. Au terme de chaque année a lieu un sévère examen, et personne ne peut monter dans une classe supérieure s'il ne s'en est montré capable. A la fin de tout ce long cours d'études il y a un nouvel examen, très-sérieux, sur toutes les parties des connaissances philosophiques et théologiques, et le résultat décide en partie de l'admission future du sujet à la profession de l'Ordre. Ainsi préparé par une longue, pratique de la vie et des études variées et solides, le jésuite est soumis à un nouveau temps d'épreuves. Il est, à la vérité, ordonné prêtre, mais il ne peut encore remplir de fonctions ; il est obligé de rentrer au noviciat, de renoncer pendant toute une année à toute espèce d'étude, à toute relation extérieure. Ce temps s'appelle l'école du cœur. Sa solitude n'est interrompue que par quelques catéchismes faits aux petits enfants, par quelques missions données au peuple de la campagne. Alors seulement le jésuite est admis au grade, c'est-à-dire au dernier vœu comme profès, ou coadjuteur spirituel.
La différence essentielle de ces deux classes consiste en ce que les profès seuls constituent le corps de la Société proprement dite. Il y a donc quatre classes dans la hiérarchie 1° des Profès qui font, outre les trois vœux ordinaires, le quatrième vœu de l'obéissance absolue au Pape : c'est dans leurs rangs seulement que sont choisis le général et les supérieurs ; 2° des Coadjuteurs spirituels, qui sont les coopérateurs des profès pour l'enseignement et la prédication, et des Coadjuteurs temporels, c'est-à-dire des frères lais qui font les travaux manuels et remplissent les plus basses fonctions ; 3° des Scolastiques, c'est-à-dire tous ceux qui poursuivent leurs études et n'ont pas encore reçu de grade ; 4° des Novices.
Tous ces membres vivent, suivant la classe à laquelle ils appartiennent, dans des maisons professes, des collèges ou des noviciats.
Catherine- Nombre de messages : 2399
Age : 39
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Histoire des Jésuites dans les Petits Bollandistes
3° Abolition et restauration de la Société.
L'Ordre des Jésuites avait déployé depuis plus de deux cents ans une activité féconde et éclatante dans toutes les contrées de l'Europe, et fondé une foule de missions parmi les païens de toute la terre, lorsqu'il fut atteint par une formidable et double catastrophe dans la péninsule Ibérique et en France, catastrophe à la suite de laquelle l'Ordre fut aboli par l'autorité de l'Eglise. En France, les Encyclopédistes, en vue d'anéantir le christianisme, résolurent la perte des Jésuites et trouvèrent des auxiliaires puissants à la cour. Les armes dont ils se servirent furent le mensonge, la calomnie et les pamphlets. Le 5 janvier 1.757, une tentative d'assassinat ayant eu lieu contre le roi Louis XV, aussitôt on accusa les Jésuites de complicité ; mais on ne put découvrir la plus légère trace de complicité de leur part. Sur ces entrefaites arriva la nouvelle de l'abolition de l'Ordre des Jésuites en Portugal. Le fameux Sébastien-José de Carvalho, plus connu sous le titre de marquis de Pombal, avait fait mettre en circulation toute espèce de pamphlets dirigés contre eux; on leur attribuait d'immenses richesses dans l'Uruguay et le Paraguay, et on répandait partout qu'ils menaçaient le monde de la domination universelle. Pombal exploita merveilleusement ces bruits calomnieux. Les Jésuites furent chassés violemment des missions portugaises en Amérique ; et pour donner une apparence de légalité à des mesures iniques, on insista auprès du pape Benoît XIV pour qu'il donnât ordre de visiter et de réformer l'Ordre, qui était complètement déchu, disait-on, de ses pieux et saints statuts. Quelque temps après on prétendit que, dans la nuit du 3 au 4 septembre 1758, une tentative d'assassinat avait été dirigée contre le roi, et les Jésuites furent désignés comme les auteurs de ce crime ; de là, leur bannissement du Portugal et l'abolition de leur Ordre en ce royaume, en 1759.
