L'objet de la Foi.

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Message  ROBERT. Ven 08 Mai 2009, 3:08 pm

L'objet de la Foi. Saint_12

IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:


DEUXIÈME-SECONDE PARTIE

PROLOGUE.


Après avoir regardé en général ce qui concerne les vertus et les vices et les autres points se rapportant à la matière morale, il est nécessaire de reprendre chaque chose en particulier. Car dans des exposés de morale, les généralités ne sont pas ce qui a le plus d'utilité, du fait que les actions se déroulent dans des particularités. Il y a d'ailleurs deux façons de pouvoir considérer une chose en détail dans l'ordre des réalités morales : l'une consiste à regarder du côté de la matière morale elle-même, comme quand on s'occupe de telle vertu ou de tel vice; l'autre s'applique aux états particuliers des gens, comme quand on s'occupe des inférieurs et des supérieurs, des actifs et des contemplatifs, ou de n'importe quelles autres différenciations humaines. Donc en premier lieu nous considérerons en détail ce qui est de tous les états dans la vie humaine. Mais en second lieu nous regarderons spécialement ce qui a trait à certains états.[1]





note explicative:



[1] 2a-2ae, prol. — Ce prologue donne beaucoup à réfléchir. Il faut, pour en apercevoir toute la portée, le remettre en liaison avec les deux qui se trouvent en tête de la Première-Seconde Partie à la qu.1 et à la qu. 6. Vous lisez ici des remarques capitales sur la méthode même de la morale. Qu'il s'agisse de théologie ou même simplement de philosophie, on ne peut en bonne morale se contenter de généralités, mais le plus possible on doit serrer de près les particularités de la vie. La morale est sans doute une connaissance approfondie qui va aux causes et veut être une science. Elle n'est cependant pas une connaissance purement théorique ou spéculative. Elle doit être une connaissance pratique ou, comme on dit normative. La fin qu'elle se propose n'est pas tant d'expliquer ce qui est fait que de déterminer ce qui est à faire : elle cherche, non pas une vérité de spéculation à l'égard d'une chose à regarder, mais une vérité de direction à l'égard d'une œuvre à réaliser. L'objet qu'elle étudie, la matière sur laquelle elle étend sa direction et sa règle, ce n'est rien d'autre que l'action, l'action proprement humaine, qu'il importe de mener dans le sens de sa perfection, sur le chemin de la béatitude. Le sujet traité en morale, c'est l'homme : on reconnaît en lui un être pensant, libre de son choix, puissance par soi et principe de son ouvrage; on le dit fait à l'image même de Dieu (cf. 1a-1æ qu.1, prol.). Toutefois, l'homme n'est point dès à présent fixé dans son action; celle-ci se réalise suivant les circonstances; le chef-d'œuvre de la vie se fait petit à petit, et à tout instant peut se défaire (cf.1a-1æ, qu. 6. prol.). La matière morale demeure essentiellement mouvante.


Voilà pourquoi lorsque saint Thomas cherche à quelle sorte de haut savoir spéculatif pourrait bien être comparé le savoir moral, il songe à la philosophie dite seconde ou physique, appliquée aux choses mouvantes de la nature, plutôt qu'à la philosophie dite première ou métaphysique qui touche à des réalités plus fixes, sinon tout à fait immuables : « De même que la philosophie de la nature, dit-il, a pour matière le mouvement, ou les choses qui sont dans le mouvement, de même la philosophie des mœurs a pour matière l'action humaine en mouvement vers sa fin, ou l'homme même en tant qu'il agit par volonté et se meut en vue de cette fin (Éthiques, I, leçon 1) ». De ce rapprochement se déduit, notons-le en passant, la division même que l'auteur introduit sur-le-champ dans cette morale qu'il veut rendre plus appliquée à la mobilité de la vie. Tout de suite il la partage en deux. Dans une première partie il étudie la matière morale elle-même, c'est-à-dire ce qui assure et caractérise chez tous le mouvement de la vie : ce sera la théologie morale des vertus (qu. 1-170). Dans une seconde partie, il esquisse une étude des différents sujets engagés dans ce mouvement et de ce qu'il peut y avoir de particulier aux uns et aux autres suivant les états, les fonctions et la différenciation des vies : ce sera la théologie morale des états (qu. 171-189). Comme on le voit, la matière est ample, et l'homme est étudié ainsi qu'un beau chef-d'œuvre en formation.


— Si malléable que soit la matière de nos actions et de nos vies, on ne doit cependant pas la confondre avec celle de nos fabrications et de nos œuvres extérieures. La première seule fait l'objet de la morale : elle trahit l’homo sapiens. La seconde fait l'objet des arts et des métiers : elle relève dans une large mesure de l’homo faber. Sans doute, l'homme peut bien être la fin ultime de son art, car il demeure, s'il veut, au-dessus de son ouvrage et doit rester supérieur à ce qu'il fabrique; mais pourtant il travaille dans son art sur une matière extérieure à lui, et l'œuvre qu'il y accomplit se détache de lui pour être ce qu'elle est et valoir ce qu'elle vaut.


En morale, au contraire, l'homme travaille sur soi-même et pour une œuvre qui ne se sépare pas de lui mais s'incorpore à lui et ne fait que l'augmenter en bien ou en mal : l'homme est ici l'ouvrier de sa propre vie, le tisserand de son destin, et s'il lui faut tendre à une fin qui le dépasse et soit hors de lui, c'est cependant une fin à laquelle il se doit totalement, qui se rend plus intime à lui-même que lui-même, qui s'empare de lui tout entier et en laquelle il s'épanouit infiniment. Entre l'art, même au sens le plus libéral, et la morale, même au sens qu'on pourrait dire le plus banal, on perçoit toute la différence : celui-là n'est jamais qu'un beau savoir-faire, tandis que celle-ci est par excellence le savoir-vivre.


Aussi, lorsque notre auteur se demande à quelle sorte de haut savoir pratique il peut bien comparer le savoir moral, il pense à la logique en ce qu'elle a, bien entendu, de plus élevé et de plus humain : elle lui apparaît alors comme une sagesse préposée au gouvernement de la pensée, ainsi que la morale au gouvernement de la vie. Toutes les deux sont tournées vers le pratique, mais d'une façon très éminente puisqu'il s'agit de la mise en œuvre de nos facultés et de nos activités les plus spirituelles, et aussi d'une façon très immanente puisque l'œuvre à faire s'attache à nous, dans les deux, et nous met en état, nous-mêmes, soit de penser dans la perfection du vrai, soit de nous développer et d'agir dans la perfection du bien.

à suivre...


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Message  ROBERT. Sam 09 Mai 2009, 4:10 pm

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IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:


DEUXIÈME-SECONDE PARTIE

PROLOGUE.


Une remarque toutefois s'impose par rapport à la première étude. Si nous voulions déterminer séparément les vertus, les dons, les vices et les préceptes, il faudrait dire bien des fois la même chose. Quelqu'un veut-il en effet d'une manière convenable traiter de ce précepte : « tu ne commettras pas l'adultère », nécessairement il a à s'enquérir de l'adultère, lequel est un certain péché dont la connaissance dépend aussi de celle de la vertu opposée. Il y aura donc pour la réflexion un chemin plus court et plus facile si dans l'ensemble d'un même traité elle passe de la vertu au don qui y correspond et aux vices qui s'y opposent et aux préceptes affirmatifs ou négatifs. Ce sera là du reste une méthode de réflexion s'adaptant même aux vices, et chacun d'eux sera vu dans l'espèce qui lui est propre.


En effet, nous avons montré plus haut que les vices et les péchés se diversifient quant à leur matière ou objet ; mais non point d'après d'autres différences, comme d'être péchés de pensée, de parole et d'action, ou encore péchés de faiblesse, d'ignorance et de malice, pas plus que d'après d'autres différences de cette sorte. Or c'est bien dans la même matière que la vertu agit avec droiture et que les vices opposés s'écartent de la droiture. [2]





note explicative:


[2] 2a-2ae, prol. — Lorsqu'une morale est bien faite, et encore plus si elle est théologie que si elle n'était que philosophie, le côté pratique ne doit pas nuire au côté théorique. Elle doit être un grand et vrai savoir des choses de la vie, demeurer une science et même une sagesse. De là ce souci d'ordre et d'organisation que vous remarquez dans ce morceau du prologue. Si la morale est obligée de s'engager dans l'étude des contingences et des particularités de la vie pour ne pas rester dans de simples généralités nui seraient sans emploi et sans effet, elle ne doit cependant pas se cantonner ni se constituer dans des considérations qui seraient purement empiriques soit pour l'observation soit pour la direction de la vie humaine. Λ ce degré, si elle se borne à regarder vivre, elle peut fournir de précieux documents, des tranches de vie, une espèce d'histoire naturelle des mœurs; ou bien, si elle vise à gouverner, elle fera de la casuistique, de la parénétique, de la pédagogie, elle sera de la prudence ou de l'éducation.

Mais dans aucun de ces cas elle ne sera la haute science que veulent être et la philosophie morale à la lumière de la raison et la théologie morale à la lumière de la foi : celles-ci, en même temps qu'elles impriment une direction à la vie, cherchent à cette direction une véritable explication, une explication par les causes, voire même par les plus hautes causes. Voilà pourquoi l'auteur est si préoccupé ici d'ordonner sa morale pratique d'après un plan qui soit vraiment scientifique. Il veut mettre, dans ses pensées, en morale, un ordre qui soit conforme à celui même des réalités de la morale. Nulle part, peut-être, plus qu'en théologie morale il n'a poussé jusqu'aux derniers raffinements son génie de l'ordre. Il sait que la vérité de direction, qui est celle poursuivie par la morale, est fondée, orientée, sanctionnée, par toute vérité naturelle ou surnaturelle que découvre la contemplation. Car au fond l'homme en toutes ses œuvres et jusqu'en ses plus modestes fabrications, s'il travaille intelligemment, doit se conformer à l'ordre et faire preuve de haute sagesse; sans quoi il ne fait rien qui vaille. Le charpentier, pour bien équarrir sa poutre, a soin de la tenir non sur la tête mais sous les pieds afin que toutes les forces conjurées de l'univers et de son propre corps gravitent en sa faveur et l'aident à son ouvrage. A cet égard il n'est bon ouvrier qui ne soit un sage. Mais il va de soi que la morale a besoin plus que les arts de se rattacher à la sagesse.

C'est surtout quand l'homme travaille sur lui-même qu'il doit savoir qui il est et pour quoi ou pour qui il est fait. Le chef-d'œuvre que sera une vie humaine ne peut en aucune façon s'édifier sur des nuées. De plus, l'homme, si grand qu'il soit, ne crée pas son ordre, il ne l'invente pas de toutes pièces, il ne le façonne pas entièrement au gré de sa fantaisie ni de son vouloir : simplement, selon la profonde amphibologie des mots, il n'a qu'à « observer l'ordre», c'est-à-dire bien regarder ce qui est pour bien réaliser ce qui est à faire. D'abord il s'informe de l'ordre, puis il s'y conforme. Cet ordre ne nous vient pas du décret arbitraire d'un Dieu inconnu, et n'émane pas non plus du secret inexpliqué d'un impératif catégorique, mais se dégage pour ainsi dire de la force même des choses telles qu'elles sont, et que nous les voyons autour de nous et au dedans de nous sous les rayons convergents de la saine raison et des saintes révélations.

L'ordre moral nous enveloppe de toutes parts, il s'impose à nous de partout, car nous faisons partie d'un plus grand univers, de deux même, d'un univers des corps et d'un univers des esprits, qu'il ne nous appartient tout de même pas de mettre sens dessus dessous. Mais, de plus, nous sommes nous-mêmes, chacun tout un univers, et dans cet univers on voit bien qu'on ne peut pas non plus bouleverser impunément ni la nature donnée ni la grâce surajoutée : l'ordre moral nous est ainsi intimé du plus profond de nous-mêmes. C'est tout cela que saint Thomas veut évaluer. Certes sa théologie morale n'ignore rien des obligations ni des sanctions dont nous sommes investis du dehors; mais elle s'attache résolument à celles dont nous sommes enserrés au dedans de nous et dont chacun peut éprouver la force en son âme et conscience. De là une vaste théologie de la vie intérieure. L'ordre moral y est reçu et conçu comme une réelle adaptation de la vie à ses grandes fins et à ses vrais objets. C'est tout l'ordre du cœur tel qu'il se révèle à la lumière de l'esprit, sous l'impression de la pensée de Dieu, en vue du retour et de l'union à Dieu. Même lorsqu'elle s'occupe de l'homme, la théologie ne s'éloigne pas de Dieu (cf. 1a, qu. 1, art. 3, 4, 7 et passim). Tout de suite on va se rendre compte de cela par la place que prennent en tête et au-dessus de toutes les vertus théologales.


