Témoignage de l'abbé Cekada.
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Témoignage de l'abbé Cekada.
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LA FSSPX : UN PIEGE ?
LES NEUF CONTRE MGR. LEFEBVRE
PAR L’ABBÉ ANTHONY CEKADA
L’HISTOIRE DE NOTRE COMBAT JURIDIQUE CONTRE MGR. LEFEBVRE ET LA FSSPX
"Saint Thomas, lorsqu’il parle de correction fraternelle, fait allusion à la résistance de saint Paul face à saint Pierre et donne le commentaire suivant : ‘... Nous devons réaliser cependant que s’il y avait danger pour la foi, les supé-rieurs devraient être réprimandés par leurs subordonnés, même en public.’
Cela est clair dans la manière et la raison qui font agir saint Paul de cette façon envers saint Pierre dont il était question dit le commentaire de Saint Augustin, ‘ce que la véritable tête de l’Eglise montrait aux supérieurs c’est qu’au cas où ils risqueraient de quitter la voie droite et étroite, ils devaient accepter d’être repris par leurs inférieurs."
- Monseigneur Marcel Lefebvre (réponse à la question : "comment voyez-vous l’obéissance au Pape ?" 20 Jan-vier 1978
Non, je ne regrette rien. Edith Piaf
Il y a 25 ans, en même temps que huit autres prêtres Américains de la FSSPX, j’ai été impliqué dans une longue bataille avec Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991), le fondateur de la Fraternité et le prélat qui nous avait ordonné.
Le conflit entre l’archevêque et les Américains, généralement appelés collectivement "Les Neuf", devint public après une rencontre entre les deux parties le 27 Avril 1983 à Oyster Bay Cove, NY.
Le groupe de prêtres composé des Abbés Clarence Kelly (Supérieur du District Nord Est de la FSSPX), Donald J. Sanborn (Recteur du Séminaire de la Fraternité) ; Daniel L. Dolan (Directeur des Missions du District Nord Est), An-thony Cekada (Trésorier du District Nord Est), William W. Jenkins (professeur de séminaire), Joseph F. Collins (Pro-fesseur de séminaire), Eugène R. Berry, Thomas Zapp (récemment ordonnés et enseignants à St. Marys, Kansas) et Martin Skierka (récemment ordonné).
Ce qui débuta comme une controverse théologique se transforma rapidement cependant en une longue bataille menée devant les tribunaux civils U.S. Mgr Lefebvre demandait à ce que nous lui remettions le contrôle des églises et chapelles où nous célébrions la Messe pour nos fidèles. Nous avons refusé, il nous poursuivit, nous poursuivîmes en retour, et les deux parties menèrent durant quatre ans une guerre juridique qui prit fin en 1987.
Les onze propriétés en question étaient situées dans les états de New York, Pennsylvanie, Ohio, Michigan, Minne-sota et Connecticut. A l’exception du bâtiment du séminaire à Ridgefield CT, les assemblées de fidèles que nous des-servions fournissaient tous les fonds nécessaires à l’achat et au fonctionnement de ces établissements. L’immense majorité des laïques de ces lieux appuyèrent notre position contre Mgr Lefebvre et son organisation.
En 2007 Mgr Richard N. Williamson publia un recueil des bulletins qu’il écrivit durant cette période, lorsqu’il était recteur du Séminaire de la Fraternité à Ridgefield, Connecticut1. Naturellement il s’agit de la version "officielle" de la Fraternité sur la bataille judiciaire. C’est celle qui, en partie ou en totalité, a été donnée à plusieurs générations de prê-tres, séminaristes et laïques de la Fraternité.
Les Neuf, d’après cette version, tous très très méchants, étaient des sédévacantistes (à tout le moins secrètement) qui se rebellaient contre l’autorité de la FSSPX et son saint archevêque fondateur. Ils ont alors fait appel au système judiciaire U.S. pour léser la Fraternité de plusieurs de ses églises du Nord Est et du Middle West. Ceux qui répètent ce conte, ne semblent jamais remarquer qu’il reflète, sinon de l’hypocrisie, tout au moins un double langage – suivant le-quel la justesse ou la fausseté d’un acte est jugé selon sa conformité à la volonté de Mgr. Lefebvre.
Par exemple, quand Mgr Lefebvre dit en fait à Paul VI ou à Jean Paul II, "Nous vous résistons fermement", il fait écho aux reproches de saint Paul à saint Pierre, et devient le saint Athanase du 20è siècle. Mais si un prêtre dit la même chose à Mgr Lefebvre, il est un rebelle et un ingrat. Ou quand des prêtres et des laïcs s’emparent en 1978 d’une église qu’ils n’ont pas payée (Saont Nicolas du Chardonnet) et la remettent à Mgr Lefebvre et la FSSPX, ils sont des héros de la résistance traditionaliste.
Mais quand des prêtres et des laïcs traditionalistes Américains possèdent des églises en 1983, églises qu’ils ont fi-nancées et refusent de les remettre à Mgr Lefebvre et à la FSSPX, ce sont des conspirateurs, des escrocs et des vo-leurs.
Etant la principale personne responsable de la coordination de notre défense juridique vis à vis des prétentions de Mgr Lefebvre et de la Fraternité, je suis généralement décrit comme le méchant en chef de l’affaire, suivi (de très près) par l’abbé Clarence Kelly.
Mgr Williamson ayant publié le point de vue de la Fraternité, je décidai de donner ma propre opinion du conflit qui se déroula il y a un quart de siècle. Ce qui, je l’espère, donnera un autre son de cloche au conte qui a fait le tour des cercles de la FSSPX durant tant d’années.
I. ELÉMENTS CONTRIBUTIFS
Toute personne qui a entendu parler de notre bataille juridique avec Mgr Lefebvre et la FSSPX sait qu’elle a débu-té sous la forme d’une sorte de controverse théologique. Mais bien avant que nous ne soyons confrontés au tribunal à nos anciens confrères, il y avait au moins quatre éléments en place qui influenceraient le cours des évènements.
1. Les plus anciens prêtres parmi les Neuf croyaient que la FSSPX était simplement un moyen de combattre le modernisme et que, de même que d’autres organisations après Vatican II, la FSSPX pourrait également être dissoute.
1 Letters from the Rector of St. Thomas Aquinas Seminary : Volume 1, The Ridgefield Letters : From “The Nine” to the Episcopal Consecrations (1983–1988), (Overland Park KS : True Restoration Press 2007).
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2. La position théologique notablement plus souple que prit Mgr Lefebvre vis à vis de "Rome" après la mort de son vieil ennemi Montini (Paul VI) en 1978, et que Jean Paul II ait charmé l’archevêque en recherchant le compromis par des négociations à venir.
3. La confusion sur la nature de la FSSPX en tant qu’organisation.
4. L’incohérence dans la pratique de la possession de propriétés.
A. L’ETAT D’ESPRIT DES NEUF
A mon sens, l’élément principal qui prépara le terrain pour la bataille juridique fut la "mentalité" des Neuf, particuliè-rement pour ses cinq membres les plus anciens : les abbés Kelly (ordonné en 1973), Sanborn (1975), Dolan (1976) et moi-même (1977).
Nos parcours personnels étaient remarquablement semblables. Nous avions été élevés dans l’Eglise d’avant Vati-can II et étions entrés au séminaire en différents endroits du pays, où nous fûmes témoins des effets désastreux des changements de Vatican II. Nous étions tous des combattants qui affrontaient continuellement les modernistes dans nos séminaires respectifs et la hiérarchie avant de rejoindre finalement Mgr Lefebvre à son séminaire d’Ecône en Suisse.
Dans mon cas personnel, ce trajet prit dix ans. Si Vatican II n’avait pas eu lieu, je n’aurais eu aucun intérêt de quelque sorte à rejoindre Mgr Lefebvre ou son organisation. Je ne vins pas à Ecône parce que j’étais attiré par le "saint archevêque" et "l’esprit" de sa société. J’y vins parce que je haïssais le modernisme, et que je voulais être prê-tre pour combattre cette plaie dans tous ses aspects.
Lors d’une conférence, en effet, Mgr Lefebvre admit que c’était probablement le cas de la plupart d’entre nous ; en temps normal, disait-il, la majorité d’entre nous aurait choisi d’être Jésuite, Bénédictin, Dominicain ou prêtre diocésain, plutôt que membre de la Fraternité.
D’ailleurs, avant Ecône, j’avais vu bien d’autres saints prêtres et prélats, de même que des institutions bien plus impressionnantes et vénérables que la FSSPX, capituler, se dissoudre où rejoindre avec enthousiasme le camp en-nemi. Si l’"Evêque de Fer" d’Ecône en faisait autant un jour, ce ne serait pas une surprise totale, mais je n’aurais pas continué avec lui.
Ainsi, lorsque nous, les prêtres les plus anciens fûmes ordonnés et commencèrent à organiser des groupes de fi-dèles Catholiques en chapelles traditionnelles à travers les Etats Unis dans les années 70, nous ne considérions pas notre apostolat comme une extension de l’oeuvre de Mgr Lefebvre et de la FSSPX, ou même de préservation de la "Messe en Latin". Pour nous, c’était une oeuvre de combat contre les hérétiques et de fourniture des sacrements vali-des.
Depuis le début, nous avons été clairs à ce sujet vis à vis des fidèles de toutes les missions que nous avons fon-dées. L’abbé (maintenant évêque) Dolan (qui fonda plus de 30 missions lorsqu’il était à la FSSPX) faisait toujours une déclaration de principe aux Catholiques qui l’invitaient dans une ville. Il expliquait que l’Eglise Conciliaire était une fausse religion qui enseignait l’hérésie, que Paul VI n’était pas réellement pape, et que les sacrements conférés par l’Eglise Conciliaire étaient invalides dans la plupart des cas. C’est ce que nous proclamions continuellement en chaire.
Pour moi et les autres membres des Neuf, Mgr Lefebvre et son association n’étaient rien d’autre dans l’Eglise : un moyen pour un but – la défense de la doctrine Catholique et la sauvegarde des âmes - et non une fin.
Ainsi, au cas où l’archevêque et son organisation se rendraient à l’ennemi (ainsi que nous l’avons vu de beaucoup d’autres) ils n’auraient aucun droit sur nous et nous ne leur aurions dû aucune obéissance.
B. NOUVEAU CLIMAT À ROME
Le deuxième élément significatif qui mettrait en scène notre combat juridique avec l’archevêque fut le changement notable de sa "ligne" après la mort de son vieil ennemi Montini (Paul VI) à qui Jean Paul II succéda en 1978, ce der-nier le recevant chaudement. Bien qu’on ne puisse nier que Mgr Lefebvre fusse un anti-libéral et anti-moderniste convaincu, Mgr Montini avait été un ennemi personnel lorsque l’archevêque faisait partie du corps diplomatique du Va-tican avant Vatican II. Plus tard, Montini avait aussi pris le parti des libéraux de la hiérarchie Française contre l’archevêque.
Je pense que cet élément ajouta de l’huile sur le feu lorsque la controverse sur le séminaire d’Ecône commença à s’enfler en 1974, ce qui amena Mgr Lefebvre à choisir une ligne beaucoup plus dure dans beaucoup de ses déclara-tions contre "Rome" et Vatican.
Pour nous Américains, les phrases enflammées de l’archevêque étaient une musique à nos oreilles lorsque, durant les premières années de la Fraternité (1974-1979), nous entrions à Ecône ou commencions notre apostolat de jeunes prêtres. Il en résultait, lorsque diverses crises survenaient, que les libéraux ou les mous étaient amenés à quitter la Fraternité (Déclaration de l’Archevêque en 1974, la répression de 1975, l’allocution au consistoire de Paul VI, la sus-pens de l’archevêque en 1976 et la révolte du professorat en 1977), et la politique interne de la Fraternité faisait que les durs Américains étaient très bien vus. De même, durant ces années, les opinions professées par l’abbé Dolan que nous avons mentionnées plus haut n’étaient pas éloignées des sentiments que Mgr Lefebvre lui-même avait expri-més, elles en étaient le corollaire logique.
En 1974 par exemple, l’archevêque déclara aux séminaristes d’Ecône que le problème avec Vatican II n’était pas seulement une question d’interprétation de son enseignement – mais que le Concile lui-même enseignait des erreurs. A ce moment, Mgr Lefebvre, qui était titulaire d’un doctorat Romain en théologie et était un membre éminent de la hié-rarchie, savait de par l’enseignement Catholique qu’un vrai concile convoqué par un vrai pape ne pouvait pas ensei-gner l’erreur, ainsi, de sa déclaration aux séminaristes on pouvait déduire que Vatican II était un faux concile et Paul
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VI un faux pape1. D’autres déclarations de Mgr Lefebvre durant cette période étaient en faveur des mêmes conclu-sions – c’est à dire la position qui, dans les années 80 sera connue comme "sédévacantiste"2
Que de telles déclarations soient en partie motivées par l’animosité personnelle de l’archevêque envers Paul VI ne nous apparaissait évidemment pas à l’époque. Mais cela le devint lorsque Paul VI mourut en Août 1978. Après l’élection de Jean Paul II en Octobre 1978, Mgr Lefebvre déclara qu’il était lui-même prêt à accepter "Vatican II inter-prété à la lumière de la tradition". Le 18 Novembre 1978, Jean Paul II reçut chaudement l’archevêque en lui donnant l’accolade, et l’assura qu’il s’occuperait personnellement de résoudre son cas.
Au début de 1979 ce programme achoppa temporairement lorsque le sujet fut soumis à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. L’archevêque dut se présenter à une rencontre assez insultante à laquelle était présent Mgr Mamie qui avait dissout la Fraternité, et durant laquelle l’un des participants accusa Mgr Lefebvre de "diviser l’Eglise".
Probablement suite à cela, nos actions avaient légèrement baissé en Août 1979, lorsqu’un groupe d’entre nous prêtres Américains dînèrent avec l’archevêque à Oyster Bay Cove, NY. Je fus assez téméraire pour lui demander si la liberté religieuse était hérétique et suggérer l’effet que cela pourrait avoir sur les papes d’après Vatican II. Mgr Lefeb-vre eut un petit rire et dit : “je ne dis pas que le pape n’est pas le pape, mais je ne dit pas non plus qu’on ne peut pas dire que le pape n’est pas pape”3.
Naturellement, ceci nous donna espoir à nous les durs. Cet espoir fut refroidi trois mois plus tard, lorsque l’archevêque fit une nouvelle pirouette. Le 8 Novembre 1979, il publia “La Nouvelle Messe et le Pape : la Position offi-cielle de la Fraternité St Pie X”. L’archevêque rejetait la notion selon laquelle Paul VI fut un hérétique et donc un faux pape (le terme ‘sédévacantisme’ n’était pas encore utilisé), et disait que la Fraternité “refuse absolument d’entrer dans de tels raisonnements” et ajoutait que la Fraternité “ne peut tolérer dans son sein ceux qui refusent de prier pour le Pape”.
En Mai 1980, donc, l’archevêque visita le prieuré de Oyster Bay Cove et vira trois d’entre nous (les abbés Kelly, Dolan et moi-même) de la Fraternité. Le matin suivant, pour une raison inconnue, l’archevêque changea d’avis : Non, nous n’avions pas à mettre le nom de Jean Paul II dans le Canon après tout, dit-il ; et, si des gens lui demandaient quelle était sa position sur le pape, nous devions leur dire ce qu’il en était, mais nous n’avions pas à l’accepter nous–mêmes. Si, pour un temps, nous caressâmes le mince espoir que l’archevêque pourrait un jour rejoindre notre position (spécialement si quelque officiel du Vatican l’insultait suffisamment), il devint clair durant les années qui suivirent (1981–1983) qu’il suivait la voie du compromis et de la négociation avec les hérétiques modernistes. L’accolade de JP II avait exercé sa magie sur l’archevêque et changé l’"atmosphère" à Rome. Mais nous ne voulions pas avoir part à cela, ou à toute union avec les modernistes.
C. QU’EST-CE QUE LA FSSPX?
On pourrait penser que toute personne appartenant à la FSSPX serait capable de répondre à cette question. Mais croyez-moi, ce n’est pas le cas, et la confusion à ce sujet ouvrit la voie aux procès.
Durant deux ans au séminaire d’Ecône, je n’ai jamais réussi à savoir ce qu’était la FSSPX. On parlait beaucoup de "l’esprit de la Fraternité" mais rien sur son essence, sauf qu’elle avait été "illégalement supprimée".
A un certain moment de son histoire, la Fraternité St Pie X commença à promouvoir la notion selon laquelle elle bénéficiait du statut canonique d’une "société de vie commune sans voeux" - une entité ressemblant à un ordre reli-gieux selon les lois canoniques. Des exemples connus de telles sociétés incluent les Maryknoll Fathers, les Paulist Fathers, et les Oratoriens.
Mais cette revendication est plutôt fantaisiste pour parler charitablement. Comme je l’ai démontré ailleurs, la FSSPX à sa création n’était rien d’autre qu’une "association pieuse", une entité située canoniquement en dessous d’une Confraternité laïque du Rosaire ou d’une Société de Saint Vincent de Paul, et légèrement au-dessus d’une Li-gue du, Sacré Coeur4.
On ne m’a jamais donné de copie des statuts de cette organisation lorsque j’étais séminariste. En fait, je n’ai même jamais su qu’un tel document existât lorsque j’étais à Ecône. J’eus seulement une copie des Statuts de la FSSPX par hasard lorsque je vins à New York en 1979, deux ans après mon ordination.
En tant que séminariste, je signai un "engagement" dans la Fraternité, un document qui disait seulement "Je donne mon nom à la Fraternité". Les obligations que cela impliquait pour le signataire, à part celle d’être un saint prêtre, n’étaient pas indiquées. Il me paraissait évident que la signature de ce document ne me donnait aucun droit de mem-bre de la FSSPX.
Il était encore plus évident que Mgr Lefebvre et les autres dirigeants ne croyaient pas que ma signature impliquait quelqu’obligation que ce soit vis à vis de moi. Prêtre, séminariste ou frère – tout membre de la Fraternité, je le remar-quai, pouvait être renvoyé sans appel par simple notification.
Il y eut deux versions des Statuts de la FSSPX :
1 Souvenir personnel de Mgr Dolan qui fut séminariste à Ecône de Janvier 1973 à Juin 1976
2 Par exemple : “D’un autre côté, s’il est certain que la Foi enseignée par l’Eglise durant vingt siècles ne peut contenir d’erreur, nous sommes beaucoup moins certains que le pape soit réellement pape. Hérésie, schisme, excommunication automatique, invali-dité d’une élection sont des raisons pour lesquelles il peut arriver qu’un pape ne l’ait jamais été ou ne puisse plus l’être. Dans un tel cas, manifestement exceptionnel, l’Eglise se trouverait dans une situation semblable à celle qui est la sienne à la mort du souverain pontife.” (Le Figaro, 2 Août 1976.) Pour un recueil des citations pro sede vacante, voir l’article de John Daly “Archbishop Lefebvre and Sedevacantism", dans Four Marks, 2006.
3 “Je ne dis pas que le pape n'est pas pape, mais je ne dis pas non plus qu'on ne peut pas dire que le pape n'est pas pape”. Le son de cette phrase en Français est en outre extrêmement amusant. L’archevêque lui-même la trouva assez drôle, comme tous les prê-tres à table.
4 Voir “The Legal Status of the Society of St. Pius X and Its Former Members,” Août 2006.
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• Les Statuts de 19701 avaient reçu l’aval temporaire de l’Evêque de Fribourg pour une période de six ans, et par conséquent fut l’unique version qui pouvait revendiquer d’avoir un statut canonique – pour six ans.
• Les Statuts de 19762 (que je découvris par hasard) étaient supposés avoir été établis par un "Chapitre Géné-ral" tenu à Ecône en Septembre 1976. Ils n’avait aucune force canonique, n’ayant été établi par personne possédant même une délégation d’autorité canonique.
Les deux textes étaient extrêmement courts et tapés en double interligne : Les Statuts de 1970 contenaient 12 pa-ges et les Statuts de 1976 25 pages. Ils consistaient essentiellement en de pieuses exhortations. Cela contrastait avec mon expérience d’un véritable ordre religieux, les Cisterciens. Là, les obligations que j’acceptai avec mes voeux étaient absolument clairs – exposés en détail sur des centaines de pages dans la règle de saint Benoît, la Constitution Générale de l’Ordre, les Constitutions de la Congrégation de Zirc, et autres statuts moindres.
LA FSSPX : UN PIEGE ?
LES NEUF CONTRE MGR. LEFEBVRE
PAR L’ABBÉ ANTHONY CEKADA
L’HISTOIRE DE NOTRE COMBAT JURIDIQUE CONTRE MGR. LEFEBVRE ET LA FSSPX
"Saint Thomas, lorsqu’il parle de correction fraternelle, fait allusion à la résistance de saint Paul face à saint Pierre et donne le commentaire suivant : ‘... Nous devons réaliser cependant que s’il y avait danger pour la foi, les supé-rieurs devraient être réprimandés par leurs subordonnés, même en public.’
Cela est clair dans la manière et la raison qui font agir saint Paul de cette façon envers saint Pierre dont il était question dit le commentaire de Saint Augustin, ‘ce que la véritable tête de l’Eglise montrait aux supérieurs c’est qu’au cas où ils risqueraient de quitter la voie droite et étroite, ils devaient accepter d’être repris par leurs inférieurs."
- Monseigneur Marcel Lefebvre (réponse à la question : "comment voyez-vous l’obéissance au Pape ?" 20 Jan-vier 1978
Non, je ne regrette rien. Edith Piaf
Il y a 25 ans, en même temps que huit autres prêtres Américains de la FSSPX, j’ai été impliqué dans une longue bataille avec Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991), le fondateur de la Fraternité et le prélat qui nous avait ordonné.
Le conflit entre l’archevêque et les Américains, généralement appelés collectivement "Les Neuf", devint public après une rencontre entre les deux parties le 27 Avril 1983 à Oyster Bay Cove, NY.
Le groupe de prêtres composé des Abbés Clarence Kelly (Supérieur du District Nord Est de la FSSPX), Donald J. Sanborn (Recteur du Séminaire de la Fraternité) ; Daniel L. Dolan (Directeur des Missions du District Nord Est), An-thony Cekada (Trésorier du District Nord Est), William W. Jenkins (professeur de séminaire), Joseph F. Collins (Pro-fesseur de séminaire), Eugène R. Berry, Thomas Zapp (récemment ordonnés et enseignants à St. Marys, Kansas) et Martin Skierka (récemment ordonné).
Ce qui débuta comme une controverse théologique se transforma rapidement cependant en une longue bataille menée devant les tribunaux civils U.S. Mgr Lefebvre demandait à ce que nous lui remettions le contrôle des églises et chapelles où nous célébrions la Messe pour nos fidèles. Nous avons refusé, il nous poursuivit, nous poursuivîmes en retour, et les deux parties menèrent durant quatre ans une guerre juridique qui prit fin en 1987.
Les onze propriétés en question étaient situées dans les états de New York, Pennsylvanie, Ohio, Michigan, Minne-sota et Connecticut. A l’exception du bâtiment du séminaire à Ridgefield CT, les assemblées de fidèles que nous des-servions fournissaient tous les fonds nécessaires à l’achat et au fonctionnement de ces établissements. L’immense majorité des laïques de ces lieux appuyèrent notre position contre Mgr Lefebvre et son organisation.
En 2007 Mgr Richard N. Williamson publia un recueil des bulletins qu’il écrivit durant cette période, lorsqu’il était recteur du Séminaire de la Fraternité à Ridgefield, Connecticut1. Naturellement il s’agit de la version "officielle" de la Fraternité sur la bataille judiciaire. C’est celle qui, en partie ou en totalité, a été donnée à plusieurs générations de prê-tres, séminaristes et laïques de la Fraternité.
Les Neuf, d’après cette version, tous très très méchants, étaient des sédévacantistes (à tout le moins secrètement) qui se rebellaient contre l’autorité de la FSSPX et son saint archevêque fondateur. Ils ont alors fait appel au système judiciaire U.S. pour léser la Fraternité de plusieurs de ses églises du Nord Est et du Middle West. Ceux qui répètent ce conte, ne semblent jamais remarquer qu’il reflète, sinon de l’hypocrisie, tout au moins un double langage – suivant le-quel la justesse ou la fausseté d’un acte est jugé selon sa conformité à la volonté de Mgr. Lefebvre.
Par exemple, quand Mgr Lefebvre dit en fait à Paul VI ou à Jean Paul II, "Nous vous résistons fermement", il fait écho aux reproches de saint Paul à saint Pierre, et devient le saint Athanase du 20è siècle. Mais si un prêtre dit la même chose à Mgr Lefebvre, il est un rebelle et un ingrat. Ou quand des prêtres et des laïcs s’emparent en 1978 d’une église qu’ils n’ont pas payée (Saont Nicolas du Chardonnet) et la remettent à Mgr Lefebvre et la FSSPX, ils sont des héros de la résistance traditionaliste.
Mais quand des prêtres et des laïcs traditionalistes Américains possèdent des églises en 1983, églises qu’ils ont fi-nancées et refusent de les remettre à Mgr Lefebvre et à la FSSPX, ce sont des conspirateurs, des escrocs et des vo-leurs.
Etant la principale personne responsable de la coordination de notre défense juridique vis à vis des prétentions de Mgr Lefebvre et de la Fraternité, je suis généralement décrit comme le méchant en chef de l’affaire, suivi (de très près) par l’abbé Clarence Kelly.
Mgr Williamson ayant publié le point de vue de la Fraternité, je décidai de donner ma propre opinion du conflit qui se déroula il y a un quart de siècle. Ce qui, je l’espère, donnera un autre son de cloche au conte qui a fait le tour des cercles de la FSSPX durant tant d’années.
I. ELÉMENTS CONTRIBUTIFS
Toute personne qui a entendu parler de notre bataille juridique avec Mgr Lefebvre et la FSSPX sait qu’elle a débu-té sous la forme d’une sorte de controverse théologique. Mais bien avant que nous ne soyons confrontés au tribunal à nos anciens confrères, il y avait au moins quatre éléments en place qui influenceraient le cours des évènements.
1. Les plus anciens prêtres parmi les Neuf croyaient que la FSSPX était simplement un moyen de combattre le modernisme et que, de même que d’autres organisations après Vatican II, la FSSPX pourrait également être dissoute.
1 Letters from the Rector of St. Thomas Aquinas Seminary : Volume 1, The Ridgefield Letters : From “The Nine” to the Episcopal Consecrations (1983–1988), (Overland Park KS : True Restoration Press 2007).
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2. La position théologique notablement plus souple que prit Mgr Lefebvre vis à vis de "Rome" après la mort de son vieil ennemi Montini (Paul VI) en 1978, et que Jean Paul II ait charmé l’archevêque en recherchant le compromis par des négociations à venir.
3. La confusion sur la nature de la FSSPX en tant qu’organisation.
4. L’incohérence dans la pratique de la possession de propriétés.
A. L’ETAT D’ESPRIT DES NEUF
A mon sens, l’élément principal qui prépara le terrain pour la bataille juridique fut la "mentalité" des Neuf, particuliè-rement pour ses cinq membres les plus anciens : les abbés Kelly (ordonné en 1973), Sanborn (1975), Dolan (1976) et moi-même (1977).
Nos parcours personnels étaient remarquablement semblables. Nous avions été élevés dans l’Eglise d’avant Vati-can II et étions entrés au séminaire en différents endroits du pays, où nous fûmes témoins des effets désastreux des changements de Vatican II. Nous étions tous des combattants qui affrontaient continuellement les modernistes dans nos séminaires respectifs et la hiérarchie avant de rejoindre finalement Mgr Lefebvre à son séminaire d’Ecône en Suisse.
Dans mon cas personnel, ce trajet prit dix ans. Si Vatican II n’avait pas eu lieu, je n’aurais eu aucun intérêt de quelque sorte à rejoindre Mgr Lefebvre ou son organisation. Je ne vins pas à Ecône parce que j’étais attiré par le "saint archevêque" et "l’esprit" de sa société. J’y vins parce que je haïssais le modernisme, et que je voulais être prê-tre pour combattre cette plaie dans tous ses aspects.
Lors d’une conférence, en effet, Mgr Lefebvre admit que c’était probablement le cas de la plupart d’entre nous ; en temps normal, disait-il, la majorité d’entre nous aurait choisi d’être Jésuite, Bénédictin, Dominicain ou prêtre diocésain, plutôt que membre de la Fraternité.
D’ailleurs, avant Ecône, j’avais vu bien d’autres saints prêtres et prélats, de même que des institutions bien plus impressionnantes et vénérables que la FSSPX, capituler, se dissoudre où rejoindre avec enthousiasme le camp en-nemi. Si l’"Evêque de Fer" d’Ecône en faisait autant un jour, ce ne serait pas une surprise totale, mais je n’aurais pas continué avec lui.
Ainsi, lorsque nous, les prêtres les plus anciens fûmes ordonnés et commencèrent à organiser des groupes de fi-dèles Catholiques en chapelles traditionnelles à travers les Etats Unis dans les années 70, nous ne considérions pas notre apostolat comme une extension de l’oeuvre de Mgr Lefebvre et de la FSSPX, ou même de préservation de la "Messe en Latin". Pour nous, c’était une oeuvre de combat contre les hérétiques et de fourniture des sacrements vali-des.
Depuis le début, nous avons été clairs à ce sujet vis à vis des fidèles de toutes les missions que nous avons fon-dées. L’abbé (maintenant évêque) Dolan (qui fonda plus de 30 missions lorsqu’il était à la FSSPX) faisait toujours une déclaration de principe aux Catholiques qui l’invitaient dans une ville. Il expliquait que l’Eglise Conciliaire était une fausse religion qui enseignait l’hérésie, que Paul VI n’était pas réellement pape, et que les sacrements conférés par l’Eglise Conciliaire étaient invalides dans la plupart des cas. C’est ce que nous proclamions continuellement en chaire.
Pour moi et les autres membres des Neuf, Mgr Lefebvre et son association n’étaient rien d’autre dans l’Eglise : un moyen pour un but – la défense de la doctrine Catholique et la sauvegarde des âmes - et non une fin.
Ainsi, au cas où l’archevêque et son organisation se rendraient à l’ennemi (ainsi que nous l’avons vu de beaucoup d’autres) ils n’auraient aucun droit sur nous et nous ne leur aurions dû aucune obéissance.
B. NOUVEAU CLIMAT À ROME
Le deuxième élément significatif qui mettrait en scène notre combat juridique avec l’archevêque fut le changement notable de sa "ligne" après la mort de son vieil ennemi Montini (Paul VI) à qui Jean Paul II succéda en 1978, ce der-nier le recevant chaudement. Bien qu’on ne puisse nier que Mgr Lefebvre fusse un anti-libéral et anti-moderniste convaincu, Mgr Montini avait été un ennemi personnel lorsque l’archevêque faisait partie du corps diplomatique du Va-tican avant Vatican II. Plus tard, Montini avait aussi pris le parti des libéraux de la hiérarchie Française contre l’archevêque.