A peine la nouvelle de cette abolition eut-elle parvenu en France, qu'aussitôt le royaume fut inondé d'une multitude de pamphlets payés par le ministère. On les représenta comme des hommes dangereux pour l'Etat, n'excitant partout que trouble et sédition. Telle était la situation des esprits en France, lorsqu'on apprit que le Père Lavalette, procureur de la maison des Jésuites à la Martinique, avait fait de malheureuses opérations, avait été déclaré en faillite et exclu de l'Ordre. Cette désobéissance aux prescriptions formelles du Saint-Siège, et spécialement de Benoît XIV, eut les plus désastreuses conséquences. Les ennemis des Jésuites surent l'exploiter de toute façon et firent intenter un procès à toute la Compagnie devant le Parlement. Le général de l'Ordre, et l'Ordre dans sa personne furent condamnés. La perte de ce procès fut des plus désastreuses pour l'Ordre. Elle eut pour conséquence immédiate que les confréries, les pieuses associations et les retraites des Jésuites furent abolies comme dangereuses pour l’Etat. Le 6 août 1761, le parlement se hâta de publier un arrêt qui interdit aux Français l'entrée de la Compagnie, ordonna la fermeture de ses collèges et déclara incapable du service de l'Etat quiconque à l'avenir suivrait leur enseignement. Louis XV annula, au commencement de 1762, l'arrêt du parlement; mais celui-ci refusa l'enregistrement de l'arrêt royal, et le roi se vit obligé de le retirer. Le 6 août 1762, le parlement rendit un nouvel arrêt en vertu duquel l'Ordre des jésuites était aboli comme impie et sacrilège dans sa doctrine, dangereux pour l'Etat dans sa pratique ; les vœux étaient proclamés nuls, et commandement était donné aux membres de la Société abolie d'abandonner leurs maisons et de déposer leur costume. La plupart des parlements suivirent l'exemple de celui de Paris, à l'exception de ceux de Franche-Comté, d'Alsace, de Flandre et d'Artois. Le Pape et l'épiscopat se prononçaient pour le maintien de leurs droits, et la justice semblait cette fois devoir se faire jour, lorsque les Jansénistes et les philosophes reprirent leurs vieilles menées et les poussèrent plus loin que jamais. L'archevêque de Paris, Mgr de Beaumont, les ayant pris sous sa protection et ayant publié une lettre pastorale en leur faveur, fut exilé à la Trappe… A Brest on pendit un jésuite ; à Paris on pendit un prêtre séculier qui avait osé prendre leur défense.
En 1764, voyant que les évêques les employaient au ministère pastoral, on exigea d'eux qu'ils déclarassent par serment qu'ils considéraient leur Ordre comme nuisible et coupable, exigence à laquelle, sauf quelques rares exceptions, ils résistèrent courageusement. Un édit subrepticement arraché au roi, en novembre 1764, confirma toutes les iniquités parlementaires, déclara définitivement l'Ordre aboli, en accordant à ses membres l'autorisation de vivre comme personnes privées dans le royaume. Cet édit décida le pape Clément XIII à parler à son tour, et, le 7 janvier 1765, il promulgua la bulle Apostolicum, qui approuvait de nouveau la Société de Jésus.
Mais la tempête déchaînée contre les Jésuites ne se borna pas à la France et au Portugal ; elle eut du retentissement en Espagne, à Naples et en Sicile. Une sédition ayant eu lieu en Espagne, on l'imputa à l'Ordre des Jésuites, et dans la nuit du 31 mars 1767 on les expulsa du royaume. Plus de six mille Jésuites furent entassés dans des navires et déportés dans les Etats de l'Eglise; le sol espagnol leur fut interdit sous peine de mort. Ainsi, sans accusation, sans enquête, sans jugement, l'Ordre fut exilé, dépouillé de ses biens, et toutes ces mesures iniques furent approuvées par la soi-disant pragmatique sanction de Charles III, du 3 avril 1767. En vain le cardinal Braschi, devenu plus tard le pape Pie VI, démontra la fausseté des lettres qui avaient servi de texte d'accusation ; en vain Clément XIII se plaignit, dans une lettre adressée à Charles III, du traitement inique dont était frappé un Ordre innocent : l'iniquité consommée fut maintenue. Le même sort atteignit les Jésuites en Sicile et à Naples, où, le 6 novembre, par ordre du premier ministre, le marquis de Tanucci, ils furent saisis, embarqués et déportés dans les Etats de l'Eglise, de même qu'à Parme, d'où ils furent renvoyés, le 7 février 1768, malgré les réclamations paternelles et énergiques de Clément XIII.
