LA VERTU DE FOI.
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LA VERTU DE FOI.
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à suivre...
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI.
A partir d'ici il faut passer à l'étude de la vertu même de foi, et cette vertu de foi, l'étudier
1° en elle-même,
2° dans ceux qui la possèdent,
3° dans sa cause,
4° dans ses effets. [73]
Sur le premier point, huit questions : 1. Qu'est-ce que la foi? — 2. Dans quelle puissance de l'âme a-t-elle son siège? — 3. A-t-elle pour forme la charité? — 4. Est-elle numériquement la même, formée ou informe? — 5. Est-elle une vertu? — 6. Est-elle une unique vertu? — 7. Son rapport avec les autres vertus. — 8. Certitude comparée de la foi et des vertus intellectuelles.
note explicative :
[73] Qu. 4., Ρrol. — Toute la recherche à partir d'ici est orientée, on s'en rend compte, vers les profondeurs du sujet qui a la foi. Il en sera ainsi jusqu'à la fin du présent volume. La fin propre de la foi, a-t-il été dit au début de l'article précédent, c'est l'union de l'esprit humain à la vérité divine. Cette vérité, on l'a vu (qu. 1) s'offre à nous comme un grand objet; et nous nous attachons à elle par de grands actes (qu. 2-3). Mais l'union n'est pas seulement passagère et intermittente, l'attachement ne se fait pas que par les actes : il se réalise d'une manière plus permanente et plus profonde, il suppose un établissement de l'objet dans le sujet. Cet établissement peut être considéré comme une sorte d'implantation et d'enracinement en nous des choses les plus divines, Christum habitare per fidem in cordibus vestris.
Le vrai croyant, l'homme de la foi, le fidèle, n'est pas seulement celui qui accomplit très bien les actes de foi, c'est celui qui demeure dans un état de foi, lequel a toute la qualité d'une habitude et toute la valeur d'une vertu. On va voir, d'abord, comme la foi est ainsi constituée chez nous à l'état d'habitude (qu. 4, art. 1-4), ensuite comment il y a dans cette habitude de foi tous les traits d'une grande vertu (qu. 4, art. 5-8). Tout l'art de l'auteur consiste à conduire le mouvement de sa pensée, par touches légères, jusqu'à l'intime de la réalité qu'il s'ingénie à pénétrer.
— Il s'est déjà, sur cela, expliqué longuement (De Verit.qu. 14, art. 1-7) en des développements peut-être plus enchevêtrés qu'ici, mais tout pleins de formules somptueuses. Les deux œuvres s'éclairent l'une l'autre.
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à suivre...
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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à suivre...
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 1. Y a-t-il une bonne définition de la foi en celle donnée par l’Apôtre : « La foi est la substance des réalités qu'on doit espérer, l'argument de ce qui n'est pas évidente ? [74]
DIFFICULTES : 1. Il semble que cette définition ne va pas du tout. Une qualité n'est jamais une substance. Mais la foi, étant vertu théologale, est une qualité. Elle n'est donc point une substance.
2. A vertus diverses, objets divers. La réalité à espérer est objet de l'espérance. On ne doit donc pas la placer dans la définition de la foi comme si elle était l'objet de cette foi.
3. La foi reçoit, d'ailleurs, plus de perfection de la charité que de l'espérance, puisque la charité, comme nous le dirons, est la forme de la foi. Ce qu'on devait donc mettre dans la définition de la foi, c'était la réalité à aimer plutôt que la réalité à espérer.
4. D'autre part, une même chose ne doit pas être placée dans des genres différents. Or substance et argument sont des genres différents qui ne sont pas en subordination l'un de l'autre. Il ne convient donc pas de dire de la foi qu'elle est substance et argument.
5. De plus, l'argument a pour effet de rendre manifeste la vérité de la chose en faveur de laquelle il est introduit. Mais c'est précisément la chose dont la vérité est rendue manifeste qu'on dit être apparente. Il semble donc qu'il y ait une opposition impliquée dans les mots « argument de ce qui n'est pas évident ». La foi est donc là mal décrite.
CEPENDANT, l'Apôtre fait autorité en sens contraire.
note explicative:
[74] Qu. 4. art. 1, titre. — On ne saurait prêter trop d'attention à cet article. Il est à lui seul tout un petit traité, et comme un résumé de tout le traité. Il ne présente d'ailleurs aucune difficulté sérieuse; il demande simplement une application minutieuse. C'est pourquoi je vais le souligner de quelques notes explicatives, morceau par morceau. L'auteur est en admiration devant la belle phrase de l'épître aux Hébreux : il la retient comme un axiome qui dit nettement tout ce qu'il faut, et il la tourne finalement en une définition selon les règles.
D'après les gloses qui vont être données au cours de l'article, on pourrait traduire ainsi le texte de l'épître : « La foi est le germe de notre grand espoir, la conviction des grandes choses qu'on ne voit pas ». L'espoir dont il s'agit et qui doit creuser dans l'âme du croyant comme un appétit de foi et un besoin de croire, notez-le sur-le-champ, c'est l'espoir de voir. Cette espérance, que le vrai croyant possède au fond du cœur, l'aide à enraciner au fond de son esprit la conviction de l'invisible, l'aptitude aux réalités divines. Et voilà pourquoi on va conclure que l'habitude de foi est une ébauche et comme un commencement de vie éternelle en nous. Doctrine d'une étonnante profondeur spirituelle.
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à suivre...
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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A suivre…
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 1. Y a-t-il une bonne définition de la foi en celle donnée par l’Apôtre : « La foi est la substance des réalités qu'on doit espérer, l'argument de ce qui n'est pas évidente ? (suite]
CONCLUSION : Certains disent bien que les mots susdits de l'Apôtre ne sont pas une définition de la foi. Cependant, pour qui regarde bien, il est fait allusion dans cette sorte de description à toutes les choses d'où peut être tirée une définition de la foi, encore que les mots ne soient pas arrangés sous forme de définition. Le même cas se voit aussi chez les philosophes : on traite, sans s'occuper de la forme syllogistique, des principes qui sont à la base même des syllogismes.
Pour faire l'évidence dans le cas présent, il faut considérer que, l'habitude étant connue par l'acte et l'acte par l'objet, la foi, qui est une certaine habitude, doit être définie par son acte propre au regard de son objet propre.
Or l'acte de la foi c'est de croire. C'est, comme nous l'avons dit, un acte de l'intelligence déterminée, elle, à un parti sous l'empire de la volonté. Ainsi donc l'acte de la foi est en rapport et avec l'objet de la volonté, qui est le bien et la fin, et avec l'objet de l'intelligence, qui est le vrai. De plus, la foi, comme elle est vertu théologale, possède, ainsi que nous l'avons dit plus haut, la même chose pour objet et pour fin : à cause de cela il faut absolument que l'objet de la foi et la fin de la foi correspondent proportionnellement l'un à l'autre. [75]
Or l'objet de la foi, avons-nous dit, c'est la Vérité première selon qu'elle échappe à notre vision, puis les choses auxquelles nous adhérons à cause de cette vérité. D'après cela il faut aussi que cette Vérité première se présente elle-même à l'acte de foi comme une fin sous cet aspect d’une réalité que nous ne voyons pas. Ce qui aboutit à l’aspect d’une réalité espérée, selon le mot de l’Apôtre : "Ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons." Voir une vérité, en effet, c’est la posséder ; or on n’espère pas ce qu’on a déjà, mais l’espérance a pour objet ce qu’on n’a pas. C’est donc vraiment l’adaptation de l’acte de la foi à la fin de la foi, en tant que cette fin est objet de volonté, qui est marquée quand on dit : « La foi est la substance des réalités qu'on doit espérer », On a coutume, en effet, d'appeler substance la première ébauche d'une chose, surtout quand toute la chose qui va suivre est contenue virtuellement dans son premier commencement.
Si nous disons, par exemple, que les premiers principes indémontrables sont la substance de la science, cela veut dire qu'ils sont le premier élément en nous de la science et qu'en eux est virtuellement contenue toute la science. De la même façon nous disons donc que la foi est la substance des réalités que nous devons espérer. Cela veut dire qu'une première ébauche des réalités à espérer est dessinée en nous par l'adhésion de foi, et que cette première ébauche contient en germe toutes les réalités à espérer, car nous espérons être béatifiés en ceci même, que nous verrons dans une vision à découvert la vérité à laquelle nous adhérons dans la foi, comme il résulte de ce que nous avons dit à propos de la béatitude. [76]
— Quant à l'adaptation de l'acte de foi à l'objet de l'intelligence en tant que c'est un objet de foi, elle est marquée dans les mots : « Argument de ce qui n'est pas évident ». On prend ici l'argument pour son effet : l'argument a pour effet d'induire l'intelligence à adhérer à du vrai; aussi, cette ferme adhésion de l'intelligence à une vérité de foi qui n'est pas évidente, c'est elle qu'on appelle ici argument. C'est pourquoi une autre version a le mot « conviction », ce qui veut dire que par l'autorité divine l'intelligence du croyant est convaincue qu'elle doit adhérer à ce qu'elle ne voit pas. Si quelqu'un donc veut réduire les expressions de cette sorte en forme de définition, il peut dire que « la foi est une habitude d'esprit qui ébauche en nous la vie éternelle, et qui fait que l'intelligence adhère à ce qui n'est pas évident ». [77]
La foi se trouve distinguée par là de tous les autres états d'esprit : en disant « argument », on la distingue de l'opinion, du soupçon et du doute, par lesquels il n'y a pas cette première adhésion ferme de l'intelligence à quelque chose; en disant : « de ce qui n'est pas évident », on distingue la foi de la science et de la simple intelligence par lesquelles quelque chose devient évident; en disant : « substance des réalités qu'on doit espérer », on distingue la vertu de foi d'avec la foi prise au sens général du mot et qui n'est pas ordonnée à l'espérance de la béatitude.
D'ailleurs, toutes les autres définitions qui sont données de la foi, quelles qu'elles soient, sont des explications de celle que présente l'Apôtre. Lorsqu'en effet Augustin dit que « la foi est la vertu par laquelle on croit ce qu'on ne voit pas », lorsque Damascène dit qu'elle est « un consentement bien pesé », lorsque d'autres disent qu'elle est « une certitude de l'esprit en matière de réalités absentes, certitude au-dessus de l'opinion et en-deçà de la science », c'est identique à ce que dit l'Apôtre « argument de ce qui n'est pas apparent ». Lorsque de son côté Denys dit que la foi est « le fondement permanent des croyants, ce qui les met dans la vérité et ce qui met la vérité en eux », c'est la même chose que de dire qu'elle est « la substance des réalités qu'on doit espérer ».
notes explicatives :
[75] Qu. 4, art. I, concl. init. — Remarquez le procédé. Pour définir l'habitude le plus sûr moyen c'est de revenir à l'acte et, par l'acte, à l'objet auquel il est attaché. C'est une invitation à refaire le chemin parcouru, non pas pour répéter ce qui a été dit, mais pour sonder à quel point doit se faire l'adaptation du sujet à l'objet. Toute la pénétrante reprise à laquelle se livre ici l'auteur n'est pas autre chose qu'un ajustement de la foi subjective à la foi objective. Quand est-ce que la foi qui est proposée extérieurement au croyant s'installe intimement en lui? C'est lorsque le divin objet qui nous est offert s'empare assez fortement des puissances de l'âme pour les convaincre entièrement, pour se les attacher radicalement. A ce prix la foi devient ma foi. Or je sais que, pour s'emparer de moi, une foi, quelle qu'elle soit, doit toucher non pas seulement ma faculté de pensée mais aussi ma faculté de vouloir : il faut vouloir croire. Une foi entre donc en moi tout ensemble sous l'aspect d'un objet à penser et sous celui d'une fin à poursuivre : il faut que je m'y adapte comme à une vérité à regarder et comme à un bien à rechercher, et qu'elle-même m'attire à ce double titre. Je sais de plus et je dois me souvenir que, lorsqu'il s'agit d'une foi théologale, tout se resserre singulièrement. Dans une foi humaine, mon esprit pourrait se rendre à une chose et mon cœur être touché d'autre chose. Dans la foi théologale. Dieu est tout : j'ai foi à lui comme j'ai foi en lui.
[76] Qu. 4, art. 1, concl. med. — Cette profonde adaptation de l'homme à Dieu qui doit s'établir dans la foi, l'auteur l'explique comme un ralliement à la Vérité première. On sait ce qu'il faut entendre par cette Vérité. On en fait ici un rappel saisissant. Le croyant est entièrement soumis à elle. Or elle entre chez lui comme un mystère. C'est pourquoi elle ne s'imprime en nos esprits dans son vrai que si elle émeut aussi nos volontés comme un bien. Le mystère de Dieu m'attire, sa vérité me captive. Ce bien sera la fin de tout mon être : toutes mes aspirations s'orientent vers lui, toutes mes actions se règlent sur lui. Mais d'abord il est la fin de mon intelligence et le suprême attrait de ma pensée : c'est en cette qualité qu'il intervient dans ma foi et en constitue le fond (cf. art. 2, sol. 3).
Cependant, le bien parfait et la grande joie de ma pensée c'est de voir : c’est alors seulement que j'ai l'esprit en repos, et que je m'estime heureux et satisfait dans la possession de la vérité, car pour une intelligence posséder c'est voir. Aussi, ce bien qui s'empare de moi dans la foi que j'ai en Dieu, je le tiens, non pas en pleine jouissance puisque pour l'instant c'est le mystère au lieu de la vision, mais sous la forme d'une espérance qui fonde toute ma disposition à croire sur un appétit et sur une assurance de voir. Voilà par où Dieu me séduit dans la foi.
Assurément, le pur amour de charité n'est pas exclu, il est convié lui aussi (cf. art. 3-4) pour donner plus-de vie à mon espoir et me faire davantage une âme de croyant (cf. art. 4, sol. 4), mais c'est par surcroît et comme en renfort, tandis que le besoin de voir et l'espérance d'entrer dans la Vérité de Dieu s'établissent au cœur même de la foi. Là est la source du sentiment de confiance qui me porte à croire et me fait donner et soumettre mon esprit à Dieu.
Même chez ceux qui n'ont pas la charité, ce fond d'espérance existe et leur permet de garder la foi : il est dans certaines âmes très profond, très tourmentant quelquefois; il se fait sentir, par exemple, comme une soif d'au-delà, comme un désir et une soif de savoir ce qu'il y a dans l'éternité, comme une impatience d'aller voir. Il y a des nuances et des degrés dans ces états d'âme. Mais cet élément d'espérance est toujours reconnaissable à l'intérieur même de ¡'habitude de foi.
— Il faut y ajouter ce trait. De l'espérance qu'il a, le croyant détient une première réalisation. Il se rend compte que sa bonne disposition à croire constitue chez lui une véritable préparation à voir. Dans la foi, on a l'esprit déjà tout rempli de ce qu'on verra. Le croyant, c'est un voyant en herbe; comme on dit d'un petit écolier qu'il est un savant en herbe, s'il confie son esprit à un maître illustre et s'en remet lui-même à ce plus grand esprit. Voilà pourquoi on arrive à conclure, quant à ce côté de la foi, qu'elle dépose dans l'âme du croyant la substance du grand espoir de voir : elle y dessine comme une première ébauche des visions éternelles et comme un aperçu de l'au-delà.
[77] Qu. 4, art. 1 concl. fin. — Cet enracinement dans la puissance du vouloir ne doit pas faire perdre de vue que la foi a cependant son établissement dans la puissance de penser. Elle est proprement un état d'esprit. L'article suivant va y insister. A cet égard la Vérité première s'implante fortement dans l'intelligence du croyant. Elle y détermine une admirable ouverture d'esprit; elle y projette cette spéciale lumière qui demeure dans l'âme et qui éclaire tant de choses, ce lumen fidei que nous avons déjà vu et reverrons encore. Avoir la vraie foi c'est avoir plus d'esprit : il n'y a pas là-dessus l'ombre d'un doute, et j'ose dire que l'expérience le montre clair comme jour. Aussi on a raison de définir la foi, par ce côté-ci, comme une conviction profonde et une puissance d'adhésion, comme un attachement raisonné au vrai et une aptitude à s'en nourrir. Sous cet aspect elle constitue véritablement en nous le sens du mystère, l'adhésion aux réalités éternelles, la certitude de l'au-delà. Le vrai croyant s'ouvre à ce qui ne se voit pas, comme s'il le voyait. Il a le don de s'y fixer fermement et de s'y mouvoir à l'aise. Il s'y trouve en pays connu. Emporté qu'il est dans ce grand pays des vérités divines, la foi lui est «un argument» dans tous les sens du mot. L'argument, dit saint Thomas dans un autre passage, c'est ce qui donne à l'esprit la facilité de discourir des principes aux conclusions; ce sera aussi le moyen terme dans lequel réside toute la force de l'argumentation; mais on appellera encore de ce nom la préface d'un livre, le sommaire où il y a comme une brève anticipation de tout l'ouvrage qui suit; enfin, l'argument d'une chose c'est la lumière qui sert à la manifester.
De ces quatre manières la foi est un argument pour le croyant.
En attachant l'esprit comme elle fait à l'autorité de Dieu, de ce que Dieu a dit une chose elle tire un principe d'où elle conclut la chose.
2° De bien des façons la foi nous est un moyen terme pour toutes sortes d'argumentations : ainsi, la foi des fidèles nous est une preuve de l'existence des réalités invisibles; la foi de nos pères nous est une preuve qui nous induit à croire; la foi à un article sert de moyen terme pour la foi à un autre article, par exemple, la résurrection du Christ nous fait croire à la résurrection générale.
3° La foi est la préface et le sommaire de la connaissance que nous aurons dans la suite, elle nous la fait déguster d'avance, quædam prœlibatio brevis cognitionis quam in futuro habebimus .
4° Elle est enfin cette lumière que nous avons vue plus haut. (De Verit., qu. 14, art. 2, sol. 9.)
— Le fameux texte de l'épître aux Hébreux dit tout cela au fond. Aisément on peut le mettre en forme. Admirez la splendeur de cette définition. Méditez-en le contenu. Mesurez-en toute l'ampleur.
A suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 1. Y a-t-il une bonne définition de la foi en celle donnée par l’Apôtre : « La foi est la substance des réalités qu'on doit espérer, l'argument de ce qui n'est pas évidente ? (suite]
SOLUTIONS : 1. Substance n'est pas pris ici comme le genre par excellence, celui qui est à part de tous les autres. C'est pris ici dans le sens où on trouve en n'importe quel genre quelque chose qui ressemble à une substance. C'est-à-dire que, ce qu'il y a de premier dans n'importe quel genre, si cela contient en soi d'autres choses en germe, on dit que c'en est la substance.
2. La foi appartient à l'intelligence en tant que celle-ci est sous l'empire de la volonté. Il faut donc que la foi soit ordonnée comme à une fin à ce qui fait l'objet des vertus dans lesquelles la volonté trouve sa perfection. Parmi ces vertus, comme nous le verrons plus loin, il y a l'espérance. Et c’est pourquoi on fait entrer l'objet de l'espérance dans la définition de la foi.
3. La dilection peut avoir pour objet et ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, et ce qui est présent et ce qui est absent. Et c'est pourquoi une réalité à aimer n'est pas aussi proprement adaptée à la foi qu'une réalité à espérer, étant donné que l'espérance a toujours pour objet des choses qui sont absentes et qu'on ne voit pas.
4. Substance et argument, tels qu'ils sont placés dans la définition de la foi, n'impliquent pas divers genres de foi ni divers actes de la foi, mais, comme nous l'avons précisé, diverses adaptations d'un unique acte à divers objets.
5. Ii est vrai qu'un argument, lorsqu'il est tiré des principes propres d'une chose, fait que cette chose est évidente. Mais l'argument qui est tiré de l'autorité divine ne fait pas qu'une chose devienne en soi évidente. Et tel est l'argument dont il s'agit dans la définition de la foi.
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À suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 2. La foi a-t-elle son siège dans l'intelligence ?
DIFFICULTES : 1. Saint Augustin affirme qu'elle « réside dans la volonté des croyants ». Or la volonté est une autre puissance que l'intelligence.
2. L'assentiment de foi à quelque chose qu'on doit croire provient de la volonté d'obéir à Dieu. C'est dire que toute la louange de la foi paraît venir de l'obéissance. Mais celle-ci est dans la volonté. Donc aussi la foi : elle n'est donc pas dans l'intelligence.
3. L'intelligence, ou elle est spéculative, ou elle est pratique. Mais la foi n'est pas dans l'intellect spéculatif : selon la remarque du Philosophe, cet intellect « ne dit rien de ce qu'il faut faire ou ne pas faire », il n'est donc pas principe d'opération, tandis que la foi est ce principe qui, selon la parole de l'Apôtre, « opère par la chanté ». La foi n'est pas davantage dans l'intellect pratique : il a pour objet, lui, le vrai en matière contingente de fabrication ou d'action, alors que l'objet de la foi est le vrai en matière d'éternité. La foi n'a donc pas son siège dans l'intelligence.
CEPENDANT, a la foi succède la vision dans la patrie, selon la parole de l'Apôtre : « Nous voyons maintenant par miroir en énigme, mais alors ce sera face à face ». Mais la vision est dans l'intelligence. Donc aussi la foi.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 2. La foi a-t-elle son siège dans l'intelligence ? (suite)
CONCLUSION : Comme la foi est une vertu, il faut que l'acte en soit parfait.
Or, pour la perfection d'un acte, lorsqu'il découle de deux principes actifs, il est requis que chacun de ces deux principes actifs soit parfait : vous ne pouvez pas avoir quelque chose de bien scié si le scieur ne possède pas son métier et si la scie n'est pas bien aiguisée pour scier. Précisément, dans ces puissances de l'âme qui se portent à des choses opposées, la disposition à bien agir c'est l'habitude.
C'est pourquoi il faut que l'acte qui découle de deux puissances de cette sorte reçoive sa perfection d'une habitude qui préexiste en chacune de ces deux puissances.
Or, nous l'avons dit plus haut, croire est un acte de l'intelligence que la volonté pousse à donner son assentiment : c'est un acte qui découle et de la volonté et de l'intelligence, deux facultés faites l'une et l'autre, nous l'avons vu, pour être perfectionnées par l'habitude.
Voilà pourquoi il faut qu'il y ait une "habitude aussi bien dans la volonté que dans l'intelligence, si l'on veut que l'acte de foi soit parfait : de même que pour avoir un acte du concupiscible qui soit parfait, il faut qu'il y ait l'habitude de prudence dans la raison et l'habitude de tempérance dans le concupiscible.
Néanmoins, croire est immédiatement un acte de l'intelligence, parce que l'objet de cet acte c'est le vrai, lequel appartient en propre a l'intelligence. C'est pourquoi il est nécessaire que la foi, puisqu'elle est le principe propre d'un tel acte, réside dans l'intelligence comme dans son siège. [78]
note explicative:
[78] Qu. 4, art. 2, concl. — Si importante que soit la participation de la volonté à la foi, celle-ci demeure une habitude d'esprit. Elle a son siège dans l'intelligence, et même au plus profond de notre faculté de penser. Comme on dit ici, elle est immédiatement fonction de l'intelligence. Comme on va le dire un peu plus loin (art. 4 concl.) elle est essentiellement perfection de l'intelligence. Elle réside dans notre mens. En quelque sorte elle crée à l'intime de notre intellect ce qu'on peut appeler une mentalité. Néanmoins, comme l'apport de volonté est inhérent à l'habitude de foi, il faut que les deux puissances, qui sont nos deux vraies facultés spirituelles, aient chacune sa facilité à croire. Il faut qu'elles soient, l'une et l'autre, habilitées à se soumettre à la Vérité de Dieu. C'est pourquoi l'habitude de foi se présente tout ensemble comme une docilité, c'est-à-dire une soumission, une obéissance, obsequium fidei, et comme une lucidité, c'est-à-dire un surcroît d'intelligence et de lumière, illuminatio mentis ad primam veritatem (De Verit., qu. 14, art. 4).
Ces deux aspects sont parfaitement aperçus par toute la Tradition catholique qui ne veut jamais voir l'un sans l'autre. Le présent article est ainsi le corollaire et le complément du précédent : il achève de peindre l'état d'âme du croyant.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 2. La foi a-t-elle son siège dans l'intelligence ? (suite)
SOLUTIONS : 1. Saint Augustin prend ici la foi pour l'acte de foi. Il est vrai de dire qu'il consiste dans la volonté des croyants en tant que c'est sous l'empire de la volonté que l'intelligence adhère aux choses à croire.
2. Non seulement il faut que la volonté soit prompte à obéir, mais il faut aussi que l'intelligence soit bien disposée à suivre le commandement de la volonté, tout comme il faut que l'appétit concupiscible, dans l'exemple donné, soit bien disposé à suivre le commandement de la raison. Voilà pourquoi il faut qu'il y ait une habitude de la vertu non pas seulement dans la volonté qui commande, mais aussi dans l'intelligence qui adhère.
3. Le siège de la foi c'est l'intellect spéculatif, comme il résulte d'une façon évidente de l'objet même de la foi. Mais, parce que la vérité première, qui est l'objet de la foi, est aussi la fin de tous nos désirs et de toutes nos actions, comme le montre saint Augustin, de là vient que la foi est opérante en la charité, tout comme l'intellect spéculatif, au dire du Philosophe, devient pratique par extension. [79]
Note explicative :
[79] Qu. 4, art. 2, sol. 3. — L'auteur avance par petits coups dans sa peinture. Il commence, par cette réflexion, à décrire de quelle manière l'habitude de foi va pouvoir prendre de l'extension dans l'âme et dans la vie du croyant, surtout si elle s'allie à l'habitude de charité et se laisse pénétrer par celle-ci. Il appartient à l'une de conformer tout notre être et tout notre agir à l'Amitié et à la Volonté de Dieu, comme à l'autre de conformer tout à la Vérité de Dieu. On devine par là que, si la foi est toute vivifiée par la charité, la charité est tout éclairée par la foi. C'est à la lumière de la foi que se révèlent les amabilités de Dieu et son amour pour nous. Mais en revanche c'est dans la douce chaleur de l'amitié divine que la révélation prend tout son sens et que la foi revêt tout son éclat.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE, 3. La charité est-elle forme de la foi?
DIFFICULTES : 1. Il ne semble pas que ce soit possible. C'est par sa forme que chaque être est mis dans une espèce. Quand vous avez donc des choses qui se divisent de façon bien tranchée comme les diverses espèces d'un genre, l'une ne peut pas être la forme de l'autre. La foi et la charité sont dans ce cas là : elles sont des espèces diverses dans la vertu.
2. D'ailleurs, la forme et ce qu'elle informe sont dans le même sujet, puisque des deux résulte absolument un seul être. Mais la foi est dans l'intelligence, la charité dans la volonté. La chanté n'est donc pas la forme de la foi.
3. De plus, la forme est le principe de la réalité. Mais le principe de la croyance, du côté de la volonté, paraît être plutôt l'obéissance que la charité, selon la parole de l'Apôtre « pour la soumission à la foi en toutes nations ». L'obéissance est donc plus forme de la foi que ne l'est la chanté.
CEPENDANT c'est par sa forme que chaque être est opérant. Or la foi est «opérante par la charité ». La dilection de charité est donc forme de la foi.
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A suivre…
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Re: LA VERTU DE FOI.
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à suivre...
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 3. La charité est-elle forme de la foi? (suite)
CONCLUSION : Dès le début nous l'avons montré, les actes de volonté reçoivent de la fin leur espèce : c'est la fin qui est l'objet de la volonté. Or ce qui confère à quelque chose son espèce se comporte comme fait une forme dans les réalités de la nature. Voilà pourquoi dans tout acte de volonté la forme c'est en quelque sorte cette fin à laquelle est ordonné l'acte : pour cette raison que c'est de la fin elle-même que l'acte reçoit son espèce; pour cette raison aussi que la mesure de l'action doit répondre à la fin qu'on se propose et être en proportion de cette fin.
Par ailleurs, d'après ce que nous avons dit précédemment, il est clair que l'acte de la foi est ordonné à un objet de volonté, à un bien, et que c'est là pour cet acte comme une fin. Or, ce bien qui est le but de la foi, c'est un bien divin : à ce titre il est l'objet propre de la charité. Et voilà comment la charité est appelée la forme de la foi, en tant que par la charité l'acte de la foi est vraiment parfait et formé. [80]
note explicative:
[80] Qu. 4, art. 3, concl. — Dans cette conclusion et dans celle de l'article suivant est étudiée avec précision la rencontre de la foi avec la charité. L'expérience apprend qu'il est plus malaisé de perdre là foi que de perdre la charité. On peut garder une vraie habitude de foi sans demeurer dans l'amitié de Dieu. Il arrive même que cette foi soit fortement enracinée dans certaines âmes, qu'elle y répande une vive lumière et qu'elle émette une activité assez intense. Il y a des âmes qui ne peuvent pas dire qu'elles aiment Dieu et qui sont cependant très sûres de sa Vérité, très occupées de son mystère : elles n'ont pas le cœur de l'aimer par-dessus tout, mais elles sentent très bien qu'on doit le croire et qu'il ne fait pas bon s'éloigner de ce qu'il a révélé. Un tel état d'âme est évidemment une anomalie quant à l'état de grâce. Mais cette anomalie existe. Il faut même croire qu'elle fait partie d'un plan divin et qu'elle est une preuve de la miséricorde du Bon Dieu : jusque chez ceux qui ne veulent plus de son amitié, il garde des attaches, il se réserve des intelligences dans la place, il se ménage une rentrée.
— Mais cela pose un problème. Si la foi peut exister tantôt avec la charité et tantôt sans la charité, en différentes âmes mais aussi dans la même âme, comment concevoir cette union et cette séparation des deux habitudes? C'est ce qui est ici analysé avec beaucoup de raffinement.
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à suivre...
Dernière édition par ROBERT. le Mer 07 Juil 2010, 4:45 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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à suivre...
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE, 3. La charité est-elle forme de la foi? (suite)
SOLUTIONS : 1. On dit que la charité est la forme de la foi en tant qu'elle donne forme à l'acte de la vertu même de foi. Rien n'empêche qu'un acte unique ne soit formé par des habitudes différentes, et ne se ramène d'après cela à des espèces différentes mais dans un certain ordre, comme nous l'avons dit lorsqu'il s'est agi des actes humains en général.
2. L'objection est valable s'il s'agit de la forme intrinsèque. Or ce n'est pas ainsi que la charité est la forme de la foi, c'est en tant qu'elle forme l'acte de la foi dans le sens que nous avons dit. [81]
3. La charité, comme nous le verrons plus bas, imprime sa forme jusqu'à l'obéissance elle-même, et pareillement à l'espérance, comme aussi à toute autre vertu qui pourrait influencer l'acte de la foi. C'est à ce titre que la charité est elle-même tenue pour la forme de la foi. [82]
notes explicatives:
[81] QU. 4., art. 3, sol. 2. — Il résulte de la conclusion et des deux premières solutions de cet article que, si la charité s'empare de la foi, c'est au moment eu celle-ci produit ses actes. L'amour de Dieu n'a donc pas pour effet de constituer la foi dans son essence et dans son fond, mais il a simplement pour effet de la perfectionner dans son activité. Il est évident que le désir de connaître Dieu dans l'espérance même de le voir, et que la conviction de son invisible présence produisent de tout autres actes lorsqu'ils sont orientés et tendus vers un être aimé. La part du sentiment et de la volonté dans la foi est transformée par l'amour. Lorsqu'une âme a vraiment le goût de Dieu, tous les actes de foi prennent forcément une autre allure et ont une autre animation.
[82] Qu. 4, art, 3, sol. 3. — De ce qui précède il ne faut cependant pas conclure que la charité imprime sa forme et donne une inspiration aux actes de la foi sans rien laisser à l'habitude elle-même. Sans doute celle-ci est essentiellement ce qu'elle est, et elle demeure entièrement constituée, même en dehors de la vertu de charité. Mais, lorsque l'amour de Dieu réside dans une âme, il la remplit toute : il imprime sa forme, dit l'auteur, à cette foi qui lui est toujours présente et dont il a d'ailleurs toujours besoin; de cette pression de l'amour sur la foi il reste nécessairement quelque chose à l'intérieur même de l'habitude de foi; la perfection du cœur a du retentissement sur l'esprit; et ainsi la charité « informe », c'est-à-dire anime et inspire, non pas seulement l'activité de la foi mais aussi la foi elle-même (cf. De Verit., qu. 14, art. 5, sol. 3-5, 7-9). D'ailleurs, toutes les autres dispositions vertueuses qui peuvent venir en aide à la foi sont pareillement, dit le texte d'ici, transformées par la charité.
— Un mot de ces dispositions. Je dois avoir dans ma foi un sentiment d'obéissance pour obtenir toute facilité de discipliner mon esprit et de le soumettre à Dieu. Il sera bon que j'aie aussi une vertu d'humilité pour sentir que j'ai tout sujet de me faire simple et enfant devant Dieu parce que mon esprit est bien petit à côté de son grand Esprit et qu'il y a plus de choses dans l'univers de la nature ou de la grâce que n'en peut rêver ma philosophie. Je ferai même bien d'apporter dans ma foi des dispositions de pénitence, car je suis si naturellement porté à m'en faire accroire et à pécher par outrecuidance que je cherche une juste expiation et un remède dans ma vraie croyance.
Enfin je ne reviens pas sur cette part d'espérance qui est, nous l'avons vu, essentielle à la foi. Toutes ces vertus, d'autres encore peut-être, concourent à rendre plus aisée, plus prompte, plus connaturelle, plus facile, l'habitude de croire; elles enrichissent et assouplissent l'âme du croyant (cf. art. 4, sol. 4). Mais la charité les enveloppe toutes et les transforme. Pour avoir une foi parfaite, rien ne vaut ni ne remplace l'amour de Dieu.
à suivre...
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Re: LA VERTU DE FOI.
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à suivre...
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 4.
La foi informe peut-elle devenir une foi formée, et inversement?
DIFFICULTES : 1. Ni l'une ni l'autre ne se fait, semble-t-il. Comme le dit l'Apôtre, « lorsque sera venu ce qui est parfait, sera annulé ce qui est partiel ». Mais une foi informe est imparfaite en face d'une foi formée. Lors donc qu'advient celle-ci, celle-là est éliminée : il n'est pas possible qu'elles soient à elles deux une habitude numériquement une.
2. Du reste, ce qui est mort ne devient pas vivant. Mais la foi informe est une foi morte. Saint Jacques le dit : « La foi sans les œuvres est une foi morte. » Cette foi informe ne peut donc se changer en foi formée.
3. Au surplus, quand survient la grâce de Dieu, elle n'a pas moins d'effet dans un fidèle que dans un infidèle. Or, en venant dans un infidèle, elle cause chez lui une habitude de la foi. Donc, lorsqu'elle vient aussi chez un fidèle qui avait jusque là une habitude de foi informe, elle cause en lui une autre habitude de foi.
4. D'ailleurs comme le dit Boèce, les accidents ne peuvent pas subir d'altération. Mais la foi est un accident. Une même foi ne peut donc pas être tantôt formée et tantôt informe.
CEPENDANT, sur le passage cité de saint Jacques : « la foi sans les œuvres est une foi morte », la Glose ajoute : « Par les œuvres elle se remet a vivre ». C'est donc que cette foi qui d'abord était morte et informe devient formée et vivante.
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à suivre...
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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A suivre…
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 4.
La foi informe peut-elle devenir une foi formée, et inversement?
CONCLUSION : Il y a eu à cet égard des opinions diverses. Certains ont dit : autre est l'habitude de la foi formée et autre celle de la foi informe ; à la venue d'une foi formée, la foi informe est enlevée; pareillement, lorsqu'un homme après avoir eu la foi formée tombe en péché mortel, c'est une autre habitude qui succède, infusée par Dieu, de foi informe... Mais cela ne paraît pas admissible, qu'une grâce advienne à l'homme pour exclure un don de Dieu, ni non plus qu'un don de Dieu soit versé à l'homme en raison d'un péché mortel.
Aussi d'autres ont dit : il y a bien des habitudes différentes de foi formée et de foi informe; mais cependant à la venue de la foi formée l'habitude de foi informe n'est pas enlevée, elle demeure dans le même individu avec l'habitude de foi formée... Mais ceci également paraît inadmissible, qu'une habitude de foi informe demeure sans rien faire chez celui qui possède une habitude de foi formée.
C'est pourquoi il faut conclure autrement. Il faut dire que l'habitude est la même pour la foi formée que pour la foi informe. La raison en est qu'une habitude se diversifie d'après ce qui par soi lui appartient. Comme la foi est une perfection de l'intelligence, ceci lui appartient par soi qui est pour l'intelligence, tandis que ce qui est pour la volonté n'appartient pas par soi à la foi au point que cela puisse diversifier l'habitude de la foi.
Or la distinction entre foi formée et foi informe dépend de ce qui est pour la volonté, c'est-à-dire qu'elle dépend de la charité; mais elle ne dépend pas de ce qui est pour l'intelligence. De là vient que foi formée et foi informe ne sont pas des habitudes différentes. [83]
note explicative :
[83] Qu. 4, art. 4, concl. — La foi, sans la charité, est donc une foi très imparfaite; une foi informe, c'est-à-dire sans sa vive animation, une foi morte, comme dit le langage chrétien. Malgré tout, l'auteur maintient avec force que c'est une vraie foi, une vraie habitude de foi, qui possède tous ses éléments constitutifs essentiels et qui n'est pas d'une autre espèce que la foi vive. On rappelle que la foi est essentiellement un état d'esprit : dès lors qu'il est fermement constitué, il n'est pas subordonné aux fluctuations des états d'âme. On explique comment il est possible de passer de la foi morte à la foi vive (sol. 1-2) et malheureusement aussi de la foi vive à la foi morte (sol. 3).
A suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 4.
La foi informe peut-elle devenir une foi formée, et inversement?
SOLUTIONS : 1. La parole de l'Apôtre doit s'entendre d'une imperfection qui tient à l'essence même de l'être imparfait. Alors effectivement il faut qu’à la venue du parfait l'imparfait soit exclu : c'est ainsi que, lorsqu'advient la vision à découvert, la foi est exclue puisqu'il lui est essentiel d'avoir pour objet ce qui ne se voit pas. Mais si l'imperfection ne tient pas à l'essence même de la réalité imparfaite, alors le même être numériquement qui était imparfait devient parfait : ainsi, comme l'enfance ne tient pas à notre essence même, le même numériquement qui était un enfant devient un homme. Pour ce qui est de la foi, le manque de forme ne tient pas à l'essence de la foi, mais cela lui arrive, comme nous venons de le préciser, par son côté accidentel : dès lors, c'est bien la foi informe qui est elle-même changée en foi formée.
2. Ce qui fait la vie de l'animal est de l'essence même de l'animal : c'est en réalité sa forme, sa forme essentielle, en un mot son âme; voilà pourquoi un mort ne peut devenir un vivant, mais ce qui est mort est d'une autre espèce que ce qui est vivant. Au contraire, ce qui fait que la foi est une foi vive ou formée n'est pas de l'essence même de la foi : ce n'est donc pas pareil.
3. La grâce produit la foi chez quelqu'un, non seulement quand celle-ci commence d'exister à nouveau, mais encore tout le temps qu'elle dure. Nous l'avons dit en effet : Dieu à tout moment opère la justification de l’homme comme le soleil à tout moment opère la lumière dans l'air. Par conséquent, la grâce ne fait pas moins lorsqu'elle se présente au fidèle que lorsqu'elle se présente à l'infidèle : chez l'un comme chez l'autre elle opère la foi chez l'un en l'affermissant et en la perfectionnant, chez l'autre en la créant à neuf.
— On peut aussi dire que, si la grâce ne cause pas la foi dans celui qui l'a, c'est accidentellement, c'est-à-dire en raison de la disposition du sujet, tout comme, en sens contraire, un second péché mortel n'ôte plus la grâce à celui qui l'a perdue par un précédent péché mortel. [84]
4. Par le fait que la foi formée devient informe, ce qui est changé ce n'est pas la foi elle-même, c'est lame sujet de la foi, sujet qui est en possession de la foi mais tantôt sans la charité et tantôt avec la charité.
note explicative:
[84] Qu. 4, art. 4, sol. 3. — A propos de l'habitude comme il a fait à propos des actes, saint Thomas ne manque pas de noter que toute notre foi est une grâce, c'est-à-dire un don surnaturel et, qui plus est, une sorte de création perpétuelle de Dieu en nous. Si le soleil se retire, il n'y a plus de lumière dans l'air. Il n'y a plus de foi dans une âme si Dieu ne continue pas d'en faire la grâce. La naissance de la foi, comme sa croissance, est une grâce de Dieu. Même cette sorte de survivance de la foi qu'est la foi informe est aussi une grâce, car c'est encore une foi surnaturelle et non point, comme chez les démons, une foi qui serait purement naturelle. Comme va le dire l'auteur à l'article suivant (art. 5, sol. 4), le manque de forme ne touche pas à la substance de la foi, il n'empêche pas que la foi informe se rattache à l'ordre même de la grâce sanctifiante et soit comme une amorce d'un état de grâce.
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A suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 5. La foi est-elle une vertu?
DIFFICULTES : 1. Il semble que non. Car la vertu est tournée vers le bien : « Elle est, dit le Philosophe, ce qui met dans le bien celui qui la possède ». Mais la foi est tournée vers le vrai. Elle n'est donc pas une vertu.
2. Il y a plus de perfection dans la vertu infuse que dans la vertu acquise. Or la foi, en raison de l'imperfection qui est en elle, n'est même pas au rang des vertus intellectuelles acquises, comme le montre le Philosophe. On peut donc encore beaucoup moins la compter comme vertu infuse.
3. La foi formée et la foi informe, nous l'avons vu, sont de la même espèce. Mais la foi informe n'est pas une vertu, puisqu'elle est sans lien avec les autres vertus. La foi formée n'est donc pas non plus une vertu.
4. Les grâces dont on est gratifié sont distinctes des vertus; les fruits aussi. Mais la foi est comptée parmi les grâces dont on est gratifié; elle est comptée également parmi les fruits. Elle n'est donc pas une vertu.
CEPENDANT par les vertus l'on est justifié : il est dit dans les Ethiques que « la justice est toute la vertu ». Mais par la foi aussi l'on est justifié : il est écrit aux Romains qu'« étant justifiés par la foi nous avons la paix ». La foi est donc bien une vertu.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 5. La foi est-elle une vertu? (suite)
CONCLUSION : De ce que nous avons dit plus haut il résulte que la vertu humaine est celle par laquelle l'acte humain est rendu bon. Dès lors on peut appeler vertu humaine toute habitude qui est toujours le principe d'un acte bon.
— La foi formée est une habitude de cette sorte. Croire étant en effet un acte de l'intelligence qui adhère au vrai sous l'empire de la volonté, pour qu'un tel acte soit parfait deux conditions sont requises : l'une des deux est que l'intelligence tende infailliblement à son bien, qui est le vrai ; mais l'autre est qu'elle soit infailliblement ordonnée en plus à la fin ultime en raison de quoi la volonté, elle aussi, est attachée au vrai. Eh bien ces deux conditions se rencontrent dans l'acte de la foi formée : car il est essentiel à la foi elle-même de toujours porter l'intelligence au vrai puisque, comme nous l'avons dit, sous cette foi il ne peut y avoir place pour le faux ; en outre, par la charité, qui forme la foi, l'âme a de quoi tourner infailliblement sa volonté vers la bonne fin. C'est pourquoi la foi formée est une vertu.
— Mais la foi informe n'en est pas une. La raison est celle-ci : bien que l'acte de foi informe ait du côté de l'intelligence la perfection qui est due, il ne l'a cependant pas du côté de la volonté. De même que, s'il y avait de la tempérance dans l'appétit concupiscible, et qu'il n'y eût pas de prudence dans la raison, ce ne serait pas, avons-nous dit plus haut, la vertu de tempérance. Car, pour l'acte de la tempérance il faut et l'acte de la raison et celui du concupiscible, comme pour l'acte de la foi il faut l'acte de la volonté et celui de l'intelligence. [85]
note explicative :
[85] Qu. 4, art. 5, concl. — Que le terme de vertu humaine employé au début de cette argumentation ne donne pas le change. Il s'agit en réalité d'une vertu proprement surhumaine puisqu'elle est théologale. Mais l'auteur veut dire que de telles vertus, toutes surnaturelles qu'elles sont, s'installent en nous comme feraient les vertus les plus humaines qui seraient le plus conformes à notre nature. Nous avançons vraiment pas à pas à la recherche de la foi dans l'âme. Nous voyons maintenant pourquoi dès le commencement il n'a pas été question de la vertu de foi, mais seulement de l'habitude de foi : c'est qu'il y a une vraie habitude de foi, justement cette foi sans charité, qui ne peut s'appeler la vertu de foi. Ce manque de charité l'empêche de se tourner vers Dieu aussi parfaitement qu'il se peut et qu'il se doit : si l'esprit y est, le cœur n'y est pas.
— Remarquez dans le corps de la conclusion et à la première solution, ces deux belles pensées qui se répondent : l'intelligence en adhérant au vrai se met dans son bien et dans sa perfection; la volonté, faculté d'aimer, en s'attachant à Dieu comme au bien parfait, se met dans son vrai.
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A suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 5. La foi est-elle une vertu? (suite)
SOLUTIONS : 1. Le vrai est déjà lui-même le bien de l'intelligence puisque l'intelligence y trouve sa perfection ; et c'est pourquoi, en tant que l'intelligence est déterminée au vrai par la foi, celle-ci est tournée vers un bien. Mais en outre, en tant qu'elle est formée par la charité, elle est tournée aussi vers le bien selon qu'il est objet de volonté.
2. La foi dont parle le Philosophe s'appuie sur une raison humaine, qui n'est pas rigoureusement concluante, sous laquelle il peut y avoir le faux : aussi une telle foi n'est pas une vertu. Mais la foi dont nous parlons s'appuie sur la vérité divine laquelle est infaillible et ainsi ne peut laisser place pour le faux : c'est pour cela qu'une telle foi peut être une vertu. [86]
3. La foi formée et la foi informe ne diffèrent pas d'espèce comme si elles existaient dans des espèces différentes; mais comme du parfait et de l'imparfait dans une même espèce. De là vient que la foi informe n'arrive pas à réaliser la parfaite notion de la vertu, par cela même qu'elle est imparfaite, alors que « la vertu est une perfection », dit le Philosophe.
4. Certains pensent que cette foi qui est comptée parmi les grâces dont on est simplement gratifié, c'est la foi informe. Mais il ne convient pas de dire cela. Car les grâces données gratis qui sont ici énumérées ne sont pas des grâces communes à tous les membres de l'Eglise ; d'où le mot de l'Apôtre à cet endroit : "C'est la division des grâces", et après : "A l'un est donné ceci, à l'autre est donné cela". La foi informe, au contraire, est commune à tous les membres de l'Eglise, car ce manque de forme n'appartient pas à la substance de la foi en tant que la foi est un don de la grâce. Il faut dire par conséquent que la foi, dans le passage en question, est prise pour quelque excellence de la foi : par exemple, pour « la constance dans la foi », comme dit la Glose, ou bien pour la parole de foi ».
— Mais, si la foi est comptée comme un fruit, c'est parce qu'il y a de la délectation dans son acte, en raison de la certitude qu'on y goûte. Aussi, à ce passage où sont énumérés les fruits, on explique que la foi est «la certitude des réalités invisibles. [87]
note explicative :
[86] Qu. 4, art. 5, sol. 2. — Une foi qui ne serait qu'humaine ne pourrait pas donner lieu à une vertu. Même si elle était parfaite du côté de la volonté et que le sujet fût de cœur tout prêt à se soumettre, et à croire en son homme, elle ne saurait jamais arriver à la perfection du côté de l'intelligence car le témoignage d'un homme n'a pas en soi une valeur sur laquelle on puisse fonder une véritable infaillibilité. Toute question de véracité mise à part, ni l'autorité de la parole humaine ni celle de la pensée humaine ne sont telles qu'il puisse y avoir une vraie vertu à y croire. Nous avons assez dit que par rapport à Dieu c'est tout autre chose.
Quant à savoir comment et jusqu'à quel point l'infaillibilité de la foi en soi peut devenir l'infaillibilité de la foi en nous, nous l'avons dit aussi. ( Ici et ici )
[87] Qu. 4, art. 5, sol. 4 — Allusion à la distinction bien connue entre les grâces dont on est gratifié et celles dont on est sanctifié. Ces dernières seules font, à proprement parler, partie des grâces qui sont, comme dit le texte, communes à tous les membres de l’Église : elles sont pour la sanctification des âmes. Les autres sont pour l’édification de l’Église, et elles sont données en partage à quelques-uns seulement pour le profit de tous : tel est par exemple le don des miracles, celui de prophétie, celui de la parole.
Or la vertu de foi appartient non à cette seconde catégorie mais à la première : elle fait partie de l'état de grâce. Même la simple habitude de foi informe se rattache à l'ordre des grâces sanctifiantes. Lorsque saint Thomas écrit, mot à mot, qu'elle est commune à tous les membres de l'Eglise, il ne veut pas dire qu'elle soit effectivement le partage de tous : certains ont plus que cette foi informe, ce sont tous ceux qui ont la foi vive, avec la charité; d'autres n'ont même plus cette foi informe, ce sont ceux qui ont perdu toute foi. Il veut dire que cette foi est de l'ordre des grâces qui ne sont pas réservées à quelques-uns mais qui sont offertes et laissées à tous. Quand on nomme la foi parmi les grâces d'édification, il faut penser alors à quelque don exceptionnel, par exemple, pour prêcher la foi ou pour être un type représentatif de la foi aux yeux du public : l'histoire de l'Eglise a bien des cas de ce genre.
— Enfin, quand on nomme la foi parmi les fruits du Saint-Esprit, c'est encore autre chose : i] faut penser dans ce cas à une sorte de perfection dans les actes de la vertu de foi, et cette perfection provient des inspirations qui sont ajoutées à l'exercice de la foi vive; nous rencontrerons en son lieu cette haute foi tout inspirée (cf. qu. 8, art. 8).
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 6. La foi est-elle une seule vertu ?
DIFFICULTES : 1. On ne le dirait pas. L'Apôtre affirme qu'elle "est un don de Dieu". Mais au même titre, comme on le voit dans Isaïe, la sagesse et la science sont comptées, elles aussi, parmi les dons de Dieu; or elles diffèrent en ce que la sagesse a pour objet les réalités éternelles, et la science, au contraire, les réalités temporelles, comme le montre saint Augustin. Comme il en est de même de la foi et qu'elle a pour objet et les réalités éternelles et certaines réalités temporelles, il semble qu'elle doive se partager en plusieurs parties.
2. La confession de la foi, avons-nous dit, est l'acte de la foi. Mais il n'y en a pas qu'une et elle n'est pas la même pour tous. Ce que nous confessons comme étant arrivé, les anciens Pères le confessaient comme devant arriver, témoin Isaïe disant : "Et voici qu'une Vierge concevra". Il n'y a donc pas qu'une foi.
3. D'autre part, la foi est commune à tous les fidèles du Christ. Mais un unique accident ne peut pas exister dans des sujets différents. Il ne peut donc pas y avoir une unique foi chez tous.
CEPENDANT l'Apôtre déclare : "Un unique Seigneur, une unique foi".
à suivre...
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 6. La foi est-elle une seule vertu ? (suite)
CONCLUSION : La foi, si on la prend pour l'habitude de croire, peut être considérée de deux façons. Du côté de l'objet, et par là elle est une, car son objet formel est la Vérité première et c'est en adhérant à cette vérité-là que nous croyons tout ce qui peut se trouver contenu dans la foi. Du côté du sujet, et par là elle se diversifie autant qu'elle est chez des sujets différents. Par ailleurs, il est évident que la foi, comme n'importe quelle autre habitude, est spécifiée par la raison formelle de son objet, mais individuée par le sujet chez qui elle est. Voilà pourquoi, si on prend la foi pour l'habitude que nous avons de croire, alors elle est unifiée dans son espèce, et différenciée en nombre dans les divers sujets où elle se trouve.
— Mais, si on prend la foi pour ce qui est cru, alors aussi elle est bien une, car c'est la même chose qui est crue par tous ; et s'il y a une grande diversité dans les choses à croire, même dans celles que tous croient universellement, toutes cependant se ramènent à une seule. [88]
note explicative:
[88] Qu. 4, art. 6, concl. — Ici se présente la question de l'unité de la foi. C'est une très grave question. L'unité de la foi fut une pensée chère à Notre Seigneur. Son Eglise est demeurée fidèle à cette pensée, et l'unité de la foi est un des traits auxquels on reconnaît le visage de la vraie Eglise de Jésus-Christ. Elle considère comme un mal profond ce qui déchire cette unité. On sait du reste que la foi de la sainte Eglise est une foi formée et animée par la charité, et c'est pourquoi l'unité catholique est consommée dans la charité, mais d'abord elle est commencée et cimentée dans la foi (cf. supra qu. 1, art. 9, sol. 3; infra qu. 4, art. 7,. sol. 4). On peut lire sur ce chapitre le lumineux exposé de Léon XIII dans son Encyclique Satis cognitum du 29 juin 1896.
— D'après saint Thomas, il y a en effet dans la foi un principe, une force, un véritable foyer d'unité. Il distingue ici encore la foi en soi et la foi en nous. A la fin de sa conclusion il rappelle, ce qui ressort de toute la première question, qu'en soi il y a une grande unité, entre tous les objets de foi qui sont proposés, et à travers toute l'entreprise de vérité par laquelle ils sont proposés (n.d.l.r: à ce sujet voir la la première question.) : tout y est ramené à Dieu et ramassé sous la lumière de son regard et de sa révélation, tout y est pris et resserré dans l'étreinte du plan divin, tout y est concentré et unifié dans le Christ qui remplit tout; la succession des temps, remarque l'auteur, n'enlève rien à cette unité et ne fait que l'accentuer.
Dès lors, on comprend qu'une foi si une, lorsqu'elle passe en nous et s'y installe, soit, capable de rassembler toute la multitude des croyants dans la splendide unité d'une seule et même croyance : si différenciés qu'ils soient comme sujets, ils sont merveilleusement unifiés par l'objet, auquel ils sont attachés d'un commun accord et d'une commune pensée.
En toute vérité il n'y a qu'une foi dans toute l'Eglise : sur les mystères essentiels tout ce peuple immense de croyants dit et croit la même chose et pour le même motif. Les anciens et les modernes se retrouvent et se rejoignent; les simples et les savants, les vieillards et les enfants, s'entendent et se comprennent; de toute tribu, de toute langue, de toute nation et même de toute civilisation, les esprits les plus divers affluent et ils forment un seul et unique corps de membres croyants, unis dans la même croyance.
à suivre...
Dernière édition par ROBERT. le Mer 07 Juil 2010, 5:49 pm, édité 1 fois (Raison : mise en forme)
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 6. La foi est-elle une seule vertu ? (suite)
SOLUTIONS : 1. Le temporel qui nous est proposé dans la foi n'appartient à l'objet de foi que par rapport à quelque chose d'éternel, qui est, avons-nous dit, la vérité première; et c'est pourquoi la foi est une pour le temporel et pour l'éternel. Mais il en va autrement pour la sagesse et pour la science : elles considèrent les choses du temps et celles de l'éternité sous les aspects qui sont propres au temps d'une part et à l'éternité de l'autre.
2. Cette différence du passé et du futur ne vient pas d'une diversité dans la réalité que l'on croit, mais d'une diversité dans l'adaptation des croyants à l'unique réalité qu'ils croient : c'est là un point que nous avons établi précédemment.
3. La raison est concluante pour ce qui est de la diversité de la foi dans le nombre des sujets chez qui elle est.
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A suivre…
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 7. La foi est-elle la première des vertus? [89]
DIFFICULTÉS : 1. Il ne semble pas qu'elle ait ce premier rang dans les vertus. Sur ce passage de saint Luc : "Je vous dis à vous mes amis", on lit dans la Glose que "la force est le fondement de la foi". Mais le fondement a priorité sur ce qu'il fonde. La foi n'est donc pas la première vertu.
2. Sur le psaume Noli œmulari, une certaine glose dit que "l'espérance est une introduction à la foi". Mais l'espérance, nous le dirons, est une vertu. La foi n'est donc pas la première.
3. Nous avons dit que l'intelligence du croyant est inclinée à donner son assentiment à ce qui est de foi, par obéissance à Dieu. Mais l'obéissance aussi est une vertu. Donc la foi n'est pas la première vertu.
4. D'ailleurs, comme il est dit dans la Glose, la foi informe ne fonde rien, c'est la foi formée. Or nous savons que c'est par charité qu'est formée la foi. C'est donc de la charité que la foi tient de pouvoir être un fondement. La charité est plus un fondement que ne l'est la foi, car le fondement est la base première de l'édifice. Ainsi il semble qu'elle ait priorité sur la foi.
5. Enfin, l'ordre des habitudes se comprend d'après celui des actes. Mais, dans l'acte de foi, l'activité du vouloir, parfaite par la charité, précède l'activité de l'esprit, parfaite par la foi, comme une cause précède son effet. C'est donc que la charité précède aussi la foi, et que celle-ci n'est pas la première des vertus.
CEPENDANT, l'Apôtre dit que "la foi est la substance des réalités qu'on doit espérer". Mais ¡a substance est essentiellement ce qui est premier.
note explicative :
[89] Qu. 4, art. 7, titre. — Il s'agit de déterminer maintenant quelle est la place de la foi parmi les vertus, quel est son rang, quel est son rôle, d'abord entre toutes les vertus, principalement les théologales et les morales (art. 7), puis plus spécialement entre les autres vertus qui sont, comme la foi, des vertus de l'intelligence (art. 8).
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A suivre…
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
gras ajouté
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 7. La foi est-elle la première des vertus? (suite)
CONCLUSION : Quelque chose peut avoir priorité sur une autre chose de deux manières : par soi, ou encore par accident.
— Par soi, il est certain qu'entre toutes les vertus la première est la foi. Etant donné qu'en matière d'action la fin est le principe, nécessairement les vertus théologales, parce qu'elles ont pour objet la fin ultime, possèdent la priorité sur toutes les autres vertus.
Mais, cette fin ultime elle-même, il faut qu'elle soit dans l'intelligence avant d'être dans la volonté : celle-ci ne se porte à quelque objet qu'autant qu'il est saisi dans l'esprit.
Dès lors, comme la fin ultime est dans la volonté par l'espérance et la charité, dans l'intelligence par la foi, nécessairement la foi est la première entre toutes les vertus : le fait est que la connaissance naturelle ne peut s'élever jusqu'à Dieu sous l'aspect où il est objet de béatitude, selon que tendent à lui l'espérance et la charité.
— Mais, par accident, une vertu peut avoir priorité sur la foi. Une cause accidentelle a une priorité accidentelle.
Or, écarter un obstacle relève de la cause accidentelle, comme le montre bien le Philosophe. D'après cela on peut dire que des vertus ont sur la foi une priorité accidentelle, en tant qu'elles écartent ce qui empêche de croire : ainsi, la force écarte cette crainte désordonnée qui paralyse la foi, l'humilité cet orgueil qui fait que l'intelligence refuse de se soumettre à la vérité de la foi, et on peut dire la même chose de quelques autres vertus. Encore qu'elles ne soient de vraies vertus que si la foi est présupposée, comme le fait voir saint Augustin dans son livre contre Julien. [90]
note explicative :
[90] Qu. 4, art. 7, concl. — Cette doctrine est limpide et se passe de commentaire. Soulignons seulement avec quelle force saint Thomas affirme la priorité de la foi. Bien penser est le principe du bien agir.
Or dans la juste idée qu'il doit se faire de soi et de Dieu, et de son mouvement vers Dieu, l'homme est démuni s'il n'a pas la foi. Elle est la lumière de la vie : en cette qualité elle va devant; elle passe même avant la charité qui pourtant la redépasse et qui vient l'animer, comme on sait. Quant aux autres vertus, théologales comme l'espérance, ou simplement morales comme la force, l'humilité, l'obéissance, il est hors de doute qu'elles peuvent apporter à la vertu de foi un concours très précieux, surtout chez certaines âmes qui seraient rétives par nature; mais il n'empêche pourtant que toutes ces vertus reçoivent elles-mêmes de la foi la lumière qui les éclaire et les vraies raisons qui les inspirent.
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A suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 7. La foi est-elle la première des vertus ? (suite)
SOLUTIONS : I. La réponse à la première objection, vous la voyez.
2. L'espérance ne peut pas être sur toute la ligne une introduction à la foi : on ne peut avoir, en effet, l'espoir de l'éternelle béatitude que si on la croit possible, car l'impossible, avons-nous dit, ne tombe pas sous l’espérance . Mais par l'espérance quelqu'un peut être amené à persévérer dans la foi, ou bien à fermement adhérer à la foi; et en ce sens on dit que l'espérance est une introduction à la foi. [91]
3. L'obéissance a deux sens. Parfois elle implique l'inclination de la volonté à remplir les commandements divins : en ce sens elle n'est pas une vertu spéciale, mais se trouve d'une manière générale dans toute vertu, du fait que tous les actes des vertus tombent sous des préceptes de la loi divine, ainsi qu'on l'a observé plus haut. A cet égard l'obéissance est requise pour la foi.
— Autrement, on peut prendre l'obéissance en tant qu'elle implique un certaine inclination à remplir les commandements selon qu'ils se présentent comme une véritable dette : dans ce sens elle est une vertu spéciale; elle est une partie de la justice, car en obéissant au supérieur on lui rend ce qui lui est dû. A ce point de vue, l'obéissance est une suite de la foi, parce que c'est la foi qui révèle clairement à l'homme que Dieu est un supérieur à qui on doive obéir.
4. Pour qu'un fondement soit vraiment fondement, il ne faut pas seulement qu'il soit la base première, il faut aussi qu'il soit bien lié aux autres parties de l'édifice : ce ne serait pas vraiment le fondement si les autres parties de l'édifice n'étaient pas cohérentes à lui. Or, dans l'édifice spirituel, ce qui fait la cohérence c'est la charité : "Par-dessus tout ayez la charité, dit l'Apôtre : c'est elle qui est le lien de perfection". Voilà comment la foi sans la charité ne peut être un fondement spirituel. Il ne s'ensuit cependant pas que la charité passe avant la foi.
5. Un acte de vouloir est exigé avant la foi; non pourtant un acte de vouloir qui soit informé de charité : un tel acte, au contraire, présuppose la foi, car la volonté ne peut tendre vers Dieu d'un amour parfait si l'intelligence ne possède pas une foi droite en ce qui concerne ce Dieu.
note explicative :
[91] Qu. 4, art. 7, sol. 2. — Il y a, nous l'avons assez dit au début de cette question, un élément d'espérance qui est inhérent à la vertu de foi et qui sert à la définir : en ce sens il est une introduction à la foi et il s'introduit lui-même dans la foi comme élément constitutif de l'aptitude à croire. Mais cet élément d'espérance n'est pas toute la vertu d'espérance : celle-ci reçoit toutes ses lumières de la foi. Il n'y a donc pas cercle vicieux.
— Il en est de même pour l'obéissance (sol. 3). Un rudiment d'obéissance est absolument essentiel à la foi : sans cela la vertu de foi est impossible. Mais, que cette vertu de foi existe dans les âmes, à son tour elle y nourrit la vertu d'obéissance en fournissant toutes les belles raisons surnaturelles d'obéir.
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A suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 8.
Y a-t-il plus de certitude dans la foi que dans la science et dans les autres vertus intellectuelles?
DIFFICULTÉS : i. Il ne semble pas. Car le contraire de la certitude c'est le doute. Une chose paraît dès lors d'autant plus certaine qu'on peut moins avoir de doute à son endroit, comme il y a plus de blanc où se mêle moins de noir. Mais l'intelligence et la science, et aussi la sagesse, n'ont pas de doute en ce qui concerne leurs objets, tandis que le croyant peut de temps en temps ressentir un mouvement d'hésitation et douter en matière de foi. La foi n'a donc pas plus de certitude que les vertus intellectuelles.
2. On est plus sûr de ce qu'on voit que de ce qu'on entend. Mais, comme dit l'Apôtre, "la foi vient d'un ouï-dire" ; alors que, dans l'intelligence, dans la science, dans la sagesse, est incluse une certaine vision de l'esprit. Il y a donc plus de certitude dans la science ou l'intelligence que dans la foi.
3. Il y a dans les choses de la pensée d'autant plus de perfection qu’il y a plus de certitude. Or il y a plus de perfection dans l’intelligence que dans la foi puisque c'est à travers la foi qu'on arrive à l'intelligence, suivant la parole d'Isaïe d'après une autre version : "Si vous n'avez pas eu la foi, vous n’aurez pas l'intelligence". Et saint Augustin dit aussi à propos de la science que c'est elle "qui renforce la foi". S'il y a plus de perfection, il y a donc aussi plus de certitude dans la science ou l'intelligence que dans la foi.
CEPENDANT, l'Apôtre écrit aux Thessaloniciens : "Lorsque vous avez reçu la parole que nous vous avons fait entendre", c'est-à-dire reçu par la foi, "vous l'avez reçue non comme une parole d'hommes mais comme la parole de Dieu, ainsi qu'elle l'est vraiment". Mais rien n'est plus sûr que la parole de Dieu. Donc la science n'est pas plus sûre que la foi ; ni rien d'autre non plus.
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ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 8.
Y a-t-il plus de certitude dans la foi que dans la science et dans les autres vertus intellectuelles?(suite)
CONCLUSION : Comme nous l'avons dit à propos des vertus, deux des vertus intellectuelles regardent les choses contingentes, c'est la prudence et l'art. La foi passe avant elles deux en certitude à raison de sa matière, puisqu'elle a pour objet les réalités éternelles qui ne seront jamais autrement qu'elles ne sont. Quant au reste des vertus intellectuelles, la sagesse, la science et l'intelligence, elles sont, avons-nous dit, en matière nécessaire. Mais il faut savoir qu'il est deux fois question de la sagesse, de la science et de l'intelligence : une fois, en tant qu'elles sont reconnues par le Philosophe comme vertus intellectuelles; une autre fois, en tant qu'elles sont comptées comme dons du Saint-Esprit. [92]
A les prendre donc dans la première acception, il faut conclure ceci. Leur certitude peut être considérée de deux côtés. Elle peut l'être du côté de sa cause, ce qui fera dire qu’une chose est d'autant plus certaine qu'elle a une cause plus certaine : à ce point de vue, la foi est plus certaine que les trois vertus susdites, car elle seule s'appuie sur la vérité divine, mais elles trois sur la raison humaine.
Autrement, la certitude peut être considérée du côté du sujet qui la possède, et, dans ce cas, l'on se dit d'autant plus certain que l'esprit est plus pleinement en possession de la chose : de cette manière, puisque les choses de la foi sont au-dessus de notre intelligence, mais non pas les choses qui relèvent des trois susdites vertus, il s'ensuit que la foi est par ce côté-ci moins certaine qu'elles trois.
Cependant, on juge d'une chose en définitive d'après sa cause; de la disposition du sujet à l'égard de cette chose on ne tire qu'un jugement tout relatif : d'où cette conclusion que la foi a en définitive plus de certitude, tandis que les autres vertus en ont davantage relativement, c'est-à-dire par rapport à nous.
— La conclusion est semblable même si l'on prend les trois choses susdites comme des dons du Saint-Esprit dans la vie présente. Elles sont alors comparées à la foi comme au principe qu'elles présupposent. Dès lors, même dans ce cas, la foi a plus de certitude qu'elles n'en ont. [93]
notes explicatives :
[92] Qu. 4, art. 8, concl. init. — Au moment de comparer la foi avec les vertus qui sont comme elle des habitudes d'esprit et des vertus pour bien penser, l'auteur retrace un petit tableau complet de ces vertus. Il n'oublie pas que les plus éminentes d'entre elles, sagesse, intelligence et science, se retrouvent sous les mêmes noms à deux plans différents, comme vertus simplement humaines et comme dons du Saint-Esprit. C'est un point qui a été signalé dès le prologue de cette Morale spéciale : on y tient.
Ces nobles vertus dont n'est pas incapable l'esprit de l'homme nous font penser à ces divines inspirations qu'est prêt à lui souffler l'Esprit de Dieu. Si les noms sont pareils, c'est que les réalités ne sont pas sans ressemblance. Nous verrons cela au début du second tome sur la foi (qu. 8-9) et encore à la fin (qu. 15) lorsque nous étudierons les dons ajoutés à la vertu ou les misérables états d'esprit opposés à ces dons.
[93] Qu. 4, art. 8, concl. fin. — Nous n'avons ici qu'une sorte de conclusion générale concernant la supériorité de la foi par rapport aux grandes vertus intellectuelles comme par rapport aux dons intellectuels. Nous rendrons cette conclusion plus spéciale et plus nuancée lorsque nous verrons la foi dans toute la perfection qui lui vient du Saint-Esprit.
La supériorité d'une vertu intellectuelle est mesurée par la certitude. L'auteur ne dit pas ici ce qu'il entend par certitude; il le dit autre part, et nous l'entendrons. Pour l'instant, retenons seulement que la certitude tient à la façon dont l'objet est ancré dans l'esprit : c'est pourquoi nous sommes ramenés, par ce détour de la certitude, à ce qui constitue le fin fond de l'habitude de foi ou l'impression de la Vérité divine en nous; aucune autre considération ne pouvait mieux terminer cette question 4. La conclusion sommairement est celle-ci : la foi dépose en nous un grand principe de certitude, supérieur au fond à tout autre, qu'il soit raison ou même inspiration.
— Ne voyez là aucune apparence de fidéisme. Saint Thomas reconnaît dans la raison une puissance de conviction; cependant il aperçoit dans la foi une force encore plus convaincante. A tout prendre en effet, je suis plus sûr de Dieu que je ne suis sûr de moi et que je ne le suis de quoi que ce soit, je suis aussi certain de ce qu'Il dit que de ce que je vois, et je démordrais moins facilement de ce qui m'est affirmé par Lui que de ce qui peut être conçu et affirmé par moi. Il y a dans la foi une espèce de certitude que les vrais croyants connaissent bien, qu'ils ressentent bien, et qui est au-dessus de tout.
De pouvoir se convaincre, dans une lumière versée par Dieu, qu'Il a passé par là, qu'Il a dit cela, c'est une certitude qui dépasse toutes nos sciences et, en un sens, même nos évidences. Quand Dieu se fait croire c'est plus fort que moi et c'est plus fort que tout. Si je sais me placer dans son auditoire, demeurer dans le milieu de sa grande Tradition, aux écoutes de sa grande Révélation, je suis sûr et certain des quelques grandes Vérités qu'Il me dit. C'est Lui qui se tromperait ou me tromperait si ce que je crois n'était pas vrai et si ma foi ne me mettait pas dans le vrai; or il est impensable qu'Il se trompe ou me trompe. L'incroyant ne soupçonne pas quelle force et quelle grandeur de certitude il y a dans la vertu de foi.
— Quant à la supériorité de la foi même par rapport aux dons ajoutés à la vertu, elle est indiquée d'un mot à la fin de l'article. La raison profonde est insinuée par la solution 3. Nous y reviendrons au tome second.
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A suivre…
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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Re: LA VERTU DE FOI.
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IIa-IIæ, qu. 4, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:
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LA VERTU DE FOI. (suite)
ARTICLE 8.
Y a-t-il plus de certitude dans la foi que dans la science et dans les autres vertus intellectuelles? (suite)
SOLUTIONS : 1. L'hésitation de l'esprit dans la foi ne saurait être attribuée à la cause de la foi. C'est relatif à nous, en tant que nous ne saisissons pas pleinement par l'intelligence les choses de la foi. [94]
2. Quand toutes choses sont égales d'ailleurs, on est plus sûr de ce qu'on voit que de ce qu'on entend. Mais si celui de qui vient ce qu'on a ouï dire est beaucoup plus fort que ne l'est la vue de celui qui voit, alors il y a plus de certitude à ouïr qu'à voir, de même que, si on n'a qu'une petite science, on est plus sûr de ce qu'on entend dire à un très grand savant que de ce qu'il semble qu'on voit selon sa raison à soi. Eh bien, on est encore beaucoup plus certain de ce qu'on entend dire à Dieu qui ne peut se tromper, que de ce qu'on voit par sa propre raison à soi, laquelle peut se tromper.
3. La connaissance de foi est dépassée par la perfection de l'intelligence et de la science, en ce sens qu'elles ont une évidence plus grande, non pas cependant au sens d'une adhésion plus certaine. Car toute la certitude que peuvent avoir comme dons l'intelligence et la science découle de la certitude de la foi, de même qu'une certitude dans la connaissance des conclusions découle de la certitude qu'on a des principes. Par ailleurs, comme vertus intellectuelles, la science, la sagesse et l'intelligence s'appuient sur la lumière naturelle de la raison : cette lumière est loin de la certitude qui émane de la parole de Dieu sur laquelle s'appuie la foi.
note explicative :
[94] Qu. 4, art. 8, sol, 1. — Il y a deux choses dans une certitude, nous dira saint Thomas, une adhésion de l'esprit, une satisfaction de l'esprit. La certitude dans la foi est à son comble quant à la première chose, mais non pas quant à la seconde. C'est pourquoi, même chez les plus fermes croyants, l'esprit connaît cette cogitation que peut cependant réduire l'inspiration provenant des dons d'intelligence et de science.
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FIN
Prochain fil : Ceux qui ont la Foi.
A suivre…Prochain fil : Ceux qui ont la Foi.
ROBERT.- Nombre de messages : 34713
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