Vie de la Vénérable Mère d'Youville (COMPLET)

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Message  Louis Ven 24 Aoû 2012, 7:06 am

RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.


(suite)

Pour avoir sitôt conquis une si large place au foyer domestique et dans le cœur des siens, il fallait que cette jeune fille fût douée de qualités supérieures. Aussi la tradition nous apprend qu’elle avait un esprit sérieux et un jugement solide. Toutes ses paroles étaient marquées au coin de la sagesse et elle ne les prodiguait pas. Elle parlait peu et pensait beaucoup, disent ses biographes. A une exquise sensibilité et à une grande douceur qui étaient le fond de son caractère, elle alliait une volonté qui ne connaissait pas d’obstacle. Cependant cette volonté si ferme savait se plier facilement au besoin et, en femme vraiment supérieure, elle prenait volontiers conseil d’autrui, se défiant de ses propres lumières.

A toutes ces qualités morales Mile Dufrost joignait une grande beauté. Une taille au-dessus de la moyenne, que rehaussaient encore un port noble et un grand air de distinction, en eut peut-être trop imposé, si le sourire bon et agréable d'une bouche parfaite n'avait rassuré les personnes qui l'approchaient. Les yeux étaient noirs, vifs et intelligents, la chevelure abondante, le nez régulier, le teint clair et animé. Une démarche modeste et gracieuse complétait le charme de cette jeune fille que le ciel semblait avoir voulu embellir de tous les dons à la fois.

Une personne aussi accomplie ne pouvait rester ignorée, surtout dans les premiers temps de la colonie, où les habitants ne faisaient pour ainsi dire qu'une grande famille. Les incursions des sauvages, les combats incessants, l'incertitude du lendemain et la distance de la mère-patrie rapprochaient les colons et faisaient communes les joies et les tristesses de chacun.

Mlle Dufrost était donc connue; on savait qu'au manoir de Varennes vivait une jeune fille belle entre toutes, sérieuse, sage, dévouée, et les meilleures familles du pays pouvaient ambitionner de voir leurs fils contracter avec elle une alliance qui promettait nécessairement le bonheur.

Plusieurs jeunes gentilshommes recherchèrent, en effet, la main de Mlle Dufrost, et l'un d'eux, doué de nobles qualités et qui possédait un beau nom et une grande fortune, fut agréé par Mme de La Jemmerais.

Le bonheur allait donc réunir ces deux existences qui semblaient faites pour se compléter. Mais la Providence en avait décidé autrement. Dieu avait sur cette jeune fille des vues que celle-ci n'entrevoyait pas encore et qu'une alliance trop heureuse…


pp. 22-23


A suivre…


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Message  Louis Ven 24 Aoû 2012, 11:14 am

RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.


(suite)


Mais la Providence en avait décidé autrement. Dieu avait sur cette jeune fille des vues que celle-ci n'entrevoyait pas encore et qu'une alliance trop heureuse aurait pu mettre en péril. II fallait à cette âme privilégiée une autre destinée que celle qu'elle avait rêvée: il lui fallait la souffrance, le renoncement et les sacrifices, pour la préparer au rôle qui lui était réservé.

Aussi devait-elle voir tout d’abord s’évanouir toutes ces espérances qu’un cœur de dix-huit ans fonde sur l’avenir, surtout quand il aime et qu’il est aimé ; puis comme préparation suprême au rôle de mère des pauvres, elle devait contracter une union qui ne servirait qu’à lui donner l’auréole de la maternité, sans les joies d’une affection sincère et chrétienne.

La première épreuve frappa Mlle Dufrost sous la forme d'une cruelle déception, et ce fut sa mère bien-aimée qui lui brisa le cœur, en même temps qu'elle brisait son avenir!

Un médecin irlandais, M. Timothée Sullivan, qu'une mauvaise réputation avait malheureusement précédé au pays, si l'on en croit les biographes de Mme d'Youville, épousa Mme de La Jemmerais, et ce second mariage de sa mère fut l'occasion d'une rupture entre Mlle Dufrost et le jeune homme qu'elle avait distingué.

Etait-ce son titre d'étranger qui prévenait contre M. Sullivan, ou était-ce, en effet, son inconduite ? On ne sait et les contemporains de Mme d'Youville semblent ne rien affirmer de positif sur ce point. Cependant on ne peut s'empêcher de trouver excessive la délicatesse de ce jeune homme ou de sa famille, qui consentit à rompre une alliance si convenable pour un motif dont la fiancée n'était aucunement responsable.

Quelle que soit la vérité sur les antécédents de M. Sullivan…


pp. 24- 25


A suivre…

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Message  Louis Ven 24 Aoû 2012, 4:48 pm

RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.


(suite)

Quelle que soit la vérité sur les antécédents de M. Sullivan, nous devons supposer que sa conduite s'était améliorée, puisque l'on trouve plus tard, dans les Archives de la Marine et dans les lettres de M. de Vaudreuil, des appréciations très favorables sur le
beau-père de Mlle Dufrost, qui changea insensiblement, dit M. Faillon, son nom de Sullivan en celui de Sylvain, que les Canadiens prononçaient plus facilement.

« A l'égard du sieur Sylvain, médecin du roi à Montréal » écrivait le ministre à M. de Beauharnois, « je ne sais si vous êtes bien informé de ses talents. Les principaux officiers de Montréal, les ecclésiastiques et les religieuses de l'Hôtel-Dieu en ont rendu des témoignages très avantageux. »

Mme la marquise de Vaudreuil écrivait aussi, en 1727, au ministre de la Marine: « Le sieur Sylvain, gentilhomme irlandais, dont le père était aussi médecin, ayant épousé la veuve de M. de La Jemmerais, capitaine, qui avait six enfants, sans un sol de bien, en a usé pour cette famille en vrai père. II s'est privé de son nécessaire pour élever ces enfants et leur donner toute l'éducation qu'il lui a été possible. II a fait prêtre l'aîné, Charles Dufrost de La Jemmerais, ordonné en 1726. Le second, qui est cadet dans les troupes, mériterait bien une expectative d'enseigne en second, tant par rapport à lui, qui est un bon sujet, qu'en considération des services de feu Monsieur de La Jemmerais, son père » (1)

Quoi qu'il en fut, le mariage de Mlle Dufrost fut rompu à cause du second mariage de sa mère, et l'on doit dire que ce fut la plus grande grâce de sa vie. En effet, combien l'existence de la Vénérable eut été différente si elle avait épousé le jeune homme de ses rêves et de son choix et si, tout en restant bonne épouse et bonne mère, elle se fut attachée à toutes ces choses qui forment le bonheur et au milieu desquelles l'âme se laisse endormir !

L'épreuve que Mlle Dufrost subit, dans cette circonstance, fut…

________________________________________________________________

(1) Archives de la Marine, Paris, 1727.

pp. 25-26



A suivre…

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Message  Louis Sam 25 Aoû 2012, 8:25 am

RETOUR DE Mlle DE LA JEMMERAIS AU MANOIR PATERNEL. — ÉPREUVE CAUSÉE PAR LE SECOND MARIAGE DE SA MÈRE. — SES FIANÇAILLES AVEC M. D'YOUVILLE.



(suite)

L'épreuve que Mlle Dufrost subit, dans cette circonstance, fut le premier anneau de la chaine douloureuse et ininterrompue qui devait l'attacher de plus en plus à son Créateur, en la détachant chaque jour davantage de tout bien terrestre et mondain. Tout rentra dans le calme, après cet orage, au manoir de Varennes. Mlle Marguerite reprit ses occupations accoutumées et le temps, qui guérit toute blessure, fit oublier à la jeune fille son chagrin et ses espérances envolées.

Trois années s'étaient écoulées, depuis la rupture de ce mariage, lorsqu'un jour on apprit que Mile Dufrost était fiancée à M. François d'Youville, gentilhomme de Villemarie.

M. d’Youville était fils de Pierre You, gentilhomme rochelois qui accompagna M. de la Salle dans son expédition de la Louisiane et signa avec celui-ci l'acte de prise de possession du pays des Arkansas, le 14 mai 1682, au nom du roi de France. (1) En vertu des privilèges accordés aux découvreurs par le roi, Pierre You prit le nom de sieur de Ladécouverte, qu'il porta depuis et sous lequel il est désigné dans les actes officiels. II épousa, en premières noces, une sauvagesse, Elisabeth Miami, dont il eut une fille, Marie-Anne, baptisée en 1694 et mariée le 15 aout 1718 à Jean Richard (2), et, en secondes noces, le 19 avril 1697, Madeleine Just, née à Brèves, en Bretagne. Ils eurent plusieurs enfants, qui s'allièrent aux Migeon de Lagauchetière, aux de Joncaire, etc.