L'Ordre demeurait innocent aux yeux du monde catholique, couvert qu'il était par la protection et la confiance du Saint-Père. Cependant le pape Clément XIV, obsédé de tous côtés par les cours, ordonna, au mois d'octobre 1772, la fermeture du collée romain, interdit l'enseignement, la prédication, la confession aux Jésuites et fit mettre les archives de leurs maisons sous le scellé. Les mêmes mesures furent prises dans d'autres villes des Etats de l'Eglise. Ainsi fut peu à peu préparé le bref de suppression Dominus ac Redemptor noster. Clément XIV ne condamna l'Ordre, suivant ses propres paroles, que « par amour pour la paix, et pour rétablir la bonne intelligence entre le Saint-Siège et les divers cabinets de l'Europe ». Frédéric, roi de Prusse, défendit qu'on communiquât officiellement le bref aux autorités de Silésie, et fit savoir au Saint-Siège, par son chargé d'affaires, qu'il était résolu de maintenir les Jésuites, parce que c'étaient les meilleurs prêtres de son royaume. Catherine, impératrice de Russie, en agit de même à l'égard des Jésuites de ses Etats, et quand le pape Pie VI monta sur le trône, elle lui demanda la réintégration de l'Ordre, ce que le Pape, malgré son bon vouloir, ne put encore accorder. Cependant les Jésuites s'efforcèrent de conserver l'esprit de leur Ordre sous le nom de Clercs du Sacré-Cœur et de Missionnaires de la Foi.
Le pape Pie VII rétablit, à la demande expresse de Paul ler, pour toute la Russie, la Société dans tous ses droits et privilèges antérieurs, et l'autorisa à élire un général, en place du vicaire général qu'elle avait eu jusqu'alors. Ferdinand 1V, roi de Naples, demanda leur rétablissement et offrit de leur rendre tous les biens qui leur avaient été enlevés. Le Pape lui octroya sa demande par son bref du 31 juillet 1804, et un noviciat fut érigé à Naples. Le 7 août 1814, la Bulle Sollicitude omnium Ecclesiarum révoqua solennellement le bref de Clément XIV, et rétablit la Société dans tous les pays catholiques. La Belgique et l'Irlande les tolérèrent ; Naples, la Sardaigne et Modène leur confièrent l'enseignement de la jeunesse ; Ferdinand VI les rétablit en Espagne dans la possession de leurs biens : la révolution de 1820 les chassa; la restauration de 1823 les ramena. La révolution de 1830 restreignit leurs privilèges ; en 1835, ils furent définitivement renvoyés du royaume.
En France, on les toléra tacitement d'abord, et on les rétablit légalement en 1822; mais le gouvernement des Bourbons fut contraint, en 1828, par les Chambres, à restreindre l'influence de la Compagnie, à soumettre leurs maisons d'éducation à l'Université et à les surveiller de près. Après la révolution de juillet, l'Université leur fit interdire l'enseignement de Ill jeunesse, et en 1845, Grégoire XVI consentit à ce que les Jésuites fussent à l'amiable renvoyés de France. Ils y furent toutefois tolérés comme individus ; on leur laissa même un certain nombre de maisons, et le gouvernement feignit de ne pas s'apercevoir qu'ils continuaient à y recevoir des novices et à exercer le ministère pastoral dans tous les diocèses où l'on s'empressait de les appeler. La République de 1848 les replaça dans le droit commun et les laissa jouir de la même liberté que tous les autres citoyens. Depuis lors ils ont ouvert beaucoup de collèges en France ; ils y ont en outre un grand nombre de résidences pour le ministère, plusieurs noviciats, des maisons d'études et de retraite ; ils dirigent aussi quelques séminaires.