— Car l'auteur décide en effet, ici même, de rattacher aux vertus toute la première division de sa morale spéciale. Il n'en donne pas à cet endroit les raisons les plus profondes. Elles se déduisent assez nettement de ce qu'il a discerné dans sa morale générale.

à suivre...


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Message  ROBERT. Dim 10 Mai 2009, 7:00 pm


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IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:


DEUXIÈME-SECONDE PARTIE


PROLOGUE.


Toute la matière morale étant ainsi ramenée à l'étude des vertus, toutes les vertus doivent à leur tour être ramenées à sept. Il y en a trois qui sont théologales, et c'est d'elles qu'il s'agira en premier lieu. Pour les quatre autres, ce sont les cardinales, et il s'agira d'elles en second Heu.

— Par ailleurs, entre les vertus intellectuelles, il y en a une, la prudence, qui est contenue et comptée parmi les vertus cardinales. L'art n'appartient pas, lui, à la morale : celle-ci a pour objet ce qui est matière d'action, alors que l'art est une règle de raison en matière de fabrication, comme il a été dit plus haut. Quant aux trois autres vertus intellectuelles, sagesse, intelligence et science, elles se rencontrent, même dans le nom, avec certains dons du Saint-Esprit et c'est pourquoi nous penserons aussi à elles dans l'étude que nous ferons des dons rattachés aux vertus.

— Pour ce qui est des autres vertus morales, toutes se ramènent de quelque manière aux vertus cardinales, comme il résulte de ce qui a été dit précédemment. D'où, dans l'étude d'une vertu cardinale, seront aussi étudiées toutes les vertus qui s'y rattachent à quelque titre, ainsi que les vices qui s'y opposent. — Et ainsi, aucun point de morale ne sera laissé de côté. [3]






Note explicative:



[3] 2a-2ae, prol. — Après que l'auteur a décidé de ramener toute la morale aux vertus, il lui reste à grouper toutes les vertus autour des principales qui sont comme inspiratrices et régulatrices d'un grand nombre d'autres. Il opère ce groupement avec beaucoup de méthode. Disons plutôt ce regroupement, car on s'arrête ici à une distribution des vertus plus ramassée et autrement présentée que n'était celle déjà faite dans la morale générale. Nous avons le plus vif intérêt à voir de près et avec réflexion les procédés de l'auteur et les pensées qui les ont dictés.


à suivre: prologue de la question 1.


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Message  ROBERT. Lun 11 Mai 2009, 6:30 pm


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IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:


DEUXIÈME-SECONDE PARTIE

PROLOGUE.


LA FOI

QUESTION 1

L'OBJET DE LA FOI.

En ce qui concerne donc les vertus théologales il y aura à considérer : 1° la foi, 2° l'espérance, 3° la charité. [4]

— Mais par rapport à la foi une quadruple série de considérations se présente : la première, sur la foi elle-même; la seconde, sur les dons d'intelligence et de science qui se rattachent à elle; la troisième sur les vices opposés; la quatrième sur les préceptes intéressant cette vertu. [5]
Pour ce qui concerne la foi même, il y aura à considérer : 1° son objet, 2° son acte, 3° l'habitude même de la foi.

— Sur le premier point dix questions : 1. L'objet de la foi est-ce la vérité première? — 2. Est-il quelque chose de complexe ou d'incomplexe, c'est-à-dire une réalité ou un énoncé? — 3. Peut-il y avoir du faux dans la foi? — 4. L'objet de la foi peut-il être une chose vue? — 5. Peut-il être une chose sue? — 6. Les vérités à croire doivent-elles être distribuées en des articles? — 7. Est-ce qu'on retrouve dans la foi les mêmes articles en tous les temps? — 8. Du nombre de ces articles. — 9. De la manière de les transmettre en symboles. — 10. A qui appartient-il de constituer le symbole de la foi? [6]





notes explicatives:


[4] Qu.1, prol. — Ainsi s'affirme sans plus de préambule la primauté des vertus théologales par rapport à toutes les vertus et sur toute la vie. « Dieu a soin de nous, dit quelque part l'auteur, comme un père a soin de ses enfants. Et tout le soin qu'il a pour nous a pour but de nous préparer à le voir et à jouir de lui. C'est à quoi il nous dispose par la foi, par l'espérance et par la charité. Il oriente par là notre esprit et l'attache à lui. (Contra Gentes III, 130) ». Aussi ces trois vertus sont-elles l'effet immédiat et comme l'expression même de la grâce de Dieu (C. Gentes, III, 151-153).

A la faveur de l'état de grâce, Dieu, en effet, demeure en nous et nous demeurons en lui. Notre esprit est intimement habité et constamment visité par son Esprit. Cette présence même de Dieu en nous, cette présence intime et active, fait de nous des êtres capables de regarder à travers la révélation de Dieu le vrai mystère de Dieu, capables de rechercher par le secours de Dieu la pleine vision et possession de Dieu, capables surtout de se lier déjà et pour toujours d'une totale amitié avec Dieu.

Ces trois vertus nous permettent d'embrasser Dieu de toutes nos puissances spirituelles, elles font de lui le grand objet de nos activités les plus élevées, la fin suprême de notre vie. Il est assez évident que de ces trois vertus la foi est la première, non quant à la perfection mais quant à la production des vertus et des actes : sans elle, ni l'espérance ni la charité ne pourraient être ni agir.



[5] Qu.1 prol. — Ces quatre chapitres du traité de la foi sont l'application du programme que l'auteur vient de se tracer. On étudiera, d'abord ce qui fait partie de la vertu elle-même, puis les dons qui s'y ajoutent, puis les vices qui s'opposent à cette vertu et à ces dons, enfin l'ensemble des lois divines qui instituent la foi. — Tout ce qui concerne la vertu de foi, avant d'être exposé dans la Somme, l'a été dans l'ouvrage sur les Sentences (III, dist. 23-25) et aux Questions disputées de Veritate (qu. 14, art. 1-12). Ces passages parallèles seront toujours le meilleur commentaire du présent traité. Nous sommes d'avis que saint Thomas n'est jamais mieux expliqué que par lui-même.

— Ce que nous livrent ces études sur la foi, c'est une théologie spéculative, toute appliquée à pénétrer la réalité même de la foi. Mais il est bon de noter que cette spéculation repose sur une solide documentation : une théologie positive est partout supposée, qui recueille toutes les données de la sainte Ecriture et celles de la sainte Eglise en matière de foi. La définition même de la vertu sera tirée du beau texte de l'épître aux Hébreux (cf. infra, qu. 4, art. 1). Bien d'autres textes de première importance seront cités très à propos. Quant aux enseignements qui proviennent du magistère ou des institutions de l'Eglise, on en fera partout le plus grand cas : vous verrez, par exemple, le prix que l'auteur attache aux Symboles de la foi, ou le rôle qu'il attribue à l'autorité du Pape. Assurément, depuis la Somme, un bon nombre de précisions dogmatiques ont été procurées aux fidèles en ce qui concerne les éléments et les différents aspects de la grande foi catholique. Les deux derniers Conciles œcuméniques ont beaucoup fait à cet égard, celui de Trente à l'encontre du protestantisme, celui du Vatican (nota : en 1870) à l'encontre du rationalisme moderne. Il faut connaître tous ces précieux documents quand on s'engage dans le traité de la foi, car ils y ont valeur de principes.


Certains points sont plus définis qu'ils ne l'étaient au temps de la Somme, et se trouvent désormais hors de conteste. J'en rapporte deux à titre d'exemples : la canonicité de nos Saints Livres, l'infaillibilité du Saint Père. Mais on peut dire que ce développement du dogme à l'intérieur de l'Eglise de Dieu et sous l'assistance de l'Esprit ne change rien à la doctrine professée par saint Thomas : au contraire, il la consacre singulièrement, s'étant fait dans les lignes aperçues et dessinées par elle. Ce qui est la preuve, une fois de plus, que notre auteur a su recueillir en leur totalité et ordonner avec une sagesse hors de pair les données de la révélation en ce qui concerne la foi.



[6] Qu.1. prol. — Tout le présent volume roule sur cette première partie du traité, à savoir : ce qui regarde la foi elle-même. Dans les deux ouvrages où l'auteur s'est précédemment livré à la même étude (cf. note 5), il a abordé la question et conduit la recherche autrement qu'il ne fait ici. Il a commencé par tes éléments qui sont dans l'âme même du croyant, c'est-à-dire l'acte ou l'habitude de la foi, ce qu'on pourrait appeler la psychologie de la foi; et il a fini par l'objet de la foi, clans lequel s'entendent les choses mêmes de la foi et toute l'histoire de la révélation qui nous en a été donnée. Ici il fait l'inverse, et place l'objet en premier lieu : c'est évidemment à dessein.

Cette préséance accordée à l'objet de la foi au seuil de toute la morale a grand air et grande importance. Elle met bien en lumière le caractère tout ensemble impersonnel et impératif des vérités de la foi. Que l'homme croie ou ne croie pas, qu'il soit fidèle ou infidèle à la révélation de Dieu, c'est un fait que celle-ci existe : elle comporte à travers la suite des temps un long message à déchiffrer, et dans l'immensité des choses de profonds mystères auxquels il faut adhérer. Toute notre vie surnaturelle dépend de ce message et de ces mystères. Mais ni le message ni les mystères ne sont dépendants de nous; ils s'imposent, ou du moins se proposent, à nous avec la majesté des réalités qui nous dépassent et qui émanent de Dieu. La foi que nous avons en vue ne crée pas son objet : ce serait la détruire que de penser cela. C'est, au contraire, l'objet qui suscite la foi : c'est lui qui la fait être ce qu'elle est.


— A tous les articles de cette première question il faut donc prendre la foi dans cette acception, extérieure à nous en quelque sorte, par laquelle on désigne non l'acte ni la vertu de croire, mais tout ce qui est à croire, non ce qui fait le croyant mais ce qui compose et constitue sa croyance. On ne peut qu'admirer que l'auteur ait su ramasser tant de choses en ces dix articles. Vous y trouvez une synthèse de la foi chrétienne : l'histoire de la révélation y est retracée en raccourci; le tableau des mystères y est dépeint dans une perspective parfaite. Entre tous ces articles il faut observer soigneusement la prépondérance du premier. A lui seul il dit tout l'essentiel, en affirmant avec force que Dieu est tout dans la foi. Dieu touché et atteint en sa Vérité première, voilà notre foi : c'est quelque chose d'immense, dira saint Thomas (cf. infra, qu. 7, art. 1). Les neuf autres articles relatifs à l'objet de foi nous disent comment ce grand Dieu révélateur et révélé a daigné condescendre ainsi qu'un bon maître à la capacité de ses disciples (cf. qu. 1 art. 7, sol. 2) : nous étudions sous quelle forme sa vérité première s'adapte à nos esprits et s'insinue en eux (art. 2-6); nous regardons aussi par quelles voies cette vérité première s'est progressivement révélée à l'humanité et par quels moyens elle s'y propage et s'y conserve (art. 7-10).



à suivre: question 1, art. 1.


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Message  ROBERT. Mar 12 Mai 2009, 2:55 pm


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IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:





ARTICLE 1.

L'objet de la foi est-ce la vérité première?

DIFFICULTES :

1. Il ne semble pas. L'objet de la foi, c'est apparemment ce qu'on nous propose à croire. Or on nous propose à croire non pas seulement ce qui se rapporte à la divinité, et c'est elle qui est la vérité première, mais aussi ce qui se rapporte à l'humanité du Christ et aux sacrements de l'Eglise et à la condition des créatures. Il n'y a donc pas que la vérité première à être vérité de foi.

2. Foi et infidélité ont même objet, puisque ce sont deux opposés. Mais sur tous les points qui sont contenus dans la sainte Ecriture il peut y avoir infidélité, car, si vous avez nié l'un quelconque de ces points, vous êtes réputé infidèle. La foi a donc aussi pour objet tout ce qui est contenu dans la sainte Ecriture. Mais il y a là beaucoup de choses sur l'homme et sur les autres réalités créées. L'objet de foi, ce n'est donc pas seulement la vérité première, c'est aussi la vérité créée.

3. Foi et charité se font face, comme nous l'avons vu plus haut. Or par la charité, non seulement nous aimons Dieu, qui est la souveraine bonté, mais nous aimons aussi le prochain. L'objet de la foi n'est donc pas seulement la vérité première.



