Le P. Isaac Jogues, premier Apôtre des Iroquois.

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Message  Louis Sam 24 Mai 2014, 11:23 am

Quelques Iroquois semblèrent même s’apitoyer sur leur sort, en les voyant tout couverts de sang. Tout dur qu’il était, le sauvage maître du Père s’approcha de lui et lui dit, en essuyant le sang de son visage : « Mon frère, dans quel triste état tu es ! » Cette compassion feinte ou réelle fut un soulagement pour le captif, qui la reçut comme un bienfait du ciel.

Cependant, après avoir traversé la rivière et avant de gravir la colline sur laquelle le village était élevé, les sauvages s’arrêtèrent un moment pour remercier le soleil de leur heureux voyage et de leur riche proie. Puis ils organisèrent cette marche à la fois lugubre et triomphale.

En tête des prisonniers marchait Couture, comme le plus criminel, pour avoir tué un chef de distinction. Après lui venaient les Hurons, à égale distance les uns des autres, et au milieu d’eux était Goupil. Le père Jogues marchait le dernier.

Des Iroquois s’étaient répandus dans les rangs pour ralentir le pas des prisonniers et donner aux bourreaux, qui formaient la haie, tout le loisir de frapper à leur aise.

Un des capitaines harangua alors la jeunesse et l’exhorta à bien saluer les captifs ; c’était une des expressions ironiquement cruelles en usage pour le barbare accueil des prisonniers.

« À la vue de ces appareils qui rappelaient la Passion, nous dit le P. Jogues, nous nous souvînmes de ce passage de saint Augustin : Celui qui fuit les rangs de ceux qui souffrent ne mérite pas de compter au nombre des enfants, qui eximit se à numero flagellalorum eximit se à numero filiorum. Nous nous offrîmes donc d’un grand cœur à la bonté paternelle de Dieu, comme des victimes immolées a son bon plaisir et à sa colère amoureuse pour le salut de ces peuples. »

Au signal donné, la colonne s’ébranle dans ce chemin étroit du Paradis, comme l'appelle le saint missionnaire. En même temps tous les bras se lèvent et s’agitent, et une grêle de coups tombe sur les victimes. Le P. Jogues croit voir son Sauveur dans le supplice de la flagellation, et il se disait en empruntant les paroles de David : « Les pécheurs ont frappé longtemps et cruellement sur mes épaules comme le forgeron sur le fer. » (Ps. cxxviii, 3.)

Le bon René, horriblement défiguré, brisé et noyé dans son sang, tomba épuisé. Dans sa figure il ne lui restait de blanc que les yeux. Il n’eut pas la force de monter sur l’échafaud, il fallut l’y porter. « Dans cet état, ajoute le P. Jogues, il était d’autant plus beau à nos yeux qu’il ressemblait à celui de qui il est écrit : Putavimus eum quasi leprosum, percussum à Deo; non est ei spccies neque decor (Nous l’avons regardé comme un lépreux frappé de Dieu en qui il n’y a plus ni beauté, ni éclat). (Is. LIII, 4.)

Le P. Jogues eut encore quelque chose de plus à souffrir. Une boule de fer d’un kilogramme, attachée au bout d’une corde, fut lancée avec force et l’atteignit au milieu des reins. Il fut renversé sur le coup comme mort; mais, reprenant bientôt haleine, et recueillant toutes ses forces, il se releva courageusement et gagna l’échafaud.

Lorsque les prisonniers furent tous arrivés…


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Message  Louis Dim 25 Mai 2014, 12:06 pm

Lorsque les prisonniers furent tous arrivés sur ce théâtre d’horreur qui devait être pour eux un théâtre de gloire, ils eurent un moment de répit; mais il ne fut pas long, et un capitaine éleva encore la voix pour inviter la jeunesse à caresser les Français. « Ce sont des traîtres, poursuivit-il, ils ont manqué à leurs promesses ; ils ont tué les Iroquois. »

Alors monte sur le théâtre un homme armé d’un long bâton, et il en décharge avec sang-froid trois grands coups sur le dos des Français, et voyant que le missionnaire avait encore deux ongles entiers, il les lui arrache avec les dents. Puis les sauvages, s’armant de leurs couteaux, s’élancent pour couper les doigts des captifs ou leur enlever des lambeaux de chair; et comme leur cruauté se mesure sur l’importance de la victime, ils traitèrent le missionnaire en capitaine, en le maltraitant plus que les autres. Le respect dont il était entouré par ses compagnons lui valait cet honneur.

Peu après un vieillard, célèbre magicien du pays et ennemi acharné des Français, monta sur le théâtre, suivi d’une femme algonquine chrétienne nommée Jeanne, captive depuis peu de mois, et lui ordonna de couper le pouce gauche du P. Jogues. « Car c’est lui que je hais le plus», ajouta-t-il. Trois fois la pauvre femme recula d’horreur ; enfin, menacée de perdre la vie, elle obéit. D’une main tremblante et le cœur serré, elle détacha ou plutôt scia à sa racine le pouce désigné, et le jeta à terre. L’homme de Dieu ne poussa pas un soupir. « Je ramassai ce membre coupé, dit-il, et je vous le présentai, ô Dieu vivant et véritable, en mémoire des sacrifices que depuis sept ans j’avais offerts sur l’autel de votre Église, et comme une expiation du manquement d’amour et de respect que j'avais eu en touchant votre saint corps. » Mais Couture l’ayant aperçu s’empressa de l’avertir que, si les Iroquois le voyaient, ils étaient capables de le forcer à manger son pouce tout sanglant; il se hâta de le jeter loin de lui.

« Je bénis le Seigneur, ajoute ici le P. Jogues, de ce qu’il a bien voulu me laisser le pouce droit, afin que par cette lettre je puisse prier mes RR. PP. et mes FF. d’offrir pour nous leurs saints sacrifices, leurs prières, leurs bonnes œuvres et leurs oraisons dans la sainte Église de Dieu, à laquelle nous sommes devenus chers par deux titres nouveaux, puisqu’elle prie souvent pour les affligés et les captifs. »

René Goupil subit le même supplice….



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Message  Louis Lun 26 Mai 2014, 11:45 am

René Goupil subit le même supplice. Avec une écaille d’huître on lui coupa le pouce droit à la première phalange, et pendant cette cruelle opération, on ne l’entendit que répéter à haute voix les noms sacrés de Jésus, de Marie et de Joseph.

De ces plaies le sang coulait comme de deux fontaines, et la mort aurait suivi bientôt. Mais un sauvage s’en aperçut, et, soit par pitié, soit plutôt désir de prolonger le spectacle avec la vie des victimes, il monta sur l’échafaud, étancha les blessures, et, déchirant un morceau de la chemise du missionnaire, enveloppa son pouce et celui de René. Ce simple appareil suffit, et Dieu permit qu’il suppléât au meilleur pansement. Pendant que le Père recevait ces soins, une femme vint lui enlever les souliers et les mauvais bas qu’on lui avait laissés jusque-là.

Le soir venu, on fit descendre les prisonniers et on les conduisit dans une cabane pour passer la nuit. De leur côté, les sauvages se retirèrent pour prendre un peu de repos, après avoir donné à leurs victimes quelques épis de blé d’Inde rôtis et un peu d’eau blanchie avec de la farine. C’était peu de chose après un si long jeûne et un pareil épuisement de forces, mais c’était assez pour leur prolonger la vie, et assurer par conséquent à leurs bourreaux le cruel plaisir de pouvoir recommencer le supplice.

Loin d’être un moment de repos pour les captifs, la nuit fut l’occasion de nouvelles tortures. Ils la passèrent étendus à terre, et liés par les mains et les pieds à quatre pieux plantés en terre. Dans cette posture ils ne pouvaient se donner aucun mouvement, et cependant ils se virent bientôt assaillis par de nombreux insectes et par la vermine que la malpropreté des sauvages attire et entretient dans leurs cases.

Un tourment plus douloureux encore fut…

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Message  Louis Mar 27 Mai 2014, 11:51 am

Un tourment plus douloureux encore fut celui que leur firent subir alors les petits enfants sauvages. On les laissait s’approcher des prisonniers et faire avec eux comme leur apprentissage de cruauté. Ils ne s’en acquittaient malheureusement que trop bien. Ils s’amusaient à enfoncer des poinçons dans les chairs molles, à raviver les plaies pour faire couler le sang, ou bien ils mettaient sur le corps des captifs des charbons ardents et des cendres brûlantes, et prenaient un cruel plaisir à voir les efforts impuissants de leurs victimes pour s’en débarrasser.

Fiers de leur victoire, les vainqueurs mirent leur orgueil à montrer leurs trophées dans les autres villages agniers.

Ils conduisirent d’abord leurs prisonniers dans le village voisin nommé Andagaron, à sept à huit kilomètres de distance. Dans le chemin, l’homme de Dieu eut à subir une nouvelle humiliation. Voici comme il la raconte : « Mon gardien craignant sans doute de ne pas pouvoir se saisir plus tard de ma chemise, me l’enleva. Il me laissait partir dans cet état de nudité, n’ayant plus sur moi qu’un vieux et mauvais caleçon. Quand je me vis dans cet état, je n’eus pas peur de lui dire : Pourquoi donc, mon frère, me dépouilles-tu ainsi, toi qui possèdes déjà tout mon bagage ?