Je pense que cet élément ajouta de l’huile sur le feu lorsque la controverse sur le séminaire d’Ecône commença à s’enfler en 1974, ce qui amena Mgr Lefebvre à choisir une ligne beaucoup plus dure dans beaucoup de ses déclara-tions contre "Rome" et Vatican.
Pour nous Américains, les phrases enflammées de l’archevêque étaient une musique à nos oreilles lorsque, durant les premières années de la Fraternité (1974-1979), nous entrions à Ecône ou commencions notre apostolat de jeunes prêtres. Il en résultait, lorsque diverses crises survenaient, que les libéraux ou les mous étaient amenés à quitter la Fraternité (Déclaration de l’Archevêque en 1974, la répression de 1975, l’allocution au consistoire de Paul VI, la sus-pens de l’archevêque en 1976 et la révolte du professorat en 1977), et la politique interne de la Fraternité faisait que les durs Américains étaient très bien vus. De même, durant ces années, les opinions professées par l’abbé Dolan que nous avons mentionnées plus haut n’étaient pas éloignées des sentiments que Mgr Lefebvre lui-même avait expri-més, elles en étaient le corollaire logique.
En 1974 par exemple, l’archevêque déclara aux séminaristes d’Ecône que le problème avec Vatican II n’était pas seulement une question d’interprétation de son enseignement – mais que le Concile lui-même enseignait des erreurs. A ce moment, Mgr Lefebvre, qui était titulaire d’un doctorat Romain en théologie et était un membre éminent de la hié-rarchie, savait de par l’enseignement Catholique qu’un vrai concile convoqué par un vrai pape ne pouvait pas ensei-gner l’erreur, ainsi, de sa déclaration aux séminaristes on pouvait déduire que Vatican II était un faux concile et Paul
3
VI un faux pape1. D’autres déclarations de Mgr Lefebvre durant cette période étaient en faveur des mêmes conclu-sions – c’est à dire la position qui, dans les années 80 sera connue comme "sédévacantiste"2
Que de telles déclarations soient en partie motivées par l’animosité personnelle de l’archevêque envers Paul VI ne nous apparaissait évidemment pas à l’époque. Mais cela le devint lorsque Paul VI mourut en Août 1978. Après l’élection de Jean Paul II en Octobre 1978, Mgr Lefebvre déclara qu’il était lui-même prêt à accepter "Vatican II inter-prété à la lumière de la tradition". Le 18 Novembre 1978, Jean Paul II reçut chaudement l’archevêque en lui donnant l’accolade, et l’assura qu’il s’occuperait personnellement de résoudre son cas.
Au début de 1979 ce programme achoppa temporairement lorsque le sujet fut soumis à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. L’archevêque dut se présenter à une rencontre assez insultante à laquelle était présent Mgr Mamie qui avait dissout la Fraternité, et durant laquelle l’un des participants accusa Mgr Lefebvre de "diviser l’Eglise".
Probablement suite à cela, nos actions avaient légèrement baissé en Août 1979, lorsqu’un groupe d’entre nous prêtres Américains dînèrent avec l’archevêque à Oyster Bay Cove, NY. Je fus assez téméraire pour lui demander si la liberté religieuse était hérétique et suggérer l’effet que cela pourrait avoir sur les papes d’après Vatican II. Mgr Lefeb-vre eut un petit rire et dit : “je ne dis pas que le pape n’est pas le pape, mais je ne dit pas non plus qu’on ne peut pas dire que le pape n’est pas pape”3.
Naturellement, ceci nous donna espoir à nous les durs. Cet espoir fut refroidi trois mois plus tard, lorsque l’archevêque fit une nouvelle pirouette. Le 8 Novembre 1979, il publia “La Nouvelle Messe et le Pape : la Position offi-cielle de la Fraternité St Pie X”. L’archevêque rejetait la notion selon laquelle Paul VI fut un hérétique et donc un faux pape (le terme ‘sédévacantisme’ n’était pas encore utilisé), et disait que la Fraternité “refuse absolument d’entrer dans de tels raisonnements” et ajoutait que la Fraternité “ne peut tolérer dans son sein ceux qui refusent de prier pour le Pape”.
En Mai 1980, donc, l’archevêque visita le prieuré de Oyster Bay Cove et vira trois d’entre nous (les abbés Kelly, Dolan et moi-même) de la Fraternité. Le matin suivant, pour une raison inconnue, l’archevêque changea d’avis : Non, nous n’avions pas à mettre le nom de Jean Paul II dans le Canon après tout, dit-il ; et, si des gens lui demandaient quelle était sa position sur le pape, nous devions leur dire ce qu’il en était, mais nous n’avions pas à l’accepter nous–mêmes. Si, pour un temps, nous caressâmes le mince espoir que l’archevêque pourrait un jour rejoindre notre position (spécialement si quelque officiel du Vatican l’insultait suffisamment), il devint clair durant les années qui suivirent (1981–1983) qu’il suivait la voie du compromis et de la négociation avec les hérétiques modernistes. L’accolade de JP II avait exercé sa magie sur l’archevêque et changé l’"atmosphère" à Rome. Mais nous ne voulions pas avoir part à cela, ou à toute union avec les modernistes.
C. QU’EST-CE QUE LA FSSPX?
On pourrait penser que toute personne appartenant à la FSSPX serait capable de répondre à cette question. Mais croyez-moi, ce n’est pas le cas, et la confusion à ce sujet ouvrit la voie aux procès.
Durant deux ans au séminaire d’Ecône, je n’ai jamais réussi à savoir ce qu’était la FSSPX. On parlait beaucoup de "l’esprit de la Fraternité" mais rien sur son essence, sauf qu’elle avait été "illégalement supprimée".
A un certain moment de son histoire, la Fraternité St Pie X commença à promouvoir la notion selon laquelle elle bénéficiait du statut canonique d’une "société de vie commune sans voeux" - une entité ressemblant à un ordre reli-gieux selon les lois canoniques. Des exemples connus de telles sociétés incluent les Maryknoll Fathers, les Paulist Fathers, et les Oratoriens.
Mais cette revendication est plutôt fantaisiste pour parler charitablement. Comme je l’ai démontré ailleurs, la FSSPX à sa création n’était rien d’autre qu’une "association pieuse", une entité située canoniquement en dessous d’une Confraternité laïque du Rosaire ou d’une Société de Saint Vincent de Paul, et légèrement au-dessus d’une Li-gue du, Sacré Coeur4.
On ne m’a jamais donné de copie des statuts de cette organisation lorsque j’étais séminariste. En fait, je n’ai même jamais su qu’un tel document existât lorsque j’étais à Ecône. J’eus seulement une copie des Statuts de la FSSPX par hasard lorsque je vins à New York en 1979, deux ans après mon ordination.
En tant que séminariste, je signai un "engagement" dans la Fraternité, un document qui disait seulement "Je donne mon nom à la Fraternité". Les obligations que cela impliquait pour le signataire, à part celle d’être un saint prêtre, n’étaient pas indiquées. Il me paraissait évident que la signature de ce document ne me donnait aucun droit de mem-bre de la FSSPX.
Il était encore plus évident que Mgr Lefebvre et les autres dirigeants ne croyaient pas que ma signature impliquait quelqu’obligation que ce soit vis à vis de moi. Prêtre, séminariste ou frère – tout membre de la Fraternité, je le remar-quai, pouvait être renvoyé sans appel par simple notification.
Il y eut deux versions des Statuts de la FSSPX :
1 Souvenir personnel de Mgr Dolan qui fut séminariste à Ecône de Janvier 1973 à Juin 1976
2 Par exemple : “D’un autre côté, s’il est certain que la Foi enseignée par l’Eglise durant vingt siècles ne peut contenir d’erreur, nous sommes beaucoup moins certains que le pape soit réellement pape. Hérésie, schisme, excommunication automatique, invali-dité d’une élection sont des raisons pour lesquelles il peut arriver qu’un pape ne l’ait jamais été ou ne puisse plus l’être. Dans un tel cas, manifestement exceptionnel, l’Eglise se trouverait dans une situation semblable à celle qui est la sienne à la mort du souverain pontife.” (Le Figaro, 2 Août 1976.) Pour un recueil des citations pro sede vacante, voir l’article de John Daly “Archbishop Lefebvre and Sedevacantism", dans Four Marks, 2006.
3 “Je ne dis pas que le pape n'est pas pape, mais je ne dis pas non plus qu'on ne peut pas dire que le pape n'est pas pape”. Le son de cette phrase en Français est en outre extrêmement amusant. L’archevêque lui-même la trouva assez drôle, comme tous les prê-tres à table.
4 Voir “The Legal Status of the Society of St. Pius X and Its Former Members,” Août 2006.
4
• Les Statuts de 19701 avaient reçu l’aval temporaire de l’Evêque de Fribourg pour une période de six ans, et par conséquent fut l’unique version qui pouvait revendiquer d’avoir un statut canonique – pour six ans.
• Les Statuts de 19762 (que je découvris par hasard) étaient supposés avoir été établis par un "Chapitre Géné-ral" tenu à Ecône en Septembre 1976. Ils n’avait aucune force canonique, n’ayant été établi par personne possédant même une délégation d’autorité canonique.
Les deux textes étaient extrêmement courts et tapés en double interligne : Les Statuts de 1970 contenaient 12 pa-ges et les Statuts de 1976 25 pages. Ils consistaient essentiellement en de pieuses exhortations. Cela contrastait avec mon expérience d’un véritable ordre religieux, les Cisterciens. Là, les obligations que j’acceptai avec mes voeux étaient absolument clairs – exposés en détail sur des centaines de pages dans la règle de saint Benoît, la Constitution Générale de l’Ordre, les Constitutions de la Congrégation de Zirc, et autres statuts moindres.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Y figuraient aussi mes droits comme membre de l’Ordre et les obligations de mes supérieurs de les respecter. En tant que Cistercien, j’ai eu deux ans de cours hebdomadaires sur ces sujets.
Pour moi, la seule conclusion possible était que la FSSPX n’était rien d’autre qu’une vague association de prêtres, séminaristes et frères qui partageaient certains idéaux. En raison du désarroi des Catholiques après Vatican II, la FSSPX avait été créée et fonctionnait dans l’improvisation sur une base ad hoc.
Si vous étiez en désaccord sur quoique ce soit avec la position de Mgr Lefebvre un jour donné, vous étiez libre de partir et il était de même libre de vous renvoyer. Lorsque cela se produisait, vous n’aviez pas d’obligations envers lui, et soyez sûr qu’il agissait comme n’ayant pas d’obligations envers vous.
D. CHANGEMENTS DE “POLITIQUES” SUR LA PROPRIÉTÉ
Ni les Statuts de 1970, ni ceux de 1976 ne contenaient de règlement indiquant comment les bâtiments à l’usage des prêtres de la Fraternité devaient être détenus. La FSSPX ayant débuté comme un organisme officiellement re-connu par un évêque diocésain et ce durant les cinq premières années de son existence, il était admis que ses prê-tres offriraient la Messe dans les paroisses diocésaines à l’invitation de l’évêque du lieu ou des curés.
Ainsi, les Statuts ne prévoyaient pas que la FSSPX possède et fasse fonctionner un réseau d’églises lui apparte-nant en propre et indépendamment des évêques diocésains.3
Aux Etats Unis, la politique (si tant est qu’il y en eût) était inconsistante et sujette à changements. Je suis bien pla-cé pour le savoir, puisqu’à partir du 1977 je fus le Trésorier du séminaire et du District Nord Est, et donc je fus intime-ment mêlé à tous les problèmes financiers et autres.
Au début des années 70, plusieurs associations religieuses avec une majorité de laïcs (dénommés "Amis" de la FSSPX) comme dirigeants, furent fondées aux Etats Unis afin de détenir les titres de propriété des résidences des prêtres de la FSSPX et des quelques petites chapelles où était offerte la Messe. De même, durant une longue pério-de, le séminaire d’Ecône fut détenu par une association exclusivement constituée de laïques.
Laisser les prêtres de la Fraternité en dehors des associations pour avoir une majorité de laïcs dans le bureau avait pour but d’éviter une situation dans laquelle les prêtres recevraient l’ordre de céder le contrôle d’une propriété à l’évêque diocésain, ou même à "Rome" (c. à d. à l’homme que Mgr Lefebvre prétendait reconnaître comme pape).
Les associations Américaines ont été organisées selon ces principes par un conseiller juridique de Long Island qui fut longtemps un supporter de Mgr Lefebvre. Bien que dévoué, ce gentleman n’était pas un spécialiste des sociétés, et son incompétence provoqua certains problèmes fiscaux graves avec l’IRS.
Après avoir rencontré de graves problèmes avec des laïcs qui voulaient diriger les affaires financières des églises desservies par le clergé de la FSSPX (en Virginie, Floride, Texas et Californie), je proposai au contraire que des prê-tres de la FSSPX dirigent ex officio les associations qui détenaient les diverses églises en Amérique. Je rédigeai un cadre juridique dans ce but et tentai d’implémenter un programme pour faire adopter ces principes. Cependant, le ju-riste qui avait établi les associations "Amies" à majorité laïque se plaignit que j’empiétais sur son travail et résista.
Mais autour de 1980, Mgr Lefebvre (peut-être inspiré par ce même juriste) nous fit savoir que les prêtres de la Fra-ternité ne devaient pas être impliqués dans les associations détenant les propriétés. Donc nous informâmes nos fidè-les du Michigan, de l’Iowa et de la Pennsylvanie qui désiraient acheter des églises qu’ils devaient eux-mêmes former des associations de laïques et que nous ne pouvions nous y impliquer.
Puis, à la fin 1982, le vent tourna à nouveau. Maintenant, on indiquait que les supérieurs de la Fraternité étaient censés contrôler les associations détenant les diverses propriétés. Je rapproche ce changement avec l’élection de l’abbé Franz Schmidberger comme successeur de Mgr Lefebvre à la tête de la FSSPX.
Donc, début 1983, je reçus la visite du Trésorier Général, l’abbé Bernard Fellay, qui était extrêmement impatient de voir le changement de direction des associations s’effectuer le plus rapidement possible. Le Supérieur Général devrait en effet tout contrôler.
A cette époque, certains problèmes majeurs étaient apparus dans la Fraternité. J’en conclus que la visite de l’abbé Fellay était un moyen de préparer une purge imminente, laquelle devait naturellement m’inclure. Ayant perçu cela, je ne fis rien du côté des associations, et laissai celles-ci telles quelles avec leurs statuts et dirigeants du moment.
En un mot, Mgr Lefebvre n’avait aucune politique cohérente sur le contrôle des propriétés lorsque j’appartenais à son organisation. Il changeait sans arrêt sur ce sujet, comme il a fait dans tous les autres domaines.
Mais même si Mgr Lefebvre et les Statuts de la FSSPX avaient établi des "règles" sur la propriété des églises, au-cune n’aurait été obligatoire de toutes façons. L’archevêque était un évêque à la retraite qui dirigeait une organisation
1 “Projet des Statuts de la Fraternité des Apôtres de Jésus et Marie,” du 17 Juin 1970, approuvés le 1er Novembre 1970 par Mgr Charrière, Evêque de Lausanne, Genève et Fribourg.
2 “Statutes of the Society of St. Pius X,” Noël 1976. Engl. Trans. And pub. Oyster Bay Cove NY : 1978.
3 Ils permirent cependant la tenue occasionnelle de "concélébration" dans le Novus Ordo, ainsi que la télévision dans la salle de détente. Cette dernière disposition était suivie de l’inoubliable et consternante analogie : "notre vraie télévision est le tabernacle".
5
qui n’avait aucune existence canonique. Ni lui, ni son organisation ne possédait quelque autorité canonique pour im-poser quoi que ce soit à qui que ce soit.
II. LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES
Depuis des Décades, le mythe persiste comme quoi le désaccord principal entre Mgr Lefebvre et les Neuf reposait sur le “sédévacantisme”. En tant que telle, pourtant, cette question particulière n’émergea pas au début, et ce n’est certainement pas celle qui a provoqué la dispute. Certains membres des Neuf étaient sédévacantistes à l’époque et d’autres non.
Par contre, il y avait six problèmes sérieux qui se combinèrent pour déclencher la crise à la FSSPX.
Et apparaissant indistinctement semblable à un vautour était le menaçant abbé Richard Williamson. L’archevêque l’avait nommé Vice Recteur du séminaire de Ridgefield et plus ou moins commissaire théologique pour l’Amérique, chargé de traquer toute déviation de la nouvelle ligne du parti de l’Archevêque
L’abbé Williamson était parfait dans ce rôle. Adulte converti après Vatican II, ses seules connaissances et expé-riences venaient de Mgr Lefebvre et de la FSSPX. Par conséquent, il était l’homme total de la ligne du parti; son prin-cipal point de référence pour résoudre tout problème était l’opinion de Mgr Lefebvre. On peut le constater dans les bulletins et articles qu’il publia durant la dispute qui allait suivre1.
Ma première rencontre avec l’abbé Williamson après sa nomination n’augurait rien de bon. Je devais le rencontrer à notre chapelle de Staten Island où il célébrait la Messe immédiatement après son arrivée d’Europe. Sa Messe était si scandaleuse – expédiée avec un mépris total des rubriques – que je ne pouvais supporter d’y assister et attendis dehors2.
La méthode de l’abbé Williamson au séminaire était celle de l’agent provocateur classique – déclarations excessi-ves destinées à provoquer de fortes réactions d’opposition de séminaristes qui pourraient montrer de la loyauté en-vers tout principe au-delà des opinions toujours changeantes de l’archevêque.
En quelques semaines, le Séminaire de Saint thomas d’Aquin, qui avait été paisible durant cinq ans sous l’abbé Sanborn, fut en pleine tempête. “Les conflits sont normaux dans un séminaire”, assurait l’abbé Williamson aux sémi-naristes. Pas jusqu’à votre arrivée Monsieur l’abbé.
Contre cet état de choses, au printemps 1983, nous (Abbés Kelly, Sanborn, Jenkins, Dolan et moi-même) com-mencèrent à rédiger une lettre à Mgr Lefebvre et à la "Direction Générale" (Abbé Franz Schmidberger, et autres diri-geants de la FSSPX) qui devait exposer les problèmes les plus saillants. Quatre des prêtres les plus jeunes – les ab-bés Collins (ordonné en 1979), Berry (1980), Zapp (1982) et Skierka (1982) – avaient des reproches similaires à pro-pos de la direction que prenait la FSSPX et prirent part aux discussions.
Le 25 Mars 1983, nous nous mîmes d’accord sur la version finale de la lettre, la signèrent à Oyster Bay Cove, NY, et la postèrent. Le texte complet de la lettre se trouve sur www.traditionalmass.org sous le titre “Letter of the ‘Nine’ to Archbishop Lefebvre.” Voici un exposé des points principaux.
A. DES PRÊTRES À L’ORDINATION DOUTEUSE
Le Supérieur du District du Sud Ouest, l’abbé Hector L. Bolduc, employait depuis des années l’abbé Philip Stark SJ pour célébrer la Messe dans les missions de la FSSPX de son district. Nous découvrîmes que l’abbé Stark avait été ordonné avec le nouveau rite d’ordination d’après Vatican II.
Jusqu’ici, Mgr Lefebvre nous avait dit des années auparavant que la validité du rite d’ordination des prêtres de 1968 était douteuse, et il avait ordonné sous condition au moins deux prêtres Novus Ordo qui vinrent travailler avec la FSSPX aux Etats Unis, les abbés Sullivan et Ringrose. Lorsque le cas de Stark se présenta, nous pensions que Mgr Lefebvre aurait la même conduite.3
Avant que ceci n’arrive, nous avions publié en 1981 une étude du nouveau rite d’ordination dans notre périodique, The Roman Catholic. L’article, rédigé par l’abbé Jenkins et intitulé "Epuration de la Prêtrise dans l’Eglise Conciliaire", ne faisait pas mention directement du cas Stark, mais sa conclusion était claire : la validité du nouveau rite d’ordination était douteuse, donc les sacrements conférés l’étaient aussi et par conséquent, un tel prêtre devait de-mander à être réordonné sous condition.
Cela ne se passa pas bien avec l’abbé. De son côté, l’abbé Stark dit clairement qu’il refuserait de se soumettre à une ordination sous condition.
1 Dans “The Archbishop and the Nine” (Angelus, Juillet 1983) l’abbé Williamson dit qu’il n’a aucun doute quant à la validité du nou-veau rite d’ordination en Anglais et qu’il était parvenu à cette conclusion après avoir consulté "trois théologiens anglophones com-pétents et expérimentés sur ces nouveaux rites Anglais, et tous les trois reconnaissent que les deux sont valides, aucun d’eux n’admettant de doute sérieux". Cependant, si Sa Grâce arrive à une conclusion différente, je serai plutôt enclin à le suivre car il est bien meilleur théologien que moi". Une parfaite illustration du Lefebvriste sans cervelle – l’étalon d’or pour la résolution de tout pro-blème théologique controversé est la "position de l’archevêque" à ce moment. Un autre exemple de choix : Le bulletin du séminaire de l’abbé Williamson de Mai 1986 était accompagné d’une déclaration de Mgr Lefebvre qui disait : "... peut-être devons nous dire que le Pape est hérétique... il est possible que nous soyons obligés de croire que ce pape n’est pas pape". (Ceci, notez le bien, après des déclarations de 1983 de l’archevêque disant que le sédévacantisme était schismatique). Le mois suivant, dans son bulle-tin de Juin, l’abbé Williamson décide par conséquent de parler de poésie. Vous pouvez presque l’entendre retenir sa respiration en attendant la "position de l’archevêque" basculant pour dire "le sédévacantisme est catholique", position qu’aura alors à défendre l’abbé Williamson en affirmant que cela a toujours été l’opinion de l’archevêque.
2 Mais à nouveau, personne n’enseignait comment dire la Messe à Ecône.
3 Certains prêtres Indiens dont les ordinations étaient douteuses avait également officié dans la District du Sud Ouest, et deux cler-gymen Vieux Catholiques, éleveurs de poulets de l’Arkansas, furent installés un moment à St Marys comme premiers clercs rési-dents de l’institution. Le cas Stark cependant un problème en cours.
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Mgr Lefebvre avait fait savoir qu’il voulait publier un autre article sur le sujet, écrit par Michael Davies – et Davies, naturellement, maintenait que le nouveau rite était valide. Nous publiâmes l’article de Davies en même temps que sa critique rédigée par l’abbé Jenkins. Ceci mena à un échange épistolaire dans The Roman Catholic.
Le sujet traîna jusqu’en 1982, au moment où Mgr Lefebvre (nous l’apprîmes plus tard) était engagé dans un de ses accès périodiques de négociations masquées avec “Rome”. Si nos objections à propos de la validité des nouveaux ri-tes d’ordination venaient à être connues des modernistes, cela aurait été un obstacle embarrassant à la “réconcilia-tion.”
Donc, au lieu de considérer le problème de l’abbé Stark comme une menace sérieuse pour la validité des sacre-ments conférés par son organisation, Mgr Lefebvre le traita simplement comme un désagrément et un problème de politique interne. Dans la meilleure des traditions diplomatiques, il chercha à concilier les deux côtés, à tergiverser, à retarder et éviter les controverses publiques.
Pendant ce temps là, l’abbé Stark voyageait dans le pays en célébrant des Messes et conférant des sacrements qui étaient douteux, sinon invalides. Comme mesure intérimaire, nous avions décidé de dire à nos paroissiens qui voyageaient dans le Sud Ouest de ne pas fréquenter les chapelles où officiait l’abbé Stark. Evidement, cela ne pouvait cependant pas continuer très longtemps.
Un de nos buts principaux était de fournir aux fidèles Catholiques des sacrements valides. Mais Mgr Lefebvre enté-rinait dorénavant la délivrance de sacrements douteux ou invalides sous l’égide de la FSSPX, organisation à laquelle nous appartenions. Et il agissait ainsi essentiellement pour des motifs politiques.
Donc nous nous résolûmes à affronter Mgr Lefebvre de nouveau sur ce problème, mais pour la dernière fois. A moins qu’il ne demande à l’abbé Stark de se plier à une ordination sous condition et instituer cela comme la règle pour tous les prêtres dans son cas qui viendraient travailler avec la Fraternité, c’en était fini avec lui.
Pour moi, la seule conclusion possible était que la FSSPX n’était rien d’autre qu’une vague association de prêtres, séminaristes et frères qui partageaient certains idéaux. En raison du désarroi des Catholiques après Vatican II, la FSSPX avait été créée et fonctionnait dans l’improvisation sur une base ad hoc.
Si vous étiez en désaccord sur quoique ce soit avec la position de Mgr Lefebvre un jour donné, vous étiez libre de partir et il était de même libre de vous renvoyer. Lorsque cela se produisait, vous n’aviez pas d’obligations envers lui, et soyez sûr qu’il agissait comme n’ayant pas d’obligations envers vous.
D. CHANGEMENTS DE “POLITIQUES” SUR LA PROPRIÉTÉ
Ni les Statuts de 1970, ni ceux de 1976 ne contenaient de règlement indiquant comment les bâtiments à l’usage des prêtres de la Fraternité devaient être détenus. La FSSPX ayant débuté comme un organisme officiellement re-connu par un évêque diocésain et ce durant les cinq premières années de son existence, il était admis que ses prê-tres offriraient la Messe dans les paroisses diocésaines à l’invitation de l’évêque du lieu ou des curés.
Ainsi, les Statuts ne prévoyaient pas que la FSSPX possède et fasse fonctionner un réseau d’églises lui apparte-nant en propre et indépendamment des évêques diocésains.3
Aux Etats Unis, la politique (si tant est qu’il y en eût) était inconsistante et sujette à changements. Je suis bien pla-cé pour le savoir, puisqu’à partir du 1977 je fus le Trésorier du séminaire et du District Nord Est, et donc je fus intime-ment mêlé à tous les problèmes financiers et autres.
Au début des années 70, plusieurs associations religieuses avec une majorité de laïcs (dénommés "Amis" de la FSSPX) comme dirigeants, furent fondées aux Etats Unis afin de détenir les titres de propriété des résidences des prêtres de la FSSPX et des quelques petites chapelles où était offerte la Messe. De même, durant une longue pério-de, le séminaire d’Ecône fut détenu par une association exclusivement constituée de laïques.
Laisser les prêtres de la Fraternité en dehors des associations pour avoir une majorité de laïcs dans le bureau avait pour but d’éviter une situation dans laquelle les prêtres recevraient l’ordre de céder le contrôle d’une propriété à l’évêque diocésain, ou même à "Rome" (c. à d. à l’homme que Mgr Lefebvre prétendait reconnaître comme pape).
Les associations Américaines ont été organisées selon ces principes par un conseiller juridique de Long Island qui fut longtemps un supporter de Mgr Lefebvre. Bien que dévoué, ce gentleman n’était pas un spécialiste des sociétés, et son incompétence provoqua certains problèmes fiscaux graves avec l’IRS.
Après avoir rencontré de graves problèmes avec des laïcs qui voulaient diriger les affaires financières des églises desservies par le clergé de la FSSPX (en Virginie, Floride, Texas et Californie), je proposai au contraire que des prê-tres de la FSSPX dirigent ex officio les associations qui détenaient les diverses églises en Amérique. Je rédigeai un cadre juridique dans ce but et tentai d’implémenter un programme pour faire adopter ces principes. Cependant, le ju-riste qui avait établi les associations "Amies" à majorité laïque se plaignit que j’empiétais sur son travail et résista.
Mais autour de 1980, Mgr Lefebvre (peut-être inspiré par ce même juriste) nous fit savoir que les prêtres de la Fra-ternité ne devaient pas être impliqués dans les associations détenant les propriétés. Donc nous informâmes nos fidè-les du Michigan, de l’Iowa et de la Pennsylvanie qui désiraient acheter des églises qu’ils devaient eux-mêmes former des associations de laïques et que nous ne pouvions nous y impliquer.
Puis, à la fin 1982, le vent tourna à nouveau. Maintenant, on indiquait que les supérieurs de la Fraternité étaient censés contrôler les associations détenant les diverses propriétés. Je rapproche ce changement avec l’élection de l’abbé Franz Schmidberger comme successeur de Mgr Lefebvre à la tête de la FSSPX.
Donc, début 1983, je reçus la visite du Trésorier Général, l’abbé Bernard Fellay, qui était extrêmement impatient de voir le changement de direction des associations s’effectuer le plus rapidement possible. Le Supérieur Général devrait en effet tout contrôler.
A cette époque, certains problèmes majeurs étaient apparus dans la Fraternité. J’en conclus que la visite de l’abbé Fellay était un moyen de préparer une purge imminente, laquelle devait naturellement m’inclure. Ayant perçu cela, je ne fis rien du côté des associations, et laissai celles-ci telles quelles avec leurs statuts et dirigeants du moment.
En un mot, Mgr Lefebvre n’avait aucune politique cohérente sur le contrôle des propriétés lorsque j’appartenais à son organisation. Il changeait sans arrêt sur ce sujet, comme il a fait dans tous les autres domaines.
Mais même si Mgr Lefebvre et les Statuts de la FSSPX avaient établi des "règles" sur la propriété des églises, au-cune n’aurait été obligatoire de toutes façons. L’archevêque était un évêque à la retraite qui dirigeait une organisation
1 “Projet des Statuts de la Fraternité des Apôtres de Jésus et Marie,” du 17 Juin 1970, approuvés le 1er Novembre 1970 par Mgr Charrière, Evêque de Lausanne, Genève et Fribourg.
2 “Statutes of the Society of St. Pius X,” Noël 1976. Engl. Trans. And pub. Oyster Bay Cove NY : 1978.
3 Ils permirent cependant la tenue occasionnelle de "concélébration" dans le Novus Ordo, ainsi que la télévision dans la salle de détente. Cette dernière disposition était suivie de l’inoubliable et consternante analogie : "notre vraie télévision est le tabernacle".
5
qui n’avait aucune existence canonique. Ni lui, ni son organisation ne possédait quelque autorité canonique pour im-poser quoi que ce soit à qui que ce soit.
II. LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES
Depuis des Décades, le mythe persiste comme quoi le désaccord principal entre Mgr Lefebvre et les Neuf reposait sur le “sédévacantisme”. En tant que telle, pourtant, cette question particulière n’émergea pas au début, et ce n’est certainement pas celle qui a provoqué la dispute. Certains membres des Neuf étaient sédévacantistes à l’époque et d’autres non.
Par contre, il y avait six problèmes sérieux qui se combinèrent pour déclencher la crise à la FSSPX.
