L'Abjuration du Cimetière SAINT - OUEN (complet)

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Message  Louis Jeu 26 Avr 2012 - 11:26

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre V

DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR.


(suite)

I.

Ce que l'on peut savoir du contenu de la cédule authentique de l'abjuration.

Ce même Jean Moreau signale quelques-uns des bruits qui couraient dans la foule. « On y disait, et il s'en souvenait très bien, que la Pucelle avait commis le crime de lèse-majesté et qu'elle avait séduit le peuple. » Comme le témoin mentionne ces bruits à l'occasion de la lecture de la cédule d'abjuration, dont il déclare ignorer la teneur, c'est dans la cédule même, au dire des gens, qu'auraient été formulées ces deux accusations. Voici, du reste, les paroles du témoin :

« Ipse fuit præsens in Sancto Audoeno, in prædicatione de eadem Johanna facta. Vidit ipse loquens quod eidem Johannæ legebatur quædam schedula; sed quid in ea continebatur nescit : recordatur tamen quod dicebatur quod commiserat crimen læse majestatis et quod seduxerat populum 1. » ([i]Procès, t. III, pp. 193, 194.)

Voilà donc des témoins qui nous font connaître, soit les incidents qu'ils ont remarqués eux-mêmes, soit les bruits qui circulaient parmi les assistants. Mais il y a d'autres témoins qui ne nous apprennent absolument rien. Les uns, par exemple les témoins Jean Marcel, Jean Lenozolles, Laurent Guesdon, diront simplement ne rien savoir de ce qu'on fit abjurer à la Pucelle, les deux premiers parce qu'ils étaient trop loin, le dernier parce que le tumulte qui se produisit l'empêcha d'entendre. (Procès, t. III, pp. 64, 65, 89, 90, 187.) Les autres, comme les chanoines Nicolas Caval, André Marguerie, le prêtre Jean Lemaire, l'appariteur Leparmentier, se bornent à dire qu'ils ne savent rien, pas plus de la cédule même que des autres circonstances de l'abjuration.

Quant à la teneur de la cédule, trois témoins se sont rencontrés qui en ont gardé quelque souvenance…


_______________________________________________________

1. En français « Le témoin assista, à Saint-Ouen, au prêche dont ladite Jeanne fut l'objet II vit bien qu'on lui lisait une cédule, mais que contenait cette cédule, il n'en sait rien, Toutefois, il a souvenance que l'on disait qu'elle avait commis de crime de lèse-majesté et qu'elle avait séduit le peuple »


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Message  Louis Jeu 26 Avr 2012 - 16:16

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre V

DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR.


(suite)

I.

Ce que l'on peut savoir du contenu de la cédule authentique de l'abjuration.


Quant à la teneur de la cédule, trois témoins se sont rencontrés qui en ont gardé quelque souvenance. Ce sont Nicolas Taquel, l'un des notaires du Procès, l'huissier Jean Massieu et le chanoine de Rouen, Guillaume Dudésert.

Nicolas Taquel nous a déjà appris que les premiers mots du formulaire de l'abjuration étaient ceux-ci Je, Jehanne...

Jean Massieu nous dit « qu'il se souvient bien qu'il y avait dans la cédule que l'accusée se garderait à l'avenir de porter des armes, l'habit d'homme, les cheveux courts, et plusieurs autres choses dont il ne se souvient pas — Et est bene memor quod in eadem schedula cavebatur quod de cætero non portaret arma, habitum virilem, capillos rasos, et multa alla de quibus non recordatur. » (Procès, t. III, p 156 )

Guillaume Dudésert, chanoine de Rouen, ajoute « qu'il entendit Jeanne, en son abjuration, se soumettre à la détermination, au jugement et aux commandements de l'Église — Audivit abjurationem fieri per dictam Johannam, se suhmittendo determmationi, judicio et mandatis Ecclesiæ. » (Procès, t II, p 338 )

Mis ensemble, ces fragments donnent le texte suivant :

« Je Jehanne, promets de ne plus porter à l'avenir des armes, l'habit d'homme, les cheveux courts, je déclare me soumettre à la détermination, au jugement et aux commandements de l'Église »

Si, comme l'assure le témoin Pierre Migiet, le prononcé de l'abjuration dura ce que dure le Pater noster, il y aurait en ces lignes les deux tiers environ de la cédule. Ces lignes contiennent trente mots, le Pater en contient quarante-cinq. En tout cas, il y a bien là la matière de quatre à cinq lignes « de grosse écriture » ; la cédule de l'abjuration en avait six, sept, huit au plus.

Les choses exprimées en ces quatre ou cinq lignes chargent-elles la mémoire de la Pucelle? Evidemment, non.

Elle s'engage à ne plus porter l'habit d'homme. Quel crime à cela?

A ne plus porter les armes. N'était-ce pas son droit?

A laisser pousser ses cheveux. A quel titre cet engagement lui eût-il été interdit ?

Nous n'insistons pas sur la soumission de Jeanne, en son abjuration, à la détermination, au jugement, aux commandements de l'Eglise. On y trouvera sujet de la louer, mais rien qu'on puisse blâmer.

Partiellement reconstitué, ce texte donne lieu à deux observations…

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Message  Louis Jeu 26 Avr 2012 - 20:19

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JEANNE D'ARC

Chapitre V

DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR..


(suite)

I.

Ce que l'on peut savoir du contenu de la cédule authentique de l'abjuration.

Partiellement reconstitué, ce texte donne lieu à deux observations, l'une sur la promesse de Jeanne de ne plus porter l'habit d'homme, l'autre sur sa soumission à la détermination de l'Église. C'est la reprise par la Pucelle de l'habit d'homme, et l'affirmation formelle de ses révélations, considérée comme une violation de la soumission à l'Église telle que l'entendaient les juges, qui devaient fournir le cas de rechute prévu et vouer la malheureuse jeune fille à une mort inévitable.

Cela posé, l'on conçoit que les juges attachassent une importance exceptionnelle à l'article de l'habit d'homme. A coup sûr, Erard, en lisant la cédule à la Pucelle, ne manqua pas d'appuyer sur ledit article, de façon à ce que les assistants le remarquassent bien. La promesse, de la part de l'accusée, de ne plus reprendre l'habit d'homme devait jouer un rôle trop capital dans le procès de relaps pour qu'on la laissât passer inaperçue. Afin qu'il n'y eût pas de méprise possible à cet endroit, l'abjuration finie, Nicolas Loiseleur et le Docteur de Paris Pierre Maurice remirent à la jeune Lorraine des habits de femme qu'elle emporta dans sa prison (Procès, t III, p. 213 Déposition de Jean Lenozoles, ancien serviteur de maître Erard ) Ce même jour, « après dîner, en présence du conseil d'Église, Jeanne déposa l'habit d'homme et prit l'habit de femme, ainsi que ordonné lui était » (Procès, t II, p 18) C'est Massieu qui nous l'apprend. Le même témoin ajoute que « fut mis l'habit d'homme en un sac, en la même chambre où elle était détenue prisonnière »

Ce n'est pas sans un dessein parfaitement arrêté qu'on laissa l'habit d'homme dans le cachot de Jeanne. S'il en eût été autrement, on se serait hâté de faire disparaître ledit habit et de le mettre, en tout cas, hors de portée. Mais l'on voulait en arriver au relaps. L'habit d'homme sous la main de Jeanne, l'habit d'homme habilement imposé à Jeanne, comme il le fut, en assurait le moyen.

Sur l'article de la soumission à l'Église, nous devons faire observer que, d'après les témoins rouennais du Procès de réhabilitation, cet article serait celui qui, au point de vue doctrinal, frappa le plus les assistants. C'est en insistant sur cette soumission et en lui promettant sa mise en liberté que maître Erard aurait décidé Jeanne à prononcer et à signer la cédule qu'il lui présentait. Pour la jeune fille, ce qu'elle comprit de cette cédule se résumait en ces deux points : le renoncement à l'habit d'homme, aux cheveux courts et à l'usage des armes d'une part; d'autre part, la soumission au jugement de l'Église.

On n'a pas oublié le langage tenu à la Pucelle par maître J. Beaupère dans la prison : il nous a préparé à la déposition du chanoine Guillaume Dudésert que nous venons de citer.

Voici ce que déposait de son côté Guillaume Manchon : …

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Message  Louis Ven 27 Avr 2012 - 11:14

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Chapitre V

DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR..


(suite)

I.

Ce que l'on peut savoir du contenu de la cédule authentique de l'abjuration.


Voici ce que déposait de son côté Guillaume Manchon :

« A ce moment-là, c'est-à-dire peu après la suspension de la lecture de la sentence, Jeanne répondit (à Erard qui la pressait de se soumettre) qu'elle était prête à obéir à l'Église. Alors, ajoute le témoin, ils lui firent prononcer une abjuration en conséquence. — His intermediis, ipsa Johanna respondit quod erat parata obedire Ecclesiæ. Tunc fecerunt sibi dicere HUJUSMODI ABJURATIONEM » (Procès, t. III, p. 147.)

Notez ces mots : « hujusmodi abjurationem, une abjuration en conséquence! »

Nous avons entendu déjà le curé Pierre Bouchier déposer que, « après le prêche de Saint-Ouen, ladite Jeanne, joignant les mains, dit à voix haute qu'elle se soumettait au jugement de l'Église, quod se submittebat judicio Ecclesiæ ». (Ibid., t. II, p. 323.)

Pierre Cusquel, bourgeois de Rouen, déclare avoir entendu Jeanne, lors de la prédication de Saint-Ouen, « dire qu'elle ne voulait rien soutenir qui fût contre la foi catholique. — Verba (haec) audivit in sermone facto apud sanctum Audoenum 1. » (Ibid., p. 348.)

Enfin, à ce que nous apprend maître Jean Beaupère, c'est le Docteur de Paris Nicolas Midi qui, intervenant lorsque la Pucelle se fut décidée à abjurer, « la requit de se soumettre à l'Eglise, » et à qui Jeanne sur ce point donna satisfaction. (Procès, t. II, p. 21.)

N'oublions pas que, aussitôt après la prédication de maître Erard, Jeanne avait été sommée à plusieurs reprises de se remettre de ses dits et faits à la détermination de l'Église et du tribunal. Il est donc très naturel que la soumission à l'Église fût un des articles de la cédule d'abjuration que saisirent avec une égale compréhension la Pucelle et les spectateurs. Nous verrons tout à l'heure pourquoi les juges attachaient à cet article la plus grande importance.


