Comment toujours prier - Raoul Plus s. j.

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Message  Roger Boivin Sam 19 Aoû 2017, 10:06 am


Raoul PLUS, S. J.

COMMENT
"Toujours Prier"


PRINCIPES ET PRATIQUE DE
L'UNION À DIEU

- 50me Mille -

APOSTOLAT DE LA PRIÈRE
TOULOUSE
9 Rue Montplaisir, 9

Imprimi potest : Jh. DEMAUX lagrange, Tolosae, 1e oct. 1925
Nihil obstat : F. CAVALLERA, c. d. Tolosae, 2e oct. 1925
Imprimatur Tolosae, die 2e octobris 1925 J. DÉLIES, v. g.

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Message  Roger Boivin Sam 19 Aoû 2017, 10:06 am



TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION


PREMIÈRE PARTIE : Les Principes


CHAPITRE I

Toujours penser à Dieu est impossible

I. Raison de cette impossibilité
II. Difficulté déjà de penser à Dieu, de façon suivie, un certain temps

CHAPITRE II

Toujours penser à Dieu n'est pas nécessaire

I. Etat de prière et devoir d'état
II. Notre-Seigneur, modèle de l'état de prière

CHAPITRE III

Souvent penser à Dieu est très utile

I. Pas d'état de prière sans renoncement habituel
II. Pas de renoncement habituel sans constant recueillement



DEUXIÈME PARTIE : La Pratique


CHAPITRE I

Bien faire son oraison

I. Préparer son oraison
II. S'activer à l'oraison
III. Persévérer dans l'oraison

CHAPITRE II

Faire de tout une oraison

I. La pureté de l'intention
II. La perfection des actions

CHAPITRE III

Semer en tout de l'oraison

I. Pratique des oraisons jaculatoires
II. Avantages de cette pratique


CONCLUSION

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Message  Roger Boivin Sam 19 Aoû 2017, 10:07 am


INTRODUCTION

______

Dieu vit en nous. Toute âme en grâce est porteuse du Très-Haut, porteuse de présence réelle...

C'est un fait, une réalité, une certitude.

En face de ce fait, ou récemment découvert par eux ou depuis longtemps médité, certains pourraient être tenté, - sont tentés - de se dire : "Puisqu'il en va ainsi, puisque Dieu daigne habiter continuellement en moi ; moi je n'ai plus qu'un désir, habiter avec Lui continuellement au fond de moi. Mon idéal sera désormais de ne plus perdre un seul instant la pensée de Dieu. Aussi bien Notre-Seigneur n'a-t-il pas dit : Il faut toujours prier. Je veux faire de ma vie une prière incessante. Aujourd'hui même commençons."

Qu'y a-t-il de praticable dans ce désir ainsi formulé et que comporte-t-il de chimérique ; comment concilier les exigences du "toujours prier" avec les nécessités de notre être psychologique et de notre vie courante, les sollicitations bien comprises du monde invisible que nous portons en nous et les impérieuses et légitimes exigences du monde sensible qui nous environne, les attraits d'une vie que l'on aimerait aussi contemplative que possible avec les devoirs de la vie active, - d'un mot, comment comprendre le recueillement de façon à concilier à la fois la générosité et la sagesse, voilà ce que nous voudrions préciser.

TROIS PRINCIPES commandent cette mise au point :

Un principe de psychologie : On ne peut (sauf exception) appliquer constamment son esprit à Dieu ;
Un principe de morale : Être uni de volonté avec Dieu l'emporte sur être uni de souvenir avec Lui ;
Un principe d'ascétisme : Le souvenir fréquent de Dieu aide beaucoup à l'union intime du vouloir avec Dieu.

Ou, si l'on veut, plus brièvement et sans préjuger encore des explications nécessaires :

Toujours penser à Dieu est impossible ;
Toujours penser à Dieu n'est pas nécessaire ;
Souvent penser à Dieu est très utile.

Ces trois principes une fois posés, il restera d'indiquer comment LA PRATIQUE d'une vie de parfait recueillement se ramène à ces trois règles :

Bien faire son oraison ;
Faire de tout une oraison ;
Semer en tout de l'oraison.
______

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Message  Roger Boivin Sam 19 Aoû 2017, 2:19 pm



PREMIÈRE PARTIE

______


Les Principes

_______


I. - Toujours penser à Dieu est impossible ;

II. - Toujours penser à Dieu n'est pas nécessaire ;

III. - Souvent penser à Dieu est très utile.

_______

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Message  Roger Boivin Sam 19 Aoû 2017, 2:20 pm



CHAPITRE I
_______

Toujours penser à Dieu est impossible
_______

I. - Raison de cette impossibilité.
II. - Difficulté déjà de penser à Dieu,
de façon suivie, un certain temps.

I

Une distinction d'où jaillira une grande lumière s'impose dès le début. Il faut se garder de confondre les ACTES de prière et l'ÉTAT de prière.

Nous préciserons plus loin en quoi consiste l'état de prière. Quant aux actes de prière, personne ne se méprend. Suivant que notre oraison sera vocale ou mentale, nos actes de prière seront ou de paroles récitées de bouche, ou de cris intimes, formulés ou informulés, partant du cœur, des élans, des silences unissants. Dans les deux cas, notre pensée est occupée ou cherche à s'occuper de Dieu.

Nos actes de prière sont des moments d'union cordiale de notre souvenir avec Dieu.

Le problème est celui-ci. Ces moments d'union cordiale de notre souvenir avec Dieu peuvent-ils être à ce point rapprochés qu'ils constituent une trame à peu près continue ? Plus brièvement : Ma pensée peut-elle être sans cesse occupée de Dieu ? Puis-je ne songer qu'à Dieu ?