Et apparaissant indistinctement semblable à un vautour était le menaçant abbé Richard Williamson. L’archevêque l’avait nommé Vice Recteur du séminaire de Ridgefield et plus ou moins commissaire théologique pour l’Amérique, chargé de traquer toute déviation de la nouvelle ligne du parti de l’Archevêque
L’abbé Williamson était parfait dans ce rôle. Adulte converti après Vatican II, ses seules connaissances et expé-riences venaient de Mgr Lefebvre et de la FSSPX. Par conséquent, il était l’homme total de la ligne du parti; son prin-cipal point de référence pour résoudre tout problème était l’opinion de Mgr Lefebvre. On peut le constater dans les bulletins et articles qu’il publia durant la dispute qui allait suivre1.
Ma première rencontre avec l’abbé Williamson après sa nomination n’augurait rien de bon. Je devais le rencontrer à notre chapelle de Staten Island où il célébrait la Messe immédiatement après son arrivée d’Europe. Sa Messe était si scandaleuse – expédiée avec un mépris total des rubriques – que je ne pouvais supporter d’y assister et attendis dehors2.
La méthode de l’abbé Williamson au séminaire était celle de l’agent provocateur classique – déclarations excessi-ves destinées à provoquer de fortes réactions d’opposition de séminaristes qui pourraient montrer de la loyauté en-vers tout principe au-delà des opinions toujours changeantes de l’archevêque.
En quelques semaines, le Séminaire de Saint thomas d’Aquin, qui avait été paisible durant cinq ans sous l’abbé Sanborn, fut en pleine tempête. “Les conflits sont normaux dans un séminaire”, assurait l’abbé Williamson aux sémi-naristes. Pas jusqu’à votre arrivée Monsieur l’abbé.
Contre cet état de choses, au printemps 1983, nous (Abbés Kelly, Sanborn, Jenkins, Dolan et moi-même) com-mencèrent à rédiger une lettre à Mgr Lefebvre et à la "Direction Générale" (Abbé Franz Schmidberger, et autres diri-geants de la FSSPX) qui devait exposer les problèmes les plus saillants. Quatre des prêtres les plus jeunes – les ab-bés Collins (ordonné en 1979), Berry (1980), Zapp (1982) et Skierka (1982) – avaient des reproches similaires à pro-pos de la direction que prenait la FSSPX et prirent part aux discussions.
Le 25 Mars 1983, nous nous mîmes d’accord sur la version finale de la lettre, la signèrent à Oyster Bay Cove, NY, et la postèrent. Le texte complet de la lettre se trouve sur www.traditionalmass.org sous le titre “Letter of the ‘Nine’ to Archbishop Lefebvre.” Voici un exposé des points principaux.
A. DES PRÊTRES À L’ORDINATION DOUTEUSE
Le Supérieur du District du Sud Ouest, l’abbé Hector L. Bolduc, employait depuis des années l’abbé Philip Stark SJ pour célébrer la Messe dans les missions de la FSSPX de son district. Nous découvrîmes que l’abbé Stark avait été ordonné avec le nouveau rite d’ordination d’après Vatican II.
Jusqu’ici, Mgr Lefebvre nous avait dit des années auparavant que la validité du rite d’ordination des prêtres de 1968 était douteuse, et il avait ordonné sous condition au moins deux prêtres Novus Ordo qui vinrent travailler avec la FSSPX aux Etats Unis, les abbés Sullivan et Ringrose. Lorsque le cas de Stark se présenta, nous pensions que Mgr Lefebvre aurait la même conduite.3
Avant que ceci n’arrive, nous avions publié en 1981 une étude du nouveau rite d’ordination dans notre périodique, The Roman Catholic. L’article, rédigé par l’abbé Jenkins et intitulé "Epuration de la Prêtrise dans l’Eglise Conciliaire", ne faisait pas mention directement du cas Stark, mais sa conclusion était claire : la validité du nouveau rite d’ordination était douteuse, donc les sacrements conférés l’étaient aussi et par conséquent, un tel prêtre devait de-mander à être réordonné sous condition.
Cela ne se passa pas bien avec l’abbé. De son côté, l’abbé Stark dit clairement qu’il refuserait de se soumettre à une ordination sous condition.
1 Dans “The Archbishop and the Nine” (Angelus, Juillet 1983) l’abbé Williamson dit qu’il n’a aucun doute quant à la validité du nou-veau rite d’ordination en Anglais et qu’il était parvenu à cette conclusion après avoir consulté "trois théologiens anglophones com-pétents et expérimentés sur ces nouveaux rites Anglais, et tous les trois reconnaissent que les deux sont valides, aucun d’eux n’admettant de doute sérieux". Cependant, si Sa Grâce arrive à une conclusion différente, je serai plutôt enclin à le suivre car il est bien meilleur théologien que moi". Une parfaite illustration du Lefebvriste sans cervelle – l’étalon d’or pour la résolution de tout pro-blème théologique controversé est la "position de l’archevêque" à ce moment. Un autre exemple de choix : Le bulletin du séminaire de l’abbé Williamson de Mai 1986 était accompagné d’une déclaration de Mgr Lefebvre qui disait : "... peut-être devons nous dire que le Pape est hérétique... il est possible que nous soyons obligés de croire que ce pape n’est pas pape". (Ceci, notez le bien, après des déclarations de 1983 de l’archevêque disant que le sédévacantisme était schismatique). Le mois suivant, dans son bulle-tin de Juin, l’abbé Williamson décide par conséquent de parler de poésie. Vous pouvez presque l’entendre retenir sa respiration en attendant la "position de l’archevêque" basculant pour dire "le sédévacantisme est catholique", position qu’aura alors à défendre l’abbé Williamson en affirmant que cela a toujours été l’opinion de l’archevêque.
2 Mais à nouveau, personne n’enseignait comment dire la Messe à Ecône.
3 Certains prêtres Indiens dont les ordinations étaient douteuses avait également officié dans la District du Sud Ouest, et deux cler-gymen Vieux Catholiques, éleveurs de poulets de l’Arkansas, furent installés un moment à St Marys comme premiers clercs rési-dents de l’institution. Le cas Stark cependant un problème en cours.
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Mgr Lefebvre avait fait savoir qu’il voulait publier un autre article sur le sujet, écrit par Michael Davies – et Davies, naturellement, maintenait que le nouveau rite était valide. Nous publiâmes l’article de Davies en même temps que sa critique rédigée par l’abbé Jenkins. Ceci mena à un échange épistolaire dans The Roman Catholic.
Le sujet traîna jusqu’en 1982, au moment où Mgr Lefebvre (nous l’apprîmes plus tard) était engagé dans un de ses accès périodiques de négociations masquées avec “Rome”. Si nos objections à propos de la validité des nouveaux ri-tes d’ordination venaient à être connues des modernistes, cela aurait été un obstacle embarrassant à la “réconcilia-tion.”
Donc, au lieu de considérer le problème de l’abbé Stark comme une menace sérieuse pour la validité des sacre-ments conférés par son organisation, Mgr Lefebvre le traita simplement comme un désagrément et un problème de politique interne. Dans la meilleure des traditions diplomatiques, il chercha à concilier les deux côtés, à tergiverser, à retarder et éviter les controverses publiques.
Pendant ce temps là, l’abbé Stark voyageait dans le pays en célébrant des Messes et conférant des sacrements qui étaient douteux, sinon invalides. Comme mesure intérimaire, nous avions décidé de dire à nos paroissiens qui voyageaient dans le Sud Ouest de ne pas fréquenter les chapelles où officiait l’abbé Stark. Evidement, cela ne pouvait cependant pas continuer très longtemps.
Un de nos buts principaux était de fournir aux fidèles Catholiques des sacrements valides. Mais Mgr Lefebvre enté-rinait dorénavant la délivrance de sacrements douteux ou invalides sous l’égide de la FSSPX, organisation à laquelle nous appartenions. Et il agissait ainsi essentiellement pour des motifs politiques.
Donc nous nous résolûmes à affronter Mgr Lefebvre de nouveau sur ce problème, mais pour la dernière fois. A moins qu’il ne demande à l’abbé Stark de se plier à une ordination sous condition et instituer cela comme la règle pour tous les prêtres dans son cas qui viendraient travailler avec la Fraternité, c’en était fini avec lui.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
B. LE MISSEL DE JEAN XXIII (BUGNINI)
L’évolution des pratiques liturgiques au sein de la FSSPX constituera un jour un sujet fascinant pour une thèse de doctorat. Dans les débuts d’Ecône, la "Messe traditionnelle" était un mélange du rite de Jean XXIII (1962) et des modi-fications provisoires de Paul VI (1964-67), combiné avec des choses que "l’archevêque aimait", "ce que l’on avait fait en France", et à l’occasion une goutte de pratique d’avant 1955.
Combien nous étions déçus, nous Américains lorsque nous arrivâmes à Ecône pour trouver une Messe Tridentine "modernisée" ! Le Psaume 42 était supprimé dans les Prières au Bas de l’Autel, le prêtre assis sur le côté (comme dans le Novus Ordo), l’Epître et l’Evangile lus à la Messe basse depuis un lutrin face au peuple, et autres innovations.
Durant la même période, certain Anglophones de la FSSPX, particulièrement le séminariste Daniel Dolan, s’intéressèrent à l’histoire des changements liturgiques d’après 1955. Ils étaient, dans un large mesure, l’oeuvre de l’abbé Annibale Bugnini, le créateur en 1969 du Novus Ordo.
Bugnini était relativement clair en déclarant que la quantité de changements liturgiques qui apparurent dans les années 50 étaient "un pont vers le futur" et une partie du même processus qui produirait la Nouvelle Messe.
Lorsque dans les années 70 les prêtres de la FSSPX étaient ordonnés et retournaient dans leurs pays respectifs, ils suivaient les pratiques locales. Dans les pays Anglophones et en Allemagne, le Missel, les Rubriques et le Bréviai-re d’avant 1955 étaient utilisés. La France, en principe, se servait des livres de Jean XXIII.
Le problème liturgique apparut au "Chapitre Général" de la FSSPX en 1976. Là il fut décidé que les prêtres de la Fraternité continueraient à suivre la pratique en usage dans leur pays - une règle assez judicieuse. De fait, dans nos chapelles U.S. et notre séminaire, nous suivions les livres et usages d’avant 1955.
Au début des années 80 cependant, Mgr Lefebvre décida d’imposer le Missel et le Bréviaire de Jean XXIII de 1962 à tout le monde à la Fraternité. Ceci de nouveau, comme nous l’apprîmes plus tard, était en rapport avec les "négocia-tions" de l’archevêque avec Ratzinger et Jean Paul II. Il leur demandait le droit d’utiliser le Missel de 1962 – celui qui sera plus tard prescrit pour la Messe de l’Indult, la Fraternité Saint Pierre et la Messe Motu autorisée par Ratzinger (Benoît XVI) en Juillet 2007.
En automne 1982, donc, malgré les protestations de l’abbé Sanborn, le recteur du séminaire U.S., Mgr Lefebvre imposa l’usage du Missel et du Bréviaire de Jean XXII de 1962 au Séminaire de Saint Thomas d’Aquin, alors situé à Ridgefield, CT. Cela ne se passa pas bien, ni avec les enseignants, ni avec la plupart des séminaristes.
L’introduction des modifications liturgiques de 1962 au séminaire fit comprendre que le reste des prêtres du Nord Est serait la prochaine cible de l’archevêque pour les "réformes liturgiques".
Même la tête d’un véritable ordre religieux comme les Cisterciens n’avait pas le pouvoir d’imposer à ses membres de nouveaux usages liturgiques – et Mgr Lefebvre n’était rien de plus qu’un évêque à la retraite dirigeant une associa-tion de prêtres sans existence canonique. Il n’avait pas le droit d’imposer des pratiques liturgiques à quiconque. En dehors du problème de licéité, c’était le principe en lui-même.
Ces réformes liturgiques étaient l’oeuvre du Maçon Bugnini. Elles constituaient une étape de son programme de destruction de la Messe et de son remplacement par le Novus Ordo. Sachant cela, il n’était pas question pour moi-même et mes amis prêtres d’utiliser son Missel.
C. EXPULSIONS SOMMAIRES DE PRÊTRES
Au début de 1983, Mgr Lefebvre menaça d’expulser l’abbé Zapp de la Fraternité parce qu’il refusait de suivre les réformes de Jean XXIII.
La menace de l’archevêque était en contradiction avec la loi canonique et la tradition de l’Eglise, qui requérait que tout évêque ordonnant un prêtre devait s’assurer que celui-ci avait un "titre canonique", c’est à dire, un moyen de sub-sistance matérielle permanent. Même lorsqu’un évêque ordonnait un prêtre sans un véritable titre canonique (ce que fit Mgr Lefebvre), la loi canonique obligeait l’évêque et ses successeurs à assister le prêtre tout au long de sa vie.
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Mgr Lefebvre pratiqua régulièrement envers les prêtres la menace d’expulsion ou même de les expulser de la Fra-ternité, et de ne prendre aucune disposition pour les assister. A partir de 1983, c’était la procédure standard de l’archevêque - contrariez le et vous étiez à la rue sans appel.
D. USURPATION D’AUTORITÉ MAGISTÉRIELLE
Ici le problème était que Mgr Lefebvre et la FSSPX agissaient comme s’ils possédaient l’autorité du magistère. Lorsqu’on en vint à des sujets comme la validité de la Nouvelle Messe ou la vacance du Saint Siège, l’archevêque commença à insister pour imposer aux membres d’adhérer à ses positions du jour.
Ceci, à nouveau, était fait en vue d’arriver à un accord avec Ratzinger et Jean Paul II. Mais une simple soumission externe ne suffisait pas. Il y était ajouté une obligation de soumission interne à la ligne du parti de la FSSPX. C’était évident dans une lettre du 8 Novembre 1982 que le successeur sélectionné de Mgr Lefebvre, Franz Schmidberger, écrivit à un jeune prêtre :
“Si vous demeurez dans notre Société, vous devez graduellement éclaircir votre point de vue interne et revenir vers la position de la Fraternité de Prêtres, qui nous semble la seule juste, étant donné les circonstances, comme un échange avec des théologiens me l’a montré de nouveau le week end passé. Pensez-y sérieusement, parce qu‘avec cette décision, votre bien être temporel, mais bien plus votre salut sont en jeu au plus haut point. Je continuerai à prier pour que la lumière divine vous éclaire et vous amène à l’humble soumission”.
Revenir à la position de la Fraternité ? Votre salut éternel est en jeu ? Humble soumission ? Pour nous, c’était fou.
Seule l’Eglise a le droit d’exiger la soumission interne au prix du salut éternel – non l’équivalent canonique de la Li-gue du Sacré Coeur. Nous sommes venus pour combattre le modernisme, non pour nous soumettre à un magistère de rechange.
F. LOYAUTÉ ENVERS LA FSSPX AVANT TOUT
Ce point a été relaté précédemment. En pratique, Mgr Lefebvre et la FSSPX avaient commencé d’égaler la loyauté envers eux-mêmes et leurs “positions” avec la loyauté envers l’Eglise. Ni nous mêmes, ni les gens que nous servions n’avaient signé pour cela.
Par conséquent, lorsque les gens disent que le sédévacantisme fut la cause de notre conflit avec la FSSPX, je ré-pond que le véritable conflit n’était pas de faillir à reconnaître Jean Paul II comme pape – c’était de faillir à reconnaître Mgr Lefebvre comme pape.
G. ACCEPTER DE FAUSSES ANNULATIONS
Les cinq problèmes déjà exposés cuisaient à petit feu depuis un moment lorsqu’un sixième émergea qui fit rapi-dement tout déborder.
Nous apprîmes qu’un laïc important d’une de nos missions avait été marié et avait fait annuler son mariage par le tribunal moderniste local au motif d’"immaturité psychologique", puis s’était remarié.
L’annulation était fausse. Même dans les années 80 il était évident aux yeux des Catholiques traditionnels que les tribunaux matrimoniaux diocésains d’après Vatican II n’étaient rien d’autre que des cours d’enregistrement de divorce qui prononçaient des annulations sur des preuves évidemment fausses. Donc, nous conseillâmes aux parties impli-quées dans le second mariage, soit de se séparer, soit de vivre comme frère et soeur.
Au début de 1983 cependant, nous apprîmes que l’un d’entre eux avait écrit à Mgr Lefebvre, qui avait des copies de leur correspondance et de la réponse qu’il nous avait envoyée. Le courrier original ne mentionnait pas les raisons de l’annulation, et l’archevêque ne s’inquiéta même pas de les connaître. Au contraire, le Secrétaire Général de la FSSPX, l’abbé Patrice Laroche, écrivit au nom de l’archevêque :
“Au nom de Sa Grâce Archevêque Marcel Lefebvre je vous remercie pour votre lettre du 23 Juin, à laquelle il a apporté toute son attention.
“Sa Grâce pense qu’en dépit de tout, on doit adhérer à la décision prise par l’Eglise. Bien que l’on puisse dé-plorer que l’Eglise déclare actuellement les mariages invalides trop facilement, nous ne pouvons affirmer dans un cas particulier, sans quelque raison sérieuse, qu’une déclaration d’annulation n’est pas valide. Par conséquent, vous pouvez recevoir les sacrements et avoir une vie de famille Chrétienne”.
La pensée de l’archevêque était parfaitement claire : nous prêtres devions désormais traiter chaque annulation moderniste comme valide jusqu’à preuve du contraire.
Pourquoi voulait-il poser un tel principe ? Ses négociations secrètes avec Ratzinger. Mgr Lefebvre pouvait diffici-lement attendre des modernistes hérétiques une "reconnaissance" de la FSSPX si lui-même ne reconnaissait pas leurs tribunaux matrimoniaux.
Ainsi, l’Evêque de Fer mit l’indissolubilité des mariages sacramentels sur la table comme monnaie d’échange pour son grand projet diplomatique de "réconciliation". Pour nous c’était la fin. Après avoir tracé les grandes lignes de ces problèmes dans notre lettre du 25 Mars, nous proposâmes six résolutions pratiques pour la FSSPX afin de les résou-dre – un scénario dont il faut reconnaître qu’il aurait été hautement improbable. Quelques extraits de la conclusion de la lettre montreront au lecteur, même après toutes ces années, notre résolution à rester ferme :
“…il n’y aurait pas d’excuse à répéter les erreurs des Catholiques des années soixante. En ce qui les concer-ne, on peut au moins comprendre comment ils furent conduits de la tradition vers la nouvelle religion par un pro-cessus graduel et la soumission servile. On les assurait qu’ils étaient des enfants obéissants attentifs à leurs ber-gers au chef des bergers lui-même, le Pape. Il était inconcevable que le Vicaire du Christ puisse engager l’Eglise dans une voie qui signifiait trahir la tradition et la ruine de millions d’âmes. Et les Catholiques se soumettaient au processus...
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“Pour nous, plus de vingt ans après, l’histoire sous nos yeux, il ne peut y avoir d’excuse à accepter les premiè-res étapes du processus de réforme. Pas plus que nous ne pouvons entériner des pratiques qui reviennent à reje-ter les traditions sacrées.
“Nous craignons à la fois pour le futur de la Fraternité et le bien des âmes...
“Nous sommes résolus à poursuivre le travail pour lequel nous avons été ordonnés et pour lequel nous avons reçu la confiance des fidèles. Ce que nous avons l’intention de faire en toute sérénité même si la Fraternité nous abandonnait.
“En Jésus et Marie…”
Le jour où nous signâmes la lettre, la tension de l’atmosphère était palpable, parce que nous savions tous quelles pouvaient en être les conséquences. Pour éclaircir les choses, l’abbé Kelly cita l’avertissement de Franklin aux signa-taires de la Déclaration d’Indépendance : “Nous devons nous tenir tous ensemble, ou nous serons certainement pen-dus séparément".
III. LA RUPTURE D’AVRIL 1983
Mgr Lefebvre avait déjà prévu de faire un voyage aux U.S.A. en Avril 1983 pour visiter le séminaire de Ridgefield puis de se rendre dans le District du Sud Ouest afin de destituer le Supérieur, l’abbé Bolduc. Il va sans dire que la destitution de l’abbé Bolduc fut remise, et la question des Neuf mise en tête de l’agenda de l’archevêque.
A. LA DESTITUTION DE L’ABBÉ SANBORN
Mgr Lefebvre arriva au séminaire avec l’abbé Schmidberger. Les 24, 25 et 26 Avril, il prononça des discours de-vant les séminaristes dénonçant l’abbé Sanborn et le reste d’entre nous, et exposant la ligne du parti.
Quelquefois, on me demande si je pense aujourd’hui que j’aurai du agir différemment en 1983. Ma réponse est oui, j’aurais du prendre une position encore plus dure : changer les serrures du séminaire de Ridgefield, envoyer les affai-res de l’abbé Williamson, et garder Mgr Lefebvre tout à fait en dehors. Ne pas le faire laissa à l’archevêque une base d’opérations pour faire admettre les prêtres douteux, les fausses annulations et la loyauté envers lui comme à un pape de substitution
En tous cas, Mgr Lefebvre, destitua promptement l’abbé Sanborn du rectorat du séminaire, en le remplaçant par l’abbé Williamson. Puis l’abbé Sanborn fut envoyé en Irlande1.
Le plan de l’archevêque était de "diviser et conquérir". Dans ce but, il chercha à éviter une confrontation directe avec les abbés Kelly, Dolan et moi-même en nous évitant pour le moment, puis en nous prenant plus tard un par un. Comme nous nous en doutions, nous insistâmes pour que l’archevêque nous rencontre afin de discuter du contenu de la lettre du 25 Mars. Donc, l’après midi du 27 Avril 1983, Mgr Lefebvre accompagné des abbés Schmidberger et Wil-liamson se rendirent de Ridgefield à Oyster Bay Cove, NY, devenu le quartier général du District Nord Est.
B. LA RENCONTRE DU 27 AVRIL
Nous rencontrâmes l’archevêque dans la salle de conférence du rez de chaussée. Nous informâmes l’archevêque que l’abbé Kelly et moi-même étions autorisés par les autres signataires de la lettre à parler en leur nom. Les abbés Dolan et Berry étaient aussi présents. Les abbés Williamson et Berry prirent tous les deux des notes détaillées, ce qui fait que même vingt cinq après on peut avoir la saveur de ce qui se passa. J’en mentionnerai seulement quelques as-pects.
1. Le débat. Je fis passer une liste des six résolutions contenues dans notre lettre, à laquelle avait été ajoutée une septième qui garantirait que lesdites résolutions seraient obligatoires si adoptées. Je suggérai qu’il serait mieux de les discuter parce qu’il s’agissait de questions pratiques. Mgr Lefebvre commença par une critique de l’abbé Zapp parce qu’il refusait d’utiliser le Missel de Jean XXIII.
Je tentais alors d’épingler l’archevêque sur le problème de l’ordination sous condition des prêtres ordonnés selon le nouveau rite. Il commença par essayer de nous calmer, disant qu’il était absolument d’accord sur les principes, que la situation était lamentable, qu’il serait mieux que l’abbé Stark soit réordonné, etc.
Mais quand je le pressai de donner une réponse claire, l’archevêque dit qu’il ne voulait pas en faire une règle. La discussion se porta alors sur la liturgie de Jean XXIII. Mgr Lefebvre nous accusa d’intolérance, et nia que le "Chapitre Général" de 1976 ait approuvé l’usage du Missel et du Bréviaire d’avant 1955. C’était évidemment faux, comme le montrent les Minutes que l’archevêque lui-même avait signées2.
L’archevêque dit alors que nous obstinions sur les questions liturgiques parce que nous ne "pensions pas avec la Fraternité"3.
Ce qui nous fit bondir, l’abbé Kelly et moi. L’expression normale dans la théologie Catholique est "penser avec l’Eglise". Le petit "dérapage Freudien" de l’archevêque nous confirmait simplement ce que nous exposions dans notre lettre : nous devions nous soumettre à lui et à la FSSPX comme à une Eglise de substitution.
L’abbé Dolan lui demanda alors en vertu de quelle autorité il avait décidé de la question liturgique – pourquoi pas 1965 ou 1968 ? L’archevêque dit que c’était la "dernière législation pontificale valide" (!) et "la foi" qui décidaient. Tra-
1 Une preuve de plus que la revendication de la FSSPX d’être un ordre religieux est une fraude totale. Les religieux ne peuvent être affectés à d’autres provinces sans leur consentement.
2 Après avoir traité des pratiques liturgiques pour la France et pour Ecône, les Minutes écrivent : "Dans d’autres districts et maisons de formation, on utilisera les ouvrages liturgiques et les rubriques observées qui ont été préservées jusqu’à maintenant par les prê-tres fidèles d’Allemagne, Angleterre et Amérique". Minutes de la réunion des principaux dirigeants de la Fraternité tenue à Ecône les 13 et 14 Septembre 1976, III.3.2.
3 Il utilisa le mot Français pour l’organisation, "Fraternité"
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duction : l’archevêque lui-même détermine pour tout un chacun quelle législation papale est valide et quand "la foi" est menacée. De nouveau, l’archevêque et la FSSPX comme Eglise de substitution : La Foi c’est moi.
2. La Fin. Lorsque nous essayâmes de porter la discussion sur le troisième point, l’archevêque remarqua le sep-tième point sur la liste. C’est celui que j’avais personnellement rajouté1. Il aurait autorisé l’abbé Kelly et moi-même à rédiger des documents légaux qui auraient obligé toute association affiliée à la FSSPX à observer les résolutions adoptées.
Le septième point était conçu pour empêcher que l’archevêque de suivre sa pratique habituelle qui était de feindre diplomatiquement son accord sur quelque chose et de le nier plus tard. En d’autres termes, nous l’invitions à mettre cartes sur table. L’archevêque le réalisa et bondit. “Terminé, impossible. Imposer à Ecône votre manière d’agir ?... Esprit agressif... accepter le point sept de cette feuille ! ? ! Trouvez-vous un autre évêque... Les ordres de Cekada. Nous donnons simplement le nom... Prenez votre liberté... Assez de discussions...” etc., etc.
Après cela, il était clair que nous étions rendus dans une impasse.
L’abbé Schmidberger aborda la question des diverses possessions. Il suggéra que nous gardions secret le désac-cord de façon à ne pas choquer les fidèles, et nommer des délégués pour résoudre tout problème. C’était de toutes façons ce que nous allions proposer. Nous informâmes l’archevêque que pour le moment, nous contrôlions les diver-ses associations. Il menaça immédiatement de nous poursuivre.
Nous proposâmes au contraire que nos avocats respectifs se rencontrent pour parvenir à un accord afin d’éviter un gâchis. Ils approuvèrent, et la rencontre prit fin.
L’abbé Kelly et moi-même pensions qu’un repas pris en commun avec l’archevêque et les deux abbés pourraient faire redescendre la température, et peut-être permettre aux deux côtés d’imaginer un arrangement amiable qui épar-gnerait les fidèles. Donc, nous les invitâmes à rester pour dîner.
L’archevêque voulait rester. Mais l’abbé Williamson dit en Allemand à l’abbé Schmidberger : "Je ne veux pas man-ger avec de tels gens", ce à quoi je ne pus résister d’ajouter en Allemand : "Faites attention, vous ne savez jamais qui parle Allemand !".
Puis nous embrassâmes l’anneau de l’archevêque, le remerciâmes (sincèrement) pour tout ce qu’il avait fait, et le vîmes partir avec les deux abbés. J’ai souvent pensé que le procès aurait pu être entièrement évité si seulement l’archevêque était resté pour le repas. Bien que la rencontre ait été dure émotionnellement, nous étions toujours dé-terminés à ne pas céder sur les points soulevés dans notre lettre.
Dès que l’archevêque fut de retour au séminaire de Ridgefield, il se mit immédiatement à composer une lettre nous dénonçant auprès des fidèles. Voilà comment il concevait de garder le secret et essayer de résoudre le problème pai-siblement.
Le jour suivant, le 28 Avril, l’archevêque fit une autre conférence aux séminaristes. Il était toujours furieux à propos du point (7), celui qui était destiné à l’empêcher d’esquiver un accord. Finalement, une remarque ironique : dans la let-tre dans laquelle il dénonçait les Neuf comme rebelles, l’archevêque citait un passage de la Somme comme étant "la base de la pensée de la Fraternité et de son action dans la grave crise que traversait l’"Eglise". Je le lus pour décou-vrir Saint Thomas disant "si la foi était en danger, un inférieur devrait réprimander son prélat" et ses supérieurs "ne devraient pas dédaigner d’être repris par leur inférieurs"2.
Apparemment, le principe s’appliquait à l’archevêque, mais pas à nous.
IV. LES POURSUITES
Le 1er Mai, le premier Dimanche après la rencontre, nous expliquâmes en chaire dans toutes nos chapelles les points de désaccord avec Mgr Lefebvre et pourquoi nous devions prendre une attitude ferme face à ses actes. A quelques exceptions près, la réaction de nos paroissiens fut la contrariété vis à vis de l’archevêque, et le soutien à no-tre position de prêtres. Il en fut de même pour les deux autres prêtres qui étaient avec nous à ce moment, les abbés Roy Randolph et John Hesson.
Quelques jours après la rencontre du 27 Avril, notre avocat contacta l’avocat de l’archevêque (celui là même qui avait originellement constitué les associations laïques “Amies”) pour le sonder sur la possibilité d’un arrangement. No-tre avocat nous dit qu’il avait l’impression que l’archevêque et ses conseillers n’étaient pas sérieusement intéressés par une négociation et qu’ils semblaient penser qu’ils gagneraient rapidement et facilement devant un tribunal. Donc, dit-il, attendez-vous à être poursuivis. Mais lui-même pensait que le litige serait long et dommageable, et qu’il se ter-minerait par un règlement négocié.
A. L’ARCHEVÊQUE DÉPOSE PLAINTE
La bataille juridique commença à l’été 1983 quand l’archevêque et son organisation déposèrent plainte contre nous au Tribunal de District du District Est de New York – en d’autres termes, le système fédéral, plutôt que le tribunal de l’état.
Un plaignant entame des poursuites en remplissant un document appelé “Complaint” auprès du tribunal. Dans ce-lui-ci, le plaignant est supposé lister ses principales réclamations contre l’accusé, en même temps que les bases fac-tuelles et légales. La principale revendication de l’archevêque et de la FSSPX était que nous étions ses agents et mandataires. Dans ce cas, nous étions responsables de l’acquisition et de la conservation des biens en leur nom. Nous les avions lésés de leurs biens et les occupions illégalement.
1 Il était contenu en partie dans la seconde résolution que nous proposions dans lettre du 25 Mars à l’archevêque.
2 Summa Theol. II-II :33.4 ad 2.
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“Gestionnaire de biens immobiliers” n’était pas, si je me le rappelle une des tâches assignées dans les prescrip-tions que nous lut l’archevêque durant le rite d’ordination.
Mais en tous cas, dans la mesure où nous étions concernés, que la justice civile nous considère comme agents ou mandataires, l’archevêque entérinait dorénavant les sacrements douteux, et imposait un Missel crypto-moderniste en vue d’une "réconciliation" avec l’oecuménisme archi-hérétique de Wojtyla, une Eglise Mondiale1. Pour cette raison, Mgr Lefebvre perdait tout droit moral de quelque sorte à la possession d’églises qu’il revendiquait, exactement comme firent les évêques diocésains dans les années 60.