Pierre You mourut le 28 avril 1718, laissant à son fils une honnête fortune et une belle propriété située à l'extrémité occidentale de l'île de Montréal (l'île aux Tourtes) ; il l'avait appelée Ladécouverte, et son fils l'habitait quelques années avant son mariage avec Mlle de La Jemmerais. (3)

Les membres de la famille de M. d'Youville continuèrent, comme leur père, à s'appeler Ladécouverte, tandis que François porta le nom de You d'Youville.

Le jeune homme qui allait épouser Mlle Dufrost était, comme nous venons de le voir, d'une famille honorable. Il avait hérité de son père une certaine aisance ; de plus, il avait belle mine, et les biographes de Mme d'Youville s'accordent tous à dire qu'il était l'un des plus beaux hommes de la colonie.

______________________________________________________

(1) Vie de Madame d'Youville, par M. Faillon. Archives de la Marine, 1682.
(2) Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay, vol. 7, p. 491.
(3) M. Faillon, Vie de Madame d'Youville, p. 13


pp.27-28


A suivre : CHAPITRE V

MARIAGE DE Mlle DUFROST — ELLE QUITTE VARENNES. — SON SÉJOUR CHEZ SA BELLE-MÈRE. — ELLE DEVIENT VEUVE.

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Message  Louis Sam 25 Aoû 2012, 4:33 pm




CHAPITRE V

MARIAGE DE Mlle DUFROST — ELLE QUITTE VARENNES. — SON SÉJOUR CHEZ SA BELLE-MÈRE. — ELLE DEVIENT VEUVE.

Pour épouser M. d'Youville, Mlle Dufrost quittait sa mère et le toit paternel.

Cette fois les adieux furent déchirants, car non seulement Mme de La Jemmerais voyait s'ouvrir pour sa fille l'avenir nouveau et toujours si incertain de la vie conjugale, mais elle avait la douleur de voir s'éloigner cette enfant bien-aimée qui avait été une compagne pour elle et qui l'avait soutenue par ses sages conseils et son aide énergique. Les frères et sœurs de la jeune fiancée comprenaient combien allaient leur manquer les soins qu'elle leur prodiguait tous les jours et les mille délicatesses inventées par son grand cœur pour adoucir leurs peines d'enfants. La pensée de la savoir heureuse, sous la protection d'un homme qui semblait réunir toutes les qualités d'un bon mari et celles d'un parfait chrétien, pouvait seule les consoler d'une si douloureuse séparation.

Ce fut le 12 août 1722 que M. d'Youville conduisit sa fiancée à l'autel dans l'église paroissiale de Notre-Dame de Ville-Marie.

S'il est beau de voir s'agenouiller aux pieds du Dieu Créateur deux jeunes époux qui viennent le prendre à témoin de leurs serments d'amour et de fidélité, l'expérience de la vie permet cependant de compter tant de déceptions et de tristesses que l'on peut toujours se demander, au passage de ces deux êtres qui viennent de se lier pour jamais, si cette joie qui s'exhale du riant défilé d'une noce aura plus qu'un court lendemain. Hélas ! ne savons-nous pas que trop souvent le bonheur passe aussi rapidement que les fleurs qui parent la mariée et qu'avant même de se flétrir la couronne d'oranger, changée en épines, meurtrira le front de la jeune femme?

Nous verrons que celle dont nous relatons la vie put compter ses jours heureux. En effet, Mme d'Youville fut de celles chez qui ni la beauté, ni la jeunesse, ni la tendresse, ni la vertu ne furent assez puissantes pour enchaîner tin cœur inconstant.

Mme d'Youville, après son mariage, n'eut pas la joie de s'installer chez elle…


pp. 40- 41



A suivre…

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Message  Louis Sam 25 Aoû 2012, 6:02 pm

MARIAGE DE Mlle DUFROST — ELLE QUITTE VARENNES. — SON SÉJOUR CHEZ SA BELLE-MÈRE. — ELLE DEVIENT VEUVE.

(suite)

Mme d'Youville, après son mariage, n'eut pas la joie de s'installer chez elle, dans cet intérieur que la jeune femme se plaît à embellir et à orner et dont elle sait le plus souvent faire un séjour agréable, où le mari aime à se retrouver entouré de soins et d'affection. Que de ménages n'auraient pas eu une existence aussi ensoleillée si, au début, l'homme n'avait pas été enchaîné par ces mille riens qui sont autant de liens dont la femme sait l'enlacer et qui, avec la tendresse d'un amour vrai et dévoué, aident souvent à assouplir les natures les plus difficiles!

Si Mme d'Youville avait eu la jouissance si légitime d'avoir son foyer domestique, ce petit royaume qui sied si bien à la femme, n'est-il pas permis de supposer qu'elle aurait pu retenir l'affection de son mari ? L'influence de sa belle-mère écartée, la jeune femme aurait peut-être pu, avec sa grande douceur, réussir à changer cette nature rebelle. Soumis à la seule influence de cette femme charmante et bonne, la rude nature de M. d'Youville aurait pu se façonner à cette vie d'affection, de confiance et d'entente qui s'impose si facilement au commencement et qui peut ensuite durer toujours.

Malheureusement Mme d'Youville fut forcée d'aller habiter chez sa belle-mère et, comme il arrive souvent, Dieu le permettant ainsi pour la sanctification des siens, il se trouva que la belle-mère et la bru étaient d'une humeur et d'un caractère tout différents.

Loin de vouloir faire quelques concessions à la femme de son fils, la mère de M. d'Youville exigea que sa belle-fille s'enfermât chez elle, comme si elles avaient été toutes deux du même âge, et la pauvre jeune femme se trouva condamnée à une vie triste et monotone.

Sans être ni frivole ni mondaine, Mme d'Youville aurait aimé à se parer et à fréquenter la société. « Le « monde eut pour elle des attraits,» dit. M. Sattin ; « elle ne fut point ennemie des plaisirs et de la société. »

Les premiers colons avaient peu de distractions …


pp. 41-42-43


A suivre…

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Message  Louis Dim 26 Aoû 2012, 7:16 am

MARIAGE DE Mlle DUFROST — ELLE QUITTE VARENNES. — SON SÉJOUR CHEZ SA BELLE-MÈRE. — ELLE DEVIENT VEUVE.

(suite)

Les premiers colons avaient peu de distractions ; comme nous l'avons déjà dit, ils vivaient comme les membres d'une grande famille; les réunions étaient donc intimes et fréquentes, et ils pouvaient ainsi passer plus agréablement les longs hivers et briser la monotonie de leur existence. Ces distractions, pourtant bien légitimes, furent refusées à Mme d'Youville; elle fut obligée, pour vivre en paix, de sacrifier tous ses goûts et de s'enfermer, à vingt ans, avec une vieille belle-mère acariâtre et impérieuse.

Ce que fut cette existence, dans les conditions que nous venons de décrire, on le comprend sans peine. Les souffrances et les contrariétés rencontrées à chaque instant dans ce contact continuel de deux natures peu sympathiques, les renoncements répétés que cette vie si peu en harmonie avec ses goûts exigeait d'elle, auraient été une raison de plus pour Mme d'Youville de s'attacher plus fortement à son mari, si elle avait trouvé chez celui-ci un cœur digne de la comprendre. Mère heureuse, épouse aimée, elle eût alors facilement oublié les tracasseries de sa belle-mère; mais Dieu, qui la voulait sienne et qui avait daigné la choisir pour fonder l'une des plus belles œuvres du pays, la préparait peu à peu à sa mission en lui envoyant ces épreuves, qui dissipaient ses illusions et assuraient son détachement de tout ce qui aurait pu la détourner de sa vocation providentielle. Mme d'Youville, en vivant sous le toit et la tutelle de la mère de son mari, avait appris a sacrifier sa volonté propre et ses gouts les plus légitimes. C'est ainsi que, sans le savoir, la belle-mère entrait dans les desseins de Dieu.

Apres quelques années de cette vie commune et crucifiante, Mme d'Youville mère mourut. Cette mort allait-elle faire réfléchir ce mari indifférent et volage, et la jeune femme allait-elle pouvoir enfin gouter un peu de ce bonheur dont elle était si digne et qu’elle avait jusqu'ici attendu en vain ? Loin de là.

La mère de M. d'Youville avait laissé à son fils en mourant un fort bel héritage; celui-ci profita de cet accroissement de fortune pour se livrer avec plus de liberté à la vie dissipée qu'il menait depuis son mariage. Bien plus, à cette indifférence s'ajoutèrent bientôt le délaissement et l'abandon. Prévenante et affectueuse pour son mari, Mme d'Youville ne reçut en retour que froideur et même dureté. Son cœur délicat et sensible fut brisé de douleur en voyant son amour si vrai et si profond méconnu et repoussé. Ce fut alors qu'elle tourna son âme vers Dieu et qu elle commença à placer en lui toutes ses espérances…


Pp 43-44



A suivre…

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Message  Louis Dim 26 Aoû 2012, 11:43 am

MARIAGE DE Mlle DUFROST — ELLE QUITTE VARENNES. — SON SÉJOUR CHEZ SA BELLE-MÈRE. — ELLE DEVIENT VEUVE.