Non, et il y a à cela une double impossibilité. Impossibilité pratique d'abord. Notre devoir d'état nous enjoint une foule d'actes autres que des actes formels de prière ? Ce sera une classe à préparer ou à faire, un travail d'intérieur ou de charité à assurer, une occupation intellectuelle absorbante. Et s'il est vrai qu'au milieu des occupations matérielles, on peut à la rigueur, sans nuire à l'action en cours, songer à autre chose, une occupation même extérieure, dans la majorité des cas et pour la majorité des personnes, absorbe toute l'activité même intellectuelle. Ainsi le veut notre faiblesse native. Nous essayerons de dire plus loin comment, avec sagesse et méthode, on peut y changer quelque chose ; mais le fait est là. Immergé dans le sensible, nous n'avons avec l'Invisible que des rapports difficiles, toujours fragmentaires. Composés que nous sommes de corps et d'esprit, on ne peut nous demander et nul ne doit exiger de lui-même, une vie de pur esprit.

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Message  Roger Boivin Sam 19 Aoû 2017, 2:21 pm


A cette difficulté pratique s'ajoute une difficulté d'ordre psychologique.

Même si les occupations extérieures étaient réduites au minimum, et si l'âme - ainsi qu'il arrive dans les vocations contemplatives - jouissait d'une bonne partie de son temps pour vaquer à l'oraison, même alors, des exercices continus de prière seraient impossibles, sous peine d'amener à bref délai cassement de tête et radicale impuissance.

Nous ne sommes pas des séraphins. Même les horaires des contemplatifs sont coupés d'occupations autres que la contemplation. Nul ne peut constamment ajouter à des exercices de prière d'autres actes de prière.

C'est donc illusion de vouloir ne perdre à aucun instant la pensée, le souvenir, de Dieu. Notre capacité mentale est inapte à cela.

Dieu sans doute peut donner à une âme des facilités spéciales, et de lui accorder de vivre continûment avec le souvenir ou le sentiment de sa présence.

Nous ne sommes plus alors dans le cas d'une présence de Dieu, résultante normale de nos efforts. C'est Dieu qui s'abandonne au plaisir qu'il a de combler. Il entoure l'âme d'une sorte de chape de recueillement (1), d'ailleurs, plus ou moins impénétrable aux bruits du dehors. Cela peut aller de la simple touche mystique temporaire et souvent très courte, à l'union continue. Dans ce dernier cas la "chape" est permanente ; l'âme ne possède plus par éclipses la chère présence ; non, elle en jouit à demeure. Cela peut provoquer chez elle, au début, des moments d'absorption qui la rendent plus ou moins inapte à cadrer avec son milieu ordinaire : ce qu,elle voit au dedans est tellement différent du décor de carton peint où le monde qui l'entoure évolue ! Au dernier stade de l'union (2), l'âme concilie très bien sa vie dans la région du sensible avec sa vie dans l'invisible, et au milieu même de l'existence extérieure qu'elle traverse apparemment comme tout le monde, elle garde a dedans le perpétuel contact du Maître Divin. Elle est liée et elle est libre ; et d'autant plus libre qu'elle est liée à la Souveraine Liberté dont elle dépend absolument.

______

(1). Les auteurs appellent cette sorte de recueillement, le recueillement infus, pour le distinguer de celui qui est le fruit de nos efforts et qu'ils nomment le recueillement acquis - on dirait mieux : conquis.

(2). Union transformante ou "mariage spirituel".


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Message  Roger Boivin Sam 19 Aoû 2017, 2:23 pm


Les maîtres spirituels, unanimement, reconnaissent que les âmes favorisées de cet ultime degré d'union de souvenir avec Dieu sont rares. L'accord est moins grand sur la question de savoir si le nombre des âmes de prière douées plus ou moins de périodes de recueillement "infus" se trouve ou non considérable. Tous estiment qu,en toute hypothèse ce recueillement "infus" dépasse le simple pouvoir humain, et que nul, même au prix de plus grands efforts, ne peut y prétendre de droit. Mais les uns pensent que si une âme, d'ailleurs psychologiquement apte, et dans des conditions qui ne viendront rien contrecarrer, s'adonne à la vie parfaite, se mortifie en tout, fait oraison, elle parviendra en fait, quoique Dieu ne lui doive pas, au recueillement "infus" - à l'état du moins inchoatif [début, commencement]. Dieu, disent-ils, a tant de désir de se donner, que là où il trouve une âme bien disposée et par hypothèse pleinement détachée, il se communiquera sûrement à elle. Sûrement, oui, répondent les autres ; sûrement de cette manière, est-ce bien sûr ? Nous sommes créés sans doute pour la vision, mais au terme. "Viateurs", nous sommes dans le monde de la foi. Dire que tout âme renoncée est appelée à quitter ce monde de la foi pour entrer déjà dans un monde de possession directe, n'est-ce point faire de ces âmes des "semi-viateurs". De plus, objecte-t-on encore, n'a-t-on point des exemples de personnages pleinement détachés, ayant vécu longtemps, semblant aptes, et qui pourtant n'ont jamais eu l'ombre d'une grâce mystique ?

Ce n'est point le lieu de prendre partie dans cette discussion.

En tout état de cause, puisque le recueillement "infus", qu'il soit ou non, en fait, l'aboutissement normal du recueillement "acquis", se trouve, en lui-même et de droit, indépendant de nos efforts, on ne peut donner de technique, moins encore de technique infaillible, pour s'y préparer.


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Message  Roger Boivin Dim 20 Aoû 2017, 7:52 am



II


Il en va autrement du recueillement dit "acquis". Lui dépend tout entier de nous, avec s'entend, la grâce de Dieu, mais une grâce qui reste du domaine des grâces courantes.

Toutefois, il importe de préciser l'étendue et les limites de cette action de l'homme sur son imagination, sa sensibilité, sa pensée.