Un prêtre traditionnel de cette époque n’était pas en position de se battre pour son troupeau par une bataille juridi-que avec son évêque. Mais en 1983, grâce à Dieu, nous l’étions et nous le ferions.
L’évolution des pratiques liturgiques au sein de la FSSPX constituera un jour un sujet fascinant pour une thèse de doctorat. Dans les débuts d’Ecône, la "Messe traditionnelle" était un mélange du rite de Jean XXIII (1962) et des modi-fications provisoires de Paul VI (1964-67), combiné avec des choses que "l’archevêque aimait", "ce que l’on avait fait en France", et à l’occasion une goutte de pratique d’avant 1955.
Combien nous étions déçus, nous Américains lorsque nous arrivâmes à Ecône pour trouver une Messe Tridentine "modernisée" ! Le Psaume 42 était supprimé dans les Prières au Bas de l’Autel, le prêtre assis sur le côté (comme dans le Novus Ordo), l’Epître et l’Evangile lus à la Messe basse depuis un lutrin face au peuple, et autres innovations.
Durant la même période, certain Anglophones de la FSSPX, particulièrement le séminariste Daniel Dolan, s’intéressèrent à l’histoire des changements liturgiques d’après 1955. Ils étaient, dans un large mesure, l’oeuvre de l’abbé Annibale Bugnini, le créateur en 1969 du Novus Ordo.
Bugnini était relativement clair en déclarant que la quantité de changements liturgiques qui apparurent dans les années 50 étaient "un pont vers le futur" et une partie du même processus qui produirait la Nouvelle Messe.
Lorsque dans les années 70 les prêtres de la FSSPX étaient ordonnés et retournaient dans leurs pays respectifs, ils suivaient les pratiques locales. Dans les pays Anglophones et en Allemagne, le Missel, les Rubriques et le Bréviai-re d’avant 1955 étaient utilisés. La France, en principe, se servait des livres de Jean XXIII.
Le problème liturgique apparut au "Chapitre Général" de la FSSPX en 1976. Là il fut décidé que les prêtres de la Fraternité continueraient à suivre la pratique en usage dans leur pays - une règle assez judicieuse. De fait, dans nos chapelles U.S. et notre séminaire, nous suivions les livres et usages d’avant 1955.
Au début des années 80 cependant, Mgr Lefebvre décida d’imposer le Missel et le Bréviaire de Jean XXIII de 1962 à tout le monde à la Fraternité. Ceci de nouveau, comme nous l’apprîmes plus tard, était en rapport avec les "négocia-tions" de l’archevêque avec Ratzinger et Jean Paul II. Il leur demandait le droit d’utiliser le Missel de 1962 – celui qui sera plus tard prescrit pour la Messe de l’Indult, la Fraternité Saint Pierre et la Messe Motu autorisée par Ratzinger (Benoît XVI) en Juillet 2007.
En automne 1982, donc, malgré les protestations de l’abbé Sanborn, le recteur du séminaire U.S., Mgr Lefebvre imposa l’usage du Missel et du Bréviaire de Jean XXII de 1962 au Séminaire de Saint Thomas d’Aquin, alors situé à Ridgefield, CT. Cela ne se passa pas bien, ni avec les enseignants, ni avec la plupart des séminaristes.
L’introduction des modifications liturgiques de 1962 au séminaire fit comprendre que le reste des prêtres du Nord Est serait la prochaine cible de l’archevêque pour les "réformes liturgiques".
Même la tête d’un véritable ordre religieux comme les Cisterciens n’avait pas le pouvoir d’imposer à ses membres de nouveaux usages liturgiques – et Mgr Lefebvre n’était rien de plus qu’un évêque à la retraite dirigeant une associa-tion de prêtres sans existence canonique. Il n’avait pas le droit d’imposer des pratiques liturgiques à quiconque. En dehors du problème de licéité, c’était le principe en lui-même.
Ces réformes liturgiques étaient l’oeuvre du Maçon Bugnini. Elles constituaient une étape de son programme de destruction de la Messe et de son remplacement par le Novus Ordo. Sachant cela, il n’était pas question pour moi-même et mes amis prêtres d’utiliser son Missel.
C. EXPULSIONS SOMMAIRES DE PRÊTRES
Au début de 1983, Mgr Lefebvre menaça d’expulser l’abbé Zapp de la Fraternité parce qu’il refusait de suivre les réformes de Jean XXIII.
La menace de l’archevêque était en contradiction avec la loi canonique et la tradition de l’Eglise, qui requérait que tout évêque ordonnant un prêtre devait s’assurer que celui-ci avait un "titre canonique", c’est à dire, un moyen de sub-sistance matérielle permanent. Même lorsqu’un évêque ordonnait un prêtre sans un véritable titre canonique (ce que fit Mgr Lefebvre), la loi canonique obligeait l’évêque et ses successeurs à assister le prêtre tout au long de sa vie.
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Mgr Lefebvre pratiqua régulièrement envers les prêtres la menace d’expulsion ou même de les expulser de la Fra-ternité, et de ne prendre aucune disposition pour les assister. A partir de 1983, c’était la procédure standard de l’archevêque - contrariez le et vous étiez à la rue sans appel.
D. USURPATION D’AUTORITÉ MAGISTÉRIELLE
Ici le problème était que Mgr Lefebvre et la FSSPX agissaient comme s’ils possédaient l’autorité du magistère. Lorsqu’on en vint à des sujets comme la validité de la Nouvelle Messe ou la vacance du Saint Siège, l’archevêque commença à insister pour imposer aux membres d’adhérer à ses positions du jour.
Ceci, à nouveau, était fait en vue d’arriver à un accord avec Ratzinger et Jean Paul II. Mais une simple soumission externe ne suffisait pas. Il y était ajouté une obligation de soumission interne à la ligne du parti de la FSSPX. C’était évident dans une lettre du 8 Novembre 1982 que le successeur sélectionné de Mgr Lefebvre, Franz Schmidberger, écrivit à un jeune prêtre :
“Si vous demeurez dans notre Société, vous devez graduellement éclaircir votre point de vue interne et revenir vers la position de la Fraternité de Prêtres, qui nous semble la seule juste, étant donné les circonstances, comme un échange avec des théologiens me l’a montré de nouveau le week end passé. Pensez-y sérieusement, parce qu‘avec cette décision, votre bien être temporel, mais bien plus votre salut sont en jeu au plus haut point. Je continuerai à prier pour que la lumière divine vous éclaire et vous amène à l’humble soumission”.
Revenir à la position de la Fraternité ? Votre salut éternel est en jeu ? Humble soumission ? Pour nous, c’était fou.
Seule l’Eglise a le droit d’exiger la soumission interne au prix du salut éternel – non l’équivalent canonique de la Li-gue du Sacré Coeur. Nous sommes venus pour combattre le modernisme, non pour nous soumettre à un magistère de rechange.
F. LOYAUTÉ ENVERS LA FSSPX AVANT TOUT
Ce point a été relaté précédemment. En pratique, Mgr Lefebvre et la FSSPX avaient commencé d’égaler la loyauté envers eux-mêmes et leurs “positions” avec la loyauté envers l’Eglise. Ni nous mêmes, ni les gens que nous servions n’avaient signé pour cela.
Par conséquent, lorsque les gens disent que le sédévacantisme fut la cause de notre conflit avec la FSSPX, je ré-pond que le véritable conflit n’était pas de faillir à reconnaître Jean Paul II comme pape – c’était de faillir à reconnaître Mgr Lefebvre comme pape.
G. ACCEPTER DE FAUSSES ANNULATIONS
Les cinq problèmes déjà exposés cuisaient à petit feu depuis un moment lorsqu’un sixième émergea qui fit rapi-dement tout déborder.
Nous apprîmes qu’un laïc important d’une de nos missions avait été marié et avait fait annuler son mariage par le tribunal moderniste local au motif d’"immaturité psychologique", puis s’était remarié.
L’annulation était fausse. Même dans les années 80 il était évident aux yeux des Catholiques traditionnels que les tribunaux matrimoniaux diocésains d’après Vatican II n’étaient rien d’autre que des cours d’enregistrement de divorce qui prononçaient des annulations sur des preuves évidemment fausses. Donc, nous conseillâmes aux parties impli-quées dans le second mariage, soit de se séparer, soit de vivre comme frère et soeur.
Au début de 1983 cependant, nous apprîmes que l’un d’entre eux avait écrit à Mgr Lefebvre, qui avait des copies de leur correspondance et de la réponse qu’il nous avait envoyée. Le courrier original ne mentionnait pas les raisons de l’annulation, et l’archevêque ne s’inquiéta même pas de les connaître. Au contraire, le Secrétaire Général de la FSSPX, l’abbé Patrice Laroche, écrivit au nom de l’archevêque :
“Au nom de Sa Grâce Archevêque Marcel Lefebvre je vous remercie pour votre lettre du 23 Juin, à laquelle il a apporté toute son attention.
“Sa Grâce pense qu’en dépit de tout, on doit adhérer à la décision prise par l’Eglise. Bien que l’on puisse dé-plorer que l’Eglise déclare actuellement les mariages invalides trop facilement, nous ne pouvons affirmer dans un cas particulier, sans quelque raison sérieuse, qu’une déclaration d’annulation n’est pas valide. Par conséquent, vous pouvez recevoir les sacrements et avoir une vie de famille Chrétienne”.
La pensée de l’archevêque était parfaitement claire : nous prêtres devions désormais traiter chaque annulation moderniste comme valide jusqu’à preuve du contraire.
Pourquoi voulait-il poser un tel principe ? Ses négociations secrètes avec Ratzinger. Mgr Lefebvre pouvait diffici-lement attendre des modernistes hérétiques une "reconnaissance" de la FSSPX si lui-même ne reconnaissait pas leurs tribunaux matrimoniaux.
Ainsi, l’Evêque de Fer mit l’indissolubilité des mariages sacramentels sur la table comme monnaie d’échange pour son grand projet diplomatique de "réconciliation". Pour nous c’était la fin. Après avoir tracé les grandes lignes de ces problèmes dans notre lettre du 25 Mars, nous proposâmes six résolutions pratiques pour la FSSPX afin de les résou-dre – un scénario dont il faut reconnaître qu’il aurait été hautement improbable. Quelques extraits de la conclusion de la lettre montreront au lecteur, même après toutes ces années, notre résolution à rester ferme :
“…il n’y aurait pas d’excuse à répéter les erreurs des Catholiques des années soixante. En ce qui les concer-ne, on peut au moins comprendre comment ils furent conduits de la tradition vers la nouvelle religion par un pro-cessus graduel et la soumission servile. On les assurait qu’ils étaient des enfants obéissants attentifs à leurs ber-gers au chef des bergers lui-même, le Pape. Il était inconcevable que le Vicaire du Christ puisse engager l’Eglise dans une voie qui signifiait trahir la tradition et la ruine de millions d’âmes. Et les Catholiques se soumettaient au processus...
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“Pour nous, plus de vingt ans après, l’histoire sous nos yeux, il ne peut y avoir d’excuse à accepter les premiè-res étapes du processus de réforme. Pas plus que nous ne pouvons entériner des pratiques qui reviennent à reje-ter les traditions sacrées.
“Nous craignons à la fois pour le futur de la Fraternité et le bien des âmes...
“Nous sommes résolus à poursuivre le travail pour lequel nous avons été ordonnés et pour lequel nous avons reçu la confiance des fidèles. Ce que nous avons l’intention de faire en toute sérénité même si la Fraternité nous abandonnait.
“En Jésus et Marie…”
Le jour où nous signâmes la lettre, la tension de l’atmosphère était palpable, parce que nous savions tous quelles pouvaient en être les conséquences. Pour éclaircir les choses, l’abbé Kelly cita l’avertissement de Franklin aux signa-taires de la Déclaration d’Indépendance : “Nous devons nous tenir tous ensemble, ou nous serons certainement pen-dus séparément".
III. LA RUPTURE D’AVRIL 1983
Mgr Lefebvre avait déjà prévu de faire un voyage aux U.S.A. en Avril 1983 pour visiter le séminaire de Ridgefield puis de se rendre dans le District du Sud Ouest afin de destituer le Supérieur, l’abbé Bolduc. Il va sans dire que la destitution de l’abbé Bolduc fut remise, et la question des Neuf mise en tête de l’agenda de l’archevêque.
A. LA DESTITUTION DE L’ABBÉ SANBORN
Mgr Lefebvre arriva au séminaire avec l’abbé Schmidberger. Les 24, 25 et 26 Avril, il prononça des discours de-vant les séminaristes dénonçant l’abbé Sanborn et le reste d’entre nous, et exposant la ligne du parti.
Quelquefois, on me demande si je pense aujourd’hui que j’aurai du agir différemment en 1983. Ma réponse est oui, j’aurais du prendre une position encore plus dure : changer les serrures du séminaire de Ridgefield, envoyer les affai-res de l’abbé Williamson, et garder Mgr Lefebvre tout à fait en dehors. Ne pas le faire laissa à l’archevêque une base d’opérations pour faire admettre les prêtres douteux, les fausses annulations et la loyauté envers lui comme à un pape de substitution
En tous cas, Mgr Lefebvre, destitua promptement l’abbé Sanborn du rectorat du séminaire, en le remplaçant par l’abbé Williamson. Puis l’abbé Sanborn fut envoyé en Irlande1.
Le plan de l’archevêque était de "diviser et conquérir". Dans ce but, il chercha à éviter une confrontation directe avec les abbés Kelly, Dolan et moi-même en nous évitant pour le moment, puis en nous prenant plus tard un par un. Comme nous nous en doutions, nous insistâmes pour que l’archevêque nous rencontre afin de discuter du contenu de la lettre du 25 Mars. Donc, l’après midi du 27 Avril 1983, Mgr Lefebvre accompagné des abbés Schmidberger et Wil-liamson se rendirent de Ridgefield à Oyster Bay Cove, NY, devenu le quartier général du District Nord Est.
B. LA RENCONTRE DU 27 AVRIL
Nous rencontrâmes l’archevêque dans la salle de conférence du rez de chaussée. Nous informâmes l’archevêque que l’abbé Kelly et moi-même étions autorisés par les autres signataires de la lettre à parler en leur nom. Les abbés Dolan et Berry étaient aussi présents. Les abbés Williamson et Berry prirent tous les deux des notes détaillées, ce qui fait que même vingt cinq après on peut avoir la saveur de ce qui se passa. J’en mentionnerai seulement quelques as-pects.
1. Le débat. Je fis passer une liste des six résolutions contenues dans notre lettre, à laquelle avait été ajoutée une septième qui garantirait que lesdites résolutions seraient obligatoires si adoptées. Je suggérai qu’il serait mieux de les discuter parce qu’il s’agissait de questions pratiques. Mgr Lefebvre commença par une critique de l’abbé Zapp parce qu’il refusait d’utiliser le Missel de Jean XXIII.
Je tentais alors d’épingler l’archevêque sur le problème de l’ordination sous condition des prêtres ordonnés selon le nouveau rite. Il commença par essayer de nous calmer, disant qu’il était absolument d’accord sur les principes, que la situation était lamentable, qu’il serait mieux que l’abbé Stark soit réordonné, etc.
Mais quand je le pressai de donner une réponse claire, l’archevêque dit qu’il ne voulait pas en faire une règle. La discussion se porta alors sur la liturgie de Jean XXIII. Mgr Lefebvre nous accusa d’intolérance, et nia que le "Chapitre Général" de 1976 ait approuvé l’usage du Missel et du Bréviaire d’avant 1955. C’était évidemment faux, comme le montrent les Minutes que l’archevêque lui-même avait signées2.
L’archevêque dit alors que nous obstinions sur les questions liturgiques parce que nous ne "pensions pas avec la Fraternité"3.
Ce qui nous fit bondir, l’abbé Kelly et moi. L’expression normale dans la théologie Catholique est "penser avec l’Eglise". Le petit "dérapage Freudien" de l’archevêque nous confirmait simplement ce que nous exposions dans notre lettre : nous devions nous soumettre à lui et à la FSSPX comme à une Eglise de substitution.
L’abbé Dolan lui demanda alors en vertu de quelle autorité il avait décidé de la question liturgique – pourquoi pas 1965 ou 1968 ? L’archevêque dit que c’était la "dernière législation pontificale valide" (!) et "la foi" qui décidaient. Tra-
1 Une preuve de plus que la revendication de la FSSPX d’être un ordre religieux est une fraude totale. Les religieux ne peuvent être affectés à d’autres provinces sans leur consentement.
2 Après avoir traité des pratiques liturgiques pour la France et pour Ecône, les Minutes écrivent : "Dans d’autres districts et maisons de formation, on utilisera les ouvrages liturgiques et les rubriques observées qui ont été préservées jusqu’à maintenant par les prê-tres fidèles d’Allemagne, Angleterre et Amérique". Minutes de la réunion des principaux dirigeants de la Fraternité tenue à Ecône les 13 et 14 Septembre 1976, III.3.2.
3 Il utilisa le mot Français pour l’organisation, "Fraternité"
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duction : l’archevêque lui-même détermine pour tout un chacun quelle législation papale est valide et quand "la foi" est menacée. De nouveau, l’archevêque et la FSSPX comme Eglise de substitution : La Foi c’est moi.
2. La Fin. Lorsque nous essayâmes de porter la discussion sur le troisième point, l’archevêque remarqua le sep-tième point sur la liste. C’est celui que j’avais personnellement rajouté1. Il aurait autorisé l’abbé Kelly et moi-même à rédiger des documents légaux qui auraient obligé toute association affiliée à la FSSPX à observer les résolutions adoptées.
Le septième point était conçu pour empêcher que l’archevêque de suivre sa pratique habituelle qui était de feindre diplomatiquement son accord sur quelque chose et de le nier plus tard. En d’autres termes, nous l’invitions à mettre cartes sur table. L’archevêque le réalisa et bondit. “Terminé, impossible. Imposer à Ecône votre manière d’agir ?... Esprit agressif... accepter le point sept de cette feuille ! ? ! Trouvez-vous un autre évêque... Les ordres de Cekada. Nous donnons simplement le nom... Prenez votre liberté... Assez de discussions...” etc., etc.
Après cela, il était clair que nous étions rendus dans une impasse.
L’abbé Schmidberger aborda la question des diverses possessions. Il suggéra que nous gardions secret le désac-cord de façon à ne pas choquer les fidèles, et nommer des délégués pour résoudre tout problème. C’était de toutes façons ce que nous allions proposer. Nous informâmes l’archevêque que pour le moment, nous contrôlions les diver-ses associations. Il menaça immédiatement de nous poursuivre.
Nous proposâmes au contraire que nos avocats respectifs se rencontrent pour parvenir à un accord afin d’éviter un gâchis. Ils approuvèrent, et la rencontre prit fin.
L’abbé Kelly et moi-même pensions qu’un repas pris en commun avec l’archevêque et les deux abbés pourraient faire redescendre la température, et peut-être permettre aux deux côtés d’imaginer un arrangement amiable qui épar-gnerait les fidèles. Donc, nous les invitâmes à rester pour dîner.
L’archevêque voulait rester. Mais l’abbé Williamson dit en Allemand à l’abbé Schmidberger : "Je ne veux pas man-ger avec de tels gens", ce à quoi je ne pus résister d’ajouter en Allemand : "Faites attention, vous ne savez jamais qui parle Allemand !".
Puis nous embrassâmes l’anneau de l’archevêque, le remerciâmes (sincèrement) pour tout ce qu’il avait fait, et le vîmes partir avec les deux abbés. J’ai souvent pensé que le procès aurait pu être entièrement évité si seulement l’archevêque était resté pour le repas. Bien que la rencontre ait été dure émotionnellement, nous étions toujours dé-terminés à ne pas céder sur les points soulevés dans notre lettre.
Dès que l’archevêque fut de retour au séminaire de Ridgefield, il se mit immédiatement à composer une lettre nous dénonçant auprès des fidèles. Voilà comment il concevait de garder le secret et essayer de résoudre le problème pai-siblement.
Le jour suivant, le 28 Avril, l’archevêque fit une autre conférence aux séminaristes. Il était toujours furieux à propos du point (7), celui qui était destiné à l’empêcher d’esquiver un accord. Finalement, une remarque ironique : dans la let-tre dans laquelle il dénonçait les Neuf comme rebelles, l’archevêque citait un passage de la Somme comme étant "la base de la pensée de la Fraternité et de son action dans la grave crise que traversait l’"Eglise". Je le lus pour décou-vrir Saint Thomas disant "si la foi était en danger, un inférieur devrait réprimander son prélat" et ses supérieurs "ne devraient pas dédaigner d’être repris par leur inférieurs"2.
Apparemment, le principe s’appliquait à l’archevêque, mais pas à nous.
IV. LES POURSUITES
Le 1er Mai, le premier Dimanche après la rencontre, nous expliquâmes en chaire dans toutes nos chapelles les points de désaccord avec Mgr Lefebvre et pourquoi nous devions prendre une attitude ferme face à ses actes. A quelques exceptions près, la réaction de nos paroissiens fut la contrariété vis à vis de l’archevêque, et le soutien à no-tre position de prêtres. Il en fut de même pour les deux autres prêtres qui étaient avec nous à ce moment, les abbés Roy Randolph et John Hesson.
Quelques jours après la rencontre du 27 Avril, notre avocat contacta l’avocat de l’archevêque (celui là même qui avait originellement constitué les associations laïques “Amies”) pour le sonder sur la possibilité d’un arrangement. No-tre avocat nous dit qu’il avait l’impression que l’archevêque et ses conseillers n’étaient pas sérieusement intéressés par une négociation et qu’ils semblaient penser qu’ils gagneraient rapidement et facilement devant un tribunal. Donc, dit-il, attendez-vous à être poursuivis. Mais lui-même pensait que le litige serait long et dommageable, et qu’il se ter-minerait par un règlement négocié.
A. L’ARCHEVÊQUE DÉPOSE PLAINTE
La bataille juridique commença à l’été 1983 quand l’archevêque et son organisation déposèrent plainte contre nous au Tribunal de District du District Est de New York – en d’autres termes, le système fédéral, plutôt que le tribunal de l’état.
Un plaignant entame des poursuites en remplissant un document appelé “Complaint” auprès du tribunal. Dans ce-lui-ci, le plaignant est supposé lister ses principales réclamations contre l’accusé, en même temps que les bases fac-tuelles et légales. La principale revendication de l’archevêque et de la FSSPX était que nous étions ses agents et mandataires. Dans ce cas, nous étions responsables de l’acquisition et de la conservation des biens en leur nom. Nous les avions lésés de leurs biens et les occupions illégalement.
1 Il était contenu en partie dans la seconde résolution que nous proposions dans lettre du 25 Mars à l’archevêque.
2 Summa Theol. II-II :33.4 ad 2.
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“Gestionnaire de biens immobiliers” n’était pas, si je me le rappelle une des tâches assignées dans les prescrip-tions que nous lut l’archevêque durant le rite d’ordination.
Mais en tous cas, dans la mesure où nous étions concernés, que la justice civile nous considère comme agents ou mandataires, l’archevêque entérinait dorénavant les sacrements douteux, et imposait un Missel crypto-moderniste en vue d’une "réconciliation" avec l’oecuménisme archi-hérétique de Wojtyla, une Eglise Mondiale1. Pour cette raison, Mgr Lefebvre perdait tout droit moral de quelque sorte à la possession d’églises qu’il revendiquait, exactement comme firent les évêques diocésains dans les années 60.
Un prêtre traditionnel de cette époque n’était pas en position de se battre pour son troupeau par une bataille juridi-que avec son évêque. Mais en 1983, grâce à Dieu, nous l’étions et nous le ferions.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
B. PRÉPARATION À D’AUTRES PROCÈS
Notre avocat craignant que le procès ne soit trop complexe à gérer pour sa petite organisation, nous louâmes les services d’un cabinet plus important de New York City qui avait de l’expérience des lois sur les associations à but non lucratif. L’abbé Kelly et moi-même instruisîmes les avocats sur l’affaire et sur les éléments que mes recherches sur les contestations de propriété des églises avaient mises au jour.
M’attendant à ce que nous soyons un jour poursuivis dans d’autres états, je visitai d’autres cabinets dans le Michi-gan, la Pennsylvanie, le Minnesota et l’Ohio pour les instruire de l’affaire.
Ma discussion avec un avocat de Cincinnati fut particulièrement utile. Après un examen approfondi de la Plainte que nos adversaires avaient déposée à New York, il découvrit une erreur fatale commise par l’avocat de l’archevêque. Cette erreur, dit-il, serait votre "balle d’argent". Gardez la en réserve jusqu’à l’audience de New York. Puis utilisez la pour sortir toute leur affaire de l’eau. Et de fait, quatre ans plus tard, il s’avéra qu’il avait raison.
C. UN BUT RÉALISTE
Une question vient naturellement : pourquoi n’avons-nous pas utilisé cette erreur pour obtenir un non lieu dès le début ?
C’était une question de stratégie juridique. Nos adversaires étaient déterminés à poursuivre quoiqu’il arrive, et au-raient de nouveau attaqué d’une autre façon. En attendant de demander un non lieu, nous les entraînions à travers des années de procédures d’instruction, et après tout cela, obtenir le non lieu et les forcer à retourner vers une autre juridiction dans les mêmes conditions.
Devoir raisonner de cette façon est naturellement regrettable. Mais lorsque vous avez à faire à un adversaire im-placable dans notre système légal souvent insensé, vous n’avez pas d’autre choix que d’utiliser toutes les armes que ce système vous offre. Les résultats d’une affaire complexe auprès d’un tribunal Américain étant notoirement imprévi-sibles, on peut rarement compter sur une victoire totale. Pour l’archevêque, je suppose, une victoire totale aurait été de nous mettre à la rue, comme il l’a souvent fait avec des prêtres en Europe. Pour nous, cela aurait été de le ren-voyer, lui et ses subordonnés serviles, vers la France, avec un bon voyage, mais non un au revoir.
Dans la réalité cependant, 80 à 90 pour cent des affaires civiles sont en fait réglées par une négociation entre les parties. En général, cela se passe juste au moment où l’affaire doit passer en audience officielle devant un juge.
Ainsi, nous entrions dans le procès tout en sachant que, si une victoire totale aurait été bienvenue, le seul objectif réaliste à long terme était un règlement négocié avec nos adversaires.
Naturellement cela aurait mis à l’abri du programme de Mgr Lefebvre le maximum de groupes de fidèles que pos-sible. Cela impliquerait probablement quelque maquignonnage de biens et autres concessions. C’est comme cela que fonctionne le système Américain.
Mais offrir de négocier avec nos adversaires juste après qu’ils aient entamé une procédure n’aurait rien fait d’autre que de confirmer leurs attentes irréalistes. Mgr Lefebvre et ses conseillers semblaient penser qu’ils pourraient nous écraser au tribunal. Ils auraient à prendre quelques dures leçons avant d’en venir à envisager de négocier.
Nous nous attendions à ce que ce processus d’éducation prenne un certain temps, mais comme nous étions en possession des propriétés et que les fidèles nous approuvaient, nous étions disposés à attendre.
En fait, comme les choses se développèrent, nous n’avions pas d’autre choix, parce que les procès en Amérique se déroulent à la vitesse d’une guerre de tranchées menée par des escargots.
D. UNE PREMIÈRE VICTOIRE
Après le dépôt de plainte, l’étape suivante dans un procès consiste à essayer d’obtenir du juge un Temporary Res-training Order (TRO) contre votre adversaire. Ceci l’empêche de changer en quoi que ce soit le statu quo dans son conflit jusqu’au verdict final d’un procès complet.
En Août 1983, les représentants de l’archevêque tentèrent d’obtenir un TRO contre nous. Cela aurait gelé tous les comptes bancaires des églises et en fait fermé toutes les églises que nous desservions.
Nous eûmes une audience à ce sujet devant un juge. Grâce à une éloquente intervention de l’abbé Kelly qui cein-tura verbalement le malheureux avocat de l’archevêque, le juge refusa l’ordonnance.
Ainsi, pour l’équité du procès, nous continuâmes à faire fonctionner nos diverses paroisses comme auparavant.
E. DÉCOUVERTE ET DÉPOSITIONS
Puis, suivit ce que l’on appelle la phase de "découverte" du procès. Chaque partie découvre les "preuves" que l’adversaire peut avoir en sa possession. Cela s’effectue par des demandes de documents, des réponses écrites à des questions écrites ("interrogatories") et principalement, par les témoignages.
1 “Quanta in uno facinore sunt crimina!” (saint Ambroise). Cette accolade avec JP2 – que de crimes dans cette seule faute !
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Lors des témoignages, un témoin d’une partie doit répondre aux questions orales de l’avocat de la partie adverse. Le témoin doit parler sous serment, et questions et réponses sont transcrites par un greffier.
La "Découverte" est la phase la plus longue des procédures civiles, et la plus coûteuse en raison de la paperasse-rie légale nécessaire. Vous découvrez au moins d’où votre avocat tire le gros de son revenu...
Nous fîmes citer divers officiels de la FSSPX, y compris Mgr Lefebvre, à déposer. Bien qu’il ait déclenché la procé-dure, l’archevêque hésitait à témoigner. Ses avocats combattirent la citation jusqu’à ce que le juge leur déclare qu’ou bien l’archevêque accepte de déposer devant nos avocats, ou bien les plaignants seraient déboutés.
Donc l’archevêque revint d’Europe pour déposer. Nous nous assîmes autour de la table face à lui alors que nos avocats le cuisinaient poliment sur les différentes revendications de sa plainte contre nous. Naturellement regrettable – mais c’est lui qui avait attaqué, et nous l’avions prévenu à l’avance que ce serait un vrai gâchis. Entamez une pro-cédure contre quelqu’un en Amérique, et même si vous êtes un archevêque, le défenseur a le droit de vous citer à déposer.
Ce serait la première de quatre dépositions (au moins) que Mgr Lefebvre aurait à faire pour autant de procès, une fois le litige propagé à d’autres états. D’autres officiels de la FSSPX durent également déposer. Naturellement, les avocats de Mgr Lefebvre avaient également le droit de nous citer à déposer. Alors que les abbés Jenkins et Dolan, eurent des dépositions relativement brèves, les cibles principales à cuisiner largement de notre côté furent l’abbé San-born, l’abbé Kelly et particulièrement moi-même, parce que j’avais été étroitement associé avec toutes les organisa-tions revendiquées et conservé les archives de l’organisation.
A un moment, j’estimai que durant les quatre ans qu’on duré les procès, j’avais donné trente jours de témoignages, soit lors de dépositions, soit dans les tribunaux.