CEPENDANT,

Denys assure que « la foi se tient dans la simple et toujours existante vérité ». C'est bien là la vérité première. L'objet de la foi c'est donc bien elle. [7]




note explicative:


[7] Qu. 1, art. 1, cependant. — Arrêtons-nous à ces mots de Vérité première. Ils suffiraient à nous faire mesurer la grandeur de la foi. Malheureusement l'expression n'a pas passé de façon courante dans notre langue. Même les théologiens n'y mettent pas l'accent qu'il faudrait. Si nous ne réhabilitons ces mots, nous risquons de ne pas saisir tout le sens que l'auteur certainement y attache. Proposons-nous par exemple de parler de la Vérité première comme nous savons encore parler de la Cause première. Ce dernier vocable nous dit quelque chose grandement : nous l'attribuons à Dieu pour signifier qu'il est l'universelle et suprême ressource et l'efficacité infinie dans l'ordre des causes. Semblablement, disons que Dieu est la Vérité première pour bien nous représenter qu'il est tout ce qu'il y a de plus élevé dans la possession et dans la diffusion de la vérité.

Nous devons prendre ce terme de Vérité première comme un nom divin, un de ceux qui désignent Dieu dans ce qu'il a de plus intime, dans ce que les théologiens appellent la Déité. Et lorsqu'il s'agit de la foi, c'est bien ce nom de Vérité première qui convient, parce que c'est lui qui comme dit Cajetan, «approprie la Déité à la grande entreprise de vérité » dans laquelle est fondée la foi (In qu. 1, art. 1, n. 8, au milieu). Lorsque l'Ecriture veut nous montrer Dieu sous l'aspect où il est le souverain ordonnateur de toutes choses, elle le nomme la Sagesse. Lorsque nous-mêmes voulons en appeler à lui en tant qu'il veille au gouvernement du monde, nous le nommons la Providence. Dans le même sens mais avec plus de profondeur encore parce que nous entrons davantage en la Déité, lorsque Dieu préside à la foi, nous l'appelons la Vérité première.

à suivre...


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Message  ROBERT. Mer 13 Mai 2009, 5:57 pm


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IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:



ARTICLE 1.

L'objet de la foi est-ce la vérité première? (suite)


CONCLUSION : En toute habitude faite pour la connaissance il y a dans l'objet deux choses : il y a ce qui matériellement est connu, qui est comme le côté matériel de l'objet; et il y a ce par quoi l'objet est connu, qui en est la raison formelle. Ainsi, dans la science de la géométrie, ce qui est matériellement su, ce sont les conclusions; mais la raison formelle du savoir, ce sont les moyens de démonstration par lesquels sont connues les conclusions. Eh bien, il en est de même dans la foi.

Si nous regardons la raison formelle de l'objet, ce n'est rien d'autre que la vérité première : la foi dont nous parlons ne donne pas en effet son assentiment à une chose si ce n'est parce que Dieu l'a révélée ; c'est dire que la vérité divine elle-même est comme le moyen sur lequel s'appuie cette foi.

Mais si nous regardons matériellement ce à quoi la foi donne son assentiment, ce n'est plus seulement Dieu lui-même, mais encore beaucoup d'autres choses. Celles-ci cependant ne tombent sous l'assentiment de la foi que par le côté où elles sont de quelque manière ordonnées à Dieu, c'est-à-dire en tant qu'elles sont des effets de la divinité qui aident l'homme à tendre à la jouissance de la divinité. Et c'est pourquoi, même de ce côté, l'objet de la foi est d'une certaine façon la vérité première, en ce sens que rien ne tombe sous la foi si ce n'est en référence à Dieu, de même que l'objet de la médecine est la santé parce que la médecine ne s'occupe de rien si ce n'est en référence à la santé. [8]


note explicative:


[8| Qu. 1, art. 1, concl. — Sous ces grands mots de Vérité première se cachent donc effectivement de grandes choses. Elles sont dites à cet article avec une simplicité qui ne doit pas en dissimuler la sublimité. Une doctrine capitale est ici exposée, à savoir : que Dieu est tout dans la foi. Il en est la raison et la conclusion, l'objet formel et l'objet matériel, celui à qui l'on croit et aussi ce que l'on croit. Il compose, ainsi que nous le dirons, tous les compléments du verbe croire (qu. 2, art.7), comme aussi tous ceux du verbe espérer (qu.17, art. 5), et pareillement tous ceux du verbe aimer (qu. 27. art. 3). Car il y a ceci de commun à ces trois vertus théologales qu'elles ont Dieu même pour objet, pour règle et pour fin. Elles nous transportent et nous transforment en lui. Assurément « ce que nous serons n'a pas encore été manifesté : nous savons qu'au temps de cette pleine manifestation nous serons semblables à Dieu et le verrons tel qu'il est (I Jean, III, 2) ».


Mais dès à présent, grâce aux vertus théologales, « nous sommes faits réellement participants de la nature divine (II Pierre, I, 4) », nous pouvons entrer « en communion avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ (I Jean, I, 3) », arriver ainsi « à nous unir au Seigneur jusqu'à ne faire avec lui qu'un esprit (I Cor., VI, 17)». Dieu devient dans ces sortes de communications l'âme de nos âmes, l'objet même de nos puissances et de nos actes, la vie de nos vies. Il cherche à demeurer en nous pour que nous puissions demeurer en lui. Véritablement il s'ouvre à nous et il s'offre à nous, non plus seulement comme créateur et dans l'immensité des choses, mais bien plus comme sanctificateur et dans l'intimité des esprits et des cœurs. C'est pourquoi, comme il se propose à la charité dans tout l'attrait de sa divine amitié (qu. 23, art. 1), il se présente à notre foi selon toute la pénétration de sa Vérité première. Dans la charité Dieu se fait aimer pour sa pure amabilité. Dans la foi, il se fait connaître en sa pure vérité. Il faut donc comprendre bien distinctement tout ce qui se trouve dans la vérité de Dieu si l'on veut parfaitement saisir tout ce qui fait l'objet de la foi. Nous y insistons plus loin.


à suivre...


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Message  ROBERT. Jeu 14 Mai 2009, 4:08 pm


L'objet de la Foi. Saint_12

IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:



ARTICLE 1.

L'objet de la foi est-ce la vérité première? (suite)


SOLUTIONS : 1. Ce qui a trait à l'humanité du Christ et aux sacrements de l'Eglise ou à des créatures quelles qu'elles soient, tombe sous la foi dans la mesure où nous sommes par cela ordonnés à Dieu. De plus, si nous donnons à cela notre sentiment, c'est à cause de la vérité de Dieu.

2. Il faut dire la même chose de tout ce qui est transmis dans la sainte Ecriture.

3. La charité, elle aussi, aime le prochain à cause de Dieu, de sorte qu'elle a proprement pour objet Dieu même, comme nous le dirons plus loin.




À suivre : article 2. L‘ objet de la foi est-il quelque chose de complexe à la manière d'un énoncé?


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Message  ROBERT. Sam 16 Mai 2009, 4:35 pm


L'objet de la Foi. Saint_12

IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:





ARTICLE 2.


L‘objet de la foi est-il quelque chose de complexe à la manière d'un énoncé?

DIFFICULTÉS :

1. Apparemment non, puisque cet objet est la vérité première, et qu'elle est quelque chose d'incomplexe.


2. De plus, l'exposé de la foi est contenu dans le symbole. Or, dans le symbole il n'y a pas des énoncés, mais des réalités. Il n'y est pas dit que Dieu soit tout-puissant. Il y est dit: «Je crois en Dieu tout-puissant ». L'objet de la foi n'est donc pas une vérité à énoncer, mais une réalité.


3. En outre, à la foi succède la vision, selon les mots de l'Apôtre : « Nous voyons pour l'instant par un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. Pour l'instant, je connais en partie; mais je connaîtrai alors tout comme je suis connu ». Or cette vision de la patrie, puisqu'elle a pour objet l'essence divine elle-même, s'arrête à une chose incomplexe. Donc la foi du voyage également.

à suivre...


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Message  ROBERT. Mar 19 Mai 2009, 5:05 pm


L'objet de la Foi. Saint_12

IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:



ARTICLE 2.



L‘ objet de la foi est-il quelque chose de complexe à la manière d'un énoncé? (suite)




CEPENDANT, la foi est intermédiaire entre la science et l'opinion. Or un intermédiaire est du même genre que les extrêmes. Comme la science et l'opinion aboutissent à des énoncés, il semble donc que pareillement la foi doive aboutir à des énoncés. Et ainsi l'objet de foi, s'il est vrai que la foi aboutisse à des énoncés, est quelque chose de complexe.


CONCLUSION : Les choses connues sont dans le sujet connaissant suivant sa manière à lui. Or il est une manière propre à l'intelligence humaine, comme nous l'avons dit dans la Première Partie, c'est de connaître la vérité par composition et division. Voilà pourquoi, des choses simples en soi, l'intelligence humaine les connaît suivant une certaine complexité, de même qu'à l'inverse, l'intelligence divine connaît d'une manière incomplexe des choses qui en soi sont complexes. C'est ce qui fait qu'on peut considérer l'objet de foi de deux façons.

On peut le prendre du côté de la réalité même à laquelle on croit, et à cet égard il est quelque chose d'incomplexe : il est la réalité même à laquelle est fixée la foi. Autrement, on le prend du côté du croyant, et à cet égard l'objet de foi est quelque chose de complexe à la manière d'un énoncé. C'est pourquoi les deux opinions ont été soutenues avec vérité chez les anciens : il y a du vrai dans l'une et dans l'autre. [9]




note explicative:

[9] Qu. 1, art. 2, concl. — La doctrine du précédent article nous fait rattacher absolument toute la foi chrétienne à la transcendance de Dieu. C'est le point capital : il faut constamment y revenir et toujours s'en souvenir. Quant au présent article, il est comme une introduction à tous les suivants. La distinction qu'il établit nous invite à regarder aussi la condescendance de Dieu dans la foi. Il s'agit de déterminer sous quelle forme il a fait œuvre de vérité et s'est imprimé en nos esprits. Dans le commentaire des Sentences le problème est très nettement posé : après avoir défini quel est l'objet de foi, on se demande de quelle manière il se présente à notre connaissance qualiter se habeat ad cognitianem nostram (Sent. III, dist. 24, qu. 1, en tête).


Dans la Somme, à partir d'ici, la question prend cette même tournure et la garde jusqu'à la fin. On précise dans quelles conditions la Vérité première est connue de nous; puis, vers les derniers articles, on dit par quels moyens elle est venue jusqu'à nous et se maintient au milieu de nous. On peut distinguer là, si l'on veut, deux problèmes, sur lesquels nous rassemblons ci-après quelques renseignements plus techniques : celui de l'admission de l'objet de foi dans l'esprit des croyants, et celui de sa transmission à travers l'humanité pensante et croyante.


— Il résulte des faits de l'expérience et même des données de la foi que la Vérité première n'est pas en nous comme elle est en Dieu. Dieu ne s'engendre pas dans notre pensée aussi parfaitement qu'il s'engendre en la sienne. Si intime qu'il nous soit, nous ne l'avons présent à l'esprit, ni tel qu'il se voit et s'exprime au sein de son éternité, ni tel que nous-mêmes le verrons lorsqu'il nous admettra dans son éternité. Pour l'instant, nous ne recevons et ne concevons les plus hautes vérités de la foi, même celles qui sont le plus avancées en matière divine et le plus imprégnées de révélation divine, que dans un langage de chez nous et sous la forme de propositions très humaines.


Notez bien toute la portée de cette première constatation. Ce n'est pas seulement nous qui, dans l'état actuel de notre connaissance de foi, sommes contraints d'en passer par des propos d'homme pour adhérer au message et au secret de Dieu. Mais c'est Dieu même qui a daigné pousser la condescendance jusqu'à emprunter nos façons de penser et de parler pour communiquer avec nous et pour faire passer en nous sa propre Vérité. La vérité de Dieu s'affirme à la manière des hommes. Elle est pour ainsi dire enfermée dans nos énoncés et comme rabaissée dans tout le matériel qui nous sert à nous exprimer. Mais, du même coup, n'est-elle pas vidée de sa substance et comme évincée de sa divine réalité? C'est le grave problème que soulève ici l'auteur.



Avouons que ce problème est d'importance. Dans la foi, sommes-nous appliqués à des mots ou à des choses? La foi n'est-elle qu'un nominalisme, un verbalisme, un symbolisme plus ou moins heureux, sous le couvert duquel on peut d'ailleurs admettre soit une sorte d'idéalisme harmonieux soit un fructueux pragmatisme, sans que ce soit jamais rien de plus qu'une construction de l'esprit?