Sur sa pensée, l'homme possède un pouvoir direct. Je puis penser à ce que je veux. Il n'en va de même de notre autorité sur l'imagination et la sensibilité. Ici, nous n,avons qu'un pouvoir indirect ; images et réactions sensibles s'introduisent et opèrent en nous sans nous, - hélas trop souvent contre nous ! Notre pouvoir consiste uniquement à nous établir dans des conditions de calme, de milieu favorable. Je ne puis empêcher telle image de traverser mon cerveau. mais je puis m'interdire de facilité l'entrée de certaines images dans mon cerveau. Elles entreront peut-être malgré tout. Du moins, le les aurais-je pas aidés. L'imagination - et la sensibilité - sont deux folles du logis. Je puis limiter leurs méfaits, circonscrire le champ de leurs évolutions. Les tenir complètement en lisière, impossible. Et dans les moments où on souhaiterait le plus avoir la paix, au prie-Dieu par exemple ou durant un travail absorbant, les voilà qui s'insinuent, commencent leur sarabande, parfois leur obsession.

De ces constatations psychologiques élémentaires, il ressort à l'évidence que nos possibilité de recueillement sont à la fois très grandes et très petites.

Très petites, car mémoire et imagination cherchent incessamment et malgré nous à nous divertir, et parfois Dieu sait comment ! Saint Jérôme dans son désert était poursuivi par la pensée des fêtes romaines ; saint Antoine par des fantasmagories dont la peinture nous a gardé une représentation pittoresque.

Très grandes. Ne sommes-nous pas maîtres à chaque instant de ramener virilement notre esprit à son sujet ; maître surtout d'éloigner de nous dans une très large mesure les causes préalables de divertissement.

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Message  Roger Boivin Dim 20 Aoû 2017, 12:14 pm


Tous les Maîtres y insistent quand ils parlent de la préparation lointaine à l'oraison.

Si l'on se jette à corps perdu dans le monde, la frivolité, le plaisir même innocent, on aura mauvaise grâce à se plaindre de rester de longs moments sans s'occuper de Dieu, ou de se trouver aride et sans pensée à l'oraison. Le contraire serait surprenant.

- J'ai beau essayer de faire oraison, dit-on parfois, je n'arrive à rien. Il suffit que je me mette au prie-Dieu pour qu'aussitôt, comme s'abattrait sur des miettes une volée de moineaux, les distractions tombent sur mon esprit et le picorent sans me laisser une ombre de répit.

- N'avez-vous semé vous-mêmes les miettes en accueillant toutes les distractions possibles, conversations inutiles, lectures frivoles, curiosités vaines, et le reste. Dès que vous ne remuez plus, l'imagination s'en donne à cœur joie. N'est-ce point naturel ?

Il y a un art de préserver sa pensée, d'assainir son cerveau, de décanter les images, de tamiser les impressions. Si chaque fantaisie peut entrer en nous comme dans un moulin et jeter sous la meule ce qui lui plaît, tout à l'heure, au lieu de la farine homogène du blé bien pur, que de pailles inutiles ! A qui la faute ?

Comme l'on ne détruit vraiment que ce que l'on remplace, le problème est moins d'écarter de l'imagination et de la sensibilité images et impressions inutiles, que de suggérer à ces deux facultés matière profitable ; on devra donc s'efforcer de vivre habituellement avec un lot d'images et d'impressions fécondes et saintes.

D'où une sorte de cercle vicieux intéressant.

Pour garder le recueillement habituel, le meilleur moyen sera la fidélité à l'oraison.

Pour bien faire oraison, la meilleure condition sera le recueillement habituel.

Ce n'est pas sans raison que saint Ignace recommande à qui veut prier avec fruit, de préparer son sujet la veille au soir afin "d'occuper" la mémoire. Puis de s'endormir en songeant à la matière de l'oraison ; dès le réveil, se rappeler le sujet préparé et durant la toilette s'en entretenir doucement. Conseil d'un maître en ascétisme, mais tout autant d'un maître en psychologie. Encore, le moment venu de prier, recommande-t-il, si l'on est seul, de ne pas se placer aussitôt à genoux, mais debout à quelque distance, de réfléchir à Dieu présent ; puis de baiser la terre, pour "humilier la machine", et associer le corps à la religieuse attitude de l'âme.

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Message  Roger Boivin Lun 21 Aoû 2017, 7:45 am


C'est la préparation prochaine, venant compléter l’œuvre de la préparation lointaine. Il est facile d'appeler cela minutie. Quiconque à cherché sérieusement à faire oraison, n'ignore pas qu'il faut appeler cela sagesse et génial bon sens (1). Venir à l'oraison, comme font certains, juste au sortir d'une action absorbante et sans transition, puis espérer qu'aussitôt à genoux le silence intérieur va exister, les pensées divines abonder, quelle plus grossière illusion. L'homme est tout d'une pièce. Il n'y a pas en lui de cloisons étanches. Tout nous-même entre avec nous dans chaque démarche de notre activité. Il faut des prodiges d'habileté pour laisser à la porte ce qu'on ne veut pas agenouiller. Parfois l'on a beau faire : même avec de la bonne volonté, on n'arrive pas à demeurer, durant l'oraison, maître chez soi. A plus forte raison si la volonté prévoyante n'a point préservé les abords.

En sens inverse, la pratique de l'oraison servira de préparation la meilleure à la vie de recueillement.

Il s'agit d'introduire en nous un lot d'images et d'impressions utiles pour la prière. Rien n'y aidera mieux que l'habitude, chaque jour, d'une prise de contacte voulue avec Dieu. Ainsi que le disait si justement la Fondatrice des Oblates du Sacré-Cœur, Louise-Thérèse de Montaignac : "S'est s'habituer à aimer à heures réglées qui attire la bienheureuse habitude de rentrer à toute heure en Dieu."

Espérer vivre recueilli et ne pas s'adonner à l'oraison, faux calcul et lourde illusion (2). Prier quand on le doit et qu'on le peut, et le faire de son mieux, moyen le meilleur pour apprendre à toujours prier. Il nous faudra y revenir.




(1). L'Église, par la pratique de l'eau bénite à l'entrée dans le Temple Saint, de la génuflexion, du signe de la croix, ne cherche pas autre chose : donner à l'âme qui vient du dehors l'impression de la proximité divine.