F. LES PROCÈS SE MULTIPLIENT
Attaquer ou se défendre dans un procès complexe dans le système judiciaire Américain ressemble à une guerre, et dans notre affaire, les batailles s’étendent à d’autres fronts
1. Philadelphie. Une des chapelles dont la propriété était disputée était l’Eglise de St Cyprien à Eddystone, Penn-sylvanie, une banlieue de Philadelphie. Elle était desservie par l’abbé Hesson et, à une ou deux exceptions près, les laïcs du lieu approuvaient notre position contre l’archevêque.
En Octobre et Novembre 1983 cependant, une des "exceptions" décida apparemment l’abbé Williamson à deman-der les clés de l’église à notre coordinateur laïque.
Lorsqu’il devint certain que nous allions être poursuivis pour la chapelle d’Eddystone, nous déposâmes une plainte auprès de la cour fédérale de Philadelphie pour remplir certains points de droit.
Là, la FSSPX poursuivit contre, faisant certaines revendications similaires à celle qu’elle avait faites dans le procès de New York. De plus, ils ajoutèrent une revendication selon laquelle leur organisation était une hiérarchie, et que la jurisprudence de Pennsylvanie requérait du tribunal d’appliquer les décisions prises par une hiérarchie religieuse en ce qui concerne les biens détenus par les églises locales qui lui étaient subordonnées
Hé bien c’était encore une nouveauté pour moi, parce que l’Eglise à laquelle je pensais appartenir n’avait qu’une hiérarchie, dont seul le pape pouvait être la tête. Un archevêque en retraite ne pouvait faire partie de cette hiérarchie d’après mon livre – particulièrement si ce livre était le Code de Droit Canon, qui mettait sa "hiérarchie" supposée à un niveau inférieur à celui d’une Confraternité du Rosaire laïque.
L’affaire de Philadelphie impliquait d’autres découvertes, d’autres dépositions, un procès (que nous perdîmes) et deux appels (que nous perdîmes aussi). La Fraternité récupéra ensuite l’église, mais la plupart des paroissiens (cer-tains d’entre eux ayant témoigné contre la FSSPX au procès) l’abandonnèrent.
Bien que le résultat de l’affaire de St Cyprien ait été une amère déception pour les prêtres comme pour les parois-siens, il n’affectait qu’une propriété et une paroisse. Le précédent n’aiderait pas nécessairement la FSSPX à New York, parce que les bases juridiques de propriété d’une église étaient différentes.
Il y avait un effet bénéfique indirect pour nous que n’avaient pas prévu nos adversaires : nos avocats New-Yorkais ayant été aussi amenés à plaider à Philadelphie, cela retarda inévitablement l’affaire de New York. Et le retard pouvait favoriser ensuite un règlement.
2. Un Procès en Diffamation. En Automne 1983, le bulletin officiel du District Sud Ouest de la FSSPX, The Ange-lus, publia un certain nombre d’accusations diffamatoires contre nous (P. ex. Que nous avions mis les églises "à nos propres noms"), comme fit le périodique traditionaliste The Remnant, qui avait pris le parti Mgr Lefebvre dans la controverse.
Nous déposâmes une plainte en diffamation à la Cour Fédérale contre ces entités et contre divers officiels de la FSSPX qui étaient impliqués, et les assignations leur furent remises alors qu’ils participaient à la consécration d’une église à Long Island.
La loi sur les diffamations en Amérique est complètement irrationnelle. Bien que nous pensions que certaines dé-clarations constituaient de bons cas de diffamation, le dépôt de plainte était une autre façon de maintenir la pression sur nos adversaires dans la déplaisante guerre juridique qu’ils avaient déclenchée.
Découverte et dépositions de ce procès grincèrent tout au long.
Nos adversaires remplirent une motion de jugement sommaire en leur faveur (un jugement sans véritable procès) selon lequel toutes les déclarations étaient la libre expression d’une opinion - "liberté de parole", garantie par le Pre-mier Amendement ! Le juge approuva et prononça un non lieu.
Nous fîmes cependant appel et la Cour d’Appel infirma les conclusions que le juge avaient prononcées sur certai-nes déclarations, réintégra notre cas et ordonna la procédure. Ironiquement, l’auteur de certaines des déclarations in-criminées était l’abbé Bolduc. Nous suspections que sa véhémence à nous dénoncer était provoquée par l’espoir
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qu’en agissant ainsi, il pourrait éviter la purge que prévoyait déjà l’archevêque pour lui. Mais ce fut sans résultat, la hache lui tomba dessus l’année suivante. L’abbé Schmidberger publia alors une attaque contre l’abbé Bolduc dans The Angelus.
3. Virginia Beach. Ici, nous desservions une paroisse dans une chapelle qui était détenue par une association laï-que. Un des administrateurs, sorte de cheval de Troie de la FSSPX, déposa une plainte contre le reste des adminis-trateurs pour nous faire quitter la chapelle et y mettre l’abbé Williamson. Ce qui amena une autre découverte et d’autres retards pour l’affaire de New York.
Par la suite, les parties se retrouvèrent devant une chambre basse avec le délégué du tribunal. Le délégué se pro-nonça en faveur des administrateurs qui voulaient garder nos prêtres.
4. Le Séminaire du Connecticut. Nos prêtres étaient majoritaires dans le bureau de l’association qui détenait le Séminaire de Saint Thomas d’Aquin à Ridgefield. Nous étions par conséquent en position de force pour évincer les supporters de l’archevêque de la propriété du séminaire. Evidemment, ce serait une arme sérieuse contre nos adver-saires. Donc, un an après le déclenchement du conflit, nous entreprîmes une action en justice à la cour d’état du Connecticut pour la possession du séminaire, et lorsque Mgr Lefebvre descendit de voiture le 20 Mai 1984, il lui fut remis l’assignation.
A ce moment, dit l’abbé Williamson, l’archevêque eut un "regard de souffrance" sur son visage. C’est certain – mais aucune souffrance en ce qui concerne les prêtres douteux et les fausses annulations. De nouveau, autre décou-verte et autres dépositions suivirent.
Encore une fois, la loi sur les contestations de propriété des églises du Connecticut différait légèrement de celle de New York. Aurions-nous perdu l’affaire de New York, nous aurions poursuivi l’affaire du Connecticut jusqu’au bout.
V. LE RÈGLEMENT.
Au début de 1987, les procès dans les diverses juridictions traînaient depuis trois ans et demi. La première plainte que l’archevêque avait déposée en 1983 à la cour Fédérale de New York n’était pas encore en jugement. C’était le principal procès dont nos adversaires espéraient qu’il leur apporterait, d’un seul coup, les onze propriétés dans six états différents.
Depuis 1983, l’affaire avait été attribuée à autre juge Fédéral à Brooklyn. Il avait la réputation d’être un juriste libé-ral (= quelqu’un qui interprète les lois avec "créativité") et comme un "conciliateur" qui préférait travailler à des règle-ments entre les parties opposées.
La découverte (dépositions et échanges de documents) dans l’affaire de New York ayant été finalement complé-tée, le juge fixa une date d’audience. Ce fut à ce moment que nous tirâmes la balle d’argent.
A. LA BALLE D’ARGENT
1. Absence de Juridiction. Une règle fondamentale dans la plupart des systèmes juridiques prévoit que la cour devant laquelle vous poursuivez quelqu’un doit avoir juridiction sur le défendeur. La juridiction est attribuée aux cours selon le territoire géographique. En Amérique, cela signifie que le défendeur dans un procès peut seulement être poursuivi là où il réside réellement ou là où il "fait ses affaires".
Par exemple, si vous vivez dans l’Ohio et que quelqu’un veut vous attaquer pour votre maison de Cincinnati, il ne peut pas déposer sa plainte à Brooklyn, vous faire venir devant la cour de Brooklyn et prendre votre maison de Cin-cinnati. Il doit vous poursuivre en Ohio, dans le comté où est située votre propriété, et il doit normalement le faire de-vant le tribunal de l’état, et non le tribunal Fédéral.
L’ancien avocat de l’archevêque avait préalablement fait la plupart de son travail devant le tribunal de l’état. Il ne semblait pas familier des points les plus subtils de la procédure Fédérale, particulièrement ceux qui avaient à voir avec la juridiction.
Donc, lorsqu’il nous poursuivit à Brooklyn, il nomma comme défendants cinq prêtres – les abbés Kelly, Sanborn, Dolan, Jenkins et moi-même – et demanda que le tribunal Fédéral nous ordonne de rendre à l’archevêque les églises de New York, Pennsylvanie, Connecticut, Ohio, Michigan et Minnesota.
Ceci, notre avocat de Cincinnati l’avait noté en 1983, était en contradiction avec les règles de juridiction du tribunal Fédéral. Les propriétés étaient détenues, non par les prêtres défendants, mais par des associations à but non lucratif.
Cinq d’entre elles était en dehors de l’état et ne faisaient pas d’affaires à New York, et les propriétés contestées étaient hors de New York. Ainsi, le tribunal Fédéral de New York ne pouvait avoir de juridiction sur elles.
Selon les Règles Fédérale de Procédure Civile, le tribunal Fédéral de Brooklyn serait obligé de délocaliser toute plainte à propos des propriétés et des associations hors de l’Etat de New York.
2. Pas de Diversité. Cela étant, il ne devait rester que les deux associations de New York dans le procès Fédéral. Mais le Tribunal Fédéral de Brooklyn ne pouvait alors avoir juridiction sur elles non plus, parce que, si les propriétés contestées relevaient bien de la juridiction du tribunal, à la fois les plaignants (FSSPX) et les défendeurs (nous prê-tres) ou bien résidaient ou bien "faisaient des affaires" à New York, dans le même état.
Or, les règlements Fédéraux demandent la "diversité" entre les parties. Cela signifie pas que Noël, Kwanza, le Ramadan et la mort de Custer doivent être célébrés en même temps, mais plutôt que le plaignant et le défendant doi-vent provenir d’états différents.
Selon les Règlements Fédéraux, le juge serait obligé de rejeter également les plaintes concernant les propriétés et les associations situées dans l’état de New York, et donc se démettre de toute la procédure.
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Mgr Lefebvre serait alors obligé de se rendre dans les tribunaux d’état de New York, Ohio, Pennsylvanie, Michigan et Minnesota, entamer de nouvelles procédures conformes aux règles de chaque état et recommencer tout le proces-sus de dépositions et découvertes.
Donc, lorsque l’audience de Brooklyn devint imminente, nous remplîmes une longue motion demandant de rendre une fin de non recevoir par le tribunal Fédéral de Brooklyn sur ces bases.
C’était la balle d’argent qui annulerait l’impasse et forcerait au final la FSSPX à un règlement négocié raisonnable avec nous.
B. LES NÉGOCIATIONS DE RÈGLEMENT
L’archevêque et la FSSPX avaient entre-temps engagé un bien meilleur avocat. La motion une fois arrivée sur son bureau, il reconnut la menace qu’elle contenait. Il se dépêcha de lancer une procédure contre nous devant le tribunal de l’état par précaution, pour le cas où la procédure Fédérale serait annulée. Ceci lui permettrait au moins de conti-nuer la bataille pour le contrôle des propriétés dans l’état de New York.
Après que les avocats des deux parties aient soumis des conclusions écrites au tribunal, nous revînmes à Broo-klyn pour une audience devant le juge. C’était une expérience étrange, comme si le tribunal Fédéral fonctionnait sous sa propre version du Novus Ordo. Le juge était en costume, au lieu de la robe judiciaire noire, et au lieu de siéger comme d’habitude pour entendre les débats, il descendit sur une grande table de conférence, et nous fit asseoir tout autour.
Les avocats discutèrent de la motion pour ou contre. Au lieu d’approuver la motion, le juge se retira pour prendre conseil et décider plus tard. Puis il se mit "hors procès verbal" (il dit au greffier d’arrêter de transcrire) et adopta son procédé de "conciliateur", pressant les parties de parvenir à un règlement négocié.
Il montra à nos adversaires que notre motion comportait des arguments forts, et laissa entendre qu’il pourrait y ac-céder sur certains points. Il nous dit alors que, naturellement, rien n’était certain dans un procès, et que personne ne sait où cela peut mener. Donc, dit-il, les deux parties devraient envisager de régler l’affaire maintenant.
A ce moment, nous étions ennuyés de ce que le juge n’accepte pas simplement la motion. La question de la juri-diction était évidemment ouverte ou fermée, et un juge est payé pour faire appliquer les règlements après tout. Si le procès avait été retiré au tribunal fédéral, nous aurions vraiment été dans une position de force. Mais je suppose que nos adversaires étaient également ennuyés que le juge ait semblé porté à recevoir la motion, et qu’il s’en servait comme une arme pour les forcer à négocier. Une satisfaction, au moins le juge ne demanda à personne de s’asseoir à table pour joindre les mains ou faire une réconciliation générale...
Après quelques discussions, le juge proposa de présider lui-même aux négociations. Nous nous mîmes d’accord pour fixer une date convenant à tous pour l’évènement.
La première conférence se tint la 4 Juillet 1987 au cabinet du juge. Les abbés Kelly, Sanborn et moi-même, ainsi que les abbés Schmidberger et Williamson étaient présents, avec les avocats des deux parties et un greffier.
On peut seulement imaginer l’impression que retirèrent de la justice Américaine nos frères Européens à la mine sévère – on était loin des perruques, des robes augustes et des rabats amidonnés. Ici siégeait un juge Fédéral, venu pour l’occasion en chemise de polo, ses pieds négligemment posés sur le bureau.
De nouveau, il y eut beaucoup de discussion devant le juge. Elle s’interrompit plusieurs fois lorsque les deux par-ties se rendirent dans des pièces séparées afin de discuter en privé des diverses propositions. Certains sujets étaient approuvés, mais une autre session serait nécessaire pour mettre au point les détails qui étaient assez embrouillés et complexes.
Le 18 Août 1987, les deux parties participèrent à une dernière conférence de règlement présidée par le juge. L’accord y fut scellé et mit fin au procès.
C. LA FSSPX RACHÈTE
Lorsque tout le maquignonnage fut terminé, la FSSPX obtint deux propriétés qu’elle occupait déjà (le séminaire du Connecticut et l’établissement d’Armada, MI) et deux propriétés que nous occupions (les églises de Redford, MI et St. Paul MN)1.
Nous obtîmes six propriétés (Oyster Bay NY, East Meadow NY, Rochester PA, Williamsport PA, Cincinnati OH). Pour les églises de Redford et St Paul nous arrachâmes une concession : la FSSPX ne les aurait qu’au bout de 15 mois.
Ceci nous permettrait d’acheter de nouveaux bâtiments pour nos deux assemblées de fidèles – et en même temps pour les protéger des sacrements douteux et des fausses annulations que la FSSPX prononçait dorénavant.
En réalité, cette dernière disposition marcha parfaitement, car les deux églises que nous acceptions de remettre à la FSSPX se trouvaient dans un "quartier en déclin2. La réimplantation nous fit déménager dans la banlieue.
La partie la plus intéressante de l’histoire de l’accord et que Mgr Lefebvre et la FSSPX acceptèrent un rachat de $350,000 de notre part.
Je me rappelle qu’à l’époque aucune des parties ne mentionna cela publiquement aux fidèles. Les deux parties, je le suppose, avaient des motifs pour n’en rien dire ou peu. La poignée de partisans de la FSSPX dans les chapelles en questions auraient pu considérer cela comme une trahison (ce qu’elle était naturellement) et la nouvelle de ce genre d’aubaine pour la FSSPX aurait pu gêner l’élan de la quête pour le séminaire de Winona. Nos fidèles, d’un autre côté, auraient pu regarder cela comme une coûteuse reconnaissance de défaite.
Mais au bout de vingt cinq ans, ou peut raconter toute l’histoire :
1 Ils avaient déjà obtenu la propriété de Philadelphie dans un procès séparé, elle n’était donc pas sur la table.
2 En 1987 des dealers de drogue opéraient près d’une des églises. A l’autre, un prêtre de la FSSPX installé après la reprise fut ré-ellement agressé.
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Les représentants de la FSSPX firent un faux pas en nous faisant un rabais de 40% sur le rachat. Ils mentionnaient souvent qu’ils craignaient que nous n’hypothéquions fortement les propriétés de Redford et de St. Paul avant de les rétrocéder à la Fraternité ; en même temps, la FSSPX semblait ignorer que durant la procédure judiciaire nous avions déjà remboursé les hypothèques sur les deux propriétés - ce que leur avocat aurait pu simplement découvrir en télé-phonant aux archives publiques du Michigan et du Minnesota.
Confronté à leur attitude soupçonneuse, notre avocat (à propos, extrêmement brillant, et valant le moindre cent que nous lui avons payé) leur fit une concession rassurante : toute hypothèque révélée lorsque la FSSPX prendrait le contrôle de ces églises devrait être exactement au même niveau qu’au moment de notre rupture avec l’archevêque, ni plus ni moins. La FSSPX agréa cette offre. Notre "concession" ne nous coûtait pas cher en fait, car elle fonctionnait en notre faveur. Comme nous avions déjà remboursé les hypothèques sur les deux propriétés, nous pouvions à nouveau les hypothéquer pour environ $125,000 et $20,000 respectivement.
Et le plus beau : juste quelques mois après la reprise des églises par la FSSPX, les deux soldes pouvaient consi-dérés dus entièrement en tant que faux paiements, parce que c’était les termes et conditions exacts des hypothèques existantes au 27 Avril 1983. Ce fut le petit cadeau des Neuf pour la pendaison de crémaillère de la Fraternité.
Ainsi finalement nous n’eûmes qu’à payer seulement $205,000 pour l’ensemble du règlement – une réduction de 40%, et une transaction pas mauvaise pour six propriétés. Je me retins d’interroger l’abbé Williamson sur les fré-quents déplacements par avion...
Toutes les autres poursuites furent abandonnées. De plus, si nous devions utiliser une variante de "Saint Pie" comme nom pour toute organisation que nous fonderions, nous devions informer les gens au début que nous nous "n’étions pas affiliés à la Fraternité Saint Pie X" – une erreur que nous n’aurions sûrement pas commise à ce mo-ment !1
Finalement, on doit noter que Mgr Lefebvre et les abbés Schmidberger, Wiliamson et Roch signèrent tous l’accord au nom de la FSSPX, nous relevant de toute obligation "pour, sur quelque raison que ce soit, cause ou objet quelqu’il soit depuis le début du monde (sic) jusqu’au 26 Octobre 1987.
La FSSPX ayant agit ainsi et ayant effectivement accepté de l’argent de notre part, les principes de théologie mo-rale Catholique de/sur “condamnation” nécessite que la FSSPX se retienne de proclamer que les Neuf leur ont "volé" des biens. Pour le montant de $205,000, nous nous les leur avons achetés, de bonne guerre.
VI. QUELQUES CONSÉQUENCES
Tout au long de notre bataille avec Mgr Lefebvre et son organisation entre 1983 et 1987, en dépit de distractions inévitables, nous continuâmes notre apostolat sacerdotal exactement comme auparavant.
En Mai 1984, trois autres prêtres qui venaient juste d’être ordonnés en Amérique par l’archevêque, les abbés Thomas Mroczka, Denis MacMahon et Daniel Ahern, nous rejoignirent également. Les Neuf passèrent à Douze.
Les onze propriétés contestées affectées par les procès ne constituaient qu’une partie des paroisses où nous di-sions la Messe – plus de 40 à un moment. Nous continuâmes à construire ou acquérir des églises et autres institu-tions dans diverses régions des Etats Unis. La majorité des fidèles de chacune de ces missions continuèrent d’apporter leur soutien financier, moral et spirituel comme auparavant.
Il y avait aussi d’autres effets permanents pour les deux côtés.
A. LA FSSPX EN AMÉRIQUE
• La FSSPX installa rapidement des prêtres étrangers dans les positions organisationnelles clés aux U.S. ; seuls les étrangers pouvaient être réputés loyaux envers la FSSPX et suspects pour la population locale. Cela me rappelait toujours Staline (lequel était mort en 1953... Ndt) envoyant ses troupes Mongoles en Hongrie après la révolte de 1956. C’est seulement en 2002 que la FSSPX trouva un prêtre Américain qu’elle considéra suffisamment loyal pour diriger le district U.S
Mais même un quart de siècle après la dispute de 1983, aucun Américain n’a été considéré comme suffisamment loyal pour être le Recteur du séminaire de la FSSPX à Winona MN. L’abbé (plus tard évêque) Williamson tint le poste durant vingt ans ; l’occupant actuel est un Français, l’abbé Yves Le Roux.2
• Le résultat de la crise de 83 est que les ordinands de la FSSPX doivent signer un serment déclarant leur loyauté envers les "positions" de la Fraternité sur le pape, les nouveaux sacrements, Vatican II, la liturgie de Jean XXIII, etc.
Naturellement, l’un des points principaux de notre conflit avec Mgr Lefebvre était précisément parce qu’il plaçait la fidélité envers lui-même, son organisation et ses positions du jour au-dessus de la fidélité envers l’Eglise.3
Comme l’abbé Sanborn le fit remarquer dans son article de 1984, “Crux of the Matter” :
“Ceux que l’Archevêque considère comme ses vrais fidèles sont ceux qui ne tirent aucune conclusion de ses dires et de ses actes, qui ne cherchent pas de réponse à la question fondamentale, qui ne sont ni mous ni durs, mais seu-lement dans la ligne de l’Archevêque. [Aplatis serait plus exact... - AC] Son Excellence a toujours favorisé et cultivé cette sorte de séminariste, et s’en entourait lui-même lorsqu’ils étaient ordonnés.
1 En dépit de l’accord, en Janvier 1988 un partisan de la FSSPX déposa une autre plainte contre nous à Saint Paul. Bien qu’il ait été débouté par le juge de New York, cette escapade stupide coûta aux deux parties, car les avocats eurent à faire de la paperasse et se rendre aux audiences.
2 Trouver un candidat pour le poste de recteur d’un séminaire de la FSSPX n’est pas chose facile. Il doit être assez intelligent pour être crédible en tant qu’enseignant, mais pas assez pour reconnaître quelque principe théologique en contradiction avec la ligne du parti de la Fraternité, à aucun moment.
3 La cinquième résolution proposée dans notre lettre du 25 Mars 1983 : “5. La Fraternité reconnaît et accepte le principe suivant le-quel notre fidélité envers elle est subordonnée à notre fidélité envers l’Eglise et ses traditions”.
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Il était visible qu’il aurait traité avec mépris ceux qui, en parole ou en acte, feraient montre d’une adhésion à un principe au-dessus ou au delà de l’Archevêque, et dont l’Archevêque lui-même serait le sujet et le responsable... (ce passage me paraît assez subtil à comprendre, NdT)
“Son attitude, on le comprend était, ‘pourquoi venir à Ecône si ce n’est pas pour suivre Monseigneur Lefebvre ?’ Je pense qu’il croyait que le principe de fonctionnement d’Ecône était de suivre Mgr Lefebvre dans son combat pour conserver la tradition”.
• On m’a souvent répété à travers les années, que le rare séminariste Américain de la FSSPX qui manifeste une tendance à un raisonnement théologique indépendant est encore taxé de posséder "l’esprit des Neuf". Nous sommes les épouvantails du mythe de la création de la FSSPX.
• En ce qui concerne les centres de Messe, la FSSPX a complètement abandonné quelques zones aux Neuf. Dans d’autres, où nous avions déjà des chapelles plus grandes, il fallut des années à la FSSPX pour trouver suffisamment de fidèles pour établir de petites chapelles à eux.
B. L’APOSTOLAT DES NEUF
• Pour les Neuf, l’un des effets à long terme du conflit fut de nous mettre en garde contre la formation d’une organi-sation trop rigoureuse. Mgr Lefebvre avait fait de son organisation une église de substitution. Nous craignions de répé-ter nous mêmes la même erreur.
C’est une des raisons pour laquelle l’organisme que nous formâmes ensuite, la Société de Saint Pie V, tomba si rapidement. Cinq ans après le règlement légal, seul trois des Neuf membres originaux faisaient encore partie de la SSPV.1
Mais ceux qui s’en plaignent et regardent avec envie l’empire de la FSSPX n’en voient pas les dangers : une entité centralisée comme celle-là peut être subvertie en un trait de plume et amener des milliers d’âmes peu soupçonneuses à l’Eglise Mondiale oecuménique.
Preuve A : le 5 Mai 1988, Mgr Lefebvre signa un accord avec Ratzinger qui, en dehors du fait de la reconnaissan-ce de JP2 comme vrai pape, acceptait l’autorité de l’enseignement de Vatican II, la validité des nouveaux sacrements, et la légitimité du Code de Droit Canon de 1983.2 L’archevêque vendait prêtres et laïques à la fausse église de Vati-can II sur les principes, mais reprenait sa signature le jour suivant seulement parce qu’il voulait que les hérétiques lui donnent un meilleur prix3 - les trente pièces d’argent en quelque sorte. Ses successeurs pourraient réellement refuser un accord de ce genre, mais ils pourraient aussi bien le réaliser.
• Etre libérés de la main morte de la ligne du parti Lefebvriste nous permit de faire des recherches et de publier des articles sur les grands problèmes de notre temps – le pape, les hérésies de Vatican II, la validité des nouveaux sa-crements, etc. Comme preuve, Mgr Sanborn et moi-même avons publié suffisamment d’articles sur ces sujets pour en faire plusieurs livres.
Auparavant, on avait à craindre l’arrivée d’une lettre fulminante de Mgr Lefebvre se plaignant qu’un article risquait de compromettre ses "négociations" avec "Rome".4
• Après notre départ de la FSSPX, nous n’avions naturellement aucun moyen de former nos séminaristes et aucun évêque vers qui nous tourner pour les ordinations – un obstacle évident pour l’apostolat. Mais cela nous poussa à re-chercher d’autres possibilités. Lorsque l’abbé Sanborn rendit visite à Mgr Antonio de Castro Mayer, le prélat nous suggéra d’aller voir Mgr Guérard des Lauriers qui avait été sacré en 1981 par Mgr Pierre-Martin Ngô-Dinh-Thuc. Nous fîmes des recherches approfondies sur le problème des consécrations de Mgr Thuc et conclûmes qu’elles étaient va-lides. Ceci aboutit aux consécrations de Mgr Dolan (1993) et Mgr Sanborn (2002) et à la fondation du Séminaire de la Très Sainte Trinité.
Les abbés Kelly et Jenkins pour leur part, prirent contact avec Mgr Alfred Mendez via Nathalie White, ancienne contributrice de The Wanderer et vieille amie de la famille Jenkins. Ce qui aboutit au sacre épiscopal secret de l’abbé Kelly par Mgr Mendez en 1993.5
• Notre départ nous amena à des contacts ou coopérations avec d’autres religieux traditionalistes à travers le mon-de : la Congregation of Mary Immaculate Queen (CMRI), Trento (Mexico), l’Institut Notre Dame du Bon Conseil (Italie), et des prêtres en France, Belgique, Allemagne, Pologne, Mexique et Argentine. Ceci n’aurait pas été possible à la FSSPX, ou les "positions de la Fraternité" régulaient les contacts avec le clergé du dehors.
• La séparation d’avec la FSSPX nous permit de promouvoir plus activement la préservation des anciennes prati-ques liturgiques d’avant 1955, par opposition au Missel de Bugnini/Roncalli de 1962 qui est le standard liturgique à la fois pour la FSSPX et la Messe Motu autorisée par Benoît XVI en 2007.
Les fidèles peuvent maintenant assister aux rites solennels ou même pontificaux de la Semaine Sainte en de nom-breux endroits des Etats Unis.
1 Abbés Kelly, Jenkins et Skierka
2 Voir "Protocole d’Accord entre le Saint Siège et la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X", Mai 1998, ww.unavoce.org/protocol.htm.
3 La permission de l’hérétique moderniste Jean Paul II de consacrer trois évêques au lieu d’un seul préalablement agréé. Ce com-portement ambigu montré dans cet accord illustre la raison pour laquelle nous avions posé devant lui le point (7) à notre rencontre de 27 Avril 1983.
4 Lorsque nous faisions encore partie de la FSSPX et que j’étais responsable de l’édition de The Roman Catholic, nous nous amu-sions chaque mois à essayer de trouver une citation "ferme" de l’archevêque dans l’intitulé du sommaire. Nous nous référions quelquefois à la "citation du président" ou "Le Grand Timonier" – une allusion à la pratique des écrivains des pays communistes qui commençaient leurs articles par une citation de Mao ou Lénine car ils craignaient d’être purgés pour "déviationnisme" lorsque la li-gne du parti changeait inévitablement
5 Le sacre fut révélé seulement après la mort de Mgr Mendez en Janvier 1995.
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De plus, au moment où ces lignes sont écrites, la paroisse que je dessers, Ste Gertrude la Grande à West Ches-ter, OH, vient de commencer à retransmettre régulièrement ses Messes sur Internet.1 Ceci permet aux Catholiques du monde entier d’assister à la célébration de l’ancienne liturgie de première main.
C. LE SÉDÉVACANTISME EN GÉNÉRAL
En France, la présence du sédévacantisme sur la scène traditionaliste est minuscule. La Frat est tout, et même les sédévacantistes regardent la FSSPX comme leur principal cadre de référence.
En Amérique ce n’est pas le cas. Comme noté plus haut, les neuf prêtres n’étaient pas tous sédévacantistes au moment de leur rupture avec Mgr Lefebvre. Tous cependant finirent par la suite à adhérer à la position sédévacantiste sous une forme ou une autre.
Aurions nous abandonné nos groupes de fidèles et glissé tranquillement ailleurs, nous aurions laissé le champ li-bre à la FSSPX pour refiler des sacrements invalides, de fausses annulations et sa notion crypto schismatique de l’autorité pontificale sur tous les U.S.A. Mais parce que nous avons combattu fermement Mgr Lefebvre et la FSSPX au tribunal, nous avons pu maintenir la continuité de notre apostolat. Il en résulte que l’Amérique est devenue un bastion sédévacantiste.
Parmi les Neuf, les prêtres se sont majoritairement affiliés à la CMRI, les sédévacantistes en Amérique peuvent compter sur près de 90 centres de Messe (pour 100 pour la FSSPX), 16 écoles (contre 24) et trois séminaires.
C’est un encouragement pour les sédévacantistes (lire "Catholiques") ailleurs dans le monde. Et c’est un des effets indirects mais permanent issu de notre bataille juridique contre Mgr Lefebvre et la FSSPX.
* * * * *
Faire un procès, particulièrement s’il est long, coûteux et compliqué, est une occupation vraiment misérable. Saint François de Sales disait que cela pourrait valoir une canonisation (bien que présumer quelqu’un de "saint" dans cette histoire serait beaucoup). C’est spécialement dommageable à la spiritualité et au détachement d’un prêtre, parce pen-dant que les prières de la Messe qu’il dit tous les jours sont pour la paix, le mot "litige" vient du Latin lites – lutte.
Ce travail était d’autant plus déplaisant pour nous parce que nous avions à combattre Mgr Lefebvre, l’évêque qui nous avait ordonnés, et un prélat avec beaucoup de remarquables qualités et vraiment de grandes vertus personnel-les.