______________________________________________________

1 Si nous n'étions pas décidés à n'avancer en ce chapitre-ci rien qui ne soit absolument certain, nous dirions qu'on pourrait, sans invraisemblance, chercher les articles perdus de la vraie cédule : 1° dans un passage du Procès de condamnation que nous aurons à discuter plus loin « Dixit pluries quod ex toto se referebat sanctæ matri Eccle siæ et nobis judicibus, — elle dit s'en rapporter totalement (de ses révélations) à l'Église et à nous ses juges » (Procès, t I, p, 446) ; 2° dans la déposition de Jean Moreau, bourgeois de Rouen, citée plus haut. Mais nous réservons cette discussion supplémentaire pour l'une des notes qui prendront place à la fin de cette Etude.
A suivre : II De la partie perdue de la cédule authentique. Jeanne y avait-elle renié ses révélations ?

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Message  Louis Ven 27 Avr 2012 - 16:29

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Chapitre V

DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR.


(suite)

II.

De la partie perdue de la cédule authentique.
Jeanne y avait-elle renié ses révélations ?


Voilà donc une partie de la cédule authentique de l'abjuration reconstituée; mais il en reste une qui ne peut l'être, partie courte, puisque toute la cédule l'était, et que nous en avons, dans la partie reconstituée, plus de la moitié.

Quoique nous soyons condamnés à perpétuité à ignorer ce qui nous manque, néanmoins, nous savons quel était l'esprit de la cédule intégrale. Avec une astuce consommée, les juges n'y avaient rien mis qui fût capable d'exciter les défiances de l'accusée et de provoquer de son côté une résistance insurmontable. Pour Jeanne, la partie de la cédule qu'elle comprit et celle où elle ne comprit rien étaient, à première vue, également insignifiantes. L'essentiel était de lui arracher son consentement et sa signature. Quant à la lettre de l'abjuration, à la rigueur elle importait peu. P. Cauchon avait pris ses précautions; la fausse cédule était préparée d'avance (Déposition de G. Manchon, Procès, t. III, p. 147), et, quoi qu'il advînt, le prélat était sans inquiétude sur la portée et le contenu de la pièce qui devait figurer au Procès.

Toutefois, deux précautions valant mieux qu'une, les juges, astucieux jusqu'au bout, se ménagèrent, dans la partie intelligible de la cédule authentique, un article qu'ils se promettaient, s'il en était besoin, d'interpréter à leur façon dans un sens que n'avait pu prévoir l'accusée, et dont, au moment propice, ils se feraient une arme contre elle. L'article en question était l'article de la soumission à l'Église; l'Évêque de Beauvais se réservait d'y voir une rétractation pure et simple par Jeanne de ses révélations, et il le montre d'une façon assez claire dans la remarque dont il fait précéder le long formulaire de l'abjuration.

Il était, en effet, indispensable à l'ouverture du Procès de rechute que la Pucelle parût avoir rétracté ses révélations. L'enquête relative au relaps, à laquelle l'Évêque de Beauvais procéda le 28 mai, ne porta que sur deux choses la reprise de l'habit d'homme, et la prétendue affirmation à nouveau par la condamnée de ses révélations. Prétendue affirmation à nouveau, s'il fallait en croire le juge, affirmation persévérante, formelle, exclusive, pour le présent et pour le passé, de toute rétractation, d'après les déclarations réitérées de Jeanne en cette même séance L'Évêque de Beauvais avait à sa disposition un moyen de prouver la vérité de ce qu'il avançait: l'exhibition sous les yeux des assesseurs et de la Pucelle de la cédule d'abjuration. Mais laquelle des deux cédules exhiber, la longue ou la courte? Exhiber la longue, c'était provoquer le scandale dont il a été déjà parlé, et P Cauchon ne pouvait y songer. Exhiber la courte, c'était renoncer à insérer la longue dans l'instrument officiel, et qu'advenait-il alors du Procès lui-même? En homme avisé, l'Évêque n'exhiba ni l'une ni l'autre, cédule, il se contenta d'opposer des affirmations sans preuves aux dénégations multiples de la condamnée

D'où il suit que…

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Message  Louis Ven 27 Avr 2012 - 20:58

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DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR.


(suite)

II.

De la partie perdue de la cédule authentique.
Jeanne y avait-elle renié ses révélations ?




D'où il suit que, dans tout le Procès de condamnation, on n'aperçoit d'autre semblant de preuve visant la rétractation par Jeanne de ses révélations, que l'interprétation donnée gratuitement par les juges à la soumission de ladite Jeanne à l'Église, et le passage qui précède le formulaire du texte officiel. A propos de ce passage, on dirait que l'Évêque de Beauvais, tout en y rappelant ce que la jeune Lorraine aurait dit au moment de l'abjuration, appréhende de se mettre en désaccord trop manifeste avec la cédule qui venait d'être lue, car, bien qu'il songe à déduire de l'article de la soumission de l'abjurante à l'Église le fait de la révocation de ses révélations, en définitive il n'établit rien de tel, ou plutôt il établit le contraire. Il se propose de mettre au jour la versatilité, la malice prétendues de Jeanne, et ce qu'il lui reproche tourne entièrement à sa louange. Mais écoutons le langage tenu par l'Évêque de Beauvais, au moment où, dans le récit officiel, il annonce le fait de l'abjuration et où il en donne les prétendus termes.

« A plusieurs reprises, ladite Jeanne dit que, puisque les gens d'Église disaient que les apparitions et révélations qu'elle disait avoir eues n'étaient ni à soutenir ni à croire, elle ne voudrait pas les soutenir, mais elle s'en rapportait totalement à notre mère sainte Église et à nous ses juges. — Dixit que pluries quod postquam viri ecclesiastici dicebant quod apparitiones et revelationes, quas dicebat se habuisse, non erant sustinendæ, nec credendæ, ipsa non vellet eas sustinere, sed ex toto se referebat sanctæ matri Ecclesiæ et nobis judicibus. » (Procès, t. I, p. 446.)

A qui lit ces lignes attentivement et avec un sens critique éclairé, il apparaît nettement que P. Cauchon voudrait bien donner à entendre que Jeanne a renié ses Voix , non pas seulement une fois, mais plusieurs fois. Cependant son habileté est demeurée en défaut : sous la tournure captieuse de la phrase et l'enveloppement des mots, la vérité se fait jour; la persistance courageuse de la Pucelle à soutenir la vérité de ses apparitions résulte du langage même employé par P. Cauchon. Qu'on serre le texte de près, et l'on verra que ce à quoi l'accusée consentait, ce à quoi par conséquent on lui a demandé de consentir, c'était à ne plus soutenir ses révélations, à ne plus les croire, si l'Eglise en décidait ainsi . Or, ne plus les soutenir momentanément, même ne plus les croire conditionnellement jusqu'à ce que notre sainte mère L'Église en eût décidé, ce n'est pas les renier C'est à l'Église seule que l'accusée s'en remet totalement ; elle ne s'en remet que provisoirement, au tribunal qui la représente En cela, Jeanne met à profit le conseil de l'honnête J Massieu qui lui a représenté le danger qu'elle courrait, si elle ne prenait la précaution de « se rapporter de son abjuration tout d'abord à l'Eglise universelle ». (Procès, t II, p 17) On lui a demandé, en définitive, de suspendre son jugement sur le caractère céleste de ses apparitions Elle y a consenti religieusement, humblement, qui pourrait songer à lui en faire un sujet de reproche?

Quoi qu'il en soit du sens que l'Évêque de Beauvais attachait à la soumission de la Pucelle…

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Message  Louis Sam 28 Avr 2012 - 10:44

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II.

De la partie perdue de la cédule authentique.
Jeanne y avait-elle renié ses révélations ?


Quoi qu'il en soit du sens que l'Évêque de Beauvais attachait à la soumission de la Pucelle, tel est, sous les termes captieux dont il avait enveloppé la pensée de l'accusée, le sens que ces termes mêmes autorisent à lui attribuer, et en vertu duquel cette pensée et son expression restent inattaquables

Qu'on veuille bien se souvenir des réponses de la jeune Lorraine à G. Erard et à P. Cauchon, dans la scène dialoguée qui suivit la prédication de Saint-Ouen; qu'on n'oublie pas que les témoins appelés à déposer aux Enquêtes de la réhabilitation affirment de la manière la plus expresse que, depuis qu'on l'eut éclairée, Jeanne ne cessa d'en appeler constamment au Souverain Pontife, et l'on conviendra que cette pensée est chez elle une pensée dominante et dont elle garde la conscience jusqu’à la fin. Ce qu'elle veut avant tout, c'est soumettre sans réserve ses dits et faits au jugement de notre Saint Père le Pape. Le texte de la cédule d'abjuration, elle l'accepte, mais en tant qu'il sera ratifié par ce jugement souverain. Au fond de son âme régnait la conviction que ce qui venait de Dieu en ses dits et faits ne pouvait être condamné par son représentant.

Renier ses révélations, Jeanne était si loin d'y consentir que son premier acte, sa première parole, sa première prière, lorsqu'elle se décida à abjurer, eurent pour objet l'archange qui lui avait dit « la grande pitié du royaume de France ». A ce moment, « joignant les mains, elle dit à haute voix qu'elle se soumettait au jugement de l'Église, suppliant saint Michel de la diriger et de l'éclairer. — Post prædicationem factam apud sanctum Audoenum, junctis manibus (Johanna) dixit alta voce quod se submittebat judicio Ecclesiæ, deprecando sanctum Michaelem, quod earn dirigeret et consuleret. » (Procès, t. II, p. 323.)

Quant à la soumission que la Pucelle promet à ses juges, il faut y voir une preuve de son esprit d'obéissance, un témoignage de sa profonde humilité, un acte de haute vertu.

Ce serait le cas de rapprocher de cette page de la vie de Jeanne celle de la vie de sainte Thérèse…

Ce serait le cas de rapprocher de cette page de la vie de Jeanne celle de la vie de sainte Thérèse, qui nous apprend l'épreuve à laquelle, pendant près de trois années, ses directeurs et confesseurs soumirent cette sainte, dans la persuasion où ils étaient que les visions dont elle se disait favorisée venaient du démon. Thérèse suspendit son jugement, et elle se soumit humblement à tout ce que ses directeurs lui imposèrent : ils allaient jusqu'à la priver de communion. Un jour, pour leur obéir, la servante de Dieu, traitant Notre-Seigneur comme si c'eût été le démon, lui présenta une croix afin de mettre l'apparition en fuite. Ces actes d'obéissance, dont Thérèse ne se départit jamais, la rendirent plus grande devant Dieu et devant les hommes. Ce qui tourne à la gloire de Thérèse de Jésus doit tourner également à la gloire de la Vierge de Domremy.


A suivre : III. Jeanne a-t-elle jamais renié ses révélations? — De la pièce extrajudiciaire dite INFORMATION POSTHUME.

