LES DÉVIATIONS DE L'ART.

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Message  Roger Boivin Mer 14 Sep 2011, 12:47 am

Rien, fait observer Léon XIII, (1) ne saurait être dit ou imaginé de plus absurde et de plus contraire au bon sens que cette assertion : l'homme, étant libre par nature, se trouve exempt de toute contrainte juridique. Au contraire, le fait même de notre liberté naturelle, sujette à tous les écarts, réclame impérieusement l'empire et les directions d'une loi. C'est la loi qui guide l'homme dans ses actions, et c'est elle qui, par la sanction des récompenses et des peines, l'invite à bien faire et le détourne du péché.

D'où il appert que l'art ne saurait s'autoriser d'une liberté sans bornes ; que la liberté morale de tout écrire, de tout sculpter, et de tout peindre, réclamée par des voix audacieuses, n'existe pas ; que les artistes sont justiciables de la loi, de la loi naturelle gravée au fond des consciences, de la loi religieuse, et de la loi civile ; qu'une censure de ces divers tribunaux peut légitimement les atteindre ; et que, pour y échapper, ils n'ont qu'un moyen, d'ailleurs très sûr et très honorable : consulter les lumières de la saine raison, les prescriptions de la foi, et le sens commun de la tradition chrétienne.

Partout, au sein des classes qui forment le monde social, la liberté se voit enclose, par des lois et des règlements, dans de justes limites. La nature matérielle elle-même où l'homme exerce son activité, n'est-elle pas soumise à un régime de coercition ? N'a-t-elle pas des digues pour contenir ses torrents ? des voiles pour protéger sa pudeur ? des cages de fer pour claquemurer ses fauves ? Pourquoi l'art qui s'inspire de la nature, et dont s'honore la société, se déroberait-il à tout contrôle, à toute loi et à toute censure compétente ?

Revendiquerait-il, par hasard, le droit de s'égarer, d'égarer et de scandaliser le public ?


(1). Encycl. Libertas prœstantissimum.
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Message  Roger Boivin Mer 14 Sep 2011, 8:14 am

Il n'y a pas, quoi qu'on prétende, de droit à l'erreur et au mal. Le contraire est un non-sens. Dans une solide étude sur les droits de la vérité, le R. P. Philippe, rédemptoriste, écrivait récemment (1) : " Dire que la vérité seule a des droit, c'est déclarer tout à la fois que l'intelligence, faite pour posséder la vérité, a le droit de n'être pas induite en erreur ;c'est dire surtout que l'objet connu a le droit de n'être pas connu autrement qu'il n'est et celui d'être connu tel qu'il est. L'infirmité de l'intelligence humaine peut être telle qu'elle ne conçoive pas dans sa perfection l'essence d'un être. Il n'en reste pas moins que ce qu'elle conçoit doit être conforme à ce qui est. Qui ne voit la conclusion que l'on doit tirer immédiatement de là ? Une conception de l'intelligence qui ne répond à aucune réalité objective, ne correspond à rien, c'est-à-dire que pour elle le néant a pris la place de l'objet. Or, c'est une vérité de la Palisse, le néant ou le non-être ne peut avoir de droits, puisqu'il n'est pas.

L'erreur n'a pas de droits, et le mal issu d'une erreur pratique, n'en a pas davantage. Le droit n'implique pas seulement la faculté d'agir ; il exige, de la part de cette faculté, une action conforme à la loi morale et au jugement éclairé de la raison. Et lorsque les actes humains se portent vers le mal, l'énergie déréglée d'où ils procèdent fonctionnent en marge du droit ou mieux contre lui. Elle blesse très souvent les droits de l'homme ; par le fait même du désordre qu'elle entraîne, elle s'insurge contre les droits de Dieu.