Mais les vertus de l’archevêque ne lui conféraient pas l’infaillibilité du jugement, l’immunité envers les critiques, ou le droit à être obéit qui était en opposition avec les principes fondamentaux de la théologie morale et dogmatique.
Ce fut la volonté d’être fidèle à ces principes qui nous avait amenés à Mgr Lefebvre comme séminaristes dans les années 70 – et ce fut cette même volonté qui nous éloigna de lui en tant que prêtres en 1983. Nous avons tous vu d’autres bons prêtres et prélats faire leur soumission au programme moderniste. Pour nous, Mgr Lefebvre fut une dé-ception de plus à ajouter à une longue liste.
Ainsi, si par égard pour des négociations avec les hérétiques, l’archevêque voulait marchander à propos de la vali-dité des Saint Ordres, l’indissolubilité du mariage et l’intégrité de la liturgie traditionnelle, ou si pour l’intégration dans la fausse Eglise oecuménique mondiale, il voulait "accepter Vatican II à la lumière de la tradition", il le ferait sans nous. Et de fait, comme les procès l’ont démontré, nous nous tiendrions à cette attitude et lui résisterions publiquement - "résolument" – lorsqu’il tenta de le faire.
En signant le 5 Mai 1988 un accord avec Ratzinger et Jean Paul II, Mgr Lefebvre vendait sa Fraternité et tous ses fidèles sur les principes sous-jacents de la résistance traditionaliste (lire "Catholique") à Vatican II. A partir de là, il ne restait plus qu’un pas à franchir pour être comme la Fraternité Saint Pierre et les Messes du Motu Proprio de Benoît XVI, lesquelles, sous l’apparence de "Messes traditionnelles", attirent des Catholiques peu soupçonneux vers des sa-crements invalides, l’acceptation implicite du Novus Ordo comme rite Catholique, le consentement aux erreurs de Va-tican II, et la communion avec une église oecuménique qui prépare la venue de l’Antéchrist.2
Tout ceci est arrivé comme des conséquences logiques de la position théologiquement incohérente que Mgr Le-febvre énonça à la fin des années 70. Sa Fraternité a tout accepté en tant que principe ; la seule chose qui empêche dorénavant la pleine réintégration de la FSSPX dans l’institution moderniste (en dehors de la peur d’avoir à obéir réel-lement à un pape qu’ils proclament reconnaître) se trouve dans quelques arguties sur des détails pratiques.
A défaut, l’histoire de la FSSPX des vingt cinq dernières années démontre que nous, les Neuf, étions dans le vrai en adoptant la position que nous avons prise, lorsque nous le fîmes.
Si nous n’avions pas combattu Mgr Lefebvre en 1983, nous aurions eu à le faire en 1988, mais dans une position nettement moins avantageuse pour nos fidèles sur la durée.
Ainsi, s’il fut triste pour nous prêtres de combattre un prélat vertueux, il aurait été bien plus affligeant si nous avions du céder sur les principes – abandonner nos troupeaux au risque de sacrement invalides et à l’union éventuelle avec une église dont l’archevêque disait lui-même qu’elle "commence dans l’hérésie et finit dans l’hérésie".
En pareil cas, il ne peut y avoir de compromis. Et d’avoir mené une bataille sur cela avec Mgr Lefebvre, Non, je ne regrette rien…
29 Septembre 2008
www.traditionalmass.org
For a free info pack, contact : St. Gertrude the Great Church, 4900 Rialto Road, West Chester
OH 45069. 513.645.4212, parishoffice@sgg.org
1 http://www.sgg.org/for-newcomers/mass-streaming/
2 Voir aussi “The Motu Mass Trap”, “Absolutely Null and Utterly Void”, “The Grain of Incense”, sur www.tradtionalmass.org
Notre avocat craignant que le procès ne soit trop complexe à gérer pour sa petite organisation, nous louâmes les services d’un cabinet plus important de New York City qui avait de l’expérience des lois sur les associations à but non lucratif. L’abbé Kelly et moi-même instruisîmes les avocats sur l’affaire et sur les éléments que mes recherches sur les contestations de propriété des églises avaient mises au jour.
M’attendant à ce que nous soyons un jour poursuivis dans d’autres états, je visitai d’autres cabinets dans le Michi-gan, la Pennsylvanie, le Minnesota et l’Ohio pour les instruire de l’affaire.
Ma discussion avec un avocat de Cincinnati fut particulièrement utile. Après un examen approfondi de la Plainte que nos adversaires avaient déposée à New York, il découvrit une erreur fatale commise par l’avocat de l’archevêque. Cette erreur, dit-il, serait votre "balle d’argent". Gardez la en réserve jusqu’à l’audience de New York. Puis utilisez la pour sortir toute leur affaire de l’eau. Et de fait, quatre ans plus tard, il s’avéra qu’il avait raison.
C. UN BUT RÉALISTE
Une question vient naturellement : pourquoi n’avons-nous pas utilisé cette erreur pour obtenir un non lieu dès le début ?
C’était une question de stratégie juridique. Nos adversaires étaient déterminés à poursuivre quoiqu’il arrive, et au-raient de nouveau attaqué d’une autre façon. En attendant de demander un non lieu, nous les entraînions à travers des années de procédures d’instruction, et après tout cela, obtenir le non lieu et les forcer à retourner vers une autre juridiction dans les mêmes conditions.
Devoir raisonner de cette façon est naturellement regrettable. Mais lorsque vous avez à faire à un adversaire im-placable dans notre système légal souvent insensé, vous n’avez pas d’autre choix que d’utiliser toutes les armes que ce système vous offre. Les résultats d’une affaire complexe auprès d’un tribunal Américain étant notoirement imprévi-sibles, on peut rarement compter sur une victoire totale. Pour l’archevêque, je suppose, une victoire totale aurait été de nous mettre à la rue, comme il l’a souvent fait avec des prêtres en Europe. Pour nous, cela aurait été de le ren-voyer, lui et ses subordonnés serviles, vers la France, avec un bon voyage, mais non un au revoir.
Dans la réalité cependant, 80 à 90 pour cent des affaires civiles sont en fait réglées par une négociation entre les parties. En général, cela se passe juste au moment où l’affaire doit passer en audience officielle devant un juge.
Ainsi, nous entrions dans le procès tout en sachant que, si une victoire totale aurait été bienvenue, le seul objectif réaliste à long terme était un règlement négocié avec nos adversaires.
Naturellement cela aurait mis à l’abri du programme de Mgr Lefebvre le maximum de groupes de fidèles que pos-sible. Cela impliquerait probablement quelque maquignonnage de biens et autres concessions. C’est comme cela que fonctionne le système Américain.
Mais offrir de négocier avec nos adversaires juste après qu’ils aient entamé une procédure n’aurait rien fait d’autre que de confirmer leurs attentes irréalistes. Mgr Lefebvre et ses conseillers semblaient penser qu’ils pourraient nous écraser au tribunal. Ils auraient à prendre quelques dures leçons avant d’en venir à envisager de négocier.
Nous nous attendions à ce que ce processus d’éducation prenne un certain temps, mais comme nous étions en possession des propriétés et que les fidèles nous approuvaient, nous étions disposés à attendre.
En fait, comme les choses se développèrent, nous n’avions pas d’autre choix, parce que les procès en Amérique se déroulent à la vitesse d’une guerre de tranchées menée par des escargots.
D. UNE PREMIÈRE VICTOIRE
Après le dépôt de plainte, l’étape suivante dans un procès consiste à essayer d’obtenir du juge un Temporary Res-training Order (TRO) contre votre adversaire. Ceci l’empêche de changer en quoi que ce soit le statu quo dans son conflit jusqu’au verdict final d’un procès complet.
En Août 1983, les représentants de l’archevêque tentèrent d’obtenir un TRO contre nous. Cela aurait gelé tous les comptes bancaires des églises et en fait fermé toutes les églises que nous desservions.
Nous eûmes une audience à ce sujet devant un juge. Grâce à une éloquente intervention de l’abbé Kelly qui cein-tura verbalement le malheureux avocat de l’archevêque, le juge refusa l’ordonnance.
Ainsi, pour l’équité du procès, nous continuâmes à faire fonctionner nos diverses paroisses comme auparavant.
E. DÉCOUVERTE ET DÉPOSITIONS
Puis, suivit ce que l’on appelle la phase de "découverte" du procès. Chaque partie découvre les "preuves" que l’adversaire peut avoir en sa possession. Cela s’effectue par des demandes de documents, des réponses écrites à des questions écrites ("interrogatories") et principalement, par les témoignages.
1 “Quanta in uno facinore sunt crimina!” (saint Ambroise). Cette accolade avec JP2 – que de crimes dans cette seule faute !
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Lors des témoignages, un témoin d’une partie doit répondre aux questions orales de l’avocat de la partie adverse. Le témoin doit parler sous serment, et questions et réponses sont transcrites par un greffier.
La "Découverte" est la phase la plus longue des procédures civiles, et la plus coûteuse en raison de la paperasse-rie légale nécessaire. Vous découvrez au moins d’où votre avocat tire le gros de son revenu...
Nous fîmes citer divers officiels de la FSSPX, y compris Mgr Lefebvre, à déposer. Bien qu’il ait déclenché la procé-dure, l’archevêque hésitait à témoigner. Ses avocats combattirent la citation jusqu’à ce que le juge leur déclare qu’ou bien l’archevêque accepte de déposer devant nos avocats, ou bien les plaignants seraient déboutés.
Donc l’archevêque revint d’Europe pour déposer. Nous nous assîmes autour de la table face à lui alors que nos avocats le cuisinaient poliment sur les différentes revendications de sa plainte contre nous. Naturellement regrettable – mais c’est lui qui avait attaqué, et nous l’avions prévenu à l’avance que ce serait un vrai gâchis. Entamez une pro-cédure contre quelqu’un en Amérique, et même si vous êtes un archevêque, le défenseur a le droit de vous citer à déposer.
Ce serait la première de quatre dépositions (au moins) que Mgr Lefebvre aurait à faire pour autant de procès, une fois le litige propagé à d’autres états. D’autres officiels de la FSSPX durent également déposer. Naturellement, les avocats de Mgr Lefebvre avaient également le droit de nous citer à déposer. Alors que les abbés Jenkins et Dolan, eurent des dépositions relativement brèves, les cibles principales à cuisiner largement de notre côté furent l’abbé San-born, l’abbé Kelly et particulièrement moi-même, parce que j’avais été étroitement associé avec toutes les organisa-tions revendiquées et conservé les archives de l’organisation.
A un moment, j’estimai que durant les quatre ans qu’on duré les procès, j’avais donné trente jours de témoignages, soit lors de dépositions, soit dans les tribunaux.
F. LES PROCÈS SE MULTIPLIENT
Attaquer ou se défendre dans un procès complexe dans le système judiciaire Américain ressemble à une guerre, et dans notre affaire, les batailles s’étendent à d’autres fronts
1. Philadelphie. Une des chapelles dont la propriété était disputée était l’Eglise de St Cyprien à Eddystone, Penn-sylvanie, une banlieue de Philadelphie. Elle était desservie par l’abbé Hesson et, à une ou deux exceptions près, les laïcs du lieu approuvaient notre position contre l’archevêque.
En Octobre et Novembre 1983 cependant, une des "exceptions" décida apparemment l’abbé Williamson à deman-der les clés de l’église à notre coordinateur laïque.
Lorsqu’il devint certain que nous allions être poursuivis pour la chapelle d’Eddystone, nous déposâmes une plainte auprès de la cour fédérale de Philadelphie pour remplir certains points de droit.
Là, la FSSPX poursuivit contre, faisant certaines revendications similaires à celle qu’elle avait faites dans le procès de New York. De plus, ils ajoutèrent une revendication selon laquelle leur organisation était une hiérarchie, et que la jurisprudence de Pennsylvanie requérait du tribunal d’appliquer les décisions prises par une hiérarchie religieuse en ce qui concerne les biens détenus par les églises locales qui lui étaient subordonnées
Hé bien c’était encore une nouveauté pour moi, parce que l’Eglise à laquelle je pensais appartenir n’avait qu’une hiérarchie, dont seul le pape pouvait être la tête. Un archevêque en retraite ne pouvait faire partie de cette hiérarchie d’après mon livre – particulièrement si ce livre était le Code de Droit Canon, qui mettait sa "hiérarchie" supposée à un niveau inférieur à celui d’une Confraternité du Rosaire laïque.
L’affaire de Philadelphie impliquait d’autres découvertes, d’autres dépositions, un procès (que nous perdîmes) et deux appels (que nous perdîmes aussi). La Fraternité récupéra ensuite l’église, mais la plupart des paroissiens (cer-tains d’entre eux ayant témoigné contre la FSSPX au procès) l’abandonnèrent.
Bien que le résultat de l’affaire de St Cyprien ait été une amère déception pour les prêtres comme pour les parois-siens, il n’affectait qu’une propriété et une paroisse. Le précédent n’aiderait pas nécessairement la FSSPX à New York, parce que les bases juridiques de propriété d’une église étaient différentes.
Il y avait un effet bénéfique indirect pour nous que n’avaient pas prévu nos adversaires : nos avocats New-Yorkais ayant été aussi amenés à plaider à Philadelphie, cela retarda inévitablement l’affaire de New York. Et le retard pouvait favoriser ensuite un règlement.
2. Un Procès en Diffamation. En Automne 1983, le bulletin officiel du District Sud Ouest de la FSSPX, The Ange-lus, publia un certain nombre d’accusations diffamatoires contre nous (P. ex. Que nous avions mis les églises "à nos propres noms"), comme fit le périodique traditionaliste The Remnant, qui avait pris le parti Mgr Lefebvre dans la controverse.
Nous déposâmes une plainte en diffamation à la Cour Fédérale contre ces entités et contre divers officiels de la FSSPX qui étaient impliqués, et les assignations leur furent remises alors qu’ils participaient à la consécration d’une église à Long Island.
La loi sur les diffamations en Amérique est complètement irrationnelle. Bien que nous pensions que certaines dé-clarations constituaient de bons cas de diffamation, le dépôt de plainte était une autre façon de maintenir la pression sur nos adversaires dans la déplaisante guerre juridique qu’ils avaient déclenchée.
Découverte et dépositions de ce procès grincèrent tout au long.
Nos adversaires remplirent une motion de jugement sommaire en leur faveur (un jugement sans véritable procès) selon lequel toutes les déclarations étaient la libre expression d’une opinion - "liberté de parole", garantie par le Pre-mier Amendement ! Le juge approuva et prononça un non lieu.
Nous fîmes cependant appel et la Cour d’Appel infirma les conclusions que le juge avaient prononcées sur certai-nes déclarations, réintégra notre cas et ordonna la procédure. Ironiquement, l’auteur de certaines des déclarations in-criminées était l’abbé Bolduc. Nous suspections que sa véhémence à nous dénoncer était provoquée par l’espoir
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qu’en agissant ainsi, il pourrait éviter la purge que prévoyait déjà l’archevêque pour lui. Mais ce fut sans résultat, la hache lui tomba dessus l’année suivante. L’abbé Schmidberger publia alors une attaque contre l’abbé Bolduc dans The Angelus.
3. Virginia Beach. Ici, nous desservions une paroisse dans une chapelle qui était détenue par une association laï-que. Un des administrateurs, sorte de cheval de Troie de la FSSPX, déposa une plainte contre le reste des adminis-trateurs pour nous faire quitter la chapelle et y mettre l’abbé Williamson. Ce qui amena une autre découverte et d’autres retards pour l’affaire de New York.
Par la suite, les parties se retrouvèrent devant une chambre basse avec le délégué du tribunal. Le délégué se pro-nonça en faveur des administrateurs qui voulaient garder nos prêtres.
4. Le Séminaire du Connecticut. Nos prêtres étaient majoritaires dans le bureau de l’association qui détenait le Séminaire de Saint Thomas d’Aquin à Ridgefield. Nous étions par conséquent en position de force pour évincer les supporters de l’archevêque de la propriété du séminaire. Evidemment, ce serait une arme sérieuse contre nos adver-saires. Donc, un an après le déclenchement du conflit, nous entreprîmes une action en justice à la cour d’état du Connecticut pour la possession du séminaire, et lorsque Mgr Lefebvre descendit de voiture le 20 Mai 1984, il lui fut remis l’assignation.
A ce moment, dit l’abbé Williamson, l’archevêque eut un "regard de souffrance" sur son visage. C’est certain – mais aucune souffrance en ce qui concerne les prêtres douteux et les fausses annulations. De nouveau, autre décou-verte et autres dépositions suivirent.
Encore une fois, la loi sur les contestations de propriété des églises du Connecticut différait légèrement de celle de New York. Aurions-nous perdu l’affaire de New York, nous aurions poursuivi l’affaire du Connecticut jusqu’au bout.
V. LE RÈGLEMENT.
Au début de 1987, les procès dans les diverses juridictions traînaient depuis trois ans et demi. La première plainte que l’archevêque avait déposée en 1983 à la cour Fédérale de New York n’était pas encore en jugement. C’était le principal procès dont nos adversaires espéraient qu’il leur apporterait, d’un seul coup, les onze propriétés dans six états différents.
Depuis 1983, l’affaire avait été attribuée à autre juge Fédéral à Brooklyn. Il avait la réputation d’être un juriste libé-ral (= quelqu’un qui interprète les lois avec "créativité") et comme un "conciliateur" qui préférait travailler à des règle-ments entre les parties opposées.
La découverte (dépositions et échanges de documents) dans l’affaire de New York ayant été finalement complé-tée, le juge fixa une date d’audience. Ce fut à ce moment que nous tirâmes la balle d’argent.
A. LA BALLE D’ARGENT
1. Absence de Juridiction. Une règle fondamentale dans la plupart des systèmes juridiques prévoit que la cour devant laquelle vous poursuivez quelqu’un doit avoir juridiction sur le défendeur. La juridiction est attribuée aux cours selon le territoire géographique. En Amérique, cela signifie que le défendeur dans un procès peut seulement être poursuivi là où il réside réellement ou là où il "fait ses affaires".
Par exemple, si vous vivez dans l’Ohio et que quelqu’un veut vous attaquer pour votre maison de Cincinnati, il ne peut pas déposer sa plainte à Brooklyn, vous faire venir devant la cour de Brooklyn et prendre votre maison de Cin-cinnati. Il doit vous poursuivre en Ohio, dans le comté où est située votre propriété, et il doit normalement le faire de-vant le tribunal de l’état, et non le tribunal Fédéral.
L’ancien avocat de l’archevêque avait préalablement fait la plupart de son travail devant le tribunal de l’état. Il ne semblait pas familier des points les plus subtils de la procédure Fédérale, particulièrement ceux qui avaient à voir avec la juridiction.
Donc, lorsqu’il nous poursuivit à Brooklyn, il nomma comme défendants cinq prêtres – les abbés Kelly, Sanborn, Dolan, Jenkins et moi-même – et demanda que le tribunal Fédéral nous ordonne de rendre à l’archevêque les églises de New York, Pennsylvanie, Connecticut, Ohio, Michigan et Minnesota.
Ceci, notre avocat de Cincinnati l’avait noté en 1983, était en contradiction avec les règles de juridiction du tribunal Fédéral. Les propriétés étaient détenues, non par les prêtres défendants, mais par des associations à but non lucratif.
Cinq d’entre elles était en dehors de l’état et ne faisaient pas d’affaires à New York, et les propriétés contestées étaient hors de New York. Ainsi, le tribunal Fédéral de New York ne pouvait avoir de juridiction sur elles.
Selon les Règles Fédérale de Procédure Civile, le tribunal Fédéral de Brooklyn serait obligé de délocaliser toute plainte à propos des propriétés et des associations hors de l’Etat de New York.
2. Pas de Diversité. Cela étant, il ne devait rester que les deux associations de New York dans le procès Fédéral. Mais le Tribunal Fédéral de Brooklyn ne pouvait alors avoir juridiction sur elles non plus, parce que, si les propriétés contestées relevaient bien de la juridiction du tribunal, à la fois les plaignants (FSSPX) et les défendeurs (nous prê-tres) ou bien résidaient ou bien "faisaient des affaires" à New York, dans le même état.
Or, les règlements Fédéraux demandent la "diversité" entre les parties. Cela signifie pas que Noël, Kwanza, le Ramadan et la mort de Custer doivent être célébrés en même temps, mais plutôt que le plaignant et le défendant doi-vent provenir d’états différents.
Selon les Règlements Fédéraux, le juge serait obligé de rejeter également les plaintes concernant les propriétés et les associations situées dans l’état de New York, et donc se démettre de toute la procédure.
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Mgr Lefebvre serait alors obligé de se rendre dans les tribunaux d’état de New York, Ohio, Pennsylvanie, Michigan et Minnesota, entamer de nouvelles procédures conformes aux règles de chaque état et recommencer tout le proces-sus de dépositions et découvertes.
Donc, lorsque l’audience de Brooklyn devint imminente, nous remplîmes une longue motion demandant de rendre une fin de non recevoir par le tribunal Fédéral de Brooklyn sur ces bases.
C’était la balle d’argent qui annulerait l’impasse et forcerait au final la FSSPX à un règlement négocié raisonnable avec nous.
B. LES NÉGOCIATIONS DE RÈGLEMENT
L’archevêque et la FSSPX avaient entre-temps engagé un bien meilleur avocat. La motion une fois arrivée sur son bureau, il reconnut la menace qu’elle contenait. Il se dépêcha de lancer une procédure contre nous devant le tribunal de l’état par précaution, pour le cas où la procédure Fédérale serait annulée. Ceci lui permettrait au moins de conti-nuer la bataille pour le contrôle des propriétés dans l’état de New York.
Après que les avocats des deux parties aient soumis des conclusions écrites au tribunal, nous revînmes à Broo-klyn pour une audience devant le juge. C’était une expérience étrange, comme si le tribunal Fédéral fonctionnait sous sa propre version du Novus Ordo. Le juge était en costume, au lieu de la robe judiciaire noire, et au lieu de siéger comme d’habitude pour entendre les débats, il descendit sur une grande table de conférence, et nous fit asseoir tout autour.
Les avocats discutèrent de la motion pour ou contre. Au lieu d’approuver la motion, le juge se retira pour prendre conseil et décider plus tard. Puis il se mit "hors procès verbal" (il dit au greffier d’arrêter de transcrire) et adopta son procédé de "conciliateur", pressant les parties de parvenir à un règlement négocié.
Il montra à nos adversaires que notre motion comportait des arguments forts, et laissa entendre qu’il pourrait y ac-céder sur certains points. Il nous dit alors que, naturellement, rien n’était certain dans un procès, et que personne ne sait où cela peut mener. Donc, dit-il, les deux parties devraient envisager de régler l’affaire maintenant.
A ce moment, nous étions ennuyés de ce que le juge n’accepte pas simplement la motion. La question de la juri-diction était évidemment ouverte ou fermée, et un juge est payé pour faire appliquer les règlements après tout. Si le procès avait été retiré au tribunal fédéral, nous aurions vraiment été dans une position de force. Mais je suppose que nos adversaires étaient également ennuyés que le juge ait semblé porté à recevoir la motion, et qu’il s’en servait comme une arme pour les forcer à négocier. Une satisfaction, au moins le juge ne demanda à personne de s’asseoir à table pour joindre les mains ou faire une réconciliation générale...
Après quelques discussions, le juge proposa de présider lui-même aux négociations. Nous nous mîmes d’accord pour fixer une date convenant à tous pour l’évènement.
La première conférence se tint la 4 Juillet 1987 au cabinet du juge. Les abbés Kelly, Sanborn et moi-même, ainsi que les abbés Schmidberger et Williamson étaient présents, avec les avocats des deux parties et un greffier.
On peut seulement imaginer l’impression que retirèrent de la justice Américaine nos frères Européens à la mine sévère – on était loin des perruques, des robes augustes et des rabats amidonnés. Ici siégeait un juge Fédéral, venu pour l’occasion en chemise de polo, ses pieds négligemment posés sur le bureau.
De nouveau, il y eut beaucoup de discussion devant le juge. Elle s’interrompit plusieurs fois lorsque les deux par-ties se rendirent dans des pièces séparées afin de discuter en privé des diverses propositions. Certains sujets étaient approuvés, mais une autre session serait nécessaire pour mettre au point les détails qui étaient assez embrouillés et complexes.
Le 18 Août 1987, les deux parties participèrent à une dernière conférence de règlement présidée par le juge. L’accord y fut scellé et mit fin au procès.
C. LA FSSPX RACHÈTE
Lorsque tout le maquignonnage fut terminé, la FSSPX obtint deux propriétés qu’elle occupait déjà (le séminaire du Connecticut et l’établissement d’Armada, MI) et deux propriétés que nous occupions (les églises de Redford, MI et St. Paul MN)1.
Nous obtîmes six propriétés (Oyster Bay NY, East Meadow NY, Rochester PA, Williamsport PA, Cincinnati OH). Pour les églises de Redford et St Paul nous arrachâmes une concession : la FSSPX ne les aurait qu’au bout de 15 mois.
Ceci nous permettrait d’acheter de nouveaux bâtiments pour nos deux assemblées de fidèles – et en même temps pour les protéger des sacrements douteux et des fausses annulations que la FSSPX prononçait dorénavant.
En réalité, cette dernière disposition marcha parfaitement, car les deux églises que nous acceptions de remettre à la FSSPX se trouvaient dans un "quartier en déclin2. La réimplantation nous fit déménager dans la banlieue.
La partie la plus intéressante de l’histoire de l’accord et que Mgr Lefebvre et la FSSPX acceptèrent un rachat de $350,000 de notre part.
Je me rappelle qu’à l’époque aucune des parties ne mentionna cela publiquement aux fidèles. Les deux parties, je le suppose, avaient des motifs pour n’en rien dire ou peu. La poignée de partisans de la FSSPX dans les chapelles en questions auraient pu considérer cela comme une trahison (ce qu’elle était naturellement) et la nouvelle de ce genre d’aubaine pour la FSSPX aurait pu gêner l’élan de la quête pour le séminaire de Winona. Nos fidèles, d’un autre côté, auraient pu regarder cela comme une coûteuse reconnaissance de défaite.
Mais au bout de vingt cinq ans, ou peut raconter toute l’histoire :
1 Ils avaient déjà obtenu la propriété de Philadelphie dans un procès séparé, elle n’était donc pas sur la table.
2 En 1987 des dealers de drogue opéraient près d’une des églises. A l’autre, un prêtre de la FSSPX installé après la reprise fut ré-ellement agressé.
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Les représentants de la FSSPX firent un faux pas en nous faisant un rabais de 40% sur le rachat. Ils mentionnaient souvent qu’ils craignaient que nous n’hypothéquions fortement les propriétés de Redford et de St. Paul avant de les rétrocéder à la Fraternité ; en même temps, la FSSPX semblait ignorer que durant la procédure judiciaire nous avions déjà remboursé les hypothèques sur les deux propriétés - ce que leur avocat aurait pu simplement découvrir en télé-phonant aux archives publiques du Michigan et du Minnesota.
Confronté à leur attitude soupçonneuse, notre avocat (à propos, extrêmement brillant, et valant le moindre cent que nous lui avons payé) leur fit une concession rassurante : toute hypothèque révélée lorsque la FSSPX prendrait le contrôle de ces églises devrait être exactement au même niveau qu’au moment de notre rupture avec l’archevêque, ni plus ni moins. La FSSPX agréa cette offre. Notre "concession" ne nous coûtait pas cher en fait, car elle fonctionnait en notre faveur. Comme nous avions déjà remboursé les hypothèques sur les deux propriétés, nous pouvions à nouveau les hypothéquer pour environ $125,000 et $20,000 respectivement.
Et le plus beau : juste quelques mois après la reprise des églises par la FSSPX, les deux soldes pouvaient consi-dérés dus entièrement en tant que faux paiements, parce que c’était les termes et conditions exacts des hypothèques existantes au 27 Avril 1983. Ce fut le petit cadeau des Neuf pour la pendaison de crémaillère de la Fraternité.
Ainsi finalement nous n’eûmes qu’à payer seulement $205,000 pour l’ensemble du règlement – une réduction de 40%, et une transaction pas mauvaise pour six propriétés. Je me retins d’interroger l’abbé Williamson sur les fré-quents déplacements par avion...
Toutes les autres poursuites furent abandonnées. De plus, si nous devions utiliser une variante de "Saint Pie" comme nom pour toute organisation que nous fonderions, nous devions informer les gens au début que nous nous "n’étions pas affiliés à la Fraternité Saint Pie X" – une erreur que nous n’aurions sûrement pas commise à ce mo-ment !1
Finalement, on doit noter que Mgr Lefebvre et les abbés Schmidberger, Wiliamson et Roch signèrent tous l’accord au nom de la FSSPX, nous relevant de toute obligation "pour, sur quelque raison que ce soit, cause ou objet quelqu’il soit depuis le début du monde (sic) jusqu’au 26 Octobre 1987.
La FSSPX ayant agit ainsi et ayant effectivement accepté de l’argent de notre part, les principes de théologie mo-rale Catholique de/sur “condamnation” nécessite que la FSSPX se retienne de proclamer que les Neuf leur ont "volé" des biens. Pour le montant de $205,000, nous nous les leur avons achetés, de bonne guerre.
VI. QUELQUES CONSÉQUENCES
Tout au long de notre bataille avec Mgr Lefebvre et son organisation entre 1983 et 1987, en dépit de distractions inévitables, nous continuâmes notre apostolat sacerdotal exactement comme auparavant.
En Mai 1984, trois autres prêtres qui venaient juste d’être ordonnés en Amérique par l’archevêque, les abbés Thomas Mroczka, Denis MacMahon et Daniel Ahern, nous rejoignirent également. Les Neuf passèrent à Douze.
Les onze propriétés contestées affectées par les procès ne constituaient qu’une partie des paroisses où nous di-sions la Messe – plus de 40 à un moment. Nous continuâmes à construire ou acquérir des églises et autres institu-tions dans diverses régions des Etats Unis. La majorité des fidèles de chacune de ces missions continuèrent d’apporter leur soutien financier, moral et spirituel comme auparavant.
Il y avait aussi d’autres effets permanents pour les deux côtés.
A. LA FSSPX EN AMÉRIQUE
• La FSSPX installa rapidement des prêtres étrangers dans les positions organisationnelles clés aux U.S. ; seuls les étrangers pouvaient être réputés loyaux envers la FSSPX et suspects pour la population locale. Cela me rappelait toujours Staline (lequel était mort en 1953... Ndt) envoyant ses troupes Mongoles en Hongrie après la révolte de 1956. C’est seulement en 2002 que la FSSPX trouva un prêtre Américain qu’elle considéra suffisamment loyal pour diriger le district U.S
Mais même un quart de siècle après la dispute de 1983, aucun Américain n’a été considéré comme suffisamment loyal pour être le Recteur du séminaire de la FSSPX à Winona MN. L’abbé (plus tard évêque) Williamson tint le poste durant vingt ans ; l’occupant actuel est un Français, l’abbé Yves Le Roux.2
• Le résultat de la crise de 83 est que les ordinands de la FSSPX doivent signer un serment déclarant leur loyauté envers les "positions" de la Fraternité sur le pape, les nouveaux sacrements, Vatican II, la liturgie de Jean XXIII, etc.