« Le barbare eut pitié de moi, et me donna une grosse toile qui servait à envelopper mes paquets. J’en avais assez pour me couvrir les épaules et une partie du dos, mais mes plaies déjà ulcérées ne me permirent pas de supporter ce rude et grossier tissu. Le soleil était si ardent que pendant la route ma peau fut brûlée comme dans un four, et celle du cou et des bras tomba bientôt toute desséchée. »

La réception des prisonniers dans ce village ressembla à celle qu’ils avaient déjà eue, et quoique selon l'usage ils ne passent pas plus de deux fois par la bastonnade, non-seulement elle ne leur fut pas épargnée, mais on y ajouta un raffinement de cruauté. Comme la foule était moins nombreuse, les bourreaux pouvaient mieux ajuster leurs coups. Ils s’appliquaient surtout à frapper sur le devant des jambes, et ils les couvrirent de meurtrissures en causant de cuisantes douleurs.

Les prisonniers restèrent deux nuits et deux jours dans ce village, le jour sur le théâtre, en butte à tous les genres d’insultes, d’injures et de mauvais traitements, et la nuit dans une cabane, à la merci des enfants.

Écoutons le P. Jogues nous raconter…

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Message  Louis Mer 28 Mai 2014, 11:09 am

Écoutons le P. Jogues nous raconter, avec une aimable candeur, les sentiments qui occupèrent alors son âme, et qui nous le peignent si bien dans son rôle d’apôtre et de martyr :

« Mon âme se trouva alors dans les plus grandes angoisses. Je voyais nos ennemis monter sur le théâtre, couper les doigts de mes compagnons, serrer leurs poignets avec des cordes, mais avec tant de violence qu’ils tombaient en défaillance. Je ressentais les maux de tous, et j’étais aussi affligé que pouvait l’être un père très-tendre, témoin des douleurs de ses  propres enfants. A l'exception de quelques anciens chrétiens, je les avais engendrés tous à Jésus-Christ par le baptême.

« Malgré mes douleurs, le Seigneur me donnait assez de force pour consoler les Français et les Hurons, qui souffraient avec moi. Dans la route comme sur le théâtre, je les exhortais tantôt en particulier, tantôt en commun, à souffrir avec résignation et confiance ces supplices, dont ils seraient un jour abondamment récompensés (1), et à ne pas oublier qu'il faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le royaume des cieux (2). Je leur disais que pour eux le temps prédit par la Seigneur était arrivé : Vous serez affligés et vous pleurerez; le monde au contraire se réjouira. Mais votre tristesse se changera en joie (3). J'ajoutais encore : La femme en travail souffre parce que l'heure est venue; mais quand elle est délivrée, la joie d'avoir un enfant lui fait oublier toutes ses douleurs (4). Ainsi croyez fermement qu’après ces quelques jours de souffrances, vous goûterez une joie éternelle.

« Assurément c'était pour moi un grand et juste sujet de consolations de les voir si bien préparés, surtout les vieux chrétiens, Joseph, Eustache et les deux autres (5). Théodore s'était échappé le jour où nous arrivâmes au premier village; mais comme une balle lui avait brisé l'épaule dans le combat, il mourut en cherchant à atteindre la colonie française. »

Les prisonniers furent conduits ensuite à Tionnontoguen, troisième village agnier, à seize kilomètres environ d'Andagaron. On leur fit le même accueil que dans les autres villages, mais avec un peu moins de cruauté.

En montant sur le théâtre où on devait les donner en spectacle, le P. Jogues fit une rencontre bien sensible pour son cœur. Il y trouva quatre nouveaux prisonniers hurons déjà préparés pour le supplice.

Ces malheureux étaient destinés à la mort, mais…


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(1) Hebr. x, 35. — (2) Act. xiv, 21. — (3) Joan. xvi, 20. — (4)  Joan. xvi, 21. — (5)   Joseph Taondechoren., Eustache Ahasistari , Charles Tsondatsaa et Etienne Totiri.


Dernière édition par Louis le Jeu 25 Mai 2017, 1:35 pm, édité 1 fois (Raison : Mettre les liens dans la note 5.)

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Message  Louis Jeu 29 Mai 2014, 12:54 pm

Ces malheureux étaient destinés à la mort, mais ils étaient païens. Le serviteur de Dieu fut touché de leur état, et voulut au moins essayer de soulager leurs âmes. Il s’approcha d’eux, et n’eut pas de peine à gagner leur cœur par l’intérêt qu’il prit à leur sort. Ils le voyaient oublier ses propres souffrances pour s’occuper des leurs. Sur le seuil de leur éternité, ils ne refusèrent pas d’entendre parler d’espérance.

Quand le missionnaire les vit disposés à entendre la bonne parole, il se hâta de les instruire des principales vérités de la foi, et il put presque aussitôt donner le baptême à deux d'entre eux avec quelques gouttes d’eau, restées à la suite de la pluie sur les feuilles des épis de blé d’Inde qu’on leur avait servis pour nourriture.

Les deux autres, condamnés à périr dans le quatrième village, furent régénérés dans les eaux sacrées en traversant un ruisseau qui y conduisait.

Ces consolations de la foi que Dieu donnait au cœur d'apôtre de son serviteur, soutenaient son courage. Il allait en avoir besoin sur ce nouveau théâtre de douleur. La température avait changé, et à des pluies abondantes avait succédé un air froid et vif qui fit beaucoup souffrir les prisonniers dans l’état de nudité où ils étaient. Les plaies devenaient bien plus sensibles.

Le bon Guillaume Couture n'avait encore perdu aucun de ses doigts. Un sauvage se chargea de réparer cet oubli; avec un morceau de coquillage en guise de couteau, il lui scia la moitié de l'index droit, et comme il ne pouvait pas couper le nerf trop dur et trop glissant, il le lui arracha en tirant avec une telle violence que le bras enfla prodigieusement jusqu'au coude.

Le supplice de la nuit, confié à la jeunesse, fut un des plus cruels. « Nos bourreaux, ajoute le P. Jogues avec humilité, nous ordonnèrent, d'abord de chanter, comme c’est l’usage des prisonniers. Nous nous mîmes à chanter les cantiques du Seigneur sur une terre étrangère (1). Pouvions-nous chanter autre chose? Au chant succéda le supplice... Avec des cordes faites d’écorces d’arbre, ils me suspendirent par les bras à deux poteaux dressés au milieu de la cabane. Je m’attendais à être brûlé; car c’est la posture qu’ils donnent ordinairement à leurs victimes.

« Pour me convaincre que si j’avais pu souffrir…

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(1) Ps. cxxxvi  1.

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Message  Louis Ven 30 Mai 2014, 11:00 am

« Pour me convaincre que si j’avais pu souffrir jusque-là avec un peu de courage et de patience, je le devais non à ma propre vertu, mais à celui qui donne la force aux âmes faibles (1), le Seigneur m’abandonna pour ainsi dire à moi-même dans ce nouveau tourment. Je poussai des gémissements (car je me glorifierai volontiers dans mes infirmités, afin que la vertu de Jésus-Christ habite en moi) (2), et l’excès de mes douleurs me fit conjurer mes bourreaux de relâcher un peu mes liens.

« Mais Dieu permettait avec raison que plus mes instances étaient vives, plus ils s’efforçassent de les resserrer. Après un quart d’heure de souffrance, ils coupèrent mes liens ; sans cela je serais mort. Je vous remercie, ô mon Seigneur Jésus, de ce que vous avez bien voulu m’apprendre par cette petite épreuve combien vous avez dû souffrir sur la croix, lorsque votre très-saint corps était suspendu non par des cordes, mais par des clous enfoncés cruellement dans vos pieds et dans vos mains. »

Le P. Jogues dut le soulagement qu’il venait de recevoir à un sauvage étranger, témoin par hasard de cette cruelle scène. Celui-ci se sentit touché de compassion à la vue de tant de souffrances, et sans rien dire il s’approche de la victime et coupe ses liens. Personne n’osa s’y opposer. Cet acte courageux de charité ne resta pas sans récompense, comme nous le verrons. Dieu, qui bénit le plus léger service rendu au plus petit des siens, ne laissera pas dans l’oubli ce que l’on fait pour ses plus fidèles serviteurs et surtout pour ses apôtres.

Après deux jours passés dans ce village, les prisonniers furent ramenés à Andagaron, où l’on devait enfin prononcer sur leur sort. Ils étaient ainsi, depuis sept jours (1), traînés de village en village et de théâtre en théâtre. Ils apprirent ici qu’ils allaient périr ce jour là-même par le feu.

« Quoique cette mort eût quelque chose d’horrible, ajoute ici le P. Jogues, la pensée de la volonté de Dieu et l’espérance d’une vie meilleure et exempte de péché, en adoucissaient les rigueurs. Je parlai donc pour la dernière fois à mes compagnons français et hurons, et je les exhortai à persévérer jusqu’à la fin, en se rappelant au milieu des douleurs de l'âme et du corps, celui qui a été  en butte à une si grande contradiction de la part des pécheurs armés contre lui, afin qu'ils ne perdent pas courage et qu'ils ne se laissent pas aller à l'abattement (2). Demain nous serons réunis dans le sein de Dieu pour régner éternellement. »

Le P. Jogues fortifiait ainsi les prisonniers par sa parole, mais aussi…

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(1) Is. XL, 29. — (2) II Cor., XII, 9. — (1) Ce chiffre est donné par le P. Jogues lui-même. Charlevoix s’est mépris en lui substituant sept semaines ( Hist. de la Nouv.-France , I, p. 238). — (2)  Hébr. XII, 3.

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Message  Louis Sam 31 Mai 2014, 12:39 pm

Le P. Jogues fortifiait ainsi les prisonniers par sa parole, mais aussi par la grâce des sacrements. Il les avait habitués à recevoir souvent l’absolution, et à nourrir fréquemment leurs âmes par de pieuses aspirations vers le ciel.

Dans la crainte de se voir séparés les uns des autres, il était convenu avec eux d'un signe conventionnel pour exprimer le désir de l’absolution. Ils devaient mettre la main sur la poitrine et lever les yeux vers le ciel.

Cependant les anciens du village étaient inquiets à cause de la résolution prise par les guerriers. Ils exigèrent qu’on ne précipitât rien, au moins par rapport aux Français, dans l’espérance que cette réserve rendrait les soldats de la colonie moins ardents à poursuivre les guerriers iroquois.

La première sentence finit par être révoquée, du moins en partie. Trois Hurons seulement furent condamnés à perdre la vie, Eustache à Tionnontogen, Paul à Ossernénon, et Etienne, dont nous ne connaissons pas le nom sauvage, à Andagaron, où ils étaient alors.

Eustache fut admirable de résignation et de courage. On appliqua le feu à presque toutes les parties de son corps, et on lui coupa la gorge avec un couteau. Ici le P. Jogues ajoute avec un souvenir classique qui rappelle le professeur d’humanités :

« Tandis que les sauvages condamnés à mourir, se livrent ordinairement aux plus violents transports de fureur contre leurs bourreaux, et crient jusqu’au dernier soupir : Exoriare aliquis nostris ex ossibus utor (Que de mes cendres il renaissse un vengeur,) (Ené. iv, 625), Eustache, au contraire, animé de l'esprit du christianisme, conjura les Hurons témoins de sa mort de n’être pas arrêtés par cette considération pour traiter de la paix avec les Agniers ses persécuteurs et ses meurtriers. C’était mourir en pardonnant. »

Avec lui périt son neveu, admirable jeune homme qui, après son baptême, répétait sans cesse : « Je serai heureux au ciel. » Il avait promis à son oncle en partant qu’il ne l’abandonnerait jamais, même dans les plus grands dangers. Il ne pouvait pas être plus fidèle à sa parole (1).

Paul Ononchoraton périt d’un coup de hache, mais après avoir passé par le supplice du feu sans avoir donné un signe de faiblesse. Ce jeune homme, âgé seulement de vingt-cinq ans, fut admirable par sa constance et son énergie. Les pensées de la foi et de l’espérance chrétienne soutenaient seules son courage et lui faisaient mépriser la mort.

Les Iroquois recherchaient de préférence pour leurs victimes les caractères de cette trempe. Ce n’était pas seulement pour épuiser ainsi peu à peu les forces de leurs ennemis, mais aussi pour piquer l’émulation de la jeunesse et lui montrer comment doit mourir un guerrier.

Le bon néophyte Paul…

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(1) Relation 1644.

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Message  Louis Dim 01 Juin 2014, 12:10 pm

Le bon néophyte Paul avait donné au P. Jogues, pendant son supplice, un touchant témoignage d’affection et d’héroïque dévouement, que le serviteur de Dieu à consigné en ces termes dans sa relation : « Quand les Iroquois s’approchaient de moi pour m’arracher les ongles ou me faire endurer quelque autre supplice, Paul s’offrait à eux et les conjurait de m’épargner et d’exercer plutôt sur lui leurs cruautés. Que Dieu le récompense au centuple et avec usure pour cette admirable charité qui le portait à offrir sa vie pour ses amis (1) et pour ceux qui l'avaient engendré dans la captivité (2). »

La mort du troisième prisonnier fut aussi sainte et aussi courageuse que celle de ses frères. Mais plus heureux qu’eux il eut l’avantage d’avoir près de lui jusqu’à la fin le P. Jogues, qui lui suggérait les pensées de la foi et ravivait son courage.

Tels étaient ces hommes transformés par la religion. Ils venaient à peine de se dépouiller de leurs mœurs grossières, de leurs préjugés idolâtriques, et de naître à la foi, que déjà ils étaient capables d’en devenir les héros. Ce beau triomphe auquel il avait prit une part si active fut pour le P. Jogues une occasion de rendre de vives actions de grâces à Dieu. Pour lui, privé de la grâce du martyre objet de tous ses vœux, il se vit réduit à un cruel esclavage dont il était impossible de prévoir le terme. Mais cette nouvelle condition va faire briller avec un bien vif éclat la vertu du serviteur de Dieu.

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(1)  Joan. xv, 13. —  (2)  Philém. 10.


A suivre Chapitre VII.

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Message  Louis Lun 02 Juin 2014, 11:58 am

CHAPITRE VII

Esclavage du P. Jogues. — Intervention des Hollandais. — Nouveaux dangers. — Meurtre de René Goupil. — Songes consolants.

 Le soir du grand conseil où fut décidé le sort des prisonniers, les Iroquois conduisirent Guillaume Couture, qui avait conservé assez de vigueur pour marcher, jusqu’à Tionnontogen, le bourg le plus éloigné.

Lorsque ces peuples laissent la vie à un prisonnier, ils le donnent à une famille dont un membre a péri à la guerre, afin qu’il tienne sa place, et il est entièrement à la disposition du chef, qui a sur lui droit de vie et de mort. Aucun autre n’oserait le frapper dans l'enceinte du village.

Le P. Jogues et René Goupil, qui paraissaient beaucoup plus faibles, restèrent dans le premier village, où demeuraient ceux qui les avaient pris. Ils allaient mener la vie d’esclave.

Après une abstinence si longue, après des veilles si pénibles et si multipliées, après tant de coups et de blessures, et surtout après tant de peines intérieures si poignantes, les deux pauvres mutilés ressentirent à loisir leurs douleurs et tombèrent dans un état d’épuisement complet. Ils pouvaient à peine se tenir debout et se traîner péniblement. Leurs mains n’étant qu’une plaie, ils ne pouvaient s’en servir, et il fallait les nourrir comme des enfants. Pour se refaire ils n’eurent qu’un peu de farine de maïs, et parfois un peu de citrouille à demi cuite ; pour lit une écorce, pour couverture une mauvaise peau de cerf puante de graisse et remplie de toute sorte de vermine. Leurs blessures restées sans pansement et à l’air étaient irritées par les piqûres des insectes, qui les dévoraient jour et nuit, et dont ils ne pouvaient se défendre. La patience fut leur médecin, et quelques femmes, qui les prirent en pitié, leur donnèrent des soins. Elles les pansèrent à leur manière, et en lavant souvent leurs plaies à l’eau fraîche, elles arrêtèrent et calmèrent l’inflammation. Cependant plus affaibli que le Père, et souffrant de violentes douleurs de tête, par suite des coups qu’il avait reçus, René dépérissait à vue d’œil. Les sauvages s’en aperçurent ; ils donnèrent alors à leurs captifs une nourriture un peu plus substantielle, c’était simplement du poisson et de la viande desséchés et réduits en poudre, qu’ils mêlaient à la bouillie. Ce petit soulagement les rendit à la santé.

Les capitaines et les anciens…  


Dernière édition par Louis le Mar 03 Juin 2014, 1:47 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Mar 03 Juin 2014, 11:35 am

Les capitaines et les anciens s’occupaient de leur sort. Les uns ouvrirent l'avis de les renvoyer à Trois Rivières pour arrêter une guerre dont les désastres éclaircissaient chaque jour les rangs de leurs guerriers. Ce projet fut sur le point d'être exécuté, et déjà ceux qui devaient les conduire étaient désignés.

A la même époque, les Hollandais de Renselaerswich, qui n’étaient qu'à quarante kilomètres environ de ce village, ayant appris la captivité de plusieurs Français, voulurent intervenir, et ils sollicitèrent leur délivrance. La veille de la Nativité de la sainte Vierge, le 7 septembre, le capitaine du fort, Arendt-van-Curler, l’interprète Jean Labatie et Jacob Jansen d'Amsterdam, allèrent en ambassade au village d'Andagaron, et entrèrent en négociation; ils firent des offres importantes et la promesse plus séduisante d'une somme de deux cents piastres : tout fut inutile. Les Iroquois ne voulant ni mécontenter des voisins et des alliés, ni avoir l'air de céder à leurs instances, feignirent de n'avoir pas bien compris leur discours, et ne parlèrent que d'un échange de prisonniers qui allait être consommé sous peu de jours avec les Français.

C'était leur intention, sans doute, mais un événement imprévu y mit obstacle et ralluma toute la haine et la fureur des Iroquois contre les Français. Le parti exalté l’avait emporté dans un dernier conseil, et, à l’issue de cette assemblée tumultueuse, c’en était fait des captifs si on les eût rencontrés. La Providence avait permis qu'ils fussent alors à se promener dans la campagne, en s’entretenant des choses de Dieu. On les chercha vainement et, le premier accès de fureur passé, les esprits se calmèrent; le danger était éloigné encore une fois.

Le changement survenu dans les dispositions des Iroquois avait eu pour cause la nouvelle de l’échec que venait de subir une bande de leurs guerriers. C’étaient précisément ceux que les prisonniers avaient rencontrés sur le lac Champlain, et qui les avaient salués d’une manière si cruelle. Poursuivant leur route, ils s’étaient avancés jusqu’au fort Richelieu, que les Français étaient alors à bâtir sur le rivage, à l’embouchure de la rivière des Iroquois.

Ces sauvages avaient cru le moment favorable pour renverser cette barrière. Leur nombre, qui montait à trois cents guerriers (1), leur inspirait une pleine confiance. Ils s’attendaient à écraser cette poignée de soldats et à profiter de cette surprise pour culbuter les travaux commencés.

Il y avait sept jours seulement que le premier coup de hache avait été frappé dans cette forêt vierge, et déjà la palissade de l’enceinte était dressée et pouvait servir d’abri aux travailleurs. La religion était venue en même temps bénir le sol, et le missionnaire qui suivait l’expédition, y avait célébré la messe le 20 août, fête de saint Bernard.

Cachés d’abord dans le voisinage, les Iroquois…

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(1) Charlevoix dit sept cents, mais la Relation (année 1641-42) ne parle que de trois cents hommes. Les deux cents guerriers que le P. Jogues avait trouvés en chemin avaient reçu du renfort.

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Message  Louis Mer 04 Juin 2014, 11:18 am

Cachés d’abord dans le voisinage, les Iroquois se divisèrent en trois bandes, et à un signal donné ils sortirent du bois en poussant leur cri de guerre et en se précipitant sur les travailleurs.

Ce jour-là, heureusement, M. de Montmagny était venu avec trois barques armées pour surveiller et diriger les travaux. Du haut de son brigantin, ayant aperçu les barbares et deviné leur plan, il se jette aussitôt dans un canot et arrive au fort avant l’ennemi. En un instant la petite garnison est sous les armes, et, sous la conduite du commandant Durocher, elle accourt à la palissade et prend son poste de défense. L’action s’engage immédiatement sur différents points (1).

Un capitaine iroquois se distinguait au milieu de ses guerriers par sa haute taille, la variété de couleurs qui couvrait sa figure, et la peau de cerf teinte en rouge qui lui servait de casque. Il se battait avec acharnement à la tête de sa troupe, et son exemple électrisait ses compagnons. Tout à coup il est atteint par une balle qui le renverse sans vie. Presque en même temps deux autres sauvages sont frappés à mort et un bon nombre blessés. C’en était assez pour démonter les assaillants. Quelques-uns reculent et entraînent bientôt leurs compagnons. Ils fuient tous précipitamment et dans Je plus grand désordre. Audacieux pour un coup de main, les sauvages sont faciles à déconcerter, et leur énergie s’évanouit bientôt devant une vive résistance. Les Français eurent aussi quelques pertes à déplorer. Un caporal nommé Deslauriers fut tué, et le sieur Martial, secrétaire du gouverneur, qui voulut aussi payer de sa personne, fut blessé.

Après cet échec, les sauvages rentrèrent dans leurs foyers, humiliés et la rage dans le cœur. En apprenant que les prisonniers français sont encore vivants, ils veulent à tout prix venger dans leur sang l’affront qu’ils ont subi, et se dédommager ainsi par cette victoire facile. La divine Providence déjoua, comme nous avons vu, ces projets criminels.

Le P. Jogues et son compagnon rentrèrent alors dans la condition ordinaire des captifs, situation critique où leur vie ne tenait toujours qu’à un fil. Sous le moindre prétexte, le premier venu pouvait leur donner la mort, pourvu que ce ne fût pas dans l’enceinte du village. C’est ce qui arriva quelque temps après pour le bon René Goupil.

Au milieu même de sa captivité, ce pieux jeune homme aurait voulu voir Dieu glorifié par tous ceux qui l’entouraient. Ne pouvant s’adresser à ses maîtres dont il ignorait la langue et dont il savait bien que ses leçons exciteraient la fureur, il s’approchait des petits enfants et leur apprenait à faire le signe de la croix.

Un vieillard, qui épiait ses démarches…

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(1) Il faut réduire à sa juste valeur la force armée de la colonie. Elle était bien peu de chose, quinze soldats formaient alors la garnison de Québec, et coûtaient au trésor 12,180 livres. Trois-Rivières en avait soixante-dix, et Montréal autant. Un arrêt du Conseil d’État du 5 mars 1648 porte qu’on enverra trente hommes et un capitaine chez les Hurons. C’étaient en tout cent cinq soldats pour tout le Canada ! (Mss. Bibl. du Louvre).

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Message  Louis Jeu 05 Juin 2014, 11:44 am

Un vieillard, qui épiait ses démarches, l’aperçut traçant ce signe sur le front de son petit-fils, âgé de trois ou quatre ans, et prenant même la main de l'enfant pour lui apprendre à le former lui-même. Cette vue réveilla en lui toute sa haine et ses idées superstitieuses. Il appelle un de ses neveux et lui dit : « Va ! tue ce chien de Français. Les Hollandais nous ont appris que ces signes qu’il a faits sur mon petit-fils ne valent rien. Je crains qu’il ne lui en arrive quelque malheur. »

Cette commission barbare n’était malheureusement que trop en harmonie avec les sentiments et les dispositions de ce jeune homme ne respirait que vengeance, surtout depuis qu’il avait appris qu’un de ses parents avait été tué à l’attaque du fort Richelieu.

Il s’agissait pour lui de trouver la victime à l’écart et hors du village. L'occasion ne tarda pas à se présenter.

Plein de sinistres pressentiments, le P. Jogues s’efforçait d’entretenir dans son disciple, ainsi qu’en lui-même, des dispositions de résignation à la volonté de Dieu, pour être toujours prêt au sacrifice. Quand ils n’étaient pas en prières, c’était là le sujet ordinaire de leurs conversations.

Un soir que le missionnaire et son disciple se promenaient dans un bois près du village, ils virent venir à eux le neveu du vieillard avec un autre jeune homme. Ceux-ci leur intimèrent de rentrer de suite dans leur cabane. « J’eus quelque pressentiment, raconte le P. Jogues, de ce qui devait arriver, et je dis à Goupil : Mon cher frère, recommandons-nous à Notre-Seigneur et à notre bonne Mère la très-sainte Vierge. Ces gens-là ont quelque mauvais dessein, à ce que je crois. » — « Nous nous étions offerts à Notre-Seigneur peu auparavant avec beaucoup d'affection, le suppliant de recevoir nos vies et notre sang, et de les unir à sa vie et à son sang pour le salut de ces pauvres peuples ! » (Mss. du P. Jogues.)

Les deux prisonniers prennent aussitôt la direction du village, en récitant pieusement leur chapelet. Ils avaient déjà récité quatre dizaines quand, arrivés près de la porte, et toujours suivis par les deux Iroquois, un de ceux-ci tirant une hache qu’il tenait cachée sous son vêtement, en déchargea un coup violent sur la tête du pauvre René. Il tomba demi-mort la face contre terre, en prononçant le très-saint nom de Jésus. « Heureusement, ajoute le P. Jogues, nous nous étions souvent donné l’avis de sanctifier à notre mort notre dernière parole, en prononçant ce nom très-saint afin de gagner les indulgences. »

En voyant tomber son compagnon, le P. Jogues se retourne, et apercevant la hache sanglante entre les mains du meurtrier, il se jette à genoux, ôte son bonnet, et attend le même sort en offrant à Dieu son sacrifice. Mais le sauvage lui dit qu’il n'avait rien à craindre. Il ne pouvait rien lui faire, parte qu’il appartenait à une autre famille.

Trompé dans son attente…


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Message  Louis Ven 06 Juin 2014, 12:49 pm


Trompé dans son attente, malgré ses désirs, le P. Jogues se relève, et n’écoutant que sa douleur et sa tendresse, il se jette « sur son cher René », ainsi qu'il l’appelle, lui donne une dernière absolution comme il faisait tous les deux jours, l'inonde de ses larmes et le presse contre son cœur. Il perdait en lui son fils spirituel, son frère, le compagnon de ses travaux et de ses souffrances, l'unique consolation de sa captivité. Il ne voyait plus autour de lui qu'un affreux isolement.

« Ce fut le 29 septembre 1642, dit le P. Jogues, que cet ange en innocence et ce martyr de Jésus-Christ fut immolé à l'âge de trente-cinq ans, à, celui qui avait donné sa vie pour le racheter. Il avait consacré son âme et son cœur à Dieu, sa main et son existence au service des pauvres sauvages. »

Les deux meurtriers arrachèrent le missionnaire de dessus le corps de leur victime, qu’ils frappèrent de deux coups de hache dans la crainte qu’elle ne respirât encore.Le P. Jogues fut renvoyé à la famille à qui il appartenait. Le reste du jour et le lendemain il ne voulut pas sortir, s'attendant sans cesse à un sort semblable à celui de René. Il savait en effet que cette famille avait aussi perdu un des siens à la guerre.

Loin de le maltraiter, son maître lui donna même un témoignage d'intérêt. Il l'examina à son retour, pour s’assurer si les traces de sang qu'il portait n'indiquaient pas quelques blessures.  Il lui mit même la main sur le cœur pour voir quelle impression il éprouvait. Sentant qu’il était calme et ne battait pas plus vite qu’à l’ordinaire : « Ne sors plus de la bourgade, lui dit-il, sans être accompagné de l’un d’entre nous. Il y a de jeunes étourdis qui ont formé le projet de t’assommer. Prends donc garde. »

Ce ne fut pas le seul avertissement que reçut le serviteur de Dieu du danger qu’il courait. Quelques-uns le lui disaient ouvertement. Un sauvage vint même lui demander les souliers qu’il avait, en ajoutant que bientôt il n’en aurait plus besoin. Le Père le comprit, et lui donna sa chaussure en souriant.

Cependant le surlendemain du meurtre de Goupil, le P. Jogues ne put résister au désir de savoir ce qu’était devenu son cadavre, afin de pouvoir lui donner une sépulture convenable. Il partit donc pour le chercher au péril même de sa vie. Car on voyait rôder un peu partout des jeunes gens armés, qui semblaient machiner quelques mauvais desseins.

Un vieillard chez qui le missionnaire avait demeuré le rencontra à la sortie du village, et connaissant son projet, il voulut le dissuader: « Où vas-tu? Tu n’as pas d’esprit; on te cherche pour t’ôter la vie, et tu cours après un corps mort déjà à moitié pourri. Ne vois-tu pas ces jeunes gens là-bas, qui t’attendent pour te tuer ? »

Ce danger ne l’arrêta pas : « Je ne craignais rien, ajoute ici le serviteur de Dieu; car la vie avec de telles angoisses était un vrai tourment, et au contraire la mort, dans un pareil acte de charité, était un véritable gain (Phil. I, 21). »

Il continua donc sa route, mais le vieillard…

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Message  Louis Sam 07 Juin 2014, 11:44 am

Il continua donc sa route, mais le vieillard avertit un bon Algonquin qui était incorporé à la nation iroquoise, de suivre le missionnaire et de le protéger. Ils firent donc ensemble les recherches et finirent par trouver le cadavre. Après le meurtre il avait été abandonné aux enfants, qui l'avaient dépouillé et traîné la corde au cou dans le torrent qui coule au pied du village. Les chiens lui avaient déjà déchiré les côtés. Le triste état de ce corps arracha des larmes au P. Jogues et réveilla de douloureuses pensées. II se contenta pour le moment de le placer dans un endroit profond du torrent, et de le cacher sous des pierres, pour le soustraire à l'avidité des animaux et pour le retenir aussi contre le courant. Il voulait revenir le lendemain avec une bêche, et l'enterrer en secret.

A son retour à la cabane, le P. Jogues rencontre deux jeunes gens qui le pressèrent de les accompagner à un village voisin. Il était facile de pénétrer leur sinistre projet : « Je ne m’appartiens pas, répondit humblement le saint homme. Demandez à mon maître, et, s’il y consent, je suis prêt à vous suivre. » Cet esprit d’obéissance le sauva, car son maître refusa obstinément de le laisser partir.

Le P. Jogues voulait retourner le lendemain pour rendre les derniers devoirs aux restes de René ; mais pour le soustraire aux projets perfides de quelques hommes méchants, ses maîtres l’envoyèrent d’un autre côté travailler à leur champ. Cependant le jour suivant il put aller de bon matin à la recherche de son précieux dépôt. Écoutons-le raconter cet acte de piété fraternelle où se révèle toute la sensibilité de sa belle âme :

« J'allai à l’endroit où j'avais placé ce corps. Je gravis la colline au pied de laquelle coule le torrent; j'en descends. Je parcours la forêt qui est de l’autre côté, mes recherches sont inutiles. Malgré la hauteur des eaux, qui m’arrivaient jusqu'à la ceinture, parce qu’il avait plu toute la nuit, et malgré le froid (nous étions au 1er octobre), je sondai avec mon bâton et avec mes pieds pour m’assurer si le courant ne l’avait pas entraîné plus loin. Je demandai à tous les sauvages que je voyais s’ils savaient ce qu'il était devenu ; mais comme ils sont très-menteurs et qu’ils répondent toujours dans le sens affirmatif, sans égard pour la vérité, ils me dirent que les eaux l’avaient charrié dans la rivière voisine; ce qui était faux. Que de soupirs je poussai alors! combien je versai de larmes qui se mêlaient aux eaux du torrent pendant que je vous adressais, ô mon Dieu, le chant des psaumes en usage dans la sainte Église pour l’office des morts ! »

Cette sollicitude était inutile. Deux jeunes gens avaient vu le P. Jogues cacher le cadavre de René. Ils étaient allés en secret l’enlever et le porter dans un bois voisin.

« Après la fonte des neiges, dit le P. Jogues…

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Message  Louis Dim 08 Juin 2014, 12:35 pm

« Après la fonte des neiges, dit le P. Jogues, je me transportai au lieu qu’on m’indiqua et je recueillis quelques ossements à demi rongés, restes des chiens, des loups et des corbeaux, et en particulier une tête brisée en plusieurs endroits. Je baisai avec respect ces saintes reliques, et je les cachai en terre, afin qu’un jour, si telle est la volonté de Dieu, j’en puisse enrichir une terre sainte et chrétienne. Il mérite le nom de martyr non-seulement parce qu’il a été tué par les ennemis de Dieu et de son Église, et dans l’emploi d’une ardente charité à l’endroit du prochain, mais particulièrement parce qu’il a été tué pour les prières et nommément pour la sainte Croix (1). »

Les deux premiers mois de la captivité du P. Jogues se passèrent ainsi dans des craintes et des dangers de mort presque continuels, et il admirait comme la divine Providence, malgré la ruse et la haine de ses ennemis, déjouait leurs projets criminels. Il en cite plusieurs traits remarquables. Un sauvage à moitié idiot voulut avoir un morceau de la couverture qui lui servait de vêtement le jour et de couverture la nuit : « Je te le donnerais volontiers, dit le missionnaire; mais tu sais que cela ne me suffit pas pour me garantir du froid, et que je serais dans un état de nudité auquel nous ne sommes pas accoutumés. Cependant fais comme tu voudras. »

Cette réponse si modérée blessa ce méchant homme, et il prit ce refus pour un signe de mépris.

Il sortit furieux, bien résolu de se venger de ce « chien » de Français, comme il l’appelait. Il confia son ressentiment à son frère, et le fit se charger facilement de son projet de vengeance. Ils avaient fait rentrer le père dans la cabane à une heure commode, et avec l’assentiment de son maître; c’est là que l’exécution devait avoir lieu. Ils voulaient la confier au meurtrier de René, comme à un homme d’expérience. On courut le chercher, mais ce fut en vain. Il ne fut pas possible de le rencontrer, et le projet échoua.

Ils voulurent renouer le complot pour le lendemain. Ils se trouvaient en présence même du P. Jogues, que l’on ne croyait pas assez habile dans la langue pour comprendre la conversation : «Je faisais semblant, ajoute ici le missionnaire, de ne rien entendre des projets que l'on formait contre moi. Je gardais le silence, comme un homme muet . En sorte que j’étais devenu semblable à un homme qui n’entend pas tel qui ne peut rien répondre. J'ai mis mon espérance en vous, Seigneur (1). J’aimais à me rappeler la douceur de celui qui se laissa conduire à la boucherie comme un agneau (2). Et je voulais marcher à la mort en priant Dieu de ne pas frapper mes ennemis, mais de les disperser selon la vérité de sa parole (3). »

En effet, le lendemain, deux femmes…

_____________________________________________________________________________________

(1) V.L’Appendice G. —  (1) Ps. LIII, 7. — (2) Ps. XXXVIII,  14. — (3) Is.  LII, 7.

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Message  Louis Lun 09 Juin 2014, 12:14 pm

En effet, le lendemain, deux femmes furent chargées de le conduire dans un champ voisin, sous le prétexte d’en rapporter quelque chose, mais c’était pour le livrer à son meurtrier, qui était déjà à son poste. Elles portaient avec elles des citrouilles, des épis de blé d’Inde et d’autres présents, qui devaient être le prix de sa mort.

En apercevant de loin l’assassin de René, le P. Jogues se recommanda à Dieu pour la dernière fois, et s’avança résolument, comme pour aller au-devant de son sacrifice. Mais Dieu voulait encore cette fois se contenter de la préparation de son cœur; pour lui, dans son humilité, il attribua à ses péchés la privation de cette couronne. Le sauvage passa près de lui sans lui faire aucun mal, et comme honteux de l’action qu’il voulait faire.

Dans cette situation si précaire et au milieu de ces alarmes de chaque jour, le P. Jogues ne pouvait se résoudre à étudier la langue iroquoise. Il croyait ce travail inutile. Il partageait son temps entre son devoir d’esclave, chargé de pourvoir à tous les besoins de la cabane, et celui d’apôtre, pour soutenir et encourager les pauvres Hurons compagnons de sa captivité, et enfin ses exercices de piété, la prière et la lecture.

Voici comme il raconte ses pieuses industries pour nourrir sa ferveur : « J’évitais les lieux fréquentés, et je cherchais la solitude. Là je conjurais le Seigneur de ne pas refuser de parler à son serviteur (1), et de lui accorder la force dans les épreuves (1), si j'ai été un prodige pour plusieurs (2), je le dois uniquement à Dieu qui m’a merveilleusement soutenu, et qui, par un effet de son infinie bonté, a souvent relevé mon courage abattu. Je recourais aux saintes Écritures, mon unique ressource dans les tribulations qui m'ont environné (3). Je les vénérais, et je voulais mourir en m’en servant.

« De tous les livres que nous portions aux Hurons, je n’avais sauvé que l’épître de saint Paul aux Hébreux, commentée par M. Antoine Godeau, évêque de Grasse. Je portais toujours ce livre sur moi, ainsi qu’une image de saint Bruno, le très illustre fondateur des Chartreux, à laquelle étaient attachées des indulgences, et enfin une petite croix de bois que j’avais faite comme j’avais pu. Je voulais que partout où je recevrais la mort, toujours si présente à mes regards, elle me trouvât prêt, appuyé sur l’Ecriture sainte, qui avait toujours été ma grande consolation, muni des grâces et des indulgences de la très-sainte Église ma mère, que j’avais toujours aimée, mais alors plus que jamais, et enfin armé de la croix de mon Sauveur. »

Le pieux missionnaire eut le bonheur de retrouver plus tard le livre de l’Imitation de Jésus-Christ et le petit office de la très-sainte Vierge. Il put ainsi enrichir son petit bagage spirituel. Ce fut là toute sa ressource pour suppléer au défaut du bréviaire et à la privation du saint sacrifice de la messe.

Mais Dieu n’abandonnait pas son serviteur au milieu de ses angoisses…

__________________________________________________________

(1) Ps. CXVIII, 35. — (1) PS. X1II. — (2) PS. LXX. — (3) PS, XXXI.


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Message  Louis Mar 10 Juin 2014, 12:13 pm

Mais Dieu n’abandonnait pas son serviteur au milieu de ses angoisses, et plus d’une fois il soulagea abondamment son cœur par des songes pieux que celui-ci regardait avec reconnaissance comme des effets directs de la bonté divine. Nous traduisons du latin un de ces rêves mystérieux qui contribuèrent tant à relever son courage et à ranimer sa confiance. Il ne consentit que par obéissance à en faire le récit, qu’il appelait avec humilité des rêveries. Les paroles de l'Écriture sainte, qui coulent de sa plume comme de source, lui donnent un nouveau charme. Sa mémoire servait toujours admirablement son cœur.

« J’étais sorti de notre bourgade comme de coutume, dit-il, pour gémir plus librement devant vous, ô mon Dieu, pour vous offrir ma prière et pour mettre sous vos yeux mes tribulations (1).

« A mon retour, je trouvai tout métamorphosé. Les pieux qui forment l’enceinte me parurent changés en tours, en créneaux et en murailles magnifiques. Je ne voyais cependant rien de nouveau dans ces constructions, mais c’était une ville ancienne et déjà vénérable par son antiquité.

« Comme j’hésitais à croire que ce fût là notre bourg, quelques Iroquois de ma connaissance m’assurèrent que c’était bien lui. Rempli d’étonnement, j'approchais, et après avoir passé la première porte, je vis sur le montant droit de la seconde, ces deux lettres gravées en majuscules L. N., et la figure d’un agneau immolé.

« Ma surprise fut grande, et je ne pouvais comprendre comment des barbares sans aucune idée de notre écriture avaient pu graver ces caractères. Pendant que je cherchais à me rendre compte de ce problème, je vis au-dessus de ces

Le P. Isaac Jogues, premier Apôtre des Iroquois. - Page 3 Lauden10


signes un ruban flottant avec des paroles qui leur correspondaient et qui les expliquaient :

« Qu'ils glorifient son nom (1).

« En même temps mon âme fut comme inondée d’une grande lumière qui me fit voir clairement que le nom de Dieu est loué surtout par ceux qui s'efforcent dans leurs tribulations d’imiter la douceur de celui qui n'avait pas dit une parole à ceux qui le dépouillaient, et qui s’est laissé conduire à la mort comme un agneau (1).

« Encouragé par cette vision…

______________________________________________

(1) Ps. LV, 9.— (1) Ps. CXLIX, 3. — (1) Is. LIII, 7.

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Message  Louis Mer 11 Juin 2014, 11:22 am

« Encouragé par cette vision, je passe la seconde porte, bâtie en belles pierres carrées et taillées. Elle formait un portique voûté, vaste et magnifique. J’aperçois au milieu, mais de l’autre côté de la route, un corps de garde plein d’arquebuses, de flèches, et de toutes les armes des braves (2). Je ne voyais aucun soldat; mais je crois que, selon l’usage, je devais saluer le poste en signe de respect.

« Comme je me découvrais en me tournant vers lui, une sentinelle placée de mon côté me cria de m’arrêter. Or, soit parce que j’avais la tête tournée, soit parce que la nouveauté de ce que je voyais absorbait entièrement mon attention, je n’avais rien vu ni rien entendu.

« La sentinelle cria une seconde fois, et plus haut : — Halte-là, vous dis-je. — Alors revenant de ma distraction, je m’arrêtai. — Est-ce ainsi, me dit le soldat, que vous obéissez à la garde placée devant le palais du Roi, et qu’il faut vous avertir deux fois? Je vais vous conduire de suite à notre juge et notre commandant (j’entendis ces deux titres, qui indiquaient un magistrat et un officier), afin que votre insolence soit punie comme elle le mérite. — Je vous assure, mon très-cher ami, lui dis-je, que je me suis arrêté aussitôt que je vous ai entendu. — Peu satisfait de mon excuse, il me conduisit au juge. « La porte du palais était du côté où je me trouvais, mais un peu plus loin que le corps de garde. « J'entrai : ce palais me parut ressembler à ces salles qu’en Europe on appelle les chambres dorées , où se rend la justice, ou plutôt à ces salles qu’on appelle chapitres , dans les plus anciens et les plus célèbres monastères. Tout était d'une grande magnificence.

« Je vis dans cette salle un vénérable vieillard plein de dignité, semblable à l'ancien des jours (1).

« Son vêtement était d’écarlate et d’une grande beauté. Il n'était point assis sur son siège, mais il se promenait d’un air plein de bonté, et rendait la justice au peuple. Il y avait là une foule nombreuse de personnes de toute condition, comme on le voit en Europe. Je reconnus quelques personnes qui me demandèrent des nouvelles des Hurons. Je me dis en moi-même : Voilà qui est bon. Ils me connaissent et savent que je n'ai rien fait pour être conduit au tribunal. Je serai traité avec plus d’indulgence.

« Cependant, après avoir entendu le rapport du soldat, le juge, sans m’interroger, prit une verge dans un faisceau qui ressemblait à ceux que les licteurs portaient devant les consuls romains, et il m’en frappa rudement et longtemps, d’abord sur les épaules, puis sur le cou et enfin sur la tête, en me causant de très vives douleurs. Encore qu’il ne se servît que d'une main, je crois que j'ai autant souffert qu’à mon entrée dans la première bourgade des Iroquois, lorsque toute la jeunesse du pays, sortie à notre rencontre, nous reçut si cruellement à coups de bâtons. Je ne poussai pas une plainte; je ne fis pas entendre un gémissement. Je recevais tous ces coups en souffrant; je les supportais avec résignation et humilité.

« Alors mon juge, paraissant comme frappé d’admiration pour ma patience, rejeta sa verge et m’embrassa avec une grande tendresse. Ma douleur fut calmée, et je me sentis rempli d’une consolation ineffable et toute divine. Dans l’ivresse de cette joie céleste, je baisai la main qui m’avait frappé, et, dans un espèce de ravissement, je m’écriai : Virga tua, Domine mi rex, et baculus tuus ipsa me constata surit. Votre verge et votre bâton, ô mon Seigneur et mon roi, m'ont consolé (1).

« Aussitôt après il me reconduisit à la porte et me laissa sur le seuil.

« A mon réveil, après avoir bien réfléchi sur ce que j’avais vu, je ne pus hésiter à attribuer à Dieu toutes ces choses extraordinaires, non seulement à cause de l’admirable et si juste enchaînement qu’elles avaient entre elles, quoique je n'eusse pensé à rien de semblable auparavant, mais surtout à cause de l'ardent amour dont je sentis mon cœur embrasé quand mon juge m'embrassa et que je m'écriai : Virga tua. Après bien des mois, ce souvenir seul me faisait verser des torrents de larmes de la plus douce consolation.

_____________________________________________________________________

(2) Cant. IV, 4. (1) —   (1)Dan. VII, 9. —   (1) Ps. XXII, 4.

A suivre : Chapitre VIII.

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Message  Louis Jeu 12 Juin 2014, 11:38 am

CHAPITRE VIII


Chasse d'hiver. — Jeûnes du P Jogues. — Son oratoire. — Consolation céleste. — Retour au village. — Changement à son égard.
— Étude de l'iroquois. Il parle du vrai Dieu. — La pêche. — Nouveaux dangers. —  Supplice des prisonniers.

Les tentatives homicides contre le missionnaire cessèrent peu à peu; les esprits se calmèrent pour un temps et il lui fut permis de vivre en paix, sans toutefois voir adoucir les rigueurs de sa captivité. L'hiver devint pour lui un surcroît de fatigues et de privations; c’était l'époque de la chasse aux cerfs, genre d’exercice qui ne peut plaire qu'à des sauvages. Le P. Jogues fut attaché à une famille pour lui servir de domestique, et il partit avec elle vers la fin d'octobre. Le temps était rude, et il y avait plus de cent vingt kilomètres à parcourir à pied pour arriver au rendez-vous. Sa garde-robe était dans un triste état ; elle consistait en une chemise et un caleçon usés, sa chaussure était percée, et ses bas si mauvais que ses jambes étaient presque à nu.

Ses pieds furent bientôt ensanglantés par les pierres tranchantes, les roseaux aigus, les cailloux et les halliers; mais tout ce qu’il avait souffert en route n'était rien en comparaison de ce qui lui était réservé pendant la chasse.

Comme on le croyait incapable de chasser, on lui donna le travail réservé aux femmes, c’est-à-dire d'aller couper et d'apporter le bois pour entretenir le feu de la cabane. Le gibier fut d'abord abondant, et la viande était à peu près l’unique nourriture des chasseurs ; ce régime était salutaire au P. Jogues et il reprenait des forces peu à peu ; mais bientôt il y renonça, ayant remarqué les pratiques idolâtriques de ses maîtres. En effet, aussitôt que la bête avait été abattue, on prenait une partie de l'animal, ordinairement le morceau le plus estimé, et un des anciens de la troupe, l’élevant en l’air, l’offrait au démon de la chasse en disant : « Génie Aireskoï, voici les viandes que nous t’offrons ; fais en un festin, mange-les, et montre-nous où sont les cerfs. »

Après avoir entendu cette invocation idolâtrique, le P. Jogues résolut de ne plus toucher à cette viande, et il disait aux sauvages : « Je ne me nourrirai jamais d'une chair offerte au démon. » Il se contenta dès lors d’un peu de sagamité (1) et de quelques épis grillés, et encore en avait-il rarement, parce que dans l’abondance de viande, les chasseurs méprisaient leur farine de blé d’Inde :

« Souvent, a-t-il conté, je rentrais le soir à la cabane sans avoir rien mangé de la journée, et je trouvais mes Égyptiens gloutonnement accroupis autour de leurs chaudières pleines de viandes fumantes (1), et quoiqu’il y eût d’excellentes raisons pour me permettre d’y prendre part, jamais, grâce à Dieu, je n’ai manqué à ma résolution. Je disais à Dieu, quand j’étais pressé par la faim : « Repleamur bonis domus tuæ (2), satiabor cum apparuerit gloria tua (3). Oui, nous serons un jour remplis des biens de votre maison; je serai rassasié lorsque je verrai votre gloire , et que vous comblerez les désirs de votre serviteur dans la cité sainte de votre Jérusalem céleste. »

L’abstinence que le P. Jogues s’imposait passa bientôt, aux yeux malveillants des sauvages, pour un signe de mépris de leur divinité, et ils lui attribuèrent dans la suite le peu de succès de leur chasse. Les sentiments de compassion qu’ils avaient eus d’abord se changèrent en aversion et en haine. Ils semblèrent ne le souffrir qu’avec peine. Son travail pour se perfectionner dans la langue iroquoise fut forcément interrompu. Ils ne voulaient plus lui donner aucune explication ni répondre à ses questions. Ils ne voulaient même plus l’écouter quand il essayait de leur raconter, ce qui lui avait si souvent réussi, les histoires de la création, de la chute d’Adam, du déluge, du jugement dernier, de l’enfer.

Ce ne fut pas la seule occasion où la superstition crédule de ce peuple ignorant…

________________________________________________________________

(1) La sagamité était une sorte de bouillie faite de blé d’Inde écrasé grossièrement entre deux pierres. — (1)  Exode XVI, 3. — (2)  Ps. LXIV, 5. —  (3)  Ps. XVI, 15.

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Message  Louis Ven 13 Juin 2014, 3:54 pm

Ce ne fut pas la seule occasion où la superstition crédule de ce peuple ignorant exposa le P. Jogues à de graves dangers. Un Iroquois malade crut apprendre par un songe que, pour obtenir sa guérison, il fallait recourir à certaines danses et cérémonies. Il s’imagina même que la participation du missionnaire était nécessaire, et il voulait qu’il y assistât, son livre de prières à la main. Or un songe est chose tellement sacrée aux yeux des sauvages, surtout lorsqu’il s’agit de la santé, qu’il était inouï qu’on eût refusé de concourir à son accomplissement. Toutes les nations du nord de l’Amérique étaient esclaves de ce préjugé.

Les parents du malade vont donc trouver le P. Jogues et lui annoncent que sa guérison est entre ses mains : « Tu n’as qu’à faire, lui dirent-ils, ce qu’il a vu en songe, et il est sauvé. C’est chose facile pour toi ; tu pries comme cela tous les jours; sa santé rendu sera pour toi une véritable gloire. » Le Père sourit et essaye de leur faire sentir la vanité de leur remède. Ils insistent; il refuse. De nouveaux députés reviennent et lui représentent qu’il y a cruauté à laisser ainsi souffrir et mourir un homme, quand on peut si aisément lui porter secours. Tout fut inutile; le missionnaire ne pouvait pas prendre part à leurs folles erreurs et surtout les encourager.

Ces sauvages résolurent alors de l'emmener de force, et chargèrent de la commission quelques jeunes gens vigoureux. Mais ayant connu leur dessein, le P. Jogues parvint à s’échapper de leurs mains et à s’enfuit dans la forêt. Son agilité était encore telle qu’ils ne purent l’atteindre. Devant une résolution aussi énergique, ceux-ci comprirent l’inutilité de leurs instances et cessèrent de le tourmenter à ce sujet.

La vie du missionnaire se passait ainsi dans un travail pénible, dans des privations de toute nature et dans des tracasseries continuelles. Il se vit même obligé de ne pas prier devant ses maîtres, ils l’accusaient d’invoquer alors les esprits qui leur étaient hostiles. Il évitait aussi de se mettre à genoux devant eux, car cette posture tout à fait en dehors de leurs usages leur paraissait suspecte.

L’hiver vint bientôt ajouter ses rigueurs à cette vie de souffrance. La neige était abondante et tout le sol glacé. Un vieux morceau de peau trop court et en mauvais état le garantissait mal contre le froid. Les sauvages avaient cependant une grande provision de pelleteries pour leur commerce, mais ils ne songeaient pas à lui en donner. Il lui arriva quelquefois dans la nuit de tirer à lui quelqu'une de ces peaux pour se réchauffer, mais quand les sauvages s’en apercevaient, ils la lui arrachaient avec de grossiers reproches. Il était continuellement transi de froid, et sa peau finit par se gercer et se couvrir de plaies.

A cet état de souffrances extérieures vinrent se joindre bientôt des angoisses et des peines extérieures beaucoup plus sensibles encore, et qui jetèrent le serviteur de Dieu dans un très-grand abattement. Il voyait, disait-il, partout autour de lui les périls de l’enfer (Ps. cxiv, 3). Au dehors il trouvait des combats, et intérieurement des craintes. (II Cor. VII 5).

Écoutez-le nous faire le tableau de ce qui se passait alors dans son âme…



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Message  Louis Sam 14 Juin 2014, 11:29 am


Écoutez-le nous faire le tableau de ce qui se passait alors dans son âme et des remèdes qu’il trouvait dans sa foi :

« Je pensais, écrit-il, à mon cher compagnon, dont le sang m’avait couvert il y avait peu de temps, et j’entendis dire que le bon Guillaume avait aussi fini sa vie dans les tourments les plus cruels et que c’était le sort qui m’attendait à mon retour au village. Alors me revenait le souvenir de ma vie passée, si infidèle à Dieu et souillée de tant de fautes. Je gémissais de a me voir mourir au milieu de ma course (1), comme rejeté par le Seigneur, privé des sacrements de l’Église, et sans aucune bonne œuvre pour obtenir miséricorde de mon juge.

« Ainsi préoccupé et du désir de vivre et de la crainte de mourir, je poussais de tristes soupirs, et je disais à mon Dieu : Quand finiront mes misères et mes douleurs ? Quand jetterez-vous les a yeux sur ma détresse et ma tribulation ? Quand me rendez-vous le calme après la tempête? Quand changez-vous mes larmes en transports de joie et « en bonheur (2)? »

Puis il ajoute avec un vif sentiment d’humilité et de confiance : J'aurais péri si le Seigneur n’eût abrégé ces mauvais jours (1), j’ avais recours à mon soutien et à mon refuge ordinaire, les saintes Écritures, dont j’avais retenu quelques passages. Elles m’apprenaient à voir en Dieu sa bonté, et me rappelaient que, quoique privé des consolations de la piété, le juste vivait de la foi (2).

« J'étudiais avec soin ces paroles; je suivais le cours de leurs eaux pour tâcher d'étancher ma soif si prolongée (3). Je méditais jour et nuit la loi de Dieu (4), et si elle n’avait pas été l'objet de mes réflexions, j'aurais peut-être péri dans mon infortune (5), et mon âme aurait été engloutie dans ces eaux débordées (6).

« Mais Dieu soit béni de ne m'avoir pas livré à la dent de mes ennemis dont l'heure semblait arrivée, ainsi que celle de la puissance des ténèbres (7). Mes maux étaient devenus si excessifs que la vie m’était  charge ( 8 ). Cependant je répétais avec Job, mais dans un autre sens ; Quand Dieu ne me ferait pas mourir j'espérerais toujours en lui (9).»