(suite)

Ce fut alors qu'elle tourna son âme vers Dieu et qu elle commença à placer en lui toutes ses espérances.

« Les élus de Dieu » a dit un orateur contemporain, « sont le froment qu'il sème dans les sillons tourmentés de la vie publique ou privée, et qui germent souvent sous la pluie des tempêtes pour donner, à l'heure fixée, la moisson qui enrichit les âmes et l'éternité. » (1)

M. d'Youville avec ses habitudes de plaisir, dépensa bientôt son héritage et le bien que sa femme lui avait apporté; celle-ci se vit obligée de gagner, par son travail, la vie de ses enfants. Elle n'adressa pas de reproches à son mari sur sa conduite et ses extravagances; au contraire, pour le ramener dans le sentier du devoir, elle redoubla de prévenances à son égard, supportant avec la plus grande douceur les peines dont elle était abreuvée.

Cédons ici la plume à son fils, M. Dufrost, que l'on ne pourra certes soupçonner d'exagération, puisqu'il s'agit de son père : "En peu de temps," dit-il, "son mari consuma en divertissements toute sa succession et mit par là son épouse dans le cas de n'avoir pas souvent le nécessaire, quoique, par un travail continuel, elle s'efforçât de pourvoir à son entretien et à sa nourriture. Pour surcroit d’affliction, elle avait un mari fort indifférent et qui n'était pas plus sensible aux différentes infirmités de son épouse que pour une personne qu'il n'avait jamais connue. Cependant jamais on ne l'entendit faire le moindre reproche à son mari, quoiqu'il les méritât grandement, ni même diminuer ses complaisances pour lui."

Ces rudes épreuves élevèrent l'âme de la jeune femme et lui firent comprendre qu'elle ne pouvait plus espérer de bonheur qu'au service de Dieu et dans les œuvres de la charité chrétienne. Après cinq années de cette vie tourmentée, pressée par une grâce intérieure, elle embrassa un genre de vie plus parfait et elle prit la résolution de se donner tout entière à Dieu.

Jeune fille, Mme d'Youville avait aimé le monde…

____________________________________________________

(1) Père Ollivier, éloge funèbre du Père Lécuyer.

pp. 44-45-46.

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Message  Louis Dim 26 Aoû 2012, 4:10 pm

MARIAGE DE Mlle DUFROST — ELLE QUITTE VARENNES. — SON SÉJOUR CHEZ SA BELLE-MÈRE. — ELLE DEVIENT VEUVE.

(suite)

Jeune fille, Mme d'Youville avait aimé le monde. "Le monde eut pour elle des attraits," nous dit son fils; "elle aima la bonne compagnie et les douceurs de la vie." Une épreuve bien cruelle vint jeter dans son âme une première désillusion.

Jeune femme, elle rêva de nouveau le bonheur dans une union contractée sous les plus heureux auspices; les exigences du caractère de sa belle-mère vinrent assombrir sa vie et la forcer de réfléchir sur la fragilité des espérances humaines. Et quand la mort, faisant disparaître ce dernier obstacle, lui permit de croire à des jours plus sereins, son mari, cette fois, fut l'instrument dont Dieu se servit pour ruiner à jamais ses espérances d'épouse, en la frappant au plus intime de son cœur. Dieu poursuit ainsi souvent les siens en les préparant à devenir grands à ses yeux et dans l'Eglise.

Mais pour s'engager dans une voie nouvelle, il lui fallait un appui, un directeur éclairé; elle jeta les yeux autour d'elle et, guidée par une lumière surnaturelle, c'est à M. de Lescoat, curé de Ville-Marie, digne et saint prêtre breton, qu'elle confia la conduite de son âme.

Celui-ci se chargea d'autant plus volontiers de diriger Mme d'Youville qu'il avait entrevu d'avance les desseins de Dieu sur sa pénitente et qu'il lui avait annoncé sa future mission, comme nous le verrons plus tard.

Elle était depuis trois ans sous la direction de M. de Lescoat, s'exerçant à la vie parfaite, lorsque M. d'Youville mourut d'une fluxion de poitrine, après quelques jours de maladie, le 4 juillet 1730. Elle restait veuve à vingt-neuf ans, avec deux enfants en bas âge et enceinte d'un troisième, qui mourut peu de temps après sa naissance.

En huit années de mariage, Mme d'Youville avait eu six enfants, dont trois étaient morts avant son mari. (1)

La mort de M. d'Youville mettait un terme à ses chagrins domestiques, et cependant sa grande sensibilité lui fit pleurer ce mari si peu digne d'être regretté. "Elle le pleura fort sincèrement et pendant longtemps," dit M. Dufrost.

Non seulement Mme d'Youville restait sans fortune, mais M. d'Youville la laissait chargée de dettes, avec deux enfants à élever et à faire instruire.

C'est à la mort de son mari que commencent à se manifester les desseins de Dieu sur Mme d'Youville. Nature vigoureusement trempée, qui jusqu'ici s'est formée en silence à la pratique parfaite des devoirs de son état et à la patience dans les contrariétés rencontrées chaque jour dans sa vie domestique, son âme, déjà préparée par l'épreuve, va se transformer de plus en plus, sous l'action de la grâce, et acquérir cette souplesse qui en fera l'instrument de la Providence.

_________________________________________________________

(1) François-Timothée, né le 21 mai 1723, décédé le 17 août 1723; François, né le 26 septembre 1724, ordonné prêtre le 23 septembre 1747, mort le 10 avril 1778 ; Marie-Marguerite-Ursule, née le 3 septembre 1725, décédée le 25 août 1726; Louise, née le 16 décembre 1726, décédée fort jeune ; Charles-Madeleine, né le 18 juillet 1729, ordonné prêtre le 26 avril 1752, décédé le 6 mars 1790 ; Ignace, né le 26 février 1731, décédé le 17 juillet 1731.

pp. 46- 47-48


A suivre : Chapitre VI. Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.

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Message  Louis Lun 27 Aoû 2012, 6:32 am



Chapitre VI. Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.

Avant même la mort de son mari, Mme d'Youville avait déjà été obligée de gagner sa vie et celle de ses enfants, car M. d'Youville, au lieu d'employer son revenu au soutien de sa famille, l'avait, comme nous l'avons vu, dépensé dans une vie d'oisiveté et de plaisirs. Avec son grand sens du devoir, la courageuse mère avait voulu remplacer le père de famille si peu soucieux du bien-être des siens; dans ce but, elle avait établi un petit commerce qui lui fournissait les ressources nécessaires à la vie quotidienne et même le moyen de faire quelques aumônes.

Elle aimait à s'occuper activement des pauvres, pour qui elle éprouvait déjà une tendresse profonde. Elle les visitait; elle leur portait des consolations, en même temps que des secours; sa charité la conduisait même jusqu'auprès des prisonniers, et on la vit tendre la main de porte en porte pour faire enterrer les criminels.

Sachant qu'une vie ordonnée double le temps et les œuvres, Mme d'Youville se levait chaque matin de très bonne heure pour entendre la sainte messe, et, même pendant les froids de l'hiver, elle retournait encore à l'église dans la journée pour faire une visite à Notre-Seigneur, présent dans l'Eucharistie. Elle s'approchait bien souvent du sacrement de pénitence et recevait la sainte communion avec une grande ferveur. Malgré les tempêtes et les tombées de neige qui duraient parfois plusieurs jours, cette vaillante chrétienne trouvait le courage de se frayer un chemin à travers cette neige, dans laquelle elle s'enfonçait souvent jusqu'à la ceinture, et sa ferveur lui faisait trouver agréables ces courses matinales et pénibles qui lui procuraient la messe. Ah ! c'est qu'elle avait compris ce que c'est qu'une messe, pendant laquelle se prononcent « les paroles qui ont fait l'Eucharistie, qui la perpétuent et nous la donnent chaque jour. Si nous les connaissions bien, nous les aimerions, nous les dirions souvent, nous irions chaque jour les entendre, et leur écho vibrerait tout le long du jour à l'oreille de notre cœur." (1)

Les confréries du Saint-Sacrement et de la Bonne-Mort étaient déjà établies à Ville-Marie. Leur but était d'honorer Jésus-Christ dans l'Eucharistie et de prier pour les mourants et pour les âmes du purgatoire. Aujourd'hui encore, comme alors, les membres de ces confréries s'engagent à faire chaque semaine une demi-heure d'adoration. Mme d'Youville s'enrôla dans ces confréries et elle en a conservé les dévotions dans sa communauté. Ainsi, chaque jour, une religieuse fait une demi-heure d'adoration devant le tabernacle, au nom de ses compagnes, et chacune, le jour de sa profession, est inscrite sur le registre de la confrérie de la Bonne-Mort.