(2). "On est debout 16 heures. On ne trouvera pas 1/16e de sa journée ? Quoi ! il y a vraiment 16 choses plus importantes, - et cela tous les jours ? " Extrait des dernières pensées, du R. P. Bouillon, s.j., ancien Provincial (Librairie du S. C., place Bellecour, Lyon), p. 72 - Encore parlait-il de la méditation d'une heure. S'il ne s'agit que d'une demi-heure ou d'un quart-d'heure, c'est 1/32e et 1/64e qu'il faut lire.

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Message  Roger Boivin Lun 21 Aoû 2017, 9:59 am



CHAPITRE II

______



Toujours penser à Dieu n'est pas nécessaire

______


I. - État de prière et devoir d'état.
II. - Notre-Seigneur modèle de l'état de prière.



I


Dans un excellent opuscule : Direction pour rassurer dans leurs doutes les âmes vouées à la piété, le barnabite Quadrupani observe : "Agir pour Dieu vaut mieux que penser à Dieu."

Bien comprise, cette proposition est des plus justes. Il ne s'agit nullement de décider laquelle est la plus parfaite, de la vie contemplative ou de la vie active. La question est depuis longtemps résolue et se trouve absolument en dehors de la présente étude.

Voici le point. Dans une vie quelle qu'elle soit, contemplative ou non, dans le cloître ou dans le monde peu importe, en dehors du moment consacré comme il convient aux exercices de piété, qu'est-ce que Dieu demande : est-ce de penser à Lui, ou bien plutôt et avant tout d'agir pour Lui. Est-ce notre cerveau que Dieu réclame, ou notre cœur ; notre mémoire ou notre vouloir ?

Sans contredit, notre vouloir. Avant tout, et réserve faite du temps de l'oraison où alors notre "agir pour Dieu" est de "penser à Lui", Dieu nous demande en tout occurrence d'agir pour Lui - au besoin même, en évitant de penser à Lui, si penser à Lui se trouve, et le cas n'est point chimérique, au détriment de "l'agir pour Lui."

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Message  Roger Boivin Lun 21 Aoû 2017, 1:15 pm


Un exemple va tout éclairer.

Telle mère de famille se trouve chargée d'impérieux devoirs d'intérieurs, enfants nombreux, encore petits, personnel réduit ; nécessité de s'employer elle-même à la bonne marche de la maison. Mal instruite de ses devoirs, la voilà qui, le matin, alors que la sagesse exigerait qu'elle demeurât chez elle et présidât aux soins du ménage, se rend à la messe et s'y répand en longues - et d'ailleurs ferventes - prières.

Se trouve-t-elle dans la ligne exacte de ce que Dieu lui demande, de ce qu'une spiritualité prudente réclame ?

Ou bien, supposons-le, la messe matinale est possible ; mais revenue à son foyer, voilà cette mère de famille tellement absorbée par ses goûts de piété qu'elle ne fait rien de bien. Les moments de prière se multiplient, les oraisons ou élans s'accumulent, mais aussi les vêtements à réparer, les oublis de toutes sortes, les négligences. Qui ne conseillera : moins d'exercices de piété, plus de fidélité au devoir d'état.

Il est clair que dans le cas où le devoir réclame de nous la prière, tout l'effort doit se porter à penser à Dieu le mieux possible.

En dehors de là, que réclame le devoir ? Que l'action présente soit faite pour Dieu le mieux possible ; qu'en agissant je ne me recherche en rien moi-même, que Dieu seul soit l'objectif dernier que je poursuive (1).

Cette dernière ligne exprime en résumé la théorie exacte du "Toujours prier".



(1). Jolie parole de Boudon, l'archidiacre d'Evreux : "Je désirerais que tous les chrétiens fussent toujours, en la présence de Dieu en la manière que l'expliquait le P. de Condren. Il disait que c'était toujours être en présence de Dieu que de faire ses actions de telle sorte qu'en y faisant réflexion, on ne voulut pas les faire d'une autre manière ni pour d'autres motifs".

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Message  Roger Boivin Lun 21 Aoû 2017, 8:09 pm


Toujours prier ne veut point dire, juxtaposer aux exercices de piété de nouveaux exercices de piété, à un chapelet faire succéder un petit office, puis une lecture, puis une oraison mentale, et ainsi de suite ; - mais vivre dans un état où tout soit "élévation de l'âme vers Dieu". Personne ne peut, sous peine de folie rapide, ne faire de sa vie qu'un tissu ininterrompu d'exercices de piété ! Tout le monde doit, sous peine de mettre de l'humain dans son existence, vivre en faisant remonter aussi purement que possible à Dieu, son activité entière.

Les actes continus de prière sont impossibles : l'état continue de prière est souverainement désirable.

Or, l'état de prière consiste dans l'entière pureté d'intention au long du devoir d'état. Je ne puis avoir la pensée sans cesse occupée de Dieu. Je ne dois jamais avoir la volonté orientée vers autre chose que Dieu (au moins comme but dernier).

Par l'intime fond du vouloir, lui rapporter non toujours explicitement, mais effectivement ce que nous faisons, voilà l'union à Dieu sous une forme à fois très accessible et très parfaite.

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Message  Roger Boivin Mar 22 Aoû 2017, 7:53 am


La question revient donc à ceci : Comment rapporte à Dieu, par le fond intime du vouloir, toutes nos actions ?

C'est le problème de la direction de l'intention.

Il y a bien des manières de diriger vers Dieu son intention :

- Ou bien en songeant à Lui au moment même où l'on agit : intention actuelle ;

- Ou bien sans y songer présentement, en agissant sous l'emprise d'une intention antécédemment adoptée et dont l'influence dure encore : intention virtuelle.

- Certains inclinent à penser que l'intention habituelle suffit pour que notre activité soit surnaturellement méritoire. Par le seul fait que l'orientation générale de la vie ne se trouve pas contrariée par un acte positif en sens inverse, la vie garde son cours, sa tendance vers Dieu, sa valeur éternelle.