L'essence du bien et de la vérité, dit Léon XIII (2), ne peut changer au gré de l'homme, mais elle demeure toujours la même, et, non moins que la nature des choses, elle est immuable. Si l'intelligence adhère à des opinions fausses, si la volonté choisit le mal et s'y attache, ni l'une ni l'autre de ces facultés n'en est grandie, toutes deux déchoient de leur dignité propre et se corrompent. Il n'est donc pas permis de mettre au jour et d'exposer aux yeux des hommes ce qui est contraire à la vertu et à la vérité, et bien moins encore de couvrir cette licence du manteau et de la tutelle des lois.


(1). Docum. cathol. ( 24 mars 1923 ).

(2). Encycl. Immortale Dei.
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Message  Roger Boivin Mer 14 Sep 2011, 4:17 pm

IV


C'est donc avec raison qu'on appelle déviations de l'art les œuvres où l'habilité technique, même parfois la plus marquée, se dépare et se déshonore par des expressions d'idées malsaines, des descriptions lubriques, des apologies du vice, des représentations indécentes, scandaleuses, perversement suggestives.

Et l'Eglise, établie par le Rédempteur des hommes, non seulement pour garder intact le dépôt de la foi, mais aussi pour protéger la morale dans tous les domaines, manquerait gravement à son devoir, si elle ne surveillait d'un œil attentif le mouvement artistique et ne proscrivait, au besoin, l'art coupable. Elle use de cette vigilance. Elle montre ce courage.

Son attitude, vue d'un seul angle, peut paraître sévère ; elle n'est que prudente, clairvoyante et juste.

Les règles de l'Index, si souvent attaquées par les apôtres d'une tolérance licencieuse ou frivole, ont été maintes fois l'objet d'études justificatrices et vengeresses. La législation ecclésiastique, telle que remaniée dans le Code de Droit Canonique sous Pie X, maintient, en substance, dans toute sa rigueur l'antique discipline. (1)

Tout récemment le Saint-Office, dans une communication faite aux évêques, (2) invitait les Ordinaires à prendre des mesures envers les écrivains oublieux du sens catholique dans leur appréciation des œuvres littéraires ou artistiques.

Il marquait, par là même, les devoirs et les responsabilités de l'art. Voici ses paroles :

Il arrive assez fréquemment que certains écrivains, même parmi ceux que l'on considère comme de bons catholiques, dans des journaux ou des revues, louent, exaltent, approuvent des livres, des écrits, des peintures, des sculptures, ou autres productions de la pensée et de l'art contraires à la doctrine catholique ou au sens chrétien, productions parfois formellement condamnées par le Saint-Siège. Or, il est aisé de comprendre quels graves scandales pour les fidèles, quels dommages pour la foi et les mœurs peuvent résulter d'écarts semblables, lorsqu'ils passent inaperçus et impunis sous les yeux des pasteurs des âmes.

Et le Saint-Office, par la voix de son Eminentissime Secrétaire, pressait les évêques de prévenir pareil malheur par l'action la plus prompte et le contrôle le plus énergique.


(1). C. D. C., 1. III, tit. XXIII.

(2). Lettre du 15 mars 1923.
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Message  Roger Boivin Mer 14 Sep 2011, 5:18 pm

Rien de plus opportun, ni de plus raisonnable.

Nous avons énoncé plus haut, en étudiant la nature de l'art, les principes généraux qui régissent et rehaussent ce domaine. Ces principes, justement appliqués, dictent à l'art des limites que celui-ci ne peut convenablement franchir.

Interrogeons à ce sujet l'incomparable penseur que nous nous plaisons à citer, et dont le sentiment, toujours si pondéré, mérite particulièrement qu'on s'y arrête : saint Thomas d'Aquin.

Dans sa Somme (1), l'angélique Docteur formule une distinction importante entre la faculté de bien agir et le bon usage de cette faculté, et il déclare (2) que " pour bien user de son art, l,artiste a besoin d'une vertu morale qui perfectionne sa volonté et qui la dirige dans l'exécution des œuvres artistiques. "

Pourquoi cela ?