La confrérie de la Sainte-Famille, cette autre belle dévotion qui remonte également aux premières années de la colonie, fut aussi l'objet de la prédilection de Mme d'Youville. Dès l'année 1727, on trouve son nom inscrit dans les archives de cette association, dont elle occupa les premières charges jusqu'à la fondation de son Institut.

Mais si la chrétienne agrandissait ainsi le cercle de ses œuvres, ce n'était pourtant pas au détriment de ses devoirs de mère…

_____________________________________________________________
(1) Père Tesnière.

(Note de Louis: Ne pas oublier que nous sommes au XVIIIe siècle, et que ce livre de Mme. Jetté a été écrit il y a plus de 110 ans.)

pp.49-50-51



A suivre…

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Message  Louis Lun 27 Aoû 2012, 2:33 pm

Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.


(suite)

Mais si la chrétienne agrandissait ainsi le cercle de ses œuvres, ce n'était pourtant pas au détriment de ses devoirs de mère. Elle surveillait avec la plus vive sollicitude l'éducation de ses enfants; elle se considérait comme la dépositaire de ces deux âmes que le ciel lui avait confiées, et le résultat obtenu par la surveillance et la culture de cette vertueuse femme fut digne de ses soins et de son dévouement. Elle en fut bien doucement récompensée par la joie et l'honneur de les voir tous deux élevés au sacerdoce. L'un, plus connu sous le nom de Dufrost, fut curé à Lévis, puis à Boucherville, en 1774, et nommé grand- vicaire l'année suivante. L'autre fils de Mme d'Youville fut curé de Saint-Ours.

Dans ses transports d'amour maternel, la Vénérable ne pouvait-elle pas, en voyant ses enfants voués à la sublime mission du sacerdoce, s'écrier, avec saint Augustin: "Un prêtre! Un saint et digne prêtre! Quel honneur! 0 vénérable dignité des prêtres! Dans leurs mains, le fils de Dieu, comme dans le sein de Marie, est incarné. 0 mystère céleste! Par vous le Père, le Fils et l'Esprit opèrent si merveilleusement que, dans un seul et même moment, le même Dieu qui préside au ciel est dans vos mains en sacrifice."

Non seulement Mme d'Youville pourvut à l'éducation complète de ses fils, mais elle trouva aussi moyen, par son industrie et son travail, de payer toutes les dettes laissées par son mari.

Pour sauver l'honneur de son nom et le transmettre à ses fils digne et respecté, elle eut le courage de doubler son travail, de prolonger ses veilles, de se priver davantage, et, malgré toutes les charges qu'elle s'imposait, elle continuait ses bonnes œuvres, se sentant soutenue dans son travail et ses épreuves par cette foi inébranlable dans la Providence qui fut un des principaux caractères de sa piété. Laissons ici parler M. Sattin, dont l'appréciation est aussi complète que satisfaisante:

« Sa dévotion était solide, mais sans affectation et sans petitesse; ses concessions étaient courtes; ceux qui l'ont connue savent que, sous prétexte de spiritualité, elle n'importuna jamais ses directeurs; les œuvres de charité auxquelles elle se livrait depuis son veuvage avaient pour elle un attrait tout particulier; elle se faisait un honneur de visiter les malades et les pauvres, se retranchant une partie de son nécessaire pour les soulager.

Elle visitait les pauvres de l'Hôpital Général, dont elle raccommodait les vieux haillons, faisant ainsi, sans le prévoir, l'apprentissage d'une œuvre à laquelle elle devait dévouer sa vie.»

Le rôle de M. de Lescoat dans la direction de Mme d'Youville devait…


pp. 51-52-53


A suivre…

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Message  Louis Lun 27 Aoû 2012, 4:54 pm

Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.


(suite)

Le rôle de M. de Lescoat dans la direction de Mme d'Youville devait se borner à lui faire sanctifier ses épreuves, à les lui faire accepter comme une épuration et un moyen de se détacher du bonheur terrestre, qu'elle avait semblé chercher jusque-là.

L'âme de la Vénérable, sous cette sage direction, avait pris son essor vers les suprêmes hauteurs où Dieu habite; ses méditations et ses conversations avec son Créateur l'avaient initiée à l'amour des âmes. Elle avait commencé son apostolat; elle édifiait Ville-Marie. Une autre main devait compléter la perfection intérieure de cette âme d'élite et devait être l'instrument plus direct de la grande œuvre que Dieu voulait établir à Montréal.

La mort enleva, à quarante-quatre ans, M. de Lescoat à la vénération de toute la population, au milieu d'une carrière courte, mais saintement remplie. Il mourut en 1733. Il avait dirigé Mme d'Youville pendant six ans.

M. Normant du Faradon devint curé de Ville-Marie à la mort de M. de Lescoat. Arrivé au Canada en 1723 pour aider M. de Belmont, supérieur du Séminaire, il lui succéda à sa mort et remplit les fonctions de curé. (1)

Ce fut à ce digne prêtre que Mme d'Youville confia la direction de son âme quand M. de Lescoat mourut. Comme nos lecteurs le verront plus tard, M. Normant devait avoir une grande part dans la fondation des Sœurs de la Charité.

Il comprit bientôt quel trésor Dieu avait voulu confier à sa sollicitude dans la personne de cette pieuse veuve éprise de charité et de perfection. « Il ne tarda pas,» dit M. Dufrost, « à reconnaître en elle les qualités et les vertus propres à une fondatrice. »

Ville-Marie n'avait alors d'asile de charité que celui des Frères Hospitaliers…

____________________________________________________

(1) M. Louis Normant du Faradon naquit au mois de mai 1681, à Châteaubriant, ville du diocèse de Nantes. Il fit ses études à Angers et fut admis dans la compagnie de Saint-Sulpice, à Paris, le 2 novembre 1706. Il y exerça successivement plusieurs emplois importants ; il était chargé de l'économat du Séminaire de Paris lorsque, sur sa demande réitérée, il fut envoyé au Canada, en 1722. (M. Faillon, Vie de Madame d'Youville, p. 21.)

pp. 53-54


A suivre…

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Message  Louis Mar 28 Aoû 2012, 6:35 am

Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.


(suite)

Ville-Marie n'avait alors d'asile de charité que celui des Frères Hospitaliers, qui ne pouvaient accueillir que des hommes. Aussi beaucoup de pauvres et d'infirmes restaient abandonnés. Depuis son veuvage, Mme d'Youville songeait sérieusement à s'occuper d'eux; elle priait en silence et attendait, tout en faisant part à M. Normant de ses désirs et de ses aspirations. Celui-ci accueillit ses projets avec joie. Sur son conseil, elle reçut quelques vieillards et quelques infirmes dans la maison qu'elle habitait. Bientôt elle s'aperçut qu'il lui fallait de l'aide et que seule elle ne pourrait pas suffire à soigner la nouvelle famille qu'elle avait adoptée. Mais où trouver cette aide? A qui s'adresser?

Tout près de chez Mme d'Youville vivait une jeune fille avec qui la pieuse veuve s'était liée d'amitié et que la Providence devait lui donner comme coopératrice de sa fondation.

Louise Thaumur La Source était la fille d'un médecin de Ville-Marie et l'amie intime de Mme d'Youville. Entre ces deux âmes une douce affection s'était établie et la fondatrice, qui n'avait rien de caché pour son amie, lui fit part de ses désirs et de ses espérances. Ce projet de Mme d'Youville trouva dans le cœur de Mlle La Source un écho sympathique; mais comme elle comprenait toute l'importance d'une pareille entreprise, elle hésita beaucoup avant de s'engager vis-à-vis de Mme d'Youville. Elle pria, consulta et fit même une neuvaine avec elle sur la tombe de M. de Lescoat, qu'elle vénérait comme un saint. Après toutes ces hésitations et ces prières, Mlle La Source donna enfin son consentement. Elles s'associèrent ensuite deux autres jeunes filles de familles honorables et d'une vertu irréprochable, Mlles Catherine Cusson et Catherine Demers, et elles passèrent le reste de l'année 1737 à étudier leur projet, à s'affermir dans leur résolution de quitter le monde pour se donner complètement au service des malheureux.

Mme d'Youville n'avait aucune ressource; à peine quelques débris, échappés au désastre amené par les folles dépenses de son mari, avaient-ils été sauvés par sa prévoyance et son économie. Comment allait-elle donc pouvoir fonder une œuvre aussi difficile ?...


pp. 54-55-56


A suivre…

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Message  Louis Mar 28 Aoû 2012, 1:15 pm

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(suite)


Mme d'Youville n'avait aucune ressource; à peine quelques débris, échappés au désastre amené par les folles dépenses de son mari, avaient-ils été sauvés par sa prévoyance et son économie. Comment allait-elle donc pouvoir fonder une œuvre aussi difficile ? Comptant dès lors sur la paternelle providence de Dieu, qui avait mis dans son âme un sentiment extraordinaire d'abandon complet à sa volonté, elle ne se laissa pas effrayer. Malgré les obstacles multiples qu'elle entrevoyait, malgré sa pauvreté, malgré ses devoirs de mère, elle demeura ferme dans sa détermination de dévouer sa vie aux pauvres.