Le Portugal les renvoya en 1833, et le Brésil refusa de les admettre. Ils furent rétablis en Suisse, puis expulsés de ce pays. Ils rencontrèrent peu d'opposition en Angleterre; toutefois les Jésuites anglais d'origine sont seuls tolérés. Ils se sont établis à Malte en 1845, et répandus activement dans les Etats d'Amérique comme dans les Indes orientales. En revanche leur situation a été bouleversée en Russie. En 1813 ils furent expulsés de Saint-Pétersbourg et de Moscou ; en 1820, de toute la Russie et de la Pologne, parce qu'ils furent considérés comme le plus grand obstacle à l'union projetée des Russes et des Polonais dans l'église schismatique gréco-russe. Ils ne sont généralement pas inquiétés dans les Etats de la monarchie autrichienne. M. de Bismarck vient de les expulser violemment de tous les Etats de l'Allemagne soumis au joug prussien. Après avoir persécuté les Jésuites, il persécute les catholiques allemands : ainsi la Providence les punit d'avoir collaboré à la fondation d'un empire hérétique et tyrannique.
L'Ordre des Jésuites avait déployé depuis plus de deux cents ans une activité féconde et éclatante dans toutes les contrées de l'Europe, et fondé une foule de missions parmi les païens de toute la terre, lorsqu'il fut atteint par une formidable et double catastrophe dans la péninsule Ibérique et en France, catastrophe à la suite de laquelle l'Ordre fut aboli par l'autorité de l'Eglise. En France, les Encyclopédistes, en vue d'anéantir le christianisme, résolurent la perte des Jésuites et trouvèrent des auxiliaires puissants à la cour. Les armes dont ils se servirent furent le mensonge, la calomnie et les pamphlets. Le 5 janvier 1.757, une tentative d'assassinat ayant eu lieu contre le roi Louis XV, aussitôt on accusa les Jésuites de complicité ; mais on ne put découvrir la plus légère trace de complicité de leur part. Sur ces entrefaites arriva la nouvelle de l'abolition de l'Ordre des Jésuites en Portugal. Le fameux Sébastien-José de Carvalho, plus connu sous le titre de marquis de Pombal, avait fait mettre en circulation toute espèce de pamphlets dirigés contre eux; on leur attribuait d'immenses richesses dans l'Uruguay et le Paraguay, et on répandait partout qu'ils menaçaient le monde de la domination universelle. Pombal exploita merveilleusement ces bruits calomnieux. Les Jésuites furent chassés violemment des missions portugaises en Amérique ; et pour donner une apparence de légalité à des mesures iniques, on insista auprès du pape Benoît XIV pour qu'il donnât ordre de visiter et de réformer l'Ordre, qui était complètement déchu, disait-on, de ses pieux et saints statuts. Quelque temps après on prétendit que, dans la nuit du 3 au 4 septembre 1758, une tentative d'assassinat avait été dirigée contre le roi, et les Jésuites furent désignés comme les auteurs de ce crime ; de là, leur bannissement du Portugal et l'abolition de leur Ordre en ce royaume, en 1759.
