Le P. Isaac Jogues, premier Apôtre des Iroquois.

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Message  Louis Dim 06 Avr 2014, 12:12 pm

Le P. Jogues rendit compte à sa mère de son voyage dans la lettre suivante, au moment où il allait s’embarquer pour monter chez les Hurons :

« Madame ma mère,

« Enfin il a plu à Notre-Seigneur de me faire aborder à la terre de la Nouvelle-France, à laquelle j’aspirais depuis tant d’années. Nous parlâmes de Dieppe le 8 avril, huit vaisseaux de compagnie, et nous sommes arrivés huit semaines après notre départ. Je débarquai dans une île appelée Miscou, où il y a deux de nos Pères (2) occupés à rendre service aux Français qui y ont une habitation, et à entamer la conversion des sauvages qui s’y rencontrent. Après avoir passé quinze jours avec eux, je montai dans un autre vaisseau qui me mena à Tadoussac (1) ; c'est le lieu où s’arrêtent les navires, tandis que les barques et autres moindres vaisseaux montent le long du grand fleuve Saint-Laurent jusqu’à Québec, habitation française qui s’augmente chaque jour. J’y arrivai le 2 juillet, jour de la Visitation de Notre-Dame.

« Je me suis toujours si bien porté sur mer et sur terre, grâce à Dieu, que j’ai causé de l’étonnement à tout le monde, n’étant pas chose ordinaire de faire de si longues traversées sans éprouver le moindre mal d’estomac ni le moindre dégoût. Les ornements pour la messe m’ont été d’une grande utilité, car je l’ai dite tous les jours que le temps a été favorable, bonheur dont j’aurais été privé si notre famille ne me les avait procurés; ça été une grande consolation pour moi, et une faveur que nos Pères n’ont pas eue les années précédentes. L’équipage en a profité : sans cela les quatre-vingts personnes qui étaient sur notre vaisseau eussent été deux mois sans assister au saint sacrifice, au lieu que, moyennant la faculté que j'ai eue de célébrer, ils se sont tous confessés et ont tous communié à la Pentecôte, à l'Ascension et à la Fête-Dieu. Dieu vous en saura gré et à madame Houdelin, comme ayant contribué à ce bien-là.

« Du reste, madame, tous les ans, avec la grâce de Dieu…

_________________________________________________________

(2)  Les Pères Dumarché et Turgis. L'Ile de Miscou reçut des Français le nom de Saint-Louis; mais on y fonda en 1635 une mission qui reçut le nom de Saint-Charles. Le scorbut la détruisit presque à sa naissance. Le P. Turgis, son fondateur, mourut lui-même victime du fléau en 1637. Il n’avait que trente ans. — (1) D’après Lescarbot ce nom était sauvage. Plus tard les Montagnais l'appelaient Sadilège (Relation, 1646). La station des vaisseaux était à l’entrée du Saguenay, qui se jette là dans le Saint-Laurent.

(Tiré de : op. cit.)

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Message  Louis Lun 07 Avr 2014, 11:58 am

 « Du reste, madame, tous les ans, avec la grâce de Dieu, vous aurez de mes lettres, et j'attends aussi des vôtres chaque année. Ce me sera toujours une consolation d'apprendre de vos nouvelles et de celles de notre famille, n'espérant pas vous revoir en cette vie. Que Dieu, par sa grâce, nous rassemble tous deux dans sa sainte demeure pour le louer toute une éternité! C'est à quoi nous devons soigneusement travailler tous tant que nous sommes. Ménageons si bien le temps qui nous est accordé que nous ayons fait en notre vie ce que nous voudrions avoir fait à la mort. Et quel contentement un jour pour une âme qui meurt dans la satisfaction que la conscience lui donne, d'avoir servi Dieu le moins mal qu'elle a pu, et de s'être efforcée en tout et partout de faire ce qui était le plus agréable à sa majesté. Je crois que ce sont là les pensées et les raisons qui nous ont poussés à demander avec importunité d'être envoyés dans ces contrées, où, comme il y a plus à souffrir, on témoigne aussi plus sincèrement à Dieu l’amour qu'on a pour lui.

« Si j'étais capable de vous donner un bon avis, ou que vous en eussiez besoin, je vous conseillerais de vous adresser à quelque saint directeur, à qui vous donnassiez la conduite de votre âme, et qui vous engageât à fréquenter plus assidûment les sacrements. La dévotion à laquelle vous vous êtes plue doit être plus que jamais votre occupation. Votre âge avancé et le repos dont vous jouissez vous y convient.

« Je vous écris ceci séparé de vous de plus do mille lieues, et peut-être que, dès cette année, je pourrai être envoyé chez une nation qui s'appelle les Hurons. Elle est éloignée d'ici d’environ trois cents lieues. Elle annonce de grandes dispositions à embrasser la foi. N’importe où nous soyons, pourvu que nous soyons toujours dans les bras de la Providence et dans sa sainte grâce, c’est le  souhait que fait tous les jours à l’autel pour  vous et pour notre famille celui etc.


« Des Trois-Rivières (1), ce 20 août 1636.

« P. S. Je viens de recevoir l’ordre de me disposer à partir dans trois ou quatre jours pour aller chez les Hurons. »

A l’occasion de la première messe qu’il dit au Canada…

________________________________________________

(1) Cette ville, sur le Saint-Laurent, entre Montréal et Québec, prend son nom de la rivière qui se jette près de là dans le fleuve par trois embouchures. Champlain la fonda en 1634.

(Tiré de : op. cit.)

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Message  Louis Mar 08 Avr 2014, 12:55 pm

A l’occasion de la première messe qu’il dit au Canada, le P. Jogues écrivit à sa mère ces touchantes paroles : —
« Je ne sais ce que c’est que d'entrer en Paradis; mais je sais bien qu'en ce monde il est malaisé de trouver une joie plus excessive et surabondante que celle que j'ai sentie entrant en Nouvelle-France, et y disant la première messe, le jour de la Visitation. Je vous assure que ce fut bien vraiment le jour de la visitation par la bonté de Dieu et de Notre-Dame. Il me sembla que c’était Noël pour moi, et que j’allais renaître en une vie toute nouvelle et une vie de Dieu. »

Qui ne verrait dans ces lettres le cœur du meilleur des fils, n’oubliant aucun de ses devoirs envers une tendre mère, et alliant au plus haut degré l’amour de la famille à l’amour de Dieu? Ce sentiment n’a d’égal que le zèle de l’apôtre brûlant de sauver des âmes.

A l’arrivée du P. Jogues, la mission du Canada comptait dix-huit prêtres et six frères coadjuteurs. Ils occupaient six stations, sur une ligne de plus de seize cents kilomètres, depuis l’île du Cap-Breton jusqu’aux bords du lac Huron. Ils étaient deux au Cap-Breton, deux à Saint-Louis de Miscou, deux à Québec, cinq à Notre-Dame des Anges, deux à Trois-Rivières, et cinq chez les Hurons.

Cette dernière mission allait surtout profiter du renfort venu de France. C’était sur son avenir que les Français comptaient le plus pour ouvrir les immenses contrées de l’ouest et à la religion et, au commerce. Il y avait donc un double intérêt  à s’attacher cette nation et à la civiliser par la prédication de l'Évangile. Elle occupait sur la côte orientale du lac qui porte son nom, et que Champlain avait d'abord appelé Mer douce , un territoire peu étendu, mais favorable à son genre de vie consacré au commerce, à la chasse, à la pêche et un peu à la culture. Divisés en vingt villages, les Hurons formaient en 1635 une population de trente à trente-cinq mille âmes. La foi commençait à jeter au milieu d’eux quelques racines ; mais ses progrès étaient lents, et ne s’achetaient qu'au prix des plus dures fatigues, de dangers et de privations de tout genre.

Le départ précipité du P. Jogues pour le pays des Hurons (1) fut provoqué par une circonstance fortuite. Pendant qu'il était à Trois-Rivières, attendant une occasion favorable, arriva un convoi de jeunes indigènes que le P. de Brébeuf était parvenu à réunir, et qu'il envoyait à Québec pour s’y faire instruire et devenir plus tard les soutiens et les propagateurs de la foi dans leur pays. Le P. Daniel (2) et le P. Davost accompagnaient ces enfants. Le P. Jogues eut le bonheur d'assister au débarquement, et d’avoir sous les yeux un de ces détails de la vie apostolique dont il ambitionnait de partager les travaux.

Le canot du P. Daniel…


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(1)  V. l'appendice A.

(2)  Le P. A. Daniel, de Dieppe, alla en Canada en 1632, et passa quinze ans dans la mission huronne, où il périt glorieusement de la main des Iroquois en 1648.


(Tiré de : op. cit.)