Les historiens de Mme d'Youville l'ont plusieurs fois comparée avec raison à sainte Jeanne de Chantal. Comme son illustre devancière, elle a puisé dans son âme, illuminée par la grâce, la force de sacrifier à Dieu le sentiment le plus fort et le plus légitime qu'un cœur humain puisse éprouver, l'amour maternel ! Et si, comme sainte Chantal, Mme d'Youville trouva l'héroïque courage de se séparer de ses deux fils, comme elle aussi elle avait un cœur doué d'une tendresse qui donnait encore plus de prix à son immolation.

Inébranlable dans sa résolution, la nouvelle fondatrice loua, en 1738, une maison où elle entra, avec ses trois associées, la veille de la Toussaint, après avoir été approuvée par M. Normant qui, en qualité de grand-vicaire, remplaçait l'évêque de Québec. Elles avaient cinq pauvres en entrant dans cette maison : elles en eurent bientôt cinq autres.

Sur le seuil de cette humble demeure, qui devait être le berceau de son Institut, Mme d'Youville se prosterna devant une statue de la Sainte-Vierge, en qui elle avait toujours eu la plus grande confiance, suppliant cette bonne mère de la prendre, elle et ses compagnes, sous sa protection, et lui promettant de consacrer désormais sa vie entière au service des pauvres et des délaissés. Avec quelle bonté celle que l'on nomme la "santé des infirmes " et la "consolation des affligés" ne reçut-elle pas la consécration religieuse des premières filles de la Charité de Ville-Marie!

La Sainte-Vierge a voulu donner à Mme d'Youville et à ses compagnes un témoignage visible de sa prédilection en préservant du feu cette petite statue devant laquelle la fondatrice avait fait ses premières promesses: elle fut retrouvée dans les ruines de l'Hôpital Général après l'incendie qui le détruisit, en 1765. Le piédestal sur lequel la statue reposait fut détruit par le feu; mais la statue elle-même resta intacte. On la conserve avec respect dans la communauté, et c'est à ses pieds que les Sœurs Grises vont demander aide et lumière lorsqu’elles doivent élire une nouvelle supérieure.

Le bien ne se fait pas, même dans le silence et l'humilité, sans exciter des jalousies et des mécontentements….




pp. 56-57-58


A suivre…

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Message  Louis Mar 28 Aoû 2012, 3:55 pm

Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.


(suite)


Le bien ne se fait pas, même dans le silence et l'humilité, sans exciter des jalousies et des mécontentements. Qui ne sait que toute bonne œuvre débute ainsi? M. Normant, avec son expérience, pouvait-il l'ignorer? Il avait déjà entendu des observations malveillantes sur la réunion de Mme d'Youville et de ses compagnes. Dans l'après-midi de leur entrée dans leur nouvelle maison, il vint leur adresser quelques mots d'encouragement et en prit occasion pour leur laisser entrevoir ces persécutions et ces souffrances qui ne leur manqueraient pas. Sa prédiction ne tarda pas à se réaliser. A peine ces pieuses femmes étaient-elles réunies qu'une violente opposition s'éleva contre leur œuvre, menaçant de la détruire si elle n'avait été soutenue par la main toute-puissante de Celui qui a dit : "Ayez confiance, j'ai vaincu le monde."

Les parents de Mme d'Youville, qui n'avaient pas approuvé son projet de quitter le monde, s'unirent aux mécontents et ne lui épargnèrent ni les reproches ni les humiliations.

Le lendemain de son entrée dans sa nouvelle demeure, le jour de la Toussaint, comme Mme d'Youville et ses compagnes se rendaient à la messe paroissiale, des personnes grossières et méchantes les poursuivirent dans la rue, les accablèrent d'injures et leur lancèrent même des pierres. Bientôt on ne se contenta plus de les attaquer ouvertement et en pleine rue, on voulut les détruire par l'arme plus perfide et plus sûre de la calomnie. On les accusa de vendre de l'eau-de-vie aux sauvages. Sotte invention, qui cependant fut bien vite accueillie et répandue. La haine allait-elle au moins s'arrêter là? Non. On ajouta que, non contentes de vendre de l'eau-de-vie, elles s'enivraient elles-mêmes; on leur donna par mépris le nom de "Sœurs Grises", nom que la sainte fondatrice a voulu éterniser, dit M. Faillon (1), en choisissant pour ses filles une robe dont la couleur leur rappellera à jamais cette insulte.

La calomnie devait revêtir une forme encore plus odieuse et plus perfide. On les attaqua dans ce qu'une femme a de plus cher : l'honneur. Les bruits répandus sur leur compte étaient si odieux que le gouverneur, M. de Beauharnois, plusieurs prêtres et plusieurs religieux, ne pouvant croire que toutes ces insinuations fussent inventées, finirent par y ajouter foi. Un religieux, aussi crédule, alla même jusqu'à leur refuser la communion en pleine église, comme à des créatures souillées. Quelles ne durent pas être leurs souffrances et leurs angoisses en se voyant l'objet de pareils soupçons de la part de ceux qu'elles vénéraient? Cependant elles donnèrent à tous le spectacle d'une rare vertu, en supportant avec la plus grande douceur cette douloureuse épreuve. Les compagnes de Mme d'Youville trouvèrent dans son exemple le courage de soutenir la lutte. Dieu les préparait par les mépris et les humiliations à ne compter que sur lui; avec cet appui, Mme d'Youville se sentait assez forte pour braver toutes les tempêtes et assurer le succès d'une œuvre qui devait rendre à Dieu tant de gloire. Cette petite communauté…


_________________________________________________________

(1) Page 35.

pp. 58-59-60.







A suivre…

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Message  Louis Mer 29 Aoû 2012, 6:34 am


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(suite)

…Cette petite communauté, qui, dès son berceau, portait déjà l'empreinte de la contradiction et de la souffrance, devait subir bien d'autres épreuves avant d'être solidement établie dans Ville-Marie.

L'hôpital tenu par des frères et destiné à recueillir des vieillards infirmes, que nous venons de mentionner et dont nous aurons occasion de parler lorsque Mme d'Youville sera appelée à le gouverner, était alors menacé de disparaître par suite d'une mauvaise administration. Le motif de l'agitation soulevée contre Mme d'Youville était la crainte de voir remplacer ces Frères Hospitaliers, qui comptaient des amis influents, par les pieuses femmes qui se dévouaient au service des pauvres et qui, grâce au zèle et à la charité de la fondatrice, semblaient destinées à accomplir l'œuvre à laquelle les Frères Hospitaliers avaient failli. Il fallait donc, à tout prix, empêcher Mme d'Youville de réussir. Dans ce but, ses ennemis adressèrent, l'année suivante, en 1738, à M. de Maurepas, ministre de la Marine, une pétition contre elle et sa fondation.

Pour en assurer le succès, on avait eu soin de la faire signer par le gouverneur de la ville, par des officiers et un grand nombre de citoyens. En même temps, on se plaignait amèrement de la conduite de l'évêque de Québec, M. Dosquet, envers les frères, à qui il avait refusé le privilège de recevoir des novices. Ceci n'était que le début d'une foule de tracasseries que l'on devait susciter à la fondatrice.

Malgré l'agitation de ses ennemis, Mme d'Youville persista dans son projet. Sa douceur, son humilité, sa charité finirent par les désarmer. Ils furent obligés de s'incliner devant sa vertu, que les tempêtes n'avaient pu faire courber. Nous les verrons même, plus tard, définitivement gagnés à sa cause, prodiguer leurs efforts pour lui garder cet hôpital que l'on craignait tant alors de voir tomber entre ses mains.

Ces premiers obstacles surmontés, Mme d'Youville s'empressa de recevoir de nouveaux pauvres chez elle. Son temps et celui de ses compagnes se partageaient entre le travail et la prière; leur règlement leur avait été donné par M. Normant.

En entrant dans sa maison, Mme d'Youville avait voulu s'y ménager un oratoire…


pp. 60-61.


A suivre…

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Message  Louis Mer 29 Aoû 2012, 11:59 am

Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.


(suite)


En entrant dans sa maison, Mme d'Youville avait voulu s'y ménager un oratoire, où elle venait chaque jour réciter le chapelet avec ses compagnes, ainsi que le petit office de la Sainte-Vierge. Chaque mois, elle faisait dès lors un jour de retraite. C'est dans ce petit sanctuaire qu'elle dit à Dieu et à Marie ses premiers désirs, qu'elle fit ses premières promesses. En attendant le grand privilège de posséder Notre-Seigneur sous son humble toit, Mme d'Youville allait chaque matin entendre la messe dans une église et y recevoir la sainte communion.