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Message  Louis Sam 28 Avr 2012 - 15:31

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III.

Jeanne a-t-elle jamais renié ses révélations? — De la pièce extrajudiciaire dite INFORMATION POSTHUME.


Nous rappelions, il n'y a qu'un instant, que l'Évêque de Beauvais, au lieu de présenter à ses assesseurs et à la Pucelle le texte de la cédule établissant que la condamnée avait révoqué formellement ses révélations, s'était contenté d'affirmer le fait à deux reprises et, sans tenir aucun compte des dénégations et des explications de la jeune fille, avait déclaré le relaps prouvé.

Cette affirmation gratuite, tombant des lèvres de l'Evêque-juge, pouvait suffire aux assesseurs présents. Mais, au lendemain du supplice, P. Cauchon se dit à lui-même qu'elle ne suffirait pas à la France, et, en homme que peu de choses embarrassent, il inventa la pièce dite Information posthume. Cette pièce n'a qu'un but : faire accroire que la Pucelle a réellement rétracté et renié ses révélations. Pour accréditer ce mensonge, l'Evêque de Beauvais suppose que, quelques jours avant sa mort, la condamnée se serait plainte à tous venants d'avoir été trompée par ses Voix. Elles lui avaient promis qu'elle serait délivrée de prison, et il n'en était rien. Pour la tromper de la sorte, il fallait que ses Voix fussent non de bons, mais de mauvais esprits. Aussi ne voulait-elle plus avoir foi en elles. Ces propos de la prisonnière, tenus en présence de quelques ecclésiastiques, auraient été communiqués à P. Cauchon. Le prélat aurait mis ces communications en forme d'Enquête et de là serait provenue ladite Information posthume. (Procès, t. I, pp. 477-485.)

Quoi que contienne cette pièce, au jugement de tous les critiques elle est de nulle valeur. Elle n'a pas même la valeur des pages contestables de l'instrument officiel, car elle est extrajudiciaire et n'a pu prendre place parmi les pièces du Procès.

L'Évêque de Beauvais dit l'avoir fait dresser au lendemain du drame du Vieux-Marché. Pourquoi a-t-il attendu jusque-là? Qu'est-ce qui l'empêchait d'instrumenter du vivant même de Jeanne, dans les formes juridiques voulues, après convocation officielle des témoins, avec confrontation de l'intéressée, en présence des juges et des officiers du tribunal? Pourquoi, s'affranchir de ces garanties exigées par le Droit et sans lesquelles la justice n'est plus la justice?

Mais P. Cauchon était un de ces hommes qui estiment pouvoir tout se permettre. Ici, comme dans la question de l'authenticité du formulaire inséré au Procès, il entendait être cru sur parole. Lorsqu'il eut rédigé ladite Information posthume pour sa propre justification et celle de ses maîtres les seigneurs et princes d'Angleterre, il voulut forcer les notaires à la signer et à la joindre aux pièces officielles du Procès. Ces honnêtes gens, qui savaient à quoi s'en tenir sur la nullité de ladite Information et sur son origine, s'y refusèrent énergiquement. Refus d'autant plus admirable de leur part que Pierre Cauchon savait par expérience à quel point ils le craignaient et redoutaient d'avoir à lui résister. Voici une preuve de cette frayeur.

G. Manchon, par qui nous savons que, en la conjoncture présente. « Monseigneur de Beauvais le voulut contraindre à signer (Procès, t. II, p. 14), laquelle chose il ne voulut faire », nous rapporte, au sujet des douze Articles, ce qui suit :

« On lui demanda, dans une des Enquêtes de la réhabilitation, s'il n'avait jamais remarqué la différence qui existait entre lesdits articles et les aveux de Jeanne; il répondit que cela ne le regardait pas, mais que d'ailleurs il n'eût pas osé faire d'observations à de si grands personnages. — Non advertit ipse loquens ad hoc, et etiam NON FUISSET AUSUS TANTOS VIROS ARGUERE » (Procès t. III, p. 145.).

Il fallut que la voix de la conscience parlât bien haut pour que…

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JEANNE D'ARC

Chapitre V

DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR.


(suite)

III.

Jeanne a-t-elle jamais renié ses révélations? — De la pièce extrajudiciaire dite INFORMATION POSTHUME.


Il fallut que la voix de la conscience parlât bien haut pour que des hommes qui n'osaient faire aucune observation à ces grands personnages, quand il y avait lieu, résistassent ouvertement aux injonctions de l'Évêque de Beauvais, le plus grand, le plus autoritaire, le plus violent de tous.

Ce refus des Notaires d'apposer leur signature au bas de l'Information posthume et de la joindre aux procès-verbaux officiels, prouve que ladite Information ne présentait aucune des garanties dont s'entourent les Enquêtes de justice, et qu'elle fut intégralement inventée. (Procès, t. I, pp. 477-485.)

Il y a plus : quelques-uns des personnages dont les noms figurent dans ladite Information, et qui y auraient témoigné, comparurent à l'Enquête de la réhabilitation ; tels furent : le Docteur de Paris Thomas de Courcelles, les dominicains Jean Toutmouillé et Martin Ladvenu. Non seulement aucun de ces personnages ne dit un mot qui fît allusion aux prétendus aveux de la Pucelle relatés dans l'Information posthume, et à cette Information elle-même, mais Frère Ladvenu dit expressément le contraire.

« TOUJOURS jusqu'à la fin de sa vie, déposa-t-il, Jeanne ne cessa de soutenir et d'affirmer que les Voix qu'elle avait eues étaient de par Dieu, et que tout ce qu'elle avait fait, elle l'avait fait par commandement de Dieu. Elle ne croyait pas avoir été déçue par ses Voix. Les révélations qu'elle avait eues étaient vraiment de Dieu. — SEMPER USQUE AD FINEM VTLE SUÆ, MANUTENUIT et asseruit quod Voces quas habuerat ERANT A DEO ; et quod quidquid fecerat, ex præcepto Dei fecerat; nec credebat per easdem voces fuisse deceptam ; et QUOD REVELATIONES QUAS HABUERAT, EX DEO ERANT » (Procès, t. III, p. 170.)

Qu'on note le Semper usque ad finem vitæ suæ manutenuit... Un témoin qui s'exprime ainsi sous la foi du serment n'a certainement pas tenu le langage que lui prête l'Information posthume.


A suivre : IV. Esprit de la cédule authentique.

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Message  Louis Dim 29 Avr 2012 - 10:27

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre V

DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR.


(suite)

IV.

Esprit de la cédule authentique.




Un dernier mot sur ce sujet du prétendu reniement de ses révélations par la Pucelle et sur l'esprit de la cédule véritable. Parmi les témoins qui comparurent devant les délégués du Saint-Siège, aux Enquêtes de la réhabilitation, on compte un certain nombre d'assesseurs du Procès de Rouen. Si la Pucelle eût vraiment renié plusieurs fois et publiquement ses révélations, ces assesseurs, qui sont au nombre de dix (Thomas de Courcelles, Pierre Migiet, Jean Beaupère, Guillaume Dudésert, André Marguerie, Jean Lefèvre, Nicolas Caval, Isambard de la Pierre, Martin Ladvenu, le docteur Delachambre), ne l'auraient pas ignoré. Ne l'ignorant pas, ils n'eussent pas manqué de faire de cette communication une partie capitale de leur déposition , cela par intérêt et par devoir.

Par intérêt pour leur réputation et leur honneur sacerdotal, car, aux yeux du public, ils n'étaient point indemnes de la mort cruelle de Jeanne; ils devaient tenir et ils tenaient certainement à ne point passer pour des assesseurs iniques et homicides. Or, la révocation de ses Voix par la Pucelle leur en fournissait le plus assuré des moyens cette révocation expliquait comment ils avaient été amenés à prendre la jeune Lorraine pour une aventurière, et par cela même elle les justifiait.

Par devoir ensuite : lesdits assesseurs déposaient sous la foi du serment. Au temps de la réhabilitation, ils n'avaient aucun motif de rester sourds à la voix de la vérité et aux réclamations de leur conscience; ils étaient revenus de beaucoup d'illusions. Si Jeanne eût renié ses révélations, ils l'auraient dit; s'ils ne l'ont pas dit, c'est que Jeanne ne les a jamais reniées.

L'argument irréfutable, à notre avis, que nous venons d'exposer, porte plus loin que la justification de la Pucelle : il établit non seulement qu'elle n'a pas renié ses Voix, mais qu'elle n'a proféré aucune révocation, aucun aveu qu'on puisse lui reprocher. Si elle eût proféré un aveu de ce genre, il n'eût pas manqué de frapper les assesseurs susdits, et les uns ou les autres l'eussent fait connaître à l'Enquête de la réhabilitation. Ils avaient, encore une fois, trop intérêt à le faire, pour que l'on suppose qu'ils ont volontairement gardé le silence.

Ce que nous disons des assesseurs du Procès, nous le dirons des vingt-cinq autres témoins qui déposèrent sur le sujet du drame de Saint-Ouen. Il n'est pas concevable que tous eussent ignoré les graves aveux ou rétractations proférés par la Pucelle, s'il y en avait eu. Les sachant, les uns ou les autres les auraient fait connaître. Ils ne l'ont pas fait, c'est qu'il n'y avait rien à dire; autrement, la force de la vérité, la conscience, la foi du serment les auraient décidés à parler.

De là cette conséquence d'une importance extrême…


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Message  Louis Dim 29 Avr 2012 - 15:58

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre V

DE LA CEDULE AUTHENTIQUE ET DE SA TENEUR.


(suite)

IV.

Esprit de la cédule authentique.




De là cette conséquence d'une importance extrême en ce qui concerne la partie perdue de la cédule d'abjuration, et par suite la cédule intégrale.

C'est que, si nous sommes obligés de nous résigner à l'ignorer, nous savons parfaitement à quoi nous en tenir sur le sens général de cette partie et sur sa portée morale. En cette partie, et conséquemment en toute la cédule, il n'y avait rien, absolument rien, qui pût charger la conscience de Jeanne et qui fût de nature à ternir sa mémoire.

Une fois de plus, mentita est iniquitas sibi. Les juges de l'héroïque jeune fille ont estimé souverainement habile de ne lui faire présenter qu'un formulaire d'abjuration captieux en un point, obscur en un autre, anodin et insignifiant dans l'ensemble, assurés qu'ils étaient d'y substituer un formulaire ouvertement accusateur. La fausseté du formulaire accusateur a été rendue manifeste, et il est tout aussi manifestement établi que la cédule prononcée et signée par Jeanne, mise en pleine lumière, ne contenait encore une fois rien qui, examiné de près, pût se retourner contre elle et fût de nature à ternir sa mémoire.