C'est que, d'après le même Docteur, (3) il faut considérer dans celui qui se consacre aux travaux de l'art, tout ensemble l'artiste et l'homme. L'artiste, comme tel, vise une fin immédiate particulière, le triomphe de son art dans la réalisation d'une œuvre bien faite ; l'homme, en sa qualité d'homme, tend vers un but plus élevé et commun à tous ses semblables : la possession de Dieu, terme de toute vie humaine, la conquête du ciel par l'observation des préceptes moraux et des ordonnances divines. Or, fait remarquer saint Thomas, " toute fin particulière relève de la fin commune qui la conditionne ". Partant, une œuvre d'art, pour n'être pas défectueuse, doit non seulement ne pas pécher contre les règles essentielles de l'esthétique, mais encore ne pas heurter les lois de la conscience par lesquelles l'homme s'achemine vers sa fin dernière.

Ce raisonnement nous offre, en même temps qu'un témoignage de première valeur, la raison fondamentale des sévérités de l'Eglise contre les dérèglements de l'art.


(1). I-II, Q. LVII, art. 3.

(2). Ibid., ad 2.

(3). I-II, Q. XXI, art. 2 ad 2.


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Message  Roger Boivin Mer 14 Sep 2011, 5:28 pm

Universelle par son but et dans son essence, la loi morale gouverne tout dans le monde. Elle est, pour nous, l'expression de la loi éternelle.(1) Elle participe à l'empire absolu de Dieu, à la souveraineté générale de sa Providence. Elle domine, directement ou indirectement, la nature entière. L'homme lui est soumis avec toutes ses facultés, dans tous ses actes et dans toutes ses œuvres, œuvres scientifiques, œuvres sociales, œuvres politiques, œuvres artistiques. Ce que l'Eglise demande à l'artiste, c'est que, tout en soignant les travaux de son art, il ne dépouille pas sa qualité d'homme et (s'il a été baptisé) sa qualité de chrétien, créé par Dieu, fait définitivement pour Dieu, et assujetti dans son existence à toutes les divines volontés.

Et si la volonté de Dieu, les lois de l'ordre moral, les nécessités du salut, exigent de l'art le sacrifice de certaines hardiesses, de certaines crudités, de certaines peintures voluptueuses et fascinatrices, le sacrifice de ce qui captive l'imagination mais ravale l'esprit, de ce qui flatte les sens mais souille le cœur, de ce qui remue les passions sans pouvoir les contenir, de ce qui soulève les flots du mal sans pouvoir les calmer, de ce qui favorise une popularité de mauvais aloi mais tourne en dérision la vertu, l'artiste conscient de lui-même n'hésite pas à consentir ce que sa vocation lui prescrit. Il se classe, de ce fait, parmi les hommes de devoir. Il se hausse, par la noblesse de ses concepts et la dignité de son œuvre, jusqu'à l'idéal de la pensée divine, et il se grandit, par là même, non seulement aux yeux de Dieu, mais dans la conscience de l'humanité, dans l'estime des générations, et dans les jugements de l'histoire.


(1). Som. théol. I-II, Q. XCI, art. 2.

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Message  Roger Boivin Mer 14 Sep 2011, 7:25 pm

" L'art, a dit Ernest Hello,(1) est une ascension. Sa loi est de monter, et cette vérité générale explique ses tendances vraies ou fausses. Poussé par sa nature vers le type éternel des choses, il tend du côté de l'idéal. Son œil pénètre dans les choses pour scruter ce qu'il y a d'essentiel en elles. Il cherche par où elles tiennent à la vérité, et c'est par là qu'il les regarde. L'art est le souvenir de la présence universelle de Dieu. " Ces mots, en apparence énigmatiques, ne manquent pas d'une réelle profondeur. Ils s'accordent avec l'idée et la description véritable du beau, du beau divin répandu dans les créatures, et que l'artiste dont le regard n'est pas obnubilé, s'applique à bien saisir et à mettre en tout son relief.

Ils font également comprendre pourquoi s'imposent à l'art un devoir négatif et une tâche positive : un devoir négatif, tracé formellement par l'Eglise, qui est de ne blesser en rien, dans les écrits ou les représentations, la vérité qui rayonne de Dieu et la morale que cette vérité implique ; une tâche positive par laquelle l'artiste, selon les convenances du sujet qu'il traite, communique à son œuvre, tantôt un cachet expressément religieux, tantôt des traits de beauté et de vérité naturelle où se reflète en quelque façon, par la pureté des lignes, la lumière du regard, la richesse du coloris, les étincelles du ciel, la splendeur divine elle-même. C'est ce qui a fait dire au Père Félix(2) que " l'idéal de Dieu, pareille à un lustre suspendu sur le monde, éclaire d'un reflet de l'invisible toutes les beautés visibles ", et que, " par cette irradiation, elle ouvre au génie artistique les perspectives de l'infini. "


(1). L'homme, p. 380.

(2). Ouv. cit. pp. 124 et suiv.

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Message  Roger Boivin Mer 14 Sep 2011, 7:49 pm

V


Les partisans de l'absolue liberté de l'art se retranchent derrière des prétextes, des arguments, des raisonnements, dont il n'est pas difficile, croyons-nous, de montrer l'inanité.

La religion réprouve leurs procédés. Ils s'attaquent à la religion, et ils s'emportent contre l'Eglise qu'ils représentent comme hostile aux progrès artistiques. Est-il rien de moins fondé ?

Ceux qui ont visité la ville des Papes, les musées, les galeries, la bibliothèque du Vatican, et qui se sont arrêtés devant les superbes monuments d'architecture dus à la magnificence pontificale, savent jusqu'à quel point l'Eglise est désireuse d'associer au triomphe de la vérité et de la sainteté, sur le théâtre central de son action, les plus glorieuses manifestations de l'art.

Ce souci date des premiers siècles chrétiens. Il inspira le respect contenu et vigilant dont on ne cessa d'entourer les chefs-d’œuvre de l'art païen. Et à travers les persécutions prises pour garantir l'humaine faiblesse des séductions de cet art, tous les âges ont vu transparaître le ferme dessein d'épargner et de conserver, dans les œuvres du génie antique, ce qui mérite de l'être, et de faire servir ces œuvres, sagement interprétées ou heureusement transformées, à la glorification de Dieu.
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Message  Roger Boivin Mer 14 Sep 2011, 8:18 pm

Le célèbre mouvement de la renaissance des XVe et XVIe siècles n'a pas été exempt de graves écarts. (1) Il atteste, du moins, hautement combien le sens du beau, dans la pensée ecclésiastique, s'harmonise avec le culte du vrai et du bien.

Il existe un document de Léon XIII,(2) qui est un modèle de style, où le grand Pape, humaniste autant que théologien, s'est plu à célébrer les gloires de la littérature gréco-latine.

De son côté, Benoît XV, à l'occasion du sixième centenaire de la mort de Dante Alighieri, n'a pas cru, naguère, pouvoir s'abstenir de faire, dans une lettre solonnelle, l'éloge (3) de ce poète italien si justement renommé. Le Souverain Pontife exalte dans Alighieri l'artiste et le chrétien, artiste d'autant plus remarquable qu'il a su s'inspirer de doctrines plus élevées.

Il convient, dit-il, d'admirer la prodigieuse ampleur et la pénétration de son génie. Mais il faut se souvenir également qu'une grande part de sa force a été puisée dans la foi divine ; ce qui explique que Dante soit redevable de la beauté de son œuvre principale autant aux splendeurs variées de la vérité révélée qu'à toutes les ressources de l'art.


(1). Nous en parlons dans notre volume de Droit public de l'Eglise, L'Eglise et l'Education, Ie P., ch. IX.

(2). Bref Plane quidem, 20 mai 1885.

(3). Encycl. In prœclara summorum, 30 avril 1921.