Dans cet état de souffrances extérieures et de désolations intérieures…

_______________________________________________________________

(1)  Is. XXXVIII 10. —  (2) Ps. XLIII, 24. — (1)  Marc, XIII, 20. — (2) Hébr. x. 38. — (3)  Ps. CVI, 33. — (4)  Ps. 1. — (5)  Ps. CXV, 3, 92. — (6)  Ps. CXXIII. — (7)  Luc, XXII, 53. — ( 8 ) II Cor. 1, 8. — (9) XIII., 15.

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Message  Louis Dim 15 Juin 2014, 12:36 pm

Dans cet état de souffrances extérieures et de désolations intérieures, toute la consolation du P. Jogues était de se retirer dans le petit oratoire champêtre qu’il s’était construit dans la forêt, à une petite distance de la cabane. Il s’y rendait aussitôt après avoir accompli son devoir d’esclave et pourvu à la provision de bois pour la journée, et là, sans feu, sans autre abri que quelques branches de sapin pour se protéger contre le vent, il restait des heures entières à genoux sur la neige, pour s'entretenir avec son Dieu, au pied d’une grande croix qu'il avait taillée dans l’écorce d'un arbre. Là il méditait, il priait, il lisait le livre de l’Imitation de Jésus-Christ, et il s’excitait à une sainte ferveur en pensant qu’il était presque seul à aimer et à honorer le vrai Dieu dans ces vastes contrées.

Il fit plus encore. En bon religieux, il tâchait de suivre de son mieux tous les exercices de piété de la vie de communauté, et comme c’était précisément l'époque où, selon l'usage, il faisait tous les ans sa retraite spirituelle, il consacra un certain nombre de jours à se livrer à ces saints exercices.

Cependant les sauvages avaient remarqué ses absences fréquentes et prolongées. Habitués à prendre en mauvaise part tout ce qu’il faisait, ils l'épièrent, et le suivirent afin de s’assurer s’il ne se livrait pas à quelque sortilège pour leur nuire. Ils le laissèrent tranquille quand ils virent qu’il ne s’occupait que de la prière; mais les jeunes gens s’amusèrent à aller le distraire ou à l'effrayer. Ils s'approchaient de lui, la hache levée, comme pour le frapper, ou ils lançaient des flèches qui tombaient à ses côtés.

Tantôt ils poussaient de grands cris derrière lui, comme pour avertir d’un grand danger, tantôt ils faisaient tomber près de lui des arbres qui le menaçaient dans leur chute.

Mais rien ne pouvait détourner le serviteur de Dieu de ses entretiens intimes avec le ciel. Il retrempait son courage, et il avait l'expérience que le Seigneur semblait choisir ce lieu de préférence pour le combler de ses faveurs. Nous empruntons à une de ses notes écrites en latin sur sa captivité le récit de quelques-unes de ces grâces qui furent pour lui une source de tant de consolations.

« Étant dans ce lieu, dit-il, que j’avais choisi pour ma retraite, je crus me trouver dans la compagnie de plusieurs de nos Pères que j’avais connus pendant leur vie et dont j’avais beaucoup estimé la vertu et le mérite. Il ne me reste le souvenir distinct que du P. Jacques Bertrix, du P. Etienne Binet, et un peu du P. Pierre Coton. Je les priai de toute l’ardeur de mon âme de me recommander à la Croix, afin qu’elle me reçoive comme le disciple de celui qu’elle avait porté, et qu’elle ne repousse pas un citoyen de la Croix (ce motif ne m’était encore jamais venu à l’esprit, même dans mes méditations). Je suis né en effet dans une ville (1) dont l’église cathédrale est dédiée à la sainte Croix.

«Une autre fois, dans la même solitude…

________________________________________

(1) Orléans.

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Message  Louis Lun 16 Juin 2014, 11:40 am

« Une autre fois, dans la même solitude, je me crus, pendant mon sommeil transporté dans ma ville natale, au cloître de Sainte-Croix. Là, étant entré dans le magasin d’un libraire de ma connaissance, je lui demande s’il n’avait pas quelque livre édifiant. Il me répond qu’il en avait un qu’il estimait beaucoup, la Vie des hommes illustres .

« Je conçois aussitôt un vif désir de le voir, ne demandant à l’emprunter que pour quelques jours, et promettant de le rapporter aussitôt après l'avoir lu dans ma chambre avec deux ou trois excellents amis. Le libraire faisait des difficultés, à cause du prix qu’il attachait à ce livre. Pendant ce temps-là, les personnes présentes s’entretenaient sur les tribulations et les infortunes, et chacun racontait ce qu’il avait souffert. J’eus la hardiesse de dire moi-même que j’avais souffert quelque chose pour la cause de Dieu, mais ne voyant pas venir le livre que je désirais tant, je priai un des commis d’aller le chercher pour me l’apporter. Celui-ci, comme à l’insu de son maître, va le prendre et me le donne.

« A peine fut-il entre mes mains que j’entendis une voix me dire distinctement : Ce livre contient la vie des hommes illustres par leur piété et forts à la guerre (1). Je me sentis pénétré de cette pensée que ce n’est que par beaucoup de tribulations que nous devons entrer dans le royaume des cieux (2). En sortant, plein de joie, avec mon livre, je vis tout le magasin rempli de croix, et je dis que je reviendrais, car je voulais en acheter un grand nombre et de différentes espèces. »

Un autre jour, dans le même lieu, comme il était plus accablé que de coutume sous le poids de ses souffrances, et du mépris dont il était l’objet de la part des sauvages, et des remords de sa conscience et des angoisses de son âme, il eut le songe suivant :

« J'entendis distinctement une voix qui me reprochait mes perplexités, et me recommandait de ne voir en Dieu que sa bonté (1) , et de me jeter à aveugle(2) dans son sein. C’était aussi les paroles de saint Bernard écrivant à ses religieux : « Servez le Seigneur avec ce sentiment d’amour qui chasse la crainte et ne considère même pas le mérite. » Ces deux avis continue le P. Jogues, étaient pour moi, car je me laissais aller à une crainte excessive, mais servile et non filiale. Je manquais de confiance en Dieu. Je me désolais de me voir traîné au jugement presque au milieu de ma course, et sans être précédé d’aucune bonne œuvre, tandis que j'aurais dû m'attrister pour le grand nombre de mes infidélités envers Dieu.

«  L’effet de ces paroles fut de relever mon courage et de me remplir d’un tel amour pour Dieu, que, dans mon transport, avant même de m’éveiller, j’ajoutai ces paroles du même saint Bernard : …

________________________________________________

(1) Illustres pietate viros et fortia bello Perfora... (Virg.)

(2) Act. , XIV, 21.
(1) Sap. I. 1.
(2) 1 Pet. v. 7.

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Message  Louis Mar 17 Juin 2014, 5:28 pm

« L’effet de ces paroles fut de relever mon courage et de me remplir d’un tel amour pour Dieu, que, dans mon transport, avant même de m’éveiller, j’ajoutai ces paroles du même saint Bernard :

« Ce n’est pas sans raison qu’il nous demande notre vie, celui qui le premier nous a donné la sienne. »

Ces pieuses pensées dilatèrent tellement mon cœur, que quand il fut question de revenir au village, où je m’attendais à trouver la mort, je me mis en route plein de joie.

Ce retour ne tarda pas. Le serviteur de Dieu le provoqua lui-même quand il vit que ses maîtres ne semblaient le souffrir qu’avec peine. Il savait bien qu’au village sa charité et son zèle ne manqueraient pas d’occasion de s’exercer. Il demanda donc à accompagner quelques sauvages qui allaient partir, et ses maîtres y consentirent volontiers, autant pour se débarrasser de lui que pour profiter de son voyage et envoyer à leurs amis une bonne provision de viandes boucanées.

Le P. Jogues se soumit sans mot dire à ces exigences, et partit chargé comme une bête de somme. Mais si ce voyage de huit jours à pied, au milieu des neiges du mois de janvier et avec un pareil fardeau, fut pénible pour la nature, il ne fut pas sans dédommagement pour le cœur de l’apôtre.

Dans cette troupe de voyageurs se trouvait une femme, portant sur le dos un lourd paquet et en même temps un petit enfant. Ils furent arrêtés par un torrent profond et rapide, et la rigueur de la saison ne permettait pas de le traverser à la nage. Heureusement que près de là était un pont improvisé, comme en savaient faire les sauvages. Il consistait en un pin énorme qu'ils avaient abattu et fait tomber adroitement en travers d'une rive à l’autre. Les sauvages franchirent intrépidement cette étroite passerelle, mais la pauvre femme, embarrassée par son double fardeau et effrayée du mouvement d’oscillation de ce pont branlant, perdit l’équilibre et tomba à l’eau. À ce moment, la corde qui retenait sa charge sur ses épaules et qui, selon l’usage était appuyée sur son front, glissa dans son cou, et paralysait tous ses mouvements en menaçant de l'étouffer.

Le P. Jogues la suivait de près. A la vue de sa chute et du danger qu’elle court, il n’hésite pas un moment, et sans calculer ce qu’il avait à craindre pour lui-même, il se précipite dans les eaux. Grâce à son adresse et à son courage, il a le bonheur de l’atteindre et de ramener au rivage et la mère et l’enfant. Il était temps. Celui-ci était déjà à moitié suffoqué. Le missionnaire se hâta de le régénérer dans les eaux du baptême, et deux jours après ce petit ange allait au ciel prier pour son libérateur.

Un autre des compagnons de voyage du missionnaire était…


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