Ou bien, la loi est-elle, malgré tout, un grand réalisme et demeure-t-elle au milieu même de ses concepts et à l'aide de ses énoncés, invinciblement tournée vers la réalité de Dieu au point de ne jamais démordre ni de la vérité de ce qu'il a réellement dit ni de la vérité de ce qu'il a réellement fait ou simplement de ce qu'il est?


Saint Thomas concède qu'il y a dans l'objet de foi cette part inévitable de concepts et d'affirmations humaines. Mais il sait bien qu'elle est le véhicule et l'expression de vérités divines; il sait bien que la foi nous fait adhérer à de grandes choses. Qu'il y ait cependant des esprits enclins aux différentes formes du nominalisme, notre auteur ne l'ignore pas : il en trouvait dans les universités de son temps; il en retrouverait dans celles du nôtre, et chacun sait que telle a été en matière de foi la tendance d’esprit du modernisme. Cette tendance irait à vider la foi de son contenu. La tendance vraie va, au contraire, à la remplir de toute la réalité de Dieu.




à suivre: solutions.


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Message  ROBERT. Jeu 21 Mai 2009, 3:26 pm

L'objet de la Foi. Ptomaq21



IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:





ARTICLE 2.


L‘objet de la foi est-il quelque chose de complexe à la manière d'un énoncé? (suite)

SOLUTIONS : 1. Cette raison est valable lorsque l'objet de foi est pris du côté de la réalité même à laquelle on croit.

2. Dans le symbole, comme le montre la manière même de parler, on cherche à atteindre les choses de la foi dans toute la mesure où s'y fixe l'acte du croyant. Or l'acte du croyant ne s'arrête pas à un énoncé, mais se fixe à la réalité. Nous ne formons en effet les énoncés que pour avoir connaissance par eux des réalités, aussi bien dans la foi que dans la science. [10]


3. Dans la patrie on verra la vérité première telle qu'elle est en soi, comme saint Jean le dit : « Lorsque Dieu se sera montré, nous serons semblables à lui, et nous le verrons comme il est », C'est pourquoi cette vision aura lieu non par mode d'énoncé mais par mode de simple intelligence. Seulement, par la foi, nous ne saisissons pas la vérité première comme elle est en soi : il n'y a donc pas la même raison.






note explicative:


[10] Qu. 1, art. 2, sol. 2. — Cette tendance nominaliste à minimiser les choses, saint Thomas, on le voit ici, ne l'admet pas plus pour la vraie foi que pour la vraie science. Admirez, qu'il compare ainsi le réalisme de la vraie foi à celui de la vraie science. Le croyant, non plus que le savant, ne se paie de mots ni ne s'enferme dans des concepts ou dans des formules.


Mais, non moins que le savant, le croyant porte son esprit jusqu'aux choses : il y est aidé et poussé par cette lumière intérieure dont nous reparlerons; mais il est attiré aussi vers l'objet, on peut dire par la force même des choses, tant par celle même de la vérité révélatrice que par celle de la vérité révélée, car on n'oublie pas que tout cela est pénétré de la force même de Dieu.

Quant aux instruments matériels et humains dont Dieu se sert, ils ne sont pas faits pour nous empêcher de pousser jusqu'à lui : eux-mêmes sont faits pour nous y aider. Saint Thomas en donne ici un bel exemple : penser et prononcer dans la loi de grands énoncés comme ceux du Symbole, ce n'est pas s'arrêter à ce qu'on pense ni se borner à ce qu'on dit, mais c'est se précipiter de tout son esprit vers de grandes réalités.

Recueillir, par exemple, même sous leurs formes les plus imagées et dans les termes qui sont le plus empruntés à la terre, les affirmations des grands prophètes, ou à plus forte raison celles du Christ, c'est éprouver en quelque sorte l'accent même de Dieu, c'est frôler sa Majesté.


A suivre : Peut-il y avoir du faux dans la foi?
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Message  ROBERT. Ven 22 Mai 2009, 7:25 pm

L'objet de la Foi. Ptomaq21



IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:



ARTICLE 3. Peut-il y avoir du faux dans la foi?



DIFFICULTES : 1. Il semble bien. La foi est de même ordre que l'espérance et que la charité. Mais l'espérance peut tomber à faux : beaucoup espèrent avoir la vie éternelle qui ne l'auront jamais. Pareillement la charité peut aussi tomber à faux : beaucoup sont aimés de charité comme gens de bien, qui pourtant ne sont point tels. La foi peut donc, elle aussi, tomber à faux.


2. Abraham a cru à la naissance future du Christ, selon le mot de saint Jean : « Votre père Abraham a exulté à la pensée de voir mon jour ». Or, passé le temps d'Abraham, Dieu pouvait ne pas s'incarner, puisqu'il ne dépendait que de sa volonté de prendre chair. Eh bien, dans ce cas, ce qu'Abraham avait cru au sujet du Christ, se fût trouvé faux.


3. D'ailleurs tous les anciens eurent cette foi à la naissance future du Christ, et cette foi a duré chez beaucoup jusqu'à la prédication de l'Evangile. Mais, comme le Christ était déjà né avant qu'il commençât à prêcher, il était faux qu'il eût encore à naître. Donc la foi peut porter à faux.


4. Un point de foi, c'est de croire que sous le sacrement de l'autel est contenu le vrai corps du Christ. Or il peut arriver, quand la consécration n'est pas faite correctement, qu'il n'y ait point là le vrai corps du Christ, mais du pain seulement. Il peut donc y avoir du faux dans la foi.
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Message  ROBERT. Sam 23 Mai 2009, 2:18 pm

L'objet de la Foi. Ptomaq21



IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:

ARTICLE 3. Peut-il y avoir du faux dans la foi? (suite]



CEPENDANT, aucune des vertus assurant la perfection de l'intelligence ne peut se porter vers le faux puisqu'il est le mal de l'intelligence, comme le Philosophe le fait voir dans son Ethique. Or la foi, nous le ferons voir plus bas, est une vertu qui assure la perfection de l'intelligence. La fausseté ne peut donc se cacher sous la foi.


CONCLUSION : Rien ne peut être présent à une puissance ou à une habitude, voire même à un acte, si ce n'est par le moyen de la raison formelle de l'objet : ainsi la couleur ne peut être vue que grâce à la lumière, et la conclusion ne peut être sue que par le moyen de la démonstration. Or il est dit que la raison formelle de l'objet de foi c'est la vérité première. Rien ne peut donc tomber sous la foi, sinon dans la mesure où c'est sous la vérité première. Sous une pareille vérité rien de faux ne peut exister, pas plus que du non-être sous ce qui est l'être, ni du mal sous ce qui est la bonté. D'où il reste que la foi ne peut rien cacher de faux [11]






note explicative:


[11] Qu. 1, art. 3, concl. — Il n'y a pas de fausseté dans la foi, elle ne peut pas couvrir le faux. Pour saisir dans toute sa portée et aussi dans toute sa justesse le sens de cet article, il y faut appliquer la distinction faite à l'article 2.


— Λ prendre les choses en soi et du côté dé Dieu, la conclusion est simple et ne peut faire l'ombre d'un doute. Elle souligne dans l'objet de foi la prédominance de l'élément formel. La raison qui fait croire les choses, c'est que Dieu les a certifiées de toute la force de sa Vérité première : une chose ne tombe sous la foi que dans la mesure où Dieu s'en est constitué le révélateur et s'en porte garant. Or il est bien évident que Dieu ne peut rien certifier qui soit faux.


— Seulement, à prendre les choses de notre côté, elles ne sont plus tout à fait aussi simples. Pour pénétrer chez nous, Dieu condescend à emprunter les modalités de chez nous. Pour tout l'ensemble des vérités qu'il a dessein de révéler, il s'est engagé dans la complexité de nos manières de dire, de même que, pour une partie importante des mystères qu'il a dessein de réaliser, il s'est engagé dans la contingence et dans les singularités de nos manières d'être. Les deux exemples donnés par l'auteur sont particulièrement bien choisis.


Ils se rapportent à deux grands mystères de foi, celui de l'Incarnation préparée et accomplie, et celui de l'Eucharistie qui est comme une incarnation amplifiée. Ce sont là deux grandes réalisations certifiées et éclairées par de grandes révélations. Mais il n'a pas toujours été facile et il n'est même pas toujours possible, même aux vrais croyants, d'ajuster parfaitement leur esprit à toutes les modalités de la révélation ni à toutes celles des réalisations; et d'ailleurs il n'y a pas toujours une révélation pour toute réalisation.


— Ainsi, Dieu avait révélé, même longtemps d'avance, qu'il s'incarnerait à un moment donné; mais lorsque le moment a été venu et que le mystère s'est accompli, Dieu n'a pas sur-le-champ révélé à tous les croyants que l'Incarnation était chose faite : dans l'esprit de ceux-ci une part de conjecture humaine pouvait donc se joindre et se mêler à la vérité divine, avant, pendant et après l'accomplissement du mystère (sol. 2-3).


— A la sainte Cène, le Christ a bien révélé qu'il réalisait le mystère eucharistique, et il a dit à quelles conditions ce mystère se perpétuerait dans l'Eglise; mais la révélation ne vient pas éclairer chacune des réalisations ni assurer que toutes les conditions ont eu lieu : dans ces cas contingents, une part inévitable de ce que le Père Gardeil a nommé « la certitude probable », c'est-à-dire cette certitude qui se prouve humainement, s'ajoute à la grande certitude générale qui émane de la parole du Seigneur et des pouvoirs passés par lui à son Eglise (sol. 4).


— On pourrait encore citer comme autre bel exemple le mystère de l'habitation de Dieu dans les âmes et de notre incorporation à Jésus-Christ. Une divine révélation, vaste et variée, plane aussi sur ce mystère et en atteste la divine réalité. Cependant elle ne dit pas toutes les fois que ce mystère est réalisé; elle ne m'apprend pas si je suis, moi, en état de grâce : je ne puis le savoir que si des conjectures humaines, mettez même une certaine certitude mais de nature humaine et d'ordre prudentiel, s'ajoutent à la vérité divine qui demeure ici générale et n'a pas une application déterminée aux cas particuliers. Nous verrons plus loin, à propos de la tradition de l'objet de foi, où s'arrêtent et jusqu'où s'étendent les données proprement révélées de notre foi.

à suivre...
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Message  ROBERT. Dim 24 Mai 2009, 9:55 pm

L'objet de la Foi. Ptomaq21



IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:


ARTICLE 3. Peut-il y avoir du faux dans la foi?



SOLUTIONS : 1. Le vrai est le bien de l'intelligence, mais n'est pas celui de nos puissances d'appétit. C'est pourquoi toutes les vertus qui assurent la perfection de l'intelligence excluent totalement le faux, puisqu'il est essentiel à la vertu de se porter uniquement au bien. Mais les vertus qui assurent la perfection des appétits n'excluent pas totalement le faux : quelqu'un peut agir selon la justice ou selon la tempérance tout en ayant quelque fausse opinion dans la matière de son action. Cela étant, comme la foi est une perfection de l'intelligence tandis que l'espérance et la charité sont des perfections de la faculté d'appétit, il n'y a pas la même raison pour elles.

— Et cependant, sous l'espérance non plus, il n'y a rien de faux. Effectivement on n'espère pas qu'on aura la vie éternelle par son propre pouvoir, car ce serait de la présomption. On espère qu'on l'aura par le secours de la grâce : de fait, celui qui aura persévéré dans cette grâce, tout à fait infailliblement obtiendra la vie éternelle.

— Il en va de même pour la charité. Son rôle est d'aimer Dieu en quiconque il eût pu être. Peu importe donc à la charité qu'il y ait Dieu dans cet homme-là puisque c'est pour Dieu qu'il est aimé.


2. Que Dieu ne s'incarnât pas, en soi ce fut une chose possible même après le temps d'Abraham. Mais en tant qu'elle tombe sous la prescience divine, la chose revêt un certain caractère nécessaire d'infaillibilité, ainsi qu'il a été dit dans la Première Partie. Et c'est par là qu'elle tombe sous la foi. Dès lors, en tant qu'elle tombe sous la foi, elle ne peut être fausse,


3. Ce qui appartenait à la foi des croyants après la naissance du Christ, c'était de croire que le Christ naîtrait en un temps. Mais cette détermination du temps, dans laquelle les croyants se trompaient, ne venait pas de la foi; elle venait d'une conjecture humaine. Il est possible, en effet, qu'un fidèle pense par une conjecture humaine quelque chose de faux. Mais, qu'il soit par la foi dans une fausse estimation, c'est impossible [12].