Cette même année 1738, une maladie grave vint faire douter du succès de sa fondation. On employa tous les moyens humains, on eut recours à toutes les prières pour obtenir la guérison d'une mère déjà si tendrement aimée: Dieu semblait sourd à toutes les supplications. La fondatrice souffrait d'un mal sérieux au genou, qu'elle avait contracté en se rendant à l'église dans la neige et les froids de l'hiver, et tous les secours de l'art avaient été impuissants à la soulager. Cette épreuve devait durer sept ans, et ce ne fut qu'après cette longue période d'inaction que Mme d'Youville fut guérie tout à coup et lorsque les remèdes avaient été abandonnés. « Cette guérison fut considérée comme un miracle par toutes ses compagnes, » dit M. Dufrost. Le ciel, avant de faire éclater sa puissance, avait voulu éprouver Mme d'Youville par une longue et pénible réclusion; en effet, combien ne dut-elle pas mériter, elle si active, si énergique, si vaillante, qui se voyait incapable de marcher et d'agir!

Pendant que Mme d'Youville était ainsi clouée sur sa chaise, elle eut la douleur de voir mourir une de ses compagnes: Mlle Catherine Cusson, dont la santé était fortement ébranlée par les privations, le travail et les sorties matinales de chaque jour, fut atteinte d'une fluxion de poitrine et mourut, le 20 février 1741.

La mort de cette pieuse fille fut des plus édifiantes pour ses sœurs : sa résignation était parfaite ; elle désirait avec ardeur aller s'unir à Celui pour qui elle avait tout quitté. "La mort ne paraît effrayante," a dit l'éloquent dominicain que nous avons déjà cité, "qu'à ceux dont la foi n'élargit pas les horizons, et rien n'est solide en ce monde que ce qui est bâti sur un tombeau, pourvu qu'il soit surmonté d'une croix." (1)

Cette mort de Mlle Cusson consolida, en effet, la petite communauté naissante, qui bénéficia bientôt des mérites et de la protection de celle qui venait de la quitter.

A peu près vers cette époque, la foi de Mme d'Youville fut de nouveau mise à l'épreuve par une maladie de M. Normant, qui le conduisit aux portes du tombeau…

________________________________________________________

(1) Le Père Ollivier.

pp. 61-62-63


A suivre…


Dernière édition par Louis le Mer 29 Aoû 2012, 5:16 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Mer 29 Aoû 2012, 5:03 pm

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(suite)

A peu près vers cette époque, la foi de Mme d'Youville fut de nouveau mise à l'épreuve par une maladie de M. Normant, qui le conduisit aux portes du tombeau. Qu'allait devenir la communauté de Mme d'Youville si elle perdait son directeur et son principal appui? La confiance sans bornes de la fondatrice ne l'abandonna pas: elle fit une promesse au Père Eternel pour le retour à la santé de M. Normant et, avec cette arme si puissante de la prière, elle espéra la guérison demandée. Presque aussitôt M. Normant leur était rendu, et Mme d'Youville, pour accomplir son vœu, faisait venir de France un tableau du Père Eternel, et elle établit en même temps dans sa communauté la pieuse pratique de faire brûler chaque année en actions de grâces un cierge devant le Saint-Sacrement, le jour de la Présentation de Marie au Temple. (1)

" Les personnes que Dieu choisit pour établir des instituts dans l'Eglise," dit M. Bourdoise, "il les dispose par des voies qui n'ont rien d'humain, c'est-à-dire qu'il les fait passer par les croix et les humiliations, les persécutions accompagnées de patience, de fidélité, de courage, de persévérance, tenant sur eux une conduite peu commune."

A peine les futures filles de la Charité étaient-elles rassurées sur la santé de leur fondateur qu'une nouvelle et non moins poignante épreuve vint mettre le comble à leurs angoisses. Le feu prit, au milieu de la nuit, dans la saison la plus rigoureuse, le 31 janvier 1745, à la maison qu'elles occupaient alors. Les flammes se propagèrent si rapidement que Mme d'Youville eut à peine le temps de se sauver, à demi vêtue, avec ses pauvres et ses compagnes.

"Une pauvre insensée, qui rentra pour chercher ses sabots," dit M. Faillon, " fut la triste victime de ce lamentable événement ! " (2)

C'était vraiment un spectacle digne d'émouvoir les cœurs les plus insensibles que la vue de cette noble femme, oubliant qu'elle était pieds nus sur la neige et voulant grouper ses pauvres autour d'elle pour les consoler et les encourager.

Cependant, si la plupart des spectateurs vinrent lui témoigner leur sympathie et lui offrir des secours, elle eut la douleur d'entendre aussi des observations d'une malveillance cruelle, comme celle-ci : …

_____________________________________________________________

(1) Le tableau que Mme d'Youville fit venir de France est encore aujourd'hui dans la salle de communauté des Sœurs Grises de Montréal.
(2) Vie de Madame d'Youville, p. 46.


pp. 63-64-65


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Message  Louis Jeu 30 Aoû 2012, 6:50 am

Mme D'YOUVILLE SE DÉVOUE DE PLUS EN PLUS AUX BONNES ŒUVRES. — ELLE VISITE LES PAUVRES ET LES PRISONNIERS. — ELLE S'ASSOCIE TROIS COMPAGNES ET JETTE LES FONDEMENTS DE SON INSTITUT.


(suite)


Cependant, si la plupart des spectateurs vinrent lui témoigner leur sympathie et lui offrir des secours, elle eut la douleur d'entendre aussi des observations d'une malveillance cruelle, comme celle-ci : "Voyez-vous cette flamme violette? C'est l'effet de l'eau-de-vie destinée aux sauvages, qui brûle aujourd’hui." Comme on le voit, les calomnies d'autrefois retrouvaient encore un lointain écho.

Cet incendie avait mis Mme d'Youville dans un grand embarras ; fort heureusement un riche négociant de Ville-Marie, M. Fonblanche, vint lui offrir une maison. Des personnes charitables lui prêtèrent des lits et des meubles ; le Séminaire pourvut à sa nourriture pendant plus de quinze mois. Mais la maison de M. Fonblanche étant trop petite pour contenir Mme d'Youville, ses compagnes et ses pauvres, elle fut forcée de louer une maison plus spacieuse pour trois ans. A peine y était-elle installée que le gouverneur de Ville-Marie, M. Boisberthelot de Beaucourt, lui ordonna d'en sortir. Voulant avoir cette maison pour lui, il alla même jusqu'à la menacer de la faire chasser par ses gardes, si elle ne voulait pas la quitter au plus tôt ; il ajouta que cette maison était beaucoup plus convenable à un gouverneur qu'à de pauvres filles comme elles. (1)

Mme d'Youville allait se trouver sans asile lors qu'une dame fort charitable, Mme de Lacorne, vint lui offrir sa maison; elle se hâta d'accepter cette offre bienveillante pour jusqu'au printemps. Elle la quitta alors pour aller en habiter une autre, près de l'église paroissiale; mais dès qu'elle y fut entrée, elle fut éprouvée par une nouvelle maladie qui mit ses jours en danger. Pour la troisième fois, son œuvre, encore si faible, était menacée de périr. Cette fois, Dieu, satisfait de l'abandon complet à sa divine volonté que ses dignes servantes avaient constamment pratiqué, voulut les consoler visiblement en rendant la santé à la fondatrice, qui devait avant peu entrer à l'Hôpital et le relever de ses ruines.

_________________________________________________
(1) M. Faillon, p. 52 et 53.

pp. 65-66


A suivre : chapitre VII. Mme D'YOUVILLE REMPLACE LES FRERES HOSPITALIERS.— ELLE RELEVE L'HOPITAL GENERAL PRET A DISPARAITRE. — DES LETTRES-PATENTES DU ROI LA CONFIRMENT DANS LA DIRECTION DE CETTE MAISON. — ELLE LA REORGANISE. — ELLE Y ABRITE TOUTES LES MISERES.

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Message  Louis Jeu 30 Aoû 2012, 12:10 pm

CHAPITRE VII


Mme D'YOUVILLE REMPLACE LES FRERES HOSPITALIERS.— ELLE RELEVE L'HOPITAL GENERAL PRET A DISPARAITRE. — DES LETTRES-PATENTES DU ROI LA CONFIRMENT DANS LA DIRECTION DE CETTE MAISON. — ELLE LA REORGANISE. — ELLE Y ABRITE TOUTES LES MISERES.

Lorsqu'elle était encore sous la direction de M. de Lescoat, Mme d'Youville avait entendu ce vénérable prêtre lui adresser un jour ces paroles prophétiques: "Consolez-vous, ma fille, Dieu vous réserve à relever une maison sur son déclin." Cette maison n'était autre que l'Hôpital Général, fondé par des laïques charitables qui s'étaient formés en communauté sous le nom de Frères Hospitaliers de Ville-Marie, mais que le public appelait plus volontiers, du nom de l'un d'eux, les "Frères Charon ". Ces religieux avaient été approuvés par l'autorité ecclésiastique et confirmés par lettres-patentes du roi. Le but de leur œuvre était de recueillir des hommes âgés ou infirmes, et ils eurent au début un grand succès; leur nombre et celui de leurs pauvres s'accrurent rapidement.