A peine la nouvelle de cette abolition eut-elle parvenu en France, qu'aussitôt le royaume fut inondé d'une multitude de pamphlets payés par le ministère. On les représenta comme des hommes dangereux pour l'Etat, n'excitant partout que trouble et sédition. Telle était la situation des esprits en France, lorsqu'on apprit que le Père Lavalette, procureur de la maison des Jésuites à la Martinique, avait fait de malheureuses opérations, avait été déclaré en faillite et exclu de l'Ordre. Cette désobéissance aux prescriptions formelles du Saint-Siège, et spécialement de Benoît XIV, eut les plus désastreuses conséquences. Les ennemis des Jésuites surent l'exploiter de toute façon et firent intenter un procès à toute la Compagnie devant le Parlement. Le général de l'Ordre, et l'Ordre dans sa personne furent condamnés. La perte de ce procès fut des plus désastreuses pour l'Ordre. Elle eut pour conséquence immédiate que les confréries, les pieuses associations et les retraites des Jésuites furent abolies comme dangereuses pour l’Etat. Le 6 août 1761, le parlement se hâta de publier un arrêt qui interdit aux Français l'entrée de la Compagnie, ordonna la fermeture de ses collèges et déclara incapable du service de l'Etat quiconque à l'avenir suivrait leur enseignement. Louis XV annula, au commencement de 1762, l'arrêt du parlement; mais celui-ci refusa l'enregistrement de l'arrêt royal, et le roi se vit obligé de le retirer. Le 6 août 1762, le parlement rendit un nouvel arrêt en vertu duquel l'Ordre des jésuites était aboli comme impie et sacrilège dans sa doctrine, dangereux pour l'Etat dans sa pratique ; les vœux étaient proclamés nuls, et commandement était donné aux membres de la Société abolie d'abandonner leurs maisons et de déposer leur costume. La plupart des parlements suivirent l'exemple de celui de Paris, à l'exception de ceux de Franche-Comté, d'Alsace, de Flandre et d'Artois. Le Pape et l'épiscopat se prononçaient pour le maintien de leurs droits, et la justice semblait cette fois devoir se faire jour, lorsque les Jansénistes et les philosophes reprirent leurs vieilles menées et les poussèrent plus loin que jamais. L'archevêque de Paris, Mgr de Beaumont, les ayant pris sous sa protection et ayant publié une lettre pastorale en leur faveur, fut exilé à la Trappe… A Brest on pendit un jésuite ; à Paris on pendit un prêtre séculier qui avait osé prendre leur défense.
En 1764, voyant que les évêques les employaient au ministère pastoral, on exigea d'eux qu'ils déclarassent par serment qu'ils considéraient leur Ordre comme nuisible et coupable, exigence à laquelle, sauf quelques rares exceptions, ils résistèrent courageusement. Un édit subrepticement arraché au roi, en novembre 1764, confirma toutes les iniquités parlementaires, déclara définitivement l'Ordre aboli, en accordant à ses membres l'autorisation de vivre comme personnes privées dans le royaume. Cet édit décida le pape Clément XIII à parler à son tour, et, le 7 janvier 1765, il promulgua la bulle Apostolicum, qui approuvait de nouveau la Société de Jésus.
Mais la tempête déchaînée contre les Jésuites ne se borna pas à la France et au Portugal ; elle eut du retentissement en Espagne, à Naples et en Sicile. Une sédition ayant eu lieu en Espagne, on l'imputa à l'Ordre des Jésuites, et dans la nuit du 31 mars 1767 on les expulsa du royaume. Plus de six mille Jésuites furent entassés dans des navires et déportés dans les Etats de l'Eglise; le sol espagnol leur fut interdit sous peine de mort. Ainsi, sans accusation, sans enquête, sans jugement, l'Ordre fut exilé, dépouillé de ses biens, et toutes ces mesures iniques furent approuvées par la soi-disant pragmatique sanction de Charles III, du 3 avril 1767. En vain le cardinal Braschi, devenu plus tard le pape Pie VI, démontra la fausseté des lettres qui avaient servi de texte d'accusation ; en vain Clément XIII se plaignit, dans une lettre adressée à Charles III, du traitement inique dont était frappé un Ordre innocent : l'iniquité consommée fut maintenue. Le même sort atteignit les Jésuites en Sicile et à Naples, où, le 6 novembre, par ordre du premier ministre, le marquis de Tanucci, ils furent saisis, embarqués et déportés dans les Etats de l'Eglise, de même qu'à Parme, d'où ils furent renvoyés, le 7 février 1768, malgré les réclamations paternelles et énergiques de Clément XIII.