S'il en était autrement, on ne concevrait pas pourquoi P. Cauchon, au risque d'être convaincu de faux, aurait inséré dans le texte officiel du Procès le long formulaire que tout historien lui reproche. Il eût été bien plus naturel, bien plus logique et nullement périlleux, d'y insérer simplement le texte de la cédule que Jeanne avait prononcée à Saint-Ouen, puisque ce texte fournissait aux juges un moyen également sûr, également infaillible d'en arriver à leurs fins.

A suivre : CHAPITRE VI. L'ABJURATION DE LA PUCELLE D'APRES J QUICHERAT.

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Message  Louis Dim 29 Avr 2012 - 20:47

L'ABJURATION

DE

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Chapitre VI

L'ABJURATION DE LA PUCELLE D'APRES J QUICHERAT.

Jusqu'à présent, nous ne sommes guère sorti du domaine des textes et nous n'avons pas cherché ailleurs que dans leur contenu et dans les conséquences immédiates qui logiquement en découlent, la preuve des thèses que nous estimons en parfait accord avec la vérité historique. Avant d'aller plus loin, il importe d'envisager bien en face les thèses contraires et de demander au personnage qui s'en est constitué le défenseur sur quelles bases il les élève et de quelles preuves il les fortifie. Ce personnage n'est pas un adversaire à dédaigner : c'est Jules Quicherat, l'éditeur des deux Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc.

I.

Ce qu'a été, d'après J. Quicherat, l'abjuration de la Pucelle.


En ses Aperçus nouveaux sur l'histoire de la Pucelle 1, J. Quicherat consacre cinq pages à l'examen de l'abjuration de Saint-Ouen. Cinq pages, de vingt-six lignes chacune, ce n'est pas trop pour une question de cette complexité et de cette importance.

Néanmoins, en ces cinq pages, le critique français fait de terrible besogne : elles lui suffisent pour exécuter la Pucelle, et pour justifier P. Cauchon.

D'après Quicherat, le long formulaire inséré au Procès ne serait pas un faux ; par conséquent :

Jeanne se serait reconnue coupable des crimes qu'il énonce ;

Elle aurait, entre autres choses, été schismatique et elle aurait erré de plusieurs manières en la foi ;

Elle se serait livrée à des pratiques démoniaques ;

Elle aurait renié véritablement ses apparitions et révélations;

Elle aurait pris l'engagement de ne plus les soutenir;

Le tout sous la foi du serment.

Mais Jeanne ayant violé son serment, peu après l'abjuration, en reprenant l'habit d'homme et en se remettant à soutenir la vérité de ses apparitions et révélations, elle devenait, par cela même, coupable de parjure;

Par cela même aussi, le cas du relaps éclatait indéniable;

Et P. Cauchon, en livrant Jeanne au bûcher, n'a rempli que son devoir.

Nous voilà donc, de par l'explication du paléographe français, en présence de deux portraits historiques déconcertants :

Jeanne d'Arc, pauvre fille, rêveuse, versatile, ambitieuse à sa manière, s'attribuant une mission imaginaire de libératrice, inventant ses apparitions, feignant ses révélations, les soutenant opiniâtrement d'abord, puis les reniant sans vergogne et s'inquiétant peu, soit en sa rétractation, soit après, de devenir coupable de parjure;

Pierre Cauchon, légiste austère, sacrifiant au Droit toutes autres considérations, ambitieux néanmoins et violent, formaliste irréprochable autant qu'habile, consciencieux jusqu'au scrupule, jusqu'à condamner au supplice du feu et à faire brûler vive, quoique le Droit l'autorisât à ne livrer aux flammes que son cadavre, une fille mineure, pauvre paysanne abandonnée; Pierre Cauchon, en définitive, l'idéal du magistrat intègre, du prélat incorruptible, du juge honnête homme!

Nous ne disons pas que J. Quicherat ait crayonné lui-même ces deux esquisses et qu'il ait apposé sa signature au bas; mais c'est bien lui qui, dans ses Aperçus nouveaux, en a fourni les traits. Pour se représenter de cette sorte les physionomies de P. Cauchon et de sa victime, il faut qu'il ait rencontré sur son chemin des faits bien singuliers et qu'il ait obéi à de bien puissantes raisons. Essayons de nous rendre compte de ces raisons et de ces faits, et recherchons si les uns et les autres s'appuient sur des textes aussi nombreux, aussi peu contestables, aussi nets que les textes qui ont servi de fondement et d'appui à notre démonstration.

Avant d'entrer en matière, qu'on nous permette une simple remarque. S'il y a eu un historien de la Pucelle familiarisé avec les sources de son histoire, et les possédant à fond, c'est bien J. Quicherat. L'on doit donc s'attendre à ne trouver, dans un livre qui porte son nom, aucune erreur de textes de quelque conséquence, puisque c'est lui qui le premier a fait connaître ces textes au grand public, et qu'il ne les a édités qu'après les avoir tournés en tous sens, examinés et vérifiés de mille manières. Or, son chapitre sur l'abjuration de Jeanne, quoique très court, présente des erreurs assez nombreuses pour ces quatre ou cinq pages, et, vu l'importance du sujet, assez graves : on le verra tout à l'heure.


__________________________________________________________

1.Op cit. pp 133-138 In-8°, Paris, 1850.

A suivre : II. De l'authenticité du formulaire inséré au Procès. J. Quicherat en produit-il quelque preuve ?

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Message  Louis Lun 30 Avr 2012 - 11:34

L'ABJURATION

DE

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Chapitre VI

L'ABJURATION DE LA PUCELLE D'APRES J QUICHERAT.

(suite)

II.

De l'authenticité du formulaire inséré au Procès.
J. Quicherat en produit-il quelque preuve ?


Le point de départ de J. Quicherat, en ses réflexions sur l'abjuration de la Pucelle, c'est l'authenticité du formulaire inséré au Procès. Ce formulaire, à son avis, est bien celui que Jeanne a prononcé et signé. Il ne conçoit pas qu'elle puisse en avoir prononcé un autre. Il n'admet pas davantage que P. Cauchon ait songé un instant à substituer au formulaire authentique un formulaire différent. L'Évêque de Beauvais était incapable d'une pareille « supercherie 1 ». Ce terme est du goût de notre auteur : il en a usé d'autres fois en ses Aperçus. Il l'emploie présentement pour désigner ce que, dans la langue des honnêtes gens, on appelle couramment un « faux ».

Des affirmations aussi catégoriques, pour être prises au sérieux, même sous la plume de critiques renommés, auraient besoin d'être appuyées sur de bonnes et solides preuves. Ces preuves, nous les demanderons en vain à J. Quicherat : il n'en produit d'aucune sorte; il affirme, et c'est tout. Dans l'espèce, qu'on nous permette d'en faire l'observation, sa parole ne suffit pas; elle ne suffit pas plus que n'a suffi la parole de P. Cauchon lui-même.

Dans la discussion ouverte plus haut sur ce sujet, nous ne nous sommes pas borné à opposer une parole à une autre parole, une simple affirmation à l'affirmation contraire. Nous avons présenté, à l'appui de notre thèse, des preuves en règle. Nous avons soutenu, entre autres choses, qu'aucune règle de critique historique n'autorise à conclure, sans raisons exceptionnelles, qu'un document de six à huit lignes doit être jugé le même et, en réalité est le même qu'un document de cinquante à soixante. Tant qu'on n'aura pas produit ces raisons exceptionnelles, — et l'auteur des Aperçus nouveaux ne l'a pas fait, — notre thèse subsiste, et nos conclusions sur l'existence d'un faux, dont la responsabilité incombe à l'Évêque de Beauvais, gardent toute leur valeur.

Si l'on, nous opposait les explications données par J. Quicherat pour montrer comment les deux cédules dont parlent les témoins des deux Procès, la courte et la longue, ont pu être identiques et revenir au même, nous répondrons que des explications concernant un fait douteux n'établissent pas la réalité de ce fait. L'identité des deux cédules est un fait douteux, leur existence et leur distinction seules sont certaines. Qu'on prouve d'abord le fait de l'identité, et, quand on l'aura prouvé, on expliquera comment il a pu se produire. Nos pères en critique historique disaient dans un latin un peu barbare : « Prius est esse quam esse tale. » Nos pères avaient raison, et C'est le cas de s'en souvenir.

Le défenseur de l'Évêque de Beauvais s'attache à montrer comment les deux cédules d'abjuration ont pu être identiques; mais il ne prouve pas qu'elles aient dû l'être, ni qu'elles l'aient été réellement. Mais alors à quoi se réduit le plaidoyer qui a pour but de mettre en poudre l'accusation lancée contre les juges de Rouen? Faute de témoignages décisifs à faire valoir, de bonnes raisons à invoquer, ce plaidoyer se réduit à deux hypothèses pures et à une affirmation catégorique, lesquelles affirmation et hypothèses sont démenties par la réalité des faits.

Voici les deux hypothèses :

1° Il pourrait bien se faire, dit J. Quicherat, que les deux cédules n'aient été que « deux copies différentes, l'une courte, l'autre longue, de la formule » officielle de l'abjuration. (Op. cit., pp. 136, 137.)

2° S'il y a eu deux copies différentes de ladite formule d'abjuration, l'une courte, l'autre longue, il est probable que la copie courte. « destinée à être prononcée, contenait seulement les termes de la rétractation ». (Ibid., p. 136.)

Voici l'affirmation catégorique :

« La rétractation proprement dite se réduit, dans le formulaire inséré au Procès, à un petit nombre d'articles qui pouvaient tenir en cinq ou six lignes. » (Ibid.)

Or, affirmation et hypothèses sont également démenties par les faits. Car c'est un fait incontestable que « la rétractation proprement dite, dans le formulaire inséré au Procès, ne se réduit pas à un petit nombre d'articles pouvant tenir en cinq ou six lignes » ; elle se réduit à un nombre d'articles qui exige vingt-cinq lignes.

Ce fait établi, les deux hypothèses s'effondrent et deviennent inadmissibles : la copie courte ne pouvait contenir vingt-cinq lignes, puisqu'elle n'en avait que six, huit au plus, et « de grosse écriture » ; on a dû, par conséquent, renoncer à faire exécuter deux copies du même formulaire et se résigner à deux formulaires différents.

Donnons la preuve palpable de cette affirmation que « la rétractation proprement dite, dans le formulaire officiel, ne se réduit pas à cinq ou six lignes, mais bien à vingt-cinq »….

________________________________________________________

1 Aperçus nouveaux , p 135

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Message  Louis Lun 30 Avr 2012 - 15:30

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Chapitre VI

L'ABJURATION DE LA PUCELLE D'APRES J QUICHERAT.

(suite)

II.

De l'authenticité du formulaire inséré au Procès.
J. Quicherat en produit-il quelque preuve ?


Donnons la preuve palpable de cette affirmation que « la rétractation proprement dite, dans le formulaire officiel, ne se réduit pas à cinq ou six lignes, mais bien à vingt-cinq ».

Le formulaire intégral compte quarante-cinq lignes de petits caractères. Détachons de ces quarante-cinq lignes la rétractation proprement dite; nous avons le texte suivant :

« Je, Jehanne, confesse que j'ay très griefment péchié, en faignant mençongeusement avoir eu révélacions et apparicions de par Dieu, par les anges et saincte Katherine et saincte Marguerite;

« En séduisant les autres, en créant folement et légièrement;

« En faisant supersticieuses divinations;

« En blasphémant Dieu, ses sains et ses sainctes;

« En trespassant la loy divine, la saincte Écriture, les droits canons;

« En portant habit dissolu, difforme et déshonneste contre la décence de nature, et cheveux rougnez en ront en guise d'homme, contre toute honnesteté du sexe de femme ;

« En portant aussi armeures par grant présumpcion;

« En désirant crueusement effusion de sang humain;

« En disant que toutes ces choses j'ay fait par le commandement de Dieu, des angels et des sainctes dessus dictes, et que en ces choses j'ay bien fait et n'ay point mespris;

« En méprisant Dieu et ses sacrements;

« En faisant sédicions et idolâtrant, par aourer, mauvais, esprits, et. en invoquant iceulx;

« Confesse aussi que j'ay esté scismatique, et par plusieurs manières ay erré en la foi.

« Lesquels crimes et erreurs, de bon cuer et sans fiction, abjure, de tout y renonce et m'en dépars.

« Et sur toutes ces choses devant dictes, me soumets à la correction, disposition, amendement et totale détermination de notre mère saincte Église et de vostre bonne justice :

« Aussi je jure et promets que jamais ne retourneray aux erreurs devant diz.

« Et cecy, je diz, afferme et juré par Dieu le tout Puissant, et par ces sains Évangiles. »

Ainsi signée : « JEHANNE + »

Ce texte de la rétractation proprement dite remplit…

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Message  Louis Lun 30 Avr 2012 - 20:05

L'ABJURATION

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Chapitre VI

L'ABJURATION DE LA PUCELLE D'APRES J QUICHERAT.

(suite)

II.

De l'authenticité du formulaire inséré au Procès.
J. Quicherat en produit-il quelque preuve ?


Ce texte de la rétractation proprement dite remplit, dans le Procès de J. Quicherat, vingt et une lignes de menus caractères, qui en représentent vingt-cinq de caractères moyens, et trente de « grosse écriture ». Faire tenir vingt, vingt-cinq, trente lignes en cinq ou six n'est pas chose facile. L'auteur des Aperçus nouveaux s'abuse donc grandement lui-même et commet une erreur inconcevable lorsqu'il affirme que ladite rétractation, dégagée des considérants qui l'accompagnent, se réduit à un texte de cinq ou six lignes. Il n'avait qu'à prendre la peine de relire cette page du Procès pour avoir la preuve palpable de son erreur.

N'eussions-nous aucun autre argument à faire valoir, nous pourrions conclure, avec une logique inattaquable, que les deux cédules ne pouvaient être, quant à la rétractation proprement dite, deux copies identiques du même formulaire. Mais, outre cet argument, des preuves positives établissent que les deux cédules différaient entre elles par la substance même des choses qui y étaient énoncées.

Ces preuves, nous les avons déjà présentées dans le chapitre qui précède celui-ci : qu'on veuille bien les y relire. Nous nous bornerons à rappeler la déclaration écrasante du prêtre et appariteur Jean Massieu :

« Ce dont je suis absolument sûr, déposait-il, c'est que la cédule prononcée par Jeanne n'était pas du tout celle qui figure au Procès, car la cédule insérée au Procès est différente de celle que je lus à Jeanne et qu'elle signa. — Scit firmiter (testis) quod schedula (sex linearum) non erat illa de qua in processu fit mentio; quia aliam ab illa quæ est inserta in processu legit ipse loquens et signavit ipsa Johanna. » (Procès, t. III, p. 156.)

Nous avons eu déjà plusieurs fois l'occasion de signaler le rôle exceptionnel rempli dans la scène de l'abjuration de la Pucelle par ce digne prêtre. Lui qui avait eu entre les mains la fameuse cédule, qui l'avait lue à l'accusée, pouvait nous dire, avec l'autorité requise, si le contenu en était identique substantiellement au contenu du formulaire inséré au Procès, ou totalement différent. Il déclare avec une certitude absolue, « scit firmiter », sous la foi du serment, que les deux cédules différaient totalement. C'est un témoignage dont critiques et historiens n'amoindriront jamais la valeur décisive.

La démonstration de la fausseté du texte d'abjuration inséré au Procès officiel par ordre de l'Évêque de Beauvais, démonstration exposée en notre quatrième chapitre, demeure donc tout entière.

A suivre : III. Réfutation de l'auteur des APERÇUS NOUVEAUX.

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Message  Louis Mar 1 Mai 2012 - 10:44

L'ABJURATION

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Chapitre VI

L'ABJURATION DE LA PUCELLE D'APRES J QUICHERAT.

(suite)

III.

Réfutation de l'auteur des APERÇUS NOUVEAUX.


Nous ne nous attarderons pas à réfuter, entre autres assertions étranges de J. Quicherat, celle dans laquelle il dit que « Cauchon ne se serait point hasardé à une fabrication, ni même à une substitution de pièces » telles que le formulaire officiel de l'abjuration. On a vu plus haut que le Prélat n'en était pas à son premier essai; il est surprenant que l'Éditeur des deux Procès ait oublié les nombreuses dépositions des Enquêtes de Rouen, qui chargent si lourdement la mémoire de l'Évêque en ce point, lui à qui le public est redevable de les connaître.

Nous n'insisterons pas non plus outre mesure sur les erreurs de fait que nous relevons en ces cinq pages des Aperçus nouveaux. N'ont-elles pas de quoi étonner, quand elles sont dues à l'Éditeur même des textes qui en ont été l'occasion? Qui mieux que lui devait les connaître et ne pas s'y méprendre?

A la page 134 de l'ouvrage cité, on lit que sur l'estrade où était Jeanne se trouvaient les greffiers de « la cause ». En fait de greffiers, il n'y avait sur l'estrade de la Pucelle que Guillaume Manchon et Guillaume Colles : le troisième, Nicolas Taquel, — c'est lui-même qui nous l'apprend, — n'avait pu y trouver place. (Procès, t. III, p. 197.)

A la même page, on lit encore que Laurent Calot ne peut avoir fait signer à Jeanne la cédule qu'il tira de sa manche, car, au lieu d'être sur l'estrade de l'accusée, il « faisait tumulte dans la foule avec les Anglais ».

J. Quicherat invoque à l'appui de son dire la déposition du témoin Jean Marcel. (Procès, t. III, p. 90.) Or, dans la déposition de Marcel, à la page indiquée — nous l'avons déjà fait observer — on ne lit rien de semblable. Il y est question des reproches que Calot adressait à l'Évêque de Beauvais; mais l'alibi essentiel constituant la preuve à laquelle s'attache J. Quicherat n'est nullement mentionné, et il n'y est pas dit encore une fois que Calot « faisait tumulte dans la foule avec les Anglais ».

L'auteur des Aperçus nouveaux a pris une lueur de son imagination pour une réalité.

C'est toujours à l'imagination que le même écrivain emprunte les preuves qui établissent à ses yeux le fait de la révocation par la Pucelle de ses apparitions et révélations. « La preuve existe, dit-il, que Jeanne fut instruite, sur la place Saint-Ouen, des points capitaux que contient la pièce (le formulaire) du Procès. Dans l'interrogatoire qui précéda son supplice, les juges lui rappelèrent tous ces points, celui notamment qui concernait la fausseté de ses révélations. » (Aperçus..., p. 135.)

Jeanne aurait donc été instruite, avant son abjuration, « des points capitaux » sur lesquels porte le formulaire du Procès, et il existe une pièce qui le prouve.

Illusion, erreur que tout cela, sommes-nous obligé de dire : Jeanne n'a été instruite de rien avant son abjuration; au contraire, les juges et Guillaume Erard veillèrent à ce qu'elle demeurât dans une ignorance complète de ce qu'on allait lui demander, dans l'ignorance même de ce que c'était que l'abjuration. C'est un point trop important pour n'en dire que quelques mots ; il sera traité dans le chapitre qui suit, avec les preuves et les développements nécessaires; pour ne pas nous répéter, nous y renvoyons le lecteur.

J. Quicherat dit que la pièce existe, qui établit ce qu'il avance. Cette pièce, où est-elle? Nous l'avons cherchée dans tout le Procès, nous n'avons pu la découvrir. Si cette pièce existe, pourquoi l'auteur des Aperçus nouveaux ne l'indique-t-il pas, et pourquoi ne la cite-t-il pas? Jusqu'à preuve du contraire, nous disons, nous, que ladite pièce n'a jamais existé que dans son imagination.

On peut produire des textes d'une authenticité parfaite se rapportant à la question présente; mais ces textes, que nous mettrons sous les yeux du lecteur dans le chapitre suivant, prouvent tout le contraire de ce qu'affirme J. Quicherat, c'est-à-dire que les juges se sont arrangés de manière à ce que la Pucelle ne sût rien du formulaire de l'abjuration et n'en comprît pas davantage.

Et, en nous exprimant de la sorte, nous ne perdons pas de vue que…

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Message  Louis Mar 1 Mai 2012 - 15:53

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre VI

L'ABJURATION DE LA PUCELLE D'APRES J QUICHERAT.

(suite)

III.

Réfutation de l'auteur des APERÇUS NOUVEAUX.


Et, en nous exprimant de la sorte, nous ne perdons pas de vue que, d'après notre auteur, « dans l'interrogatoire qui précéda le supplice de Jeanne, ses juges lui rappelèrent tous ces points, celui notamment qui concernait la fausseté de ses apparitions ».

Les points capitaux de l'abjuration sont au nombre de dix-huit; il est aisé de s'en rendre compte, car nous les avons énumérés tout à l'heure. Ouvrons le Procès, à l'article du dernier interrogatoire, et cherchons-y la preuve de ce fait, que les juges de la Pucelle lui rappelèrent tous ces points , ainsi que le prétend formellement J. Quicherat... Nous y constaterons qu'ils ne lui en rappelèrent aucun. (Procès, t. I, pp. 454-458.) — N'oublions pas que la chose à démontrer est celle-ci : que Jeanne fut instruite, sur la place Saint-Ouen, des points capitaux contenus dans le formulaire du Procès. — Eh bien, pas l'ombre d'une allusion à ces prétendus éclaircissements ne figure dans ledit interrogatoire.

Comme nous ne tenons pas à être cru sur parole, voici la série complète des questions posées par les juges :

Pourquoi l'accusée avait-elle pris l'habit de femme?

N'avait-elle pas juré de ne pas reprendre l'habit d'homme ?

Pour quelle cause l'avait-elle repris?

N'avait-elle pas fait porter en particulier son abjuration sur la promesse de ne plus reprendre l'habit d'homme?

Depuis jeudi avait-elle entendu les Voix des saintes Catherine et Marguerite ?

Que lui ont-elles dit?

Croit-elle que ses Voix soient sainte Catherine et sainte Marguerite ?

Qu'elle dise la vérité sur la couronne dont il a été parlé.

N'avait-elle pas dit, en son abjuration, qu'elle s'était vantée mensongèrement que ses Voix étaient saintes Catherine et Marguerite?

En ces neuf questions, les juges parlent-ils une seule fois d'éclaircissements qui auraient été donnés à l'accusée, avant l'abjuration, sur les dix-huit points capitaux du formulaire, même sur douze, sur cinq; même sur un seul ?...

Evidemment non.

Y est-il au moins fait allusion?

Pas davantage.

De quoi donc se préoccupait l'Évêque de Beauvais en cet interrogatoire?

D'une seule chose : de constater pour son compte et de faire constater aux huit assesseurs qui l'avaient accompagné le prétendu relaps de la Pucelle. Ce relaps, nous l'avons déjà dit, portait sur deux faits : la reprise de l'habit d'homme par la condamnée et l'affirmation expresse de ses révélations.

De là, dans ledit interrogatoire, les huit questions posées à Jeanne par l'Évêque-juge, quatre concernant la reprise de l'habit d'homme et quatre concernant l'affirmation expresse de ses révélations. Quant à mentionner un seul des éclaircissements qui lui auraient été donnés, avant l'abjuration, sur l'un des dix-huit points du formulaire, P. Cauchon a totalement oublié de le faire : en tout cas, le procès-verbal officiel n'en dit absolument rien.

Sur le point spécial que J. Quicherat appelle « la fausseté des apparitions de Jeanne »…

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Message  Louis Mar 1 Mai 2012 - 20:50

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre VI

L'ABJURATION DE LA PUCELLE D'APRES J QUICHERAT.

(suite)

III.

Réfutation de l'auteur des APERÇUS NOUVEAUX.


Sur le point spécial que J. Quicherat appelle « la fausseté des apparitions de Jeanne », on ne remarque, dans ledit interrogatoire, aucune allusion à des éclaircissements antérieurs, mais seulement deux passages, l'un qui ressemble fort à une interpolation, l'autre légèrement amplifié.

« On avait rapporté aux juges que la condamnée adhérait de nouveau aux illusions de ses prétendues révélations auxquelles elle avait renoncé auparavant :

Ab aliquibus nos, judices, audieramus quod illusionibus suarum revelationum prœtensarum, quibus antea renuntiaverat, adhuc inhærebat. » (Procès, t. I, p. 456.)

Rien, dans ce passage, qui ait trait aux fameux éclaircissements de la place Saint-Ouen.

Mais ce même passage ne se lit pas dans la minute française. Thomas de Courcelles l'a donc ajouté au texte primitif, quand il traduisit le Procès du français en latin, et il n'a pas reculé devant une interpolation.

« Et quant à ce qui luy fut dit que en l'eschafault elle avait dit, que mensongèrement elle s'estait vantée que c'estaient sainctes Katherine ou Marguerite : respond qu'elle ne l'entendait point ainsi faire ou dire. » (Ibid., pp. 457, 458, minute française.)

Rien encore, en ce second passage, qui se rapporte aux éclaircissements en question.

Il va sans dire que Jeanne nia formellement avoir jamais révoqué ses révélations et apparitions. — Dixit quod ipsa non dixit vel intellexit quod revocaret suas apparitiones.

« Ce qui était contenu dans la cédule d'abjuration, elle ne le comprenait pas. — Dixit quod illud, quod continebatur in schedula abjurationis, ipsa non intelligebat »

« Elle dit encore qu'elle dit en l'eure (c'est à savoir au moment de l'abjuration) qu'elle n'entendait révoquer quoi que ce fut, si ce n'était pourvu que cela plût à Dieu. — Item dixit quod ipsa non intendebat aliquid revocare, nisi proviso quod placeret Deo 1. » (Ibid., p. 458.)

Mais si, dans l'interrogatoire auquel renvoie J. Quicherat, en quelque sens qu'on le retourne, on ne trouve pas un seul mot se rapportant aux éclaircissements qui, d'après son affirmation catégorique, auraient été donnés à la Pucelle sur la place Saint-Ouen, avant l'abjuration, que devra-t-on penser d'une si profonde aberration, et comment expliquer ce langage?

D'une seule manière honorable : en le mettant sur le compte d'une imagination trop vive.

Quant à nous, l'examen de l'opinion de J. Quicherat sur l'abjuration de la Pucelle ne fait que fortifier notre conviction touchant la vérité de ces deux points :

Jeanne n'a jamais révoqué ses apparitions et révélations ;
Le formulaire qu'on lit au Procès est un formulaire « faux, subreptice », inséré dans le texte officiel pour un but inavouable.

« Fausse, subreptice », c'est en ces termes que les juges de la réhabilitation qualifient l'abjuration considérée en elle-même. « Attenta, circa dicti processus materiam, quadam abjuratione praetensa, falsa, subdola... » (Procès, t. III, p. 360.) Comme ils usent de ces expressions, non à propos de la procédure suivie par les juges de Rouen, mais à propos du corps, des pièces, de la matière du Procès, — « attenta, circa dicti processus materiam..., » — c'est bien le formulaire même que les délégués du Saint-Siège désignent, et c'est le faux de l'Evêque de Beauvais qu'ils dénoncent et flétrissent dans leur jugement.


____________________________________________________________

1. Mais amplification, sinon interpolation, de la minute française que Courcelles a traduite ainsi (nous soulignons les mots ajoutés au texte français) « Tunc fuit ei dictum quod ipsa dixerat in scafaldo seu ambone, coram nobis judicibus, et aliis, et coram populo, quando fecit ab jurationem, quod mendose ipsa se jactaverat quod ilæ voces erant sanctas Katharina et Margareta Respondit quod ipsa non intelligebat sic facere vel dicere » (Loc. cit.)

1 Nous devrions appeler ici l'attention du lecteur sur un « faux par suppression » dans le texte latin du Procès, dont la minute française fournit la preuve. Mais ce passage est d'une telle importance, que nous y reviendrons dans le cours de la discussion, le « faux » est aussi trop grave pour ne pas devenir le sujet d'une des Notes que nous avons renvoyées à la fin de cette Etude.

A suivre : CHAPITRE VII. LES JUGES DE LA PUCELLE ET L' ABJURATION.
DROIT NATUREL ET DROIT CANONIQUE.

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Message  Louis Mer 2 Mai 2012 - 10:35

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre VII

LES JUGES DE LA PUCELLE ET L ABJURATION.
DROIT NATUREL ET DROIT CANONIQUE.

L'Église, que le tribunal de Rouen se targuait de représenter dans le Procès de la Pucelle, n'abandonne pas les accusés en matière de foi à l'arbitraire des juges. S'il investit ceux-ci d'une autorité redoutable, il leur impose aussi des obligations graves. Il leur trace une marche de laquelle il leur est défendu de s'écarter; il leur impose des règles imprescriptibles, sans l'observation desquelles leurs sentences sont de nul effet ; il entend que, ayant à faire acte de justice, ils ne fassent pas acte d'iniquité, et que, en paraissant poursuivre le châtiment des coupables, ils ne frappent pas des innocents.

Une abjuration exigée et obtenue en violation des règles canoniques devient nulle soit en elle-même, soit dans ses conséquences; et si, pour être déclarée telle devant les hommes, il est besoin parfois d'un arrêt du pouvoir judiciaire, avant d'être juridiquement annulée, d'ordinaire dès le principe elle l'est pleinement devant Dieu.

Une chose à noter, c'est que, dans la plupart des règles qu'il prescrit, le Droit canonique se rencontre avec le Droit naturel. Ainsi les conditions exigées par le Droit canonique relativement à la connaissance et à la liberté avec lesquelles l'abjuration doit se faire, sont les mêmes que celles qui découlent du Droit naturel. Si ces conditions font défaut, l'abjuration devient nulle et de par le Droit naturel et de par le Droit positif. Et si c'est la volonté perverse des juges ou leur négligence coupable qui fait que ces conditions ne sont pas remplies, sur les juges pèsera la plus lourde des responsabilités.

Dans ce chapitre, nous avons deux questions à examiner : une question de principe et une question de fait.

La question de principe est celle-ci :

Quelles sont les règles prescrites aux juges en cause de foi, soit par le Droit canonique, soit par le Droit naturel, pour une abjuration véritable?

Et voici la question de fait :

Les juges de la Pucelle ont-ils observé fidèlement ces règles, dans l'abjuration de Saint-Ouen, ou les ont-ils ouvertement violées?

A suivre : I. Des règles prescrites pour une abjuration en cause de foi par le Droit canonique et par le Droit naturel.

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Message  Louis Mer 2 Mai 2012 - 16:02

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre VII

LES JUGES DE LA PUCELLE ET L ABJURATION.
DROIT NATUREL ET DROIT CANONIQUE.


(suite)

I.

Des règles prescrites pour une abjuration en cause de foi
par le Droit canonique et par le Droit naturel.




Nous nous occuperons successivement des règles d'ordre positif prescrites par le Droit canonique en toute abjuration judiciaire, et des règles d'ordre moral prescrites tout ensemble et par le Droit canonique et par le Droit naturel.

Des règles positives prescrites par le Droit canonique.

On a pu voir, à la fin du chapitre premier de la présente Dissertation, ce qu'il faut entendre par abjuration canonique en cause de foi. C'est, avons-nous dit, une rétractation extérieure, parfois publique et solennelle, en présence des juges ou de leurs délégués, d'erreurs contraires à la foi ou à l'unité catholique, apostasie, schisme, hérésie; rétractation suivie de l'engagement de persévérer dans la foi, sous peine d'encourir les peines de Droit : le tout sous la foi du serment.

L'abjuration peut être exigée non seulement des hérétiques formels, mais encore des suspects en fait d'hérésie, que la suspicion soit violenta, vehemens, communis ou simplement levis.