Malheureusement ces pieux laïques n'avaient pas la préparation voulue pour la conduite d'une œuvre semblable; sous prétexte d'augmenter leurs revenus en faveur de leurs vieillards, ils entreprirent différents genres de commerce et d'industrie qui affaiblirent leur esprit religieux et en même temps les entraînèrent dans toutes sortes d'embarras financiers. Bientôt il leur fallut réduire le nombre de leurs pauvres; il n'y eut plus dans la maison ni règle ni discipline, et cette belle œuvre menaçait d'être anéantie par l'ambition des uns et l'incapacité des autres. Ils en étaient rendus à ne garder que cinq ou six pauvres, et ce petit nombre n'avait pas toujours le nécessaire. Ils avaient recours à la charité de pieuses personnes du dehors pour entretenir le linge de la maison, et nous avons dit plus haut que Mme d'Youville avait été une des premières à venir raccommoder les vêtements de ces pauvres vieillards et les haillons qui servaient de couvertures à leurs lits.

La conduite scandaleuse d'un des membres de la communauté avait, dans une circonstance particulière, attiré aux Frères Charon une sévère réprimande de la part de Mgr Dosquet, évêque de Québec. Le supérieur ayant pris la part de ce frère contre l'évêque, celui-ci leur défendit de recevoir de nouveaux sujets. Cette défense fut maintenue par Mgr de l'Auberivière, successeur de Mgr Dosquet, et, à son tour, Mgr de Pontbriand, ayant vu par lui-même l'état dans lequel se trouvait la communauté des Hospitaliers, non seulement confirma cette défense, mais leur annonça même son intention de les remplacer par les Sœurs Grises. Réduits bientôt à cinq membres, dont trois fort âgés, ils avaient fait, afin d'éviter l'extinction dont ils étaient menacés, plusieurs tentatives, toutes inutiles, pour s'associer à divers instituts de France. Ces insuccès et l'état précaire dans lequel ils se trouvaient les firent songer sérieusement à abandonner l'Hôpital Général…


pp.67-68-69.


A suivre…

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Message  Louis Jeu 30 Aoû 2012, 3:35 pm

Mme D'YOUVILLE REMPLACE LES FRERES HOSPITALIERS.— ELLE RELEVE L'HOPITAL GENERAL PRET A DISPARAITRE. — DES LETTRES-PATENTES DU ROI LA CONFIRMENT DANS LA DIRECTION DE CETTE MAISON. — ELLE LA REORGANISE. — ELLE Y ABRITE TOUTES LES MISERES.


(suite)


M. Normant n'ignorait pas la ruine qui menaçait l'œuvre des Frères Hospitaliers; il en souffrait et, dans sa sollicitude de pasteur, il cherchait un remède à ce triste état de choses. Sans laisser entrevoir la solution qu'il désirait amener, il préparait Mme d'Youville et ses compagnes à se charger de cette œuvre. Depuis neuf ans, elles s'exerçaient au soin des pauvres et des infirmes; il les formait à toutes les pratiques de la vie religieuse.

Mais il lui fallait faire accepter son projet par les chefs de l'Hôpital, qui étaient l'évêque, le gouverneur et l'intendant. Malheureusement, M. Normant rencontra chez eux une forte opposition. Ces messieurs, prévenus par les rapports défavorables que les amis des frères faisaient circuler dans le public contre la fondation de Mme d'Youville, avaient même déjà écrit en France à ce propos, et, dans sa lettre, Mgr de Pontbriand exprimait à la cour son désir de remplacer les frères par les Sœurs de la Congrégation ou par les religieuses de l'Hôtel-Dieu. En réponse, le ministre écrivait, en 1743, au gouverneur et à l'intendant d'examiner ce projet avec l'évêque. Il semblait donc que M. Normant allait échouer dans sa tentative de placer Mme d'Youville à l'Hôpital Général, quand les frères eux-mêmes vinrent au-devant de ses désirs, en offrant leur démission, le 19 octobre 1745.

Les chefs de l'Hôpital ne s'étant pas encore entendus au sujet de l'arrangement proposé par l'évêque, la démission des frères ne fut pas acceptée immédiatement et le ministre écrivit à Mgr de Pontbriand, le 31 mars 1747 : "Dans la situation où se trouvent les affaires de l'Hôpital, il devient tous les jours plus pressant de prendre un arrangement capable d'en empêcher le dépérissement entier. Lorsque M. de la Jonquière arrivera dans la colonie, il faudra travailler avec lui et avec M. Hocquart, afin que, sur le compte que vous et ces messieurs rendrez de vos vues, je puisse faire donner l'approbation du roi." (1)

Mais M. de la Jonquière ayant été fait prisonnier sur mer par les Anglais, M. de Beauharnois, l'évêque et l'intendant se virent obligés d'agir avant son arrivée dans la colonie. Les Frères Hospitaliers étaient réduits à deux, que leur grand âge rendait incapables de servir les quatre pauvres qui restaient dans l'Hôpital. Il était évident que leur démission devait être acceptée et les chefs de l'Hôpital, entrant dans les vues de M. Normant, offrirent à Mme d'Youville la direction provisoire de cette maison en décadence, avec promesse de la faire nommer d'une manière définitive par le roi, et ils informèrent le ministre de leur démarche….

_________________________________________________

(1) Archives de la Marine, Paris, 1747.

pp. 69-70-71


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Message  Louis Jeu 30 Aoû 2012, 6:46 pm

Mme D'YOUVILLE REMPLACE LES FRERES HOSPITALIERS.— ELLE RELEVE L'HOPITAL GENERAL PRET A DISPARAITRE. — DES LETTRES-PATENTES DU ROI LA CONFIRMENT DANS LA DIRECTION DE CETTE MAISON. — ELLE LA REORGANISE. — ELLE Y ABRITE TOUTES LES MISERES.


(suite)

La maison avait été singulièrement négligée. Depuis plus de dix ans les Hospitaliers n'avaient fait aucune réparation, et certaines parties des murs menaçaient ruine. Pour donner une idée, disent les archives de l'Hôpital, de l'état d'abandon où cette maison était tombée, il suffira de dire qu'il fallut remettre aux croisées douze cent vingt-six carreaux de vitre.

A l'occasion de cet état de délabrement, les chefs de l'Hôpital avaient autorisé la nouvelle directrice à faire toutes les réparations qui seraient jugées nécessaires par des experts; elle se hâta donc de faire faire les principales, afin d'y entrer le plus tôt possible.

Mme d'Youville se remettait alors à peine de la cruelle maladie qui l'avait menée aux portes du tombeau. Ce fut donc sur son matelas et dans une simple charrette, pour honorer la pauvreté du Sauveur dans ses membres souffrants, dont elle venait se faire la servante, que la fondatrice des Sœurs Grises de Montréal voulut se faire conduire à son Hôpital.

On était en 1747: elle commença son œuvre avec neuf pauvres, aidée par cinq compagnes, dont les noms ont été conservés. Ce sont Mlles Thaumur, Deniers, Rainville, Laforme, Véronneau, et Mlle Despins, qui demeurait avec Mme d'Youville comme pensionnaire depuis neuf ans.

Sous sa direction intelligente et énergique, tout changea bientôt d'aspect dans la maison : elle fit nettoyer et blanchir de la cave au grenier; les pauvres, qui avaient manqué des soins les plus élémentaires de propreté, furent lavés, peignés et habillés convenablement. Les modestes revenus que Mme d'Youville avait réussi à conserver et à accroître par son travail et son économie, furent employés à la restauration de la maison, mais ils ne suffirent pas et elle fut obligée d'emprunter pour faire exécuter certains ouvrages indispensables.

Le public commençait à se rendre compte du changement que la présence de la nouvelle directrice avait apporté dans l'Hôpital. Le gouverneur, l'évêque et l'intendant se félicitaient de l'y avoir appelée; malheureusement, le départ de M. Hocquart vint changer cet état de choses, qui semblait rencontrer l'approbation générale.

L'arrangement provisoire conclu avec Mme d'Youville, avec la promesse de lui laisser la direction permanente de l'Hôpital, n'avait pas encore été sanctionné par la cour…


pp. 71-72




A suivre…

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Message  Louis Ven 31 Aoû 2012, 8:44 am

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(suite)

L'arrangement provisoire conclu avec Mme d'Youville, avec la promesse de lui laisser la direction permanente de l'Hôpital, n'avait pas encore été sanctionné par la cour. Le ministre avait écrit, le 12 février 1748, au gouverneur et à l'intendant:

"Dans la situation où se trouvaient les affaires de l'Hôpital, il convenait sans doute de prendre des mesures pour en prévenir l'entier dépérissement; mais, quel que puisse être le succès de cet arrangement avec Mme d'Youville, je dois vous prévenir que Sa Majesté n'est nullement disposée à consentir à ce qu'il puisse se former une nouvelle communauté de filles dans la colonie; elles n'y ont été que trop multipliées." (1)

Pour entrer dans les vues du roi, le ministre proposait donc de réunir l'Hôpital Général et l'Hôtel-Dieu de Québec. Il ajoutait que l'on pourrait en faire autant à Ville-Marie, en confiant à l'Hôtel-Dieu la maison dont Mme d'Youville venait d'être chargée. Toutefois il laissait le gouverneur, l'évêque et l'intendant juges de la situation.