Avec cette dernière hypothèse, tout acte humain qui n'est pas mauvais s'achemine de soi vers Dieu, est donc un acte montant, une élévation vers Dieu, donc en même temps qu'un acte méritoire, une prière.

Si l'on réclame l'intention virtuelle, la partie reste belle. Dans une âme fervente, toute l'activité est commandée par des mobiles nettement surnaturels, et l'intention virtuelle existe presque toujours.

Donc, dans une vie chrétienne généreuse, si l'on distingue, d'une part, les actes de prière proprement dits, les exercices de piété, d'autre part, les autres manifestations conscientes de l'activité, tout se trouve monter vers Dieu ; - ce qui est formellement prière, c'est trop clair ; - ce qui est formellement prière, tout aussi justement, puisque, d'accord avec la définition : élévation de l'âme vers Dieu.

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Message  Roger Boivin Mar 22 Aoû 2017, 7:55 am


Bossuet décrit ainsi cette seconde forme de prière :

"C'est désirer de louer Dieu dans toutes les créatures et pour toutes les créatures, en faisant un bon usage d'elles toutes, et les sanctifiant par cet usage, afin qu'Il soit glorifié : bon usage de la lumière et des ténèbres ; bon usage du beau temps et de la pluie ; bon usage du feu et de la glace ; bon usage de tout ce qui est, et à plus forte raison, de soi-même, de ses yeux, de sa langue, de sa bouche, de ses mains et de ses pieds et de tout son cœur, et à plus forte raison de son âme, de son intelligence..."(1).

Ailleurs il dit encore :

"Il faut prier pendant le jour, prier pendant la nuit et tout autant de fois qu'on s'éveille ; et cette prière perpétuelle ne consiste pas en une perpétuelle tension de l'esprit ; mais plutôt..., ayant prié à ses heures..., on se tient le plus qu'on peut dans un état de dépendance envers Dieu, en lui exposant son besoin, c'est-à-dire en lui remettant devant les yeux, sans rien dire. Alors, comme la terre entr'ouverte et desséchée semble demander la pluie, seulement en exposant au ciel sa sécheresse, ainsi l'âme, en exposant ses besoins à Dieu : "Seigneur, semble-t-elle dire, je n'ai pas besoin de vous prier ; mon besoin vous prie ; mon indigence vous prie ; ma nécessité vous prie... Ainsi on prie sans prier, et Dieu entend ce langage"(2).



(1). Lettre V à la sœur Cornuau : éd. Vivès, T. XXVII, p. 447.
(2). Méditations sur l'Évangile, 40 et 41mes jours ; éd. Vivès. T. VI, p. 61,62. - Voir également Bourdaloue : Pensée sur la Prière.

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Message  Roger Boivin Mar 22 Aoû 2017, 1:19 pm


Elle appliquait admirablement cette doctrine, l'âme aimante qui écrivait : "J'ai toujours pensé que la nuit, ma meilleure prière est le sommeil... Seulement je ne dors pas tout entière, mon cœur veille auprès du tabernacle, et je prie mon bon ange d'en offrir chaque battement à Notre-Seigneur comme acte d'amour"(1).

Saint Augustin dit de même, expliquant aux fidèles d'Hippone le verset du psaume XXXIV : "Tout le jour, Seigneur, ma langue publiera vos louanges". Si vous chantez une hymne, vous louez Dieu (à supposé que le cœur se joigne à la parole) ; les chants ont cessé, c'est le moment du repas, gardez-vous de l'excès et vous avez loué Dieu. Vous retirez-vous pour prendre votre sommeil ? Ne vous levez pas pour mal faire et vous avez toujours loué Dieu. Vous livrez-vous au commerce ? Point de fraude et vous avez loué Dieu. Êtes-vous cultivateur ? Pas de chicane et vous avez encore loué Dieu. Voilà comment, par l'innocence de vos œuvres vous êtes à même de louer Dieu tout le jour"(2).



(1). Sr Agnès de la Croix, des Gardiennes adoratrices de l'Eucharistie, dites de St Aignan, p. 84 (Lethielleux).
(2). Enarr in Ps. 34, 2e serm., P. L. 36, 34. - S. Bonaventure, plus brièvement, dira : Non cessat orare qui non cessat benefacere : "Celui qui agit bien prie constamment" ; et Louis de Blois : Qui semper bene agit, semper orat. sancta vita, oratio assidua : "Bien agir, c'est prier toujours ; une vie sainte, c'est une prière ininterrompue."

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Message  Roger Boivin Mar 22 Aoû 2017, 6:59 pm


Résumons : Est prière tout ce qui monte vers le Très-Haut pour l'adorer, le remercier, lui demander pardon et implorer ses grâces, - tout ce qui monte vers Lui, soit par prière explicite et formelle (les ACTES de prières), soit par prière implicite et virtuelle (le reste de notre activité surnaturalisée, c'est-à-dire le DEVOIR D'ÉTAT surnaturellement compris et vécu)(1).

Autrement dit : Nous pouvons prier ou par notre pensée ou par notre vouloir. Par notre pensée : ce sont nos exercices de piété. Par notre activité tout entière montant vers Dieu : nos obligations courantes surnaturellement exécutées(2).

L'état de prière c'est le culte du devoir d'état.



(1). C'est ce que Notre-Seigneur voulait faire entendre à sainte Gertrude par ces paroles : "Est-ce que tu trouve que l'Époux a moins de plaisir lorsqu'il entretient familièrement et avec tendresse dans la chambre nuptiale son épouse, que lorsqu'il est tout fier de la voir se produire en public dans tout l'éclat de sa parure". Sainte Gertrude : Le Héraut de l'amour divin, T. I, p. 209.
(2). Les associés de l'Apostolat de la Prière savent que la pratique de l'offrande quotidienne n'a pas d'autre but que de les mettre en état de prière.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Aoû 2017, 8:35 am


II


La théorie paraît claire. Les conséquences ne le sont pas moins.