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Message  Louis Mer 09 Avr 2014, 11:59 am

Le canot du P. Daniel devançait les autres. « A sa vue, écrit le P. Le Jeune, notre cœur s'attendrit. Ce bon Père avait la face toute gaie et joyeuse, mais toute défaite. Il était pieds nus, l'aviron à la main, couvert d'une méchante soutane, son bréviaire pendu à son cou, sa chemise pourrie sur le dos ». Mais la charité a le secret de faire oublier bien des peines : le plus cordial accueil attendait les missionnaires et leurs néophytes, et, selon l’usage, il y eut des fêtes pour les sauvages qui les avaient Conduits. Presque tous appartenaient au village d’Ossossané, le plus dévoué aux Français, et que ceux-ci avaient surnommé la Rochelle (1).

Après quelques jours de repos, les sauvages se disposèrent à regagner leur pays. Alors se passa une scène touchante que le P. Jogues regarda comme providentielle et qui détermina son départ.

Au milieu du festin d'adieu, quelques sauvages adressèrent aux Jésuites un touchant reproche, témoignage évident de leur affection et de leur estime. On ne leur avait pas proposé d'emmener avec eux des missionnaires, parce qu'il y avait un mois à peine que le P. Garnier et le P. Chastelain s’étaient mis en route pour leur pays : « Est-ce que les Français ne nous aiment plus, dit un des chefs, puisqu’il ne vient aucun d’eux avec nous ? Ils ne veulent donc pas remplacer ceux que nous avons ramenés, et nous faudra-t-il remonter sans robe noire ? »

Le P. Le Jeune (1), supérieur de la mission du Canada, accéda avec empressement à cette demande, et le P. Jogues, qui ne formait pas de souhait plus ardent, fut désigné pour le voyage. Dès le lendemain il se mettait en route et s'installait dans un léger canot d’écorce.

Ce n'est pas sans une certaine émotion qu'on met pour la première fois le pied dans ces fragiles embarcations, pour s'aventurer sur les grandes eaux des fleuves rapides et des lacs immenses du Canada. Leur petite charpente est formée de lattes très-minces assujetties à leurs extrémités dans deux lisses un peu plus fortes, qui servent de bordage. On les recouvre d'écorces de bouleau de deux millimètres d’épaisseur environ. Des filaments tirés de la racine du cèdre, bois incorruptible, lient ensemble les morceaux d’écorce. Les coutures et tous les trous qui se forment sont enduits de résine. Ces canots sont de diverses dimensions. Les petits ne portent que trois hommes; les plus grands peuvent en recevoir vingt-quatre avec quinze cents kilogrammes de marchandises. Ils sont mis en mouvement avec des pagaies, et à cause de leur légèreté on peut leur imprimer une marche très-rapide. Une fois installés, les voyageurs n’étaient plus maîtres de changer de position sans compromettre l'équilibre du petit navire.

Le P. Jogues connaissait…

_____________________________________________________

(1) Son site rappelait un peu celui de la ville de la Rochelle. —(1) Le P. Paul Le Jeune abjura le protestantisme dans sa jeunesse, et devint un des fondateurs de la mission du Canada. Il en fut le Supérieur pendant près de quinze ans, et son principal historien. Revenu en France en 1649, pour être procureur de cette mission, il y mourut en 1664, à l’âge de soixante-douze ans. Son mérite l’avait fait présenter en 1651, avec les PP. Ch. Lalemant et Pari Ragueneau, pour être évêque de Québec. (Arch. du Gésu.)

(Tiré de : op. cit.)

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Message  Louis Jeu 10 Avr 2014, 11:58 am

Le P. Jogues connaissait déjà les difficultés d’un pareil voyage par les sages avis que le P. de Brébeuf avait adressés à ses frères : «Toute facile que puisse être la traversée, disait ce modèle des missionnaires, il y a toujours de quoi abattre bien fort un cœur qui ne serait pas bien mortifié. La facilité des sauvages n’accourcit pas les chemins, n’applanit pas les rochers, n’éloigne pas les dangers. Soyez avec qui vous voudrez, il faut vous attendre à être trois ou quatre semaines tout au moins par les chemins, de n’avoir pour compagnie que des personnes que vous n’avez jamais vues, d’être dans un canot d’écorces, dans une posture assez incommode, sans avoir la liberté de vous tourner de côté et d’autre, en péril cinquante fois le jour de verser ou de briser sur les roches. Pendant le jour le soleil vous brûle, pendant la nuit vous êtes la proie des maringouins. Vous montez quelquefois cinq à six sauts dans un jour, et n’avez le soir pour tout réconfort qu’un peu de blé cuit avec de belle eau claire, pour lit la terre et bien souvent des roches inégales et raboteuses : d’ordinaire point d’autres abris que les étoiles, et tout cela dans un silence perpétuel. »

(Rel. 1637.)

Le P. Jogues a raconté lui-même à sa mère une partie de ce pénible voyage…

(Tiré de : op. cit.)

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Message  Louis Ven 11 Avr 2014, 11:57 am

Le P. Jogues a raconté lui-même à sa mère une partie de ce pénible voyage, dans une lettre datée du 5 juin 1637. Elle aidera à mieux connaître ce cœur si reconnaissant envers Dieu et si zélé pour sa gloire :

« Madame ma mère,

« Comme il ne se présente chaque année qu'une occasion de vous écrire, il ne faut pas la laisser passer sans que je m'acquitte de mon devoir envers une si bonne mère. Je m’assure que vous serez bien aise de reconnaître la particulière providence avec laquelle la divine bonté m’a conduit, depuis qu’il m’a fait la grâce d’arriver dans ce pays des Hurons. Je vous écrivais l’an passé au mois d’août, au moment où j'allais me mettre en chemin. Je partis donc de Trois-Rivières le 24 d’août, jour de la Saint-Barthélemy. Je fus mis dans un canot d’écorces, qui ne peut contenir que cinq ou six personnes. Il ne serait pas aisé de vous détailler toutes les incommodités d’un pareil voyage; mais l’amour de Dieu qui nous appelle à ces missions, et le désir qu’on a de contribuer en quelque chose à la conversion de ces pauvres barbares, rend tout cela si doux que nous ne voudrions pas changer ces peines contre tous les contentements de la terre. Le vivre des voyageurs est un peu de blé d’Inde ou de Turquie, écrasé entre deux pierres et cuit à l’eau simple sans aucun autre apprêt. Nous couchons ou sur la terre ou sur des roches affreuses, qui bordent ce grand fleuve, et toujours à l’enseigne de la lune. La posture que vous tenez dans ce canot est fort incommode. Vous ne pouvez étendre vos jambes, tant il est petit et embarrassé. A peine osez-vous remuer, de peur de le faire chavirer dans l'eau. J'étais forcé d’y garder un profond silence, ne pouvant entendre nos sauvages, ni m’en faire entendre.

« Autre surcroît de peines et de fatigues; il se rencontre en ce voyage soixante à quatre-vingts sauts ou chutes d’eau, qui partent de si haut et avec tant d’impétuosité que, pour s’en être approché de trop près, les canots y ont été souvent engloutis. Il est vrai qu’allant contre le cours de la rivière, nous n’étions point exposés à ces inconvénients; mais nous n’en étions pas moins obligés de mettre assez fréquemment pied à terre, et de faire par les rochers et les bois des environs, des détours d’une lieue, plus ou moins chargés de tout le bagage et du canot même (1). Pour moi, non-seulement je portais mon petit paquet, mais j’aidais encore à nos sauvages, et les soulageais de mon mieux, jusqu’à ce qu’un enfant de dix à onze ans, qui était de notre caravane, venant à tomber malade, je fus contraint de le porter sur mes épaules, dans les marches occasionnées par les sauts dont j’ai parlé. »

Interrompons le récit du P. Jogues pour compléter cet épisode…

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(1) C'est ce que les voyageurs appellent faire portage.

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Message  Louis Sam 12 Avr 2014, 11:28 am


Interrompons le récit du P. Jogues pour compléter cet épisode, sur lequel sa modestie passe trop brièvement. Cet enfant lui avait été confié au départ. Malade dès le septième jour, il fut pour le missionnaire une source de fatigues inouïes; mais la vraie charité ne compte pas avec les sacrifices. La faiblesse du jeune sauvage devint bientôt telle qu’il ne pouvait plus ni marcher, ni même descendre du canot. Après avoir consenti deux ou trois fois à aider le P. Jogues, ses grossiers conducteurs lui refusèrent tout service. Il était donc seul à prendre soin de l’enfant, et à le porter lorsqu’on mettait pied à terre; mais soit à cause de son inexpérience, soit à cause de la difficulté des chemins, ce travail devenait périlleux pour tous les deux.

Plus d'une fois il avait essayé de faire partager ses appréhensions à ses conducteurs, mais inutilement; enfin ceux-ci, craignant qu’un accident ne les compromît, se décidèrent à accepter ce surcroît de fardeau, mais à la condition que, s'ils portaient le malade, le Père prendrait une partie de leur bagage, qui consistait en chaudières, fers de haches et autres objets très-lourds. La consolation de voir son petit protégé hors de danger donnait au missionnaire un redoublement de forces, et il ne se ménagea pas. Quant au malade, il se trouva mieux en arrivant chez les Nipissiriens, et une bonne nourriture lui rendit assez de forces pour terminer heureusement le voyage.