Dans les procès en cause de foi, c'est aux juges, remarque le Directorium Inquisitorum (p. 492, C). qu'il appartient de décider, cum consilio peritorum in jure, s'il y a lieu d'imposer à l'accusé l'obligation d'abjurer. Cette obligation est formelle s'il s'agit d'un hérétique reconnu ou d'un accusé suspect de vehementi, et, dans ce cas, il convient que l'abjuration se fasse publiquement.

L'abjuration décidée, les juges doivent faire « annoncer au peuple, quelques jours auparavant, — per aliquot dies ante, — dans toutes les églises de la cité, que tel jour, à telle heure, à tel endroit, il y aura sermon de circonstance suivie d'une abjuration publique. » (Director. Inquisit., pp. 492, 493.)

Au jour marqué, après le sermon, le juge lui-même signifiera à l'accusé que, vu les motifs établissant qu'il a erré ou qu'il est suspect de vehementi en matière de foi, il le somme de lire la formule d'abjuration qu'on va lui présenter. « Alors, on placera devant l'accusé le livre des Évangiles sur lequel il étendra les mains; s'il sait lire couramment, on lui remettra l'abjuration écrite et il la lira devant tout le peuple. S'il ne sait pas lire couramment, un des clercs présents la lira, membre de phrase par membre de phrase, et l'abjurant redira en langue vulgaire ces membres de phrase l'un après l'autre jusques à la fin. » (Directorium.... p. 493, C.)

Dans le texte de l'abjuration, l'on aura soin d'énoncer les articles de foi catholique au sujet desquels l'accusé a été reconnu coupable ou véhémentement suspect 1. (Ibid)

Enfin, « un des notaires du tribunal rédigera le procès-verbal de l'abjuration, et mentionnera de quelle manière elle a été faite, afin que l'on sache bien que, si l'abjurant tombe de nouveau dans ses erreurs, il subira la peine réservée aux relaps.

« Le procès-verbal rédigé, le juge prononcera la sentence 2. »


___________________________________________________

Voici les passages du Directorium que l'on vient de rappeler :

« Si determinatum est per consilium quod delatus debeat publice abjurare, per aliquot dies ante, ex parte Episcopi per omnes ecclesias illius civitatis in qua fienda est abjuratio, populo publice indicatur quod tali die, in tali ecclesia (vel loco) de fide sermo fiet generalis.

« Advemente autem die ad abjurationem faciendam, Inquisitor sermonem faciet, quo facto, dicetur (delato) per Inquisitorem: Ecce, oportet quod tu purges te et abjures hæresim supradictam

« Et tunc ponetur coram abjurando liber Evangeliorum, et ipse ponet manus super illum, et si scit legere competenter, tradetur sibi abjuratio in scriptis, et leget coram omni populo » (Op et loc supra cit.,C. D. Romæ, 1587)

2 « Sit cautus notarius, quod ponat in actis quomodo talis abjuratio facta est per talem, ut si relabatur, sciatur qualiter puniretur pœna relapsis debita » (Ibid, E )

A suivre : 2° Règles d'ordre moral prescrites par le Droit canonique et le Droit naturel tout ensemble, pour une abjuration en cause de foi.

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Message  Louis Mer 2 Mai 2012 - 20:35

L'ABJURATION

DE

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Chapitre VII

LES JUGES DE LA PUCELLE ET L ABJURATION.
DROIT NATUREL ET DROIT CANONIQUE.


(suite)

I.

Des règles prescrites pour une abjuration en cause de foi
par le Droit canonique et par le Droit naturel.


Règles d'ordre moral prescrites par le Droit canonique et le Droit naturel tout ensemble, pour une abjuration en cause de foi.

Ces règles peuvent se ramener à deux : l'une obligeant les juges à faire comprendre à l'accusé ce qu'est l'abjuration que l'on exige de lui ; l'autre les obligeant à n'exercer sur lui aucune pression et à respecter absolument sa liberté.

En premier lieu, tout juge ecclésiastique en cause de foi doit vouloir que l'abjurant sache ce qu'il fait en prononçant et en signant l'abjuration que le tribunal lui demande, et, s'il y a lieu, il doit lui fournir les moyens qui le mettront à même de le savoir.

Le principe de cette obligation, au point de vue du Droit canonique, comme au point de vue du Droit naturel, se trouve dans la nature et les conditions essentielles de l'acte même d'abjuration qui doit être un acte humain, accompli en pleine connaissance de cause, avec pleine spontanéité et pleine liberté. — « Ut hæreticus legitimam abjurationem faciat, dit Ferraris, requiritur ut sponte id faciat. » (Prompta Biblioth. canon., t.I, p. 20, in-8°, Romæ, 1784.) Mais comment un pareil acte pourrait-il sponte fieri, si l'abjurant ne comprenait pas ce que c'est que l'abjuration et l'étendue des engagements qu'il y prend?

L'obligation du juge est donc stricte. Il doit vouloir que l'accusé, lorsqu'il fera son abjuration, soit en état de comprendre ce qu'il fait. La dignité de la justice et l'honneur de la sainte Église, que le juge représente, l'exigent.

En ce qui regarde l'Évêque de Beauvais, non seulement les fonctions de juge, et de juge ecclésiastique, qu'il remplissait, mais encore son caractère de prêtre et d'Évêque, sa conscience d'honnête homme l'obligeaient de la façon la plus stricte à vouloir que la Pucelle comprît ce qui devait se passer au cimetière Saint-Ouen, et à lui en fournir largement le moyen.

Au surplus, les mesures que le Droit inquisitorial marquait aux juges, et que nous rappelions tout à l'heure, par exemple la publicité de l'abjuration, l'annonce qui devait en être faite quelques jours à l'avance aux fidèles, l'appareil solennel et religieux dont on entourait l'abjuration même, toutes ces choses présupposent le droit absolu de l'accusé à comprendre l'acte humain qu'on exige de lui, et le devoir non moins absolu des juges de prendre les moyens indispensables pour lui donner satisfaction.

De là, pour les juges en cause de foi, une deuxième obligation tout aussi sacrée, tout aussi rigoureuse : l'obligation de ne jamais mettre en jeu, à l'égard de l'accusé, les causes que théologiens et moralistes signalent comme attentatoires à la liberté et à la moralité des actes humains, et comme capables de vicier les contrats les plus solennels, soit en matière religieuse, soit en matière civile. Parmi ces causes se présentent au premier rang l'ignorance, le dol, la violence.

De par le Droit inquisitorial, les aveux arrachés par la torture ne devenaient valables qu'après avoir été renouvelés et ratifiés hors de la torture, l'un des jours suivants en présence du tribunal. (NIC EYMERIC, Direct. Inquisit., pp. 486-488.)

En vertu du principe sur lequel est fondée cette règle, une abjuration arrachée par erreur, fraude, dol, violence, doit être réputée nulle et non avenue, l'abjurant n'ayant pas cette pleine possession de soi, cette conscience, cette liberté dont le Droit canonique et le Droit naturel s'accordent à faire une condition essentielle de toute abjuration en cause de foi.

De la question du principe, passons maintenant à la question de fait.


A suivre : II. Les juges de la Pucelle se sont-ils conformés, dans l'abjuration de Saint-Ouen, aux règles susdites ?

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Message  Louis Jeu 3 Mai 2012 - 10:04

L'ABJURATION

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Chapitre VII

LES JUGES DE LA PUCELLE ET L ABJURATION.
DROIT NATUREL ET DROIT CANONIQUE.


(suite)

II.

Les juges de la Pucelle se sont-ils conformés,
dans l'abjuration de Saint-Ouen, aux règles susdites ?



A cette question, les faits n'apportent qu'une réponse négative. En l'abjuration de Saint-Ouen, les règles positives prescrites par le Droit canonique, aussi bien que les règles d'ordre moral prescrites par le Droit canonique et le Droit naturel, ont été, ou bien inobservées, ou bien violées ouvertement.

D'après les règles canoniques d'ordre positif, il eût fallu que le cas de l'abjuration de Jeanne fût examiné et décidé à l'avance, cum consilio peritorum injure, dans une séance particulière. L'Évêque de Beauvais l'a-t-il fait? Ce qui est certain c'est que les procès-verbaux officiels n'en disent absolument rien; et comme il ne s'écoula aucun intervalle entre la conclusion de la cause et le prêche de Saint-Ouen, il est non moins certain que si P. Cauchon s'entretint de ce sujet avec les Docteurs de Paris, ses confidents intimes, il ne le fit qu'à titre privé et jamais en séance officielle.

Il eût fallu, de plus, que l'abjuration fut annoncée aux fidèles quelques jours à l'avance. Or, elle fut un coup de surprise, et pour la Pucelle, nous le verrons tout à l'heure, et pour les habitants de Rouen, et même pour la grande majorité des assesseurs qui, le jour même du « preschement », ne s'attendaient qu'au prononcé de la sentence.

Il eût encore fallu que le juge lui-même sommât publiquement, en présence du tribunal et des spectateurs, l'accusée d'abjurer. Pour l'abjuration de la Pucelle, ce n'est pas l'Évêque de Beauvais ou l'Inquisiteur Jean Lemaître qui la requièrent, mais le prédicateur, personnage sans qualité pour une pareille sommation. Erard, au lieu de faire entendre à l'accusée une sommation publique, formelle, use de subterfuges, de détours, de propos indignes d'un homme de son caractère.

Il eût fallu que l'accusée abjurât, sous la foi du serment, les mains sur les saints Évangiles. Or, si les assistants cherchèrent sur l'estrade le livre des Évangiles, ils l'y cherchèrent en vain. Jeanne n'eut à prêter et ne prêta de serment d'aucune sorte: on ne lui en demanda point.
On lit, il est vrai, à la fin du formulaire que produit le texte officiel : « Et cecy, je dis, affirme et jure par Dieu, le Tout-Puissant, et par ces saints Évangiles. » C'est une affirmation non moins fausse que la pièce où elle est rapportée.

Dans le dernier interrogatoire de la Pucelle, P. Cauchon…


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Message  Louis Jeu 3 Mai 2012 - 16:10

L'ABJURATION

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Chapitre VII

LES JUGES DE LA PUCELLE ET L ABJURATION.
DROIT NATUREL ET DROIT CANONIQUE.


(suite)

II.

Les juges de la Pucelle se sont-ils conformés,
dans l'abjuration de Saint-Ouen, aux règles susdites ?