Se figurer que tout au long de son activité, dans l'hypothèse où elle se trouve pleinement surnaturelle, on ne vit pas uni à Dieu parce qu'on ne pense pas à Dieu, c'est se tromper grossièrement. Nous dirons au chapitre suivant comment il est possible - et souhaitable - de mêler à son "agir pour Dieu" le "penser à Dieu". Mais il faut, avant tout, bien comprendre que l'actuel "penser à Dieu" n'est point, de soi, réclamé pour le "surnaturellement agir".

Sinon, il faudrait admettre que seuls seraient "montant vers Dieu" nos actes auxquels se mêlerait explicitement un geste formel de prière, ce qui réduirait notre activité surnaturelle et priante aux seuls "actes" de piété. Il est trop clair que l'on ne peut être tout le jour à penser au Seigneur dans quelque coin, les mains jointes ; au demeurant, cela ne se trouve point requis.

Bien mieux, quelquefois, nous l'avons marqué, les actes formels de prière devront céder le pas devant une obligation plus urgente.

D'abord et avant tout, le devoir d'état. L'union de notre vouloir avec la volonté de Dieu, voilà la véritable union à Dieu. Si la volonté de Dieu ou son désir sainement apprécié par une réflexion sage et suivant un programme approuvé, se trouve que présentement je prie, mon devoir est de prier ; si, actuellement, de laisser la prière pour vaquer à d'autres devoirs, même si ces devoirs très absorbants ne me laisse aucun repos d'esprit pour garder durant ce temps l'union de souvenir avec Dieu, mon union à Dieu est parfaite.

La sainteté se trouve là, dans l'union de notre volonté au divin vouloir(1).



(1). Illusion, et qui n'est pas rare de mettre si bien la contemplation au-dessus de l'action qu'on en vient à oublier qu'au-dessus de l'une et de l'autre il y a la volonté de Dieu, que l'une et l'autre sont de simples moyens, et ne doivent pas se confondre avec le but qui est la sainteté... Que Marthe ne se plaigne pas du travail entrepris pour Dieu. Saint-François de Sales lui dira qu'il y a une extase des œuvres, laquelle, tout aussi bien que l'extase de l'oraison, mais autrement, nous jette hors de nous-même, en Dieu ! - Ainsi parle le P. Brou à propos de la Mère Barat écrivant à une supérieure : "Quand à votre difficulté de vous recueillir et de vous unir à Notre-Seigneur au milieu des occupations si distrayantes qui vous excèdent, ne vous en inquiétez pas : c'est pour Dieu que vous les supportez, et que d'occasion vous avez de vous renoncer. Certainement, cette vie de sacrifice, de travail, de support du prochain, est bien la meilleure prière que vous puissiez faire, pourvu toutefois que vous éleviez fréquemment votre cœur vers notre bon Maître, et que vous agissiez purement pour Lui". Brou : Travail et prière : Sainte Mad.-Soph. Barat, Beauch. 1925, p. 282 et 181-182.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Aoû 2017, 3:33 pm


Que disait de lui Notre-Seigneur : "Ma nourriture, c'est-à-dire la substance, la moelle même de ma vie, ma raison d'être et d'agir, c'est de faire la volonté du Père". Et Marie, la créature la plus "Christ", la plus "chrétienne" au sens fort du mot, ne dira pas autre chose, "Ancilla Domini".

Nous n'avons rien d'autre à faire : agir en tout suivant la volonté divine. Il ne nous est pas demander d'imiter, du Christ, sa naissance dans une mangeoire d'animaux ou sa montée en croix. Il nous est demandé de reproduire en tout la disposition fondamentale de son existence entière, à savoir l'absolue et radicale soumission à tous les vouloirs et désirs de son Père.

Le Christ, essentiellement, est cela : Quelqu'un d'égal au Père, qui se fait subordonné pour pouvoir, par son obéissance, réparer la désobéissance originelle. Verbe, il était l'égal. Incarné, il sera l'inférieur.

Toute sa vie se définira : Factus obediens, obediens usque ad mortem. Obéissant, obéissant jusqu'à la mort. Trente ans de sa vie il obéit, erat subditus : il était soumis. Le reste du temps, il obéit encore ; Christus non sibi placuit : Le Christ n'a suivi en rien son caprice. C'eût été détourner à son profit quelque chose d'une activité ayant le Père pour centre unique : Nesciebatis quia in his quae patris mei sunt, oportet me esse : Je me dois entièrement aux choses du Père... Il se livre aux "choses du Père" jusqu'au tragique de l'Agonie et du Calvaire. Non mea voluntas sed tua fiat. Pas ma volonté, la vôtre ! Jusqu'au moment où, remontant à son Père, il peut cesser d'obéir : Consummatum est. J'ai accompli toute la tâche.

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Message  Roger Boivin Mer 23 Aoû 2017, 10:16 pm


Il faut toujours revenir à cette vérité fondamentale. Pour vérifier l'idéal chrétien, chacun de nous doit centrer sa vie de même façon que Notre-Seigneur, ne jamais agir en prenant son caprice pour fin dernière, mais toujours et uniquement, de façon plus ou moins formelle, mais toujours effective, les "choses du Père", la volonté de Dieu(1).

Si tel est en effet "le Christ", chaque chrétien pour mériter réellement son titre "d'autre Christ" devra se faire une réplique, un double, de ce Suprême Obéissant qu'était son Maître, quelqu'un de tellement soumis aux volontés et aux désirs du Père, qu'il ne voit plus en tout que ce que le Père demande : "On m'appellera", disait Isaïe, dans un de ses plus beaux textes messianiques, "On m'appellera : "Ma volonté est en Lui". Tout chrétien devrait vérifier pour son propre compte, cet idéal de vie du sauveur-Jésus(2).