4. La foi du croyant ne se rapporte pas aux espèces du pain qui sont ici ou là; mais à ceci, que le vrai corps du Christ doit exister sous les espèces du pain qui tombe sous nos sens dès lors qu'il a été correctement consacré. Par suite, si ce pain n'a pas été correctement consacré, la foi ne cachera pas pour cela du faux.





note explicative:


[12] Qu. 1, art. 3, sol. 3. — De ce qu'il y a tant de complexité dans les choses de la foi, et de ce que tant de conjecture humaine se mêle à la Vérité première, devons-nous conclure que l'objet de la foi en devenant celui de notre foi est singulièrement rabattu de son éminente simplicité et de son absolue infaillibilité? L'auteur ne le pense pas un seul instant et ne l'admet pas le moins du monde.

C'est dans des considérations de cette sorte qu'éclate l'imperturbable réalisme de la foi théologale et chrétienne. Elle est une telle perfection pour l'esprit qu'on ne peut songer qu'elle soit jamais source d'erreur (sol. 1). Et d'autre part Dieu se trouve tellement engagé dans la constitution de cette foi qu'on ne voit pas comment elle pourrait couvrir une fausseté, la moindre fausseté. Si les croyants ont dans l'esprit, à propos de la foi et comme autour de la foi, des interprétations hasardées humainement, voire même erronées, c'est attribuable à la mobilité des choses ou à celle de nos pensées, mais l'objet de foi n'en est pas cause, ou, pour mieux dire, il n'est plus en cause à proprement parler.

Nous ne sommes vraiment dans la foi que dans la mesure où notre pensée est adhérente à la pensée de Dieu touchant le mystère de Dieu, et nous pouvons être sûrs qu'une telle foi est sans mélange d'erreur : elle croit les choses de Dieu suivant la seule parole de Dieu, elle pense du point de vue de Dieu tout ce qui est de Dieu et tout ce qui mène à Dieu.


— Mais quoi, diront les âmes inquiètes, pourrons-nous donc jamais avoir pratiquement l'assurance que nous sommes bien dans la vraie foi, dans celle qui est sans alliage? Eh oui, nous le pourrons si nous sommes dociles à Dieu, si nous avons soin de le suivre à la trace lumineuse de sa révélation et de nous attacher aux grandes lignes de ses mystères. Nous verrons plus loin en quoi consistent et cette révélation et ces mystères. De telles choses ne trompent pas.


On peut même dire qu'elles existent avec tant de force que notre esprit n'a plus rien à conjecturer quant à l'essentiel, mais n'a plus qu'à adhérer. Ajoutons que Dieu a tout fait pour que la foi de son Eglise demeurât fermement établie dans cette sécurité. Il a pris à cette fin des moyens dignes de lui, quoique parfaitement adaptés à nous : « J'ai prié, dit le Christ à Pierre, pour que ta foi ne défaille pas ». C'est pourquoi le simple fidèle est sûr d'être dans la vraie foi quand il croit ce que croit la sainte Eglise de Dieu, celle bâtie par le Christ de Dieu.


— S'il y a jusque dans le véritable objet de foi ou comme en bordure de lui des parties moins nettes ou moins éclairées, le croyant peut encore s'y rallier à coup sûr s'il a soin de faire en quelque sorte le redressement qui ramène tout à la Vérité première, et de se dire par exemple qu'il croit les choses comme Dieu les voit (sol. 2; Sent Ill, dist. 24, qu. 1, art. 1, qu. 3, sol. 1-2). Il en est de ce redressement qui s'opère dans les parties pour ainsi dire les plus contingentes de la foi, comme de celui qui a lieu dans les applications de l'espérance et de la charité.


Témoin celui-ci d'une âme qui aime Dieu; elle ne peut pas se tromper dans l'objet de son amour : «Celui qui a la charité, dit saint Thomas, toujours veut ce qui plaît à Dieu : si donc on s'aperçoit après coup qu'une chose ne plaît pas à Dieu que d'abord on estimait lui plaire, la faute en est à l'interprétation humaine, non à la charité divine qui ne laissait pas de nous animer» (sol. 1; cf. Sent., 1. c. sol. 3).


— Malgré toutes les nuances que nous venons de voir et toute la réserve qui est nécessaire, saint Thomas a raison de maintenir d'une façon absolue la parfaite infaillibilité de la vraie foi. Cette infaillibilité est le triomphe de l'objet formel : « La foi s'appuie tellement sur la Vérité première que, comme celle-ci est infaillible, celle-là ne peut couvrir le faux (Sent., 1. c. qua 3, concl.) ». Une telle foi ne trompe pas.


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Message  ROBERT. Lun 25 Mai 2009, 2:17 pm

L'objet de la Foi. Ptomaq21



IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:


ARTICLE 4.


L’objet de la foi peut-il être quelque chose que l’on voit? [13]



DIFFICULTÉS : 1. Le Seigneur semble le dire quand il fait à Thomas : « Parce que tu m'as vu, tu as cru ». On a donc vision et foi sur la même chose.


2. L'Apôtre aussi le dit : « Nous voyons maintenant par un miroir en énigme. » Et il parle de la connaissance de foi. Donc, ce qu'on croit, on le voit.


3. D'ailleurs, la foi est une lumière spirituelle. Mais dans une lumière, on voit quelque chose. La foi a donc pour objet des choses vues.


4. Du reste, n'importe laquelle sensation, au dire de saint Augustin, s'appelle une vue. Or la foi a pour objet des choses ouïes ; selon le mot de l'Apôtre, « elle vient par l'ouïe ». On peut donc avancer qu'elle a pour objet des choses vues.






note explicative:



[13] Qu. 1, art. 4-5— On fera bien de considérer tout d'une traite ces deux articles : ils se complètent, et aboutissent à une même conclusion. Et cette conclusion est elle-même complémentaire par rapport à celle de l'article précédent. Dans la foi, disions-nous, on est sûr des choses : même dans l'état de complexité suivant lequel il nous est donné, l'objet de foi est investi d'une réelle infaillibilité.

Nous disons maintenant qu'il demeure enveloppé d'une profonde obscurité : dans la foi on ne voit pas les choses, on n'en a pas la sensation, ni non plus l'intuition; dans la foi on ne sait pas les choses au sens propre du savoir, qui signifie qu'on peut par de véritables démonstrations rattacher ce qu'on ne voit pas à ce qu'on voit et déduire cela de ceci. Le côté d'infaillibilité nous a permis d'affirmer en toute sa prédominance ce qu'il y a de formel dans l'objet de foi, c'est-à-dire l'autorité du témoignage de Dieu. Le côté d'obscurité nous oblige à regarder en toute sa profondeur ce qui est la matière même de la foi, la réalité du mystère de Dieu.



D'un côté Dieu s'est tellement engagé qu'on ne peut douter ni errer, car ce serait lui qui se tromperait ou nous tromperait. Mais, d'un autre côté, Dieu demeure encore tellement réservé qu'on ne peut qu'adhérer sans voir et sans à proprement parler savoir. Ce message divin attestant le mystère divin, voilà l'objet de foi : « De soi, en tout état de cause, partout et toujours et pour tout esprit, appartient à la foi ce qui dans les choses dépassant absolument l'intelligence humaine se rapporte à Dieu et nous a été révélé par lui (Sent. Ill, dist. 24, qu. 1, art. 2, qua 2, concl.) ».


Ainsi s'exprime notre auteur : catégorique sur le point de l'infaillibilité qui résulte de l'objet formel, il ne l'est pas moins sur celui de l'obscurité dans laquelle demeure l'objet matériel de la foi.


à suivre...
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Message  ROBERT. Mar 26 Mai 2009, 1:26 pm

L'objet de la Foi. Ptomaq21



IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:


ARTICLE 4.

L’objet de la foi peut-il être quelque chose que l’on voit? (suite)


CEPENDANT, l'Apôtre dit aux Hébreux que « la foi est la persuasion de ce qui ne se voit pas ».


CONCLUSION : La foi implique une adhésion de l'intelligence à ce que l'on croit. Mais l'intelligence adhère à quelque chose de deux façons.

D'une manière, elle adhère parce qu'elle y est portée par la force même de l'objet, lequel, tantôt est connu par soi-même, ainsi qu'il se voit dans les principes premiers qui sont matière de simple intelligence, tantôt est connu par autre chose, ainsi qu'il se voit dans les choses de conclusion qui sont matière de science.

De l'autre manière, l'intelligence adhère à quelque chose sans y être pleinement portée par son objet propre, mais en s'attachant volontairement par un choix à un parti plutôt qu'à un autre : et si l'on prend ce parti avec un reste d'hésitation et de crainte en faveur de l'autre, on aura une opinion ; mais si l'on prend parti avec certitude et sans aucun reste d'une telle crainte, on aura une foi. [14]

— Or, lorsqu'on dit qu'on voit les choses, c'est qu'elles forcent notre esprit ou nos sens à prendre connaissance d'elles. D'où il est manifeste que ni la foi ni l'opinion ne peuvent avoir pour objet des choses qui seraient vues soit par les sens soit par l'esprit.






Note explicative:


(14] Qu. 1, art. 4, concl. — Il y a dans la foi une adhésion de l'esprit non seulement à l'énoncé mais à la réalité de l'objet, duquel on est absolument sûr, et dont on n'a pourtant pas la moindre évidence ni par aucune sorte de vision ni par aucune espèce de démonstration. On a l'impression qu'on entre dans un domaine immense et qu'on se trouve en face de choses et de personnes infiniment réelles. C'est tout un monde qui s'ouvre à nous et s'offre à nos esprits.


Quoiqu'il soit enfermé dans son grand mystère, nous ne le croyons cependant point peuplé d'entités imprécises, aux contours vagues et malléables; et l'adhésion que nous donnons n'est pas une de ces formes dégradées ou exaltées comme serait l'adhésion que le primitif et l'enfant accordent à leurs féeries invisibles, ou celle que de puissants artistes et d'ardents rêveurs peuvent prêter à leurs créations et à leurs propres fictions, ou encore celle que les hommes d'action donnent à ce qu'ils font : l'adhésion de foi est celle que l'homme qui pense donne à ce qui est.



Quand je dis, par exemple, que je crois, à l'Incarnation, cela ne signifie pas que je conçois de quelque manière ce mystère et que je m'en fais une certaine idée : à ce titre quiconque donne un sens quelconque à ce mot d'incarnation croirait à l'Incarnation; avoir la vraie foi au vrai mystère de l'Incarnation signifie qu'on y adhère comme à un grand fait positif : alors on s'avance et on se prononce jusqu'à juger et penser que l'Incarnation s'est accomplie dans des conditions déterminées et qu'elle existe en pleine réalité (Sent. III, dist. 24, qu. x, art. 1, qua 2, concl.). Je suis aussi sûr de la réalité de ma foi que je le suis de ce que je sens d'expérience incontestable ou de ce que je sais de science indubitable.



— Cependant, comme cette foi ne me procure pas l'évidence des choses, comment se fait-il que mon esprit qui ne se rend qu'à l'évidence puisse donner si fermement son adhésion au mystère? Ne devrais-je pas me tenir plus en suspens comme on fait devant un objet qui n'est que d'opinion ou de pressentiment? D'où vient donc que le croyant prend parti si résolument pour la vérité de son objet de foi?


Cela vient d'abord de ce qu'il a le bon esprit de s'en remettre au plus grand Esprit qui pèse de tout le poids de son autorité et qui engage dans la présentation des choses la garantie de sa Vérité même, de sa Vérité première : on n'a pas l'évidence des choses dans leur intime réalité; mais on a l'évidence de leur crédibilité, dans la lumière de cette révélation dont elles sont enveloppées. Comme néanmoins cette lumière même ne les sort pas de leur obscurité, il faut que le croyant ait aussi la bonne volonté de s'y fixer : l'objet ne me force pas, c'est moi qui me détermine.


Ceci introduit dans la foi, avec une part de sentiment, un élément de volonté qui est essentiel à la vertu et qu'on retrouve dans les actes de foi. Nous examinerons cela plus loin. Mais nous devons examiner dès à présent que c'est au fond l'objet lui-même qui, par sa force majeure de vérité, provoque et décide notre volonté à faire pression sur notre esprit pour qu'il ait la docilité de se rendre à Dieu. Voilà pourquoi l'adhésion donnée demeure une adhésion d'intelligence. La foi est une sorte de connaissance : nous n'avons pas l'évidence mais nous ne sommes plus dans l'ignorance de son objet.



à suivre...
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Message  ROBERT. Mer 27 Mai 2009, 3:34 pm


L'objet de la Foi. Saint_12


IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:


ARTICLE 4.


L’objet de la foi peut-il être quelque chose que l’on voit? (suite)


SOLUTIONS : 1. Pour saint Thomas, « il vit une chose et il en crut une autre : il vit un homme et il confessa qu'il croyait à un Dieu lorsqu'il s'écria : Mon Seigneur et mon Dieu ».



2. Les choses qui tombent sous la foi peuvent être considérées de deux manières. Elles peuvent l'être en détail, et à cet égard elles ne peuvent pas être en même temps vues et crues, ainsi qu'on vient de le dire. Autrement, si elles sont considérées en général, c'est-à-dire sous l'aspect commun de la crédibilité, alors elles sont vues par celui qui croit : il ne croirait pas, en effet, s'il ne voyait que ces choses doivent être crues, et cette vue a pour cause soit l'évidence des signes soit quelque chose d'équivalent. [15]


3. La lumière de foi fait voir ce qu'on croit : il faut le dire. De même que par les autres habitudes des vertus l'homme voit en effet ce qui lui convient selon telle habitude, de même par l'habitude de foi l'esprit de l'homme est incliné aussi à donner son adhésion à ce qui est conforme à la vraie foi et pas à autre chose. [16]



4. Le sens de l'ouïe a bien pour objet les paroles qui nous signifient ce qui est de foi, mais non pas les réalités mêmes qui sont matière de foi. Il n'y a donc pas à conclure que ces sortes de réalités soient vues. [17]






notes explicatives:

[15] Qu. 1, art. 4, sol. 2. — L'obscurité qui est inhérente aux choses de la foi et qui fait de chacune d'elles un mystère, n'empêche pas qu'elles ne se présentent à nous dans leur ensemble avec une grande clarté qui est celle même émanant de l'œuvre de vérité révélatrice, poursuivie par Dieu. Cette clarté est donc elle-même toute objective. Elle n'est pas sans pénétrer quelque peu jusqu'à l'intérieur des mystères : le message divin a souvent une façon si lumineuse de nous présenter le mystère divin que, si celui-ci n'en devient pas pleinement intelligible, il est bien éloigné de rester inintelligible; le fidèle ne comprend pas le tout, cependant il n'est pas sans rien comprendre du tout.

Mais surtout, et c'est ce que l'auteur a soin de noter ici, cette clarté de la foi éclaire abondamment ce qu'on peut appeler l'extérieur des mystères : elle est comme une traînée de lumière sur toute la présentation qui en a été faite depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours. Saint Thomas dit (ici et art. 5, sol. 1) que cette clarté peut aller jusqu'à l'évidence. Ce n'est point l'entité même des choses qui est évidente, mais c'est leur crédibilité. Il y a assez de lumière dans la manière dont il a plu à Dieu de nous les révéler pour qu'il soit évident à beaucoup d'esprits qu'elles sont choses éminemment croyables. Les vrais fidèles voient qu'il faut croire.




[16] Qu. 1, art. 4, sol. 3. — La lumière dont il s'agit ici n'est plus celle qui émane de l'objet de foi, mais bien celle qui est constitutive de l'habitude ou vertu de foi. C'est une lumière ajoutée à la lumière naturelle de notre esprit. Cette lumière subjective paraît à cet endroit pour la première fois; elle reparaîtra souvent au cours du traité. C'est elle qui aide l'esprit à bien discerner les mystères de foi et à s'y adapter quelque peu. Mais c'est aussi elle qui aide l'esprit (comme il est dit à l'art. 5, sol. 1) à voir qu'il faut croire. Elle est comme l'œil et le regard lumineux de la foi. Grâce à elle le fidèle a bon œil pour bien regarder ce qui est de foi et, avant tout, pour bien voir qu'il faut croire Dieu parlant de Dieu.


A la faveur de cette lumière intérieure, la lumière extérieure est aperçue dans toute sa force, et l'objet de foi est saisi dans tout le rayonnement de sa vérité : il passe de la zone des credibilia à celle des credenda. Vous rencontrerez ces deux mots chez l'auteur : ils ne sont pas tout à fait synonymes. Nous devons savoir gré au Père Gardeil d'avoir souligné le passage de l'un à l'autre, et d'avoir même forgé un mot français pour mieux marquer comment les choses de la foi passent aux yeux des croyants de l'ordre de «la crédibilité» à celui de «la crédentité ».




[17] Qu. 1, art. 4, sol. 4. — Joignez la sol. 1 du même article. Et considérez qu'il y a en effet dans l'objet de foi, aussi bien par la façon dont il s'est réalisé au milieu de nous que par celle dont il s'est à proprement parler révélé à nous, beaucoup de choses qui tombent sous le sens. De certaines d'entre elles on peut même dire qu'elles ont fait et qu'elles font sensation au sens le plus fort du mot, soit à la vue, soit à l'ouïe, soit au toucher, comme aussi à l'esprit, de ceux qui les perçoivent. Ainsi, lorsque le plus irréductible des Apôtres vit soudain se dresser devant lui le Christ ressuscité, il est clair qu'il dut recevoir de cette singulière apparition un fameux coup. Lorsque j'entends moi-même retentir à mon oreille les plus belles paroles du Seigneur, certaines sentences de ma Bible ou les articles de mon Symbole, j'en suis toujours vivement frappé et cela me fait une sensible impression.



Mais cependant, nul ne doit s'y tromper, ce n'est jamais ce qui fait impression qui est l'objet même de la foi. Toujours il y a dans ces données révélées un au-delà en quelque sorte, un au-delà à ce qui s'est exprimé par les mots, à ce qui s'est imprimé dans les choses. Et c'est à cet au-delà que j'adhère. Jamais ce qui tombe sous la foi ne tombe sous le sens. Je cherche le message divin au-delà des paroles. Je cherche le mystère divin au-delà des faits. Car tout demeure plein de mystère dans ce qui constitue l'objet même de la foi. Dans un autre passage l'auteur donne un exemple non moins remarquable de la vérité qu'il enseigne ici. Il s'agit non plus de la Résurrection du Seigneur mais de sa Conception même dans le sein de la Vierge Marie. On ne peut nier, semble-t-il, que la bienheureuse Vierge ait su par expérience, scivit per experimentum, que le Christ était conçu.



C'est vrai, dit l'auteur, il a bien fallu qu'elle se rendît compte qu'elle avait conçu un fils, et elle savait bien que ce n'avait pas été par relation avec un homme; mais, par quelle puissance s'était faite cette conception et quelle était la personnalité de l'enfant, la Vierge ne pouvait pas le savoir, il lui a fallu le croire sur ce que l'ange avait dit de la part de Dieu : « L'Esprit-Saint viendra sur toi et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ». Même dans ce cas pourtant privilégié il y a eu place pour le mystère de foi (De Verit., qu. 14, art. 9, sol.7)

à suivre: L’objet de la foi peut-il être quelque chose que l’on sait?


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Message  ROBERT. Jeu 28 Mai 2009, 8:11 pm



L'objet de la Foi. Saint_12

IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:




ARTICLE 5


L’objet de la foi peut-il être quelque chose que l’on sait?


DIFFICULTES : 1. Cela semble possible. Ce qu'on ne sait pas, c'est qu'on l'ignore. Mais les choses de la foi, on ne les ignore pas. Car l'ignorance en matière de foi se rattache à l'infidélité, selon la parole de l'Apôtre : « J'ai agi dans l'ignorance, n'ayant pas la foi ». Ce qui est de foi peut donc être objet de science.


2. La science s'acquiert par des raisons. Or les auteurs sacrés apportent des raisons à l'appui de ce qui est de foi. On peut donc avoir la science de ce qui est de foi.

3. Ce qui se prouve démonstrativement est su : la démonstration est « le syllogisme qui fait que l'on sait ». Mais il y a des points contenus dans la foi que les philosophes ont prouvés démonstrativement : par exemple, que Dieu existe, qu'il est unique, et d'autres du même genre. C'est dire que ce qui est de foi peut être aussi de science.


4. D'ailleurs, l'opinion est plus loin de la science que ne l'est la foi, puisque celle-ci est intermédiaire, dit-on, entre l'opinion et la science. Or, « l'opinion et la science peuvent avoir de quelque manière un même objet» au dire des Seconds Analytiques. Donc la foi et la science le peuvent aussi.

à suivre...


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Message  ROBERT. Ven 29 Mai 2009, 10:23 pm


L'objet de la Foi. Saint_12



IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:




ARTICLE 5


L’objet de la foi peut-il être quelque chose que l’on sait?(suite)



CEPENDANT, saint Grégoire affirme que « les choses qui se voient ne donnent pas la foi mais l'évidence » : c'est dire qu'en matière de foi on n'a pas l'évidence. Mais dans ce qu'on sait il y a de l'évidence. Par conséquent, dans ce qui est matière de science, il n'y a pas place pour la foi.




CONCLUSION : Toute science est possédée au moyen de quelques principes qui sont évidents par eux-mêmes, et qui par conséquent sont vus. Aussi faut-il que tout ce qui est su, de quelque manière soit vu. Or il n'est pas possible, nous venons de le dire, qu'une même chose soit par un même individu crue et vue. Il est donc impossible aussi que par un même individu une même chose soit sue et crue.


— Il peut arriver cependant que ce qui est vu ou su par quelqu'un soit cru par un autre. Ainsi, ce que nous croyons touchant la Trinité, nous espérons que nous le verrons, selon la parole de l'Apôtre : « Nous voyons maintenant par un miroir en énigme, mais alors ce sera face à face.» Et même cette vision, les anges l'ont déjà : ce qui revient à dire que, ce que nous croyons, eux le voient.

Pareillement, il peut arriver que ce qui est vu ou su par un homme, même dans l'état présent du voyage, soit cru par un autre qui n'en a pas démonstrativement l'évidence. Toutefois, ce qui est proposé communément à tous les hommes comme chose qu'on doit croire, c'est ce qui communément ne fait pas l’objet du savoir. Et ce sont ces points-là qui demeurent purement et simplement sous la foi. Voilà pourquoi la foi et la science n'ont pas le même objet. [18]








note explicative:


[18] Qu. 1, art. 5, concl. — Ce qui n'est pas mystère n'est pas matière de foi. L'objet de foi, l'auteur va le dire catégoriquement au cœur de l'article suivant, c'est en fait de réalités divines ce qui ne se voit pas, ni aux yeux du corps, ni aux yeux de l'esprit. C'est à ce point que si j'arrive, sans avoir l'évidence directe d'une chose par une expérience sensible ou par une vue de la pensée, à m'en donner par des démonstrations tout à fait probantes une sorte d'évidence indirecte, cette chose n'est plus pour moi un objet de foi.


C'est dire qu'il y a une certaine relativité dans l'étendue des choses qui sont matière de foi. Même en ce qui touche à Dieu, il y a des choses qui sont connues des philosophes et pour eux évidentes, ce sont celles qui peuvent se démontrer par la raison naturelle comme par exemple que Dieu existe, qu'il est incorruptible, immatériel, qu'il est esprit, qu'il est unique. A ce titre, ces vérités ne sont pas de foi, mais elles sont présupposées à la foi, car la connaissance de foi présuppose une connaissance naturelle tout comme la grâce présuppose la nature.


Mais l'unité de la divine Essence, telle qu'elle apparaît aux yeux des fidèles, c'est-à-dire avec sa toute-puissance et sa providence sur toutes choses et avec d'autres propriétés du même ordre qui ne peuvent être prouvées, c'est cela qui constitue la matière de la foi. (De Vent., qu. 14, art. 9, sol. 8; qu. 18, art. 1). Ce que Dieu est en lui-même, tout ce qu'il a mis en œuvre et tout ce qu'il tient en réserve pour nous et pour notre salut, tout cela que nous ne soupçonnerions seulement pas s'il ne l'avait révélé, voilà qui est de soi et pour tous matière et mystère de foi.




à suivre...


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Message  ROBERT. Sam 30 Mai 2009, 6:43 pm


L'objet de la Foi. Saint_12


IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:




ARTICLE 5


L’objet de la foi peut-il être quelque chose que l’on sait? (suite)



SOLUTIONS : 1. Les infidèles sont dans une ignorance des choses de la foi, qui tient à ce qu'ils n'ont ni l'évidence ni la science de ce qu'elles sont en elles-mêmes, ni non plus la connaissance de ce qu'elles ont de crédibilité. Mais les fidèles ont à ce point de vue une claire connaissance de ces choses, non qu'ils les sachent d'une manière démonstrative, mais en tant qu'ils voient par la lumière de la foi que ce sont des choses qu'on doit croire. [19]



2. Les raisons apportées par les saints pour prouver ce qui est de foi ne sont pas démonstratives. Ce sont seulement des raisons persuasives, montrant que ce qui est proposé dans la foi, n'est pas impossible.


— Ou bien, ce sont des raisons qui découlent des principes de foi, c'est-à-dire, comme Denys en fait la remarque, des autorités mêmes de la sainte Ecriture. Mais les principes de foi ont une valeur probante aux yeux des fidèles au même titre que les principes naturellement évidents en ont une aux yeux de tout le monde. De là vient précisément que la théologie est une science : nous l'avons marqué au commencement de cet ouvrage. [20]






notes explicatives:


[19] Qu. 1, art. 5, sol. 1 — L'objet de foi communément ne dit rien à ceux qui sont plongés dans l'infidélité. Normalement il dit beaucoup à ceux qui sont avancés dans la foi. Le contraste est grand entre cette profonde ignorance de l'infidèle et cette connaissance parfois si lumineuse du fidèle que la foi élève. Nous dirons comment l'auteur comprend cette connaissance.

Il l'appelle ici une notitia; ce qui doit s'entendre, semble-t-il, d'une connaissance imparfaite assurément mais néanmoins fort claire. Les obscurités de la foi sont inondées des clartés de la foi. Nous remarquerons plus loin les unes et les autres. D'après ce que nous avons dit (note 16), ces clartés se produisent comme dans la conjonction des deux lumières, l'une objective, l'autre subjective : l'objet de foi est rayonnant de vérité divine, mais l'homme de foi est doué d'un regard lucide et clairvoyant.




[20] Qu. 1, art. 5, sol. 2. — Voici poindre les rapports de la foi et de la théologie. Il doit sembler paradoxal que l'objet de foi qui ne peut pas être matière de science puisse pourtant servir de base à la théologie qu'on prend pour une véritable science. Le paradoxe se résout dans le réalisme de la foi. On n'a pas l'évidence des mystères, mais on est absolument sûr de leur réalité, on est aussi sûr que si on les voyait. Il ne vient pas à l'esprit qu'ils ne soient pas, ni qu'ils puissent être autrement que.ne le dit la foi (cf. ibid., sol. 4, à la fin).


Au contraire, il nous vient à l'esprit que sous ces mystères se cache la substance des plus grandes choses, nous pensons que les choses de la foi sont tout ce qu'il y a de plus réel et de plus vrai, nous pensons qu'elles s'imposent comme les vérités les plus hautes d'où se tirent de premiers principes, aussi fortement que des choses les plus évidentes à la raison naturelle découlent les premiers principes de la sagesse humaine et la source des différentes sciences.


En adhérant ainsi aux mystères de foi, notre esprit ne peut pas s'éloigner d'eux, il ne s'y applique pas aveuglément, il s'y adapte intelligemment et même savamment. Il en voit la non-impossibilité, il en entrevoit la haute intelligibilité, il en perçoit les rapprochements, les enchaînements et les suites, il refait ainsi dans ses pensées de foi l'ordre même des choses de foi, si bien qu'on peut sans équivoque qualifier de science de la foi ce beau travail de la raison sur les données de la révélation. C'est là la théologie.


— Sans doute elle se ressent de son infirmité initiale : « Notre théologie à nous, dit Cajetan, bien qu'elle soit une espèce de science, n'est cependant pas dans tout son état de science mais garde un état d'imperfection, comme chez quelqu'un qui sait sans pouvoir toutefois résoudre ce qu'il sait jusqu'à des principes qui fussent pour lui de toute évidence : tel serait l'homme qui saurait très bien les lois de la perspective sans voir clairement les principes de la géométrie (Cajetan, in qu. 1, art. 5, note 2) ».


La théologie se relève en se rattachant à la pensée que, ces principes qu'elle croit, d'autres esprits les voient. Elle se subordonne à une plus haute science. Elle prend une position subalterne qui lui confère de la grandeur. Poussant jusqu'au bout le réalisme de sa foi, le théologien se dit que, ce qu'il croit dans le mystère, non seulement des esprits fraternels le voient en pleine évidence, mais lui-même aura cette évidence, il est même en passe de l'avoir, il est sur la voie, il s'y prépare et s'y essaie.


La théologie n'a pas d'autre sens que celui-là et c'est ce qui lui revaut une plus haute qualité de science. Saint Thomas ne perd jamais de vue ces liens éminents : il y a fait allusion dans le corps même du présent article, et c'est constant chez lui.




à suivre... solutions (suite)


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Message  ROBERT. Dim 31 Mai 2009, 6:12 pm

L'objet de la Foi. Saint_12


IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:




ARTICLE 5


L’objet de la foi peut-il être quelque chose que l’on sait? (suite)




SOLUTIONS : (suite)

3. Il se trouve, en effet, au nombre des choses qu'on doit croire, des points qui peuvent se prouver démonstrativement. Ce n'est pas à dire que ces points soient objet de foi purement et simplement pour tous. Mais comme ils sont le préambule exigé des choses de la foi, il faut qu'au moins ceux qui n'en ont pas la démonstration les présupposent par le moyen de la foi. [21]



4. Comme le Philosophe en fait l'observation au même endroit, de la part de divers individus il peut y avoir science et opinion sur un point qui soit le même tout à fait : c'est exactement ce que nous venons de dire a propos de science et de foi.


— Mais, de la part d'un seul et même individu, il peut bien y avoir foi et science sur un objet qui soit le même dans un certain sens, c'est-à-dire dans sa matérialité, mais pas sous le même aspect. Il se peut, en effet, qu'au sujet d'une seule et même réalité quelqu'un ait de la science sur un point et une opinion sur un autre point. Eh bien, semblablement, au sujet de Dieu, quelqu'un peut savoir par démonstration qu'il n'y a qu'un Dieu et croire qu'il y a trois Personnes en Dieu.


Seulement, s'il s'agit d'un objet qui soit le même sous un même aspect, la science ne peut se rencontrer, au même moment dans le même individu, ni avec l'opinion ni avec la foi, bien que cependant pour des raisons différentes. La science, en effet, ne peut se rencontrer en même temps que l'opinion, sur un point qui soit tout à fait le même, pour cette raison qu'il est essentiel à la science que lorsqu'on sait vraiment une chose on n'ait pas idée que ce puisse être autrement, tandis que l'idée qu'une chose peut être autrement qu'on ne pense est ce qui fait l'essence même de l'opinion.


Mais, ce qu'on tient de la foi, à cause même de la certitude qu'elle implique, on estime aussi que ce ne peut être autrement : néanmoins, la raison qui fait qu'on ne peut simultanément sur le même point et sous le même aspect savoir et croire, c'est que la chose sue est une chose vue, tandis que la chose crue est celle qu'on n'a pas vue : telle a été la conclusion de cet article. [22]






notes explicatives:



[21] Qu. 1, art. 5, sol. 3. — Lorsque l'objet de foi s'implante en des esprits bien faits, accoutumés à bien voir les choses et à bien conduire leurs pensées, normalement, peut-on dire, une science le précède et une science le suit. La science qui le suit est cette théologie qu'on vient de dire. La science qui le précède est cette connaissance naturelle de l'âme et de Dieu qui est ici montrée comme un préambule à la foi.

Cette connaissance, œuvre de la raison, peut s'élever dans certains esprits jusqu'à un haut degré de science et de sagesse, elle peut avoir une belle étendue et se former par des preuves solides reposant sur des évidences premières dans une lumière indubitable. Mais l'expérience apprend que pour beaucoup d'esprits, en pareille matière, la lumière demeure vacillante et la connaissance bien précaire.


Dans ces conditions-là, comme nous le dirons plus loin (qu. 2, art. 4), souvent c'est la lumière de la foi qui vient renforcer celle de la raison. L'esprit humain se dit bien que Dieu existe et qu'on est une âme spirituelle; mais cette pensée va rester imprécise et incertaine, à mi-chemin entre l'opinion et la science, plus près même de la première que de la seconde. Soudain, dans cette espèce d'évidence de crédibilité que nous avons dite, il apparaît que certaines choses se sont produites et que certains mots ont été proférés, surnaturellement, d'abord pour signaler et de là pour révéler Celui même qu'on avait tant de peine à démontrer.


Manifestement, il vient au devant de nous, et il lui plaît que nous croyions qu'il existe et apprenions de lui qui il est et qui nous sommes. On voit beaucoup plus clair à la lumière de la révélation qu'on ne faisait à celle de la raison. En face des réalités qu'il importe le plus de connaître, voici qu'au lieu de raisonner faiblement, on commence à pénétrer fortement. (De Verit., qu. 14, art. 9, sol. 9.)




[22] Qu. 1, art. 5, sol. 4. — Retenons distinctement que la foi est un état d'esprit intermédiaire entre la science et l'opinion. Dans la foi divine notamment je puis et dois être aussi sûr et certain de ce que je crois, que je le suis de ce que je vois ou sais de science absolument certaine. Mais je puis demeurer aussi peu avancé dans la pénétration des mystères de cette foi que je le suis en face d'un objet sur lequel mon esprit ne se fait qu'une opinion pure et simple. De la science la foi est rapprochée par la certitude de l'objet; de l'opinion, par l'inévidence de ce même objet : il se révèle et se réserve tout ensemble.

à suivre:
Les choses à croire doivent-elles être distribuées en de certains articles?













A suivre : Les choses à croire doivent-elles être distribuées en de certains articles?


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Message  ROBERT. Lun 01 Juin 2009, 5:37 pm


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IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:






ARTICLE 6.




Les choses à croire doivent-elles être distribuées en de certains articles?


DIFFICULTES : 1. Non, semble-t-il. Car nous devons avoir foi à tout ce qui est contenu dans la sainte Ecriture. Or ce ne peut pas être réduit à un certain nombre d'articles, en raison de sa multitude même. Il est donc bien superflu de distinguer des articles dans la foi.


2. Une distinction du côté matériel, étant donné qu'elle peut se faire à l'infini, en bonne logique doit être laissée. Mais du côté de l'objet formel, la raison de la crédibilité est une et indivisible, étant, comme nous l'avons dit, la-vérité première : cela fait qu'il n'y a de ce côté aucune distinction possible entre les choses à croire. Il faut donc abandonner cette division en articles, qui est toute matérielle,


3. L'article de foi, au dire de quelques auteurs, c'est « sur Dieu une vérité indivisible qui nous adapte, nous accroche à croire ». Mais croire est affaire de volonté. « On ne croit, dit saint Augustin, qu'en le voulant bien ». Il n'est donc pas convenable, semble-t-il, de partager les choses à croire en choses articulées.


CEPENDANT il y a cette définition d'Isidore : « L'article est une façon de percevoir la vérité divine qui nous oriente vers cette vérité même ». Or la vérité divine ne peut être perçue par nous que suivant une certaine division : ce qui en Dieu est un, dans notre intelligence devient multiple. Les choses à croire doivent donc se distribuer en articles.

à suivre...


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Message  ROBERT. Mar 02 Juin 2009, 8:27 pm


L'objet de la Foi. Saint_12


IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:




ARTICLE 6.

Les choses à croire doivent-elles être distribuées en de certains articles? (suite)



CONCLUSION : Ce mot article paraît être dérivé du grec. Effectivement, arthron en grec, qui se dit articulus en latin, signifie une certaine coadaptation de parties distinctes. C'est ainsi que les parties du corps qui sont coadaptées les unes aux autres forment ce qu'on appelle les articulations des membres. Et de même en grammaire, chez les Grecs, on appelle articles certaines parties du discours qui sont coadaptées à d'autres mots pour en exprimer le genre, le nombre ou le cas.


Pareillement, en rhétorique, on appelle articles certaines adaptations d'éléments : « C'est articulé, dit Cicéron, lorsque chacun des mots est bien mis en valeur par de bons intervalles avec les coupures voulues dans le discours, en cette manière-ci : Par ton énergie, ta voix, ton regard, tu terrifies tes adversaires ». C'est de là qu'on est parti pour formuler une distinction par articles dans les choses mêmes que la foi chrétienne donne à croire, en tant qu'elles sont précisément distribuées en des parties ayant entre elles quelque adaptation.