L'Ordre demeurait innocent aux yeux du monde catholique, couvert qu'il était par la protection et la confiance du Saint-Père. Cependant le pape Clément XIV, obsédé de tous côtés par les cours, ordonna, au mois d'octobre 1772, la fermeture du collée romain, interdit l'enseignement, la prédication, la confession aux Jésuites et fit mettre les archives de leurs maisons sous le scellé. Les mêmes mesures furent prises dans d'autres villes des Etats de l'Eglise. Ainsi fut peu à peu préparé le bref de suppression Dominus ac Redemptor noster. Clément XIV ne condamna l'Ordre, suivant ses propres paroles, que « par amour pour la paix, et pour rétablir la bonne intelligence entre le Saint-Siège et les divers cabinets de l'Europe ». Frédéric, roi de Prusse, défendit qu'on communiquât officiellement le bref aux autorités de Silésie, et fit savoir au Saint-Siège, par son chargé d'affaires, qu'il était résolu de maintenir les Jésuites, parce que c'étaient les meilleurs prêtres de son royaume. Catherine, impératrice de Russie, en agit de même à l'égard des Jésuites de ses Etats, et quand le pape Pie VI monta sur le trône, elle lui demanda la réintégration de l'Ordre, ce que le Pape, malgré son bon vouloir, ne put encore accorder. Cependant les Jésuites s'efforcèrent de conserver l'esprit de leur Ordre sous le nom de Clercs du Sacré-Cœur et de Missionnaires de la Foi.
Le pape Pie VII rétablit, à la demande expresse de Paul ler, pour toute la Russie, la Société dans tous ses droits et privilèges antérieurs, et l'autorisa à élire un général, en place du vicaire général qu'elle avait eu jusqu'alors. Ferdinand 1V, roi de Naples, demanda leur rétablissement et offrit de leur rendre tous les biens qui leur avaient été enlevés. Le Pape lui octroya sa demande par son bref du 31 juillet 1804, et un noviciat fut érigé à Naples. Le 7 août 1814, la Bulle Sollicitude omnium Ecclesiarum révoqua solennellement le bref de Clément XIV, et rétablit la Société dans tous les pays catholiques. La Belgique et l'Irlande les tolérèrent ; Naples, la Sardaigne et Modène leur confièrent l'enseignement de la jeunesse ; Ferdinand VI les rétablit en Espagne dans la possession de leurs biens : la révolution de 1820 les chassa; la restauration de 1823 les ramena. La révolution de 1830 restreignit leurs privilèges ; en 1835, ils furent définitivement renvoyés du royaume.
En France, on les toléra tacitement d'abord, et on les rétablit légalement en 1822; mais le gouvernement des Bourbons fut contraint, en 1828, par les Chambres, à restreindre l'influence de la Compagnie, à soumettre leurs maisons d'éducation à l'Université et à les surveiller de près. Après la révolution de juillet, l'Université leur fit interdire l'enseignement de Ill jeunesse, et en 1845, Grégoire XVI consentit à ce que les Jésuites fussent à l'amiable renvoyés de France. Ils y furent toutefois tolérés comme individus ; on leur laissa même un certain nombre de maisons, et le gouvernement feignit de ne pas s'apercevoir qu'ils continuaient à y recevoir des novices et à exercer le ministère pastoral dans tous les diocèses où l'on s'empressait de les appeler. La République de 1848 les replaça dans le droit commun et les laissa jouir de la même liberté que tous les autres citoyens. Depuis lors ils ont ouvert beaucoup de collèges en France ; ils y ont en outre un grand nombre de résidences pour le ministère, plusieurs noviciats, des maisons d'études et de retraite ; ils dirigent aussi quelques séminaires.
Le Portugal les renvoya en 1833, et le Brésil refusa de les admettre. Ils furent rétablis en Suisse, puis expulsés de ce pays. Ils rencontrèrent peu d'opposition en Angleterre; toutefois les Jésuites anglais d'origine sont seuls tolérés. Ils se sont établis à Malte en 1845, et répandus activement dans les Etats d'Amérique comme dans les Indes orientales. En revanche leur situation a été bouleversée en Russie. En 1813 ils furent expulsés de Saint-Pétersbourg et de Moscou ; en 1820, de toute la Russie et de la Pologne, parce qu'ils furent considérés comme le plus grand obstacle à l'union projetée des Russes et des Polonais dans l'église schismatique gréco-russe. Ils ne sont généralement pas inquiétés dans les Etats de la monarchie autrichienne. M. de Bismarck vient de les expulser violemment de tous les Etats de l'Allemagne soumis au joug prussien. Après avoir persécuté les Jésuites, il persécute les catholiques allemands : ainsi la Providence les punit d'avoir collaboré à la fondation d'un empire hérétique et tyrannique.
Catherine- Nombre de messages : 2399
Age : 39
Date d'inscription : 02/04/2009
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum