TOME II - LE TROISIÈME SIÈCLE DIOCLÉTIEN par le R. P. DOM H. LECLERCQ

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Message  Monique Sam 1 Aoû - 7:28

PASSION DES SAINTS JACQUES, MARIEN ET PLUSIEURS AUTRES, A CONSTANTINE, LE 6 MAI DE L'AN 269.


La persécution de Valérien procura la gloire du martyre à Jacques et Marien, l'un diacre, l'autre lecteur. Ce dernier ne tombait pas sous le coup de l'édit qui condamnait d'office les seuls évêques, prêtres et diacres; mais on se persuada qu'il cachait son titre véritable, et il fut misa la torture. Une fois de plus l'immoralité de ce procédé d'enquête nous apparaît; la torture n'obtint ni mensonge ni apostasie, en conséquence Marien fut tenu pour convaincu. Les actes que l'on va lire rapportent les faits avec assez de détails pour que nous soyons dispensés de donner d'autres indications. Les actes, écrits par un compagnon des martyrs, sont excellents. L'auteur « ne respire que le martyre, et sa plume semble être trempée dans le sang. Son style imite assez saint Cyprien et donne lieu de croire qu'il était un de ses disciples. » (Tillemont.)



BOLL. 30/IV Apr. III, 745-749. RUINANT, Act. sinc. p. 224 et suiv. TILLEMONT, Mémoires, t. IV, art. sur les ss. J. et M. P. ALLARD, Hist. des perséc. t. III, p. 130 et suiv. AUBÉ, l'Eglise et l'Etat dans la seconde moitié du troisième siècle, p. 406. Rapprochement d'une inscription trouvée à Constantine et d'un passage des Actes des martyrs fournissant une nouvelle preuve de l'identité de Constantine et de Cirta, par M. Canette, dans les Mémoires présentés par divers savants à l'Acad. roy. des Insr., 2e série. Antiq. de la France, t. I, p. 206 et suiv., Paris, 1843.PIO FRANCHI DE CAVALIERI, La Passio SS. Marinai et Jacobi dans Studi e Testi, pubblicazioni della Bibl. Vaticana, Roma,1900.


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Message  Monique Dim 2 Aoû - 12:02

LA PASSION DES SAINTS JACQUES ET MARIEN.


Chaque fois que les saints martyrs de Dieu et de son Christ, impatients de parvenir au royaume du ciel, recommandent Passion des saints Jacques, Marien et plusieurs autres 123 demandent quelque affaire avec plus d'instance à leurs amis, ils se souviennent de cette humilité sur laquelle est fondée la véritable grandeur, et plus ils mettent de modestie dans leur demande, plus celle-ci est efficace. C'est ce soin de leur gloire que nous ont confié , les illustres martyrs de Dieu, Marien, qui nous fut cher entre tous, et Jacques, auxquel m'unissait, vous le savez, en dehors des relations communes du Sacrement et de l'habitude de la vie, une affection particulière.

Au moment d'affronter les assauts du siècle et la fureur des païens dans un combat glorieux, ils me donnèrent l'ordre d'écrire le récit de cette lutte où ils ne s'engageaient qu'avec l'assistance du Saint-Esprit, non qu'ils voulussent que la gloire de leur triomphe retentit sur cette terre, mais parce qu'ils souhaitaient fortifier par leur propre exemple le peuple fidèle. Ce ne fut pas sans raison que leur affectueuse confiance me chargea de ce récit. Qui pourrait douter que j'aie connu et partagé les secrets de leur vie? Nous vivions ensemble dans les liens d'une étroite amitié, quand la persécution nous surprit.

Il arriva donc que, suivant notre ancienne habitude, ayant à traverser la Numidie, nous faisions route ensemble. Nous arrivâmes en une bourgade nommée Maguas, qui est dans la banlieue de Cirta, ville importante dont les habitants, transportés d'une aveugle fureur, s'agitaient comme les vagues du mal, et la rage du diable à tenter la foi des justes s'exhalait dans leurs sanguinaires clameurs. Marien et Jacques virent en cela les signes assurés et tant souhaités de la miséricorde divine qui les amenait dans ce pays à l'heure où la persécution battait son plein et où, à l'aide du Christ, ils venaient cueillir leur couronne. En effet, la brutale et aveugle passion du légat employait les soldats à l'arrestation des chrétiens. Sa folie furieuse ne s'exerçait pas seulement contre ceux qui avaient traversé sains et saufs les persécutions précédentes et vivaient en liberté, mais le diable lui inspirait d'appesantir sa main sur ceux qui étaient retenus en exil et déjà martyrs véritables, sinon par la mort, du moins par la volonté.


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Message  Monique Lun 3 Aoû - 9:20

Ce fut ainsi que deux évêques, Agape et Secundinus, furent tirés d'exil et traduits devant le légat. On les conduirait non d'un supplice à un autre supplice, ainsi que le croyaient les païens, mais de la gloire à la gloire, d'un combat à un autre combat. Il était impossible que ceux-là fussent retardés dans leur victoire que le Seigneur était impatient d'avoir avec lui. Il arriva donc, mes frères, que Agape et Secundinus, se rendant, par l'ordre du légat sans doute, mais surtout par la volonté du Christ, au lieu de leur dernier combat, acceptèrent, à leur passage à Muguas, notre hospitalité. Ces saints personnages étaient si pénétrés de l'esprit de vie et de grâce, qu'ils estimaient peu de chose leur propre martyre, s'ils n'en amenaient d'autres, sous l'inspiration de leur foi, au même bonheur. Leur charité et leur tendre bonté à l'égard des frères furent si exquises qu'elles eussent suffi à confirmer la foi des frères. Ils répandirent sur nos âmes la parole du salut comme une rosée, céleste ; ils ne pouvaient se taire, eux qui contemplaient la Parole éternelle du Père.

Rien de surprenant dès lors si, en ce peu de jours qu'ils furent parmi nous, leur contact embrasa si fortement nos cœurs, puisque, dans l'éblouissement de la grâce dont ils étaient remplis, le Christ lui-même semblait déjà apparaître à travers l'éclat de leur martyre prochain.

En nous quittant, ils laissèrent Marien et Jacques, façonnés par leur exemple et leurs paroles, prêts à s'engager dans la voie qu'ils s'apprêtaient à suivre eux-mêmes. Deux jours ne s'étaient pas écoulés que la palme était aussi destinée à nos frères bien-aimés Marien et Jacques ; et cela ne se passa pas à l'ordinaire, c'est-à-dire par le moyen d'un agent de police, mais par le moyen d'un centurion. Car une escorte de gens armes et la plus vile canaille étaient venues à la ville que nous habitions, comme devant un boulevard de la foi.

O invasion bénie ! ô tumulte aimable et consolant ! Tout cela s'est passé afin que le sang innocent de Marien et de Jacques fût trouvé digne de Dieu. A peine pourrons-nous, ici, mes frères, contenir notre joie ; à peine, depuis deux jours, des saints se sont éloignés de nous pour aller à leur glorieuse fin, et nous avons encore avec nous des frères qui vont être martyrs.


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Message  Monique Mar 4 Aoû - 10:32

Comme l'heure de la miséricorde divine approchait, elle daigna nous donner à nous-même quelque part à la gloire de nos frères ; nous fûmes conduit de Muguas à Cirta. Derrière nous venaient nos frères aimés Jacques et Marien, marqués pour le martyre. Leur amour pour opus et la miséricorde du Christ les guidaient sur nos pas ; car, fait digne de remarque, les derniers venus devaient être les premiers à partir.

On ne les fit pas longtemps attendre, car, tandis qu'ils nous exhortaient dans l'emportement d'une sainte allégresse, ils se déclarèrent chrétiens eux-mêmes. Interrogés peu après, comme ils persévéraient dans la confession au Christ, ils furent conduits en prison...

Depuis ce moment, ils furent livrés aux sévices de l'agent de police, chargé de torturer les saints ; ce personnage se fit aider par les magistrats municipaux de Cirta, c'est-à-dire par les prêtres de Satan. Comme si la foi pouvait être brisée par la déchirure des membres chez ceux qui méprisent leur corps, Jacques, vaillant entre tous, qui avait triomphé déjà du temps de l'empereur Dèce, se déclara non seulement chrétien, mais il avoua sa dignité de diacre. Marien, de son côté, fut soumis à la torture parce que, conformément à la vérité, il ne s'avouait que lecteur. Quel supplice nouveau et raffiné trouva-t-on ? Marien fut suspendu pour être déchiré, et néanmoins la grâce qu'il reçut alors fut telle que sa souffrance était vraiment son exaltation. On l'avait suspendue non par les mains, mais par l'extrémité des pouces ; de plus, on lui attacha des poids aux pieds, afin que, disjointe par ces supplices divers et disloquée par la tension des entrailles, la charpente entière de son corps ne fût plus suspendue qu'à quelques nerfs. En vain on le suspendit, on meurtrit ses côtes, on arracha ses entrailles. Marien, plein de confiance en Dieu, sentait grandir son courage en proportion des tortures. Lorsque les bourreaux furent lassés, on le ramena en prison tout enivré de la joie de sa victoire récente, dont il rendait souvent grâces à Dieu, ainsi que Jacques et les autres frères.

Et après cela, païens, que direz-vous ? Croirez-vous que les chrétiens redoutent la prison et ont horreur des ténèbres, eux en qui réside la joie de la lumière éternelle?


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Message  Monique Mer 5 Aoû - 9:07

Vous cherchez pour lieux de supplice les cachots ignorés et cachés, avec toutes les horreurs ; mais pour ceux qui mettent en Dieu leur confiance, il n'y a pas de lieu abject, ni de jour lugubre. La fraternité du Christ soutient jour et nuit ceux qui appartiennent au Père. Après la torture, il arriva que Marien eut un songe qu'il raconta à ses compagnons à son réveil. Je vis, dit-il, la plate-forme supérieure d'un tribunal très élevé ; là se trouvait un personnage qui remplissait les fonctions de juge. L'estrade comportait plusieurs degrés, elle était fort élevée, on y amenait les groupes de confesseurs que le juge condamnait à mort. J'entendis une voix retentissante qui disait : « Au tour de Marien ». Je gravis l'estrade, et voici que subitement j'aperçus Cyprien assis à droite du juge ; il me tendit la main et me fit monter au plus haut de l'estrade. Il me dit alors avec un bon sourire : « Viens t'asseoir à côté de moi ». Ce que je fis, tandis que d'autres groupes se succédaient à l'interrogatoire. Enfin le juge leva la séance et nous le reconduisîmes au prétoire. Il fallait passer par une prairie ravissante, parsemée de bouquets de bois tout verdoyants, parmi lesquels les cyprès se dressaient dans leur impénétrable noirceur et les pins semblaient s'élancer vers le ciel, tellement que l'on aurait cru que la verdure formait à l'entour de ce lieu comme une immense couronne. Au centre était une grotte, d'où débordait une eau cristalline très abondante.

A ce moment nous cessâmes de voir le juge. Cyprien prit une coupe déposée sur la margelle de la source, l'emplit à l'un des ruisseaux et but, l'emplit de nouveau, me la présenta, et je bus de même, plein de bonheur. Je voulais rendre grâces à Dieu, mais le bruit de ma propre voix m'éveilla.

Ce récit rappela à Jacques qu'il avait été l'objet d'une faveur semblable. Quelques jours auparavant, il voyageait avec Marien et moi. Nous étions tous trois dans la même voiture. Vers midi, à un endroit où la route était mal empierrée, Jacques s'endormit d'un lourd sommeil ; nous l'appelâmes, nous le poussâmes ; enfin il s'éveilla : « Oh ! fit-il, j'en tremble encore, mais c'est de joie, réjouissez-vous, vous aussi. Je viens de voir, nous dit-il, un adolescent d'une taille prodigieuse; il était vêtu d'une robe dont la blancheur éclatante blessait le regard; ses pieds ne frôlaient même pas la terre, tandis que son front se cachait dans les nuages. Il passa devant nous comme un trait et nous jeta deux ceintures de pourpre, une pour toi, Marien, l'autre pour moi ; je l'entendis qui disait : « Vite, suivez-moi ».


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Message  Monique Jeu 6 Aoû - 8:32

O sommeil meilleur que toutes les veilles ! l'heureux sommeil de celui qui veille dans la foi ! Les corps seuls sont enchaînés, car il n'y a que l'esprit qui puisse voir Dieu. Que dire de la joie et de l'entrain des martyrs qui, au moment de souffrir pour la confession du nom de Dieu, avaient entendu le Christ et l'avaient vu ? Rien ne l'avait arrêté, ni le cahot bruyant de la voiture, ni le plein midi, ni la chaleur torride du soleil à cette heure. Il n'avait pas attendu le silence de la nuit, et, par une grâce spéciale et toute nouvelle, il avait fait choix pour se révéler d'un moment où il n'a pas l'habitude d'accorder ces sortes de grâces. Il n'y eut pas que Jacques et Marien à recevoir ces faveurs. Emilien, chevalier avant sa conversion, partageait la prison des autres chrétiens. ll avait la cinquantaine et n'avait cessé de vivre dans la chasteté. Depuis qu'il était en prison, il redoublait d'austérités : c'étaient des jeûnes et des oraisons ininterrompus. C'est là et dans l'Eucharistie qu'il trouvait la seule nourriture qui, tous les jours, soutenait son âme et la préparait au combat. Lui aussi s'endormit vers le midi ; à son réveil, voici ce qu'il nous raconta:

« Comme je sortais de prison, je rencontrai mon frère, qui est encore païen. Il me demanda grossièrement ce que nous devenions, comment nous nous accommodions de l'obscurité et de la faim. « Mais,. lui dis-je, pour les chrétiens la parole de Dieu est lumière parmi les ténèbres et nourriture exquise pour la faim. Eh bien, dit-il, que tous les prisonniers sachent que les obstinés auront la tête coupée ! » Je n'y pouvais croire, je flairais un mensonge, me défiant de voir mes vœux comblés de la sorte « Vrai, dis-je, nous mourrons tous?» Il confirma son dire. « Bientôt, ajouta-t-il, votre sang coulera.» Puis il ajouta : «Dis-moi, vous tous qui méprisez ainsi la mort, recevrez-vous des récompenses égales ou bien des récompenses différentes? » Je répondis : « Je n'en sais pas assez pour donner mon avis là-dessus. Tiens, regarde donc le ciel ; tu vois l'innombrable armée des astres.. Ont-ils tous le même éclat ? tous cependant sont lumière ». Il insista : « Puisqu'il y a des degrés, quels seront donc les préférés de votre Dieu ? » « Il y en a deux entre tous, répondis-je ; je ne te dis pas leurs noms que Dieu sait. » Il voulut en savoir plus. « Eh bien, dis-je pour en finir, ce sont ceux dont la victoire est plus difficile et presque sans exemple ; leur couronne est d'autant plus glorieuse qu'elle est plus rare. C'est pour eux qu'il a été écrit : «. Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux. »


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Message  Monique Ven 7 Aoû - 11:25

Après ces visions, les confesseurs demeurèrent encore quelques jours en prison; puis on les traduisit de nouveau devant le tribunal, afin que le magistrat de Cirta, non content des premiers châtiments par lesquels il avait honoré leur généreuse confession, pût les adresser au préfet. A ce moment, un de nos frères, mêlé à la foule des assistants, attira l'attention de tous les païens. Il ; allait bientôt confesser sa foi, et déjà les traits de son visage prenaient la splendeur du Christ lui-même. Les païens, furieux, lui demandaient s'il était de la religion des martyrs, s'il portait leur nom ; aussitôt il confessa sa foi et mérita d'être réuni à eux.

Ainsi, pendant qu'on faisait les apprêts du supplice, les martyrs gagnèrent à Dieu de nombreux témoins'. Enfin on les envoya au préfet ; la route était longue et difficile, ils la suivirent avec joie. A leur arrivée, on les présenta au magistrat, puis on les conduisit pour la deuxième fois à la prison  [dite] de Lambèse. Une prison, voilà l'unique logement que l'hospitalité des païens nous réserve.

Pendant plusieurs jours on massacra des frères ; la rage folle du préfet ne pouvait arriver jusqu'à Marien, Jacques et les autres clercs; les laïques seuls suffisaient, à l'occuper, car il avait séparé les ordres de la hiérarchie, espérant que les laïques, une fois séparés des clercs, céderaient aux tentations du siècle et à leurs propres terreurs. Aussi nos deux amis se désolaient, et tous les clercs avec eux, de ce que les laïques les eussent devancés au combat et à la gloire et qu'on leur ménageât une victoire si tardive.

Ce fut vers ce temps que Jacques eut une nouvelle vision pendant son sommeil. « Agape, l'évêque dont nous avons parlé, avait depuis quelque temps déjà souffert le martyre avec deux jeunes filles, Tertulla et Antonia, auxquelles il portait une tendresse paternelle. Souvent il avait demandé à Dieu de les associer à son martyre, et Dieu avait récompensé sa foi en lui disant : « Pourquoi demandes-tu sans cesse ce que tu as mérité depuis longtemps par une seule prière ? » Agape apparut donc à Jacques. En effet, au moment où il allait mourir, on n'attendait que l'arrivée du bourreau on l'entendit qui disait : « Je suis bien heureux ! je vais rejoindre Agape, je m’assoirai avec lui et tous les autres martyrs au banquet céleste. C'est bien Agape que j'ai vu cette nuit ; parmi tous les prisonniers de Cirta, il semblait le plus gai au banquet solennel et joyeux qui les réunissait. Notre charité nous attirait, Marien et moi, à ce banquet comme à l'agape, lorsque je reconnus un des petits frères jumeaux qui, trois jours auparavant, avaient souffert avec leur mère. On lui avait passé autour du cou un collier de roses, et il portait dans la main droite une petite palme d'un vert tendre. Il me dit: « Où courez-vous? réjouissez-vous, soyez bien content, demain vous mangerez avec nous. »

Le lendemain le préfet prononça contre Jacques et Marien la peine capitale. On conduisit les confesseurs au lieu du triomphe : c'était une vallée encaissée que traversait un fleuve dont les berges s'élevaient en pente douce et semblaient former les gradins d'un amphithéâtre naturel. Le sang des martyrs coulait en, rigole jusqu'au fleuve ; et cette scène avait son mystérieux symbolisme pour les saints qui, baptisés dans leur sang, allaient recevoir dans les eaux comme une nouvelle purification.


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Message  Monique Sam 8 Aoû - 9:58

C'était un spectacle étrange que celui du stratagème adopté pour l'exécution. Le bourreau, ayant tout un peuple à frapper, disposa les victimes sur de longues files, en sorte que ses coups volaient d'une tête à l'autre, sous une impulsion folle. S'il eût frappé tous les martyrs à la même place, les cadavres se fussent bientôt accumulés en un immense charnier, le lit du fleuve, bien vite obstrué, n'eût pu suffire. Suivant la coutume, on banda les yeux des condamnés avant l'exécution ; mais nulles ténèbres ne pouvaient assombrir leurs âmes, où se répandait une ineffable et éblouissante lumière. Un grand nombre, malgré le bandeau qui leur dérobait l'éclat du jour, racontaient à ceux qui les entouraient, aux témoins de leur supplice, les choses merveilleuses qu'ils croyaient voir ; ils parlaient de blancs cavaliers montés sur des chevaux blancs. D'autres martyrs entendaient le hennissement de ces chevaux et le bruit de leurs sabots. Marien, rempli de l'esprit des prophètes, annonçait sans hésitation que le jour était proche où le sang des justes allait être vengé. Il prédisait les plaies de toute sorte dont le monde était menacé : la peste, la captivité, la famine, les tremblements de terre, les invasions de moustiques dont la piqûre donnerait la mort.

Quand tous furent tués, la mère de Marien, joyeuse comme la mère des Macchabées et assurée maintenant du sort de son fils dont le martyre était consommé, le félicita de son bonheur et se réjouit d'avoir eu cet enfant. Elle baisait ce corps sorti de son corps dont il était la gloire, elle baisait amoureusement la section du cou.

O heureuse Marie, heureuse mère d'un tel fils, heureuse de porter un si beau nom ! Qui ne croirait pas au bonheur qu'apporte avec lui un nom si grand; en voyant cette nouvelle Marie recevoir une pareille gloire de son enfant ? Oh oui ! la miséricorde de Dieu et de son Christ est ineffable à l'égard de ceux qui ont mis leur confiance en son nom. Non seulement sa grâce les prévient et les fortifie, mais encore, en les rachetant de son sang, il leur donne la vie. Qui pourrait mesurer la grandeur de ses bienfaits ? Sa paternelle miséricorde opère sans cesse et répand sur nous les dons que la foi nous montre comme le prix du sang de notre Dieu. A lui soient la gloire et le pouvoir dans les siècles des siècles. Amen.


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Message  Monique Dim 9 Aoû - 11:45

LA PASSION DES SAINTS MONTAN, LUCIUS ET PLUSIEURS AUTRES, A CARTHAGE, EN 259.


Dans l'Afrique proconsulaire, la mort de saint Cyprien donna le signal de la persécution. Le proconsul ayant provoqué une émeute par sa férocité, affecta, comme jadis Néron, d'y voir l'ouvrage des chrétiens. Parmi les victimes se trouve un groupe de martyrs dont nous avons des actes très curieux et dignes de toute confiance, mais dans lesquels, comme dans ceux de Jacques et Marien, le mauvais goût littéraire du temps a prodigué l'obscurité et la déclamation. Nous n'avons pas pensé que ces taches, qui peuvent intéresser vivement dans l'étude de l'original, dussent être reproduites dans la présente traduction. M. de Rossi a rapproché une phrase de la lettre écrite par les martyrs à leurs « frères » de quatre vers hexamètres du poète Commodien qu'ils citaient fort exactement.



BOLL. 24/III, 454-459. RUINART, Act. sinc. p.132 et suiv.  DE ROSSI, Inscript. christ. Urb. Rom. t. II, p. XXXII.  P. ALLARD, Hist. des persec. III, 116 et suiv.  DE ROSSI, Bullett. di arch. crist. (1880), p. 66-68.  TILLEMONT, Mém. IV, 206-14, 647-9.  PIO FRANCHI DE CAVALIERI, Gli atti dei SS. Montano, Lucio e compagni, dans Romische Quartalschrift., VIII,1898, et Anal. boll., 1899, p. 67.


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Message  Monique Lun 10 Aoû - 8:14

LA PASSION DES SAINTS MONTAN, LUCIUS ET DE LEURS COMPAGNONS.


Nous vous envoyons, frères bien-aimés, le récit de nos combats ; car des serviteurs de Dieu, consacrés à son Christ, n'ont pas d'autre devoir que de penser à leurs nombreux frères. C'est une raison de fraternelle tendresse et de charité qui nous a portés à vous envoyer ces lettres, afin que les frères qui viendront après nous y trouvent un témoignage fidèle de la magnificence de Dieu, de nos travaux et de nos souffrances pour lui.

A la suite de l'émeute qu'excita la férocité du pro-consul, et de la persécution qui vint aussitôt après, nous, Lucius, Montan, Flavien, Julien, Victor, Primole, Renon et Donatien, nous fumes arrêtés. Donatien n'était encore que catéchumène, il fut baptisé dans la prison et mourut aussitôt, passant ainsi du baptême au martyre. Primole eut la même fin. Toutefois on n'eut pas le temps de lui administrer le sacrement, sa confession lui en tint lieu.

Dès que l'on nous eut pris, nous fûmes confiés à la garde des magistrats municipaux; nos gardes nous dirent que le proconsul voulait nous faire brûler vifs dès le lendemain. Mais le Seigneur, à qui seul appartient de garder ses disciples de la flamme et entre les mains de qui sont les ordres et la volonté du prince, détourna de nous la cruauté du proconsul, et, par nos prières incessantes, nous obtînmes ce que nous demandions dans l'ardeur de notre foi; le feu déjà presque allumé pour nous consumer fut éteint et la flamme des bûchers embrasés fut étouffée par la rosée divine.

Eclairés par les promesses que le Seigneur a faites par son Saint-Esprit, les fidèles croiront sans peine que les miracles récents égalent ceux d'autrefois, car le Dieu qui avait fait éclater sa gloire dans les trois enfants, triomphait de même en nous. Ainsi donc, Dieu aidant, le proconsul, revenu de son dessein, donna ordre de nous conduire dans les prisons. Nous y fûmes menés par une garde de soldats et nous nous montrâmes assez peu soucieux de l'obscurité fétide de notre nouveau séjour. Bientôt la prison toute noire fut éclairée des feux du Saint-Esprit, et au lieu des fantômes de l'obscurité et des ignorances aveugles qu'apporte la nuit, la foi nous revêtit d'une lumière semblable à celle du jour, et nous descendions dans la geôle la plus douloureuse comme nous serions montés au ciel.


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Message  Monique Mar 11 Aoû - 9:45

Les mots nous manquent pour dire quels jours et quelles nuits nous passâmes en ce lieu. L'imagination se refuse à concevoir l'horreur de ce cachot, et la parole ne peut suffire à en décrire les souffrances. Mais la gloire de celui qui triomphe en nous se mesure à l'épreuve elle-même : ce n'est pas nous qui combattons, la victoire est à celui qui combat pour nous. Qu'importe la mort au fidèle, cette mort dont le Seigneur a triomphé par sa croix, dont il a émoussé l'aiguillon et fait, par son supplice, évanouir l'horreur? Mais on ne parle d'armes que pour le soldat, et le soldat lui-même ne s'arme que pour le combat ; ainsi nos couronnes ne sont une récompense que parce qu'il y a eu combat : on donne les prix à la fin des jeux.

Pendant plusieurs jours nous fûmes réconfortés par la visite des frères, de sorte que la joie et la consolation des jours faisait oublier l'horreur des nuits.

Renon, l'un de nous, eut une vision pendant son sommeil. C'étaient des hommes qu'on menait mourir. devant chacun desquels on portait une lampe ; ceux qu'une lampe ne précédait pas étaient abandonnés. Il nous ,vit marcher précédés de nos lampes ; sur ces entrefaites, il s'éveilla. Quand Renon nous raconta sa vision, nous fûmes bien heureux, nous savions maintenant que nous étions dans le bon chemin, nous marchions avec le Christ, lumière de nos pas et Verbe de Dieu.

Après une telle nuit, on passait le jour dans la joie. Précisément, ce matin-là, nous fûmes subitement traduits devant le procurateur, qui faisait l'intérim du proconsul, mort depuis peu.


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Message  Monique Mer 12 Aoû - 9:29

O jour de joie ! ô glorieux liens ! ô chaînes désirées ! ô fers plus glorieux et plus précieux que l'or ! ô bruit des anneaux qui sursautent sur le pavé ! Nous parlions de l'avenir et de peur que notre félicité ne fût retardée, les soldats, ne sachant où le procurateur voulait nous entendre, nous menèrent dans tout le Forum ; enfin nous fûmes appelés dans son cabinet.

Mais l'heure de mourir n'était pas arrivée. Ayant vaincu le diable, nous fûmes renvoyés en prison ; l'on nous réservait à une autre victoire. Vaincu cette fois, le diable combina de nouvelles embûches, il tenta de nous vaincre par la faim et la soif. Cette nouvelle épreuve se prolongea longtemps, et nos corps épuisés n'obtenaient même pas un peu d'eau froide de Solon, l'économe.

Cette fatigue, ces privations, ce temps de misère étaient permis de Dieu, car celui qui voulut que nous fussions éprouvés, montra qu'il voulait nous parler au sein même de l'épreuve. Voici donc ce que le prêtre Victor apprit dans une vision qui précéda de peu d'instants son martyre. Il nous l'a racontée ainsi : « Je voyais un enfant entrer dans cette prison; son visage était resplendissant au delà de ce que l'on peut dire; il nous conduisait à toutes les portes, comme pour nous rendre à la liberté, mais nous ne pouvions sortir. Il me dit alors : « Encore quelques jours de souffrance, puisque vous êtes retenus ici, mais ayez confiance, je suis avec vous ». Il reprit : « Dis-leur que leurs couronnes seront d'autant plus glorieuses, car l'esprit vole vers son Dieu et l'âme près de souffrir aspire aux demeures qui l'attendent ». Connaissant que c'était le Seigneur, Victor demanda où était le Paradis. « Hors du monde », dit l'enfant. « Montrez-le-moi. » « Et où serait la foi? » dit encore l'enfant. Par un reste de faiblesse humaine, le prêtre dit : « Je ne puis m'acquitter de l'ordre que vous m'avez donné : laissez-moi un signe qui serve de témoignage à mes frères ». L'enfant répondit : « Dis-leur que mon signe est le signe de Jacob ».


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Message  Monique Jeu 13 Aoû - 8:45

Maintenant voici ce qui a trait à notre compagne de captivité, la matrone Quartillosa, dont le mari et le fils avaient été martyrisés trois jours auparavant, et qui ne devait pas tarder à les suivre. Elle nous a raconté sa vision en ces termes : « Je vis mon enfant martyr venir à la prison et il s'assit au bord de l'eau; il me dit : « Dieu voit votre angoisse et votre souffrance ». Alors entra un jeune homme d'une taille extraordinaire, portant dans chaque main une coupe de lait ; il me dit : « Courage, Dieu tout-puissant s'est souvenu de vous ». Et il donna à boire à tous les prisonniers, mais il n'y paraissait pas, ses coupes ne diminuaient pas. Soudain la pierre qui bouchait la moitié de la fenêtre du cachot sembla s'écrouler, laissant voir un coin de ciel; le jeune homme posa les coupes à droite et à gauche : « Vous voilà rassasiés, dit-il; cependant les coupes sont encore pleines et même l'on va vous en apporter une troisième ».

Il disparut.

Le lendemain, nous étions dans l'attente de l'heure où l'administrateur de la prison nous ferait porter, non la nourriture, il ne nous en donnait plus et depuis deux jours nous n'avions rien mangé, mais de quoi sentir notre souffrance et notre privation, lorsque tout à coup, ainsi que la boisson arrive à celui qui est altéré, la nourriture à l'affamé, le martyre à celui qui le demande, de même le Seigneur nous réconforta par l'intermédiaire du prêtre Lucien qui, forçant toutes les consignes, nous envoya deux coupes, par l'entremise de Hérennien, sous-diacre, et Janvier, catéchumène, qui portèrent à chacun l'aliment qui ne diminue pas. Ce secours soutint les malades et les infirmes ; ceux-là mêmes que la férocité de Solon et le manque d'eau avaient rendus malades, furent guéris, ce dont tous rendirent à Dieu de grandes actions de grâces.


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Message  Monique Ven 14 Aoû - 9:46

Il est temps de dire quelque chose de la tendresse mutuelle que nous nous portions.

Montan avait eu avec Julien d'assez vives discussions au sujet d'une femme exclue de la communion, qui s'y fit recevoir par surprise. La dispute finie, une certaine froideur ne laissa pas que de subsister entre les confesseurs ; mais, la nuit suivante, Montan eut une vision. La voici telle qu'il l'a racontée : « Je vis des centurions venir à nous, ils nous conduisirent, après une longue traite, dans une plaine immense où Cyprien et Lucius vinrent à nous. Une blanche lumière baignait la campagne, nos propres vêtements étaient blancs, notre chair plus blanche que nos vêtements. A travers la chair transparente les regards pénétraient jusqu'au cœur. Je regardais ma poitrine, il y avait des taches. A ce moment je m'éveillais et Lucius entrait. Je lui racontai la vision : « Sais-tu, ajoutai je, d'où viennent ces tâches ? De ce que je ne me suis pas tout de suite réconcilié avec Julien. J'en conclus, frères très chers, que nous devons mettre tous nos soins à conserver la concorde, la paix, l'entente entre nous. Efforçons-nous d'être dès ce monde tels que nous serons dans l'autre. Si les récompenses promises aux justes nous attirent, si le châtiment réservé aux impies nous épouvante, si nous souhaitons vivre et régner avec le Christ, faisons ce qui y conduit. Adieu. »

Ce qui précède fut écrit par les martyrs dans leur prison, mais il était indispensable que quelqu'un recueillît de ce martyre tout ce que la modestie des confesseurs s'ingéniait à tenir secret. Flavien m'a confié la charge de suppléer à tout ce qu'ils avaient omis ; j'ai donc ajouté ce qui suit :

Après plusieurs mois d'une détention pendant laquelle ils souffrirent de la faim et de la soif, tous les confesseurs :furent amenés un soir devant le nouveau proconsul.

Tous confessèrent le Christ. Flavien s'était déclaré diacre, mais ses amis présents déclarèrent, poussés par une affection intempestive, qu'il n'avait pas cette qualité.


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Message  Monique Sam 15 Aoû - 9:49

Quant à Lucius, Montan, Julien, Victor, ils furent condamnés sur-le-champ. Flavien fut ramené en prison. Encore qu'il eût tout sujet de s'affliger d'être séparé d'une compagnie si sainte, cependant sa foi et sa charité étaient si profondes qu'il n'y voulut voir que la volonté de Dieu. Ainsi sa piété modérait son chagrin. Pendant que Flavien regagnait la prison, les condamnés se rendaient au lieu des exécutions. Une cohue énorme, où les chrétiens roulaient pêle-mêle avec les païens, suivait les martyrs. Les fidèles en avaient vu un grand nombre déjà, mais jamais avec autant d'émotion et de respect. Le visage des victimes rayonnait de bonheur, leurs paroles étaient brûlantes et fortifiaient les fidèles. Lucius, naturellement doux et timide, épuisé par ses infirmités et le séjour de la prison, avait pris les devants avec quelques amis, car il craignait d'être étouffé dans les remous de la foule et de perdre l'occasion de répandre son sang. Pendant le trajet, il s'entretenait avec ses compagnons et ne laissait pas de les instruire. Ceux-ci lui disaient : « Vous vous souviendrez de nous ! » « C'est à vous, répondit-il, à vous souvenir de moi » ; car son humilité était si profonde qu'à cet instant même il ne se prévalait pas de son martyre. Julien et Victor recommandaient aux frères avec instances la concorde, le soin des clercs, de ceux-là surtout qui souffraient en prison les horreurs de la faim. Joyeux et calmes, les confesseurs arrivaient au lieu du supplice.

Montan était de haute taille, intrépide et habitué jusqu'alors à dire toute sa pensée sans ménagement. Exalté par la perspective du martyre tout proche, il criait à pleine voix « Quiconque sacrifiera à d'autres qu'au seul Dieu sera anéanti ». Et il répétait sans se lasser qu'il n'est pas permis de déserter l'autel de Dieu pour s'adresser aux idoles fabriquées. Il s'adressait ensuite aux hérétiques : « Que la multitude des martyrs, leur disait-il, vous apprenne où est la véritable Eglise, celle dans laquelle vous devez entrer ». Aux apostats il rappelait que la communion ne leur serait accordée qu'après la pénitence. A ceux qui n'avaient pas faibli il disait: « Tenez ferme, frères, combattez avec courage. Les exemples ne vous manquent pas. Que la lâcheté de ceux qui sont tombés ne vous entraîne pas dans leur ruine ; loin de là, que nos souffrances vous excitent à gagner la couronne ». Apercevant des vierges chrétiennes, il adressa la parole à chacune d'elles, les exhortant à garder la chasteté. A tous les fidèles il recommanda d'obéir aux prêtres ; aux prêtres il demanda de garder entre eux la bonne entente qui, disait-il, est préférable à tout. De l'exemple qu'ils en donneront, dépendront l'obéissance et l'affection du peuple envers eux. Voilà qui est vraiment souffrir pour le Christ et le reproduire par l'action et par la parole. Quel exemple pour le fidèle !


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Message  Monique Dim 16 Aoû - 10:57

Le bourreau était prêt, sa longue épée déjà suspendue sur le cou des condamnés, lorsqu'on vit Montan lever les bras au ciel, et, tout haut, de manière à être entendu des païens et des chrétiens, il demanda à Dieu que Flavien, séparé de ses compagnons par l'ordre du peuple, les suivit dans trois jours. Et comme pour donner un gage que sa prière était exaucée, il déchira en deux morceaux le bandeau mis sur ses yeux et prescrivit qu'on en gardât la moitié pour servir à Flavien. Enfin il recommanda de réserver la place de celui-ci entre leurs tombeaux, afin que la mort au moins lui rendît leur compagnie. Nous avons vu de nos yeux s'accomplir la promesse faite par le Seigneur dans l'Évangile, que rien ne sera refusé à une demande inspirée par une foi vive. Deux jours après, Flavien fut exécuté.

Comme je l'ai dit, Montan ne voulait pas que le retard imposé à Flavien le séparât de leur compagnie dans le tombeau ; il me faut maintenant raconter sa fin.

A la suite des réclamations qui s'étaient produites à son sujet, Flavien avait été ramené en prison ; il était fort, intrépide et confiant. Son malheur n'avait pu entamer la trempe de son âme. Un autre peut-être eût été ébranlé ; quant à lui, la foi qui l'avait précipité vers le martyre, lui faisait mépriser tous les obstacles humains.

Son admirable mère, qui, digne par sa foi des anciens patriarches, rappelait ici Abraham lui-même impatient d'immoler son fils, se désolait que Flavien eût perdu la gloire du martyre. Quelle mère ! Quel modèle ! elle était digne d'être la mère des Macchabées, car qu'importe le nombre ? puisqu'elle offrait à Dieu l'unique objet de son amour.

Mais Flavien lui disait : « Mère que j'aime tant, j'avais souvent désiré confesser le Christ, rendre mon témoignage, porter des chaînes, et jamais cela n'arrivait. Aujourd'hui mon désir est accompli; rendons gloire au lieu de gémir ».


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Message  Monique Lun 17 Aoû - 9:08

Quand les geôliers vinrent, ils eurent peine à ouvrir la porte malgré leurs efforts ; il semblait que la prison elle-même répugnait à recevoir un hôte déjà marqué pour le ciel ; mais comme ce sursis était dans les desseins de Dieu, le cachot, quoique à regret, reçut son hôte. Que dire des sentiments de Flavien pendant ces deux jours ? son espérance, sa confiance dans l'attente du martyre ? Le troisième jour sembla non celui de la mort, mais celui de la résurrection. Les païens, qui avaient entendu la prière de Montan, ne cachaient plus leur admiration.

Dès que l'on sut donc, le troisième jour, que Flavien allait mourir, tous les mécréants et impies se rendirent au prétoire,afin de voir comment il se comporterait.

Il sortit enfin de cette prison où il ne devait plus rentrer. Quand il parut , la joie fut grande parmi les spectateurs, mais lui-même était plus joyeux encore, assuré que sa foi et la prière d'autrui lui procureraient le martyre, quelque opposition qu'on y fît. Aussi disait-il à tous les frères qui venaient le saluer qu'il leur donnerait la paix dans les plaines de Fuscium. Quelle confiance ! quelle foi !

Enfin il pénétra dans le prétoire et attendit son tour d'appel dans la salle des gardes. J'étais à côté de lui, ses mains dans les miennes, rendant au martyr l'honneur et les soins dus à un ami intime. Ses anciens élèves l'importunaient afin qu'il renonçât à son obstination et qu'il sacrifiât; on l'eût laissé faire ensuite tout ce qu'il eût voulu. « Il faut être fou, disaient-ils, pour ne pas craindre la mort et avoir peur de vivre. »

Flavien les remerciait d'une affection qu'ils témoignaient à leur manière et des conseils qu'elle lui valait ; cependant il reprenait : « Sauver la liberté de sa conscience vaut mieux qu'adorer des pierres. Il n'y a qu'un seul Dieu, qui a tout fait et à qui seul est dû notre culte ». Il disait encore d'autres choses dont les païens convenaient malaisément : « Même quand on nous tue, nous vivons, disait-il ; nous ne sommes pas vaincus, mais vainqueurs de la mort ; et vous-mêmes, si vous voulez savoir la vérité, soyez chrétiens ».


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Message  Monique Mar 18 Aoû - 9:07

Reçus de la sorte, les païens, voyant que la persuasion ne réussissait pas, usèrent d'une étrange miséricorde à l'égard de Flavien : ils s'imaginèrent que la torture viendrait à bout de sa résistance. On le mit sur le chevalet et le proconsul lui demanda pourquoi il prenait indûment la qualité de diacre : « Je ne mens pas, dit-il je le suis ». Un centurion apporta un certificat qui prouvait le contraire. « Pouvez-vous croire que je mente, dit Flavien, et que l'auteur de cette fausse pièce dise vrai ? » Le peuple brailla: « Tu mens ». Le proconsul revint à la charge et lui demanda s'il mentait ; il répondit : « Quel intérêt aurais-je à mentir ? » Le peuple, exaspéré, hurlait : « La torture, la torture ! » Mais Dieu savait assez, depuis l'épreuve de la prison, la fermeté de son serviteur ; il ne permit pas que le corps du martyr déjà éprouvé fût déchiré. Flavien fut condamné à être décapité.

Maintenant qu'il était sûr de mourir, Flavien marchait plein de joie et causait avec une extrême liberté à ceux qui l'entouraient. Ce fut alors qu'il me chargea d'écrire l'histoire de tout ce qui s'était passé. Il tenait en outre à ce que le récit des visions qui avaient occupé ses deux derniers jours fût consigné avec quelques autres plus anciennes.

« Peu après la mort de saint Cyprien, nous raconta-t-il, il me sembla que je causais avec lui, et je lui demandai si le coup de la mort est bien douloureux, martyr, ces questions m'intéressaient .  Il me répondit : « Ce n'est plus notre chair qui souffre quand l'âme est au ciel. Le corps ne sent plus quand l'esprit s'abandonne tout entier à Dieu. Plus tard, ajouta-t-il, après le supplice de mes compagnons, je me sentais sous le coup d'une grande tristesse, à la pensée que je demeurais seul ; mais pendant mon sommeil je vis un homme qui me dit : « Pourquoi t'affliges-tu ? » Je lui dis le sujet de mon chagrin.  « Quoi ! reprit-il, te voilà triste, toi qui, deux fois confesseur, seras demain martyr par le glaive ? » Et ceci arriva de point en point. Après une première confession dans le cabinet du proconsul, et une autre en public, il fut reconduit en prison, puis, traduit de nouveau, il confessa encore et mourut. Il nous raconta une autre vision, qui eut lieu le lendemain de la mort de Successus et de Paul. « Je vis, dit-il, l'évêque Successus qui entrait dans ma maison, le visage radieux, mais à peine reconnaissable à cause de l'éclat céleste dont brillaient ses yeux. Cependant je le reconnus et il me dit : « J'ai été envoyé pour t'annoncer que tu souffriras ». Aussitôt deux soldats m'emmenèrent en un lieu où une multitude de frères étaient assemblés. On me conduisit au juge, qui me condamna à mort. Soudain ma mère se montra dans la foule: « Vivat, vivat ! disait-elle, il n'y a pas eu de martyre plus glorieux ». Elle disait vrai ; car, outre les privations de la prison, imaginées par la rapacité  du fisc, Flavien savait encore se priver du peu qu'on lui donnait, tant il aimait à pratiquer les jeûnes prescrits et à s'abstenir du nécessaire pour en faire part à autrui.


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Message  Monique Mer 19 Aoû - 10:24

J'en viens aux circonstances de son martyre. Tout en parlant, Flavien habitait déjà en esprit ? dans le royaume où, dans peu d'instants, il devait régner avec Dieu ; ses entretiens en avaient la dignité sereine. Le ciel lui-même avait pris parti pour nous. Une pluie torrentielle avait dispersé la foule, les païens curieux étaient partis, comme pour laisser le champ libre aux consolations et afin que nul profane ne fût témoin du suprême baiser de paix. Flavius remarqua que la pluie semblait tomber afin que l'eau et le sang fussent mélangés, ainsi qu'il arriva dans la passion du Sauveur.

Après qu'il eut fortifié chacun et donné le baiser, il quitta l'étable où il avait cherché un abri et qui touche au domaine de Fuscium et monta sur un pli de terrain ; d'un geste il réclama le silence : « Frères bien-aimés, dit-il, vous avez la paix avec nous si vous restez en paix avec l'Église ; gardez l'union dans la charité. Ne méprisez pas mes paroles : Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, peu avant sa passion, a dit: « Je vous laisse le commandement de vous aimer les uns les autres ». Il termina donnant à ses dernières paroles l'apparence d'un testament par lequel il désignait le prêtre Lucien comme le plus capable, à ses yeux, d'occuper le siège de saint Cyprien. Puis il descendit à l'endroit où il devait mourir, se lia le bandeau laissé par Montan à cette intention, se mit à genoux et mourut pendant sa prière.

Oh ! qu'ils sont glorieux les enseignements des martyrs ! qu'elles sont nobles les épreuves qu'ont subies les témoins de Dieu ! C'est avec raison que l'Écriture les transmet aux générations à venir ; car, si nous trouvons dans l'étude des ouvrages anciens de précieux exemples, il convient que les saints qui ont fleuri de nos jours deviennent également nos maîtres.


A SUIVRE... LE MARTYRE DE SAINT NICEPHORE, A ANTIOCHE DE SYRIE, L'AN 260.
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Message  Monique Jeu 20 Aoû - 8:35

LE MARTYRE DE SAINT NICEPHORE, A ANTIOCHE DE SYRIE, L'AN 260.


Tandis que les Perses, les Borans et les Goths menaçaient sur une étendue immense la frontière de l'empire, les magistrats continuaient à veiller à l'exécution de l'édit de Valérien contre le clergé chrétien. Le légat de Syrie prenait place à côté des féroces proconsuls de l'Afrique. Nous possédons les actes de plusieurs de ses victimes en Asie-Mineure, parmi lesquels ceux de saint Nicéphore. Ces actes, dit M. Allard, ont été écrits dans un but d'édification. Le narrateur a voulu montrer par un exemple saisissant le devoir de pardonner les injures. Il ne suit pas de là que les faits soient inventés, comme le veut Samuel Basnage, car le récit n'offre point de circonstances invraisemblables. L'interrogatoire de Sapricius ressemble à ceux que nous lisons dans les pièces authentiques, et peut être rapproché sans désavantage des interrogatoires de saint Denys et de saint Cyprien; ce sont les mêmes idées, le même accent, c'est le cachet du même temps. On peut admettre que cette partie de la narration a été reproduite d'après une source contemporaine. Deux faits seulement dans toute la passion paraissent singuliers : la torture infligée à Sapricius, dont la qualité de prêtre n'est pas douteuse et qui devait être exécuté tout de suite, aux termes de l'édit de Valérien ; la condamnation sommaire de Nicéphore, sur le rapport d'un officies, sans comparution de l'accusé. Mais il faut se rappeler le lieu et l'époque. La situation était des plus critiques en Asie vers 259 ou 260 ; au nord, à l'est, les envahisseurs gagnaient du terrain. Vieilli, usé, Valérien dirigeait la guerre avec imprudence et mollesse tout ensemble. On sentait dans l'air un désastre prochain. Dans ces moments, les politiques deviennent aisément cruels. Faire souffrir leur semble le moyen de se montrer forts, ils prennent la violence pour l'énergie; de là, peut-être, l'inutile torture de Sapricius. Pour Nicéphore, l'explication est encore plus simple : il s'était offert lui-même à la place du renégat, proclamant son mépris des dieux, sa désobéissance aux empereurs. Comme son acte constituait une sorte de révolte, le légat put se croire autorisé à le réprimer sur-le-champ, en dehors des formes régulières.



BOLL.. 9/II, Febr. II, 283-288.  RUINART, p. 243 et suiv.  P. ALLARD, Hist. des perséc., III, p. 136-139. Voy. CHEVALIER, Répertoire, col. 1621.


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Message  Monique Ven 21 Aoû - 9:54

LA PASSION DE SAINT NICÉPHORE.



Il y avait, à Antioche, un prêtre du nom de Sapricius qui avait le laïque Nicéphore pour ami. Ces deux hommes s'aimaient en frères, on les eût cru formés dans le même sein, tant leur mutuelle tendresse était profonde. Cette amitié était déjà ancienne quand le démon souleva entre eux un sujet de discorde qui alla jusqu'à leur faire éviter de se rencontrer en public. Une haine diabolique les animait maintenant l'un contre l'autre.

Cela durait depuis longtemps, quand Nicéphore, rentrant en lui-même, comprit que la haine est l'œuvre du diable. En conséquence, il chargea quelques amis de se rendre auprès de Sapricius et de le conjurer en son nom de pardonner et d'agréer son repentir. Sapricius refusa. Nicéphore renouvela sa démarche. Sapricius refusa encore. Nicéphore tenta une troisième fois d'obtenir son pardon, car il est écrit que toute parole doit être appuyée du témoignage de deux ou trois personnes. Mais le cœur dur et implacable avait oublié la parole du Christ.: «Pardonnez et il vous sera pardonné » , et « Si vous ne remettez pas aux hommes les offenses qu'ils vous ont faites, votre Père céleste ne vous remettra pas les péchés que vous avez commis contre lui ». Sapricius demeura donc inflexible. Alors Nicéphore vint lui-même à la maison de Sapricius et se jeta à ses pieds en disant : « Au nom de Dieu, mon Père, pardon ! » Sapricius le repoussa. Il manquait à son devoir qui était de faire la paix alors même qu'on ne l'en eût pas prié, car il était chrétien, il était prêtre et engagé au service du Seigneur.

Sur ces entrefaites, la persécution s'alluma dans Antioche. Sapricius fut arrêté et traduit devant le légat qui lui dit : « Ton nom ? »

« Saprice.»

« Ton nom de famille ? »


« Chrétien. »

« Prêtre ou laïque ? »


« Prêtre. »

« Nos seigneurs les Augustes Valérien et Gallien ont ordonné que ceux qui se diront chrétiens sacrifient aux dieux immortels. Si quelqu'un méprise l'édit, qu'il sache qu'il sera torturé et condamné à une mort cruelle. »


« Nous autres chrétiens, répondit Sapricius, nous avons le Christ-Dieu pour roi ; il est le seul vrai Dieu, créateur du ciel, de la terre, de la mer et de tout ce qu'ils renferment. Les dieux des nations sont des démons : qu'elles disparaissent de la face de la terre ces vaines idoles qui ne peuvent faire ni bien ni mal à personne, puisqu'elles sont l’œuvre de la main des hommes »

Le légat donna ordre de placer le martyr dans un appareil en colimaçon auquel on imprimait un rapide mouvement. Sapricius dit : « Tu as pouvoir sur mon corps, tu n'en as pas sur mon âme. Jésus-Christ seul, son créateur, peut quelque chose sur elle ». Il supporta longtemps la torture, jusqu'à ce que le légat, voyant qu'il n'obtenait rien, fit lire la sentence : « Sapricius, prêtre, ayant méprisé les ordres des empereurs, et refusé de sacrifier aux dieux immortels pour ne pas abandonner l'espérance des chrétiens, sera décapité. Je l'ordonne ainsi ».


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Message  Monique Sam 22 Aoû - 9:18

Après le prononcé de la sentence, Sapricius se hâtait d'aller recevoir la couronne, lorsque, en chemin, Nicéphore, averti, courut à lui, se jeta à ses pieds et dit : « Martyr du Christ, pardonne-moi, j'ai péché contre toi ». Sapricius passa son chemin. Nicéphore prit une rue de traverse et, un peu au delà du lieu de leur première rencontre, tomba de nouveau aux genoux du martyr : « Martyr du Christ, suppliait-il, grâce ! pardon pour l'offense que la faiblesse m'a fait commettre, puisque tu vas être couronné par le Christ que tu n'as pas renié, que tu as confessé au contraire en présence d'un grand nombre ». Sapricius, tout à sa haine, n'eut pas une parole, pas un signe de pardon. Les licteurs qui voyaient cette scène disaient : « En voilà un imbécile ! Jamais cela ne s'est vu.  On va lui couper le cou, qu'as-tu encore à lui demander grâce » ?  « Vous autres, vous ne savez pas ce que je demande de lui, disait Nicéphore, mais Dieu le sait bien. »  Nicéphore suivit jusqu'au lieu de l'exécution, il s'approcha de Sapricius et dit : « Il est écrit : Demandez et on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira ». Sapricius demeura sourd.

A ce moment les licteurs dirent à Sapricius : « A genoux, pour qu'on te coupe la tête ».  « Pourquoi » ? fit Saprice.  « Parce que tu as refusé de sacrifier aux dieux et méprisé l'édit des empereurs pour demeurer fidèle à un individu nommé Christos ».  « Arrêtez, j'obéis, je sacrifie. »

Nicéphore entendit cela, il cria : « Frère, ne pèche pas, ne renie pas le Seigneur Jésus, ne l'abandonne pas, ne perds pas la couronne obtenue par tant de souffrances ».

Sapricius n'écoutait plus. Voyant cela, Nicéphore se tourna vers les licteurs : « Je suis chrétien, moi, je crois en Notre-Seigneur Jésus-Christ qu'il a renié. Tuez-moi à sa place ». Les licteurs n'osèrent le faire, n'ayant pas ordre du légat. Nicéphore répétait : « Je suis chrétien, je ne sacrifie pas aux dieux, je n'obéis pas aux empereurs ». Un des licteurs courut faire son rapport au légat : Sapricius promet de sacrifier, mais il y en a un autre qui veut mourir pour Christos, il braille : « Je suis chrétien, je ne sacrifie pas, je n'obéis pas ».

Sur-le-champ le légat porta cette sentence : « S'il ne sacrifie pas aux dieux, comme l'ont commandé les empereurs, qu'on lui coupe la tête ». Ce qui fut fait. Ainsi mourut Nicéphore, qui monta recevoir au ciel la couronne de la foi, de la charité et de l'humilité.


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TOME II - LE TROISIÈME SIÈCLE DIOCLÉTIEN par le R. P. DOM H. LECLERCQ - Page 5 Empty Re: TOME II - LE TROISIÈME SIÈCLE DIOCLÉTIEN par le R. P. DOM H. LECLERCQ

Message  Monique Dim 23 Aoû - 10:00

Bonjour à tous,

Ayant remarquée que plus mon travail avançait et plus je trouvais que ces livres avaient quelque chose de dérangeant. Sur cela, gabrielle a posé la question sur la Tribune et je vous livre la réponse de Si vis pacem, que je remercie pour son travail de recherche.

https://www.larchange.org/viewtopic.php?f=13&t=1119&p=12337&sid=171f2c532315be972236a52746388961#p12336
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