« On fit enfin si grande diligence, continue le P. Jogues, qu’au lieu de vingt-cinq ou trente jours que demande ordinairement ce voyage, il n’en fallut que dix-neuf pour me rendre où étaient cinq de nos Pères, dont quelques-uns comptent cinq ou six ans de résidence dans le pays. Les deux derniers venus, le P. Ch. Garnier et le P. Chastelain, n’y étaient arrivés qu’un mois devant moi.

« C’est ainsi que la Providence m’a conservé jusqu’à ce jour plein de force et de santé. Elle me fait la grâce d’être content mille fois plus parmi les inconvénients inséparables de notre situation, que si j’étais en possession de toutes les délices de la terre. Dieu se fait sentir avec beaucoup de douceur; il nous protège parmi les barbares avec tant d’amour ; il nous console avec tant de tendresse dans les petites afflictions que nous avons à endurer, qu’il ne nous vient pas même dans l’idée de regretter ce que nous avons quitté pour lui. Rien n’approche de la satisfaction que notre cœur goûte en donnant la connaissance du vrai Dieu à ces infidèles. Nous en avons baptisé cette année près de deux cent quarante, parmi lesquels il y en a quelques-uns que j’ai lavés des eaux du baptême, et qui sont assurément dans le paradis, étant de petits enfants d’un an ou de deux ans.

« La vie d’un homme pourrait-elle être mieux employée qu’à cette bonne œuvre ?...

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Message  Louis Dim 13 Avr 2014, 11:58 am


« La vie d’un homme pourrait-elle être mieux employée qu’à cette bonne œuvre? Que dis-je? Tous les travaux de mille personnes ne seraient-ils pas bien compensés par la conversion d’une seule âme qu’on gagne à Jésus-Christ? J’ai toujours une grande affection pour ce genre de vie, et pour une profession si excellente et si conforme à celle des Apôtres. Quand je n’aurais ici-bas qu' à prétendre à ce bonheur, je ferais tous les efforts possibles pour obtenir cette grâce, que j’achèterais au prix de mille vies.

« Je vous conjure, madame, si ces lignes tombent entre vos mains, par les entrailles de la charité de Jésus-Christ, de remercier le Seigneur d’une faveur si peu ordinaire qu’il m’a faite, et que tant de serviteurs de Dieu, pourvus de plus belles qualités que moi, désirent et poursuivent si chaudement. »

Le 11 septembre 1636, le P. Jogues abordait au village d’Ihonatiria, surnommé Saint-Joseph, où était le lieu de résidence des missionnaires. Ils accoururent tous au rivage pour souhaiter la bienvenue au voyageur.

Grande était la joie dans la cabane des missionnaires, à l’arrivée d’un nouveau frère qui venait partager leurs travaux et leurs espérances. Le P. Jogues se rappelait cette touchante et sincère invitation du P. de Brébeuf adressée aux futurs missionnaires des Hurons, et il en sentait lui-même les heureux effets :
« Quand vous arriverez aux Hurons, leur écrivait-il, vous trouverez à la vérité des cœurs pleins de charité. Nous vous recevrons à bras ouverts, comme un ange du paradis. Nous aurons toutes les bonnes volontés de vous faire du bien, mais nous sommes quasi dans l’impossibilité de le faire. Nous vous recevrons dans une si chétive cabane que je n’en trouve quasi pas en France d’assez misérable pour pouvoir dire : Voilà comme vous serez logés ! Tout fatigués et harassés que vous serez, nous ne pouvons vous donner qu'une pauvre natte, et tout au plus quelques peaux pour vous servir de lit, et de plus vous arriverez dans une saison où de misérables petites bestioles, que nous appelons ici touhac, et puces en bon français, vous empêcheront des nuits entières de fermer l'œil : car elles sont dans ces pays-ci incomparablement plus importunes qu'en France. Les cinq ou six mois de l'hiver se passent dans des incommodités presque continuelles, les froideurs excessives, la fumée et l'importunité des sauvages. Nous avons une cabane bâtie de simples écorces, mais si bien jointe que nous n'avons que faire de sortir pour savoir quel temps il fait. La fumée est bien souvent si épaisse, si aigre et si opiniâtre que des cinq et six jours entiers, si vous n'êtes tout à fait à l'épreuve, c’est bien tout ce que vous pouvez faire que de connaître quelque chose dans votre bréviaire.... »

Le P. Ragueneau, l'historien de cette époque, nous donne ce touchant détail sur l'accueil fait au P. Jogues : …

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Message  Louis Lun 14 Avr 2014, 12:25 pm

Le P. Ragueneau, l'historien de cette époque, nous donne ce touchant détail sur l'accueil fait au P. Jogues:

« Je lui préparai de ce que nous avions pour le recevoir; mais quel festin! une poignée de petits poissons secs avec un peu de farine. J’envoyai chercher quelques nouveaux épis que nous lui fîmes rôtir à la façon du pays. Mais il est vrai que dans son cœur, et à l'entendre, il ne fit jamais meilleure chère. La joie qui se ressent à ces entrevues semble être quelque image du contentement des bienheureux à leur arrivée dans le ciel, tant elle est pleine de suavité ! (Rel. 1637.)

Ce voyage pénible, qui lui servit comme de noviciat de sa vie apostolique, n’était qu’un prélude à bien d’autres épreuves. La joie de posséder un bien si ardemment désiré l’empêcha de sentir immédiatement sa fatigue; mais, le 17 septembre, il tomba malade. Le mal, peu grave d’abord, prit en peu de jours un caractère inquiétant, et bientôt le conduisit aux portes du tombeau. Il n’avait, comme ses frères, qu’une natte pour lit, et quelques tisanes de racines pour tempérer l’ardeur de la fièvre; mais la charité de ses frères, sa patience surtout et sa résignation à la volonté de Dieu soutenaient son courage. La maladie s’étendit bientôt au P. Garnier, au P. Chastelain et à deux domestiques. La cabane des missionnaires était un véritable hôpital. Les PP. de Brébeuf, Pierre Pijart et Le Mercier (1) furent seuls préservés du mal.

Écoutons ce dernier, qui avait été chargé du soin des malades, nous faire le récit touchant de ces moments d’angoisses et d’embarras :

« Nous fûmes dès lors quasi sans domestiques. François Petit-Pré, qui restait seul, était occupé nuit et jour à la chasse. C’était de là que nous attendions tout notre secours après Dieu. Les premiers jours que nous n’avions pas encore de gibier, nous n’avions presque rien à donner à nos malades que du bouillon de pourpier sauvage avec un filet de verjus. Voilà nos premiers consommés. Nous avions bien une poule; mais elle ne nous pondait pas un œuf tous les jours, et puis qu’est-ce qu’un œuf pour tant de malades ? C’était un grand plaisir de nous voir, nous autres qui étions sains, dans l’attente de cet œuf; et encore après, fallait-il consulter à qui nous le donnerions, et voir qui en avait le plus besoin : pour nos malades, c’était à qui ne le mangerait pas.

« Le 24 septembre, le P. Jogues se trouva dans un tel état que nous jugeâmes qu’une saignée lui était tout à fait nécessaire. Il y avait deux ou trois jours que nous ne pouvions venir à bout d’arrêter le sang qui lui coulait par le nez en telle abondance qu’il n’était pas possible de lui faire prendre quelque chose, si ce n’est avec beaucoup de difficulté... Le tout était de trouver un chirurgien. Nous étions tous si habiles en ce métier que le malade ne savait qui lui ouvrirait la veine, et tous, tant que nous étions, nous n’attendions que la bénédiction du P. Supérieur pour prendre la lancette et faire le coup. Néanmoins il s’y résolut lui-même. Aussi bien avait-il déjà saigné un sauvage fort heureusement. Il plut à Dieu que cette seconde opération fût aussi favorable que la première, et que ce qui manquait à l’art fût suppléé avec avantage par la charité...

« La divine bonté nous combla de consolations pendant cette petite affliction domestique. Nous ne fûmes jamais plus joyeux les uns et les autres. Les malades étaient aussi contents de mourir que de vivre, et par leur patience, piété et dévotion, rendaient bien légères les peines que nous prenions après eux nuit et jour. Pour nos Pères, ils jouissaient d’un bien qui n’est pas ordinaire en France, et recevaient tous les matins le Saint-Sacrement de l’autel. C’est de ce trésor qu’ils tiraient tant de sainte résolution et tant de bons sentiments, qui leur faisaient aimer leur position et préférer leur pauvreté à toutes les commodités de la France (1). »

Cette maladie, qui frappa…

__________________________________________________

(1) Le P. Le Mercier fut deux fois Supérieur général du Canada. Rappelé en France en 1673, il fut envoyé à Cayenne en qualité Visiteur, et mourut à la Martinique en 1692. — (1) Relat. de la Nouv.-France, 1636.