— Or ce qui est objet de foi, nous l'avons dit, c'est quelque chose d'inévident et d'essentiellement divin. De ce fait, partout où se présente quelque chose qui est inévident par une raison spéciale, c'est là un article spécial. Au contraire, là où de multiples choses sont connues ou inconnues sous une même raison, il n'y a pas à les mettre en articles distincts. Ainsi, il y a une difficulté à voir que Dieu ait souffert, et une autre à voir qu'une fois mort il soit ressuscité : c'est pourquoi on distingue l'article de la résurrection d'avec celui de la passion. Mais, qu'il ait souffert, qu'il soit mort et qu'il ait été enseveli, ces points n'offrent qu'une seule et même difficulté, de sorte que, l'un d'eux étant admis, il n'est pas difficile d'admettre les autres : c'est pourquoi tous ceux-ci se rattachent à un seul article. [23]







note explicative:



[23] Qu. 1, art. 6, concl. — Visiblement l'auteur attache de l'importance à cette division de la foi en articles. Il se rend compte que c'est seulement lorsqu'il se formule en de certains articles bien distincts, que l'objet de foi est dans toute sa force de vérité : alors seulement il dit quelque chose de net et de précis à nos esprits, il est concevable à eux, et transmissible parmi eux. La définition par articles joue un grand rôle dans la conception vraie des choses de la foi et pareillement dans la tradition de ces choses.

C'est pourquoi saint Thomas trouve dans cette étude le moyen de passer de la première à la seconde de ces deux questions : il résume dans les articles la manière dont nous est proposée la foi (art. 2-5) et le procédé suivant lequel elle s'est propagée et expliquée (art. 6-10). Voir ci-dessus note 9.


— Un article de la foi est la forme saisissante imprimée à des énoncés de la révélation pour aider à pénétrer dans leur réalité la matière même des plus profonds mystères. Dans le domaine de la foi un article a toute la valeur et la saveur qu'un premier principe peut avoir dans le domaine de la raison. Si bien que, pris ensemble, les articles de la foi constituent le corps des premiers principes de la révélation et contiennent la substance de ce qu'on doit croire pour aller à Dieu. Laissant de côté l'accidentel, ils retiennent et rassemblent les parties essentielles de la révélation des divins mystères.



Ils expriment ce qu'il y a de plus net dans l'objet formel de la foi, ce que Dieu dit le plus distinctement. Ils évoquent ce qu'il y a de plus important dans l'objet matériel, ce que Dieu est et ce que Dieu fait le plus mystérieusement. Ces deux côtés de l'objet de foi sont impliqués là. Un article de foi est un point spécialement difficile à dire, qui demande donc une affirmation plus tranchée : telles sont, par exemple, ces différentes vérités, que Dieu est l'auteur de tout l'être et réellement créateur, qu'une Personne divine ait pu s'enfoncer dans la mort, et que quelqu'un ait pu se relever lui-même et s'en revenir de la mort, qu'une femme ait été mère en demeurant vierge. D'autre part, un article est aussi un point essentiel à croire, se rattachant à d'autres qui ne le sont pas moins, et se rapportant ainsi au cœur des divins mystères; c'est à savoir : ce qu'il y a de secret dans la Majesté de Dieu, et dans l'Incarnation de ce Christ venu de Dieu pour nous sauver.

à suivre...


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Message  ROBERT. Mer 03 Juin 2009, 3:46 pm


L'objet de la Foi. Saint_12



IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:




ARTICLE 6.



Les choses à croire doivent-elles être distribuées en de certains articles? (suite)



SOLUTIONS : 1. Parmi les choses à croire, il en est qui sont matière de foi par elles-mêmes, tandis que d'autres sont matière de foi non par elles-mêmes, mais uniquement par rapport aux premières. Du reste il en est de même en d'autres sciences où certaines choses sont proposées comme étant visées par soi et certaines pour la manifestation des autres. Pour ce qui est précisément de la foi, elle a principalement pour matière ce que nous espérons voir dans la patrie, selon la parole de l'épître aux Hébreux : « La foi est la substance des réalités à espérer ». Voilà pourquoi, tout cela qui directement nous ordonne à la vie éternelle, de soi appartient à la foi : tels sont la Trinité des Personnes, la Toute-Puissance de Dieu, le mystère de l'Incarnation du Christ, et les autres points du même genre.



C'est dans cet ordre-là qu'a lieu la distinction des articles de foi. En revanche, des choses sont proposées dans la sainte Ecriture, et nous devons y croire, sans que ce soient pourtant les objets principalement visés, mais elles sont là pour la manifestation des dits objets : tel est le fait qu'Abraham a eu deux fils, le fait qu'un mort ait été ressuscité au contact des ossements d'Elisée, et les autres du même genre, qui sont rapportés dans la sainte Ecriture pour servir à la révélation de la Majesté de Dieu ou de l'Incarnation du Christ. Dans un tel domaine, il n'y a pas à distinguer d'articles.




2. La raison formelle de l'objet de foi peut être prise d'un double point de vue. Elle peut l'être du côté de la réalité même que l'on croit : à cet égard la raison formelle de toutes les choses à croire est une, c'est la vérité première; et de ce point de vue, pas de distinction en articles. Autrement la raison formelle des choses à croire peut être prise de notre côté : à cet égard la raison formelle c'est qu’une chose échappe à notre vision, et voilà par où se fait la distinction entre les articles de foi, comme nous l'avons vu.




3. Il y a là une définition de l'article donnée d'aptes une étymologie du mot dans sa dérivation latine, plutôt que d'après son véritable sens selon qu'il dérive du grec; aussi ce n'est pas d'un grand poids.

— On peut cependant dire ceci.

Bien que personne ne soit accroché à croire par une nécessité de contrainte, puisque croire est affaire de volonté, cependant on y est accroché par une nécessité de fin puisque, selon les expressions de l'Apôtre, « quand on s'approche de Dieu il faut croire » et que « sans la foi il est impossible de plaire à Dieu ».

à suivre: Les articles de foi ont-ils augmenté au cours des temps?


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Message  ROBERT. Jeu 04 Juin 2009, 2:23 pm


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IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:


ARTICLE 7.


Les articles de foi ont-ils augmenté au cours des temps? [24J



DIFFICULTES : 1. Il ne semble pas, si l'on s'en tient à la parole de l'Apôtre : « La foi est la substance des réalités qu'on doit espérer ». En tout temps ce sont les mêmes choses qu'on doit espérer. Donc en tout temps ce sont les mêmes choses qu'on doit croire.


2. Dans les sciences qui se sont organisées d'une manière humaine, il s'est fait un accroissement au cours des temps à cause du défaut de connaissance chez les premiers qui inventèrent les sciences. Mais l'enseignement de la foi n'est pas d'invention humaine, il est de tradition divine, « un don de Dieu », comme dit l'Apôtre. Comme aucun défaut de connaissance ne tombe sur Dieu, il semble donc que dès le principe la connaissance des choses à croire aura été parfaite et qu'elle n'aura pas augmenté au cours des temps.


3. Les œuvres de la grâce ne se font pas avec moins d'ordre que celles de la nature. Or la nature commence toujours par du parfait ; c'est l'avis de Boèce. Il semble donc que la grâce en ait fait autant, de sorte que ceux qui en premier ont transmis la foi en ont eu la connaissance la plus parfaite.


4. De même que la foi au Christ est venue par les Apôtres jusqu'à nous, de même aussi dans l'Ancien Testament la connaissance de la foi est venue par les Pères des premiers âges vers ceux qui ont vécu ensuite : « Interroge ton père et il t'instruira» fait le Deutéronome. Mais les Apôtres furent très pleinement instruits des mystères : de même qu'ils reçurent « plus premièrement quant au temps, ainsi reçurent-ils plus abondamment que tous les autres ». Telle est l'interprétation de la glose sur ce passage aux Romains : « C'est nous-mêmes qui avons les prémices de l'Esprit.» Il semble donc que la suite des temps n'ait jamais été un moyen d'accroissement dans la connaissance des choses à croire.





note explicative:



[24] Qu. 1, art. 7, titre. — Par les questions qu'il se pose à partir d'ici au sujet des articles de la foi, l'auteur nous fait entrer dans l'étude même de la Tradition. Il est à remarquer qu'il n'emploie pas ce mot de tradition comme nous faisons couramment aujourd'hui : il a le verbe, mais pas le substantif. Il emploie cependant des mots qui sont largement équivalents, comme sont ceux d'enseignement, de manifestation, d'explication des choses à croire.

Nous-mêmes devons prendre ces mots, comme celui de tradition qui les peut résumer tous, dans une acception riche de sens, comprenant en somme tout l'ensemble des éléments, personnes ou choses ou événements ou ingrédients, dont Dieu s'est servi comme de causes secondes et instrumentales pour nous livrer sa Vérité première.


Entendons par la Tradition ce milieu vivant dans lequel Dieu s'est manifesté et duquel il a tiré une expression de soi-même. Tout le reste de la présente question est, pour ainsi dire, l'histoire abrégée de cette Tradition divine. L'étude en est seulement un peu décousue : nous la reprenons plus loin dans une vue plus ordonnée.

à suivre...


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Message  ROBERT. Ven 05 Juin 2009, 7:50 pm


L'objet de la Foi. Saint_12



IIa-IIæ, qu. 1, par R. Bernard, O.P., Éd. Des Jeunes, Paris, 1950, et notes explicatives a écrit:



ARTICLE 7.



Les articles de foi ont-ils augmenté au cours des temps? (suite)



CEPENDANT, saint Grégoire affirme que « la science des saints Pères a grandi avec le temps, et ils aperçurent les mystères du salut avec d'autant plus de plénitude qu'ils furent plus voisins de l'avènement du Sauveur ».


CONCLUSION : Les articles de foi tiennent le même rôle dans l'enseignement de la foi que les principes par soi évidents ont aussi dans l'enseignement qui a lieu par la raison naturelle. Dans ces principes il y a un ordre : il arrive que certains soient implicitement contenus en d'autres, de même que tous se ramènent à celui-ci ainsi qu'à un premier : « Il est impossible de dire ensemble le oui et le non », comme le fait voir le Philosophe. Eh bien, pareillement, tous les articles sont implicitement contenus dans quelques premières choses à croire, c'est-à-dire que tout se ramène à croire que Dieu existe et qu'il a une Providence pour le salut des hommes, comme le dit ce passage de l'Apôtre : « Celui qui s'approche de Dieu, il faut qu'il croie que Dieu est et que Dieu se rend à ceux qui le cherchent ».


En effet, dans l'Etre divin sont enfermées toutes les choses que nous croyons exister en Dieu éternellement, et dans lesquelles notre béatitude consiste; par ailleurs, dans la foi à la Providence sont enfermées toutes les choses dispensées par Dieu temporellement pour le salut des hommes, choses qui sont le chemin vers la béatitude. Et, de cette manière encore, parmi les autres articles qu'on a, certains sont contenus dans d'autres, ainsi dans la foi à la Rédemption de l'humanité se trouve implicitement contenu et l'Incarnation du Christ et sa Passion et tout ce qui s'ensuit.


— Il faut donc conclure ceci. Quant à la substance des articles de foi, la suite des temps n'a pas apporté en eux d'accroissement : tout ce que les derniers des Pères ont cru était contenu dans la foi de ceux qui les avaient précédés, quoique ce fût d'une manière implicite. Mais, quant à leur explication, les articles ont augmenté en nombre : certaines choses furent explicitement connues par les derniers Pères, qui n'étaient pas explicitement connues par les premiers. D'où cette parole du Seigneur à Moïse : « Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob; mais mon nom de Iahvé, je ne le leur ai pas révélé ». Et ce mot de David : « J'ai compris mieux que les anciens ». Et ce que dit l'Apôtre : « Le mystère du Christ n'a pas été aperçu par les autres générations comme il est maintenant révélé à ceux qui en sont les saints apôtres et prophètes ». [25]








note explicative:




[25]Qu. 1, art. 7, concl. — Le premier aspect à considérer dans cette Tradition c'en est la durée, la longue et impressionnante suite. On est frappé de voir en cette durée une si haute antiquité, une si solide perpétuité, une si ample évolution. Notre foi, si on la ramène à sa quintessence, est vieille comme le monde. Elle se réduit à deux articles premiers et fondamentaux, celui de la grande Existence de Dieu en soi, et celui de sa grande Providence pour le salut du genre humain : au fond, c'est là tout ce que Dieu ne cesse de dire à l'humanité depuis qu'il l'a créée, et c'est tout ce qu'il a à lui dire. Voilà pourquoi cette primitive révélation remonte à l'origine même de notre race. Elle s'est perpétuée d'âge en âge et, quant à sa substance, elle n'a pas varié au cours des temps, elle se retrouve identique à elle-même à travers tout. Ni cette antiquité ni cette continuité n'empêchent cependant que la foi ait grandement évolué et qu'elle ait eu à s'expliquer, anciennement beaucoup, actuellement d'une manière encore notable.

à suivre...


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