Dans le dernier interrogatoire de la Pucelle, P. Cauchon, lui reprochant d'avoir repris l'habit d'homme, ajoutait qu'elle avait non seulement promis, mais encore « juré », de ne plus le reprendre. « Jeanne répondit que jamais elle n'avait eu conscience d'avoir fait le serment de ne pas reprendre l'habit d'homme. — Tunc fuit sibi dictum quod promiserat et juraverat non recipere habitum virilem. Ipsa vero respondit quod nunquam intellexit quod fecerit juramentum de non recipiendo ipsum habitum virilem. » (Procès, t. I, p. 455.)

Si la Pucelle s'exprime de la sorte, c'est qu'elle est sûre de ce qu'elle affirme. L'Évêque de Beauvais l'était moins en disant le contraire. Et c'est à l'accusée, non au juge, que les témoins de la réhabilitation ont donné raison; car, pas plus dans leurs dépositions que dans le procès-verbal officiel du 24 mai, il n'est dit que Jeanne ait été mise, à Saint-Ouen, en demeure de jurer ou ait juré quoi que ce soit.

Enfin, il eût fallu que, séance tenante, un des notaires rédigeât le procès-verbal de l'abjuration, exposât de quelle manière elle s'était faite, en rappelât les termes et joignît au procès-verbal la cédule authentique. Les juges se gardèrent bien d'observer cette règle du Droit : c'eût été le renversement complet de leurs desseins. Les notaires parurent sur l'échafaud de l'abjurante ; mais ils reçurent l'ordre de ne pas instrumenter et aucun procès-verbal en forme de l'abjuration de Saint-Ouen ne figure dans l'instrument officiel du Procès.

Il n'est donc pas contestable que les juges de Jeanne ne se sont guère préoccupés de l'observation des règles positives prescrites par le Droit canonique dans les abjurations en cause de foi. Ils ne se sont pas préoccupés davantage de l'observation des règles d'ordre moral prescrites et par le Droit canonique et par le Droit naturel ; ils les ont même transgressées ouvertement.

Nous ne reviendrons pas sur les violences, les menaces, les promesses mensongères, la fraude, le dol qu'ils ont mis en œuvre pour arracher à leur victime l'acte qu'ils désiraient. On n'a qu'à relire ce qui en a été raconté dans le chapitre de la scène historique de l'abjuration, pour se convaincre que cet acte a été l'effet de la pression, de la séduction, de la coaction : Eam aliqua abjurare fecerunt, ab aliquibus inducta, seducta et coacta (Procès, t. Il, p. 204); et l'on en tirera aisément cette conséquence que, en accusant les juges de la Pucelle d'avoir violé les règles les plus respectables, l'on formule une accusation qui n'est que trop justifiée. Il vaudra mieux insister sur le cas spécial de l'ignorance dans laquelle ces mêmes juges s'efforcèrent d'enfermer l'accusée.

Ayant établi que leur premier devoir, de par tout Droit naturel, humain et divin, était de renseigner Jeanne sur la nature de l'abjuration, si elle l'ignorait, et de bien lui expliquer la formule qu'ils devaient lui proposer, si cette formule avait besoin d'explication, nous allons montrer :

Que la jeune Lorraine ignorait ce que signifie le mot abjuration, et qu'on ne le lui expliqua point;

Que la formule d'abjuration qu'on lui fit signer était à double entente, et que les juges ne lui firent pas savoir quel sens ils y attachaient.

A suivre : III.
Les juges de la Pucelle lui firent-ils comprendre ce qu'ils la contraignirent à faire au cimetière Saint-Ouen ?


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Message  Louis Jeu 3 Mai 2012 - 19:51

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Chapitre VII

LES JUGES DE LA PUCELLE ET L'ABJURATION.
DROIT NATUREL ET DROIT CANONIQUE.


(suite)

III.

Les juges de la Pucelle lui firent-ils comprendre
ce qu'ils la contraignirent à faire au cimetière Saint-Ouen ?




Cela revient à rechercher : 1° Si Jeanne comprit bien le mot « abjuration », dont Erard s'était servi; —2° Si elle comprit le texte de la cédule présenté par ledit Erard à sa signature.

Jeanne comprit-elle le mot « abjuration » ?
Non, Jeanne ne le comprit pas. On s'était bien gardé de le prononcer devant elle, avant la scène de Saint-Ouen. Avec son esprit vif, elle eût demandé des explications qu'on ne voulait pas lui donner. Jamais, dans le cours du Procès ordinaire, l'Évêque de Beauvais n'avait parlé d'abjuration et n'y avait fait la plus légère allusion.

Maître Beaupère, qu'il envoya auprès de la Pucelle le matin même du 24, aurait dû la prévenir, conformément au Droit, de ce que la journée lui réservait. Il s'en garde bien. Il se sert vis-à-vis d'elle de formules vagues, imprécises. Rappelons le langage qu'il lui tint :

« Au-devant qu'elle fût menée à Saint-Ouen pour y estre preschée, au matin, celui qui parle entra seul en la prison de la dicte Jehanne, par congié, et advertit icelle qu'elle serait tantôt menée à l'échaffaud pour y estre preschée, en lui disant que, si elle estait bonne chrestienne, elle dirait audit eschaffaud que tous ses faits et dits elle mettait en l'ordonnance de notre mère saincte Église, et en espécial des juges ecclésiastiques. La-quelle respondit que ainsi ferait-elle. » (Procès, t II, pp. 20, 21.)

Comment la prisonnière, naturellement ignorante du Droit canonique, aurait-elle discerné qu'on venait lui annoncer qu'on la mettrait en demeure d'abjurer? Elle ne vit autre chose dans les paroles du Docteur que le conseil de se soumettre sans réserve à la sainte Église.
Nicolas Loiseleur, en pressant l'accusée, au moment du prêche, de faire ce qu'on allait lui demander et de reprendre l'habit de femme, ne lui dit pas davantage que ce qu'on allait lui demander, c'était d'abjurer.

C'est par Guillaume Erard, le fougueux prédicateur de Saint-Ouen, que la Pucelle entendit prononcer pour la première fois le mot « abjuration ».

— Mais je ne sais pas ce que c'est, répond la jeune fille.

— Peu importe, réplique Erard; tu vas abjurer ou tu seras brûlée aujourd'hui même. (Procès, t. II. p. 17.)

Les règles canoniques se présentant à sa pensée, Erard paraît les vouloir observer. Il dit à Massieu « qu'il conseillât l'accusée sur cela ». Massieu explique alors à Jeanne, non ce que c'est que d'abjurer, mais qu'elle s'expose à être « arse (brûlée), si elle allait à l'encontre des articles » de la cédule qu'Erard venait de lui lire. (Ibid) Erard, mécontent, défend à Massieu de lui parler davantage. — Prohibuit Erard dicta loquenti ne amplius cum dicta Johanna loqueretur. (Procès, t. II, p. 331.)

Peut-on dire, après cela, que l'Évêque de Beauvais ait voulu sérieusement que Jeanne comprît même le mot « abjurer » et qu'il lui en ait procuré le moyen?

A suivre : La Pucelle comprit-elle la formule qui lui fut lue et qu'elle signa?

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L'Abjuration du Cimetière  SAINT - OUEN (complet) - Page 3 Empty Re: L'Abjuration du Cimetière SAINT - OUEN (complet)

Message  Louis Ven 4 Mai 2012 - 10:20

L'ABJURATION

DE

JEANNE D'ARC

Chapitre VII

LES JUGES DE LA PUCELLE ET L ABJURATION.
DROIT NATUREL ET DROIT CANONIQUE.


(suite)

III.

Les juges de la Pucelle lui firent-ils comprendre
ce qu'ils la contraignirent à faire au cimetière Saint-Ouen ?


La Pucelle comprit-elle la formule qui lui fut lue et qu'elle signa?

Posons nettement la question.

Nous ne recherchons pas si la Pucelle comprît ce qui se passa à l'abjuration, les promesses qui lui furent faites, les menaces qu'on lui fit entendre; mais si elle comprit le formulaire de l'abjuration dans son sens dernier, ou seulement en partie, ou pas du tout.

Les témoins s'accordent à déposer qu'elle ne comprit pas le formulaire et qu'aucune explication ne lui en fut donnée.

« Jeanne, dit Guillaume Colles, l'un des trois notaires officiels, ne comprenait rien à la cédule, et elle ne lui fut pas exposée. — Ipsa Johanna nullo modo intelligebat, nec (schedula) fuit sibi exposita. » (Procès, t. III, p. 164.)

G. Manchon dit également que, à part l'article des habits d'homme, et probablement aussi ceux du port des armes et des cheveux ras, la Pucelle disait n'avoir compris. — De aliis quæ dicebantur per ea abjurata, dicebat nihil de contentis in eadem abjuratione intellexisse. (Procès, t. III, p. 149.)

Nous venons de voir maître Erard défendre à J. Massieu d'adresser la parole à l'accusée. Mais déjà le digne prêtre s'était aperçu — il nous l'apprend en sa déposition — « que la Pucelle ne comprenait pas la cédule, pas plus que le danger qui la menaçait. — Bene videbat loquens quod ipsa Johanna non intelligebat dictam schedulam, nec periculum quod sibi imminebat. » (Procès, t. III, p. 157.)

Entendons Jeanne elle-même.

Dans le dernier interrogatoire qu'on lui fit subir, « elle dit n'avoir pas compris ce qui était contenu dans la cédule de l'abjuration. — Item, dtxit quod illud quod continebatur in schedula abjurationis, ipsa non intelligebat. » (Procès, t. I, p. 458.)

Il n'y a rien d'étonnant à cela. Dans le tumulte qui se produit, en face du bourreau et du bûcher, invectivée d'un côté par Erard, tirée d'un autre par J. Massieu, préoccupée par P. Cauchon qui poursuit la lecture de la sentence, par les Anglais qui crient, par le bourreau qui approche sa charrette, par l'image terrifiante du bûcher, comment la jeune fille aurait-elle compris l'embrouillée formule ?

Mais, enfin, qu'est-ce que Jeanne n'a pas compris et pourquoi n'a-t-elle pas compris? La déposition de J. Massieu jette un jour sur cette question.

« Je voyais bien, dit-il, que Jeanne ne comprenait ni la cédule, ni le péril où elle se mettait. — Bene videbat loquens quod ipsa Johanna non intelligehat dictam schedulam, nec periculum quod sibi imminebat. » (Procès, t. III, p. 157.)

Quel était donc le péril caché en la cédule? En quoi consistait-il ?

Le voici : la cédule, nous l'avons déjà dit, était inoffensive en ce qui concernait le port des armes, la coupe des cheveux et même le port de l'habit d'homme, mais elle contenait un acte de soumission au jugement de l'Église.

Entendue en son sens naturel, obvie, cette déclaration de soumission n'avait rien qui poussât à l'abîme…

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