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Message  Louis Mar 15 Avr 2014, 6:44 pm

Cette maladie, qui frappa les missionnaires avant que la contagion eût envahi les villages hurons, fut providentielle sous tous les rapports. Elle leur apprit à compter avant tout sur les secours de Dieu plutôt que sur les remèdes humains; elle les rendit plus aptes à rendre service aux sauvages, lorsque ceux-ci seraient atteints à leur tour. Leurs remèdes déjà éprouvés devaient inspirer plus de confiance, et leur parole avait grandi en autorité, grâce à cette protection visible du Maître de la vie. Si la maladie ne les eût pas frappés les premiers, ce peuple ignorant et crédule les aurait certainement accusés d’être la cause de ses malheurs, et aurait exercé sur eux une injuste vengeance. C’est ainsi souvent que le bien naît du mal même, et que ce qui semble un châtiment immérité est un bienfait de la Providence.

A suivre : Chapitre III.

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Message  Louis Mer 16 Avr 2014, 12:05 pm

CHAPITRE III


Guérison des missionnaires. — Langue huronne. — Épidémies. —  Faveurs célestes.



Alors dans toute la force de l'âge, et doué d’une constitution robuste, le P. Jogues, triompha complètement de la maladie, Dieu le réservant pour une fin plus glorieuse.

Vers le milieu d'octobre, il se sentit assez bien rétabli pour recommencer à travailler. Les autres malades reprenaient aussi peu à peu leurs forces, et tous soupiraient après le moment de se remettre à l’œuvre. Ils avaient une première préparation indispensable à faire qui s'accommodait bien avec leur état de convalescence, c’était l’étude de la langue huronne.

Après avoir été un hôpital, leur cabane se changea en école, et le P. Jogues se rangea humblement comme ses frères au nombre des élèves du P. de Brébeuf, déjà assez habile pour instruire les autres.

La connaissance de cette langue était une des grandes difficultés de cette mission. On y a vu deux missionnaires, qui avaient donné en France des preuves incontestables de leur talent, ne pas pouvoir réussir à posséder cette langue de manière à s’en servir pour la propagation de l’Évangile. Son mécanisme, ses éléments constitutifs et sa syntaxe ont un caractère particulier. Plusieurs lettres de notre alphabet lui manquent, comme B, F, L, M, F, Q, X, F. En revanche les Hurons donnent aux lettres H et K une articulation gutturale commune à plusieurs langues sauvages, mais inconnue aux Français, et qu’on a exprimé par Khi. Un grand nombre de mots ne semblent formés que de voyelles. « C’est sans doute cette absence de labiales, dit le P. de Brébeuf, qui est cause que les sauvages ont tous les lèvres ouvertes de si mauvaise grâce. »

La variété des mots composés n’a pas de limites, et c’est la richesse de cette langue. Les substantifs et les adjectifs se conjuguent, et les verbes peuvent se modifier à l’infini.

Avant l’arrivée des Français, ces peuples enfants n’avaient pas de mots pour exprimer la religion, la vertu, la science; et la plupart des idées métaphysiques leur étaient inconnues. Aussi les missionnaires furent-ils longtemps embarrassés pour exprimer nos mystères et en donner l’explication. Il fallait souvent une longue périphrase pour remplacer un mot.

Le P. Jogues s’appliqua avec ardeur à ce travail ingrat…

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Message  Louis Jeu 17 Avr 2014, 11:26 am

Le P. Jogues s’appliqua avec ardeur à ce travail ingrat, et Dieu bénit ses efforts. Il se vit bientôt en état de rendre quelques services. Pour ménager ses forces, le P. de Brébeuf, l'exempta d'abord des excursions lointaines et pénibles. Il lui donna le soin de veiller au matériel, de diriger les travaux des domestiques et la culture du petit champ voisin de la cabane. Les Pères avaient déjà profité de quelques grains de froment mêlés avec d’autres provisions venues d’Europe. Cultivés avec soin, ils avaient multiplié, et on visait à obtenir, s’il était possible, une petite récolte qui, en cas de nécessité, pourrait fournir des pains d’autel. C’est ce qui arriva. En 1637 ils récoltèrent un demi-boisseau, de froment. Ils parvinrent même à faire un petit baril de vin avec le raisin sauvage qui abonde dans ces forêts vierges.

Afin de montrer aux sauvages qu’ils cherchaient à s’identifier avec eux, les missionnaires hurons avaient adopté en grande partie leur manière de vivre, pour ce qui regarde le logement et la nourriture.

Le P. Jogues se pliait à tout avec la plus grande facilité. On aurait dit qu’il était depuis longtemps habitué à vivre dans un pareil milieu.

Malgré la difficulté de la position, leur règlement intérieur se rapprochait le plus possible de celui d’une communauté régulière.

Nous devons à deux ouvriers de cette mission à cette époque, des détails curieux sur les habitudes et le règlement suivis par les missionnaires hurons.

Ils nous initient à leur vie intime, et nous révèlent tout ce qu’elle exigeait de sacrifice, de privations et d’assujettissement.

« Nos habitations sont d’écorces comme celles des sauvages, écrivait le P. Chaumonot (1), sans division intérieure, excepté pour la chapelle. Faute de tables et d’ustensiles de ménage, nous mangeons par terre, et nous buvons dans des écorces d’arbres. Tout l’appareil de notre cuisine et de notre réfectoire consiste dans un grand plat d’écorce plein de sagamité, à laquelle je ne vois rien de semblable que la colle qui sert à tapisser les murs. La soif ne nous gêne guère, soit parce que nous ne nous servons jamais de sel, soit parce que notre nourriture est toujours très-liquide. Notre lit est formé d’une écorce d’arbre sur laquelle nous mettons une couverture. Pour les draps, on n’en parle même pas pour les malades; mais la plus grande incommodité, c’est la fumée qui, faute de cheminée, remplit toute la cabane et gâte tout ce qu’on voudrait garder. Quand certains vents soufflent, il n’est plus possible d’y tenir, à cause de la douleur que ressentent les yeux. En hiver nous n’avons pas la nuit d’autre lumière que celle du feu de la cabane, qui nous sert pour réciter notre bréviaire, pour étudier la langue et pour toute chose. Le jour nous nous servons de l’ouverture laissée au haut de la cabane, et qui est à la fois cheminée et fenêtre. »

De son côté, le P. Fr. Duperron…

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(1) Le P. Chaumonot a laissé au Canada un glorieux souvenir de zèle et de vertu. Après avoir été missionnaire chez les Hurons et chez les Iroquois, il resta pendant plus de quarante ans, chargé des Hurons fugitifs retirés près de Québec. On a de lui une autobiographie pleine d'intérêt. Il mourut à Québec en 1693, à l’âge de quatre-vingt-deux ans, après avoir pu célébrer sa cinquantième année de prêtrise, de vie religieuse et de mission.

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Message  Louis Lun 21 Avr 2014, 12:15 pm


De son côté, le P. Fr. Duperron (1) nous donne, dans une lettre du 27 avril 1639, la distribution du temps pour chaque jour :

« A 4 heures on sonne le lever; suit l’oraison. À la fin d’icelle commencent les messes jusqu’à 8 heures, pendant lesquelles on garde le silence, — on lit son livre spirituel, — on dit ses petites heures. A 8 heures on ouvre la porte aux sauvages jusqu’à 4 heures du soir. Quelques Pères vont visiter les cabanes ; à 2 heures on sonne pour l’examen; suit le dîner, pendant lequel on fait lecture d’un chapitre de la Bible, et  au souper on lit la Philagie de Jésus , du P. du Barry. On dit le Benedicite et les Grâces en huron, à cause des sauvages qui y sont présents.

« A 4 heures on congédie les sauvages non chrétiens, et nous disons tous ensemble Matines et Laudes, à l’issue desquelles nous faisons entre nous des consultes pendant trois quarts d’heure, touchant l’avancement et l’empêchement de la foi dans ces contrées. Ensuite nous conférons de la langue jusqu’au souper, qui est à 6 heures 1/2. A 8 heures les litanies, l’examen. (Mss. de la Bibl. Richel.)

Aussitôt que les forces du P. Jogues furent assez bien rétablies, il prit part à la vie active et aux travaux apostoliques de ses frères. Il accompagnait dans leurs courses les missionnaires plus exercés dans la langue ; il répétait aux enfants les leçons élémentaires du catéchisme, leur enseignait les prières et administrait le baptême aux moribonds.

Cependant les besoins des âmes devenaient de plus en plus pressants. La maladie commençait à se répandre parmi les sauvages. Renfermée d’abord dans le village où habitaient les Pères, elle avait gagné les villages voisins et menaçait tout le pays. La préoccupation des missionnaires était de connaître les malades pour pouvoir les assister, et, s’il était possible, les disposer à recevoir le baptême. Ils organisèrent des visites régulières dans les villages, et établirent une espèce de service médical, qui était le moyen le plus efficace pour pénétrer dans les cabanes.