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Message  Roger Boivin Mer 14 Sep 2011, 8:19 pm

Non, il n'est pas juste d'affirmer que l'Eglise n'a aucun souci des formes artistiques, qu'elle s'oppose à la culture de l'art : elle n'en méprise que les déchéances ; elle n'en proscrit que les abus.

Ces abus, nos adversaires refusent de les admettre. Ils réclament, pour les hommes d'art et de lettres la liberté des peintures vives et des accents passionnels, d'une mise en scène scabreuse, désinvolte, où s'étalent tous les désordres et toutes les convoitises, des luttes violentes d'instincts, d'appétits et d'intérêts qui amorcent la curiosité et assurent à l'artiste les plus éclatants succès.

" Je pourrais répondre, c'est le Révérend Père Janvier qui parle, (1) que Fra Angelico atteint au sommet de l'art sans recourir à cet étalage de nudité, en faveur aujourd'hui ; que Bossuet est un écrivain sans rival, bien qu'il ait toujours été d'une pudeur scrupuleuse ; que le génie de Racine s'est surpassé dans Esther et Athalie, bien qu'il n'y ait introduit aucune des intrigues capables d'émouvoir les sens. Il me semble plus simple de trancher la question en rappelant que l'art est sujet de la religion ; que, en cas de conflit, il doit soumettre ses lois à celles de l'Evangile. "


(1). Docum. cath. (10 mars 1923), p. 640.
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Message  Roger Boivin Jeu 15 Sep 2011, 8:00 am

Pour être véridique, ne faut-il pas, réplique-t-on, dépeindre la nature telle qu'elle est, dans tout ce qu'elle a de réel, dans ses faiblesses comme dans sa puissance, dans son péché comme dans sa vertu, dans ses laideurs comme dans sa beauté ?

Hâtons-nous de le dire, l'imitation de la nature n'exige pas que l'on aille jusque là. Il y a des misères, des faiblesses, des laideurs naturelles que l'honnête homme ne nie pas, mais que, sans tomber dans le mensonge, il recouvre pudiquement d'un voile. " Si l'art, d'ailleurs, ne peut exactement imiter la nature, il peut faire mieux qu'elle ; s'il ne peut l'égaler, il peut la surpasser. Il y a quelque chose de mieux que le réel, c'est l'idéal ; que le particulier, c'est l'universel ; que l'individu, c'est l'espèce. "(1) C'est l'idée même de saint Thomas, lorsqu'il enseigne(2) que la nature fournit à l'art des sujets de travail, des principes d'inspiration, et que l'artiste s'en sert pour exécuter, d'après l'exemplaire conçu par sa pensée, son œuvre propre. L'art véritable consiste dans " l'unité harmonieuse de l'idéal et de la nature ; c'est la nature couverte des reflets de l'idéal ou l'idéal réfléchi dans la nature ; et c'est le propre du génie artistique de saisir la proportion où ces deux choses doivent s'unir pour faire éclater la splendeur de l'ordre, c'est-à-dire la beauté même. "(3)


(1). Vallet, ouv. cit., p. 277.

(2). In politic., 1. I, Prol.

(3). Félix, ouv. cit. 5e Conf. : le Réalisme dans l'art.

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Message  Roger Boivin Jeu 15 Sep 2011, 1:46 pm

Que dire donc de cette prétention que l'art est indépendant dans le champ distinct qui est le sien, que l'on ne saurait lui contester une autonomie absolue s'exprimant par cette formule : l'art pour l'art ?

Il y a dans ces paroles, et dans la doctrine qu'elles traduisent, une dangereuse équivoque.

L'art, sans doute, se meut dans une sphère spéciale d'action qui a son objet, ses règles et ses méthodes : le but immédiat où tend son effort, c'est l’œuvre artistique. Mais de même que les sciences humaines, autonomes en soi, ne sont pas, pourtant, libres de toute dépendance vis-à-vis de la théologie ou de la science de Dieu, et de même que la société politique, souveraine dans sa sphère, n'en est pas moins subordonnée à la société religieuse ; ainsi l'art, tout en jouissant de l'autonomie qui lui est propre, relève en dernier ressort de cette loi supérieure - loi naturelle, loi éternelle, - qui gouverne tous les actes humains et toutes les œuvres humaines.