Naturellement, l’un des points principaux de notre conflit avec Mgr Lefebvre était précisément parce qu’il plaçait la fidélité envers lui-même, son organisation et ses positions du jour au-dessus de la fidélité envers l’Eglise.3
Comme l’abbé Sanborn le fit remarquer dans son article de 1984, “Crux of the Matter” :
“Ceux que l’Archevêque considère comme ses vrais fidèles sont ceux qui ne tirent aucune conclusion de ses dires et de ses actes, qui ne cherchent pas de réponse à la question fondamentale, qui ne sont ni mous ni durs, mais seu-lement dans la ligne de l’Archevêque. [Aplatis serait plus exact... - AC] Son Excellence a toujours favorisé et cultivé cette sorte de séminariste, et s’en entourait lui-même lorsqu’ils étaient ordonnés.
1 En dépit de l’accord, en Janvier 1988 un partisan de la FSSPX déposa une autre plainte contre nous à Saint Paul. Bien qu’il ait été débouté par le juge de New York, cette escapade stupide coûta aux deux parties, car les avocats eurent à faire de la paperasse et se rendre aux audiences.
2 Trouver un candidat pour le poste de recteur d’un séminaire de la FSSPX n’est pas chose facile. Il doit être assez intelligent pour être crédible en tant qu’enseignant, mais pas assez pour reconnaître quelque principe théologique en contradiction avec la ligne du parti de la Fraternité, à aucun moment.
3 La cinquième résolution proposée dans notre lettre du 25 Mars 1983 : “5. La Fraternité reconnaît et accepte le principe suivant le-quel notre fidélité envers elle est subordonnée à notre fidélité envers l’Eglise et ses traditions”.
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Il était visible qu’il aurait traité avec mépris ceux qui, en parole ou en acte, feraient montre d’une adhésion à un principe au-dessus ou au delà de l’Archevêque, et dont l’Archevêque lui-même serait le sujet et le responsable... (ce passage me paraît assez subtil à comprendre, NdT)
“Son attitude, on le comprend était, ‘pourquoi venir à Ecône si ce n’est pas pour suivre Monseigneur Lefebvre ?’ Je pense qu’il croyait que le principe de fonctionnement d’Ecône était de suivre Mgr Lefebvre dans son combat pour conserver la tradition”.
• On m’a souvent répété à travers les années, que le rare séminariste Américain de la FSSPX qui manifeste une tendance à un raisonnement théologique indépendant est encore taxé de posséder "l’esprit des Neuf". Nous sommes les épouvantails du mythe de la création de la FSSPX.
• En ce qui concerne les centres de Messe, la FSSPX a complètement abandonné quelques zones aux Neuf. Dans d’autres, où nous avions déjà des chapelles plus grandes, il fallut des années à la FSSPX pour trouver suffisamment de fidèles pour établir de petites chapelles à eux.
B. L’APOSTOLAT DES NEUF
• Pour les Neuf, l’un des effets à long terme du conflit fut de nous mettre en garde contre la formation d’une organi-sation trop rigoureuse. Mgr Lefebvre avait fait de son organisation une église de substitution. Nous craignions de répé-ter nous mêmes la même erreur.
C’est une des raisons pour laquelle l’organisme que nous formâmes ensuite, la Société de Saint Pie V, tomba si rapidement. Cinq ans après le règlement légal, seul trois des Neuf membres originaux faisaient encore partie de la SSPV.1
Mais ceux qui s’en plaignent et regardent avec envie l’empire de la FSSPX n’en voient pas les dangers : une entité centralisée comme celle-là peut être subvertie en un trait de plume et amener des milliers d’âmes peu soupçonneuses à l’Eglise Mondiale oecuménique.
Preuve A : le 5 Mai 1988, Mgr Lefebvre signa un accord avec Ratzinger qui, en dehors du fait de la reconnaissan-ce de JP2 comme vrai pape, acceptait l’autorité de l’enseignement de Vatican II, la validité des nouveaux sacrements, et la légitimité du Code de Droit Canon de 1983.2 L’archevêque vendait prêtres et laïques à la fausse église de Vati-can II sur les principes, mais reprenait sa signature le jour suivant seulement parce qu’il voulait que les hérétiques lui donnent un meilleur prix3 - les trente pièces d’argent en quelque sorte. Ses successeurs pourraient réellement refuser un accord de ce genre, mais ils pourraient aussi bien le réaliser.
• Etre libérés de la main morte de la ligne du parti Lefebvriste nous permit de faire des recherches et de publier des articles sur les grands problèmes de notre temps – le pape, les hérésies de Vatican II, la validité des nouveaux sa-crements, etc. Comme preuve, Mgr Sanborn et moi-même avons publié suffisamment d’articles sur ces sujets pour en faire plusieurs livres.
Auparavant, on avait à craindre l’arrivée d’une lettre fulminante de Mgr Lefebvre se plaignant qu’un article risquait de compromettre ses "négociations" avec "Rome".4
• Après notre départ de la FSSPX, nous n’avions naturellement aucun moyen de former nos séminaristes et aucun évêque vers qui nous tourner pour les ordinations – un obstacle évident pour l’apostolat. Mais cela nous poussa à re-chercher d’autres possibilités. Lorsque l’abbé Sanborn rendit visite à Mgr Antonio de Castro Mayer, le prélat nous suggéra d’aller voir Mgr Guérard des Lauriers qui avait été sacré en 1981 par Mgr Pierre-Martin Ngô-Dinh-Thuc. Nous fîmes des recherches approfondies sur le problème des consécrations de Mgr Thuc et conclûmes qu’elles étaient va-lides. Ceci aboutit aux consécrations de Mgr Dolan (1993) et Mgr Sanborn (2002) et à la fondation du Séminaire de la Très Sainte Trinité.
Les abbés Kelly et Jenkins pour leur part, prirent contact avec Mgr Alfred Mendez via Nathalie White, ancienne contributrice de The Wanderer et vieille amie de la famille Jenkins. Ce qui aboutit au sacre épiscopal secret de l’abbé Kelly par Mgr Mendez en 1993.5
• Notre départ nous amena à des contacts ou coopérations avec d’autres religieux traditionalistes à travers le mon-de : la Congregation of Mary Immaculate Queen (CMRI), Trento (Mexico), l’Institut Notre Dame du Bon Conseil (Italie), et des prêtres en France, Belgique, Allemagne, Pologne, Mexique et Argentine. Ceci n’aurait pas été possible à la FSSPX, ou les "positions de la Fraternité" régulaient les contacts avec le clergé du dehors.
• La séparation d’avec la FSSPX nous permit de promouvoir plus activement la préservation des anciennes prati-ques liturgiques d’avant 1955, par opposition au Missel de Bugnini/Roncalli de 1962 qui est le standard liturgique à la fois pour la FSSPX et la Messe Motu autorisée par Benoît XVI en 2007.
Les fidèles peuvent maintenant assister aux rites solennels ou même pontificaux de la Semaine Sainte en de nom-breux endroits des Etats Unis.
1 Abbés Kelly, Jenkins et Skierka
2 Voir "Protocole d’Accord entre le Saint Siège et la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X", Mai 1998, ww.unavoce.org/protocol.htm.
3 La permission de l’hérétique moderniste Jean Paul II de consacrer trois évêques au lieu d’un seul préalablement agréé. Ce com-portement ambigu montré dans cet accord illustre la raison pour laquelle nous avions posé devant lui le point (7) à notre rencontre de 27 Avril 1983.
4 Lorsque nous faisions encore partie de la FSSPX et que j’étais responsable de l’édition de The Roman Catholic, nous nous amu-sions chaque mois à essayer de trouver une citation "ferme" de l’archevêque dans l’intitulé du sommaire. Nous nous référions quelquefois à la "citation du président" ou "Le Grand Timonier" – une allusion à la pratique des écrivains des pays communistes qui commençaient leurs articles par une citation de Mao ou Lénine car ils craignaient d’être purgés pour "déviationnisme" lorsque la li-gne du parti changeait inévitablement
5 Le sacre fut révélé seulement après la mort de Mgr Mendez en Janvier 1995.
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De plus, au moment où ces lignes sont écrites, la paroisse que je dessers, Ste Gertrude la Grande à West Ches-ter, OH, vient de commencer à retransmettre régulièrement ses Messes sur Internet.1 Ceci permet aux Catholiques du monde entier d’assister à la célébration de l’ancienne liturgie de première main.
C. LE SÉDÉVACANTISME EN GÉNÉRAL
En France, la présence du sédévacantisme sur la scène traditionaliste est minuscule. La Frat est tout, et même les sédévacantistes regardent la FSSPX comme leur principal cadre de référence.
En Amérique ce n’est pas le cas. Comme noté plus haut, les neuf prêtres n’étaient pas tous sédévacantistes au moment de leur rupture avec Mgr Lefebvre. Tous cependant finirent par la suite à adhérer à la position sédévacantiste sous une forme ou une autre.
Aurions nous abandonné nos groupes de fidèles et glissé tranquillement ailleurs, nous aurions laissé le champ li-bre à la FSSPX pour refiler des sacrements invalides, de fausses annulations et sa notion crypto schismatique de l’autorité pontificale sur tous les U.S.A. Mais parce que nous avons combattu fermement Mgr Lefebvre et la FSSPX au tribunal, nous avons pu maintenir la continuité de notre apostolat. Il en résulte que l’Amérique est devenue un bastion sédévacantiste.
Parmi les Neuf, les prêtres se sont majoritairement affiliés à la CMRI, les sédévacantistes en Amérique peuvent compter sur près de 90 centres de Messe (pour 100 pour la FSSPX), 16 écoles (contre 24) et trois séminaires.
C’est un encouragement pour les sédévacantistes (lire "Catholiques") ailleurs dans le monde. Et c’est un des effets indirects mais permanent issu de notre bataille juridique contre Mgr Lefebvre et la FSSPX.
* * * * *
Faire un procès, particulièrement s’il est long, coûteux et compliqué, est une occupation vraiment misérable. Saint François de Sales disait que cela pourrait valoir une canonisation (bien que présumer quelqu’un de "saint" dans cette histoire serait beaucoup). C’est spécialement dommageable à la spiritualité et au détachement d’un prêtre, parce pen-dant que les prières de la Messe qu’il dit tous les jours sont pour la paix, le mot "litige" vient du Latin lites – lutte.
Ce travail était d’autant plus déplaisant pour nous parce que nous avions à combattre Mgr Lefebvre, l’évêque qui nous avait ordonnés, et un prélat avec beaucoup de remarquables qualités et vraiment de grandes vertus personnel-les.
Mais les vertus de l’archevêque ne lui conféraient pas l’infaillibilité du jugement, l’immunité envers les critiques, ou le droit à être obéit qui était en opposition avec les principes fondamentaux de la théologie morale et dogmatique.
Ce fut la volonté d’être fidèle à ces principes qui nous avait amenés à Mgr Lefebvre comme séminaristes dans les années 70 – et ce fut cette même volonté qui nous éloigna de lui en tant que prêtres en 1983. Nous avons tous vu d’autres bons prêtres et prélats faire leur soumission au programme moderniste. Pour nous, Mgr Lefebvre fut une dé-ception de plus à ajouter à une longue liste.
Ainsi, si par égard pour des négociations avec les hérétiques, l’archevêque voulait marchander à propos de la vali-dité des Saint Ordres, l’indissolubilité du mariage et l’intégrité de la liturgie traditionnelle, ou si pour l’intégration dans la fausse Eglise oecuménique mondiale, il voulait "accepter Vatican II à la lumière de la tradition", il le ferait sans nous. Et de fait, comme les procès l’ont démontré, nous nous tiendrions à cette attitude et lui résisterions publiquement - "résolument" – lorsqu’il tenta de le faire.
En signant le 5 Mai 1988 un accord avec Ratzinger et Jean Paul II, Mgr Lefebvre vendait sa Fraternité et tous ses fidèles sur les principes sous-jacents de la résistance traditionaliste (lire "Catholique") à Vatican II. A partir de là, il ne restait plus qu’un pas à franchir pour être comme la Fraternité Saint Pierre et les Messes du Motu Proprio de Benoît XVI, lesquelles, sous l’apparence de "Messes traditionnelles", attirent des Catholiques peu soupçonneux vers des sa-crements invalides, l’acceptation implicite du Novus Ordo comme rite Catholique, le consentement aux erreurs de Va-tican II, et la communion avec une église oecuménique qui prépare la venue de l’Antéchrist.2
Tout ceci est arrivé comme des conséquences logiques de la position théologiquement incohérente que Mgr Le-febvre énonça à la fin des années 70. Sa Fraternité a tout accepté en tant que principe ; la seule chose qui empêche dorénavant la pleine réintégration de la FSSPX dans l’institution moderniste (en dehors de la peur d’avoir à obéir réel-lement à un pape qu’ils proclament reconnaître) se trouve dans quelques arguties sur des détails pratiques.
A défaut, l’histoire de la FSSPX des vingt cinq dernières années démontre que nous, les Neuf, étions dans le vrai en adoptant la position que nous avons prise, lorsque nous le fîmes.
Si nous n’avions pas combattu Mgr Lefebvre en 1983, nous aurions eu à le faire en 1988, mais dans une position nettement moins avantageuse pour nos fidèles sur la durée.
Ainsi, s’il fut triste pour nous prêtres de combattre un prélat vertueux, il aurait été bien plus affligeant si nous avions du céder sur les principes – abandonner nos troupeaux au risque de sacrement invalides et à l’union éventuelle avec une église dont l’archevêque disait lui-même qu’elle "commence dans l’hérésie et finit dans l’hérésie".
En pareil cas, il ne peut y avoir de compromis. Et d’avoir mené une bataille sur cela avec Mgr Lefebvre, Non, je ne regrette rien…
29 Septembre 2008
www.traditionalmass.org
For a free info pack, contact : St. Gertrude the Great Church, 4900 Rialto Road, West Chester
OH 45069. 513.645.4212, parishoffice@sgg.org
1 http://www.sgg.org/for-newcomers/mass-streaming/
2 Voir aussi “The Motu Mass Trap”, “Absolutely Null and Utterly Void”, “The Grain of Incense”, sur www.tradtionalmass.org
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Lucie a écrit:B. PRÉPARATION À D’AUTRES PROCÈS
Notre avocat craignant que le procès ne soit trop complexe à gérer pour sa petite organisation, nous louâmes les services d’un cabinet plus important de New York City qui avait de l’expérience des lois sur les associations à but non lucratif. L’abbé Kelly et moi-même instruisîmes les avocats sur l’affaire et sur les éléments que mes recherches sur les contestations de propriété des églises avaient mises au jour.
M’attendant à ce que nous soyons un jour poursuivis dans d’autres états, je visitai d’autres cabinets dans le Michi-gan, la Pennsylvanie, le Minnesota et l’Ohio pour les instruire de l’affaire.
Ma discussion avec un avocat de Cincinnati fut particulièrement utile. Après un examen approfondi de la Plainte que nos adversaires avaient déposée à New York, il découvrit une erreur fatale commise par l’avocat de l’archevêque. Cette erreur, dit-il, serait votre "balle d’argent". Gardez la en réserve jusqu’à l’audience de New York. Puis utilisez la pour sortir toute leur affaire de l’eau. Et de fait, quatre ans plus tard, il s’avéra qu’il avait raison.
C. UN BUT RÉALISTE
Une question vient naturellement : pourquoi n’avons-nous pas utilisé cette erreur pour obtenir un non lieu dès le début ?
C’était une question de stratégie juridique. Nos adversaires étaient déterminés à poursuivre quoiqu’il arrive, et au-raient de nouveau attaqué d’une autre façon. En attendant de demander un non lieu, nous les entraînions à travers des années de procédures d’instruction, et après tout cela, obtenir le non lieu et les forcer à retourner vers une autre juridiction dans les mêmes conditions.
Devoir raisonner de cette façon est naturellement regrettable. Mais lorsque vous avez à faire à un adversaire im-placable dans notre système légal souvent insensé, vous n’avez pas d’autre choix que d’utiliser toutes les armes que ce système vous offre. Les résultats d’une affaire complexe auprès d’un tribunal Américain étant notoirement imprévi-sibles, on peut rarement compter sur une victoire totale. Pour l’archevêque, je suppose, une victoire totale aurait été de nous mettre à la rue, comme il l’a souvent fait avec des prêtres en Europe. Pour nous, cela aurait été de le ren-voyer, lui et ses subordonnés serviles, vers la France, avec un bon voyage, mais non un au revoir.
Dans la réalité cependant, 80 à 90 pour cent des affaires civiles sont en fait réglées par une négociation entre les parties. En général, cela se passe juste au moment où l’affaire doit passer en audience officielle devant un juge.
Ainsi, nous entrions dans le procès tout en sachant que, si une victoire totale aurait été bienvenue, le seul objectif réaliste à long terme était un règlement négocié avec nos adversaires.
Naturellement cela aurait mis à l’abri du programme de Mgr Lefebvre le maximum de groupes de fidèles que pos-sible. Cela impliquerait probablement quelque maquignonnage de biens et autres concessions. C’est comme cela que fonctionne le système Américain.
Mais offrir de négocier avec nos adversaires juste après qu’ils aient entamé une procédure n’aurait rien fait d’autre que de confirmer leurs attentes irréalistes. Mgr Lefebvre et ses conseillers semblaient penser qu’ils pourraient nous écraser au tribunal. Ils auraient à prendre quelques dures leçons avant d’en venir à envisager de négocier.
Nous nous attendions à ce que ce processus d’éducation prenne un certain temps, mais comme nous étions en possession des propriétés et que les fidèles nous approuvaient, nous étions disposés à attendre.
En fait, comme les choses se développèrent, nous n’avions pas d’autre choix, parce que les procès en Amérique se déroulent à la vitesse d’une guerre de tranchées menée par des escargots.
D. UNE PREMIÈRE VICTOIRE
Après le dépôt de plainte, l’étape suivante dans un procès consiste à essayer d’obtenir du juge un Temporary Res-training Order (TRO) contre votre adversaire. Ceci l’empêche de changer en quoi que ce soit le statu quo dans son conflit jusqu’au verdict final d’un procès complet.
En Août 1983, les représentants de l’archevêque tentèrent d’obtenir un TRO contre nous. Cela aurait gelé tous les comptes bancaires des églises et en fait fermé toutes les églises que nous desservions.
Nous eûmes une audience à ce sujet devant un juge. Grâce à une éloquente intervention de l’abbé Kelly qui cein-tura verbalement le malheureux avocat de l’archevêque, le juge refusa l’ordonnance.
Ainsi, pour l’équité du procès, nous continuâmes à faire fonctionner nos diverses paroisses comme auparavant.
E. DÉCOUVERTE ET DÉPOSITIONS
Puis, suivit ce que l’on appelle la phase de "découverte" du procès. Chaque partie découvre les "preuves" que l’adversaire peut avoir en sa possession. Cela s’effectue par des demandes de documents, des réponses écrites à des questions écrites ("interrogatories") et principalement, par les témoignages.
1 “Quanta in uno facinore sunt crimina!” (saint Ambroise). Cette accolade avec JP2 – que de crimes dans cette seule faute !
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Lors des témoignages, un témoin d’une partie doit répondre aux questions orales de l’avocat de la partie adverse. Le témoin doit parler sous serment, et questions et réponses sont transcrites par un greffier.
La "Découverte" est la phase la plus longue des procédures civiles, et la plus coûteuse en raison de la paperasse-rie légale nécessaire. Vous découvrez au moins d’où votre avocat tire le gros de son revenu...
Nous fîmes citer divers officiels de la FSSPX, y compris Mgr Lefebvre, à déposer. Bien qu’il ait déclenché la procé-dure, l’archevêque hésitait à témoigner. Ses avocats combattirent la citation jusqu’à ce que le juge leur déclare qu’ou bien l’archevêque accepte de déposer devant nos avocats, ou bien les plaignants seraient déboutés.
Donc l’archevêque revint d’Europe pour déposer. Nous nous assîmes autour de la table face à lui alors que nos avocats le cuisinaient poliment sur les différentes revendications de sa plainte contre nous. Naturellement regrettable – mais c’est lui qui avait attaqué, et nous l’avions prévenu à l’avance que ce serait un vrai gâchis. Entamez une pro-cédure contre quelqu’un en Amérique, et même si vous êtes un archevêque, le défenseur a le droit de vous citer à déposer.
Ce serait la première de quatre dépositions (au moins) que Mgr Lefebvre aurait à faire pour autant de procès, une fois le litige propagé à d’autres états. D’autres officiels de la FSSPX durent également déposer. Naturellement, les avocats de Mgr Lefebvre avaient également le droit de nous citer à déposer. Alors que les abbés Jenkins et Dolan, eurent des dépositions relativement brèves, les cibles principales à cuisiner largement de notre côté furent l’abbé San-born, l’abbé Kelly et particulièrement moi-même, parce que j’avais été étroitement associé avec toutes les organisa-tions revendiquées et conservé les archives de l’organisation.
A un moment, j’estimai que durant les quatre ans qu’on duré les procès, j’avais donné trente jours de témoignages, soit lors de dépositions, soit dans les tribunaux.
F. LES PROCÈS SE MULTIPLIENT
Attaquer ou se défendre dans un procès complexe dans le système judiciaire Américain ressemble à une guerre, et dans notre affaire, les batailles s’étendent à d’autres fronts
1. Philadelphie. Une des chapelles dont la propriété était disputée était l’Eglise de St Cyprien à Eddystone, Penn-sylvanie, une banlieue de Philadelphie. Elle était desservie par l’abbé Hesson et, à une ou deux exceptions près, les laïcs du lieu approuvaient notre position contre l’archevêque.
En Octobre et Novembre 1983 cependant, une des "exceptions" décida apparemment l’abbé Williamson à deman-der les clés de l’église à notre coordinateur laïque.
Lorsqu’il devint certain que nous allions être poursuivis pour la chapelle d’Eddystone, nous déposâmes une plainte auprès de la cour fédérale de Philadelphie pour remplir certains points de droit.
Là, la FSSPX poursuivit contre, faisant certaines revendications similaires à celle qu’elle avait faites dans le procès de New York. De plus, ils ajoutèrent une revendication selon laquelle leur organisation était une hiérarchie, et que la jurisprudence de Pennsylvanie requérait du tribunal d’appliquer les décisions prises par une hiérarchie religieuse en ce qui concerne les biens détenus par les églises locales qui lui étaient subordonnées
Hé bien c’était encore une nouveauté pour moi, parce que l’Eglise à laquelle je pensais appartenir n’avait qu’une hiérarchie, dont seul le pape pouvait être la tête. Un archevêque en retraite ne pouvait faire partie de cette hiérarchie d’après mon livre – particulièrement si ce livre était le Code de Droit Canon, qui mettait sa "hiérarchie" supposée à un niveau inférieur à celui d’une Confraternité du Rosaire laïque.
L’affaire de Philadelphie impliquait d’autres découvertes, d’autres dépositions, un procès (que nous perdîmes) et deux appels (que nous perdîmes aussi). La Fraternité récupéra ensuite l’église, mais la plupart des paroissiens (cer-tains d’entre eux ayant témoigné contre la FSSPX au procès) l’abandonnèrent.
Bien que le résultat de l’affaire de St Cyprien ait été une amère déception pour les prêtres comme pour les parois-siens, il n’affectait qu’une propriété et une paroisse. Le précédent n’aiderait pas nécessairement la FSSPX à New York, parce que les bases juridiques de propriété d’une église étaient différentes.
Il y avait un effet bénéfique indirect pour nous que n’avaient pas prévu nos adversaires : nos avocats New-Yorkais ayant été aussi amenés à plaider à Philadelphie, cela retarda inévitablement l’affaire de New York. Et le retard pouvait favoriser ensuite un règlement.
2. Un Procès en Diffamation. En Automne 1983, le bulletin officiel du District Sud Ouest de la FSSPX, The Ange-lus, publia un certain nombre d’accusations diffamatoires contre nous (P. ex. Que nous avions mis les églises "à nos propres noms"), comme fit le périodique traditionaliste The Remnant, qui avait pris le parti Mgr Lefebvre dans la controverse.
Nous déposâmes une plainte en diffamation à la Cour Fédérale contre ces entités et contre divers officiels de la FSSPX qui étaient impliqués, et les assignations leur furent remises alors qu’ils participaient à la consécration d’une église à Long Island.
La loi sur les diffamations en Amérique est complètement irrationnelle. Bien que nous pensions que certaines dé-clarations constituaient de bons cas de diffamation, le dépôt de plainte était une autre façon de maintenir la pression sur nos adversaires dans la déplaisante guerre juridique qu’ils avaient déclenchée.
Découverte et dépositions de ce procès grincèrent tout au long.
Nos adversaires remplirent une motion de jugement sommaire en leur faveur (un jugement sans véritable procès) selon lequel toutes les déclarations étaient la libre expression d’une opinion - "liberté de parole", garantie par le Pre-mier Amendement ! Le juge approuva et prononça un non lieu.
Nous fîmes cependant appel et la Cour d’Appel infirma les conclusions que le juge avaient prononcées sur certai-nes déclarations, réintégra notre cas et ordonna la procédure. Ironiquement, l’auteur de certaines des déclarations in-criminées était l’abbé Bolduc. Nous suspections que sa véhémence à nous dénoncer était provoquée par l’espoir
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qu’en agissant ainsi, il pourrait éviter la purge que prévoyait déjà l’archevêque pour lui. Mais ce fut sans résultat, la hache lui tomba dessus l’année suivante. L’abbé Schmidberger publia alors une attaque contre l’abbé Bolduc dans The Angelus.
3. Virginia Beach. Ici, nous desservions une paroisse dans une chapelle qui était détenue par une association laï-que. Un des administrateurs, sorte de cheval de Troie de la FSSPX, déposa une plainte contre le reste des adminis-trateurs pour nous faire quitter la chapelle et y mettre l’abbé Williamson. Ce qui amena une autre découverte et d’autres retards pour l’affaire de New York.
Par la suite, les parties se retrouvèrent devant une chambre basse avec le délégué du tribunal. Le délégué se pro-nonça en faveur des administrateurs qui voulaient garder nos prêtres.
4. Le Séminaire du Connecticut. Nos prêtres étaient majoritaires dans le bureau de l’association qui détenait le Séminaire de Saint Thomas d’Aquin à Ridgefield. Nous étions par conséquent en position de force pour évincer les supporters de l’archevêque de la propriété du séminaire. Evidemment, ce serait une arme sérieuse contre nos adver-saires. Donc, un an après le déclenchement du conflit, nous entreprîmes une action en justice à la cour d’état du Connecticut pour la possession du séminaire, et lorsque Mgr Lefebvre descendit de voiture le 20 Mai 1984, il lui fut remis l’assignation.
A ce moment, dit l’abbé Williamson, l’archevêque eut un "regard de souffrance" sur son visage. C’est certain – mais aucune souffrance en ce qui concerne les prêtres douteux et les fausses annulations. De nouveau, autre décou-verte et autres dépositions suivirent.
Encore une fois, la loi sur les contestations de propriété des églises du Connecticut différait légèrement de celle de New York. Aurions-nous perdu l’affaire de New York, nous aurions poursuivi l’affaire du Connecticut jusqu’au bout.
V. LE RÈGLEMENT.
Au début de 1987, les procès dans les diverses juridictions traînaient depuis trois ans et demi. La première plainte que l’archevêque avait déposée en 1983 à la cour Fédérale de New York n’était pas encore en jugement. C’était le principal procès dont nos adversaires espéraient qu’il leur apporterait, d’un seul coup, les onze propriétés dans six états différents.
Depuis 1983, l’affaire avait été attribuée à autre juge Fédéral à Brooklyn. Il avait la réputation d’être un juriste libé-ral (= quelqu’un qui interprète les lois avec "créativité") et comme un "conciliateur" qui préférait travailler à des règle-ments entre les parties opposées.
La découverte (dépositions et échanges de documents) dans l’affaire de New York ayant été finalement complé-tée, le juge fixa une date d’audience. Ce fut à ce moment que nous tirâmes la balle d’argent.
A. LA BALLE D’ARGENT
1. Absence de Juridiction. Une règle fondamentale dans la plupart des systèmes juridiques prévoit que la cour devant laquelle vous poursuivez quelqu’un doit avoir juridiction sur le défendeur. La juridiction est attribuée aux cours selon le territoire géographique. En Amérique, cela signifie que le défendeur dans un procès peut seulement être poursuivi là où il réside réellement ou là où il "fait ses affaires".
Par exemple, si vous vivez dans l’Ohio et que quelqu’un veut vous attaquer pour votre maison de Cincinnati, il ne peut pas déposer sa plainte à Brooklyn, vous faire venir devant la cour de Brooklyn et prendre votre maison de Cin-cinnati. Il doit vous poursuivre en Ohio, dans le comté où est située votre propriété, et il doit normalement le faire de-vant le tribunal de l’état, et non le tribunal Fédéral.
L’ancien avocat de l’archevêque avait préalablement fait la plupart de son travail devant le tribunal de l’état. Il ne semblait pas familier des points les plus subtils de la procédure Fédérale, particulièrement ceux qui avaient à voir avec la juridiction.
Donc, lorsqu’il nous poursuivit à Brooklyn, il nomma comme défendants cinq prêtres – les abbés Kelly, Sanborn, Dolan, Jenkins et moi-même – et demanda que le tribunal Fédéral nous ordonne de rendre à l’archevêque les églises de New York, Pennsylvanie, Connecticut, Ohio, Michigan et Minnesota.
Ceci, notre avocat de Cincinnati l’avait noté en 1983, était en contradiction avec les règles de juridiction du tribunal Fédéral. Les propriétés étaient détenues, non par les prêtres défendants, mais par des associations à but non lucratif.
Cinq d’entre elles était en dehors de l’état et ne faisaient pas d’affaires à New York, et les propriétés contestées étaient hors de New York. Ainsi, le tribunal Fédéral de New York ne pouvait avoir de juridiction sur elles.
Selon les Règles Fédérale de Procédure Civile, le tribunal Fédéral de Brooklyn serait obligé de délocaliser toute plainte à propos des propriétés et des associations hors de l’Etat de New York.
2. Pas de Diversité. Cela étant, il ne devait rester que les deux associations de New York dans le procès Fédéral. Mais le Tribunal Fédéral de Brooklyn ne pouvait alors avoir juridiction sur elles non plus, parce que, si les propriétés contestées relevaient bien de la juridiction du tribunal, à la fois les plaignants (FSSPX) et les défendeurs (nous prê-tres) ou bien résidaient ou bien "faisaient des affaires" à New York, dans le même état.