La pénurie de toutes choses dans laquelle vivaient les missionnaires était très-grande…

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(1) Le P. François Duperron arriva en Canada en 1638, travailla douze ans chez les Hurons, et retourna en Europe après la destruction de cette mission. Revenu en Canada cinq ans après, il dut bientôt rentrer en France. Il existe de lui à Rome une lettre touchante adressée au T. R. P. Gal pour obtenir de revoir sa mission. II l’obtint en effet en 1665, mais ce fut pour y mourir la même année.

Son frère Joseph Imbert fut comme lui missionnaire au Canada pendant dix-sept années. Il retourna en Europe en 1658.

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Message  Louis Mar 22 Avr 2014, 12:24 pm

La pénurie de toutes choses dans laquelle vivaient les missionnaires était très-grande; leurs remèdes, souvent réduits à de très-minimes proportions, n’en méritaient plus le nom. Un petit paquet de séné fut distribué à plus de cinquante personnes. Les moindres petites parts passaient pour remède, et Dieu leur donnait quelquefois un tel succès, que les sauvages ne mettaient pas en doute leur efficacité. Souvent ce n’était que deux ou trois pruneaux, cinq ou six grains de raisin, une pincée de sucre dans de l’eau, un petit morceau de citron ou d’orange, etc.

La confiance aveugle de ces âmes simples dans le succès des remèdes donna lieu à plus d’une scène plaisante. Un capitaine vint demander un jour aux missionnaires quelque chose pour soulager sa sœur qui souffrait de violents maux de tête. Il signalait surtout certain onguent qu’il avait vu appliquer récemment sur un abcès, et qui avait très-bien réussi. On essaya inutilement de lui représenter que le mal n’était pas de la même nature. Il fallut se rendre à ses instances. On lui ouvre la boîte aux onguents, et il dit aussitôt que c’était précisément là ce qu’il lui fallait. Voyant des onguents de différentes couleurs, il en prit de blanc, de rouge et de vert, et en forma un emplâtre qu’il appliqua au milieu du front de la malade. Son triomphe fut complet quand le lendemain il la trouva très-soulagée.

Cependant la contagion continuait à faire d’affreux ravages. Le village où demeuraient les missionnaires était le plus éprouvé, et ces malheurs passèrent avec raison pour un châtiment du ciel, car c’est dans ce lieu qu’ils avaient trouvé le plus d’insouciance ou même d’opposition pour la grâce de Dieu qu'ils offraient. Ce village fut tellement décimé que peu de temps après ses habitants furent obligés de l’abandonner et de se disperser dans les villages voisins.

« Quoique nous fussions tous les jours et toute la journée auprès des mourants, écrivait le P. Jogues à sa mère le 7 mai 1638, pour tâcher de les gagner à Jésus-Christ, et malgré l'air infect que nous respirions à leurs côtés et au milieu d’eux, il n’est pas un seul de nous qui ait été frappé. Après cela nous serions bien ingrats si nous ne remerciions pas le Seigneur d’une protection aussi visible de sa part, et si nous ne mettions pas désormais notre confiance en sa paternelle bonté. »

Il est vrai que les missionnaires n’avaient pas attendu jusqu’à ce moment pour attirer sur eux cette faveur céleste. En union avec ses frères et tous les Français qui étaient chez les Hurons, le P. de Brébeuf, alors supérieur de la mission, avait fait un vœu solennel pour se mettre à l’abri du fléau. Les prêtres s’engageaient à dire trois messes, l’une en l’honneur de Notre-Seigneur, l’autre en l’honneur de la très-sainte Vierge, et la troisième en l'honneur de saint Joseph, patron du pays. Ceux qui n’étaient pas prêtres devaient faire trois communions et réciter quatre rosaires à la même intention.

Quoique le succès des missionnaires auprès des malades ne répondit pas à leurs désirs et à leurs efforts, ils ne travaillaient pas en vain. Ils apprenaient à mieux connaître les sauvages, et le ciel trouvait toujours à s’enrichir de quelques élus.

« Pendant la maladie, écrivait le P. Jogues à son frère Samuel…

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Message  Louis Mer 23 Avr 2014, 12:46 pm

« Pendant la maladie, écrivait le P. Jogues à son frère Samuel, capucin, les Pères baptisèrent plus de douze cents personnes. Dans le bourg même où ils étaient en butte à la malignité des habitants, il y en eut toujours quelques-uns qui furent curieux de suivre nos instructions ; on en a régénéré environ une centaine dans les eaux du baptême, parmi lesquels vingt-deux petits enfants. » On vit même des villages entiers, comme ceux de Ouenrio et d'Ossossané, solliciter l'intervention des missionnaires pour obtenir l'éloignement du fléau.

Le P. Jogues fut choisi par le P. de Brébeuf pour son compagnon, quand il alla dans ce dernier village pour répondre aux vœux de ses habitants. Il fut témoin de tout ce que le zèle inspira à ce grand serviteur de Dieu, dans cette occasion qui pouvait tourner si bien à l’avantage de la foi. Il vit en détail tout le cérémonial que ces peuples emploient quand ils veulent traiter une affaire importante, et le P. de Brébeuf avait soin de s'y conformer entièrement, pour mieux disposer les esprits en faveur de sa cause. Le P. Jogues assista donc au grand conseil des capitaines et des anciens.

Déjà les principaux moteurs de la mesure, montés sur les cabanes, avaient poussé plusieurs fois le cri d’appel, et à l'heure dite la réunion se formait nombreuse et inquiète. On voulait savoir ce que la Robe-noire allait proposer, et tous les yeux étaient attachés sur sa personne.  

Après la prière que le P. de Brébeuf adressa au grand Esprit, il distribua quelques morceaux de pétun, car les sauvages se croiraient incapables de délibérer si leur calumet n'était pas allumé. Puis il jeta au milieu de l'assemblée une peau d'orignal (1), deux haches et quatre-vingts grains de porcelaine. Avec les sauvages il faut toujours des présents pour appuyer une proposition.

Usant alors de toute la liberté qui lui avait été donnée, le P. de Brébeuf leur dit hautement que la foi était le seul remède à leurs maux. Il les pressa alors fortement de renoncer à toutes leurs pratiques superstitieuses, et d'implorer avec une entière confiance la miséricorde de Dieu. « Comme témoignage de votre bonne volonté et de la sincérité de vos dispositions, leur dit-il, prenez l'engagement solennel d’élever au plutôt dans votre village une chapelle au grand Esprit. » Selon l'usage, le conseil se termina par un festin. Les sauvages paraissaient tous gagnés, mais leur inconstance naturelle, et des incidents imprévus qui survinrent, firent retarder l’exécution de ce pieux projet. Les Pères étaient revenus en hâte à Ihonatiria, car il s'était levé là un nouvel orage contre les missionnaires.

Quelques sauvages venus récemment de Manhatte…

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(1) L'Orignal est le plus  grand animal sauvage du Canada. Il a les mêmes caractères zoologiques que l’élan d’Europe.

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Message  Louis Jeu 24 Avr 2014, 1:04 pm

Quelques sauvages venus récemment de Manhatte (2) avaient répandu dans le pays que les Européens de ces quartiers (les Hollandais) les avaient avertis du danger qu’ils couraient :


« Méfiez-vous, leur avaient-ils dit, de ces missionnaires catholiques et surtout des Jésuites. Malheur au pays où ils ont réussi à pénétrer, il est bientôt désolé et complètement ruiné. En Europe ils n’osent plus se montrer, et quand on peut les saisir, ils sont aussitôt punis de mort. »


Ces esprits grossiers et crédules, toujours si faciles à impressionner quand il s’agit de leurs intérêts, furent bientôt disposés à ajouter foi aux calomnies que ne cessaient de propager la haine et le fanatisme des méchants. Ils disaient tout haut que les Robes-noires étaient les auteurs de la maladie, et qu’ils avaient dans leurs cabanes la cause de tous les maux. Selon les uns, c’étaient les tableaux et les images suspendus dans la chapelle ; selon d’autres, c’était le tabernacle placé sur l’autel, et dans lequel se gardait le corps d’un enfant tué dans les bois, et conservé avec grand soin. Tout ce qui servait aux missionnaires, leurs moindres actions étaient prises en mauvaise part. Toutes les pratiques de piété, un simple signe de croix cachait quelque mauvais dessein ou passait pour un sort jeté. La promenade des Pères de long en large, la récitation du bréviaire, et jusqu’à la girouette placée au haut d’une perche près de la cabane, tout leur paraissait mystérieux et coupable.

Les plus hardis venaient quelquefois trouver les Pères et les pressaient avec de vives instances, et même des menaces, d’arrêter le fléau ou de leur livrer le mauvais sort, sans consentir à entendre aucune explication.

Le bras de Dieu retenait évidemment les méchants, car ces missionnaires, sans aucune défense au milieu de ces hommes qui se jouaient si facilement de la vie humaine, restèrent tranquilles. On n’osa pas attenter à leur vie. C’est ce qui faisait dire au P. Jogues, en écrivant à sa mère dans ces circonstances : « Dieu a été plus puissant pour protéger ceux qui, « pour sa gloire, se jettent dans les bras de sa Providence, que les hommes n’ont été méchants « pour leur nuire. »

C’est surtout pendant les jours d’épreuves et de maladie que les sauvages idolâtres s’abandonnent à tous les genres de superstitions. Leur simplicité leur fait adopter volontiers tout ce qu’ils s’imaginent pouvoir les soulager. Leur crédulité pour leurs songes ne connaît aucune borne, et jamais sauvage n’a refusé ce qui pouvait servir à l’accomplissement d’un songe. Ils les étudiaient avec soin pour y trouver le remède à leurs maladies, et quand ils croyaient l’avoir découvert, il fallait à tout prix l’employer. Les jongleurs, très-nombreux parmi eux, étaient ordinairement les interprètes intéressés des songes.

Ceux-ci avaient en outre recours à mille pratiques superstitieuses…

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(2) Aujourd’hui New-York.

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Message  Louis Ven 25 Avr 2014, 12:45 pm

Ceux-ci avaient en outre recours à mille pratiques superstitieuses qu’ils faisaient passer pour des remèdes. Tantôt ils soufflaient avec de grands efforts sur les malades pour chasser les mauvais esprits, tantôt ils offraient des espèces de sacrifices en jetant dans le feu de petits morceaux de tabac et en adjurant les Esprits de protéger la cabane. On les voyait chercher partout le mauvais sort qu’ils supposaient la cause du mal; et quand la guérison paraissait assurée, ils étaient assez habiles pour faire croire qu’ils l’avaient enfin trouvé.

Presque toujours ils se servaient de la danse, qui est fort du goût des sauvages, et qui entre dans leurs pratiques superstitieuses. Elle était quelquefois hideusement obscène, mais le plus souvent elle n’était que grotesque. Les danseurs contrefaisaient les bossus et les boiteux de toute espèce, et se couvraient de masques en bois aux formes les plus ridicules et les plus variées. Tous les masques étaient ensuite attachés à des mannequins qu’on élevait au-dessus de la cabane. Dans leur idée, c’était un moyen de faire peur à la maladie et d’éloigner les Esprits qui font mourir.

En présence de ces grossiers égarements de l’idolâtrie, au milieu de ces résistances opiniâtres d’un grand nombre à la foi, devant ces calomnies de toute nature contre leur œuvre et le baptême, dans ces dangers de mort continuels, les missionnaires n’avaient souvent pas d’autres ressources que de gémir au pied des autels et de prier Dieu pour ces infortunés. Mais leurs cœurs zélés et ardents pour la gloire de leur Dieu souffraient bien plus de toutes ces entraves mises à l'Évangile, que de toutes les privations que leur imposait leur séjour au milieu des sauvages.

C’est ce sentiment que le P. Jogues exprimait à sa mère en lui racontant qu’il y eut un moment où les principaux villages furent complètement fermés aux missionnaires : « Il nous fut impossible de nous y rendre, lui écrivait-il, et nous eûmes la douleur de voir mourir pour ainsi dire sous nos yeux plus d’une centaine de malheureux qui réclamèrent en vain notre assistance. »

Cette vie crucifiée de toute manière pouvait avec raison être regardée comme un long martyre…


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Message  Louis Sam 26 Avr 2014, 1:10 pm

Cette vie crucifiée de toute manière pouvait avec raison être regardée comme un long martyre. Après l’avoir étudiée par lui-même, le P. Jér. Lalemant ne fit pas difficulté d’écrire dans la Relation de 1639 : « J’avais d’abord douté si l'on pouvait espérer la conversion de ces peuples sans effusion de sang. J’avoue que depuis que je suis ici et que je vois ce qui se passe, c’est-à-dire les combats, les attaques et les assauts généraux à toute la nature, que souffrent chaque jour les ouvriers de l'Évangile, en même temps leur patience, leur courage et leur application continuelle à poursuivre leur but, je commence à douter si quelque autre martyre est plus nécessaire que celui-ci pour l’effet que nous prétendons, et je ne doute point qu’il ne se trouvât plusieurs personnes qui aimeraient mieux recevoir tout d’un coup le tranchant d'une hache sur la tête, que de mener des années durant la vie qu’il faut mener ici tous les jours. »

Mais le consolateur divin, qui habitait au milieu de ses serviteurs et se donnait à eux chaque jour, soutenait leur courage. Il savait même compenser quelquefois tant de souffrances par quelqu’une des consolations ineffables de sa grâce, qui semblent un avant-goût des joies saintes du Ciel.

Le P. Jogues mérita de recevoir vers cette époque une de ces faveurs célestes. Quoique ce ne fût qu’un songe, les circonstances lui en parurent si extraordinaires et les effets si salutaires que, sur l'avis de son confesseur, il crut devoir mettre le tout par écrit. Nous devons au P. Ragueneau l'extrait suivant qu’il en a fait sur l’autographe même, et que nous traduisons du latin :

« Le l5 mai 1637, qui tombait un mardi, la veille de l’Ascension de Noire-Seigneur Jésus-Christ, pendant que dans l'après-dîner j’étudiais la langue huronne avec le P. Chastelain, je me trouvai accablé de sommeil et je le priai de me permettre de prendre un moment de repos. Il me conseilla de me retirer à la chapelle et de me reposer un peu devant le Saint-Sacrement, ajoutant qu’il avait l’habitude d’en agir ainsi et toujours avec profit pour la piété, et que, dans ce sommeil, il avait quelquefois goûté des douceurs célestes.

« Je me levai, mais pensant que je ne pouvais pas sans irrévérence dormir en la terrible et adorable présence de mon souverain Maître, j’allai dans le bois voisin, tout confus de voir que d’autres, même pendant leur sommeil, étaient plus unis à Dieu que je ne l'étais dans l’acte même de la prière.

« A peine couché, je m’endormis et je crus alors que je chantais les psaumes des vêpres avec les autres Pères et nos domestiques. D’un côté était le P. Pierre Pijart (1), très-près de la porte, et j’étais un peu plus loin. Je ne sais qui était de l'autre côté et dans quel ordre.

« Le P. Pijart commença le premier verset du psaume Verba mea auribus percipe, Domine

__________________________________________________

(1)  Le P. Pierre Pijart retourna en France en 1650, après quinze années de mission. Claude, son frère aîné, y vint deux ans après lui, et mourut à Québec en grande réputation de vertu, l'année 1683, à l’âge de quatre-vingt-trois ans.

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Message  Louis Dim 27 Avr 2014, 12:11 pm

« Le P. Pijart commença le premier verset du psaume Verba mea auribus percipe, Domine (2) (Seigneur, prêtez l’oreille à mes paroles), (je ne sais pas bien quel est son chiffre). Comme il ne pouvait pas continuer seul, nous l’avons terminé avec lui.

« Ce verset fini, il me semblait que je n’étais plus dans notre cabane, mais dans un lieu que je ne connaissais pas, quand tout à coup j’entendis chanter les versets (j’ai oublié lesquels) qui ont trait à la félicité des Saints et aux délices dont ils jouissent dans le royaume des Cieux. Le chant était si beau, et la mélodie des voix et des instruments si harmonieuse, que je ne me rappelle pas avoir entendu rien de semblable, et même il me semble que tous les concerts même les plus parfaits ne sont rien en comparaison. Mettre en parallèle cette harmonie avec celle de la terre serait lui faire injure.

« Cependant ce concert si admirable des anges fit naître en moi un amour de Dieu si grand, si ardent, si embrasé, que ne pouvant plus supporter une telle surabondance de suavité, tout mon pauvre cœur semblait se fondre et se répandre sous le poids de cette inexplicable richesse du divin amour. J'éprouvai ce sentiment surtout quand ils chantèrent ce verset que j’ai bien retenu : Introibimus in tabernacalum ejus, adorabimus in loco ubi steterunt pedes ejus (Nous entrerons dans son temple; nous l'adorerons dans le lieu où il a établi sa demeure).

« Encore dans un demi-sommeil, je me mis aussitôt à penser que cela se rapportait aux paroles que m’avait dites le P. Chastelain.

« Je m’éveillai aussitôt, et tout disparut, mais il me resta dans l'âme une si grande consolation que son souvenir me remplit encore d’ineffables délices. Le fruit que j’en ai retiré, c’est, il me semble, de me sentir plus porté, par amour pour Notre-Seigneur, à soupirer après la céleste patrie et les joies éternelles. Heureux moment ! heure bien courte ! Je ne crois pas qu'elle ait duré l’espace d'un Ave, Maria. Si vous nous traitez ainsi dans l’exil, que nous donnerez-vous donc, Seigneur, dans la patrie? » (S. Augustin) (1).

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(2)  PS. V. — (1) Mss. de 1652.

A suivre : Chapitre IV.

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Message  Louis Lun 28 Avr 2014, 1:08 pm

CHAPITRE IV

 Nouvelles résidences. — Résidence de Sainte-Marie, — Mission dans la nation du Petun. — Voyage au saut Sainte-Marie.