Mgr de Pontbriand, après la lettre du ministre, avait peu d'espoir que le projet de M. Normant et de Mme d'Youville pût réussir, et M. Bigot, qui venait de remplacer M. Hocquart, était complètement opposé à la fondation d'une nouvelle communauté dans la colonie. Ce dernier réussit à faire partager son idée par M. de Beauharnois et par Mgr de Pontbriand, et tous trois décidèrent de confier la direction de l'Hôpital Général de Ville-Marie aux religieuses de l'Hôpital Général de Québec. Ils exposèrent ce nouveau plan à la cour et le gouverneur et l'intendant écrivirent, le 17 octobre 1749 :

"Nous pensions qu'il n'y avait point d'autre parti à prendre pour ce qui regarde l'Hôpital Général de Montréal que de le réunir à l'Hôtel-Dieu de cette ville. Mais, sur les objections que nous a faites Mgr l'évêque, qu'il convenait mieux de le réunir à l'Hôpital Général de Québec, nous sommes convenus avec lui que cette dernière réunion serait plus convenable. L'Hôpital Général de Québec étant pauvre, les fonds qui lui proviendront de celui de Montréal le soulageront. Nous vous prions de vouloir approuver cette réunion, qui est, selon nous, la plus convenable." (1)

Pendant que les chefs de l'Hôpital Général de Ville-Marie consentaient à cette suggestion de M. Bigot malgré son injustice et qu'ils s'agitaient pour obtenir l'approbation royale, Dieu veillait sur Mme d'Youville, et les luttes qu'elle devait encore soutenir, les contradictions qu'elle devait supporter étaient les signes certains de l'excellence de son œuvre et de sa future fécondité.…

_______________________________________________________

(1) M. Faillon, p. 70
(1) Lettre de MM de la Jonquière et Bigot au ministre, septembre 1748. M. Faillon, p. 71.


pp. 72-73-74


A suivre…

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Message  Louis Ven 31 Aoû 2012, 1:43 pm

Mme D'YOUVILLE REMPLACE LES FRERES HOSPITALIERS.— ELLE RELEVE L'HOPITAL GENERAL PRET A DISPARAITRE. — DES LETTRES-PATENTES DU ROI LA CONFIRMENT DANS LA DIRECTION DE CETTE MAISON. — ELLE LA REORGANISE. — ELLE Y ABRITE TOUTES LES MISERES.


(suite)


Dieu veillait sur Mme d'Youville, et les luttes qu'elle devait encore soutenir, les contradictions qu'elle devait supporter étaient les signes certains de l'excellence de son œuvre et de sa future fécondité.

La démarche des chefs de l'Hôpital ne pouvait rester longtemps ignorée de M. Normant. Aussi, dès qu'il en fut informé, jugea-t-il à propos de faire signer par Mme d'Youville et ses compagnes une requête adressée au gouverneur, à l'évêque et à l'intendant:

Rappelant, dit M. Faillon (2), la promesse expresse qui leur avait été faite de demander pour elles à la cour la ratification de l'arrangement provisoire qui les avait déterminées à se dévouer au rétablissement de l'hôpital presque abandonné et entièrement délabré, elles ajoutaient :

"Le Seigneur semble avoir agréé les services de Mme d'Youville et ceux de ses compagnes et s'être déclaré en leur faveur par la bénédiction que sa pure miséricorde a bien voulu verser sur leurs fatigues et sur leurs soins, en leur procurant des secours imprévus, qui les ont mises en état de commencer le rétablissement et même l'augmentation de cet Hôpital, si nécessaire à la colonie. Leur zèle, Nosseigneurs, n'est diminué en rien pour le service des pauvres, dont elles se font gloire d'être les servantes, et elles sont actuellement dans des dispositions encore plus ardentes de consacrer leur temps, leurs travaux et leur vie pour le soutien de cette maison. Cependant, par un revers imprévu, après de si heureux commencements et sans avoir, à ce qu'elles croient, donné aucun sujet de mécontentement, elles apprennent, d'une manière à n'en pouvoir douter, que vous pensez, Nosseigneurs, à leur ôter l'administration de l'Hôpital et que vous travaillez efficacement pour en transporter les biens et les revenus à celui de Québec ou à quelque autre communauté. Quelque bonne opinion qu'elles aient du mérite de celles-ci et de leurs talents, elles prennent néanmoins la liberté de vous représenter, avec respect, les suites fâcheuses que produira nécessairement un tel changement.

"C'est faire un tort presque irréparable aux pauvres du gouvernement de Montréal, qui ont un droit acquis sur cette maison comme ayant été bâtie exprès pour eux et où ils sont assurés de trouver dans leur vieillesse un secours certain, dont néanmoins ils se voient frustrés sans ressource et exposés à mourir de misère, n'y ayant aucune apparence d'être reçus à Québec, dont ils sont éloignés de soixante lieues, hors d'état par conséquent d'en solliciter l'entrée et d'en entreprendre le voyage. D'ailleurs, c'est aller directement contre l'intention des fondateurs et anéantir un établissement si saint, si nécessaire, que la pieuse libéralité des seigneurs a fondé, que la charité des fidèles a contribué à former et que les aumônes des peuples du gouvernement de Montréal ont soutenu jusqu'ici."

Et enfin, pour mieux appuyer leur demande, Mme d'Youville et ses compagnes terminaient leur requête en promettant d'acquitter toutes les dettes contractées par les Frères Hospitaliers.

La requête n'eut aucun résultat et fit si peu d'impression sur ces messieurs que Mgr de Pontbriand écrivit quelque temps après à Mme d'Youville…


________________________________________________________

(2) Page 72.

pp. 74-75-76


A suivre…


Dernière édition par Louis le Mar 04 Sep 2012, 4:31 pm, édité 1 fois (Raison : balises.)

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Message  Louis Ven 31 Aoû 2012, 7:30 pm

Mme D'YOUVILLE REMPLACE LES FRERES HOSPITALIERS.— ELLE RELEVE L'HOPITAL GENERAL PRET A DISPARAITRE— DES LETTRES-PATENTES DU ROI LA CONFIRMENT DANS LA DIRECTION DE CETTE MAISON. — ELLE LA REORGANISE. — ELLE Y ABRITE TOUTES LES MISERES.


(suite)


La requête n'eut aucun résultat et fit si peu d'impression sur ces messieurs que Mgr de Pontbriand écrivit quelque temps après à Mme d'Youville : " Si Dieu vous appelle au gouvernement de cette maison, je suis persuadé qu'il fera réussir vos projets."

M. Bigot, qui voulait à tout prix donner les biens et les revenus de l'Hôpital Général de Ville-Marie aux Religieuses Hospitalières de Québec, ne cessait pas ses instances auprès de la cour de France. Les offres de Mme d'Youville furent donc refusées.

Le 15 octobre 1750, Mgr de Pontbriand, M. de la Jonquière et M. Bigot déclaraient par une ordonnance solennelle, dit M. Faillon,

" que le traité provisoire fait avec Mme d'Youville en 1747 cessait d'avoir lieu ; que tous les biens de l'Hôpital Général de Ville-Marie étaient unis à celui de Québec, et que les religieuses de cette dernière maison pouvaient vendre les bâtiments de l'Hôpital avec toutes leurs dépendances, et même les meubles, qui seraient de trop peu de valeur pour être transportés à Québec, ajoutant que si quelqu'un avait des réclamations à faire contre cette vente, on pouvait se pourvoir devant M. Bigot dans le terme de trois mois."

M. l'abbé de l'Isle-Dieu, vicaire général des colonies à Paris, en apprenant cette singulière manière de procéder, ne put s'empêcher de dire : " On va vite au Canada : c'est pendre un homme par provision, et instruire ensuite son procès." (1)

Cette ordonnance, qui permettait cependant à Mme d'Youville de rester à l'Hôpital jusqu'au mois de juillet suivant, afin de lui donner le temps de se loger ailleurs et de faciliter le transport des infirmes à Québec, ne fut publié qu'après le départ des vaisseaux pour la France, afin d'empêcher que Mme d'Youville pût correspondre avec le ministre une fois que la publication aurait été faite.

Ainsi, sans lui donner l'occasion de se défendre, Mme d'Youville était privée de ses droits…

__________________________________________________

(1) M. Faillon, p. 77.

pp. 76-77-78



A suivre…


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