Nous avons montré suffisamment comment se justifie cette subordination nécessaire. Ajoutons, en terminant, le témoignage d'un philosophe laïque dont le nom, pour la France moderne, est une gloire. " L'art, dit M. Jacques Maritain,(1) n'a aucun droit contre Dieu. Il n'y a pas de bien contre Dieu, ni contre le Bien final de la vie humaine. L'art est libre dans son domaine, mais son domaine est subordonné. Il est soumis à une régulation extrinsèque qui lui est imposée au nom d'une fin plus haute et plus nécessaire que la sienne. "


(1). Art et scolastique, IX ((Paris, 1920).

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Message  Roger Boivin Jeu 15 Sep 2011, 2:24 pm

VI


La conclusion de cette étude, c'est que, du haut de toutes les chaires et de toutes les tribunes qui influent salutairement sur l'opinion, il importe de bien former et de bien éclairer, en matière d'art, la conscience chrétienne.

C'est là un sujet très pratique, et qui se rattache tout ensemble à la philosophie, à la théologie, aux intérêts les plus graves de l'ordre social et de la vie nationale.

Le philosophe, par la seule raison naturelle, démontre que la loi imprimée par le Créateur dans nos âmes atteint toutes nos actions ; qu'elle jouit d'une autorité morale à laquelle rien n'échappe ; que ni prose, ni vers, ni toiles, ni dessins, ni bronzes, ne peuvent y contrevenir, sans outrepasser les limites du droit.

De son côté, le théologien bien instruit des enseignements de l'Eglise, et qui fouille de son regard le fond des consciences, se rend compte de l'immensité des ravages causés, dans le domaine des mœurs, par des écrits empoisonnés, par de mauvais romans, de mauvais théâtres, de mauvais spectacles. Sa conviction est vite faite. L'art, quel qu'il soit, ne saurait s'arroger, à l'encontre des préceptes divins et des prescriptions ecclésiastiques, une indépendance fatale à l'honnêteté, et où sombre la beauté, vraiment noble, elle-même.(1) C'est là un principe d'importance primordiale dont il faut que jeunes et vieux se pénètrent, de nos jours surtout où la thèse contraire se propage si rapidement et recrute de si nombreux adeptes.


(1). " Le beau est l'harmonie du vrai et du bien dans une même chose, la splendeur confondue de l'un et de l'autre. " (Lacordaire, Lettres à des jeunes gens, 7e éd., p. 259).
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Message  Roger Boivin Jeu 15 Sep 2011, 2:45 pm

Et pendant que les chefs religieux se voient forcés de dénoncer l'art malhonnête et de mettre les fidèles en garde contre ses méfaits, c'est le devoir des pouvoirs profanes d'appuyer cette attitude, de sauvegarder par un contrôle sérieux et une censure courageuse la moralité publique, et de protéger l'art contre ses propres défaillances.(1)

L'expérience a cent fois prouvé que les œuvres littéraires et artistiques dont le flot, déferlant du dehors, monte parmi nous sans cesse, ont besoin d'être filtrées, et qu'il y a pour nous, dans ce travail de discernement, l'exercice d'une judicature intellectuelle à laquelle nous ne pouvons renoncer sans compromettre notre avenir.

Les élans de l'art vers un idéal que la raison et la religion suggèrent, ajoutent à la civilisation un prix singulier.

Les déviations de l'art, en égarant l'esprit et le goût du public, sèment dans les foyers, et au sein des nations, des germes funestes de corruption individuelle et de décadence sociale.


(1). Saint Thomas, après Platon, veut que " soient extirpés de la cité par les soins du Prince " les objets d'art qui, sans être en eux-mêmes illicites, portent dans le plus grand nombre de cas au péché. (Som. théol. II-II, Q. CLXIX, art. 2 ad 4).


FIN
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