La dispersion du village d'Ihonatiria, dont nous avons parlé, entraînait nécessairement le départ des missionnaires. Ils se divisèrent entre deux grands villages où ils faisaient déjà des courses régulières et où ils comptaient un noyau de fervents néophytes.

Le premier, Ossossané, que les missionnaires avaient nommé la Conception, pouvait être regardé déjà comme résidence, puisque depuis un an on y avait élevé une chapelle et une cabane pour les missionnaires. Le P. Jogues y avait fait même plusieurs excursions. « Nos pauvres sauvages, écrivait-il en 1639 à son frère Samuel, nous traitent comme de véritables amis. Nous avons dans le bourg d’Ossossané une cabane de treize brasses de long. On a bâti une chapelle toute de planches, qui attire les yeux et l'admiration de tous les habitants. Outre les discours particuliers que nous allons faire tous les jours dans chaque cabane, on fait publiquement tous les dimanches le catéchisme dans la nôtre, où se réunissent plusieurs des anciens du pays, à la tête desquels est une famille de chrétiens, composée de sept à huit personnes. Ainsi Dieu apaise-t-il la tempête et l’arrête-t-il à son gré. »

L’autre village qui devait remplacer plus particulièrement Ihonatiria, et qui reçut comme lui le nom de Saint-Joseph, était Teanaustayae. C’était un des plus considérables du pays. Ici la foi avait de chauds partisans, mais aussi des ennemis acharnés, qui étaient les grands propagateurs de toutes les calomnies contre la foi et ses apôtres. Pour obtenir un triomphe complet de l'opposition systématique que quelques mauvais sujets mettaient à l’établissement des missionnaires, le P. de Brébeuf, après s’être assuré du concours d’amis dévoués, se présenta hardiment au milieu de l’assemblée des anciens. Il plaida lui-même sa cause et la gagna.

La première messe fut dite dans ce village le 25 juin 1638. C’était dans la cabane du brave Étienne Totiri (1), que nous retrouverons plus tard compagnon de captivité et de souffrance du P. Jogues.

Ce Père fut précisément un de ceux qui allèrent…

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(1) Voy. l’appendice B.

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Message  Louis Mar 29 Avr 2014, 12:41 pm

Ce Père fut précisément un de ceux qui allèrent des premiers résider à ce poste. Son ministère commença heureusement par le baptême d’un prisonnier Iroquois qui allait passer par toutes les horreurs du supplice, et dès la première année, il avait déjà régénéré dans les eaux du baptême quarante-huit enfants et soixante-douze adultes.

Cependant la fondation de ces deux résidences ne répondit pas aux espérances des missionnaires ni aux besoins du pays. Ils se décidèrent, en 1639, à ne pas rester divisés, et à faire choix d’une position assez centrale, mais isolée des villages hurons, et complètement indépendante. Là ils auraient leur centre d’action, d’où ils pourraient rayonner selon les besoins dans toutes les directions. Leur isolement leur permettrait de se concerter quand ils voudraient pour les mesures à prendre dans l'intérêt de la mission, d’offrir un lieu favorable de repos à ceux dont les forces auraient trahi le courage, ou à ceux qui voudraient retremper leurs âmes dans les pieux exercices de la retraite.

Ce choix tomba sur un terrain solitaire au nord-est de la presqu’île huronne, dans la tribu des Attaronchronons, situé à peu près au centre du pays, et sur les bords d’une petite rivière (1) qui se jette près de là dans le grand lac; il était facile d’établir des relations avec toute la contrée.

Ce projet fut fortement approuvé en Europe, et le cardinal de Richelieu ne se contenta pas d’y applaudir, mais il promit une somme considérable pour y établir un fort et y entretenir quelques soldats. Dans l'isolement où ils allaient se trouver, les missionnaires avaient besoin de cette protection contre les invasions si fréquentes et si imprévues des Iroquois.

L’établissement nouveau reçut le nom de Résidence Sainte-Marie , et on se mit immédiatement à l'œuvre. Une vaste enceinte faite de pieux serrés formait une première défense rectangulaire ; une partie devait être consacrée à la culture et à un cimetière. Aux quatre angles on avait élevé une croix en signe de consécration au Seigneur.

Dans l’intérieur était construit le fort qui renfermait la maison des Français, et la chapelle. Un peu plus loin on avait dressé deux grandes cabanes destinées l'une à servir d’hôpital pour les sauvages malades, et l’autre d’hôtellerie pour les voyageurs.

Ce lieu fut bientôt très-fréquenté par les sauvages, mais surtout par les chrétiens. « L’éclat extérieur des cérémonies, dit le P. Ragueneau, la beauté de notre chapelle, qui passe en ce pays pour une merveille du monde, quoique ce ne soit que pauvreté ; les messes, les sermons, les vêpres, les processions et les saluts, qu’on fait avec un appareil qui surmonte tout ce que jamais ont vu les yeux de nos sauvages, leur donne une idée de la majesté de Dieu qu’on leur dit être honoré d’un culte mille fois plus auguste par toute la terre. »

Les catéchumènes venaient …

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(1) Aujourd’hui rivière Wye.

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Message  Louis Mer 30 Avr 2014, 11:42 am

Les catéchumènes venaient y achever leur instruction, et les bons chrétiens s'y former aux pratiques de la piété. Les malades venaient y chercher des remèdes et y recevoir les suprêmes consolations de la foi. Quelques-uns même ne semblaient demander qu'une chose, c'était de mourir près de leurs pères, et de trouver là une terre bénite pour y reposer en paix.

Le P. Jogues prit une part active à la fondation de la résidence Sainte-Marie, et il y fut attaché dès le commencement avec la charge de diriger les travaux de l’enclos ; ce qui entraînait le soin des domestiques et des ouvriers alors au nombre de quinze. C'étaient les seuls Français qui fussent chez les Hurons. Les Gouverneurs du Canada ne permettaient à personne de s’y établir en dehors de la surveillance des missionnaires, afin de prévenir les grands désordres dont on avait eu à gémir autrefois, et dont le scandale rejaillissait encore sur la religion.

Le P. Jogues trouva en eux des cœurs simples et dociles, qui donnèrent de grands exemples de vertu et de dévouement. Il y avait surtout parmi ces domestiques une catégorie à part qui était spéciale au Canada, et qui rendit les plus grands services à la mission. On les appelait les donnés (1), parce qu'ils se donnaient par contrat et pour la vie au service de la mission, sans recevoir de salaire. Celle-ci profitait de leur travail, et s’engageait à pourvoir à leurs besoins pour le reste de leurs jours. Ils suppléaient aux frères coadjuteurs, qu’il n’était pas possible de se procurer en assez grand nombre pour les besoins des missions ; sans être liés par des vœux, ces donnés formaient une classe intermédiaire entre les religieux et les domestiques. Leur nombre n’était alors que de six, mais il s’éleva jusqu’à vingt-trois en 1649.

Le soin du temporel, confié au P. Jogues, ne l’absorbait pas tellement qu’il ne pût, en même temps, partager les travaux du saint ministère avec les missionnaires attachés au même poste, qui étaient au nombre de trois. Il prenait soin des sauvages qui venaient en grand nombre le visiter, et il faisait des courses fréquentes dans quatre petits villages voisins laissés à la garde des Pères de Sainte-Marie.

En 1640, le P. Jogues reçut une mission plus difficile. Il fut envoyé avec le P. Ch. Garnier pour essayer de fonder une mission chez une nation voisine qui n’avait pas encore été visitée par les missionnaires. Longtemps ennemie des Hurons, elle venait de contracter avec eux une alliance intime.

Déjà en communauté de langue et de mœurs, elle partageait alors…

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(1) Cette dénomination et cette classification nouvelle faite par des religieux de la Compagnie de Jésus et pour leur service, donna lieu à des critiques et à des plaintes qui furent portées jusqu’à Rome. On voulait voir là une innovation, et l’introduction d’une espèce de tiers-ordre comme dans plusieurs Ordres religieux, mais non en usage dans la Compagnie. Le P. Jér. Lalemant rédigea en 1643 un mémoire pour justifier cette mesure, et dissiper ces craintes. Il reçut l’approbation de ses Supérieurs. (Arch. du Gesù.)

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Message  Louis Jeu 01 Mai 2014, 12:11 pm

Déjà en communauté de langue et de mœurs, elle partageait alors les appréhensions des mêmes dangers de la part des Iroquois. Le moment semblait favorable pour leur parler de la foi.

Il s’agissait de la nation du Petun (1), ainsi nommée par les Français à cause du grand commerce qu’elle faisait de cette plante, dont elle avait comme le monopole. Elle n’était qu’à quarante-huit kilomètres environ des Hurons, dans les montagnes situées au sud-ouest, qu’on nomme aujourd’hui Montagnes Bleues.

Dans ce pays sans route ouverte et sans moyens de transport, le voyage en hiver ne pouvait se faire facilement qu’à pied et en raquettes (2). Alors les nombreux cours d’eau ne pouvaient plus arrêter, et il y avait plus de chance de ne pas rencontrer l’Iroquois.