Or, les règlements Fédéraux demandent la "diversité" entre les parties. Cela signifie pas que Noël, Kwanza, le Ramadan et la mort de Custer doivent être célébrés en même temps, mais plutôt que le plaignant et le défendant doi-vent provenir d’états différents.
Selon les Règlements Fédéraux, le juge serait obligé de rejeter également les plaintes concernant les propriétés et les associations situées dans l’état de New York, et donc se démettre de toute la procédure.
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Mgr Lefebvre serait alors obligé de se rendre dans les tribunaux d’état de New York, Ohio, Pennsylvanie, Michigan et Minnesota, entamer de nouvelles procédures conformes aux règles de chaque état et recommencer tout le proces-sus de dépositions et découvertes.
Donc, lorsque l’audience de Brooklyn devint imminente, nous remplîmes une longue motion demandant de rendre une fin de non recevoir par le tribunal Fédéral de Brooklyn sur ces bases.
C’était la balle d’argent qui annulerait l’impasse et forcerait au final la FSSPX à un règlement négocié raisonnable avec nous.
B. LES NÉGOCIATIONS DE RÈGLEMENT
L’archevêque et la FSSPX avaient entre-temps engagé un bien meilleur avocat. La motion une fois arrivée sur son bureau, il reconnut la menace qu’elle contenait. Il se dépêcha de lancer une procédure contre nous devant le tribunal de l’état par précaution, pour le cas où la procédure Fédérale serait annulée. Ceci lui permettrait au moins de conti-nuer la bataille pour le contrôle des propriétés dans l’état de New York.
Après que les avocats des deux parties aient soumis des conclusions écrites au tribunal, nous revînmes à Broo-klyn pour une audience devant le juge. C’était une expérience étrange, comme si le tribunal Fédéral fonctionnait sous sa propre version du Novus Ordo. Le juge était en costume, au lieu de la robe judiciaire noire, et au lieu de siéger comme d’habitude pour entendre les débats, il descendit sur une grande table de conférence, et nous fit asseoir tout autour.
Les avocats discutèrent de la motion pour ou contre. Au lieu d’approuver la motion, le juge se retira pour prendre conseil et décider plus tard. Puis il se mit "hors procès verbal" (il dit au greffier d’arrêter de transcrire) et adopta son procédé de "conciliateur", pressant les parties de parvenir à un règlement négocié.
Il montra à nos adversaires que notre motion comportait des arguments forts, et laissa entendre qu’il pourrait y ac-céder sur certains points. Il nous dit alors que, naturellement, rien n’était certain dans un procès, et que personne ne sait où cela peut mener. Donc, dit-il, les deux parties devraient envisager de régler l’affaire maintenant.
A ce moment, nous étions ennuyés de ce que le juge n’accepte pas simplement la motion. La question de la juri-diction était évidemment ouverte ou fermée, et un juge est payé pour faire appliquer les règlements après tout. Si le procès avait été retiré au tribunal fédéral, nous aurions vraiment été dans une position de force. Mais je suppose que nos adversaires étaient également ennuyés que le juge ait semblé porté à recevoir la motion, et qu’il s’en servait comme une arme pour les forcer à négocier. Une satisfaction, au moins le juge ne demanda à personne de s’asseoir à table pour joindre les mains ou faire une réconciliation générale...
Après quelques discussions, le juge proposa de présider lui-même aux négociations. Nous nous mîmes d’accord pour fixer une date convenant à tous pour l’évènement.
La première conférence se tint la 4 Juillet 1987 au cabinet du juge. Les abbés Kelly, Sanborn et moi-même, ainsi que les abbés Schmidberger et Williamson étaient présents, avec les avocats des deux parties et un greffier.
On peut seulement imaginer l’impression que retirèrent de la justice Américaine nos frères Européens à la mine sévère – on était loin des perruques, des robes augustes et des rabats amidonnés. Ici siégeait un juge Fédéral, venu pour l’occasion en chemise de polo, ses pieds négligemment posés sur le bureau.
De nouveau, il y eut beaucoup de discussion devant le juge. Elle s’interrompit plusieurs fois lorsque les deux par-ties se rendirent dans des pièces séparées afin de discuter en privé des diverses propositions. Certains sujets étaient approuvés, mais une autre session serait nécessaire pour mettre au point les détails qui étaient assez embrouillés et complexes.
Le 18 Août 1987, les deux parties participèrent à une dernière conférence de règlement présidée par le juge. L’accord y fut scellé et mit fin au procès.
C. LA FSSPX RACHÈTE
Lorsque tout le maquignonnage fut terminé, la FSSPX obtint deux propriétés qu’elle occupait déjà (le séminaire du Connecticut et l’établissement d’Armada, MI) et deux propriétés que nous occupions (les églises de Redford, MI et St. Paul MN)1.
Nous obtîmes six propriétés (Oyster Bay NY, East Meadow NY, Rochester PA, Williamsport PA, Cincinnati OH). Pour les églises de Redford et St Paul nous arrachâmes une concession : la FSSPX ne les aurait qu’au bout de 15 mois.
Ceci nous permettrait d’acheter de nouveaux bâtiments pour nos deux assemblées de fidèles – et en même temps pour les protéger des sacrements douteux et des fausses annulations que la FSSPX prononçait dorénavant.
En réalité, cette dernière disposition marcha parfaitement, car les deux églises que nous acceptions de remettre à la FSSPX se trouvaient dans un "quartier en déclin2. La réimplantation nous fit déménager dans la banlieue.
La partie la plus intéressante de l’histoire de l’accord et que Mgr Lefebvre et la FSSPX acceptèrent un rachat de $350,000 de notre part.
Je me rappelle qu’à l’époque aucune des parties ne mentionna cela publiquement aux fidèles. Les deux parties, je le suppose, avaient des motifs pour n’en rien dire ou peu. La poignée de partisans de la FSSPX dans les chapelles en questions auraient pu considérer cela comme une trahison (ce qu’elle était naturellement) et la nouvelle de ce genre d’aubaine pour la FSSPX aurait pu gêner l’élan de la quête pour le séminaire de Winona. Nos fidèles, d’un autre côté, auraient pu regarder cela comme une coûteuse reconnaissance de défaite.
Mais au bout de vingt cinq ans, ou peut raconter toute l’histoire :
1 Ils avaient déjà obtenu la propriété de Philadelphie dans un procès séparé, elle n’était donc pas sur la table.
2 En 1987 des dealers de drogue opéraient près d’une des églises. A l’autre, un prêtre de la FSSPX installé après la reprise fut ré-ellement agressé.
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Les représentants de la FSSPX firent un faux pas en nous faisant un rabais de 40% sur le rachat. Ils mentionnaient souvent qu’ils craignaient que nous n’hypothéquions fortement les propriétés de Redford et de St. Paul avant de les rétrocéder à la Fraternité ; en même temps, la FSSPX semblait ignorer que durant la procédure judiciaire nous avions déjà remboursé les hypothèques sur les deux propriétés - ce que leur avocat aurait pu simplement découvrir en télé-phonant aux archives publiques du Michigan et du Minnesota.
Confronté à leur attitude soupçonneuse, notre avocat (à propos, extrêmement brillant, et valant le moindre cent que nous lui avons payé) leur fit une concession rassurante : toute hypothèque révélée lorsque la FSSPX prendrait le contrôle de ces églises devrait être exactement au même niveau qu’au moment de notre rupture avec l’archevêque, ni plus ni moins. La FSSPX agréa cette offre. Notre "concession" ne nous coûtait pas cher en fait, car elle fonctionnait en notre faveur. Comme nous avions déjà remboursé les hypothèques sur les deux propriétés, nous pouvions à nouveau les hypothéquer pour environ $125,000 et $20,000 respectivement.
Et le plus beau : juste quelques mois après la reprise des églises par la FSSPX, les deux soldes pouvaient consi-dérés dus entièrement en tant que faux paiements, parce que c’était les termes et conditions exacts des hypothèques existantes au 27 Avril 1983. Ce fut le petit cadeau des Neuf pour la pendaison de crémaillère de la Fraternité.
Ainsi finalement nous n’eûmes qu’à payer seulement $205,000 pour l’ensemble du règlement – une réduction de 40%, et une transaction pas mauvaise pour six propriétés. Je me retins d’interroger l’abbé Williamson sur les fré-quents déplacements par avion...
Toutes les autres poursuites furent abandonnées. De plus, si nous devions utiliser une variante de "Saint Pie" comme nom pour toute organisation que nous fonderions, nous devions informer les gens au début que nous nous "n’étions pas affiliés à la Fraternité Saint Pie X" – une erreur que nous n’aurions sûrement pas commise à ce mo-ment !1
Finalement, on doit noter que Mgr Lefebvre et les abbés Schmidberger, Wiliamson et Roch signèrent tous l’accord au nom de la FSSPX, nous relevant de toute obligation "pour, sur quelque raison que ce soit, cause ou objet quelqu’il soit depuis le début du monde (sic) jusqu’au 26 Octobre 1987.
La FSSPX ayant agit ainsi et ayant effectivement accepté de l’argent de notre part, les principes de théologie mo-rale Catholique de/sur “condamnation” nécessite que la FSSPX se retienne de proclamer que les Neuf leur ont "volé" des biens. Pour le montant de $205,000, nous nous les leur avons achetés, de bonne guerre.
VI. QUELQUES CONSÉQUENCES
Tout au long de notre bataille avec Mgr Lefebvre et son organisation entre 1983 et 1987, en dépit de distractions inévitables, nous continuâmes notre apostolat sacerdotal exactement comme auparavant.
En Mai 1984, trois autres prêtres qui venaient juste d’être ordonnés en Amérique par l’archevêque, les abbés Thomas Mroczka, Denis MacMahon et Daniel Ahern, nous rejoignirent également. Les Neuf passèrent à Douze.
Les onze propriétés contestées affectées par les procès ne constituaient qu’une partie des paroisses où nous di-sions la Messe – plus de 40 à un moment. Nous continuâmes à construire ou acquérir des églises et autres institu-tions dans diverses régions des Etats Unis. La majorité des fidèles de chacune de ces missions continuèrent d’apporter leur soutien financier, moral et spirituel comme auparavant.
Il y avait aussi d’autres effets permanents pour les deux côtés.
A. LA FSSPX EN AMÉRIQUE
• La FSSPX installa rapidement des prêtres étrangers dans les positions organisationnelles clés aux U.S. ; seuls les étrangers pouvaient être réputés loyaux envers la FSSPX et suspects pour la population locale. Cela me rappelait toujours Staline (lequel était mort en 1953... Ndt) envoyant ses troupes Mongoles en Hongrie après la révolte de 1956. C’est seulement en 2002 que la FSSPX trouva un prêtre Américain qu’elle considéra suffisamment loyal pour diriger le district U.S
Mais même un quart de siècle après la dispute de 1983, aucun Américain n’a été considéré comme suffisamment loyal pour être le Recteur du séminaire de la FSSPX à Winona MN. L’abbé (plus tard évêque) Williamson tint le poste durant vingt ans ; l’occupant actuel est un Français, l’abbé Yves Le Roux.2
• Le résultat de la crise de 83 est que les ordinands de la FSSPX doivent signer un serment déclarant leur loyauté envers les "positions" de la Fraternité sur le pape, les nouveaux sacrements, Vatican II, la liturgie de Jean XXIII, etc.
Naturellement, l’un des points principaux de notre conflit avec Mgr Lefebvre était précisément parce qu’il plaçait la fidélité envers lui-même, son organisation et ses positions du jour au-dessus de la fidélité envers l’Eglise.3
Comme l’abbé Sanborn le fit remarquer dans son article de 1984, “Crux of the Matter” :
“Ceux que l’Archevêque considère comme ses vrais fidèles sont ceux qui ne tirent aucune conclusion de ses dires et de ses actes, qui ne cherchent pas de réponse à la question fondamentale, qui ne sont ni mous ni durs, mais seu-lement dans la ligne de l’Archevêque. [Aplatis serait plus exact... - AC] Son Excellence a toujours favorisé et cultivé cette sorte de séminariste, et s’en entourait lui-même lorsqu’ils étaient ordonnés.
1 En dépit de l’accord, en Janvier 1988 un partisan de la FSSPX déposa une autre plainte contre nous à Saint Paul. Bien qu’il ait été débouté par le juge de New York, cette escapade stupide coûta aux deux parties, car les avocats eurent à faire de la paperasse et se rendre aux audiences.
2 Trouver un candidat pour le poste de recteur d’un séminaire de la FSSPX n’est pas chose facile. Il doit être assez intelligent pour être crédible en tant qu’enseignant, mais pas assez pour reconnaître quelque principe théologique en contradiction avec la ligne du parti de la Fraternité, à aucun moment.
3 La cinquième résolution proposée dans notre lettre du 25 Mars 1983 : “5. La Fraternité reconnaît et accepte le principe suivant le-quel notre fidélité envers elle est subordonnée à notre fidélité envers l’Eglise et ses traditions”.
15
Il était visible qu’il aurait traité avec mépris ceux qui, en parole ou en acte, feraient montre d’une adhésion à un principe au-dessus ou au delà de l’Archevêque, et dont l’Archevêque lui-même serait le sujet et le responsable... (ce passage me paraît assez subtil à comprendre, NdT)
“Son attitude, on le comprend était, ‘pourquoi venir à Ecône si ce n’est pas pour suivre Monseigneur Lefebvre ?’ Je pense qu’il croyait que le principe de fonctionnement d’Ecône était de suivre Mgr Lefebvre dans son combat pour conserver la tradition”.
• On m’a souvent répété à travers les années, que le rare séminariste Américain de la FSSPX qui manifeste une tendance à un raisonnement théologique indépendant est encore taxé de posséder "l’esprit des Neuf". Nous sommes les épouvantails du mythe de la création de la FSSPX.
• En ce qui concerne les centres de Messe, la FSSPX a complètement abandonné quelques zones aux Neuf. Dans d’autres, où nous avions déjà des chapelles plus grandes, il fallut des années à la FSSPX pour trouver suffisamment de fidèles pour établir de petites chapelles à eux.
B. L’APOSTOLAT DES NEUF
• Pour les Neuf, l’un des effets à long terme du conflit fut de nous mettre en garde contre la formation d’une organi-sation trop rigoureuse. Mgr Lefebvre avait fait de son organisation une église de substitution. Nous craignions de répé-ter nous mêmes la même erreur.
C’est une des raisons pour laquelle l’organisme que nous formâmes ensuite, la Société de Saint Pie V, tomba si rapidement. Cinq ans après le règlement légal, seul trois des Neuf membres originaux faisaient encore partie de la SSPV.1
Mais ceux qui s’en plaignent et regardent avec envie l’empire de la FSSPX n’en voient pas les dangers : une entité centralisée comme celle-là peut être subvertie en un trait de plume et amener des milliers d’âmes peu soupçonneuses à l’Eglise Mondiale oecuménique.
Preuve A : le 5 Mai 1988, Mgr Lefebvre signa un accord avec Ratzinger qui, en dehors du fait de la reconnaissan-ce de JP2 comme vrai pape, acceptait l’autorité de l’enseignement de Vatican II, la validité des nouveaux sacrements, et la légitimité du Code de Droit Canon de 1983.2 L’archevêque vendait prêtres et laïques à la fausse église de Vati-can II sur les principes, mais reprenait sa signature le jour suivant seulement parce qu’il voulait que les hérétiques lui donnent un meilleur prix3 - les trente pièces d’argent en quelque sorte. Ses successeurs pourraient réellement refuser un accord de ce genre, mais ils pourraient aussi bien le réaliser.
• Etre libérés de la main morte de la ligne du parti Lefebvriste nous permit de faire des recherches et de publier des articles sur les grands problèmes de notre temps – le pape, les hérésies de Vatican II, la validité des nouveaux sa-crements, etc. Comme preuve, Mgr Sanborn et moi-même avons publié suffisamment d’articles sur ces sujets pour en faire plusieurs livres.
Auparavant, on avait à craindre l’arrivée d’une lettre fulminante de Mgr Lefebvre se plaignant qu’un article risquait de compromettre ses "négociations" avec "Rome".4
• Après notre départ de la FSSPX, nous n’avions naturellement aucun moyen de former nos séminaristes et aucun évêque vers qui nous tourner pour les ordinations – un obstacle évident pour l’apostolat. Mais cela nous poussa à re-chercher d’autres possibilités. Lorsque l’abbé Sanborn rendit visite à Mgr Antonio de Castro Mayer, le prélat nous suggéra d’aller voir Mgr Guérard des Lauriers qui avait été sacré en 1981 par Mgr Pierre-Martin Ngô-Dinh-Thuc. Nous fîmes des recherches approfondies sur le problème des consécrations de Mgr Thuc et conclûmes qu’elles étaient va-lides. Ceci aboutit aux consécrations de Mgr Dolan (1993) et Mgr Sanborn (2002) et à la fondation du Séminaire de la Très Sainte Trinité.
Les abbés Kelly et Jenkins pour leur part, prirent contact avec Mgr Alfred Mendez via Nathalie White, ancienne contributrice de The Wanderer et vieille amie de la famille Jenkins. Ce qui aboutit au sacre épiscopal secret de l’abbé Kelly par Mgr Mendez en 1993.5
• Notre départ nous amena à des contacts ou coopérations avec d’autres religieux traditionalistes à travers le mon-de : la Congregation of Mary Immaculate Queen (CMRI), Trento (Mexico), l’Institut Notre Dame du Bon Conseil (Italie), et des prêtres en France, Belgique, Allemagne, Pologne, Mexique et Argentine. Ceci n’aurait pas été possible à la FSSPX, ou les "positions de la Fraternité" régulaient les contacts avec le clergé du dehors.
• La séparation d’avec la FSSPX nous permit de promouvoir plus activement la préservation des anciennes prati-ques liturgiques d’avant 1955, par opposition au Missel de Bugnini/Roncalli de 1962 qui est le standard liturgique à la fois pour la FSSPX et la Messe Motu autorisée par Benoît XVI en 2007.
Les fidèles peuvent maintenant assister aux rites solennels ou même pontificaux de la Semaine Sainte en de nom-breux endroits des Etats Unis.
1 Abbés Kelly, Jenkins et Skierka
2 Voir "Protocole d’Accord entre le Saint Siège et la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X", Mai 1998, ww.unavoce.org/protocol.htm.
3 La permission de l’hérétique moderniste Jean Paul II de consacrer trois évêques au lieu d’un seul préalablement agréé. Ce com-portement ambigu montré dans cet accord illustre la raison pour laquelle nous avions posé devant lui le point (7) à notre rencontre de 27 Avril 1983.
4 Lorsque nous faisions encore partie de la FSSPX et que j’étais responsable de l’édition de The Roman Catholic, nous nous amu-sions chaque mois à essayer de trouver une citation "ferme" de l’archevêque dans l’intitulé du sommaire. Nous nous référions quelquefois à la "citation du président" ou "Le Grand Timonier" – une allusion à la pratique des écrivains des pays communistes qui commençaient leurs articles par une citation de Mao ou Lénine car ils craignaient d’être purgés pour "déviationnisme" lorsque la li-gne du parti changeait inévitablement
5 Le sacre fut révélé seulement après la mort de Mgr Mendez en Janvier 1995.
16
De plus, au moment où ces lignes sont écrites, la paroisse que je dessers, Ste Gertrude la Grande à West Ches-ter, OH, vient de commencer à retransmettre régulièrement ses Messes sur Internet.1 Ceci permet aux Catholiques du monde entier d’assister à la célébration de l’ancienne liturgie de première main.
C. LE SÉDÉVACANTISME EN GÉNÉRAL
En France, la présence du sédévacantisme sur la scène traditionaliste est minuscule. La Frat est tout, et même les sédévacantistes regardent la FSSPX comme leur principal cadre de référence.
En Amérique ce n’est pas le cas. Comme noté plus haut, les neuf prêtres n’étaient pas tous sédévacantistes au moment de leur rupture avec Mgr Lefebvre. Tous cependant finirent par la suite à adhérer à la position sédévacantiste sous une forme ou une autre.
Aurions nous abandonné nos groupes de fidèles et glissé tranquillement ailleurs, nous aurions laissé le champ li-bre à la FSSPX pour refiler des sacrements invalides, de fausses annulations et sa notion crypto schismatique de l’autorité pontificale sur tous les U.S.A. Mais parce que nous avons combattu fermement Mgr Lefebvre et la FSSPX au tribunal, nous avons pu maintenir la continuité de notre apostolat. Il en résulte que l’Amérique est devenue un bastion sédévacantiste.
Parmi les Neuf, les prêtres se sont majoritairement affiliés à la CMRI, les sédévacantistes en Amérique peuvent compter sur près de 90 centres de Messe (pour 100 pour la FSSPX), 16 écoles (contre 24) et trois séminaires.
C’est un encouragement pour les sédévacantistes (lire "Catholiques") ailleurs dans le monde. Et c’est un des effets indirects mais permanent issu de notre bataille juridique contre Mgr Lefebvre et la FSSPX.
* * * * *
Faire un procès, particulièrement s’il est long, coûteux et compliqué, est une occupation vraiment misérable. Saint François de Sales disait que cela pourrait valoir une canonisation (bien que présumer quelqu’un de "saint" dans cette histoire serait beaucoup). C’est spécialement dommageable à la spiritualité et au détachement d’un prêtre, parce pen-dant que les prières de la Messe qu’il dit tous les jours sont pour la paix, le mot "litige" vient du Latin lites – lutte.
Ce travail était d’autant plus déplaisant pour nous parce que nous avions à combattre Mgr Lefebvre, l’évêque qui nous avait ordonnés, et un prélat avec beaucoup de remarquables qualités et vraiment de grandes vertus personnel-les.
Mais les vertus de l’archevêque ne lui conféraient pas l’infaillibilité du jugement, l’immunité envers les critiques, ou le droit à être obéit qui était en opposition avec les principes fondamentaux de la théologie morale et dogmatique.
Ce fut la volonté d’être fidèle à ces principes qui nous avait amenés à Mgr Lefebvre comme séminaristes dans les années 70 – et ce fut cette même volonté qui nous éloigna de lui en tant que prêtres en 1983. Nous avons tous vu d’autres bons prêtres et prélats faire leur soumission au programme moderniste. Pour nous, Mgr Lefebvre fut une dé-ception de plus à ajouter à une longue liste.
Ainsi, si par égard pour des négociations avec les hérétiques, l’archevêque voulait marchander à propos de la vali-dité des Saint Ordres, l’indissolubilité du mariage et l’intégrité de la liturgie traditionnelle, ou si pour l’intégration dans la fausse Eglise oecuménique mondiale, il voulait "accepter Vatican II à la lumière de la tradition", il le ferait sans nous. Et de fait, comme les procès l’ont démontré, nous nous tiendrions à cette attitude et lui résisterions publiquement - "résolument" – lorsqu’il tenta de le faire.
En signant le 5 Mai 1988 un accord avec Ratzinger et Jean Paul II, Mgr Lefebvre vendait sa Fraternité et tous ses fidèles sur les principes sous-jacents de la résistance traditionaliste (lire "Catholique") à Vatican II. A partir de là, il ne restait plus qu’un pas à franchir pour être comme la Fraternité Saint Pierre et les Messes du Motu Proprio de Benoît XVI, lesquelles, sous l’apparence de "Messes traditionnelles", attirent des Catholiques peu soupçonneux vers des sa-crements invalides, l’acceptation implicite du Novus Ordo comme rite Catholique, le consentement aux erreurs de Va-tican II, et la communion avec une église oecuménique qui prépare la venue de l’Antéchrist.2
Tout ceci est arrivé comme des conséquences logiques de la position théologiquement incohérente que Mgr Le-febvre énonça à la fin des années 70. Sa Fraternité a tout accepté en tant que principe ; la seule chose qui empêche dorénavant la pleine réintégration de la FSSPX dans l’institution moderniste (en dehors de la peur d’avoir à obéir réel-lement à un pape qu’ils proclament reconnaître) se trouve dans quelques arguties sur des détails pratiques.
A défaut, l’histoire de la FSSPX des vingt cinq dernières années démontre que nous, les Neuf, étions dans le vrai en adoptant la position que nous avons prise, lorsque nous le fîmes.
Si nous n’avions pas combattu Mgr Lefebvre en 1983, nous aurions eu à le faire en 1988, mais dans une position nettement moins avantageuse pour nos fidèles sur la durée.
Ainsi, s’il fut triste pour nous prêtres de combattre un prélat vertueux, il aurait été bien plus affligeant si nous avions du céder sur les principes – abandonner nos troupeaux au risque de sacrement invalides et à l’union éventuelle avec une église dont l’archevêque disait lui-même qu’elle "commence dans l’hérésie et finit dans l’hérésie".
En pareil cas, il ne peut y avoir de compromis. Et d’avoir mené une bataille sur cela avec Mgr Lefebvre, Non, je ne regrette rien…
29 Septembre 2008
www.traditionalmass.org
For a free info pack, contact : St. Gertrude the Great Church, 4900 Rialto Road, West Chester
OH 45069. 513.645.4212, parishoffice@sgg.org
1 http://www.sgg.org/for-newcomers/mass-streaming/
2 Voir aussi “The Motu Mass Trap”, “Absolutely Null and Utterly Void”, “The Grain of Incense”, sur www.tradtionalmass.org
Très interessant, Lucie.
Wulfrano- Nombre de messages : 902
Date d'inscription : 22/04/2010
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Lucie, si je puis me permettre...
Vous faites des posts beaucoup trop longs!
C'est vraiment très fastidieux à lire! Pourquoi ne pas faire plusieurs petits posts courts et clairs?
D'ailleurs, les posts trop longs, c'est un vrai problème: comme la plupart des intervenants ne les lisent pas, on peut comme cela faire passer tout un tas de choses qui ne sera jamais repris...
Enfin ce n'est que mon avis, je suis un simple membre...
Vous faites des posts beaucoup trop longs!
C'est vraiment très fastidieux à lire! Pourquoi ne pas faire plusieurs petits posts courts et clairs?
D'ailleurs, les posts trop longs, c'est un vrai problème: comme la plupart des intervenants ne les lisent pas, on peut comme cela faire passer tout un tas de choses qui ne sera jamais repris...
Enfin ce n'est que mon avis, je suis un simple membre...
Catherine- Nombre de messages : 2399
Age : 39
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Catherine a écrit:Enfin ce n'est que mon avis, je suis un simple membre...
Oui! Mais très sagasse!
Wulfrano- Nombre de messages : 902
Date d'inscription : 22/04/2010
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
C'est un texte de référence que je n'ai pas écrit. Mais il est bien dans le sens où il explique ce qui s'est passé à l'époque, un document historique comme "Ecône, point final."
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Lucie a écrit:C'est un texte de référence que je n'ai pas écrit. Mais il est bien dans le sens où il explique ce qui s'est passé à l'époque, un document historique comme "Ecône, point final."
Ca ne change rien, pourquoi ne pas le poster en plusieurs fois?
Catherine- Nombre de messages : 2399
Age : 39
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Lucie a écrit:C'est un texte de référence que je n'ai pas écrit. Mais il est bien dans le sens où il explique ce qui s'est passé à l'époque, un document historique comme "Ecône, point final."
Mais en quoi l'abbé Cekada serait plus crédible que des frateux ?
Sandrine- Nombre de messages : 4297
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Je suis d'accord avec Catherine. Mieux vaut poster petit à petit que trop d'un coup. On risque l'overdose
Sandrine- Nombre de messages : 4297
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Parce qu'il ne se permet pas de calomnier, à ce que je sache, ce qui est typiquement frateux. Après je peux me tromper.
Lucie- Nombre de messages : 1241
Date d'inscription : 02/04/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Lucie a écrit:Parce qu'il ne se permet pas de calomnier, à ce que je sache, ce qui est typiquement frateux. Après je peux me tromper.
D'accord mais ce que je demandais était plutôt : qui est cet abbé Cekada et quelles sont ses positions ? ( je ne le connais pas )
Sandrine- Nombre de messages : 4297
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Sandrine a écrit:Lucie a écrit:Parce qu'il ne se permet pas de calomnier, à ce que je sache, ce qui est typiquement frateux. Après je peux me tromper.
D'accord mais ce que je demandais était plutôt : qui est cet abbé Cekada et quelles sont ses positions ? ( je ne le connais pas )
L'abbé Cekada est un peu comme l'abbé Grossin, sauf qu'il est plus intelligent et que quelques-uns de ses articles sont intéressants ...
Carolus.Magnus.Imperator.- Nombre de messages : 4192
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Sandrine a écrit:Lucie a écrit:C'est un texte de référence que je n'ai pas écrit. Mais il est bien dans le sens où il explique ce qui s'est passé à l'époque, un document historique comme "Ecône, point final."
Mais en quoi l'abbé Cekada serait plus crédible que des frateux ?
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
Carolus.Magnus.Imperator. a écrit:Sandrine a écrit:Lucie a écrit:Parce qu'il ne se permet pas de calomnier, à ce que je sache, ce qui est typiquement frateux. Après je peux me tromper.
D'accord mais ce que je demandais était plutôt : qui est cet abbé Cekada et quelles sont ses positions ? ( je ne le connais pas )
L'abbé Cekada est un peu comme l'abbé Grossin, sauf qu'il est plus intelligent et que quelques-uns de ses articles sont intéressants ...
Merci CMI
Sandrine- Nombre de messages : 4297
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Témoignage de l'abbé Cekada.
L'abbé Cekada est l'abbé qui a épluché très consciencieusement la messe de consécration épiscopale montinienne et qui démontré qu'elle est parfaitement invalide parce qu'elle ne confère pas la potestat ordinis pour cause du vice de forme et de matière !
Je lui tire mon chapeau à ce sujet. J'ai lu son article qui est très clair et qui m'a convaincu de l'invalidité de la messe montinienne. En cherchant sur internet, ce fut une des premières choses que j'ai lues lorsque j'ai commencé à rechercher la vérité sur la Tradition.
Il me semble qu'il en avait informé ML à l'époque (à vérifier) mais apparemment ML n'en a pas tenu compte puisqu'il a reconnu les pseudo-papes comme étant de vrais papes.
Hélas, une chape de plomb est tombée maintenant sur l'affaire de l'invalidité de la consécration épiscopale grâce au silence des tradis ralliés et des tradis en passe de ralliement.
Je lui tire mon chapeau à ce sujet. J'ai lu son article qui est très clair et qui m'a convaincu de l'invalidité de la messe montinienne. En cherchant sur internet, ce fut une des premières choses que j'ai lues lorsque j'ai commencé à rechercher la vérité sur la Tradition.
Il me semble qu'il en avait informé ML à l'époque (à vérifier) mais apparemment ML n'en a pas tenu compte puisqu'il a reconnu les pseudo-papes comme étant de vrais papes.
Hélas, une chape de plomb est tombée maintenant sur l'affaire de l'invalidité de la consécration épiscopale grâce au silence des tradis ralliés et des tradis en passe de ralliement.
Via Crucis- Nombre de messages : 2900
Date d'inscription : 22/02/2009
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