Mais cela, pour se vérifier, suppose la mort de l'empressement naturel et du caprice. Le moi relégué à l'arrière-plan, n'ayant rien à dire dans la gouverne de notre vie, ou n'ayant à parler qu'après Dieu et toujours sous sa lumière ; le "moi" réduit à une sujétion judicieuse, à cette obéissance du dedans qui est l'imitation parfaite du Sauveur : Non quaero voluntatem meam sed ejus qui misit me...(3). Quoe placita sunt ei, facio semper(4). N'était-ce point le conseil que donnait saint Paul à qui voulait reproduire vraiment Jésus Crucifié. Se crucifier avec Jésus-Christ, ce n'est point s'enfoncer des clous dans les mains et dans les pieds, mais se plier à cette renonciation absolue qui vaut tous les gibets(5).

Agir pour notre propre caprice, en nous prenant nous-même comme but ultime, ce n'est pas accomplir une action montante, mais au contraire une action "descendante" ; c'est replier vers soi, vers sa petite infime, quelque chose de son activité, se prendre pour centre, sortir de la parfaite imitation du Christ, et cesser d'être uni au vouloir de Dieu, c'est omettre de "prier".




(1). S'il faut en croire Marie d'Agréda, N.-S. n'a jamais exercé qu'une seule fois la faculté qu'il avait de choisir, et c'est lorsqu'il a choisi la souffrance. Cité en note dans Faber : Bethléem, I p. 50, Retaux, 5e éd.
(2). Consummata n'avait pas d'autre objectif de sainteté. Elle n'est montée si haut "Jusqu'aux sommets de l'Union divine" que pour être constamment assujettie à cette règle "chrétienne", la vraie règle de la sainteté vraie.
(3). Joan., V, 30.
(4). Id., VIII, 29.
(5). Exspoliantes veterem hominem in oedibus suis. Maintenant (ou chassant) le vieil homme dans ses limites. (Col., III, 9.).

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Message  Roger Boivin Jeu 24 Aoû 2017, 10:37 am


Est-il besoin de faire remarquer que cette doctrine est simplement la mise en exploitation pratique du Fondement que pose saint Ignace dans son livre des Exercices - et que posent, car c'est même chose, tous les catéchismes quand ils précisent nos devoirs envers Dieu. "L'homme est créé pour Dieu. Donc, sa vie, son être, son activité doivent n'avoir que Dieu pour fin dernière." Dans tout ce que j'ai à exécuter, mêler le moins de "moi" possible, - non certes de moi comme cause productive, au contraire, on ne fait jamais trop bien ce que l'on fait - mais de "moi" comme mobile dernier d'action. Et cette élévation de toute mon activité vers Dieu, sans aucun mélange de moi, qu'est-ce autre chose que la "prière" parfaite, l'hommage parfait rendu par ma vie à Celui qui a droit à l'hommage de tout ce qui existe absolument. On voit comment dès les premières réflexions de son petit livre, saint Ignace prépare l'exercitant à l'union à Dieu conçue de la plus solide manière.

Autre remarque : la prière parfaite de l'Église, ce sera l'offrande du pain consacré. Or, dans l'Hostie, plus rien du pain ; tout est "Jésus-Christ". De même ma vie sera prière parfaite, si en moi il n'y a plus mélange, s'il n'y a plus de "moi", si tout est "Christ", soumission pleine aux vouloir du Père(1).



(1). Voir dans le Christ-Jésus, les chapitres sur l'Eucharistie.

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Message  Roger Boivin Jeu 24 Aoû 2017, 7:15 pm



CHAPITRE III

_______


Souvent penser à Dieu est très utile

_______


I. - Pas d'état de prière sans renoncement habituel.

II. - Pas de renoncement habituel sans constant recueillement.


I


Voici donc où nous en sommes :

On ne peut toujours penser à Dieu ? Ce n'est d'ailleurs pas nécessaire. On peut être constamment uni à Dieu sans penser pour autant constamment à Lui, l'union la seule vraiment requise étant celle de notre volonté avec la volonté de Dieu.

Quelles est alors l'utilité, prônée par tous les maîtres, de l'exercice de la présence de Dieu ?

Nous allons précisément essayer de le marquer.

Il nous faut en toutes nos actions, disions-nous, une entière pureté d'intention, donner à notre devoir d'état généreusement pratiqué le maximum d'orientation surnaturelle. Ainsi notre vie, même en dehors des moments voués à la prière, sera une vie priante.

On comprend que pour agir ainsi de façon constante avec une absolue pureté d'intention, pour se rendre assez affranchi du caprice et de l'empressement naturel, pour demeurer maître chez-soi, ou plutôt pour que Dieu y soit seul Maître et que l'on agisse en tout sous la dépendance du Saint-Esprit,[1] l'habitude d'un regard vers Dieu au moment de se déterminer doive aider puissamment.

Quand Notre-Seigneur va s'employer à quelque action capitale, nous le voyons toujours, dans l'Évangile, s'arrêter un instant, lever les yeux vers son Père ; et après seulement, après cette minute de recueillement, vaquer à l'occupation qu'Il s'est fixée. Et elevatis oculis, elevatis oculis in coelum, voilà des expressions qui reviennent avec fréquence bien instructive. Là où le geste ne se traduit par rien d'extérieur, il se trouve dessiné au dedans, sans aucun doute.



[1]. [Note de Roger Boivin : il n'y a pas de virgule, dans le texte, entre les mots Saint-Esprit et l'habitude, ce qui me semblait difficile à la compréhension de cette longue phrase ; alors en relisant et relisant j'ai cru voir qu'il y manquait une virgule ; ce pourquoi, au risque de me tromper, j'en ai placé une.]

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Message  Roger Boivin Ven 25 Aoû 2017, 10:21 am


L'idéal est le même pour nous. Cette sujétion constante de l'esprit propre à l'Esprit-Saint se trouve singulièrement facilitée du fait que, dans l'âme, l'Esprit-Saint mis en bonne place est invité à présider explicitement, officiellement, à toutes les déterminations. Impossible de pratiquer de la grande manière l'esprit de renoncement sans un profond esprit de recueillement. On ne se soumet de façon radicale à l'Hôte invisible que si l'Hôte invisible est tenu dans une perpétuelle proximité. L'esprit de mort ne peut régner que si l'Esprit de vie s'est installé en maître sur les ruines, et s'il plane sur les eaux.