Soit crainte des ennemis, soit inquiétude sur les résultats d’une pareille entreprise, les guides firent faux bond aux deux missionnaires au moment du départ. Il ne restait à ceux-ci pour se diriger que de vagues indications qui rendaient leur marche tout à fait incertaine; mais les âmes héroïques aiment à voir tous les moyens humains leur manquer, afin de s’abandonner plus généreusement entre les bras de la divine Providence. C’est ce que firent ces hommes de Dieu.  

Ils partirent donc à la garde de Dieu, et sous la conduite de leurs saints Anges. À moitié route ils s’égarèrent, et se virent forcés de s’arrêter pour passer la nuit au milieu des bois. Ils avaient appris des sauvages à enlever la neige dans le lieu où ils voulaient placer leur lit de branches de sapin, et à former autour d’eux un petit parapet pour se protéger contre le vent. Afin de ne pas geler, ils allumèrent un grand feu et s’abandonnèrent alors au sommeil.

Le lendemain, nos voyageurs marchèrent encore longtemps à l’aventure, n’ayant pour toute nourriture qu’un petit morceau de pain; mais enfin ils arrivèrent épuisés, à huit heures du soir, dans le premier bourg de la nation du Petun.

Ils connaissaient les lois de l’hospitalité des sauvages, chez qui l’étranger est toujours le bienvenu, et ils entrèrent hardiment dans la première cabane venue pour y passer la nuit.

Sans le savoir, la Providence les conduisait là comme par la main pour le salut d’une pauvre âme. Le bruit de l’arrivée des Robes-noires fut bientôt connu. Quelques moments après ils voient accourir un jeune homme qui vient les chercher pour une malade de sa cabane. C’était une pauvre femme au moment de la mort. Elle n’avait plus qu’un désir, celui d’être admise à la prière des Français. Les missionnaires accourent et trouvent une âme prévenue des plus ineffables bénédictions de la grâce. Elle eut le bonheur de recevoir le baptême et mourut en paix.

Mais l’enfer ne pouvait pas voir sans frémir les triomphes qui se préparaient pour la foi…

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(1)  Le F. Sagard Récollet, les appelle les Petuneux ou nation petuneuse. Leur nom sauvage est Tiomnontateronons. — (2)  Les raquettes s’attachent solidement sous la chaussure, et empêchent d’enfoncer dans la neige. Leur nom est emprunté à l’instrument du jeu de volant, à cause de quelque ressemblance dans la forme et la structure, mais non dans la dimension.

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Message  Louis Ven 02 Mai 2014, 11:49 am

Mais l’enfer ne pouvait pas voir sans frémir les triomphes qui se préparaient pour la foi. Il déchaîna aussitôt ses suppôts, et les calomnies répandues chez les Hurons pénétrèrent bientôt dans tous les villages avec un surcroît de terreur. Les deux Pères inspiraient une telle frayeur qu’ils voyaient souvent les femmes et les enfants s'enfuir à leur approche.

Un capitaine chez qui ils avaient logé, fut tout le temps dans les plus grandes appréhensions. Il ne leur cacha pas ses soupçons, et aucune explication ne pouvait les dissiper. Leurs moindres actes, même se mettre à genoux pour prier, lui semblaient des sortilèges. Il fit tout pour les forcer à partir, sans oser les chasser par respect pour les lois de l’hospitalité. Il craignait surtout que dans l’état d’exaspération des esprits, quelques sauvages ne vinssent chez lui donner la mort à ces étrangers. Car chez les sauvages on a tout droit de mort sur un sorcier, mais ils tiennent à n’en pas souiller leur cabane.

La persécution devint si active que les deux missionnaires pouvaient à peine s’arrêter deux jours dans un village. Ils entendaient quelquefois leurs hôtes s’éveiller la nuit en sursaut, et leur commander de sortir au plus vite de la cabane ; d’autres leur criaient du dehors de partir avant le jour et sans s'arrêter dans le village, sans quoi on leur fendrait la tête.

Les deux Pères avaient déjà passé quelques mois dans ces périls continuels, sans trouver possibilité de fonder quelque chose de stable. Ils se décidèrent au retour ; mais leur travail ne fut pas stérile. Ils connaissaient les lieux, et ils avaient préparé les voies. Dès l'année suivante, le P. Ch. Garnier retourna dans ces contrées, et il réussit à y former une église florissante, qu’on nomma Mission des Apôtres, et qu’il a arrosée de son sang en 1649.

En même temps le P. Jogues, regardé déjà comme un missionnaire aguerri, recevait une autre destination importante.

En 1641, des sauvages d’origine algonquine, nommés Ottawas (1), vinrent des bords du lac Supérieur visiter des tribus algonquines qui vivaient près des Hurons, et assister à leur grande fête des morts C’était une grande solennité pour les sauvages de cette contrée, et elle ne se renouvelait que tous les dix ou douze ans.

Parmi les missionnaires résidant chez les Hurons, quelques-uns prenaient soin de ces tribus algonquines et comptaient déjà parmi elles un bon nombre de néophytes. Ils ne manquaient pas d’accourir dans ces grands concours pour établir des relations avec les visiteurs étrangers, et ouvrir ainsi quelque nouvelle voie à l’Évangile.

Frappés de ce qu’ils entendaient dire de la prière…

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(1) Cette nation, que les Français appelèrent les Sauteux parce qu’ils s’étaient fixés dans les environs du saut Sainte-Marie, célèbre rapide qui unit le lac Supérieur au lac Huron, avait habité autrefois la grande rivière qui porte encore leur nom, et qui vient se jeter dans le Saint-Laurent devant l'île de Montréal.

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Message  Louis Sam 03 Mai 2014, 11:11 am

Frappés de ce qu’ils entendaient dire de la prière des Français et de ce qu'ils voyaient de leurs yeux, les Ottawas répondirent volontiers aux avances des missionnaires, et sur leurs instances ceux-ci promirent d'aller les visiter à l'automne, au saut Sainte-Marie (1), quand ces peuples nomades s'y assemblent pour la pêche du poisson blanc.

Le P. Jogues, bien exercé dans la langue huronne, fut adjoint au P. Charles Raymbault (2), qui possédait très-bien la langue algonquine, et ils partirent le 17 septembre 1641 pour le saut Sainte-Marie. Avec ces deux langues, ils pouvaient se mettre en relation avec les peuples qu’ils allaient rencontrer.

Ils avaient à parcourir dans leur petit canot d’écorce près de 400 kilomètres sur le grand lac huron, en longeant ses rives septentrionales au milieu de la forêt d’îles qui les bordent.

Près de deux mille sauvages de différentes nations les attendaient déjà, et ils leur firent le plus bienveillant accueil. Les Pères y répondirent, selon l'usage, par des présents et des festins. Le capitaine des Sauteux voulut quelque chose de plus. Il éleva la voix au nom de sa nation, et fit les plus vives instances pour retenir les missionnaires au milieu d’eux. « Restez avec nous, leur disait-il, nous vous embrasserons comme frères ; nous apprendrons de vous la prière des Français, et nous serons dociles à votre parole. » (Relat. 1641).

Ces vœux ardents et sincères ne pouvaient pas être exaucés pour le moment…

___________________________________________________________

(1)  Les sauvages donnaient à ce saut le nom de Skiae, et les premiers Français rappelèrent Saut de Gaston. Il prit le nom de Sainte-Marie vers 1669, au moment de la fondation d’une mission sur ses rives. — (2)  Le P. Raymbault était en Canada depuis 1637, mais sa constitution délicate ne put pas résister à cette vie de missionnaire. Au retour de son excursion, il descendit épuisé à Québec, sentant bien que la fin du combat était arrivée pour lui. Il y mourut le 22 octobre 1642, à l’âge de quarante-et-un ans. « Cet  homme mort à lui-même, écrit l’historien protestant Bancroft, expira au moment où son cœur ardent formait le projet de porter l’Évangile jusqu’aux rives de l’Océan qui sépare l’Amérique de la Chine, et le corps de ce premier apôtre du christianisme chez les tribus du Michigan, fut déposé dans le tombeau que la justice de cette époque, avait élevé pour honorer la mémoire de l’illustre Champlain. Il était martyr du climat. » C’est le premier Jésuite mort à Québec.

On raconte de lui un trait touchant de la fin de sa vie. Depuis longtemps il cherchait à attirer à la foi un chef algonquin qui montrait beaucoup de bonté aux missionnaires. Il ne le gagna qu’au dernier moment, en sorte qu’on peut dire qu’il mourut en triomphant. « Mangouch, lui dit-il d’une voix éteinte, tu vois bien que je vais mourir. A cette heure je ne voudrais pas te tromper. Crois-moi, je t’assure qu’il y a là-bas un feu qui brûlera éternellement ceux qui n’auront pas voulu croire. » Cette vérité, que le barbare avait entendue bien des fois sans en tenir compte, le frappa comme un éclair on passant par la bouche d’un mourant. Il devint fervent chrétien.


Dernière édition par Louis le Dim 04 Mai 2014, 1:06 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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