Celui-là ne consent à chasser les vendeurs du temple que s'il réalise pratiquement qu'il est un Saint des Saints ; non une maison de trafic, mais en toute réalité la maison de Dieu.

L'on abouti ainsi à ces deux propositions lumineuses :

Pas d'absolue dépendance du Saint-Esprit, ce qui est proprement vivre en "Christ", sans entier renoncement du "moi".

Pas d'entier renoncement, sans un constant esprit de foi, sans l'habitude du silence intérieur, silence tout peuplé de divinité.

Plusieurs ne voient pas le lien qu'il y a entre le souvenir du Roi et le service du Roi ; entre le silence intérieur fait, semble-t-il d'immobilité et le continuel détachement qui est la suprême activité.

Il n'est que de bien regarder. Le lien existe, étroit, serré, infrangible. Cherchez une âme recueillie, elle est détachée ; une âme détachée elle est recueillie. L'expérience est aisée dans la mesure où il est aisé de trouver l'une ou l'autre de ces deux âmes. Trouver l'une ou l'autre, c'est avoir trouver l'une et l'autre. Qui s'est un jour essayé à pratiquer soit le détachement, soit le recueillement, n'ignore pas qu'il a fait ce jour-là coup double.

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Message  Roger Boivin Ven 25 Aoû 2017, 7:03 pm


II

Si pour être pleinement "Christ", pleinement chrétienne, une âme doit vivre sous l'entière dépendance du Saint-Esprit, et si l'on ne vit sous l'entière dépendance du Saint-Esprit qu'à condition de vivre recueilli, il va de soi que le recueillement, compris comme nous avons essayé de le marquer, constitue l'une des plus précieuses vertus que l'on puisse acquérir.

L'un des auteurs qui ont le mieux parlé du recueillement, d'une façon brève à la fois et substantielle, le P. Pegmayr, n'hésite pas à dire : "Le chemin le plus court de l'amour parfait c'est d'avoir Dieu continuellement présent ; car il exclut tous les péchés, et on n'a pas le temps de penser à autre chose, de se plaindre ou de murmurer... La présence de Dieu conduit tôt ou tard à la perfection."

Ne pas chercher à vivre dans le silence intérieur, c'est renoncer à vivre chrétien profondément. La vie chrétienne est une vie de foi, une vie dans l'indivisible et pour l'invisible... Qui n'a pas de fréquents rapports avec l'invisible risque de rester toujours sur le seuil de la vraie vie chrétienne.

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Message  Roger Boivin Ven 25 Aoû 2017, 10:27 pm


"Oui, il faut cesser d'habiter le dehors de mon âme et ses enceintes les plus superficielles ; il faut entrer et pénétrer jusqu'à l'enceinte la plus profonde ; là nous serons au fond de nous-mêmes. Arrivés là, il faut aller plus loin, il faut aller jusqu'au centre même qui n'est plus nous et qui est Dieu. Là est le Maître... C'est là qu'il peut parfois nous être donné de demeurer chez Lui un jour entier.

"Or, quand une fois il nous aura été donné de passer un jour avec Lui, nous voudrons le suivre partout, toujours, comme ses apôtres, ses disciples et ses serviteurs.

"Oui, Seigneur, lorsqu'il m'aura été donné d'être un jour entier près de Vous, je voudrai vous suivre toujours"(1).

La solitude, patrie des forts. La force, vertu active. Notre silence marque le niveau de notre action(2). Le bruit est la patrie des faibles. La plupart ne cherchent à se divertir que pour se dispenser d'agir. On se perd dans des riens pour ne pas se perdre dans le tout. C'est au milieu du silence de la nuit que le Dieu fort vient au monde(3). Victime des apparences, nous n'apprécions que ce qui fait du bruit. Le silence est le père de ce qui bouge efficacement. Avant de sourdre en chantant, le filet d'eau a troué silencieusement des granits.


(1). Gratry : Médit. inédites, p. 268-269.
(2). "Sans cette cellule intérieure, on ne saurait faire grand"chose ni pour soi, ni pour autrui." (P. Surin.)
(3). Sur la façon dont Notre-Seigneur a pratiqué le silence :
"Le silence a toujours été l'ornement de la grande sainteté... C'est une vie de silence que le verbe du Père, silencieusement parlé de toute éternité, choisit pour lui-même. Toute sa vie humaine a porté l'empreinte de l'amour du silence. Dans son enfance, il a laissé le langage paraître, venir à lui lentement, il a paru l'acquérir comme les autres enfants, de sorte qu'à l'aide de ces apparences, il a pu s'abstenir plus longtemps de parler, de différer par là ses colloques avec Marie. Marie aussi et Joseph prirent de lui par une céleste contagion, l'habitude du silence. Pendant les dix-huit années de sa vie cachée [12 à 30 ans], le silence a régné dans la maison de Nazareth. Les paroles frémissaient dans l'air, rares et courtes, semblant à une mélodie qui aurait été trop suave pour que des accents nouveaux vinssent effacer les premiers, lorsque ceux-ci vibraient encore dans l'oreille qui les écoutait. Dans les trois années de son ministère qui furent consacrées à la parole et à l'enseignement, il a parlé comme aurait parlé un homme tranquille et ami du silence, ou plutôt comme un Dieu qui fait des révélations. Puis, dans sa Passion, quand il a eu à enseigner par le magnifique chemin de ses souffrances, le silence à reparu de nouveau, comme une ancienne habitude revient au moment de la mort, il est devenu une fois de plus un des traits caractéristiques de sa vie". Faber : Bethléem, I, 112, 113, à propos du silence du Verbe au sein de Marie.

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